ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
1er août 2025 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – État de droit – Protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union – Article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE – Principes d’inamovibilité et d’indépendance des juges – Désignation non consentie d’un juge d’une juridiction suprême pour siéger, pour une durée déterminée, dans une autre chambre de cette juridiction – Primauté du droit de l’Union – Marchés publics – Directive 2004/17/CE – Procédures de passation des marchés – Application à
un accord de transfert de droits de propriété portant sur des certificats d’origine d’électricité verte – Directive 92/13/CEE – Article 2 quinquies, paragraphe 1 – Procédures de recours en matière de passation de marchés publics – Absence d’effets du contrat – Entité adjudicatrice demandant l’annulation d’un contrat conclu en violation des règles de passation des marchés publics – Abus de droit – Absence »
Dans les affaires jointes C‑422/23, C‑455/23, C‑459/23, C‑486/23 et C‑493/23 [Daka] ( i ),
ayant pour objet cinq demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne), par décisions des 3 et 21 avril 2023 ainsi que du 13 juin 2023, parvenues à la Cour les 10, 20, 21 et 31 juillet 2023 ainsi que le 3 août 2023, dans les procédures
T.B.
contre
C.B.,
en présence de :
D.B. (C‑422/23),
et
G.T.
contre
T. S.A. (C‑455/23),
et
E. S.A.
contre
W. sp. z o.o.,
Bank S.A. (C‑459/23),
et
S. sp. z o.o.
contre
V. sp. z o.o. (C‑486/23),
et
Miasto W.
contre
M.T.,
E.T.,
A.W. (C‑493/23),
en présence de :
Prokurator Prokuratury Okręgowej Warszawa-Praga w Warszawie,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de Mme K. Jürimäe (rapporteure), présidente de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la deuxième chambre, MM. M. Gavalec, Z. Csehi et M. Condinanzi, juges,
avocat général : Mme T. Ćapeta,
greffier : Mme M. Siekierzyńska, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 janvier 2025, considérant les observations présentées :
– pour E. S.A., par M. P. Łącki, adwokat,
– pour la Prokuratura Okręgowa Warszawa-Praga w Warszawie, par M. D. Winiarek, Zastępca Prokuratora Okręgowego Warszawa-Praga w Warszawie,
– pour le gouvernement polonais, par MM. A. Bodnar, B. Majczyna, M. Rzotkiewicz, M. Taborowski et Mme S. Żyrek, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mme K. Herrmann, MM. P.J.O. Van Nuffel et G. Wils, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») (affaires C‑422/23, C‑455/23, C‑459/23, C‑486/23 et C‑493/23), du principe de primauté du droit de l’Union (affaires C‑455/23, C‑459/23 et C‑486/23), de l’article 1er, paragraphe 2, sous c), et paragraphe 4, de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de l’article 3,
paragraphe 3, sous b), de l’article 14, de l’article 16, sous a), et de l’article 20 de la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JO 2004, L 134, p. 1), telle que modifiée par le règlement (CE) no 1177/2009 de la Commission, du 30 novembre 2009 (JO 2009, L 314, p. 64) (ci-après la « directive 2004/17 »), de
l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 92/13/CEE du Conseil, du 25 février 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des règles communautaires sur les procédures de passation des marchés des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO 1992, L 76, p. 14), telle que modifiée par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du
11 décembre 2007 (JO 2007, L 335, p. 31) (ci-après la « directive 92/13 »), ainsi que du principe général d’interdiction de l’abus de droit (affaire C‑459/23).
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de cinq litiges opposant, respectivement, T.B. à C.B. au sujet de la répartition d’un patrimoine commun et d’une succession (affaire C‑422/23), G.T. à T. S.A. au sujet de la libération d’une garantie et de l’exécution d’actions détenues par une société (affaire C‑455/23), E. S.A. (ci-après la « société E. ») à W. sp. z o.o. (ci-après la « société W. ») et à Bank S.A. au sujet de l’inexistence juridique d’un lien contractuel (affaire C‑459/23),
S. sp. z o.o. à V. sp. z o.o. au sujet d’une demande de paiement (affaire C‑486/23) ainsi que Miasto W. à M.T., à E.T., et à A.W. au sujet d’une obligation de déposer une déclaration de volonté (affaire C‑493/23).
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2003/88/CE
3 L’article 6, sous b), de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9), prévoit :
« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs :
[...]
b) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n’excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires. »
La directive 92/13
4 Aux termes de l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, de la directive 92/13 :
« 1. Les États membres veillent à ce qu’un marché soit déclaré dépourvu d’effets par une instance de recours indépendante de l’entité adjudicatrice ou à ce que l’absence d’effets dudit marché résulte d’une décision d’une telle instance dans chacun des cas suivants :
a) si l’entité adjudicatrice a passé un marché sans avoir préalablement publié un avis au Journal officiel de l’Union européenne, sans que cela soit autorisé en vertu des dispositions de la [directive 2004/17]
[...]
2. Les conséquences de l’absence d’effets d’un marché sont déterminées par le droit national.
Le droit national pourrait donc prévoir l’annulation rétroactive de toutes les obligations contractuelles ou limiter la portée de l’annulation aux obligations qui devraient encore être exécutées. Dans ce deuxième cas, les États membres prévoient l’application d’autres sanctions au sens de l’article 2 sexies, paragraphe 2. »
5 L’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, de la directive 92/13 a été inséré dans la directive 92/13 par la directive 2007/66. Les considérants 2, 13, 14 et 20 de cette dernière sont libellés comme suit :
« (2) [...] Conformément à la jurisprudence de la Cour [...], les États membres devraient veiller à l’existence de moyens de recours efficaces et rapides contre les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices sur la question de savoir si un marché déterminé relève ou non du champ d’application personnel et matériel des directives 2004/18/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés
publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114),] et [2004/17].
[...]
(13) Afin de lutter contre la passation illégale de marchés de gré à gré, que la Cour [...] a qualifiée de violation la plus importante du droit communautaire en matière de marchés publics de la part d’un pouvoir adjudicateur ou d’une entité adjudicatrice, il convient de prévoir une sanction effective, proportionnée et dissuasive. Par conséquent, un contrat résultant d’un marché de gré à gré illégal devrait être considéré en principe comme dépourvu d’effets. L’absence d’effets ne devrait pas être
automatique mais devrait être établie par une instance de recours indépendante ou découler d’une décision prise par une telle instance.
(14) L’absence d’effets est la manière la plus efficace de rétablir la concurrence et de créer de nouvelles perspectives commerciales pour les opérateurs économiques qui ont été privés illégalement de la possibilité de participer à la procédure de passation de marché. Les marchés de gré à gré au sens de la présente directive devraient inclure tous les marchés passés sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne au sens de la directive [2004/18]. Cela
correspond à une procédure sans mise en concurrence préalable au sens de la [directive 2004/17].
[...]
(20) La présente directive ne devrait pas exclure l’application de sanctions plus sévères en vertu du droit national. »
La directive 2004/17
6 Les considérants 2, 3 et 9 de la directive 2004/17 étaient libellés comme suit :
« (2) Une raison importante pour l’introduction de règles portant coordination des procédures de passation des marchés dans ces secteurs tient aux différentes façons dont les autorités nationales peuvent influencer le comportement de ces entités [...]
(3) Une autre des raisons principales pour lesquelles une coordination des procédures de passation de marchés par les entités opérant dans ces secteurs est nécessaire est le caractère fermé des marchés sur lesquels elles opèrent [...]
[...]
(9) En vue de garantir l’ouverture à la concurrence des marchés publics attribués par les entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux, il est souhaitable que soient élaborées des dispositions instaurant une coordination communautaire des marchés dépassant une certaine valeur [...] »
7 Aux termes de l’article 1er de cette directive :
« 1. Aux fins de la présente directive, les définitions figurant au présent article s’appliquent.
2. [...]
c) les “marchés de fournitures” sont des marchés autres que ceux visés au point b) ayant pour objet l’achat, le crédit-bail, la location ou la location-vente, avec ou sans option d’achat, de produits.
Un marché ayant pour objet la fourniture de produits et, à titre accessoire, les travaux de pose et d’installation est considéré comme un “marché de fourniture” ;
[...]
4. Un “accord-cadre” est un accord conclu entre une ou plusieurs entités adjudicatrices visées à l’article 2, paragraphe 2, et un ou plusieurs opérateurs économiques, et qui a pour objet d’établir les termes régissant les marchés à passer au cours d’une période donnée, notamment en ce qui concerne les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées. »
8 L’article 2, paragraphes 1 et 2, de ladite directive prévoyait :
« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
b) “entreprise publique” : toute entreprise sur laquelle les pouvoirs adjudicateurs peuvent exercer directement ou indirectement une influence dominante du fait de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent.
L’influence dominante est présumée lorsque les pouvoirs adjudicateurs, directement ou indirectement, à l’égard de l’entreprise :
– détiennent la majorité du capital souscrit de l’entreprise [...]
[...]
2. La présente directive s’applique aux entités adjudicatrices :
a) qui sont des pouvoirs adjudicateurs ou des entreprises publiques et qui exercent une des activités visées aux articles 3 à 7 ;
[...] »
9 L’article 3, paragraphe 3, de la même directive disposait :
« En ce qui concerne l’électricité, la présente directive s’applique aux activités suivantes :
a) la mise à disposition ou l’exploitation de réseaux fixes destinés à fournir un service public dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution d’électricité, ou
b) l’alimentation de ces réseaux en électricité. »
10 L’article 14 de la directive 2004/17 prévoyait :
« 1. Les entités adjudicatrices peuvent considérer un accord-cadre comme un marché au sens de l’article 1er, paragraphe 2, et l’attribuer conformément à la présente directive.
2. Lorsque les entités adjudicatrices ont passé un accord-cadre conformément à la présente directive, elles peuvent recourir à l’article 40, paragraphe 3, point i), lorsqu’elles passent des marchés qui sont fondés sur cet accord-cadre.
3. Lorsqu’un accord-cadre n’a pas été passé conformément à la présente directive, les entités adjudicatrices ne peuvent pas recourir à l’article 40, paragraphe 3, point i).
4. Les entités adjudicatrices ne peuvent pas recourir aux accords-cadres de façon abusive avec pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence. »
11 Aux termes de l’article 16, sous a), de cette directive :
« À moins qu’ils ne soient exclus en vertu des exclusions prévues aux articles 19 à 26 ou conformément à l’article 30 concernant la poursuite de l’activité en question, la présente directive s’applique aux marchés dont la valeur estimée hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est égale ou supérieure aux seuils suivants :
a) 387000 EUR en ce qui concerne les marchés de fournitures et de services ».
12 L’article 17 de ladite directive était libellé comme suit :
« 1. Le calcul de la valeur estimée d’un marché est fondé sur le montant total payable, hors TVA, estimé par l’entité adjudicatrice. Ce calcul tient compte du montant total estimé, y compris toute forme d’option éventuelle et les reconductions du contrat éventuelles.
[...]
2. Les entités adjudicatrices ne peuvent pas contourner l’application de la présente directive en scindant les projets d’ouvrage ou les projets d’achat visant à obtenir une certaine quantité de fournitures et/ou de services ou en utilisant des modalités particulières de calcul de la valeur estimée des marchés.
3. Pour les accords-cadres et pour les systèmes d’acquisition dynamiques la valeur à prendre en considération est la valeur maximale estimée hors TVA de l’ensemble des marchés envisagés pendant la durée totale de l’accord ou du système.
[...]
7. Lorsqu’il s’agit de marchés de fournitures ou de services présentant un caractère de régularité ou destinés à être renouvelés au cours d’une période donnée, est prise comme base pour le calcul de la valeur estimée du marché :
a) soit la valeur réelle globale des contrats successifs analogues passés au cours des douze mois précédents ou de l’exercice précédent, corrigée, si possible, pour tenir compte des modifications en quantité ou en valeur qui surviendraient au cours des douze mois suivant le contrat initial ;
b) soit la valeur estimée globale des contrats successifs passés au cours des douze mois suivant la première livraison ou au cours de l’exercice dans la mesure où celui-ci est supérieur à douze mois. »
13 L’article 20, paragraphe 1, de la même directive prévoyait :
« La présente directive ne s’applique pas aux marchés que les entités adjudicatrices passent à des fins autres que la poursuite de leurs activités visées aux articles 3 à 7 ou pour la poursuite de ces activités dans un pays tiers, dans des conditions n’impliquant pas l’exploitation physique d’un réseau ou d’une aire géographique à l’intérieur de la Communauté [européenne]. »
14 L’article 40, paragraphe 3, sous i), de la directive 2004/17 disposait :
« Les entités adjudicatrices peuvent recourir à une procédure sans mise en concurrence préalable dans les cas suivants :
[...]
i) pour les marchés à passer sur la base d’un accord-cadre, pour autant que la condition mentionnée à l’article 14, paragraphe 2, soit remplie ».
La directive 2014/25/UE
15 Aux termes du considérant 23 de la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE (JO 2014, L 94, p. 243) :
« Sans étendre en aucune façon le champ d’application de la présente directive, il y a lieu de spécifier que lorsque la présente directive renvoie à l’alimentation en électricité, elle couvre sa production, sa vente en gros et sa vente de détail. »
16 L’article 7, premier alinéa, de cette directive dispose :
« Aux fins des articles 8, 9 et 10, le terme “alimentation” comprend la production, la vente en gros et la vente de détail. »
17 L’article 9, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :
« En ce qui concerne l’électricité, la présente directive s’applique aux activités suivantes :
a) la mise à disposition ou l’exploitation de réseaux fixes destinés à fournir un service au public dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution d’électricité ;
b) l’alimentation de ces réseaux en électricité. »
La directive 2009/28/CE
18 L’article 2, second alinéa, sous k) et l), de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE (JO 2009, L 140, p. 1), contenait les définitions suivantes :
« k) “régime d’aide” : tout instrument, régime ou mécanisme appliqué par un État membre ou un groupe d’États membres, destiné à promouvoir l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables grâce à une réduction du coût de cette énergie par une augmentation du prix de vente ou du volume d’achat de cette énergie, au moyen d’une obligation d’utiliser ce type d’énergie ou d’une autre mesure incitative ; cela inclut, mais sans s’y limiter, les aides à l’investissement, les
exonérations ou réductions fiscales, les remboursements d’impôt, les régimes d’aide liés à l’obligation d’utiliser de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, y compris ceux utilisant les certificats verts, et les régimes de soutien direct des prix, y compris les tarifs de rachat et les primes ;
l) “obligation d’utiliser de l’énergie produite à partir de sources renouvelables” : un régime national d’aide exigeant des producteurs d’énergie de produire une proportion déterminée d’énergie à partir de sources renouvelables, exigeant des fournisseurs d’énergie de proposer une proportion déterminée d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans leur offre d’énergie ou exigeant des consommateurs d’énergie d’utiliser de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans une
proportion déterminée. Ceci inclut les régimes en vertu desquels ces exigences peuvent être satisfaites en utilisant des certificats verts ».
Le droit polonais
La loi sur la Cour suprême
19 Aux termes de l’article 23 de l’ustawa o Sądzie Najwyższym (loi sur la Cour suprême), du 8 décembre 2017 (Dz. U. de 2018, position 5), telle que modifiée (Dz. U. de 2021, position 1904), dans sa version applicable aux litiges au principal (ci-après la « loi sur la Cour suprême ») :
« La chambre civile est compétente pour connaître des affaires en matière de droit civil, de droit commercial, de droit de la propriété intellectuelle, de droit de la famille et des tutelles, ainsi que des affaires concernant l’enregistrement des entreprises et l’enregistrement des sûretés. »
20 L’article 25 de cette loi prévoit :
« La chambre du travail et des assurances sociales est compétente pour connaître des affaires en matière de droit du travail, d’assurances sociales. »
21 L’article 35, paragraphe 3, de ladite loi dispose :
« Un juge peut être désigné par le premier président du Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne) pour participer à l’examen d’une affaire particulière dans une autre chambre et, avec son consentement, pour siéger pendant une durée déterminée dans une autre chambre. Un juge peut être désigné pour siéger dans une autre chambre, sans son consentement, pour une durée maximale de six mois par an. À l’issue de la période pour laquelle le juge a été désigné pour siéger dans une autre chambre, le juge
concerné s’occupe des affaires qui lui ont été confiées dans cette chambre jusqu’à leur clôture. »
La loi sur les marchés publics
22 L’article 132, paragraphe 1, de l’ustawa – Prawo zamówień publicznych (loi sur les marchés publics), du 29 janvier 2004 (Dz. U. no 19, position 177), dans sa version applicable au litige au principal relatif à l’affaire C‑459/23, disposait :
« Les dispositions du présent chapitre s’appliquent aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs visés à l’article 3, paragraphe 1, point 3, et leurs associations et par les pouvoirs adjudicateurs visés à l’article 3, paragraphe 1, point 4, [...] sous réserve de l’article 3, paragraphe 1, point 5, lorsque le marché est passé en vue de la poursuite de l’une des activités suivantes :
[...]
3) la création de réseaux pour la fourniture de services publics relatifs à la production, au transport ou à la distribution d’électricité, de gaz ou de chauffage, ou la fourniture d’électricité, de gaz ou de chauffage à ces réseaux, ou la gestion de ces réseaux [...] »
23 L’article 146 de cette loi, dans sa version applicable au litige au principal relatif à l’affaire C‑459/23, prévoyait :
« 1. Le contrat doit être annulé si le pouvoir adjudicateur :
[...]
2) n’a pas publié d’avis de marché au Biuletynie Zamówień Publicznych [Bulletin des marchés publics] ou n’a pas transmis d’avis de marché à l’Office des publications [de l’Union européenne] ;
[...]
4. Pour les motifs visés aux paragraphes 1 et 6, la nullité d’un contrat ne saurait être demandée sur le fondement de l’article 189 de l’ustawa – Kodeks postępowania cywilnego [(loi portant code de procédure civile), du 17 novembre 1964 (Dz. U. no 43, position 296), telle que modifiée]. »
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
Les circonstances et questions communes à l’ensemble des affaires
24 La chambre civile du Sąd Najwyższy (Cour suprême) (ci-après la « chambre civile »), qui est la juridiction de renvoi, est saisie de cinq pourvois en cassation.
25 La présidente de la chambre civile a, par voie d’ordonnances, désigné les formations collégiales, composées de trois juges, chargées de statuer chacune sur l’une de ces cinq affaires et a déterminé, pour chaque affaire, un juge rapporteur.
26 Dans chacune des formations de trois juges ainsi désignées siègent, outre un juge de la chambre civile, deux juges affectés à la chambre du travail et des assurances sociales du Sąd Najwyższy (Cour suprême). Ces deux derniers juges ont été désignés par des ordonnances de la première présidente de cette juridiction, fondées sur l’article 35, paragraphe 3, de la loi sur la Cour suprême, pour siéger dans la chambre civile pour une période de trois mois allant du 1er avril au 30 juin 2023. Dans trois
desdites cinq affaires, ces désignations se sont accompagnées d’un changement de juge rapporteur, au profit de certains des juges ainsi désignés.
27 La juridiction de renvoi nourrit des doutes sur l’indépendance et l’impartialité des formations de jugement ainsi constituées, en raison de plusieurs circonstances.
28 Premièrement, cette juridiction souligne que les juges concernés ont été désignés pour siéger, pour une période déterminée, au sein de la chambre civile sans leur consentement. Ils n’auraient, par ailleurs, pas même été consultés au préalable.
29 Deuxièmement, ladite juridiction fait observer que ces désignations n’ont pas été motivées. Se référant à des motifs relatés dans la presse concernant la désignation d’un nombre important de juges afin de siéger, pour une durée déterminée, dans la chambre civile, elle précise que la charge de travail et l’important arriéré de cette chambre sont dus à la gestion récente de celle-ci et ne sauraient justifier de telles désignations.
30 Troisièmement, les juges désignés ne bénéficieraient, en vertu du droit polonais, d’aucune protection juridictionnelle. En effet, une décision désignant un juge pour siéger, pour une durée déterminée, dans une autre chambre pourrait uniquement faire l’objet d’un réexamen par la Krajowa Rada Sądownictwa (Conseil national de la magistrature, Pologne). Or, ce réexamen ne constituerait pas une voie de recours devant un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, compte tenu de la
composition actuelle de ce conseil.
31 À cet égard, la juridiction de renvoi fait un parallèle entre les désignations non consenties d’un juge afin de siéger, pour une durée déterminée, dans une chambre autre que celle à laquelle il a été affecté et les mesures de mutation non consenties d’un juge. Or, au point 118 de l’arrêt du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, EU:C:2021:798), la Cour aurait jugé que de telles mesures de mutation sont
susceptibles de porter atteinte aux principes d’inamovibilité et d’indépendance des juges et qu’elles devraient être susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel.
32 Quatrièmement, tant la présidente de la chambre civile que la première présidente du Sąd Najwyższy (Cour suprême), qui ont adopté les ordonnances en cause au principal, auraient été nommées juges au Sąd Najwyższy (Cour suprême) dans les mêmes circonstances, irrégulières, que celles examinées par la Cour à l’occasion de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19,
EU:C:2021:798). Or, les procédures judiciaires auxquelles participent de telles personnes seraient invalides, car contraires au droit des justiciables à un procès équitable.
33 Cinquièmement, les juges désignés afin de siéger, pour une durée déterminée, dans la chambre civile n’auraient pas été dispensés de l’exercice de leurs activités juridictionnelles dans leur chambre d’origine. Ils devraient donc faire face à une double charge de travail.
34 Or, tout d’abord, cette double charge de travail ne trouverait pas de base légale dans le droit polonais. En effet, l’article 35, paragraphe 3, de la loi sur la Cour suprême ne permettrait une désignation, non consentie, afin de siéger dans une autre chambre que pour une affaire spécifique ou pour une durée limitée dans le temps. Dans ce dernier cas de figure, le juge concerné ne devrait siéger que dans cette autre chambre, et non simultanément dans cette dernière et dans sa chambre d’origine.
35 Ensuite, ladite double charge de travail poserait des problèmes en termes de qualité de la justice rendue, compte tenu de la spécialisation matérielle des juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême) qui serait nécessaire au bon fonctionnement de cette juridiction. La désignation afin de siéger dans une autre chambre conduirait le juge concerné à statuer dans des domaines du droit dans lesquels il n’est pas spécialisé.
36 Enfin, la juridiction de renvoi fait observer, dans certaines de ses demandes de décision préjudicielle, que la même double charge de travail risque d’être contraire à l’article 6, sous b), de la directive 2003/88. Il ne saurait être admis, selon elle, que le président d’une juridiction jouisse d’un pouvoir discrétionnaire lui permettant d’assigner à un juge des tâches supplémentaires en l’absence de tout dialogue, et cela alors même que l’ajout de ces tâches conduit à un dépassement des normes
européennes et nationales maximales de temps de travail.
37 Au vu de ces éléments, la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à la compatibilité des formations de jugement appelées à statuer sur les cinq pourvois en cassation avec les exigences de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte. Dans les affaires C‑455/23, C‑459/23 et C‑486/23, elle se demande, par ailleurs, si, en cas d’incompatibilité avec le droit de l’Union, ces formations de jugement doivent refuser de statuer.
38 C’est dans ces conditions que le Sąd Najwyższy (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour, dans les affaires C‑422/23 et C‑493/23, les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Lorsqu’une disposition du droit national prévoit qu’un juge d’une juridiction nationale de dernière instance [un juge du Sąd Najwyższy (Cour suprême)] peut être désigné sans son consentement, en vertu d’une décision discrétionnaire du président en charge de cette juridiction [le premier président du Sąd Najwyższy (Cour suprême)], pour siéger, pendant une période déterminée de l’année, hors de la chambre dans laquelle il statue habituellement conformément à sa formation et à ses compétences,
dans une autre chambre de cette juridiction compétente pour connaître d’un autre type d’affaires que celles que ce juge a traité[es] jusqu’à présent, convient-il d’interpréter l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu conjointement avec l’article 47 de la [Charte], en ce sens qu’il exige que le juge ainsi désigné dispose, afin de protéger son indépendance et son autonomie, d’un recours effectif contre cette décision devant un tribunal indépendant et impartial, dans le cadre d’une
procédure répondant aux exigences découlant des articles 47 et 48 de [la] Charte ?
2) [L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu conjointement avec l’article 47 de la Charte, doit-il être interprété] en ce sens que ne constitue pas un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi et assurant une protection juridictionnelle effective des justiciables dans les domaines couverts par le droit de l’Union, une juridiction de dernière instance d’un État membre [le Sąd Najwyższy (Cour suprême)] dont la formation collégiale à trois juges comprend deux juges
qui, sans leur consentement, ont été désignés par le président de ladite juridiction pour siéger, hors de la chambre à laquelle ils sont affectés dans cette même juridiction, dans la chambre de cette juridiction compétente pour connaître de l’affaire en cause, sans avoir eu au préalable la possibilité de former un recours contre la décision les désignant devant un tribunal impartial et indépendant, dans le cadre d’une procédure répondant aux exigences découlant des articles 47 et 48 de la
[Charte] ? »
39 Dans les affaires C‑455/23, C‑459/23 et C‑486/23, le Sąd Najwyższy (Cour suprême) a formulé ses questions de la manière suivante, étant précisé que, dans l’affaire C‑459/23, ce sont les première à troisième questions sur les sept questions posées :
« 1) L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu à la lumière de l’interprétation retenue par la Cour dans son arrêt du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, EU:C:2021:798), doit-il être interprété en ce sens que la désignation d’un juge du Sąd Najwyższy (Cour suprême) aux fins de siéger temporairement dans une autre chambre du Sąd Najwyższy (Cour suprême), sans que ce juge y ait consenti, viole le
principe d’inamovibilité et d’indépendance des juges, par analogie avec la mutation d’un juge d’une juridiction de droit commun entre deux sections de la même juridiction, lorsque :
– le juge du Sąd Najwyższy (Cour suprême) est désigné pour statuer sur des affaires dont l’objet ne correspond pas à la compétence matérielle de la chambre dans laquelle il avait été nommé ;
– le juge ne dispose pas, contre la décision relative à une telle désignation, d’une voie de recours juridictionnelle répondant aux exigences énoncées au point 118 de l’arrêt du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, EU:C:2021:798) ;
– la décision du premier président du Sąd Najwyższy (Cour suprême) relative à la désignation du juge dans une autre chambre et la décision du président chargé des travaux de la chambre civile [...] au sujet de l’attribution d’affaires spécifiques ont été adoptées par des personnes nommées juges au Sąd Najwyższy (Cour suprême) dans les mêmes circonstances que celles ayant donné lieu à l’arrêt du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour
suprême – Nomination) [(C‑487/19, EU:C:2021:798)], étant entendu que, à la lumière de la jurisprudence existante, les procédures judiciaires auxquelles participent de telles personnes sont soit invalides, soit contraires au droit des justiciables à un procès équitable, que consacre l’article 6 de la [convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la “CEDH”)] ;
– le fait de désigner le juge sans son consentement, pour une durée déterminée, dans une autre chambre du Sąd Najwyższy (Cour suprême) que celle dans laquelle il exerce ses fonctions, tout en l’obligeant de continuer à siéger dans sa chambre d’origine, n’a pas de fondement en droit national ;
– la désignation non consentie du juge aux fins de siéger pour une durée déterminée dans une autre chambre du Sąd Najwyższy (Cour suprême) que celle dans laquelle il exerce ses fonctions conduit à violer l’article 6, sous b), de la directive [2003/88] ?
2) Nonobstant la réponse à la première question, l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE doit-il être interprété en ce sens que ne constitue pas un tribunal “établi par la loi” un tribunal constitué à la suite d’une décision du premier président du Sąd Najwyższy (Cour suprême) de désigner un juge afin de siéger dans une autre chambre du Sąd Najwyższy (Cour suprême) et d’une décision du président chargé des travaux de la chambre civile [...] au sujet de l’attribution d’affaires spécifiques,
étant entendu que ces décisions ont été adoptées par des personnes nommées juges au Sąd Najwyższy (Cour suprême) dans les mêmes circonstances que celles de l’affaire [ayant donné lieu à l’arrêt du 6 octobre 2021,] W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, EU:C:2021:798), alors qu’il ressort de la jurisprudence existante que les procédures judiciaires auxquelles participent de telles personnes sont soit invalides, soit
contraires au droit des justiciables à un procès équitable, que consacre l’article 6 de la [CEDH] ?
3) En cas de réponse affirmative à la première question, ou s’il est répondu à la deuxième question en ce sens que le tribunal ainsi constitué n’est pas un tribunal “établi par la loi”, l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et le principe de la primauté du droit de l’Union doivent-ils être interprétés de telle sorte que les juges nommés dans une formation de jugement établie selon les modalités visées dans les première et deuxième questions peuvent refuser d’accomplir des actes dans
l’affaire qui leur est confiée, y compris de statuer, en considérant comme inexistantes les décisions consistant à les désigner dans une autre chambre du Sąd Najwyższy (Cour suprême) et à leur attribuer des affaires spécifiques, ou faut-il considérer que force leur est de statuer, en laissant aux parties le soin de décider si elles contestent éventuellement [la décision qu’ils ont rendue] au motif qu’elle viole le droit des parties à ce que l’affaire soit entendue par une juridiction répondant
aux exigences de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la [Charte] ? »
Les circonstances et questions spécifiques à l’affaire C‑459/23
40 La société E., requérante au principal dans l’affaire C‑459/23, exerce une activité de négoce d’électricité. Le Trésor public polonais détient plus de 50 % de ses actions. La société W., l’une des défenderesses au principal dans cette affaire, est active dans la production, le transport et la distribution d’électricité.
41 Le 24 février 2011, les sociétés E. et W. ont conclu un contrat de vente de droits de propriété (ci-après le « contrat en cause au principal »). Ce contrat déterminait les conditions de vente de l’ensemble des droits de propriété résultant de certificats verts, à savoir des certificats d’origine de l’électricité produite à partir d’une source d’énergie renouvelable. La société W. s’est engagée à transférer à la société E. la propriété de tous les droits de propriété résultant de ces certificats.
La société E. s’est engagée à acquérir lesdits certificats par l’intermédiaire de transactions de gré à gré sur la bourse d’énergie polonaise. Ledit contrat prévoyait également les conditions de rémunération de la vente desdits certificats en définissant une formule de prix.
42 Après des tentatives infructueuses de renégociation des conditions de prix stipulées dans le contrat en cause au principal, la société E. a mis fin, au mois de septembre 2017, à l’exécution des ordres de vente que lui présentait la société W.
43 Par la suite, la société E. a formé un recours visant à établir l’inexistence d’un lien contractuel né de la conclusion du contrat en cause au principal, en tirant argument d’une méconnaissance des règles de passation des marchés publics. Elle a été déboutée tant en première instance, par un jugement du Sąd Okregowy w Gdańsku (tribunal régional de Gdansk, Pologne), du 6 décembre 2018, qu’au stade de l’appel, par un arrêt du Sąd Apelacyjny w Gdańsku (cour d’appel de Gdansk, Pologne), du 13 août
2019. Ces juridictions ont considéré, en substance, que ce contrat ne relevait pas du droit des marchés publics.
44 La société E. s’est alors pourvue en cassation, devant la juridiction de renvoi, contre l’arrêt du 13 août 2019. Cette juridiction s’interroge sur le bien-fondé des appréciations portées, par les juges du fond, sur l’applicabilité du droit des marchés publics au contrat en cause au principal. Ces interrogations seraient pertinentes dans l’hypothèse où il découlerait des réponses à ses première à troisième questions, reproduites au point 39 du présent arrêt, qu’elle doit aborder le fond du pourvoi
en cassation formé devant elle.
45 Premièrement, ladite juridiction cherche à déterminer si l’activité de négoce de l’électricité relève du droit des marchés publics. À ce titre, elle sollicite, d’une part, l’interprétation de l’article 3, paragraphe 3, sous b), de la directive 2004/17 afin de savoir si les termes « alimentation [des] réseaux en électricité » comprennent la vente d’électricité. D’autre part, compte tenu de l’article 20 de la directive 2004/17, il conviendrait de déterminer si l’achat de certificats verts a lieu
aux fins de l’exercice de l’activité de fourniture d’électricité et doit être soumis à la procédure de passation des marchés publics. Si cet achat procédait d’une obligation légale et constituait ainsi une conséquence de l’exercice de l’activité de fourniture de l’électricité, il ne serait, en revanche, pas nécessaire pour exercer l’activité de vente d’électricité.
46 Deuxièmement, la juridiction de renvoi estime nécessaire d’obtenir des précisions sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2004/17, lu en combinaison avec l’article 14 de celle-ci, afin de déterminer si un contrat qui oblige les parties à conclure des contrats d’exécution à des conditions déterminées de prix et de quantité constitue un accord-cadre, au sens de cette directive, et est soumis à la procédure de passation de marchés publics. En l’occurrence, la valeur
annuelle totale des transactions conclues entre les sociétés E. et W. dans le cadre de ces contrats d’exécution dépasserait les seuils de l’Union européenne pour les marchés publics sectoriels. En revanche, prises individuellement, ces transactions n’atteindraient pas ces seuils. Dans ces conditions, cette juridiction estime qu’il pourrait être considéré que le contrat en cause au principal ne constitue pas un accord-cadre et ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union sur les
marchés publics. Elle souligne, toutefois, que l’article 17, paragraphe 2, de la directive 2004/17 interdit de scinder un contrat afin de contourner ces seuils. Dans cette optique, il conviendrait de déterminer si la valeur totale des transactions d’exécution doit être évaluée ex ante ou ex post.
47 Troisièmement, la juridiction de renvoi s’interroge sur la sanction devant être appliquée en raison de l’attribution directe du marché en méconnaissance totale des règles de passation des marchés publics et envisage deux possibilités. D’un côté, il serait possible de juger qu’une telle attribution constitue un cas d’absence de publication d’un avis de marché relevant de l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 92/13 et, partant, d’annuler le contrat en cause au principal. De
l’autre côté, la société E. suggérerait de distinguer entre l’omission de publier l’avis de marché et l’omission totale d’appliquer les procédures de passation de marchés publics. Ce dernier cas de figure relèverait non pas de cette disposition, mais des sanctions, plus sévères, prévues par le droit civil polonais.
48 Quatrièmement, la juridiction de renvoi cherche à savoir si le principe général d’interdiction de l’abus de droit s’oppose à l’annulation d’un contrat pour violation des dispositions du droit de l’Union sur les marchés publics lorsque l’allégation d’une telle violation n’est qu’un prétexte pour atteindre des objectifs totalement différents de ceux poursuivis par le législateur de l’Union, tels que celui de ne pas devoir exécuter un contrat dont la rentabilité a diminué pour la partie
demanderesse.
49 C’est dans ces conditions que, outre les trois questions exposées au point 39 du présent arrêt, le Sąd Najwyższy (Cour suprême) a posé les questions préjudicielles suivantes propres à l’affaire C‑459/23 :
« 4) S’il est répondu aux questions précédentes que la juridiction de renvoi est un tribunal établi par la loi, au sens de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, l’article 3, paragraphe 3, sous b), lu conjointement avec l’article 20 et avec l’article 1er, paragraphe 2, sous c), de la [directive 2004/17,] doit-il être interprété en ce sens qu’une entreprise publique visée à l’article 2, paragraphe 1, sous b), de cette directive, exerçant l’activité de vente en gros et au détail
d’électricité, est tenue d’acquérir par voie de marché public les certificats verts visés à l’article 2, [second alinéa,] sous k) à l), de la directive [2009/28] ?
5) En cas de réponse affirmative à la quatrième question, les dispositions combinées de l’article 14 et de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2004/17 doivent-elles être interprétées en ce sens qu’un accord-cadre entre une telle entreprise et un producteur d’énergie à partir de sources renouvelables doit être conclu selon la procédure prévue pour les marchés publics lorsque la valeur totale estimée (bien que non précisée dans le contrat) des certificats verts acquis en exécution de ce
contrat dépasse le seuil prévu à l’article 16, sous a), de [cette] directive, mais que la valeur des transactions individuelles conclues en exécution de ce contrat n’excède pas ce seuil ?
6) En cas de réponse affirmative aux [quatrième et cinquième questions], la conclusion d’un contrat en méconnaissance totale des règles de passation des marchés publics constitue-t-elle un cas visé à l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la [directive 92/13], ou s’agit-il d’un autre cas de violation du droit des marchés publics de l’Union européenne qui permet de déclarer un contrat nul en dehors de la procédure prévue par le droit national transposant [cette directive] ?
7) En cas de réponse affirmative aux [quatrième à sixième questions], le principe général d’interdiction de l’abus de droit doit-il être interprété en ce sens qu’une entreprise adjudicatrice, telle que visée à l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/17, ne peut pas demander l’annulation d’un contrat qu’elle a conclu avec un fournisseur en violation des dispositions nationales transposant les directives de l’Union en matière de marchés publics, alors que le véritable motif pour
lequel elle demande l’annulation du contrat n’est pas le respect du droit de l’Union, mais une diminution de la rentabilité de son exécution par l’entreprise adjudicatrice ? »
50 Par une décision du président de la Cour du 10 octobre 2023, les affaires C‑422/23, C‑455/23, C‑459/23, C‑486/23 et C‑493/23 ont été jointes aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de l’arrêt.
Sur la recevabilité des demandes de décision préjudicielle
51 Il importe de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, il appartient à la Cour elle-même d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national, en vue de vérifier sa propre compétence ou la recevabilité de la demande qui lui est soumise (arrêt du 11 juillet 2024, Hann-Invest e.a., C‑554/21, C‑622/21 et C‑727/21, EU:C:2024:594, point 29 ainsi que jurisprudence citée).
52 Les demandes de décision préjudicielle émanant de différentes formations de la chambre civile, il convient de vérifier si l’organe de renvoi, qui fait état de ses doutes quant à sa propre indépendance, possède le caractère d’une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE.
53 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que, pour apprécier si un organisme de renvoi possède le caractère d’une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, question qui relève uniquement du droit de l’Union, et, partant, si la demande de décision préjudicielle est recevable, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels que l’origine légale de cet organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de sa procédure, l’application,
par l’organisme en cause, des règles de droit ainsi que son indépendance [voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 1966, Vaassen-Göbbels, 61/65, EU:C:1966:39, p. 395 ; du 21 décembre 2023, Krajowa Rada Sądownictwa (Maintien en fonctions d’un juge), C‑718/21, EU:C:2023:1015, point 40 et jurisprudence citée, ainsi que du 7 mai 2024, NADA e.a., C‑115/22, EU:C:2024:384, point 35].
54 La Cour a déjà relevé que le Sąd Najwyższy (Cour suprême) en tant que tel répond aux exigences ainsi rappelées et a précisé que, pour autant qu’une demande de décision préjudicielle émane d’une juridiction nationale, il doit être présumé que celle-ci remplit ces exigences indépendamment de sa composition concrète [arrêts du 29 mars 2022, Getin Noble Bank, C‑132/20, EU:C:2022:235, points 68 et 69, ainsi que du 21 décembre 2023, Krajowa Rada Sądownictwa (Maintien en fonctions d’un juge), C‑718/21,
EU:C:2023:1015, point 41].
55 Cette présomption peut cependant être renversée lorsqu’une décision définitive rendue par une juridiction d’un État membre ou une juridiction internationale conduirait à considérer que le juge constituant la juridiction de renvoi n’a pas la qualité de tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi, au sens de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte [arrêts du 29 mars 2022, Getin Noble Bank, C‑132/20,
EU:C:2022:235, point 72, et du 21 décembre 2023, Krajowa Rada Sądownictwa (Maintien en fonctions d’un juge), C‑718/21, EU:C:2023:1015, point 44].
56 Or, saisie par une formation de jugement composée d’un juge unique de la chambre civile, la Cour a jugé que, eu égard à sa propre jurisprudence relative à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, divers constats et appréciations effectués, d’une part, par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt du 3 février 2022, Advance Pharma sp. z o.o. c. Pologne (CE:ECHR:2022:0203JUD00146920) et, d’autre part, par le
Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne) dans un arrêt du 6 mai 2021 conduisaient à considérer qu’une telle formation de jugement n’avait pas, en raison des modalités ayant présidé à la nomination du juge qui la composait, la qualité de tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi, au sens de ces dispositions du droit de l’Union. En conséquence, la présomption évoquée au point 54 du présent arrêt devait être tenue pour renversée [voir, en ce sens,
arrêt du 7 novembre 2024, Prezes Urzędu Ochrony Konkurencji i Konsumentów, C‑326/23, EU:C:2024:940, points 29 à 37].
57 En l’occurrence, il ne ressort d’aucun élément du dossier dont dispose la Cour que les juges constituant les formations de jugement à l’origine des renvois préjudiciels ont été nommés à la chambre civile à l’issue d’une procédure identique à celle suivie pour la nomination du juge unique, auteur du renvoi préjudiciel dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 novembre 2024, Prezes Urzędu Ochrony Konkurencji i Konsumentów (C‑326/23, EU:C:2024:940). Il ne découle pas davantage de ce dossier que
les nominations de ces juges auraient été en cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et du Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) mentionnés au point précédent.
58 Dans ces conditions, les doutes de la juridiction de renvoi quant à sa propre indépendance ne sont pas suffisants pour renverser la présomption visée au point 54 du présent arrêt.
Sur les questions préjudicielles
Sur les questions dans les affaires C‑422/23 et C‑493/23 ainsi que sur les premières et deuxièmes questions dans les affaires C‑455/23, C‑459/23 et C‑486/23
Sur la recevabilité
59 La Commission européenne estime que les premières questions dans les affaires C‑422/23 et C‑493/23 ainsi que les deuxièmes questions dans les affaires C‑455/23, C‑459/23 et C‑486/23 sont irrecevables. Ces questions ne seraient pas nécessaires pour la résolution des litiges au principal, dès lors que ceux-ci ne porteraient ni sur la décision de la première présidente du Sąd Najwyższy (Cour suprême) de désigner un juge pour siéger dans une autre chambre de celui-ci ni sur la régularité de la
procédure de nomination de cette première présidente et de la présidente de la chambre civile à des postes de juges.
60 En l’occurrence, dans les cinq litiges au principal, la juridiction de renvoi doit, ainsi qu’il ressort des demandes de décision préjudicielle, déterminer in limine litis si elle constitue un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi, au sens de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, alors que plusieurs des membres composant les formations de jugement de la chambre civile à l’origine des renvois
préjudiciels ont été désignés afin d’y siéger temporairement et qu’ils sont dans l’impossibilité de contester leur désignation dans cette chambre civile.
61 Or, il résulte de la jurisprudence de la Cour que des questions préjudicielles visant à permettre à une juridiction de renvoi de trancher in limine litis des difficultés d’ordre procédural telles que celles afférentes à sa propre compétence pour connaître d’une affaire pendante devant elle ou, encore, aux effets juridiques qu’il convient ou non de reconnaître à une décision juridictionnelle faisant potentiellement obstacle à la poursuite de l’examen d’une telle affaire par cette juridiction sont
recevables en vertu de l’article 267 TFUE [arrêts du 13 juillet 2023, YP e.a. (Levée d’immunité et suspension d’un juge), C‑615/20 et C‑671/20, EU:C:2023:562, point 47 ainsi que jurisprudence citée, et du 6 mars 2025, D. K. (Dessaisissement d’un juge), C‑647/21 et C‑648/21, EU:C:2025:143, point 53].
62 Dans ces conditions, les premières questions dans les affaires C‑422/23 et C‑493/23 ainsi que les deuxièmes questions dans les affaires C‑455/23, C‑459/23 et C‑486/23 sont recevables.
Sur le fond
– Observations liminaires
63 L’article 19 TUE, qui concrétise la valeur de l’État de droit affirmée à l’article 2 TUE, confie aux juridictions nationales et à la Cour la charge de garantir la pleine application du droit de l’Union dans l’ensemble des États membres ainsi que la protection juridictionnelle que les justiciables tirent de ce droit [arrêts du 2 mars 2021, A.B. e.a. (Nomination des juges à la Cour suprême – Recours), C‑824/18, EU:C:2021:153, point 108, ainsi que du 16 novembre 2021, Prokuratura Rejonowa w Mińsku
Mazowieckim e.a., C‑748/19 à C‑754/19, EU:C:2021:931, point 59].
64 À ce titre, ainsi que le prévoit l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, il appartient aux États membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures assurant aux justiciables le respect de leur droit à une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union. Le principe de protection juridictionnelle effective des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, auquel se réfère ainsi l’article 19, paragraphe 1, second alinéa,
TUE, constitue un principe général du droit de l’Union qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres, qui a été consacré aux articles 6 et 13 de la CEDH et qui est à présent affirmé à l’article 47 de la Charte. Cette dernière disposition doit, dès lors, être dûment prise en considération aux fins de l’interprétation de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE [arrêt du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour
suprême – Nomination), C‑487/19, EU:C:2021:798, point 102 et jurisprudence citée].
65 Quant au champ d’application ratione materiae de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, cette disposition vise « les domaines couverts par le droit de l’Union », indépendamment de la situation dans laquelle les États membres mettent en œuvre ce droit, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte (voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, C‑64/16, EU:C:2018:117, point 29, ainsi que du 16 novembre 2021, Prokuratura Rejonowa w Mińsku
Mazowieckim e.a., C‑748/19 à C‑754/19, EU:C:2021:931, point 62).
66 L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE a, notamment, vocation à s’appliquer à l’égard de toute instance nationale susceptible de statuer, en tant que juridiction, sur des questions portant sur l’interprétation ou l’application du droit de l’Union et relevant ainsi de domaines couverts par ce droit (arrêts du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 34 ainsi que jurisprudence citée, et du 11 juillet 2024, Hann-Invest e.a., C‑554/21,
C‑622/21 et C‑727/21, EU:C:2024:594, point 36).
67 Or, tel est le cas de la juridiction de renvoi, laquelle peut, en effet, être appelée à statuer sur des questions liées à l’application ou à l’interprétation du droit de l’Union et relève, en tant que « juridiction », au sens de ce droit, du système polonais des voies de recours dans les « domaines couverts par le droit de l’Union », au sens de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, de telle sorte que cette juridiction doit satisfaire aux exigences d’une protection juridictionnelle
effective.
68 En outre, la juridiction de renvoi se réfère également à l’article 47 de la Charte dans certaines de ses demandes de décision préjudicielle. À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci, les dispositions de la Charte s’adressent aux États membres lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union, cette disposition confirmant la jurisprudence constante selon laquelle les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique de l’Union ont vocation à
être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l’Union, mais pas en dehors de celles-ci [arrêts du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 78 ainsi que jurisprudence citée, et du 11 juillet 2024, Hann-Invest e.a., C‑554/21, C‑622/21 et C‑727/21, EU:C:2024:594, point 31].
69 En l’occurrence, la juridiction de renvoi n’a pas fourni d’indication selon laquelle les litiges au principal dans les affaires C‑422/23, C‑455/23, C‑486/23 et C‑493/23 concerneraient l’interprétation ou l’application d’une règle du droit de l’Union qui serait mise en œuvre au niveau national. Dans ces conditions, au vu des éléments dont dispose la Cour, l’article 47 de la Charte ne paraît pas applicable dans ces affaires. Néanmoins, bien que n’étant pas applicable au litige au principal,
l’article 47 de la Charte doit être dûment pris en considération aux fins de l’interprétation de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE (arrêts du 20 avril 2021, Repubblika, C‑896/19, EU:C:2021:311, points 44 et 45, ainsi que du 25 février 2025, Sąd Rejonowy w Białymstoku et Adoreikė, C‑146/23 et C‑374/23, EU:C:2025:109, point 43).
70 En revanche, il ressort de la demande de décision préjudicielle dans l’affaire C‑459/23 que, au principal, la société E. se prévaut de la violation des règles de l’Union régissant la passation des marchés publics, et notamment de la directive 2004/17. Par ses questions propres à cette affaire, la juridiction de renvoi interroge la Cour, notamment, sur l’interprétation du champ d’application de cette directive. Ainsi, il y a lieu de considérer que le litige au principal dans ladite affaire
concerne l’application d’une règle du droit de l’Union mise en œuvre au niveau national, étant précisé qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi de déterminer, à la lumière des réponses de la Cour aux questions propres à l’affaire C‑459/23, si la directive 2004/17 est effectivement applicable au principal, auquel cas l’article 47 de la Charte le serait également.
71 Dans ces conditions, il y a lieu de statuer sur l’interprétation de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte.
– Sur les questions
72 Par ses premières et secondes questions dans les affaires C‑422/23 et C‑493/23 ainsi que par ses premières et deuxièmes questions dans les affaires C‑455/23, C‑459/23 et C‑486/23, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des mesures prises par le président d’une juridiction nationale qui consistent à désigner des juges affectés à une
chambre de cette juridiction afin de siéger temporairement dans une autre chambre de ladite juridiction, tout en continuant de siéger dans leur chambre d’origine, alors même que ces juges n’ont pas consenti à cette désignation, qu’ils ne disposent d’aucune voie de recours juridictionnelle pour la contester, que ladite désignation implique une augmentation de la charge de travail des juges concernés et exige leur investissement dans des matières étrangères au domaine de leur spécialisation et que
ce président a été nommé à la même juridiction dans des conditions incompatibles avec les exigences découlant de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE.
73 À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que tout État membre doit, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, assurer que les instances qui sont appelées, en tant que « juridiction », au sens du droit de l’Union, à statuer sur des questions liées à l’application ou à l’interprétation de ce droit et qui relèvent ainsi de son système de voies de recours dans les domaines couverts par le droit de l’Union satisfont aux exigences d’une protection juridictionnelle
effective, dont celle de l’indépendance [arrêts du 11 juillet 2024, Hann-Invest e.a., C‑554/21, C‑622/21 et C‑727/21, EU:C:2024:594, point 47 ainsi que jurisprudence citée, et du 6 mars 2025, D. K. (Dessaisissement d’un juge), C‑647/21 et C‑648/21, EU:C:2025:143, point 65].
74 Cette exigence d’indépendance des juridictions, qui est inhérente à la mission de juger, relève du contenu essentiel du droit à une protection juridictionnelle effective et du droit fondamental à un procès équitable, lesquels revêtent une importance cardinale en tant que garanties de la protection de l’ensemble des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union et de la préservation des valeurs communes aux États membres énoncées à l’article 2 TUE, notamment la valeur de l’État de droit
[arrêts du 11 juillet 2024, Hann-Invest e.a., C‑554/21, C‑622/21 et C‑727/21, EU:C:2024:594, point 49 ainsi que jurisprudence citée, et du 6 mars 2025, D. K. (Dessaisissement d’un juge), C‑647/21 et C‑648/21, EU:C:2025:143, point 66].
75 Ladite exigence d’indépendance comporte deux aspects. Le premier aspect, d’ordre externe, requiert que l’instance concernée exerce ses fonctions en toute autonomie, sans être soumise à aucun lien hiérarchique ou de subordination à l’égard de quiconque et sans recevoir d’ordres ou d’instructions de quelque origine que ce soit, étant ainsi protégée contre les interventions ou les pressions extérieures susceptibles de porter atteinte à l’indépendance de jugement de ses membres et d’influencer leurs
décisions. Le second aspect, d’ordre interne, rejoint la notion d’« impartialité » et vise l’égale distance par rapport aux parties au litige et à leurs intérêts respectifs au regard de l’objet de celui-ci. Cet aspect exige le respect de l’objectivité et l’absence de tout intérêt dans la solution du litige en dehors de la stricte application de la règle de droit [arrêts du 11 juillet 2024, Hann-Invest e.a., C‑554/21, C‑622/21 et C‑727/21, EU:C:2024:594, points 50 et 51 ainsi que jurisprudence
citée, et du 6 mars 2025, D. K. (Dessaisissement d’un juge), C‑647/21 et C‑648/21, EU:C:2025:143, point 67].
76 Si le volet « externe » de l’indépendance vise essentiellement à préserver l’indépendance des juridictions à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif conformément au principe de séparation des pouvoirs qui caractérise le fonctionnement d’un État de droit, il tend également à protéger les juges contre des influences indues provenant de l’intérieur de la juridiction concernée [voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2024, Hann-Invest e.a., C‑554/21, C‑622/21 et C‑727/21, EU:C:2024:594, point 54
ainsi que jurisprudence citée, et du 6 mars 2025, D. K. (Dessaisissement d’un juge), C‑647/21 et C‑648/21, EU:C:2025:143, point 68].
77 Il convient également de souligner que l’exercice de la fonction de juger doit être à l’abri non seulement de toute influence directe, sous forme d’instructions, mais également des formes d’influence plus indirecte susceptibles d’orienter les décisions de justice [voir, en ce sens, arrêts du11 juillet 2024, Hann-Invest e.a., C‑554/21, C‑622/21 et C‑727/21, EU:C:2024:594, point 53 et jurisprudence citée, ainsi que du 14 novembre 2024, S. (Modification de la formation de jugement), C‑197/23,
EU:C:2024:956, point 62 et jurisprudence citée].
78 Ces garanties d’indépendance et d’impartialité postulent l’existence de règles relatives, notamment, à la composition de l’instance concernée, qui permettent d’écarter tout doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de cette instance à l’égard d’éléments extérieurs et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent [arrêts du 11 juillet 2024, Hann-Invest e.a., C‑554/21, C‑622/21 et C‑727/21, EU:C:2024:594, point 52, ainsi que du 6 mars 2025, D. K.
(Dessaisissement d’un juge), C‑647/21 et C‑648/21, EU:C:2025:143, point 70].
79 En second lieu, l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE exige également l’existence d’un tribunal « établi préalablement par la loi », eu égard aux liens indissociables qui existent entre l’accès à un tel tribunal et les garanties d’indépendance et d’impartialité des juges [voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2024, Hann-Invest e.a., C‑554/21, C‑622/21 et C‑727/21, EU:C:2024:594, point 55 et jurisprudence citée, ainsi que du 14 novembre 2024, S. (Modification de la formation de
jugement), C‑197/23, EU:C:2024:956, point 63 et jurisprudence citée].
80 Or, la notion de « tribunal établi préalablement par la loi », qui figure également à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte et reflète notamment le principe de l’État de droit, concerne non seulement la base légale de l’existence même du tribunal, mais également la composition de la formation de jugement dans chaque affaire ainsi que toute autre disposition du droit interne dont le non-respect rend irrégulière la participation d’un ou de plusieurs juges à l’examen de l’affaire. Cette notion
englobe ainsi les règles d’attribution et de réattribution des affaires [voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2025, D. K. (Dessaisissement d’un juge), C‑647/21 et C‑648/21, EU:C:2025:143, points 73 et 74 ainsi que jurisprudence citée].
81 En conséquence, l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE requiert à ce titre également que les règles régissant la composition des formations de jugement soient de nature à exclure toute ingérence indue, dans le processus décisionnel afférent à une affaire donnée, de personnes qui sont extérieures à la formation de jugement chargée de cette affaire et devant lesquelles les parties n’ont pas pu faire valoir leurs arguments [voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2024, Hann-Invest e.a.,
C‑554/21, C‑622/21 et C‑727/21, EU:C:2024:594, point 59, ainsi que du 6 mars 2025, D. K. (Dessaisissement d’un juge), C‑647/21 et C‑648/21, EU:C:2025:143, point 75].
82 En l’occurrence, la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité avec les exigences rappelées aux points 73 à 81 du présent arrêt de mesures par lesquelles la première présidente du Sąd Najwyższy (Cour suprême) a désigné des juges, issus de la chambre du travail et des assurances sociales, afin de siéger, pour une période déterminée de trois mois, au sein de la chambre civile, tout en continuant de siéger pendant cette période dans leur chambre d’origine.
83 À cet égard, il convient, dans un premier temps, de relever qu’il est légitime, pour les États membres, de prévoir, dans leur droit national, les conditions dans lesquelles le président d’une juridiction est habilité à prendre des mesures imposant temporairement aux juges de cette juridiction une double affectation à leur chambre d’origine et à une autre chambre de ladite juridiction. En effet, de telles mesures peuvent être indispensables aux fins de l’organisation interne des travaux d’une
juridiction, eu égard aux impératifs liés à la nécessité d’assurer une bonne administration de la justice et au respect du principe du délai raisonnable.
84 S’agissant, dans un second temps, des conditions dans lesquelles de telles mesures peuvent être prises, en premier lieu, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’incidence du fait que la première présidente du Sąd Najwyższy (Cour suprême), qui a désigné les juges concernés afin de siéger temporairement dans la chambre civile, de même d’ailleurs que la présidente de cette chambre, qui a attribué les affaires relatives aux litiges au principal à cette formation, ont été nommées aux fonctions de
juge à cette juridiction dans des conditions incompatibles avec l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE.
85 À cet égard, il est vrai que, comme le relève la juridiction de renvoi, la Cour a jugé, aux points 155 et 160 de l’arrêt du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, EU:C:2021:798), qu’une juridiction nationale doit, conformément au principe de primauté du droit de l’Union, tenir pour non avenue une ordonnance rendue par une instance ne constituant pas un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par
la loi, au sens du droit de l’Union.
86 Il n’en découle pas pour autant que toute mesure d’organisation interne des travaux d’une juridiction, telle qu’une mesure consistant à désigner des juges afin de siéger, temporairement, dans une chambre autre que celle à laquelle ils sont affectés ou à leur attribuer des affaires, doive être tenue pour non avenue lorsqu’elle a été prise par le président de cette juridiction ou un président d’une formation de jugement, lesquels ne constituent pas un tribunal indépendant et impartial établi
préalablement par la loi, au sens du droit de l’Union. En effet, l’affaire ayant donné lieu à la jurisprudence citée au point précédent concernait, à la différence des présentes affaires, l’existence de décisions de justice mettant fin à une instance.
87 Il s’ensuit que la circonstance que la présidente du Sąd Najwyższy (Cour suprême) et la présidente de la chambre civile qui ont, respectivement, désigné les juges concernés afin de siéger dans cette chambre et attribué des affaires relatives aux litiges au principal aux formations de jugement ont été, selon les constatations de la juridiction de renvoi, nommées dans des conditions incompatibles avec les exigences de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE n’est pas, en soi, suffisante pour
justifier que les formations de jugement ainsi constituées et saisies de ces affaires doivent, elles aussi, être considérées comme ne constituant pas un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi, au sens du droit de l’Union.
88 En second lieu, afin d’assurer la compatibilité avec les principes d’indépendance et d’impartialité ainsi qu’avec l’exigence d’un tribunal établi préalablement par la loi des mesures imposant temporairement aux juges d’une juridiction une double affectation à leur chambre d’origine et à une autre chambre de cette juridiction, il convient de veiller à ce que ces mesures ne constituent pas un moyen d’exercer un contrôle sur le contenu des décisions judiciaires.
89 Tel pourrait être le cas si de telles mesures étaient susceptibles non seulement d’affecter durablement l’étendue des attributions des juges concernés et le traitement des dossiers qui leur ont été confiés, mais aussi d’avoir des conséquences notables sur la vie et la carrière de ceux-ci dans la mesure où, par exemple, ils impliqueraient une rétrogradation de ces juges ou une dégradation de leur situation professionnelle. De même, de telles mesures pourraient être de nature à éveiller des doutes
légitimes, dans l’esprit des justiciables, quant à l’indépendance et à l’impartialité de ces juges, si elles relevaient d’un pouvoir purement discrétionnaire du président de la juridiction nationale et si elles ciblaient certains juges en raison des positions que ceux-ci auraient prises par le passé, notamment contre les récentes réformes de la justice polonaise, ou si elles venaient à être adoptées en réaction à des décisions de justice rendues par ces juges [voir, par analogie, arrêt du
6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination), C‑487/19, EU:C:2021:798, points 115 et 119].
90 En revanche, tel n’est pas le cas des mesures consistant à désigner des juges afin de siéger dans une chambre qui sont fondées sur des motifs légitimes tenant en particulier à une bonne administration de la justice, qui sont prises sur le fondement des règles nationales régissant la juridiction en cause, qui sont temporaires et strictement délimitées dans le temps, sans préjudice de leur éventuel renouvellement, qui ne remettent pas en cause l’affectation des juges concernés à leur chambre
d’origine et qui n’entraînent aucun dessaisissement de ces juges des affaires dont ils ont la charge ni aucune rétrogradation desdits juges. Une telle conclusion s’impose d’autant plus lorsque de telles mesures, purement organisationnelles, concernent un grand nombre de juges de la juridiction nationale concernée et n’ont ni pour objet ni pour effet de cibler certains juges en raison des positions que ceux-ci auraient prises dans le passé. La circonstance que de telles mesures peuvent entraîner,
de manière temporaire, un accroissement, fût-il significatif, de la charge de travail des juges concernés et qu’elles obligent ces derniers à aborder des matières étrangères à leur domaine de spécialisation est dépourvue de pertinence à cet égard.
91 En l’occurrence, il ressort des éléments du dossier dont dispose la Cour que les mesures en cause au principal correspondent à celles qui sont visées au point précédent.
92 En effet, premièrement, les mesures par lesquelles la première présidente du Sąd Najwyższy (Cour suprême) a désigné des juges, issus de la chambre du travail et des assurances sociales, afin de siéger, pour une période déterminée de trois mois, au sein de la chambre civile ont été prises sur le fondement de l’article 35, paragraphe 3, de la loi sur la Cour suprême. Cette disposition, qui existe de longue date, fixe expressément à une période maximale de six mois par an la période d’application de
telles mesures prises sans le consentement des juges concernés. La deuxième phrase de ladite disposition semble par ailleurs ne pas proscrire le maintien de ces juges dans leur chambre d’origine.
93 La juridiction de renvoi précise, toutefois, que l’article 35, paragraphe 3, de la loi sur la Cour suprême ne permettrait pas qu’une telle désignation intervienne sans le consentement du juge concerné et qu’elle ne prévoirait pas non plus le maintien du juge concerné dans sa chambre d’origine pendant cette durée. À cet égard, il convient de rappeler qu’il ne revient pas à la Cour de remettre en cause l’interprétation du droit national effectuée par la juridiction de renvoi. Cela étant, à supposer
même que la même disposition n’autorise pas les désignations concernées, cette circonstance, à elle seule, ne suffirait pas pour remettre en cause la compatibilité des formations de jugement constituant la juridiction de renvoi avec l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte.
94 Deuxièmement, il ressort des éléments du dossier dont dispose la Cour que, bien que non motivées, ces mesures paraissent avoir été prises pour faire face à une augmentation du contentieux devant la chambre civile et pour remédier à un arriéré important de cette chambre. Elles poursuivent donc un but légitime, et ce indépendamment des circonstances ayant causé cet arriéré important.
95 Troisièmement, les mesures en cause au principal sont temporaires, les juges concernés étant désignés afin de siéger dans la chambre civile pour une période de trois mois, alors que l’article 35, paragraphe 3, de la loi sur la Cour suprême prévoit une durée maximale de six mois par an. Dans ce contexte, l’éventualité d’une prolongation ou d’un renouvellement de ces désignations, rendant l’affectation à la chambre civile quasi permanente, relève, au vu des éléments dont dispose la Cour, d’un
événement hypothétique.
96 Quatrièmement, selon les éléments dont dispose la Cour, ces mesures ne paraissent avoir entraîné aucune rétrogradation des juges concernés ou dégradation de leur situation professionnelle, étant entendu que ces juges continuent de traiter des pourvois en cassation relevant du Sąd Najwyższy (Cour suprême). Elles n’ont pas impliqué de dessaisissement de ces juges des affaires dont ils avaient antérieurement la charge, étant précisé que lesdits juges continuent de siéger dans leur chambre d’origine
tout au long de la période concernée par lesdites mesures. Ainsi qu’il est constaté au point 90 du présent arrêt, la circonstance que ces dernières entraînent une augmentation, temporaire, de la charge de travail des juges concernés ou les oblige à traiter des matières étrangères à leur domaine de spécialisation n’est pas pertinente dans ce contexte.
97 Cinquièmement, les mesures en cause au principal ont concerné, au total, une vingtaine de juges. Au vu des éléments dont dispose la Cour, ces mesures ne paraissent pas avoir ciblé des juges spécifiques, par exemple en tant qu’ils auraient critiqué les réformes de la justice polonaise.
98 Dans ces conditions, le fait que les mesures en cause au principal ont été adoptées sans le consentement des juges concernés et que ces juges ne jouissent d’aucune voie de droit pour les contester ne saurait constituer une violation des principes d’indépendance et d’impartialité ainsi que de l’exigence d’un tribunal préalablement établi par la loi. En effet, en l’absence de tout indice que ces mesures puissent emporter des effets analogues à une sanction disciplinaire, de telles circonstances ne
sont pas de nature à éveiller des doutes légitimes, dans l’esprit des justiciables, quant à l’indépendance et à l’impartialité de ces juges.
99 En outre et en tout état de cause, il y a lieu d’ajouter que la régularité de la composition des formations de jugement constituant la juridiction de renvoi au regard de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, doit, conformément à la jurisprudence de la Cour, être susceptible de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel [voir, par analogie, arrêt du 14 novembre 2024, S. (Modification de la formation de jugement), C‑197/23, EU:C:2024:956,
point 67]. Or, en l’occurrence, les affaires au principal illustrent précisément que le droit national offre la possibilité pour la juridiction de renvoi de contrôler la régularité de sa propre composition.
100 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre aux deux questions dans les affaires C‑422/23 et C‑493/23 ainsi qu’aux premières et deuxièmes questions dans les affaires C‑455/23, C‑459/23 et C‑486/23 que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à des mesures prises par le président d’une juridiction nationale qui consistent à désigner des juges affectés à une
chambre de cette juridiction afin de siéger temporairement dans une autre chambre de ladite juridiction, tout en continuant de siéger dans leur chambre d’origine, alors même que ces juges n’ont pas consenti à cette désignation, qu’ils ne disposent d’aucune voie de recours juridictionnelle pour la contester, que ladite désignation implique une augmentation de la charge de travail des juges concernés et exige leur investissement dans des matières étrangères au domaine de leur spécialisation et que
ce président a été nommé à la même juridiction dans des conditions incompatibles avec les exigences découlant de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, pour autant que de telles mesures soient fondées sur des motifs légitimes tenant en particulier à une bonne administration de la justice, qu’elles soient prises sur le fondement des règles nationales régissant la juridiction en cause, qu’elles soient temporaires et strictement délimitées dans le temps, qu’elles ne remettent pas en cause
l’affectation des juges concernés à leur chambre d’origine et qu’elles n’entraînent aucune rétrogradation ni aucun dessaisissement de ces juges des affaires dont ils ont la charge.
Sur les troisièmes questions dans les affaires C‑455/23, C‑459/23 et C‑486/23
101 Les troisièmes questions dans les affaires C‑455/23, C‑459/23 et C‑486/23 sont posées dans l’hypothèse où il découlerait, en substance, de la réponse aux premières et deuxièmes questions dans ces affaires qu’une juridiction composée dans les conditions telles que celles de la juridiction de renvoi ne constitue pas un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi, au sens de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE. Compte tenu de la réponse apportée à ces dernières
questions, il n’est plus nécessaire de statuer sur les troisièmes questions posées dans ces affaires.
Sur la quatrième question dans l’affaire C‑459/23
102 Par sa quatrième question dans l’affaire C‑459/23, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 3, paragraphe 3, sous b), de la directive 2004/17, lu en combinaison avec l’article 20, paragraphe 1, de cette directive, doit être interprété en ce sens que l’achat, par une entreprise publique de négoce de l’électricité, de certificats verts, au sens de l’article 2, second alinéa, sous k) et l), de la directive 2009/28, constitue une activité poursuivie aux fins de
l’alimentation en électricité des réseaux fixes destinés à fournir un service au public dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution d’électricité.
103 À titre liminaire, il convient, tout d’abord, de rappeler que la directive applicable est, en principe, celle en vigueur au moment où le pouvoir adjudicateur choisit le type de procédure qu’il va suivre et tranche définitivement la question de savoir s’il y a ou non obligation de procéder à une mise en concurrence préalable pour l’adjudication d’un marché public (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 2000, Commission/France, C‑337/98, EU:C:2000:543, point 37 ; du 10 juillet 2014, Impresa
Pizzarotti, C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 31, ainsi que du 14 septembre 2017, Casertana Costruzioni, C‑223/16, EU:C:2017:685, point 21). En l’occurrence, le contrat en cause au principal ayant été conclu durant l’année 2011, c’est, par conséquent, la directive 2004/17 qui est applicable ratione temporis.
104 Ensuite, il importe de souligner que, conformément à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de cette directive, celle-ci s’applique aux entités adjudicatrices qui sont, notamment, des entreprises publiques exerçant une des activités visées aux articles 3 à 7 de ladite directive. À cet égard, l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/17 pose une présomption selon laquelle est une « entreprise publique », au sens de cette dernière disposition, une entreprise dont les pouvoirs
adjudicateurs détiennent, directement ou indirectement, la majorité de son capital.
105 En l’occurrence, il ressort des constatations effectuées par la juridiction de renvoi que la société E. constitue une telle entreprise publique, dès lors que plus de 50 % de son capital est détenu par l’État polonais.
106 Reste donc à déterminer, comme y invite la quatrième question dans l’affaire C‑459/23, s’il peut être considéré que cette entreprise exerce l’une des activités visées à l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2004/17.
107 À ce titre, en premier lieu, il convient de rappeler que, conformément à l’article 3, paragraphe 3, sous b), de la directive 2004/17, cette directive s’applique, en ce qui concerne l’électricité, à l’alimentation en électricité des réseaux fixes destinés à fournir un service au public dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution d’électricité.
108 Ni cette disposition ni aucune autre disposition de la directive 2004/17 ne définissent ce qu’il y a lieu d’entendre par la notion d’« alimentation en électricité » de ces réseaux, figurant à ladite disposition.
109 Partant, conformément à une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte, non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêts du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, EU:C:1983:335, point 12, ainsi que du 13 février 2025, Latvijas Sabiedriskais Autobuss, C‑684/23, EU:C:2025:90, point 48).
110 Premièrement, dans son sens usuel, la notion d’« alimentation » s’entend comme l’action d’alimenter, d’approvisionner, de fournir, de ravitailler. L’alimentation des réseaux en électricité renvoie donc à la fourniture d’électricité à ces derniers. À cette fin, la notion d’« alimentation en électricité » peut recouvrir non seulement la production de l’électricité, mais encore la vente en gros ou au détail de l’électricité.
111 Deuxièmement, il découle des considérants 2 et 3 de la directive 2004/17 que cette directive prévoit des règles portant coordination des procédures de passation de marchés « dans [les] secteurs » visés par ladite directive, dont le secteur de l’énergie, et « par les entités opérant dans ces secteurs ». Par ces considérants, le législateur de l’Union a ainsi clairement exprimé sa volonté de couvrir, s’agissant du secteur de l’électricité, non seulement les activités de production ou de fourniture
d’électricité, mais également celles du négoce de l’électricité.
112 Troisièmement, cette interprétation est également conforme aux objectifs des règles de l’Union en matière de marchés publics, à savoir l’ouverture à la concurrence la plus large possible (voir, en ce sens, arrêts du 23 décembre 2009, CoNISMa, C‑305/08, EU:C:2009:807, point 37 et jurisprudence citée, ainsi que du 26 septembre 2024, Luxone et Sofein, C‑403/23 et C‑404/23, EU:C:2024:805, point 50 ainsi que jurisprudence citée).
113 Quatrièmement, ladite interprétation est encore corroborée par la directive 2014/25, qui a abrogé la directive 2004/17 et par laquelle le législateur de l’Union a notamment apporté, à droit constant, une précision à la notion d’« alimentation en électricité ». Ainsi, il ressort de l’article 7, premier alinéa, de la directive 2014/25, lu à la lumière du considérant 23 de celle-ci, que, aux fins de cette dernière directive, la notion d’« alimentation » comprend la production, la vente en gros et
la vente de détail. En insérant cette définition dans la directive 2014/25, tout en précisant, à ce considérant 23, qu’elle est apportée « [s]ans étendre en aucune façon le champ d’application de [cette] directive », le législateur de l’Union a confirmé que la directive 2004/17 incluait déjà dans la notion d’« alimentation en électricité », outre la production de celle-ci, sa vente en gros ou de détail.
114 Partant, une activité de négoce de l’électricité telle que celle exercée par la société E. relève d’une activité visée à l’article 3, paragraphe 3, sous b), de la directive 2004/17. La société E. doit, dès lors, être regardée comme étant une entité adjudicatrice, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de cette directive.
115 Cela étant, en second lieu, il convient encore d’observer que l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2004/17 dispose que cette directive ne s’applique pas aux marchés que les entités adjudicatrices passent à des fins autres que la poursuite de leurs activités exercées dans les secteurs visés aux articles 3 à 7 de cette directive.
116 Relèvent ainsi du champ d’application de la directive 2004/17 les seuls marchés qu’une entité adjudicatrice, au sens de cette directive, passe en rapport et pour l’exercice d’activités dans les secteurs énumérés aux articles 3 à 7 de ladite directive (arrêt du 10 avril 2008, Ing. Aigner, C‑393/06, EU:C:2008:213, point 33).
117 En l’occurrence, il ressort des éléments du dossier dont dispose la Cour que la société E. est tenue d’acheter des certificats verts, au sens de l’article 2, second alinéa, sous k) et l), de la directive 2009/28, afin de se conformer à l’obligation légale, qui lui incombe, de promotion des sources d’énergie renouvelables. Il s’ensuit que l’achat de ces certificats est étroitement lié à l’exercice, par cette société, de l’activité de négoce de l’électricité, laquelle constitue une activité visée
à l’article 3, paragraphe 3, sous b), de la directive 2004/17.
118 Or, en présence d’un tel lien étroit, il y a lieu de considérer que l’achat des certificats verts s’effectue aux fins de la poursuite de cette activité, de telle sorte qu’il ne saurait être considéré comme étant effectué « à des fins autres » que la poursuite de ladite activité, au sens de l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2004/17.
119 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la quatrième question dans l’affaire C‑459/23 que l’article 3, paragraphe 3, sous b), de la directive 2004/17, lu en combinaison avec l’article 20, paragraphe 1, de cette directive, doit être interprété en ce sens que l’achat, par une entreprise publique de négoce de l’électricité, de certificats verts, au sens de l’article 2, second alinéa, sous k) et l), de la directive 2009/28, constitue une activité poursuivie aux fins
de l’alimentation en électricité des réseaux fixes destinés à fournir un service au public dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution d’électricité.
Sur la cinquième question dans l’affaire C‑459/23
Sur la recevabilité
120 La société E. estime que la cinquième question dans l’affaire C‑459/23 n’est pas pertinente pour la solution du litige au principal. En effet, tout d’abord, devant la juridiction de renvoi, elle aurait fait valoir que le contrat en cause au principal est frappé de nullité absolue, parce qu’il a pour objet d’imposer aux parties de conclure des contrats en méconnaissance des règles régissant les marchés publics. En revanche, elle n’aurait pas allégué que, en tant que tel, ce contrat aurait dû être
conclu selon les procédures de passation des marchés publics. Ensuite, ledit contrat ne serait pas un accord-cadre, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2004/17, dès lors qu’il obligerait de manière absolue l’entité adjudicatrice à attribuer le marché à l’opérateur économique cocontractant. Enfin, il découlerait de l’article 14, paragraphes 2 et 3, de cette directive que la conclusion d’un accord-cadre selon la procédure prévue pour les marchés publics n’est pas obligatoire.
121 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 267 TFUE institue une procédure de coopération directe entre la Cour et les juridictions des États membres. Dans le cadre de cette procédure, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, toute appréciation des faits de la cause relève de la compétence du juge national, auquel il appartient d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité
d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour, alors que la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité d’un texte de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par le juge national [voir, en ce sens, arrêts du 16 mars 1978, Oehlschläger, 104/77, EU:C:1978:69, point 4, ainsi que du 4 octobre 2024, Schrems (Communication de données au grand public), C‑446/21, EU:C:2024:834,
point 42 et jurisprudence citée].
122 Or, d’une part, par ses arguments visant à mettre en cause la recevabilité de la cinquième question dans l’affaire C‑459/23, la société E. tend, en définitive, à remettre en cause la présentation, par la juridiction de renvoi, des arguments portés devant elle et son appréciation de la nature du contrat en cause au principal. Conformément à la jurisprudence citée au point précédent, de tels arguments ne sauraient conduire à conclure à l’irrecevabilité d’une question préjudicielle.
123 D’autre part, en abordant la définition de la notion d’« accord-cadre » et en alléguant qu’un accord-cadre ne doit pas nécessairement être conclu dans le respect des règles de passation des marchés publics, la société E. aborde la réponse au fond et non la recevabilité de cette question.
124 Partant, la cinquième question dans l’affaire C‑459/23 est recevable.
Sur le fond
125 Par sa cinquième question dans l’affaire C‑459/23, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2004/17, lu en combinaison avec l’article 14 et l’article 17, paragraphe 2, de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’un contrat, qui oblige les parties à conclure des contrats d’exécution à certaines conditions de prix et de quantité, relève de la notion d’« accord-cadre », au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de ladite
directive, et doit être conclu en application des règles de passation des marchés publics.
126 En premier lieu, aux termes de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2004/17, un accord-cadre est un accord conclu entre une ou plusieurs entités adjudicatrices et un ou plusieurs opérateurs économiques, et qui a pour objet d’établir les termes régissant les marchés à passer au cours d’une période donnée, notamment en ce qui concerne les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées.
127 D’une part, il découle de la lettre même de cette disposition que l’accord-cadre doit préciser la période au cours de laquelle il est applicable et régit les termes des marchés à passer.
128 D’autre part, compte tenu de la jurisprudence de la Cour, la notion d’« accord-cadre », figurant à l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2004/17, doit être interprétée à la lumière, notamment, de l’article 17, paragraphes 2 et 3, de cette directive, des principes fondamentaux du droit de l’Union, tels que l’égalité de traitement et la transparence, applicables lors de la conclusion d’un accord-cadre ainsi que cela résulte de l’article 14, paragraphe 1, de ladite directive, et de
l’interdiction, prévue à l’article 14, paragraphe 4, de la même directive, de recourir aux accords-cadres de façon abusive avec pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence. Il découle d’une lecture d’ensemble de ces dispositions et principes que l’accord-cadre doit, dès l’origine, déterminer le volume maximal des fournitures qui pourront faire l’objet des marchés subséquents en précisant leur quantité et/ou valeur maximale (voir, par analogie, arrêts du 19 décembre 2018,
Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato – Antitrust et Coopservice, C‑216/17, EU:C:2018:1034, points 60, 62 à 67 et 69, ainsi que du 17 juin 2021, Simonsen & Weel, C‑23/20, EU:C:2021:490, points 54 à 58, 61 à 65, 67, 68 et 74).
129 Il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier si ces conditions sont réunies s’agissant du contrat en cause au principal. À cet égard, premièrement, il lui reviendra de s’assurer que ce contrat définissait bien la période au cours de laquelle les contrats d’achat des certificats verts pouvaient être pris en exécution dudit contrat. Deuxièmement, il convient de préciser que la seule indication d’une formule de prix applicable aux fins du calcul du prix de vente des certificats verts et
l’obligation, pour l’entité adjudicatrice, d’acheter la totalité des certificats verts obtenus, sans précision d’une quantité spécifique, ne sont pas suffisantes pour considérer que ledit contrat détermine le volume maximal des fournitures qui pourront faire l’objet des marchés subséquents.
130 En second lieu et sans préjudice de ce qui précède, il importe de rappeler que, conformément à l’article 16, sous a), de la directive 2004/17, celle-ci s’applique, sous réserve des exclusions visées à cette disposition, aux marchés de fourniture et de services dont la valeur estimée hors TVA est égale ou supérieure à 387000 euros.
131 S’agissant des méthodes de calcul de la valeur estimée des marchés et des accords-cadres, il ressort de l’article 17, paragraphe 1, premier alinéa, première phrase, de la directive 2004/17 que le calcul de la valeur estimée d’un marché est fondé sur le montant total payable, hors TVA, estimé par l’entité adjudicatrice. Conformément à l’article 17, paragraphe 2, de cette directive, les entités adjudicatrices ne peuvent pas contourner l’application de ladite directive en scindant les projets
d’ouvrage ou les projets d’achat visant à obtenir une certaine quantité de fournitures et/ou de services ou en utilisant des modalités particulières de calcul de la valeur estimée des marchés. Aux termes de l’article 17, paragraphe 3, de la même directive, pour les accords-cadres, la valeur à prendre en considération est la valeur maximale estimée hors TVA de l’ensemble des marchés envisagés pendant la durée totale de l’accord. Enfin, en vertu de l’article 17, paragraphe 7, de la
directive 2004/17, lorsqu’il s’agit de marchés de fournitures ou de services présentant un caractère de régularité ou destinés à être renouvelés au cours d’une période donnée, est prise comme base pour le calcul de la valeur estimée du marché soit la valeur réelle globale des contrats successifs analogues passés au cours des douze mois précédents ou de l’exercice précédent, soit la valeur estimée globale des contrats successifs passés au cours des douze mois suivant la première livraison ou au
cours de l’exercice dans la mesure où celui-ci est supérieur à douze mois.
132 Il ressort de ces dispositions que, tant dans l’hypothèse d’un accord-cadre, visée à l’article 17, paragraphe 3, de la directive 2004/17, que dans celle d’un marché de fournitures ou de services présentant un caractère de régularité ou destiné à être renouvelé au cours d’une période donnée, visée à l’article 17, paragraphe 7, de cette directive, c’est la « valeur estimée » de l’accord-cadre ou du marché qui est prise en compte. Cette valeur est, dans le premier cas de figure, la valeur estimée
totale de l’accord-cadre et, dans le second cas de figure, la valeur estimée, selon les modalités alternatives prévues à cette dernière disposition, pour une période de douze mois.
133 En l’occurrence, la juridiction de renvoi précise que la valeur de chacun des contrats d’exécution conclus mensuellement sur la base du contrat en cause au principal reste en deçà du seuil de 387000 euros prévu à l’article 16, sous a), de la directive 2004/17. En revanche, la valeur annuelle des contrats d’exécution, pris ensemble, dépasserait ce seuil.
134 Or, il découle de ce qui précède que, dans un tel cas de figure, l’entité adjudicatrice ne saurait se fonder sur la valeur unitaire de chacun des contrats d’exécution du contrat concerné pour conclure ces contrats sans mise en concurrence préalable. Une telle façon de procéder serait, en effet, contraire à l’interdiction, prévue à l’article 17, paragraphe 2, de la directive 2004/17, de contourner l’application de cette directive en scindant les projets.
135 Afin de respecter cette interdiction ainsi que celle, posée à l’article 14, paragraphe 4, de la directive 2004/17, de recourir aux accords-cadres de façon abusive avec pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence, l’entité adjudicatrice dispose, dans un tel cas de figure, d’un choix entre deux possibilités.
136 La première possibilité consiste en la passation des marchés successifs dans le respect, pour chacun de ces marchés, des procédures prévues par cette directive.
137 La seconde possibilité consiste en l’attribution, conformément à la directive 2004/17, d’un accord-cadre, au sens et dans le respect des conditions énoncées à l’article 1er, paragraphe 4, de cette directive et rappelées aux points 126 à 128 du présent arrêt. Conformément à l’article 40, paragraphe 3, sous i), de la directive 2004/17, lu en combinaison avec l’article 14, paragraphe 2, de cette directive, cela permet ensuite à l’entité adjudicatrice de recourir à une procédure sans mise en
concurrence préalable pour les marchés subséquents (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2009, Commission/Belgique, C‑287/07, EU:C:2009:245, point 104).
138 Il découle de ce qui précède que, dans un cas de figure tel que celui du litige au principal, l’entité adjudicatrice devait respecter les règles régissant la passation des marchés publics soit au moment de la conclusion de chacun des contrats d’exécution successifs, soit au moment de la conclusion du contrat concerné en tant qu’accord-cadre dans le respect des conditions énoncées aux points 126 à 128 du présent arrêt.
139 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la cinquième question dans l’affaire C‑459/23 que l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2004/17, lu en combinaison avec l’article 14 et l’article 17, paragraphe 2, de cette directive, doit être interprété en ce sens que :
– pour relever de la notion d’« accord-cadre », au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de ladite directive, un contrat, qui oblige les parties à conclure des contrats d’exécution à certaines conditions de prix et de quantité, doit indiquer la période au cours de laquelle il est applicable et déterminer le volume maximal des fournitures qui pourront faire l’objet des marchés subséquents en précisant leur quantité et/ou valeur maximale, étant précisé que la seule indication d’une formule de prix
applicable aux fins du calcul de la valeur des contrats à conclure et d’une obligation, non quantifiée, de conclure des contrats d’exécution n’est pas suffisante à ce titre ;
– lorsque la valeur estimée des contrats devant être conclus au cours d’une période donnée en application d’un accord-cadre ou dans le cadre de marchés présentant un caractère de régularité ou destinés à être renouvelés, telle que calculée sur la base, respectivement, des paragraphes 3 et 5 de l’article 17 de la directive 2004/17, dépasse le seuil fixé à l’article 16, sous a), de cette directive, l’entité adjudicatrice doit soit passer chacun des marchés successifs dans le respect des procédures
prévues par ladite directive, soit attribuer, conformément à celle-ci, un accord-cadre, au sens et dans le respect des conditions énoncées à l’article 1er, paragraphe 4, de la même directive.
Sur la sixième question dans l’affaire C‑459/23
Sur la recevabilité
140 La société E. estime que la sixième question dans l’affaire C‑459/23 est irrecevable, au motif qu’elle est dépourvue de pertinence pour le litige au principal. En effet, contrairement à la prémisse sur laquelle cette question serait fondée, le contrat en cause au principal serait non pas un marché, mais un contrat imposant la passation d’un marché. Il ne pourrait donc pas être conclu en méconnaissance des règles de passation des marchés publics.
141 À la lumière de la jurisprudence citée au point 121 du présent arrêt et pour le motif exposé au point 122 de celui-ci, cette objection doit être écartée. La sixième question dans l’affaire C‑459/23 est, partant, recevable.
Sur le fond
142 Par sa sixième question dans l’affaire C‑459/23, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 92/13 doit être interprété en ce sens que la conclusion d’un contrat en méconnaissance des règles de passation des marchés publics relève de la sanction prévue à cette disposition.
143 L’article 2 quinquies, paragraphe 1, de la directive 92/13 dispose que l’absence de publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne, sans que cela soit autorisé en vertu des dispositions de la directive 2004/17, prive d’effets le marché concerné.
144 Cet article 2 quinquies a été inséré dans la version initiale de la directive 92/13 par la directive 2007/66. Le législateur de l’Union a explicité les modifications apportées en indiquant, au considérant 13 de la directive 2007/66, que, afin de lutter contre la passation illégale de marchés de gré à gré que la Cour a qualifié, dans l’arrêt du 11 janvier 2005, Stadt Halle et RPL Lochau (C‑26/03, EU:C:2005:5, points 36 et 37), de violation la plus importante du droit de l’Union en matière de
marchés publics de la part d’un pouvoir adjudicateur ou d’une entité adjudicatrice, il convenait de prévoir une sanction effective, proportionnée et dissuasive et de considérer à ce titre qu’un contrat résultant d’un marché de gré à gré illégal devrait être en principe dépourvu d’effets. Au considérant 14 de la directive 2007/66, il a précisé que l’absence d’effets est la manière la plus efficace de rétablir la concurrence et de créer de nouvelles perspectives commerciales pour les opérateurs
économiques qui ont été privés illégalement de la possibilité de participer à la procédure de passation de marché et que les marchés de gré à gré, au sens de la directive 2007/66, devraient inclure tous les marchés passés sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne, ce qui correspond à une procédure sans mise en concurrence, au sens de la directive 2004/17 (voir, par analogie, arrêt du 17 juin 2021, Simonsen & Weel, C‑23/20, EU:C:2021:490, point 85).
145 Il résulte ainsi de l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 92/13, lu à la lumière des considérants 13 et 14 de la directive 2007/66, que, lors de l’adoption de la directive 2007/66, le législateur de l’Union a entendu introduire dans le droit applicable une sanction sévère dont l’application devrait toutefois être cantonnée aux hypothèses les plus graves de violations du droit de l’Union des marchés publics, à savoir celles dans lesquelles un marché est passé de gré à gré
sans avoir fait l’objet d’aucune publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne (voir, par analogie, arrêt du 17 juin 2021, Simonsen & Weel, C‑23/20, EU:C:2021:490, point 86).
146 Il s’ensuit que l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 92/13 s’applique à toute situation dans laquelle l’entité adjudicatrice a indûment passé un marché sans avoir préalablement publié un avis au Journal officiel de l’Union européenne.
147 Certes, conformément à l’article 2 quinquies, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 92/13, les conséquences de l’absence d’effets d’un marché sont déterminées par le droit national. Il n’en demeure pas moins que cette disposition n’envisage aucunement le maintien ou la continuité du marché passé sans publicité préalable adéquate.
148 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la sixième question dans l’affaire C‑459/23 que l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 92/13 doit être interprété en ce sens que la conclusion d’un contrat en méconnaissance des règles de passation des marchés publics relève de la sanction prévue à cette disposition.
Sur la septième question dans l’affaire C‑459/23
Sur la recevabilité
149 La société E. allègue que la septième question dans l’affaire C‑459/23 est dépourvue de pertinence pour le litige au principal. D’une part, cette société réitère le motif déjà exposé au point 140 du présent arrêt. D’autre part, l’abus de droit ne pourrait être constitué que lorsqu’une partie demande la constatation de nullité relative du contrat concerné. Or, devant la juridiction de renvoi, la société E. demanderait la constatation de la nullité absolue du contrat en cause au principal,
c’est‑à-dire la déclaration de son inexistence.
150 Cette argumentation doit être écartée conformément à la jurisprudence rappelée au point 121 du présent arrêt et pour les motifs exposés aux points 122 et 123 de celui-ci. Partant, la septième question dans l’affaire C‑459/23 est recevable.
Sur le fond
151 Par sa septième question dans l’affaire C‑459/23, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si le principe d’interdiction de l’abus de droit doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une entité adjudicatrice puisse demander l’annulation d’un contrat qu’elle a conclu avec un fournisseur au motif que ce contrat aurait été conclu en violation des règles de passation des marchés publics, alors que le véritable motif de cette demande est une diminution de la rentabilité de
l’exécution dudit contrat.
152 Conformément à la jurisprudence de la Cour, les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes de l’Union, le principe d’interdiction de la fraude et de l’abus de droit constituant un principe général du droit de l’Union dont le respect s’impose aux justiciables. En effet, l’application de la réglementation de l’Union ne saurait être étendue jusqu’à couvrir les opérations qui sont réalisées dans le but de bénéficier frauduleusement ou abusivement des avantages
prévus par le droit de l’Union (arrêts du 6 février 2018, Altun e.a., C‑359/16, EU:C:2018:63, points 48 et 49 ainsi que jurisprudence citée, et du 11 juillet 2018, Commission/Belgique, C‑356/15, EU:C:2018:555, point 99).
153 La constatation de l’existence d’une pratique abusive requiert la réunion d’un élément objectif et d’un élément subjectif (arrêts du 13 mars 2014, SICES e.a., C‑155/13, EU:C:2014:145, point 31, ainsi que du 28 juillet 2016, Kratzer, C‑423/15, EU:C:2016:604, point 38).
154 D’une part, s’agissant de l’élément objectif, cette constatation nécessite qu’il résulte d’un ensemble de circonstances objectives que, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation de l’Union, l’objectif poursuivi par cette réglementation n’a pas été atteint (arrêts du 14 décembre 2000, Emsland-Stärke, C‑110/99, EU:C:2000:695, point 52, et du 28 juillet 2016, Kratzer, C‑423/15, EU:C:2016:604, point 39).
155 D’autre part, une telle constatation requiert un élément subjectif, à savoir qu’il doit résulter d’un ensemble d’éléments objectifs que le but essentiel des opérations en cause est l’obtention d’un avantage indu. En effet, l’interdiction des pratiques abusives n’est pas pertinente lorsque les opérations en cause sont susceptibles d’avoir une justification autre que la simple obtention d’un avantage (arrêts du 14 décembre 2000, Emsland-Stärke, C‑110/99, EU:C:2000:695, point 53, et du 28 juillet
2016, Kratzer, C‑423/15, EU:C:2016:604, point 40).
156 C’est à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra de vérifier, conformément aux règles de preuve du droit national, pour autant qu’il n’est pas porté atteinte à l’efficacité du droit de l’Union, si les éléments constitutifs d’une pratique abusive sont réunis dans le litige au principal (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2000, Emsland-Stärke, C‑110/99, EU:C:2000:695, point 54 et jurisprudence citée, ainsi que du 28 juillet 2016, Kratzer, C‑423/15, EU:C:2016:604, point 42).
157 Afin de donner à la juridiction de renvoi une réponse utile, il importe néanmoins de préciser que, dans l’hypothèse où un marché serait attribué sans mise en concurrence préalable, en méconnaissance des prescriptions de la directive 2004/17, l’élément objectif fait défaut. En effet, il ne saurait être considéré, dans un tel cas de figure, que les conditions prévues par la réglementation de l’Union ont été formellement respectées.
158 Partant, les conditions tenant à l’existence d’un élément objectif et d’un élément subjectif étant cumulatives, l’abus ne saurait être caractérisé dans l’hypothèse, visée au point 151 du présent arrêt, qui fait l’objet de la septième question dans l’affaire C‑459/23.
159 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la septième question dans l’affaire C‑459/23 que le principe d’interdiction de l’abus de droit doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une entité adjudicatrice puisse demander l’annulation d’un contrat qu’elle a conclu avec un fournisseur au motif que ce contrat aurait été conclu en violation des règles de passation des marchés publics, alors que le véritable motif de cette demande est une diminution
de la rentabilité de l’exécution dudit contrat.
Sur les dépens
160 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :
1) L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
doit être interprété en ce sens que :
il ne s’oppose pas à des mesures prises par le président d’une juridiction nationale qui consistent à désigner des juges affectés à une chambre de cette juridiction afin de siéger temporairement dans une autre chambre de ladite juridiction, tout en continuant de siéger dans leur chambre d’origine, alors même que ces juges n’ont pas consenti à cette désignation, qu’ils ne disposent d’aucune voie de recours juridictionnelle pour la contester, que ladite désignation implique une augmentation de la
charge de travail des juges concernés et exige leur investissement dans des matières étrangères au domaine de leur spécialisation et que ce président a été nommé à la même juridiction dans des conditions incompatibles avec les exigences découlant de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, pour autant que de telles mesures soient fondées sur des motifs légitimes tenant en particulier à une bonne administration de la justice, qu’elles soient prises sur le fondement des règles nationales
régissant la juridiction en cause, qu’elles soient temporaires et strictement délimitées dans le temps, qu’elles ne remettent pas en cause l’affectation des juges concernés à leur chambre d’origine et qu’elles n’entraînent aucune rétrogradation ni aucun dessaisissement de ces juges des affaires dont ils ont la charge.
2) L’article 3, paragraphe 3, sous b), de la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux, telle que modifiée par le règlement (CE) no 1177/2009 de la Commission, du 30 novembre 2009, lu en combinaison avec l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2004/17, telle que modifiée,
doit être interprété en ce sens que :
l’achat, par une entreprise publique de négoce de l’électricité, de certificats verts, au sens de l’article 2, second alinéa, sous k) et l), de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE, constitue une activité poursuivie aux fins de l’alimentation en électricité des réseaux fixes destinés à
fournir un service au public dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution d’électricité.
3) L’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2004/17, telle que modifiée par le règlement no 1177/2009, lu en combinaison avec l’article 14 et l’article 17, paragraphe 2, de la directive 2004/17, telle que modifiée,
doit être interprété en ce sens que :
– pour relever de la notion d’« accord-cadre », au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2004/17, telle que modifiée, un contrat, qui oblige les parties à conclure des contrats d’exécution à certaines conditions de prix et de quantité, doit indiquer la période au cours de laquelle il est applicable et déterminer le volume maximal des fournitures qui pourront faire l’objet des marchés subséquents en précisant leur quantité et/ou valeur maximale, étant précisé que la seule
indication d’une formule de prix applicable aux fins du calcul de la valeur des contrats à conclure et d’une obligation, non quantifiée, de conclure des contrats d’exécution n’est pas suffisante à ce titre ;
– lorsque la valeur estimée des contrats devant être conclus au cours d’une période donnée en application d’un accord-cadre ou dans le cadre de marchés présentant un caractère de régularité ou destinés à être renouvelés, telle que calculée sur la base, respectivement, des paragraphes 3 et 5 de l’article 17 de la directive 2004/17, telle que modifiée, dépasse le seuil fixé à l’article 16, sous a), de la directive 2004/17, telle que modifiée, l’entité adjudicatrice doit soit passer chacun des
marchés successifs dans le respect des procédures prévues par la directive 2004/17, telle que modifiée, soit attribuer, conformément à celle-ci, un accord-cadre, au sens et dans le respect des conditions énoncées à l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2004/17, telle que modifiée.
4) L’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 92/13/CEE du Conseil, du 25 février 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des règles communautaires sur les procédures de passation des marchés des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications, telle que modifiée par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007,
doit être interprété en ce sens que :
la conclusion d’un contrat en méconnaissance des règles de passation des marchés publics relève de la sanction prévue à cette disposition.
5) Le principe d’interdiction de l’abus de droit doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une entité adjudicatrice puisse demander l’annulation d’un contrat qu’elle a conclu avec un fournisseur au motif que ce contrat aurait été conclu en violation des règles de passation des marchés publics, alors que le véritable motif de cette demande est une diminution de la rentabilité de l’exécution dudit contrat.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le polonais.
( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.