ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
1er août 2025 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Marques – Directive (UE) 2015/2436 – Article 10 – Droits exclusifs du titulaire d’une marque enregistrée de s’opposer à l’usage par un tiers d’un signe identique ou similaire à cette marque – Action en contrefaçon – Limitations des droits exclusifs du titulaire de ladite marque – Article 9 et article 18, paragraphe 1 – Forclusion pour tolérance – Caractère exhaustif des conditions dans lesquelles cette forclusion peut intervenir – Inapplicabilité d’un principe général de droit
national prévoyant la forclusion du droit d’interdire l’usage d’un signe dans des situations autres que celles prévues à ces articles »
Dans l’affaire C‑452/24,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Korkein oikeus (Cour suprême, Finlande), par décision du 26 juin 2024, parvenue à la Cour le 26 juin 2024, dans la procédure
Lunapark Scandinavia Oy Ltd
contre
Hardeco Finland Oy,
LA COUR (huitième chambre),
composée de M. S. Rodin, président de chambre, M. N. Piçarra et Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), juges,
avocat général : M. D. Spielmann,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour Lunapark Scandinavia Oy Ltd, par Me J. Hatanmaa, asianajaja,
– pour le gouvernement finlandais, par Mme M. Pere, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par Mmes P. Němečková, J. Samnadda et T. Sevón, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 10 de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2015, L 336, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Lunapark Scandinavia Oy Ltd (ci-après « Lunapark ») à Hardeco Finland Oy (ci-après « Hardeco ») au sujet de la commercialisation par cette dernière société des produits de confiserie qui porteraient atteinte à la marque dont est titulaire Lunapark.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Le considérant 10 de la directive 2015/2436 énonce :
« Il est essentiel de faire en sorte que les marques enregistrées jouissent de la même protection dans les systèmes juridiques de tous les États membres. [...] »
4 L’article 9 de cette directive, intitulé « Forclusion du demandeur en nullité pour tolérance », est libellé comme suit :
« 1. Le titulaire d’une marque antérieure telle que visée à l’article 5, paragraphe 2, ou à l’article 5, paragraphe 3, point a), qui a toléré, dans un État membre, l’usage d’une marque postérieure enregistrée dans cet État membre pendant une période de cinq années consécutives en connaissance de cet usage ne peut plus demander la nullité, sur la base de cette marque antérieure, pour les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été utilisée, à moins que l’enregistrement de
la marque postérieure n’ait été demandé de mauvaise foi.
2. Les États membres peuvent prévoir que le paragraphe 1 du présent article s’applique au titulaire de tout autre droit antérieur visé à l’article 5, paragraphe 4, point a) ou b).
3. Dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2, le titulaire d’une marque postérieure enregistrée ne peut pas s’opposer à l’usage du droit antérieur bien que ce droit ne puisse plus être invoqué contre la marque postérieure. »
5 L’article 10 de ladite directive, intitulé « Droits conférés par la marque », dispose :
« 1. L’enregistrement d’une marque confère à son titulaire un droit exclusif sur celle-ci.
2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité de la marque enregistrée, le titulaire de ladite marque enregistrée est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d’un signe lorsque :
a) le signe est identique à la marque et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ;
b) le signe est identique ou similaire à la marque et est utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion ; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque ;
c) le signe est identique ou similaire à la marque, indépendamment du fait qu’il soit utilisé pour des produits ou des services qui sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’État membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice.
[...] »
6 L’article 18 de la même directive, intitulé « Droit d’intervention du titulaire d’une marque enregistrée postérieurement comme moyen de défense dans une procédure en contrefaçon », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Lors d’une procédure en contrefaçon, le titulaire d’une marque ne peut interdire l’usage d’une marque enregistrée postérieurement lorsque cette marque postérieure n’aurait pas été déclarée nulle en vertu de l’article 8, de l’article 9, paragraphe 1 ou 2, ou de l’article 46, paragraphe 3. »
Le droit finlandais
7 La directive 2015/2436 a été transposée dans l’ordre juridique finlandais par la tavaramerkkilaki (544/2019) [loi relative aux marques (544/2019)], du 26 avril 2019, laquelle est entrée en vigueur le 1er mai 2019.
8 Conformément à l’article 5 de la loi relative aux marques, il est interdit de faire usage dans la vie des affaires, sans le consentement du titulaire de la marque, pour des produits ou des services, d’une part, d’un signe identique à une marque enregistrée ou acquise par l’usage pour des produits ou services identiques et, d’autre part, d’un signe susceptible de créer une confusion dans l’esprit du public, parce qu’il est identique ou similaire à une marque acquise par l’enregistrement ou par
l’usage pour des produits ou services identiques ou similaires.
9 En vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la loi relative aux marques, le titulaire d’une marque a le droit d’interdire l’utilisation d’un signe, au sens de l’article 5 de cette loi, notamment en faisant usage de ce signe pour des produits ou des services, en l’apposant sur le conditionnement de produits ou en offrant, en mettant sur le marché ou en important des produits sous ledit signe.
10 Aux termes de l’article 15 de ladite loi, relatif à l’effet de l’inactivité du titulaire de la marque, le droit exclusif conféré par une marque est maintenu, parallèlement à une marque antérieure, si l’enregistrement de la marque postérieure a été demandé de bonne foi ou si la marque postérieure acquise par l’usage a été utilisée de bonne foi et si le titulaire de la marque antérieure n’a pas pris de mesures pour empêcher l’usage de la marque postérieure dans un délai de cinq ans à compter du
moment où il a eu connaissance de cet usage.
11 L’article 62 de la même loi prévoit que, lorsqu’une personne porte atteinte à un droit exclusif sur une marque, le juge peut, sous peine d’astreinte, lui interdire de poursuivre ou de répéter l’acte à l’origine de cette atteinte.
12 Aux termes de l’article 63, paragraphe 1, point 1, de la loi relative aux marques, le juge ne peut pas interdire l’usage d’une marque postérieure si le titulaire de la marque antérieure concernée est resté inactif, au sens de l’article 15 de cette loi.
13 L’article 70 de ladite loi fixe le délai de prescription du droit à indemnisation et à dommages-intérêts pour violation du droit de marque et prévoit, à son paragraphe 1, qu’une indemnisation et des dommages‑intérêts ne peuvent être réclamés que pour la période de cinq ans précédant l’introduction de l’action introduite à cet effet.
Le litige au principal et la question préjudicielle
14 Lunapark est titulaire de la marque DRACULA déposée le 29 août 2003 et enregistrée le 14 août 2009 sous le numéro 246144 pour des produits de confiserie. Elle importe et met sur le marché finlandais de tels produits sur les emballages desquels figurent la marque verbale DRACULA et des signes figuratifs qui représentent le personnage de Dracula.
15 Avant l’enregistrement de cette marque par Lunapark, Karkkimies Oy – Candyman Ltd (ci-après « Karkkimies ») importait et mettait sur ce marché des produits de confiserie portant le signe Dracula. Karkkimies ne disposait, sur les signes qu’elle utilisait, d’aucun droit exclusif acquis par l’enregistrement ou par l’usage et aucun accord concernant le droit d’utiliser la marque DRACULA n’existait entre elle et Lunapark.
16 Le 31 octobre 2019, Hardeco a acquis Karkkimies, dont elle a continué l’activité. Ainsi, à partir du mois de novembre 2019, Hardeco a commencé à importer et à mettre sur ledit marché des produits de confiserie sur les emballages desquels figuraient le mot « Dracula » ainsi que des signes figuratifs représentant le personnage correspondant.
17 Le 6 octobre 2020, Lunapark a introduit un recours devant le markkinaoikeus (tribunal des affaires économiques, Finlande), par lequel elle a demandé à cette juridiction de constater que le comportement de Hardeco portait atteinte à son droit exclusif sur la marque DRACULA, d’interdire cette contrefaçon et d’être indemnisée du préjudice en résultant.
18 Hardeco a conclu au rejet de ce recours au motif, notamment, que Lunapark avait perdu son droit d’agir en contrefaçon de la marque DRACULA, du fait de son inactivité. Hardeco a allégué qu’elle se limitait à poursuivre une pratique de longue date de Karkkimies, à laquelle Lunapark ne s’était jamais opposée.
19 Par un arrêt du 21 décembre 2022, le markkinaoikeus (tribunal des affaires économiques) a constaté que le signe et la marque en conflit étaient identiques et utilisés pour les mêmes produits et que l’usage de ce signe par Hardeco créait dans l’esprit du public pertinent un risque de confusion avec la marque DRACULA. Cette juridiction a considéré que l’utilisation parallèle pendant une longue période des mêmes signes par Lunapark et Karkkimies n’avait pas éliminé ce risque, car cette utilisation
n’avait pas conduit ce public à distinguer les confiseries importées par l’une de ces sociétés de celles importées par l’autre.
20 Ladite juridiction a toutefois rejeté les demandes de Lunapark. Selon elle, les dispositions de la loi relative aux marques concernant les conséquences de l’inactivité du titulaire d’une marque n’étaient pas applicables en l’espèce, car Hardeco ne disposait pas d’un droit exclusif sur les signes qu’elle utilisait. Toutefois, en vertu d’un principe largement ancré dans le droit privé finlandais, un demandeur doit introduire son action ou faire valoir son droit dans un délai raisonnable après qu’il
a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance des faits sur lesquels sa prétention est fondée. En l’occurrence, l’inactivité de Lunapark aurait duré si longtemps qu’elle aurait entraîné la déchéance de son droit d’intenter une action en contrefaçon contre Hardeco en faisant valoir les droits conférés par la marque DRACULA. Le fait que le signe en question soit désormais utilisé par Hardeco à la place de Karkkimies serait dépourvu de pertinence, puisque l’activité de Hardeco concernait les
mêmes produits de confiserie que ceux mis sur le marché par Karkkimies, à l’égard desquels Lunapark est demeurée inactive.
21 Lunapark a formé un pourvoi contre l’arrêt du markkinaoikeus (tribunal des affaires économiques) devant le Korkein oikeus (Cour suprême), qui est la juridiction de renvoi.
22 À l’appui de son pourvoi, Lunapark fait valoir que le principe général du droit privé, invoqué par le markkinaoikeus (tribunal des affaires économiques), ne saurait être appliqué en l’occurrence, car cela reviendrait à restreindre le droit exclusif conféré par une marque à son titulaire, en violation de la directive 2015/2436. En outre, Lunapark soutient qu’elle a, en tout état de cause, agi dans un délai raisonnable à l’encontre du comportement de Hardeco, son inactivité à l’égard de Karkkimies
ne pouvant, en aucun cas, bénéficier à Hardeco. En revanche, Hardeco allègue qu’aucune disposition de cette directive ne fait obstacle à ce que ledit principe général du droit privé s’applique en l’occurrence et à ce que l’inactivité du titulaire d’une marque ait les conséquences prévues sur le droit de ce titulaire d’interdire l’usage de cette marque.
23 Selon la juridiction de renvoi, la question de savoir si l’article 10, paragraphes 2 et 3, de la directive 2015/2436 s’oppose à l’application d’un tel principe n’a pas encore été abordée dans la jurisprudence de la Cour.
24 C’est la raison pour laquelle la juridiction de renvoi se demande si le titulaire d’une marque peut, en raison de son inactivité, perdre son droit d’interdire à un tiers d’utiliser un signe d’une manière qui porte ou est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de cette marque dans une situation autre que celle de la forclusion pour tolérance prévue par la directive 2015/2436.
25 Dans ces conditions, le Korkein oikeus (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 10 de la directive [2015/2436] s’oppose-t-il à l’application, dans un litige portant sur une contrefaçon de marque, d’un principe national en vertu duquel le titulaire d’une marque pourrait, également dans une autre situation que celle visée à l’article 18, paragraphe 1, et à l’article 9, paragraphe 1 ou 2, de cette directive, être déchu du droit, que lui confère l’article 10, paragraphes 2 et 3, de ladite directive, d’interdire à un tiers d’utiliser un signe dont l’usage porte
atteinte ou est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de la marque, au motif que lui-même, ayant connaissance de l’usage de ce signe, n’en a pas demandé l’interdiction dans un délai raisonnable ? »
Sur la question préjudicielle
26 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 10 de la directive 2015/2436 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’applicabilité d’un principe général de droit national qui prévoit la forclusion du droit du titulaire d’une marque enregistrée d’interdire l’usage par un tiers d’un signe identique ou similaire à cette marque pour des produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels ladite marque a été enregistrée, dans une situation autre que celle
visée à l’article 18, paragraphe 1, de cette directive, lu en combinaison avec l’article 9, paragraphe 1 ou 2, de celle-ci.
27 Afin de répondre à cette question, il y a lieu de rappeler, d’une part, que, en vertu de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2015/2436, l’enregistrement d’une marque confère à son titulaire un droit exclusif sur celle-ci. Conformément à l’article 10, paragraphe 2, de cette directive, ce titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires, d’un signe identique ou similaire à cette marque, lorsque les conditions visées
aux points a), b) ou c), de ce paragraphe 2 sont satisfaites.
28 L’article 10 de la directive 2015/2436 procède à une harmonisation complète des règles relatives aux droits conférés par la marque et définit le contenu matériel des droits dont jouissent les titulaires de marques dans l’Union européenne [arrêt du 27 octobre 2022, Soda-Club (CO2) et SodaStream International, C‑197/21, EU:C:2022:834, point 33 ainsi que jurisprudence citée].
29 D’autre part, l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2015/2436 limite le droit du titulaire d’une marque d’interdire l’usage d’une marque enregistrée postérieurement, lors d’une procédure en contrefaçon, lorsque cette marque postérieure n’aurait pas été déclarée nulle, notamment, en vertu de l’article 9, paragraphe 1 ou 2, de cette directive, relatif à la forclusion du demandeur en nullité pour tolérance.
30 Conformément à cette dernière disposition, le titulaire d’une marque antérieure qui a toléré dans un État membre l’usage d’une marque postérieure enregistrée dans cet État membre pendant une période de cinq années consécutives en connaissance de cet usage ne peut plus demander la nullité de cette marque postérieure, sur la base de cette marque antérieure, pour les produits ou les services pour lesquels ladite marque postérieure a été utilisée, à moins que l’enregistrement de la même marque
postérieure n’ait été demandé de mauvaise foi.
31 S’agissant, en particulier, de la forclusion pour tolérance lors d’une procédure de nullité, la Cour a jugé, au point 33 de l’arrêt du 22 septembre 2011, Budějovický Budvar (C‑482/09, EU:C:2011:605), que l’article 9 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), devenu l’article 9 de la directive 2015/2436, procède à une harmonisation complète des conditions dans lesquelles le titulaire
d’une marque postérieure enregistrée peut conserver son droit sur cette marque lorsque le titulaire d’une marque antérieure identique demande la nullité de ladite marque postérieure.
32 Eu égard au fait que tant l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2015/2436 que l’article 9, paragraphe 1 ou 2, de celle-ci, auquel renvoie la première de ces dispositions, visent un conflit potentiel entre deux marques enregistrées, cette jurisprudence portant sur la forclusion pour tolérance lors d’une procédure de nullité est transposable à la forclusion pour tolérance invoquée dans le cadre d’une action en contrefaçon intentée contre une marque enregistrée postérieurement.
33 Par conséquent, l’article 18, paragraphe 1, de cette directive procède à une harmonisation complète des conditions dans lesquelles les droits exclusifs conférés par une marque peuvent être limités en cas d’inactivité de son titulaire et ne prévoit que, sous certaines conditions, la tolérance d’une marque postérieure enregistrée, mais non celle d’un signe non protégé qui ne confère aucun droit exclusif.
34 Or, en l’occurrence, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, en dépit du fait que l’usage du signe Dracula par Karkkimies a commencé à une date antérieure à celle de l’enregistrement de la marque DRACULA par Lunapark, ni Karkkimies ni Hardeco n’ont acquis un droit exclusif sur ce signe ni par voie d’enregistrement ni par le fait de cet usage, ce qu’il appartiendra toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.
35 C’est dans ce contexte que, sans remettre en cause l’inapplicabilité dans le cadre de l’action en contrefaçon au principal de l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2015/2436, lu en combinaison avec l’article 9, paragraphe 1 ou 2, de cette directive, cette juridiction se demande toutefois si une limitation du droit conféré au titulaire de la marque DRACULA de s’opposer à l’usage du signe Dracula pouvait être fondée sur un principe général de droit national en vertu duquel l’inactivité du
titulaire d’une marque dans un délai raisonnable entraîne la forclusion de son droit.
36 À cet égard, ainsi qu’il résulte des motifs qui précèdent et que le fait valoir au demeurant le gouvernement finlandais dans ses observations écrites, une juridiction nationale ne saurait, dans le cadre d’un litige portant sur le droit exclusif conféré par une marque, limiter l’exercice de ce droit au-delà de ce qui est prévu à l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2015/2436, lu en combinaison avec l’article 9, paragraphe 1 ou 2, de celle-ci.
37 Une interprétation contraire de l’article 10 et de l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2015/2436 nuirait à l’objectif poursuivi par cette directive qui consiste notamment, ainsi que l’énonce son considérant 10, à assurer aux marques enregistrées une protection uniforme dans les systèmes juridiques de tous les États membres.
38 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 10 de la directive 2015/2436 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’applicabilité d’un principe général de droit national qui prévoit la forclusion du droit du titulaire d’une marque enregistrée d’interdire l’usage par un tiers d’un signe identique ou similaire à cette marque pour des produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels ladite marque a été enregistrée, dans une
situation autre que celle visée à l’article 18, paragraphe 1, de cette directive, lu en combinaison avec l’article 9, paragraphe 1 ou 2, de celle-ci.
Sur les dépens
39 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :
L’article 10 de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, rapprochant les législations des États membres sur les marques,
doit être interprété en ce sens que :
il s’oppose à l’applicabilité d’un principe général de droit national qui prévoit la forclusion du droit du titulaire d’une marque enregistrée d’interdire l’usage par un tiers d’un signe identique ou similaire à cette marque pour des produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels ladite marque a été enregistrée, dans une situation autre que celle visée à l’article 18, paragraphe 1, de cette directive, lu en combinaison avec l’article 9, paragraphe 1 ou 2, de celle-ci.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure : le finnois.