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01/08/2025 | CJUE | N°C-427/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Határ Diszkont Kft. contre Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága., 01/08/2025, C-427/23


 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

1er août 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 1er, paragraphe 2, article 2, paragraphe 1, sous c), et article 78 – Exonérations à l’exportation – Article 146, paragraphe 1, sous b) – Livraison de bien exonérée – Service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA à des acheteurs non-résidents dans l’Union européenne – Prestation unique – Prestations distinctes et indépendantes – Caract

ère principal ou accessoire d’une prestation –
Exonérations au titre de l’article 135, paragraphe 1, sous d), et de l’ar...

 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

1er août 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 1er, paragraphe 2, article 2, paragraphe 1, sous c), et article 78 – Exonérations à l’exportation – Article 146, paragraphe 1, sous b) – Livraison de bien exonérée – Service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA à des acheteurs non-résidents dans l’Union européenne – Prestation unique – Prestations distinctes et indépendantes – Caractère principal ou accessoire d’une prestation –
Exonérations au titre de l’article 135, paragraphe 1, sous d), et de l’article 146, paragraphe 1, sous e) – Protection de la confiance légitime – Base d’imposition »

Dans l’affaire C‑427/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Szegedi Törvényszék (cour de Szeged, Hongrie), par décision du 3 juillet 2023, parvenue à la Cour le 11 juillet 2023, dans la procédure

Határ Diszkont Kft.

contre

Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. I. Jarukaitis, président de chambre, MM. N. Jääskinen (rapporteur), A. Arabadjiev, M. Condinanzi et Mme R. Frendo, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 octobre 2024,

considérant les observations présentées :

– pour le gouvernement hongrois, par MM. D. Csoknyai, M. Z. Fehér et Mme K. Szíjjártó, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par M. V. Bottka, Mme J. Jokubauskaitė et M. A. Sipos, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 19 décembre 2024,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 2, de l’article 2, paragraphe 1, sous c), des articles 73 et 78, de l’article 135, paragraphe 1, sous d), et de l’article 146, paragraphe 1, sous e), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »), ainsi que du principe de protection de la confiance légitime.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Határ Diszkont Kft. (ci-après « Határ Diszkont ») à la Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága (direction des recours de l’administration nationale des impôts et des douanes, Hongrie) (ci-après la « direction des recours ») au sujet du refus, émis par cette dernière, d’accorder une exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les frais de gestion des dossiers de remboursement de la TVA à des acheteurs
non-résidents dans l’Union européenne.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive TVA dispose :

« À chaque opération, la TVA, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix. »

4 Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive :

« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :

a) les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ;

[...]

c) les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ;

[...] »

5 L’article 73 de ladite directive prévoit :

« Pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. »

6 Aux termes de l’article 78 de la même directive :

« Sont à comprendre dans la base d’imposition les éléments suivants :

a) les impôts, droits, prélèvements et taxes, à l'exception de la TVA elle-même;

b) les frais accessoires, tels que les frais de commission, d’emballage, de transport et d’assurance demandés par le fournisseur à l’acquéreur ou au preneur.

Aux fins du premier alinéa, point b), les États membres peuvent considérer comme frais accessoires ceux faisant l’objet d’une convention séparée. »

7 L’article 135, paragraphe 1, de la directive TVA dispose :

« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

d) les opérations, y compris la négociation, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l’exception du recouvrement de créances ;

[...] »

8 Aux termes de l’article 146, paragraphe 1, de cette directive :

« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

b) les livraisons de biens expédiés ou transportés par l’acquéreur non établi sur leur territoire respectif, ou pour son compte, en dehors de la Communauté [européenne], à l’exclusion des biens transportés par l’acquéreur lui-même et destinés à l’équipement ou à l’avitaillement de bateaux de plaisance et d’avions de tourisme ou de tout autre moyen de transport à usage privé ;

[...]

e) les prestations de services, y compris les transports et les opérations accessoires, à l’exception des prestations de services exonérées conformément aux articles 132 et 135, lorsqu’elles sont directement liées aux exportations ou importations de biens bénéficiant des dispositions prévues à l’article 61 et à l’article 157, paragraphe 1, point a). »

9 L’article 147 de ladite directive est libellé comme suit :

« 1.   Dans le cas où la livraison visée à l’article 146, paragraphe 1, point b), porte sur des biens à emporter dans les bagages personnels de voyageurs, l’exonération ne s’applique que lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) le voyageur n’est pas établi dans la Communauté ;

b) les biens sont transportés en dehors de la Communauté avant la fin du troisième mois suivant celui au cours duquel la livraison est effectuée ;

c) la valeur globale de la livraison, TVA incluse, excède la somme de 175 [euros] ou sa contre-valeur en monnaie nationale, fixée une fois par an, en appliquant le taux de conversion du premier jour ouvrable du mois d’octobre avec effet au 1er janvier de l’année suivante.

Toutefois, les États membres peuvent exonérer une livraison dont la valeur globale est inférieure au montant prévu au premier alinéa, point c).

2.   Aux fins du paragraphe 1, on entend par “voyageur qui n’est pas établi dans la Communauté” le voyageur dont le domicile ou la résidence habituelle n’est pas situé dans la Communauté. [...]

La preuve de l’exportation est apportée au moyen de la facture, ou d’une pièce justificative en tenant lieu, revêtue du visa du bureau de douane de sortie de la Communauté.

Chaque État membre communique à la Commission [européenne] un spécimen des cachets qu’il utilise pour délivrer le visa mentionné au deuxième alinéa. La Commission communique cette information aux autorités fiscales des autres États membres. »

Le droit hongrois

La loi relative à la TVA

10 L’article 70, paragraphe 1, de l’általános forgalmi adóról szóló 2007. évi CXXVII. törvény (loi no CXXVII de 2007, relative à la taxe sur la valeur ajoutée) (Magyar Közlöny 2007/155), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après la « loi relative à la TVA »), prévoit :

« Pour les livraisons de biens et les prestations de services, la base imposable comprend :

[...]

b) les frais accessoires que le fournisseur du bien ou le prestataire du service a répercutés sur l’acquéreur du bien ou sur le preneur du service, notamment : frais de commission ou autre type d’intermédiation, d’emballage, de transport et d’assurance ;

[...] »

11 Aux termes de l’article 86, paragraphe 1, de cette loi, sont exonérées de la taxe :

« [...]

d) les prestations de services relatives aux comptes courants, aux dépôts de fonds et aux comptes de clients, aux paiements, virements, chèques, autres créances en numéraire et instruments financiers, y compris la négociation, à l’exception du recouvrement de créance (impayés) lui-même ;

e) les prestations de services en rapport avec les moyens de paiement légaux hongrois et étrangers, y compris la négociation, à l’exception des monnaies et billets de collection, à savoir les pièces en or, en argent ou en autre métal, ainsi que les billets, qui ne sont pas normalement utilisés dans leur fonction comme moyen de paiement légal ou qui présentent un intérêt numismatique ;

[...] »

12 L’article 98, paragraphe 1, de ladite loi dispose :

« Sont exonérées de la taxe les livraisons de biens expédiés par voie postale ou transportés au départ du pays vers un pays hors de la Communauté, à condition que l’expédition ou le transport :

a) soit effectué par le fournisseur lui-même ou par un tiers agissant pour son compte ;

b) soit effectué par l’acquéreur lui-même ou par un tiers agissant pour son compte si les conditions supplémentaires prévues par les paragraphes 3 et 4 du présent article ou par les articles 99 et 100 de la présente loi sont réunies. »

13 L’article 99 de la même loi prévoit :

« 1.   Lorsque l’acquéreur est un voyageur étranger et que le ou les biens livrés [...] font partie des bagages personnels ou de voyage du voyageur étranger, il est nécessaire, pour l’application de l’exonération de l’article 98, paragraphe 1, que :

a) la contrepartie, taxe incluse, de la livraison de biens excède un montant équivalent à 175 euros,

b) le voyageur étranger démontre son statut à l’aide de documents de voyage ou d’autres documents délivrés par les autorités, reconnus par la Hongrie et servant à identifier la personne (ci-après conjointement les “documents de voyage”),

c) le fait que les biens ont quitté le territoire communautaire est attesté par l’autorité de sortie des produits du territoire de la Communauté au moyen de l’apposition d’un visa et d’un cachet sur un formulaire fourni à cet effet par l’administration fiscale de l’État ou tout autre formulaire autorisé par l’administration fiscale nationale contenant les données prévues au paragraphe 10 (ci-après conjointement le “formulaire de demande de remboursement de la taxe”), moyennant présentation
simultanée des biens livrés et de l’exemplaire original de la facture attestant l’exécution de la livraison de biens.

2.   Afin de pouvoir bénéficier de l’exonération, le vendeur des biens doit, en plus de l’émission d’une facture, remplir un formulaire de demande de remboursement de la taxe à la demande du voyageur étranger. Les données relatives à l’identification du voyageur étranger figurant sur la facture et sur le formulaire de demande de remboursement de la taxe ne doivent pas différer de celles figurant sur les documents de voyage. Le voyageur étranger est tenu de présenter les documents de voyage au
vendeur des biens. Le formulaire de demande de remboursement de la taxe ne peut contenir que les mentions relatives à la livraison de biens d’une seule facture, de sorte qu’elles ne peuvent être différentes de celles de la facture. Le formulaire de demande de remboursement de la taxe est établi en trois exemplaires par le vendeur des biens qui remet les deux premiers exemplaires au voyageur et garde le troisième exemplaire dans ses propres documents comptables.

3.   Lorsqu’elle atteste la sortie des biens visée au paragraphe 1, sous c), l’autorité douanière prélève auprès du voyageur le deuxième exemplaire du formulaire de demande de remboursement de la taxe revêtu d’un visa et d’un cachet.

4.   L’exonération de la taxe est soumise à la condition

a) que le vendeur des biens soit en possession du premier exemplaire du formulaire de demande de remboursement de la taxe revêtu d’un visa et d’un cachet visé au paragraphe 1, sous c), et

b) si la taxe a été perçue au moment de la livraison des biens, que le vendeur rembourse ladite taxe au voyageur étranger, conformément aux paragraphes 5 à 8.

5.   Le remboursement de la taxe peut être demandé au vendeur du bien par le voyageur étranger en personne ou par un mandataire agissant en son nom et pour son compte. Dans le cas où le voyageur étranger

a) agit en personne, il est tenu de présenter ses documents de voyage ;

b) n’agit pas en personne, la personne agissant en son nom et pour son compte doit joindre un mandat écrit établi à son nom.

6.   Afin d’obtenir le remboursement de la taxe, le voyageur étranger ou son mandataire

a) remet au vendeur des biens le premier exemplaire revêtu d’un visa et d’un cachet conformément au paragraphe 1, sous c), du formulaire de demande de remboursement de la taxe, et

b) présente au vendeur des biens l’exemplaire original de la facture attestant la livraison des biens.

7.   La taxe remboursée est due au voyageur étranger en forints [hongrois], et doit être payée en espèces. Le fournisseur des biens et le voyageur étranger peuvent toutefois convenir d’une monnaie et d’un mode de paiement différents.

8.   Le vendeur des biens doit également s’assurer que la facture attestant la livraison des biens ne donne pas de nouveau droit à remboursement de la taxe. À cette fin, la mention “TVA régularisée” doit être inscrite dans l’original de la facture, avant restitution [au voyageur], et le vendeur des biens doit faire une photocopie de la facture ainsi annotée et la conserver dans ses archives.

[...] »

14 Aux termes de l’article 102, paragraphe 1, de la loi relative à la TVA, sont également exonérées de la taxe les prestations de services lorsqu’elles sont directement liées à des biens :

« [...]

b) qui quittent le territoire de la Communauté sous le régime de l’exportation et qui ont fait l’objet d’une attestation de sortie du territoire de la Communauté établie par l’autorité visée à l’article 98, paragraphe 2, sous a) ;

[...] »

La loi no LXXIV de 1992, relative à la taxe sur la valeur ajoutée

15 L’az általános forgalmi adóról szóló 1992. évi LXXIV. törvény (loi no LXXIV de 1992, relative à la taxe sur la valeur ajoutée) (Magyar Közlöny 1992/128), en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007, incluait dans la liste des livraisons de biens et des prestations exonérées, en vertu de l’article 30, paragraphe 1, de cette loi, lu en combinaison avec l’annexe 2 de ladite loi, « les remboursements de taxes effectués par un commerçant en faveur d’un voyageur étranger en application d’une disposition
spéciale ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

16 Au cours de l’année 2020, Határ Diszkont a vendu différentes marchandises à des acheteurs non-résidents dans l’Union dans son magasin de Tompa (Hongrie), à proximité de la frontière serbo-hongroise.

17 Il ressort du dossier dont dispose la Cour que ces acheteurs exportaient le jour même les marchandises achetées en Hongrie et que les factures de paiement en espèces concernant ces achats portaient la mention « TVA régularisée ». Postérieurement à l’exportation, Határ Diszkont remboursait auxdits acheteurs la totalité du montant de la TVA qui figurait sur la facture et émettait le reçu de décaissement y afférent, sur lequel figuraient les signatures de l’émetteur et du bénéficiaire.

18 Au titre de la gestion des dossiers de remboursement de la TVA, Határ Diszkont facturait à ces acheteurs non-résidents dans l’Union des frais correspondant à 15 % de la TVA remboursée. Le jour du remboursement de la TVA, Határ Diszkont émettait ainsi des factures pour les frais de gestion de ces dossiers, dont le paiement, en espèces, était attesté par des reçus d’encaissement. Dans ses déclarations de TVA, Határ Diszkont faisait figurer le produit de ces frais de gestion des dossiers en tant que
rémunération de prestations exonérées.

19 Il ressort également du dossier dont dispose la Cour que les informations relatives aux frais de gestion des dossiers de remboursement de la TVA étaient affichées dans le magasin de Határ Diszkont et que les acheteurs étrangers étaient informés oralement tant de l’existence de ces frais que de leurs modalités de calcul.

20 Lors d’un contrôle fiscal pour l’année 2020 effectué par la Nemzeti Adó- és Vámhivatal Bács-Kiskun Megyei Adó- és Vámigazgatósága (direction des impôts et des douanes du département de Bács-Kiskun, relevant de l’administration nationale des impôts et des douanes, Hongrie) (ci-après l’« autorité fiscale de premier degré »), Határ Diszkont a soutenu que les prestations de gestion des dossiers de remboursement de la TVA étaient exonérées de taxe, tout en modifiant à plusieurs reprises sa position
quant au motif de cette exonération.

21 Dans ses observations sur le procès-verbal afférant à ce contrôle, Határ Diszkont a fait valoir, notamment, que les frais de gestion des dossiers de remboursement de la TVA pouvaient être considérés comme constituant la contrepartie d’une prestation de services financiers, exonérée au titre de l’article 86, paragraphe 1, sous d) et e), de la loi relative à la TVA. De même, selon Határ Diszkont, l’exonération prévue pour les prestations de services directement liées à l’exportation d’un bien,
prévue à l’article 102, paragraphe 1, sous b), de la loi relative à la TVA, était également susceptible de lui être appliquée en l’espèce. Határ Diszkont a, en outre, déclaré que, néanmoins, conformément aux renseignements qu’elle avait reçus du Nemzeti Adó- és Vámhivatal Központi Irányítás Ügyfélkapcsolati és Tájékoztatási Főosztálya (département des relations avec les usagers et de l’information de la direction centrale de l’administration nationale des impôts et des douanes, Hongrie) (ci-après
le « département des relations avec les usagers »), en réponse à une question qu’elle lui avait posée au cours dudit contrôle, les frais de gestion des dossiers de remboursement de la TVA devaient être considérés comme des frais accessoires, au sens de l’article 70, paragraphe 1, sous b), de la loi relative à la TVA, à une livraison de biens exonérée de la TVA en vertu de l’article 99 de cette loi et que, en tant que frais accessoires, ils partageaient le sort de l’opération principale quant au
régime d’imposition à la TVA.

22 L’autorité fiscale de premier degré a rejeté l’ensemble des motifs d’exonération invoqués par Határ Diszkont et, par sa décision du 22 juillet 2022, a constaté un arriéré de TVA à la charge de celle-ci.

23 Dans cette décision, cette autorité a examiné, tout d’abord, si le service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA pouvait être considéré comme un service accessoire à la livraison des biens et a conclu qu’il constituait une prestation autonome. Elle a mis l’accent, notamment, sur le fait que la livraison des biens et la prestation de ce service ne coïncidaient pas dans le temps, de sorte qu’il ne pouvait être considéré que ledit service facilitait ou complétait la livraison de ces
biens. Cette autorité a également souligné que le service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA ne pouvait être considéré comme étant nécessaire à la réalisation de la livraison des biens, laquelle était achevée dès la sortie de ces biens du territoire de l’Union. De même, de l’avis de ladite autorité, le service fourni par Határ Diszkont ne facilitait ni l’utilisation ni la consommation desdits biens, à la livraison desquels il n’était donc pas lié. En outre, la même autorité a
relevé que Határ Diszkont avait elle-même traité le service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA comme une prestation autonome, puisqu’elle n’avait pas inclus les frais relatifs à ce service dans la base d’imposition de la livraison des biens et qu’elle avait indiqué sur les factures une date d’exécution différente de celle de la livraison.

24 Ensuite, d’une part, concernant l’exonération prévue à l’article 86, paragraphe 1, sous d) et e), de la loi relative à la TVA, qui correspond à l’article 135, paragraphe 1, sous d) et e), de la directive TVA, l’autorité fiscale de premier degré est parvenue à la conclusion que le service fourni par Határ Diszkont au voyageur étranger était une tâche de nature administrative et qu’elle ne pouvait être considérée comme un service financier exonéré au sens de ces dispositions. D’autre part, en ce
qui concerne l’exonération des prestations de services liées aux exportations de biens visée à l’article 102, paragraphe 1, sous b), de la loi relative à la TVA, correspondant à l’article 146, paragraphe 1, sous e), de la directive TVA, l’autorité fiscale de premier degré a réitéré, pour l’essentiel, que le remboursement de la TVA au voyageur étranger était une opération nouvelle qui n’était pas directement liée à la livraison de biens. Enfin, cette autorité fiscale a confirmé que le montant de
la TVA relatif aux frais de gestion devait être déterminé sur la base du montant facturé au titre de ces frais, considéré comme un montant net de taxe.

25 Dans sa réclamation contre la décision de l’autorité fiscale de premier degré, Határ Diszkont a soutenu que les conclusions de cette autorité étaient contraires à l’article 70, paragraphe 1, sous b), à l’article 86, paragraphe 1, sous d) et e), et à l’article 102, paragraphe 1, sous b), de la loi relative à la TVA. Elle a également fait valoir que l’existence d’une divergence dans l’appréciation de son cas entre l’autorité fiscale de premier degré et le département des relations avec les usagers
violait le principe de sécurité juridique.

26 Par une décision du 27 octobre 2022, la direction des recours a confirmé la décision de l’autorité fiscale de premier degré en estimant que celle-ci était correctement motivée. Dans sa décision, la direction des recours a également considéré que les renseignements fournis à Határ Diszkont par le département des relations avec les usagers concernaient une question formulée en des termes très généraux qui ne mentionnait pas la circonstance essentielle que la livraison de biens et la prestation de
services consistant en la gestion des dossiers de remboursement de la TVA étaient totalement distinctes l’une de l’autre et non simultanées, et que le service fourni par Határ Diszkont n’était pas une condition nécessaire au remboursement de cette taxe.

27 Határ Diszkont a introduit un recours devant la juridiction de renvoi, la Szegedi Törvényszék (cour de Szeged, Hongrie), en demandant l’annulation de la décision de la direction des recours, avec effet sur la décision de l’autorité fiscale de premier degré.

28 En premier lieu, la juridiction de renvoi est d’avis, contrairement à la direction des recours, que la gestion des dossiers de remboursement de la TVA doit être considérée comme une prestation accessoire à une livraison exonérée, au sens de l’article 78, premier alinéa, sous b), de la directive TVA, et qu’elle a également le caractère d’une prestation de services directement liée à une exportation de biens, de sorte qu’elle est également exonérée de la TVA en vertu de l’article 146, paragraphe 1,
sous e), de cette directive.

29 Au soutien de sa position, la juridiction de renvoi avance, tout d’abord, que, puisque le service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA et la facturation des frais y afférents ne peuvent avoir lieu sans qu’aient été effectuées les livraisons de biens aux acheteurs non-résidents dans l’Union, ce service de gestion est un corollaire nécessaire de toutes les livraisons de biens effectuées à ce type d’acheteurs, en vertu des dispositions législatives pertinentes. Dès lors, se fondant
également sur les principes dégagés par la Cour dans l’arrêt du 10 novembre 2016, Baštová (C‑432/15, EU:C:2016:855), la juridiction de renvoi estime qu’il serait artificiel de dissocier la gestion des dossiers de remboursement de la TVA des livraisons de biens correspondantes.

30 Ensuite, s’agissant de la circonstance que les frais de gestion des dossiers de remboursement de la TVA et la livraison des biens n’interviennent pas simultanément, la juridiction de renvoi rappelle que l’article 78, premier alinéa, sous b), de la directive TVA concerne des frais accessoires qui viennent majorer la base d’imposition, alors même que ces frais ne surviennent pas nécessairement au même moment que la livraison des biens correspondants. La Cour aurait déjà confirmé, dans l’arrêt du
2 décembre 2010, Everything Everywhere (C‑276/09, EU:C:2010:730), que des « frais distincts de traitement du paiement », facturés séparément des services que ce paiement rémunérait, pouvaient constituer des frais accessoires.

31 Enfin, s’agissant de l’exonération prévue à l’article 146, paragraphe 1, sous e), de la directive TVA, concernant les prestations de services directement liées aux exportations de biens, la juridiction de renvoi estime que le lien direct requis par cette disposition, tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt du 8 novembre 2018, Cartrans Spedition (C‑495/17, EU:C:2018:887), existe lorsqu’une prestation de services a un caractère accessoire, au sens de l’article 78, premier alinéa, sous b), de la
directive TVA, à une exportation.

32 En deuxième lieu, la juridiction de renvoi nourrit des doutes sur la conformité au principe de protection de la confiance légitime de la pratique de l’administration fiscale, qui a estimé pendant plusieurs années que les services de gestion des dossiers de remboursement de la TVA facturés par Határ Diszkont étaient valablement exonérés de TVA avant de demander le paiement de la TVA sur ces services avec effet rétroactif, sans informer au préalable Határ Diszkont de son changement de position.
Elle s’interroge, notamment, sur la conformité d’une telle pratique à la jurisprudence de la Cour issue de l’arrêt du 14 septembre 2006, Elmeka (C‑181/04 à C‑183/04, EU:C:2006:563).

33 En outre, la juridiction de renvoi est d’avis que Határ Diszkont a donné une description exacte de la situation de fait au département des relations avec les usagers, en indiquant expressément que les frais de gestion des dossiers de remboursement de la TVA étaient dus en même temps que le remboursement de la TVA, et non au moment de la livraison des biens, et que cette autorité a donné à Határ Diszkont des renseignements non contraignants allant dans un sens opposé aux conclusions de l’autorité
fiscale de premier degré. Or, la juridiction de renvoi souligne que, si les renseignements du département des relations avec les usagers, qui ont été donnés au cours du contrôle fiscal, n’ont pu influencer le comportement de Határ Diszkont, ils démontrent que l’administration fiscale est divisée sur la question litigieuse.

34 En troisième lieu, eu égard au fait que Határ Diszkont n’a manifestement pas la possibilité de répercuter a posteriori la TVA due à l’administration fiscale, en ce qui concerne les frais de gestion des dossiers de remboursement de la TVA, sur les acheteurs non-résidents dans l’Union, la juridiction de renvoi éprouve également des doutes s’agissant de la décision de l’autorité fiscale de premier degré de considérer ces frais comme un montant net de taxe, et non comme un montant brut incluant la
TVA. La juridiction de renvoi fait référence à la jurisprudence de la Cour (arrêts du 6 octobre 2005, MyTravel, C‑291/03, EU:C:2005:591, et du 15 mai 2014, Almos Agrárkülkereskedelmi, C‑337/13, EU:C:2014:328), selon laquelle la base d’imposition à la TVA est constituée par la contrepartie réellement reçue et dont le corollaire consiste en ce que l’administration fiscale ne saurait percevoir au titre de la TVA un montant supérieur à celui que l’assujetti a perçu.

35 Dans ces conditions, la Szegedi Törvényszék (cour de Szeged) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les dispositions de l’article 1er, paragraphe 2, de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de l’article 78, ainsi que de l’article 146, paragraphe 1, sous e), de la [directive TVA] font-elles obstacle à la pratique d’un État membre consistant à considérer que la gestion des dossiers de remboursement de la TVA à un voyageur étranger – laquelle recouvre toute une série d’étapes administratives allant de l’émission du formulaire de demande de remboursement de la TVA au remboursement lui-même –
constitue une prestation de services autonome, distincte de la livraison de biens exonérée, sur laquelle il convient de facturer et de verser la TVA selon les règles générales, dans des circonstances où la comptabilisation et la facturation des frais de dossier, fixés en pourcentage de la TVA à rembourser, n’ont pas lieu en même temps que [la livraison] et la facturation des biens, mais au moment du remboursement de la TVA, après le paiement de la contrepartie des biens par le client et leur
exportation dans un pays tiers [?]

2) En cas de réponse négative à la première question, l’article 135, paragraphe 1, sous d), de la directive TVA fait-il obstacle à la pratique d’un État membre consistant à considérer que les frais à payer au titre de la gestion des dossiers de remboursement de la TVA après une livraison de biens à des voyageurs étrangers ne sont pas exonérés de la taxe en tant qu’“opérations concernant les paiements, créances” [?]

3) En cas de réponse négative aux première et deuxième questions, le principe de protection de la confiance légitime, en tant que principe fondamental du système commun de TVA, fait-il obstacle à la pratique d’un État membre consistant à exiger de l’émetteur de la facture qu’il paie rétroactivement la TVA sur les frais de dossier, alors même que l’administration fiscale a contrôlé ledit émetteur de la facture à plusieurs reprises au cours des années précédant le contrôle litigieux et que, lors de
ces contrôles, elle a examiné, sans la remettre en cause, la pratique consistant à considérer les frais de dossier de la TVA comme étant exonérés, et qu’elle ne l’a pas informé du changement intervenu dans la législation nationale en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007, qui citait expressément, parmi les prestations de services exonérées, les “remboursements de taxes effectués par un commerçant en faveur d’un voyageur étranger en application d’une disposition spéciale” [?]

4) En cas de réponse négative aux première à troisième questions, les articles 73 et 78 de la directive TVA font-ils obstacle à la pratique de l’administration fiscale d’un État membre consistant à considérer que la contrepartie, hors taxe, qui figure sur les factures émises au titre des frais de dossier, constitue l’assiette d’imposition à la TVA sur la base de laquelle l’émetteur de la facture doit verser la TVA selon les règles générales en raison de la décision de l’administration fiscale,
alors même que le montant correspondant ne faisait pas partie de la contrepartie payée par le voyageur étranger [?] »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

36 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 2, l’article 2, paragraphe 1, sous c), et l’article 78 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’une activité de gestion des dossiers de remboursement de la TVA que des acheteurs non-résidents dans l’Union ont payée lors de l’acquisition de biens qu’ils ont ensuite transportés hors de l’Union constitue une prestation de services distincte et indépendante de la livraison de biens
exonérée correspondante et doit, en tant que telle, être soumise à la TVA. Dans un tel cas, cette juridiction se demande si une telle prestation de services doit être considérée comme étant exonérée en vertu de l’article 146, paragraphe 1, sous e), de la directive TVA.

37 À cet égard, il convient de rappeler que, aux fins de la TVA, chaque opération doit normalement être considérée comme distincte et indépendante, ainsi qu’il découle de l’article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive TVA (arrêts du 25 février 1999, CPP, C‑349/96, EU:C:1999:93, point 29 ; du 27 octobre 2005, Levob Verzekeringen et OV Bank, C‑41/04, EU:C:2005:649, point 20, ainsi que du 18 avril 2024, Companhia União de Crédito Popular, C‑89/23, EU:C:2024:333, point 35).

38 Néanmoins, selon une jurisprudence constante, dans certaines circonstances, plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies séparément et ainsi donner lieu, séparément, à taxation ou à exonération, doivent être considérées comme une opération unique lorsqu’elles ne sont pas indépendantes (arrêts du 10 novembre 2016, Baštová, C‑432/15, EU:C:2016:855, point 69 ; du 9 mars 2023, Generali Seguros, C‑42/22, EU:C:2023:183, point 40, et du 18 avril 2024, Companhia União de
Crédito Popular, C‑89/23, EU:C:2024:333, point 36 ainsi que jurisprudence citée).

39 Il existe une prestation unique lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti au client sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel (arrêts du 10 novembre 2016, Baštová, C‑432/15, EU:C:2016:855, point 70 ; du 9 mars 2023, Generali Seguros, C‑42/22, EU:C:2023:183, point 40, et du 18 avril 2024, Companhia União de Crédito Popular, C‑89/23, EU:C:2024:333, point 35
ainsi que jurisprudence citée).

40 Tel est également le cas lorsqu’un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme constituant la prestation principale alors que, à l’inverse, un ou des éléments doivent être regardés comme une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale. Une prestation est considérée comme accessoire à une prestation principale notamment lorsqu’elle constitue pour la clientèle non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du
service principal du prestataire (arrêts du 10 novembre 2016, Baštová, C‑432/15, EU:C:2016:855, point 71, et du 18 avril 2024, Companhia União de Crédito Popular, C‑89/23, EU:C:2024:333, point 37 ainsi que jurisprudence citée).

41 Ainsi, la Cour a jugé que l’opération constituée d’une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de TVA [arrêts du 17 janvier 2013, BGŻ Leasing, C‑224/11, EU:C:2013:15, point 31, et du 4 mai 2023, Finanzamt X (Outillages et machines fixés à demeure), C‑516/21, EU:C:2023:372, point 29 ainsi que jurisprudence citée].

42 En l’occurrence, l’affaire au principal porte sur un service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA fourni par Határ Diszkont à des acheteurs non-résidents dans l’Union qui ont acquis des biens dont la livraison remplit les conditions pour bénéficier de l’exonération de taxe prévue pour les exportations.

43 Selon les informations dont dispose la Cour, ce service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA consiste, d’une part, à vérifier la validité du document de voyage de l’acheteur non-résident lors de la vente, à émettre un formulaire de demande de restitution de la taxe et une facture de vente, à vérifier le formulaire de demande de restitution de la taxe rapporté par cet acheteur aux fins du remboursement de la TVA, ainsi qu’à s’assurer que les formalités requises à la frontière ont été
accomplies par les autorités douanières, puis à modifier, à copier et à archiver la facture de vente. D’autre part, ledit service consiste à restituer, en caisse, le montant que l’acheteur non-résident avait payé en tant qu’avance de TVA, à émettre un reçu de décaissement signé par l’acheteur, une facture pour les frais de gestion du dossier de remboursement de la TVA et un reçu d’encaissement signé par l’acheteur non-résident et, enfin, à percevoir le paiement de ces frais en caisse.

44 La juridiction de renvoi estime que ce même service constitue, en principe, une prestation accessoire à la livraison de biens. Néanmoins, elle semble nourrir des doutes sur le bien-fondé de cette appréciation au motif que la comptabilisation et la facturation des frais de gestion des dossiers de remboursement de la TVA n’ont pas lieu en même temps que la livraison et la facturation des biens, mais au moment du remboursement de la TVA, après le paiement du prix de ces biens par l’acheteur et leur
exportation dans un pays tiers.

45 Or, dans le cadre de la coopération instituée en vertu de l’article 267 TFUE, il appartient aux juridictions nationales de déterminer si l’assujetti fournit une prestation unique dans une espèce particulière et de porter toutes appréciations de fait définitives à cet égard. Il incombe néanmoins à la Cour de fournir auxdites juridictions tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elles sont saisies (arrêts du 27 octobre
2005, Levob Verzekeringen et OV Bank, C‑41/04, EU:C:2005:649, point 23 ; du 17 janvier 2013, BGŻ Leasing, C‑224/11, EU:C:2013:15, point 33, ainsi que du 18 avril 2024, Companhia União de Crédito Popular, C‑89/23, EU:C:2024:333, point 38 et jurisprudence citée).

46 À cet égard, il y a lieu de relever que, premièrement, s’il est vrai qu’il existe un certain lien de connexité entre la fourniture du service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA et la livraison de biens exonérée correspondante, étant donné que la fourniture de ce service suppose l’existence de ladite livraison, la Cour a déjà établi qu’un tel lien ne saurait suffire, en lui-même, pour déterminer s’il existe ou non une prestation unique complexe aux fins de la TVA (voir, en ce sens,
arrêt du 9 mars 2023, Generali Seguros, C‑42/22, EU:C:2023:183, point 41 et jurisprudence citée).

47 En effet, afin que plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti puissent être considérés comme une prestation unique au sens de la jurisprudence de la Cour rappelée au point 39 du présent arrêt, le lien indissociable entre ces éléments ou actes doit nécessairement être réciproque, de sorte qu’un élément ou un acte dépend de l’autre et vice-versa. Or, en l’occurrence, la livraison de biens, qui intervient avant que le service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA ne soit
achevé, ne dépend aucunement de ce service.

48 Par ailleurs, la fourniture du service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA et la livraison de biens correspondante peuvent également être dissociées.

49 D’une part, il ressort des éléments du dossier dont dispose la Cour que la fourniture du service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA ne constitue pas l’aboutissement nécessaire de la livraison de biens. En effet, si l’acheteur non-résident dans l’Union ne transporte finalement pas les biens acquis dans un pays tiers, l’exonération visée à l’article 146, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA ne lui sera pas applicable et il ne pourra pas prétendre au remboursement de la TVA,
mais la livraison sera tout de même considérée comme ayant eu lieu, le pouvoir de disposer des biens comme un propriétaire ayant été transmis à cet acheteur. Il en ira de même si l’acheteur non-résident dans l’Union exporte les marchandises hors du territoire de l’Union, mais ne les présente pas à la frontière au bureau de douane pour justifier leur sortie de ce territoire. Ainsi, même si la TVA n’est pas remboursée au motif que les conditions formelles du remboursement de la taxe ne sont pas
remplies, le cas échéant en l’absence d’une preuve convaincante de la sortie des biens du territoire de l’Union, ou encore à défaut pour l’acheteur d’avoir introduit une demande de remboursement, la livraison aura quand même eu lieu et les biens acquis seront mis librement à la disposition de l’acheteur.

50 Il ressort des considérations qui précèdent que le service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA et la livraison de biens en cause au principal ne sauraient être considérés comme étant si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel, au sens de la jurisprudence rappelée au point 39 du présent arrêt.

51 Deuxièmement, à supposer que l’exonération de TVA dont peuvent bénéficier les acheteurs de biens qui recourent au service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA, sous réserve que les conditions légalement prévues pour cette exonération soient remplies, soit perçue par ceux-ci comme une remise sur le prix d’achat de ces biens, cette circonstance ne saurait permettre de considérer un tel service comme étant accessoire à la livraison desdits biens.

52 En effet, il apparaît que l’activité de gestion des dossiers de remboursement de la TVA poursuit une finalité autonome par rapport à la livraison de biens.

53 Il ressort du dossier dont dispose la Cour, d’une part, que la livraison des biens en cause au principal a été parachevée et que les acheteurs non-résidents dans l’Union ont acquis le droit de disposer pleinement des biens achetés auprès de Határ Diszkont et de les transporter en dehors de l’Union dès que ceux-ci ont été payés, sans qu’aucun service accessoire soit nécessaire à cet égard. D’autre part, afin de pouvoir bénéficier du service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA après
la livraison, il appartient à l’acheteur, qui dispose déjà de son bien, d’accomplir une démarche supplémentaire en se rendant à nouveau dans le magasin de Határ Diszkont et en fournissant à celle-ci la documentation exigée par la loi en vue de bénéficier de l’exonération prévue pour les exportations. Il ne peut, dès lors, être exclu qu’un acheteur, après avoir acquis un bien, décide de ne pas utiliser ce service et renonce ainsi au remboursement de la TVA qu’il a payée lors de l’achat de ce bien.

54 Ainsi, conformément à la jurisprudence citée au point 40 du présent arrêt, le service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA ne saurait être considéré comme constituant une prestation accessoire à la livraison de biens, puisqu’il ne constitue pas un simple moyen de bénéficier, dans de meilleures conditions, de cette livraison, mais une fin en soi.

55 Enfin, en vue de fournir une réponse complète à la juridiction de renvoi, il convient de relever que, aux fins de l’interprétation de l’article 78 de la directive TVA et conformément à la jurisprudence de la Cour, le service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA et la livraison de biens en cause au principal, dès lors qu’ils constituent des opérations indépendantes, ne relèvent pas de la même base d’imposition. Ainsi, les frais liés à un tel service, qui constitue une prestation
indépendante et une fin en soi pour le preneur, ne sauraient constituer, au sens de cet article 78, des frais accessoires à une livraison de biens (voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 2013, BGŻ Leasing, C‑224/11, EU:C:2013:15, point 49).

56 Dès lors, sous réserve des appréciations définitives qu’il appartient, conformément à la jurisprudence citée au point 45 du présent arrêt, à la juridiction de renvoi d’effectuer, il apparaît que le service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA fourni par Határ Diszkont est une prestation distincte et indépendante de la livraison de biens correspondante, de sorte qu’il ne partage pas le sort fiscal de cette dernière en matière de TVA.

57 S’agissant de l’exonération prévue à l’article 146, paragraphe 1, sous e), de la directive TVA, il y a lieu de rappeler d’emblée que celle-ci complète celle mentionnée à l’article 146, paragraphe 1, sous a), de cette directive, et qu’elle vise, tout comme cette dernière exonération, à garantir l’imposition des prestations de services concernées au lieu de destination de celles-ci, à savoir celui où les produits exportés seront consommés (arrêt du 29 juin 2017, L.Č., C‑288/16, EU:C:2017:502,
point 19).

58 À cet égard, il résulte du libellé de l’article 146, paragraphe 1, sous e), de la directive TVA que sont exonérées de la TVA les prestations de services, y compris les transports et les opérations accessoires, à l’exception des prestations de services exonérées conformément aux articles 132 et 135, lorsqu’elles sont directement liées aux exportations ou importations de biens bénéficiant des dispositions prévues à l’article 61 et à l’article 157, paragraphe 1, sous a), de cette directive.

59 Or, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé aux points 61 et 62 de ses conclusions, aucun élément du dossier dont dispose la Cour ne permet de considérer que les biens qui font l’objet des exportations en cause au principal se trouveraient dans une des situations visées à l’article 146, paragraphe 1, sous e), de ladite directive.

60 En effet, d’une part, il ne résulte pas de ce dossier que les exportations en cause porteraient sur des biens qui, conformément à l’article 61 de la directive TVA, soit ne sont pas en libre pratique dans l’Union mais qui sont destinés à être placés en zone franche ou sous le régime de l’entrepôt douanier ou qui bénéficient d’un régime d’admission temporaire en exonération totale de droits à l’importation ou de transit externe, soit sont en libre pratique mais bénéficient du régime de transit
intracommunautaire. D’autre part, il ne ressort pas de ce dossier que l’article 157, paragraphe 1, sous a), de cette directive, qui porte sur la possibilité pour les États membres d’exonérer l’importation de biens destinés à être placés sous le régime d’entrepôt autre que douanier, soit pertinent pour la solution du litige au principal.

61 En tout état de cause, même dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi viendrait à constater que, à tout le moins, certaines des opérations en cause dans le litige au principal relèvent du champ d’application des situations visées à l’article 146, paragraphe 1, sous e), de la directive TVA, il importe de rappeler que l’exigence d’un lien direct entre les prestations de services et les exportations de biens concernées, posée par cette disposition, implique, notamment, que, par leur objet, ces
prestations de services contribuent à la réalisation effective de l’opération d’exportation (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2018, Cartrans Spedition, C‑495/17, EU:C:2018:887, point 35 et jurisprudence citée).

62 Or, en l’espèce, compte tenu des caractéristiques de l’activité de gestion des dossiers de remboursement de la TVA exercée par Határ Diszkont, il ne saurait être conclu que cette activité contribue à la réalisation effective d’une opération d’exportation. L’opération d’exportation, en effet, est réalisée entièrement par l’acheteur étranger indépendamment du service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA, lequel n’a aucune incidence sur le déroulement de cette opération et qui
intervient, par ailleurs, postérieurement, lorsque ladite opération est déjà achevée.

63 Pour ces raisons, le service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA en cause au principal ne relève pas de l’exonération prévue à l’article 146, paragraphe 1, sous e), de la directive TVA.

64 Cette conclusion est conforme à l’exigence d’interpréter les termes employés pour désigner les exonérations de façon stricte, étant donné que ces exonérations constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti [voir, par analogie, arrêts du 7 avril 2022, I (Exonération de TVA des prestations hospitalières), C‑228/20, EU:C:2022:275, point 34, et du 18 avril 2024, Companhia União de Crédito
Popular, C‑89/23, EU:C:2024:333, point 43 ainsi que jurisprudence citée].

65 Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 1er, paragraphe 2, l’article 2, paragraphe 1, sous c), et l’article 78 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’une activité de gestion des dossiers de remboursement de la TVA que des acheteurs non-résidents dans l’Union ont payée lors de l’acquisition de biens qu’ils ont ensuite transportés hors de l’Union constitue une prestation de services distincte et indépendante de la livraison de biens
exonérée correspondante et doit, en tant que telle, être soumise à la TVA. Une telle prestation de services ne relève pas de l’exonération prévue à l’article 146, paragraphe 1, sous e), de cette directive.

Sur la deuxième question

66 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 135, paragraphe 1, sous d), de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’une activité de gestion des dossiers de remboursement de la TVA que des acheteurs non-résidents dans l’Union ont payée lors de l’acquisition de biens qu’ils ont ensuite transportés hors de l’Union relève des opérations exonérées visées à cette disposition.

67 S’agissant de l’article 135, paragraphe 1, sous d), de la directive TVA, il convient de rappeler que, aux termes de cette disposition, les États membres exonèrent les opérations concernant « les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce ».

68 Comme la Cour l’a jugé, ces opérations, y compris celles concernant les « paiements » ou les « virements », relèvent du domaine des opérations financières et portent, notamment, sur des instruments de paiement dont le mode de fonctionnement implique un transfert d’argent (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2020, Franck, C‑801/19, EU:C:2020:1049, point 41 et jurisprudence citée).

69 Il ressort ainsi de la jurisprudence de la Cour qu’une prestation de services ne pourra être qualifiée d’« opération concernant les virements » ou d’« opération concernant les paiements », au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous d), de la directive TVA, que si elle a pour effet de réaliser les modifications juridiques et financières caractérisant le transfert d’une somme d’argent.

70 En revanche, ne relève pas de cette disposition la fourniture d’une simple prestation matérielle, technique ou administrative ne réalisant pas de telles modifications (arrêt du 25 juillet 2018, DPAS, C‑5/17, EU:C:2018:592, point 38 et jurisprudence citée).

71 Selon une jurisprudence constante, le critère permettant de distinguer une opération ayant pour effet de transférer des fonds et d’entraîner des modifications juridiques et financières, relevant de l’exonération prévue par ladite disposition, d’une opération n’ayant pas de tels effets et, partant, n’en relevant pas, consiste ainsi dans le fait de savoir si l’opération considérée transfère, de manière effective ou potentielle, la propriété des fonds en cause, ou a pour effet de remplir les
fonctions spécifiques et essentielles d’un tel transfert (arrêt du 3 octobre 2019, Cardpoint, C‑42/18, EU:C:2019:822, point 22 et jurisprudence citée).

72 En l’occurrence, il y a lieu de constater que Határ Diszkont n’a pas transféré, de manière effective ou potentielle, la propriété de fonds aux acheteurs non-résidents dans l’Union. Elle s’est bornée à garder les montants de TVA sur les achats de biens en question dans l’attente que ces acheteurs fournissent la documentation permettant de prouver que les conditions de l’exonération prévue pour les exportations étaient effectivement remplies. Une fois que la documentation pertinente lui a été
fournie, permettant d’établir que la TVA n’était pas due sur ces achats, elle a restitué les montants correspondants.

73 Ainsi, bien que le service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA fourni par Határ Diszkont ait impliqué, en principe, la remise de montants en espèces, cette prestation doit être considérée non pas comme une prestation financière, au sens de la jurisprudence de la Cour, mais comme une prestation administrative.

74 Il convient dès lors de répondre à la deuxième question que l’article 135, paragraphe 1, sous d), de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’une activité de gestion des dossiers de remboursement de la TVA que des acheteurs non-résidents dans l’Union ont payée lors de l’acquisition de biens qu’ils ont ensuite transportés hors de l’Union ne relève pas des opérations exonérées visées à cette disposition.

Sur la troisième question

75 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe de protection de la confiance légitime doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que l’administration fiscale soumette postérieurement à la TVA certaines prestations de services, dans le cas où cette administration a contrôlé et accepté pendant plusieurs années les déclarations de TVA de l’assujetti sans contester la qualification de ces prestations en tant que prestations exonérées de la TVA et
n’a pas informé cet assujetti du changement intervenu dans la législation nationale en vigueur qui, dans sa version antérieure, mentionnait expressément lesdites prestations parmi les activités exonérées de la TVA, et alors que, à la suite d’une demande d’avis présentée sous l’empire de la législation nationale en vigueur, ledit assujetti a reçu une réponse de l’administration fiscale selon laquelle les mêmes prestations devaient être considérées comme des frais accessoires à une livraison de
biens exonérée partageant le sort de l’opération principale quant au régime d’exonération de la TVA.

76 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de protection de la confiance légitime s’inscrit parmi les principes fondamentaux de l’Union et s’impose à toute autorité nationale chargée d’appliquer le droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2002, Marks & Spencer, C‑62/00, EU:C:2002:435, point 44, et du 16 janvier 2025, BALTIC CONTAINER TERMINAL, C‑376/23, EU:C:2025:20, point 64 ainsi que jurisprudence citée).

77 Il s’ensuit que, dans la mise en œuvre des dispositions de la directive TVA, les autorités nationales sont tenues de respecter ce principe.

78 Le droit de se prévaloir dudit principe s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une autorité administrative a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies (arrêts du 9 juillet 2015, Cabinet Medical Veterinar Dr. Tomoiagă Andrei, C‑144/14, EU:C:2015:452, point 43 ; du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean, C‑183/14, EU:C:2015:454, point 44, ainsi que du 15 avril 2021, Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, C‑846/19,
EU:C:2021:277, point 90 et jurisprudence citée).

79 À cet égard, il convient de vérifier si les actes d’une autorité administrative ont créé, dans l’esprit d’un opérateur économique prudent et avisé, une confiance raisonnable et, si tel est le cas, d’établir le caractère légitime de cette confiance (arrêts du 9 juillet 2015, Cabinet Medical Veterinar Dr. Tomoiagă Andrei, C‑144/14, EU:C:2015:452, point 44, et du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean, C‑183/14, EU:C:2015:454, point 45 ainsi que jurisprudence citée).

80 Telle que décrite dans la décision de renvoi, la pratique administrative des autorités fiscales nationales ne paraît pas de nature à démontrer que ces conditions seraient réunies dans l’affaire au principal.

81 Premièrement, en ce qui concerne l’absence de contestation, lors de plusieurs contrôles fiscaux, de la qualification d’opérations exonérées de la TVA des activités de gestion des dossiers de remboursement de la TVA, il ressort de la jurisprudence que la simple acceptation, même pendant plusieurs années, par l’administration fiscale nationale de déclarations de TVA n’incluant pas les montants relatifs à certaines opérations réalisées par l’assujetti ne vaut pas assurance précise fournie par cette
administration sur la non-application de la TVA à ces opérations et ne saurait, dès lors, créer une confiance légitime à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2021, Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, C‑846/19, EU:C:2021:277, point 92).

82 De même, comme l’a relevé en substance Mme l’avocate générale au point 73 de ses conclusions, le fait que les autorités fiscales nationales auraient accepté pendant plusieurs années les déclarations de TVA de Határ Diszkont sans contester lors des contrôles fiscaux la qualification des opérations de gestion des dossiers de remboursement de la TVA d’opérations exonérées de la TVA ne saurait a priori suffire, sauf circonstances tout à fait particulières, à créer, dans l’esprit d’un opérateur
économique normalement prudent et avisé, une confiance raisonnable dans la non-application de cette taxe à de telles opérations (voir, par analogie, arrêts du 9 juillet 2015, Cabinet Medical Veterinar Dr. Tomoiagă Andrei, C‑144/14, EU:C:2015:452, point 46, ainsi que du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean, C‑183/14, EU:C:2015:454, points 47 et 48).

83 À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que les procès-verbaux de ces contrôles fiscaux « témoignent clairement » de ce que l’administration fiscale a considéré pendant des années que Határ Diszkont émettait légalement des factures exonérées de la TVA pour le service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA. La juridiction de renvoi ne fournit toutefois pas plus de précisions permettant d’apprécier si ces procès-verbaux étaient de nature à créer une confiance raisonnable dans
la non-application de cette taxe à ce service.

84 Dès lors, il convient de rappeler que constituent des assurances précises, au sens de la jurisprudence citée au point 78 du présent arrêt, susceptibles de faire naître des espérances fondées dans le chef d’un justiciable, des renseignements précis, inconditionnels, concordants et émanant de sources autorisées et fiables, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués. En revanche, nul ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence
d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2013, Agrargenossenschaft Neuzelle, C‑545/11, EU:C:2013:169, point 25, et du 16 janvier 2025, BALTIC CONTAINER TERMINAL, C‑376/23, EU:C:2025:20, point 65 ainsi que jurisprudence citée).

85 Il revient, à cet égard, à la juridiction de renvoi de vérifier si les procès-verbaux de contrôle contenaient des « assurances précises », au sens de la jurisprudence de la Cour mentionnée au point 84 du présent arrêt, quant au traitement fiscal du service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA en cause au principal.

86 En ce qui concerne, deuxièmement, l’absence d’information quant au changement intervenu dans la législation nationale en vigueur, il suffit de constater que, d’une part, une telle omission ne pourrait en aucun cas constituer une « assurance précise », au sens de la jurisprudence rappelée au point 81 du présent arrêt. D’autre part, le principe de protection de la confiance légitime ne met pas à la charge de l’administration fiscale une obligation d’informer les assujettis des modifications de la
législation fiscale qui entrent en vigueur, dont des opérateurs économiques normalement prudents et avisés devraient avoir connaissance.

87 Troisièmement, en ce qui concerne les renseignements fournis par l’administration fiscale en cause dans l’affaire au principal, à la suite de la demande d’avis formulée par Határ Diszkont, alors que le contrôle fiscal était déjà en cours, il suffit de constater que, comme Mme l’avocate générale l’a indiqué au point 76 de ses conclusions et ainsi que le relève également la juridiction de renvoi, de tels renseignements « ex post » et de nature non contraignante n’ont pas pu avoir de conséquence sur
les opérations faisant l’objet de ce contrôle, que Határ Diszkont avait réalisées avant que ces renseignements ne lui soient fournis.

88 De tels renseignements émanant de l’autorité fiscale sont, partant, dépourvus de pertinence dans ce contexte.

89 Compte tenu de ces considérations, il y a lieu de répondre à la troisième question que le principe de protection de la confiance légitime doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que l’administration fiscale soumette postérieurement à la TVA certaines prestations de services, dans le cas où cette administration a contrôlé et accepté pendant plusieurs années les déclarations de TVA de l’assujetti sans contester la qualification de ces prestations en tant que prestations exonérées
de la TVA et n’a pas informé cet assujetti du changement intervenu dans la législation nationale en vigueur qui, dans sa version antérieure, mentionnait expressément lesdites prestations parmi les activités exonérées de la TVA. Dans ce contexte, est dépourvu de pertinence le fait que, à la suite d’une demande d’avis présentée sous l’empire de la législation nationale en vigueur, l’assujetti a reçu une réponse « ex-post » et non contraignante de l’administration fiscale selon laquelle les mêmes
prestations devaient être considérées comme des frais accessoires à une livraison de biens exonérée partageant le sort de l’opération principale quant au régime d’exonération de la TVA.

Sur la quatrième question

90 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 73 et 78 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la pratique de l’administration fiscale d’un État membre consistant à considérer que les montants facturés en contrepartie d’un service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA, c’est-à-dire les frais de dossier, sont des montants nets n’incluant pas la TVA, sur la base desquels la taxe à verser par l’émetteur de
ces factures doit être calculée.

91 À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 1er, paragraphe 2, et de l’article 73 de la directive TVA que le principe du système commun de TVA consiste à appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix de ceux-ci et que la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur de biens ou le prestataire de services pour les opérations visées de la part de l’acquéreur, du
preneur ou d’un tiers. L’article 78 de cette directive énumère certains éléments qui sont à comprendre dans la base d’imposition. Selon l’article 78, premier alinéa, sous a), de ladite directive, la TVA n’est pas à comprendre dans cette base (arrêt du 7 novembre 2013, Tulică et Plavoşin, C‑249/12 et C‑250/12, EU:C:2013:722, point 32).

92 Conformément à la règle générale énoncée à l’article 73 de la directive TVA, la base d’imposition pour la livraison d’un bien ou la prestation d’un service, effectuées à titre onéreux, est constituée par la contrepartie réellement reçue à cet effet par l’assujetti. Cette contrepartie constitue la valeur subjective, à savoir réellement perçue, et non une valeur estimée selon des critères objectifs (arrêt du 7 novembre 2013, Tulică et Plavoşin, C‑249/12 et C‑250/12, EU:C:2013:722, point 33).

93 Cette règle doit être appliquée en conformité avec le principe de base de cette directive, qui réside dans le fait que le système de la TVA vise à grever uniquement le consommateur final (arrêt du 7 novembre 2013, Tulică et Plavoşin, C‑249/12 et C‑250/12, EU:C:2013:722, point 34).

94 En outre, comme Mme l’avocate générale l’a rappelé au point 81 de ses conclusions, la Cour a explicitement jugé qu’est un corollaire de l’article 78, premier alinéa, sous a), de la directive TVA le fait que la TVA est toujours comprise, de plein droit, dans le prix convenu, même en cas d’erreur de l’assujetti dans la détermination du taux applicable [voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2024, Dyrektor Izby Administracji Skarbowej w Bydgoszczy (Possibilité de correction en cas de taux erroné),
C‑606/22, EU:C:2024:255, point 27].

95 En effet, étant donné que, en application du principe de neutralité de la TVA rappelé au point 93 du présent arrêt, le système de la TVA vise à grever uniquement le consommateur final, le prix convenu entre ce dernier et le fournisseur de biens ou le prestataire de services doit être réputé inclure la TVA ayant grevé ces opérations, que celles-ci aient fait l’objet d’une facturation ou non [arrêt du 21 mars 2024, Dyrektor Izby Administracji Skarbowej w Bydgoszczy (Possibilité de correction en cas
de taux erroné), C‑606/22, EU:C:2024:255, point 26].

96 Par conséquent, il convient de considérer le prix convenu dans l’affaire au principal pour le service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA, à savoir 15 % de la TVA remboursée, comme un prix brut incluant déjà la taxe. La base d’imposition sur laquelle il y aurait lieu ensuite d’appliquer le taux de TVA devrait être calculée en conséquence.

97 Comme il a été relevé par Mme l’avocate générale au point 82 de ses conclusions et conformément à la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 94 et 95 du présent arrêt, la circonstance que l’assujetti ait éventuellement considéré erronément les opérations en cause comme exonérées et que, par conséquent, selon lui, le taux de TVA applicable à ces opérations aurait dû être égal à zéro n’est pas pertinente à cet égard.

98 Selon une jurisprudence constante, lorsqu’un contrat de vente a été conclu sans mention de la TVA et dans l’hypothèse où le fournisseur ne peut récupérer auprès de l’acquéreur la TVA ultérieurement exigée par l’administration fiscale, la prise en compte de la totalité du prix, sans déduction de la TVA, comme constituant la base sur laquelle la TVA s’applique, aurait pour conséquence que la TVA grèverait ce fournisseur et se heurterait donc au principe selon lequel la TVA est une taxe sur la
consommation, qui doit être supportée par le consommateur final (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2013, Tulică et Plavoşin, C‑249/12 et C‑250/12, EU:C:2013:722, point 35).

99 Une telle prise en compte se heurterait, par ailleurs, à la règle selon laquelle l’administration fiscale ne saurait percevoir au titre de la TVA un montant supérieur à celui que l’assujetti a perçu (arrêt du 7 novembre 2013, Tulică et Plavoşin, C‑249/12 et C‑250/12, EU:C:2013:722, point 36 ainsi que jurisprudence citée).

100 Il en irait, en revanche, autrement dans l’hypothèse où le fournisseur, selon le droit national, aurait la possibilité de récupérer, auprès des acquéreurs, la TVA exigée ultérieurement par l’administration fiscale.

101 Or, en l’occurrence, il résulte du dossier dont dispose la Cour que Határ Diszkont n’a manifestement pas la possibilité de répercuter a posteriori sur ses clients, qui sont des particuliers ne résidant pas sur le territoire de l’Union, la TVA sur les frais de gestion des dossiers de remboursement de la TVA que l’administration fiscale lui a ordonné de payer.

102 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question que les articles 73 et 78 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la pratique de l’administration fiscale d’un État membre consistant à considérer que les montants facturés en contrepartie d’un service de gestion de dossiers de remboursement de la TVA, c’est-à-dire les frais de dossier, sont des montants nets, n’incluant pas la TVA dans le cas où le
fournisseur a considéré sa prestation comme exonérée et qu’il lui est manifestement impossible de récupérer a posteriori auprès des acheteurs de biens exonérés de TVA le montant de la TVA réclamé par l’administration fiscale.

Sur les dépens

103 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 1er, paragraphe 2, l’article 2, paragraphe 1, sous c), et l’article 78 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,

doivent être interprétés en ce sens que :

une activité de gestion des dossiers de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) que des acheteurs non-résidents dans l’Union européenne ont payée lors de l’acquisition de biens qu’ils ont ensuite transportés hors de l’Union constitue une prestation de services distincte et indépendante de la livraison de biens exonérée correspondante et doit, en tant que telle, être soumise à la TVA. Une telle prestation de services ne relève pas de l’exonération prévue à l’article 146,
paragraphe 1, sous e), de cette directive.

  2) L’article 135, paragraphe 1, sous d), de la directive 2006/112

doit être interprété en ce sens que :

une activité de gestion des dossiers de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) que des acheteurs non-résidents dans l’Union ont payée lors de l’acquisition de biens qu’ils ont ensuite transportés hors de l’Union ne relève pas des opérations exonérées visées à cette disposition.

  3) Le principe de protection de la confiance légitime

doit être interprété en ce sens que :

il ne s’oppose pas à ce que l’administration fiscale soumette postérieurement à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) certaines prestations de services, dans le cas où cette administration a contrôlé et accepté pendant plusieurs années les déclarations de TVA de l’assujetti sans contester la qualification de ces prestations en tant que prestations exonérées de la TVA et n’a pas informé cet assujetti du changement intervenu dans la législation nationale en vigueur qui, dans sa version antérieure,
mentionnait expressément lesdites prestations parmi les activités exonérées de la TVA. Dans ce contexte, est dépourvu de pertinence le fait que, à la suite d’une demande d’avis présentée sous l’empire de la législation nationale en vigueur, l’assujetti a reçu une réponse « ex-post » et non contraignante de l’administration fiscale selon laquelle les mêmes prestations devaient être considérées comme des frais accessoires à une livraison de biens exonérée partageant le sort de l’opération
principale quant au régime d’exonération de la TVA.

  4) Les articles 73 et 78 de la directive 2006/112

doivent être interprétés en ce sens que :

ils s’opposent à la pratique de l’administration fiscale d’un État membre consistant à considérer que les montants facturés en contrepartie d’un service de gestion de dossiers de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), c’est-à-dire les frais de dossier, sont des montants nets, n’incluant pas la TVA dans le cas où le fournisseur a considéré sa prestation comme exonérée et qu’il lui est manifestement impossible de récupérer a posteriori auprès des acheteurs de biens exonérés de TVA
le montant de la TVA réclamé par l’administration fiscale.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le hongrois.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-427/23
Date de la décision : 01/08/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par la Szegedi Törvényszék.

Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 1er, paragraphe 2, article 2, paragraphe 1, sous c), et article 78 – Exonérations à l’exportation – Article 146, paragraphe 1, sous b) – Livraison de bien exonérée – Service de gestion des dossiers de remboursement de la TVA à des acheteurs non-résidents dans l’Union européenne – Prestation unique – Prestations distinctes et indépendantes – Caractère principal ou accessoire d’une prestation – Exonérations au titre de l’article 135, paragraphe 1, sous d), et de l’article 146, paragraphe 1, sous e) – Protection de la confiance légitime – Base d’imposition.


Parties
Demandeurs : Határ Diszkont Kft.
Défendeurs : Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Jääskinen

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:596

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