ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
10 juillet 2025 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Décision d’enquête européenne – Directive 2014/41/UE – Article 2, sous c), ii) – Notion d’“autre autorité compétente agissant en qualité d’autorité chargée des enquêtes dans le cadre de procédures pénales” – Compétence pour ordonner l’obtention de preuves conformément au droit national – Mesures de perquisition requérant l’autorisation d’un juge d’instruction – Article 6, paragraphes 1 et 2 – Conditions d’émission d’une décision
d’enquête européenne »
Dans l’affaire C‑635/23,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Kammergericht (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne), par décision du 20 octobre 2023, parvenue à la Cour le 23 octobre 2023, dans la procédure relative à la reconnaissance et à l’exécution d’une décision d’enquête européenne concernant
WBS GmbH,
en présence de :
Generalstaatsanwaltschaft Berlin,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de Mme K. Jürimäe (rapporteure), présidente de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la deuxième chambre, MM. M. Gavalec, Z. Csehi et F. Schalin, juges,
avocat général : M. A. Rantos,
greffier : Mme M. Krausenböck, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 novembre 2024,
considérant les observations présentées :
– pour WBS GmbH, par Me K. Schaefer, Rechtsanwalt,
– pour la Generalstaatsanwaltschaft Berlin, par M. J. Scherf,
– pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller, M. Hellmann, A. Sahner et Mme J. Simon, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement estonien, par Mme M. Kriisa, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement letton, par Mmes J. Davidoviča, K. Pommere et S. Zābele, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna et Mme J. Sawicka, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement portugais, par Mmes J. I. Barbosa de Pinho, P. Barros da Costa et M. J. Ramos, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement suédois, par Mme H. Eklinder, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par M. H. Leupold et Mme J. Vondung, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 février 2025,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, sous c), ii), de la directive 2014/41/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, concernant la décision d’enquête européenne en matière pénale (JO 2014, L 130, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une demande d’exécution, en Allemagne, d’une décision d’enquête européenne émise par le Korupcijas novēršanas un apkašanas birojs (Bureau de prévention et de lutte contre la corruption, Lettonie) (ci-après le « KNAB ») relative à des mesures d’enquête concernant WBS GmbH.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les considérants 5 à 8, 10 et 11 de la directive 2014/41 énoncent :
« (5) Depuis l’adoption des décisions-cadres 2003/577/JAI [du Conseil, du 22 juillet 2003, relative à l’exécution dans l’Union européenne des décisions de gel de biens ou d’éléments de preuve (JO 2003, L 196, p. 45),] et 2008/978/JAI [du Conseil, du 18 décembre 2008, relative au mandat européen d’obtention de preuves visant à recueillir des objets, des documents et des données en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales (JO 2008, L 350, p. 72)], il est devenu manifeste que le
cadre existant pour l’obtention de preuves est trop fragmenté et trop complexe. Une nouvelle approche est donc nécessaire.
(6) Dans le programme de Stockholm, adopté par le Conseil européen les 10 et 11 décembre 2009, celui-ci a estimé qu’il convenait de poursuivre les travaux devant permettre la mise en place d’un système global d’obtention de preuves dans les affaires revêtant une dimension transfrontalière, sur le fondement du principe de reconnaissance mutuelle. Il a indiqué que les instruments qui existaient dans ce domaine constituaient un régime fragmentaire et qu’une nouvelle approche s’imposait, qui devait
être fondée sur le principe de reconnaissance mutuelle tout en tenant compte de la souplesse du système d’entraide judiciaire classique. Le Conseil européen a ainsi appelé de ses vœux un système global destiné à remplacer tous les instruments qui existent actuellement dans ce domaine, y compris la décision-cadre [2008/978], qui couvrirait, dans la mesure du possible, tous les types d’éléments de preuve, prévoirait des délais de mise en œuvre et limiterait autant que possible les motifs de
refus.
(7) Cette nouvelle approche repose sur un instrument unique dénommé “décision d’enquête européenne”. Une décision d’enquête européenne doit être émise pour faire réaliser une ou plusieurs mesures d’enquête spécifiques dans l’État exécutant la décision d’enquête européenne (ci-après dénommé “État d’exécution”) en vue de recueillir des preuves. Cela comprend l’obtention de preuves qui sont déjà en possession de l’autorité d’exécution.
(8) La décision d’enquête européenne devrait avoir une portée horizontale et devrait dès lors s’appliquer à toutes les mesures d’enquête visant à recueillir des preuves. Néanmoins, la création d’une équipe commune d’enquête et l’obtention de preuves dans le cadre d’une telle équipe nécessitent des règles spécifiques qu’il est préférable de traiter séparément. Sans préjudice de l’application de la présente directive, les instruments existants devraient donc continuer à s’appliquer à ce type de
mesures d’enquête.
[...]
(10) La décision d’enquête européenne devrait être centrée sur la mesure d’enquête qui doit être réalisée. L’autorité d’émission est la mieux placée pour décider, en fonction de sa connaissance des éléments de l’enquête concernée, des mesures d’enquête auxquelles il y a lieu de recourir. Cependant, l’autorité d’exécution devrait, chaque fois que cela s’avère possible, recourir à un autre type de mesure d’enquête si la mesure indiquée n’existe pas dans son droit national ou s’il n’était pas
possible d’y recourir dans le cadre d’une procédure nationale similaire. La disponibilité d’une mesure devrait renvoyer aux cas où la mesure d’enquête indiquée existe dans le droit de l’État d’exécution mais qu’il ne peut y être recouru légalement que dans certaines situations, par exemple lorsque la mesure d’enquête ne peut être réalisée que dans le cas d’infractions présentant un certain degré de gravité, à l’encontre de personnes faisant déjà l’objet d’une certaine suspicion, ou avec le
consentement de l’intéressé. L’autorité d’exécution peut également recourir à un autre type de mesure d’enquête si celle-ci devait permettre d’obtenir le même résultat que la mesure d’enquête indiquée dans la décision d’enquête européenne par des moyens impliquant une atteinte moindre aux droits fondamentaux.
(11) Une décision d’enquête européenne devrait être choisie lorsque l’exécution d’une mesure d’enquête semble proportionnée, adéquate et applicable au cas en question. L’autorité d’émission devrait par conséquent vérifier si la preuve recherchée est nécessaire et proportionnée aux fins de la procédure, si la mesure d’enquête choisie est nécessaire et proportionnée aux fins de l’obtention de la preuve concernée, et si une décision d’enquête européenne devrait être émise aux fins d’associer un autre
État membre à l’obtention de cette preuve. Ces mêmes vérifications devraient être effectuées dans le cadre de la procédure de validation, lorsque la validation d’une décision d’enquête européenne est requise au titre de la présente directive. L’exécution d’une décision d’enquête européenne ne devrait pas être refusée pour des motifs autres que ceux mentionnés dans la présente directive. Néanmoins, l’autorité d’exécution devrait pouvoir choisir une mesure d’enquête moins intrusive que celle
indiquée dans la décision d’enquête européenne concernée si elle permet d’atteindre des résultats similaires. »
4 Aux termes de l’article 2, sous c), de cette directive :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
c) “autorité d’émission” :
i) un juge, une juridiction, un juge d’instruction ou un procureur compétent(e) dans l’affaire concernée ; ou
ii) toute autre autorité compétente définie par l’État d’émission qui, dans le cas d’espèce, agit en qualité d’autorité chargée des enquêtes dans le cadre de procédures pénales, compétente pour ordonner l’obtention de preuves conformément au droit national. En outre, avant d’être transmise à l’autorité d’exécution, la décision d’enquête européenne est validée, après examen de sa conformité aux conditions d’émission prévues par la présente directive, en particulier les conditions prévues à
l’article 6, paragraphe 1, par un juge, une juridiction, un juge d’instruction ou un procureur dans l’État d’émission. Lorsque la décision d’enquête européenne a été validée par une autorité judiciaire, cette dernière peut également être considérée comme une autorité d’émission aux fins de la transmission de la décision d’enquête européenne ».
5 L’article 6 de ladite directive, intitulé « Conditions d’émission et de transmission d’une décision d’enquête européenne », dispose :
« 1. L’autorité d’émission ne peut émettre une décision d’enquête européenne que si les conditions suivantes sont réunies :
a) l’émission de la décision d’enquête européenne est nécessaire et proportionnée aux finalités des procédures visées à l’article 4, compte tenu des droits du suspect ou de la personne poursuivie ; et
b) la ou les mesures d’enquête indiquées dans la décision d’enquête européenne auraient pu être ordonnées dans les mêmes conditions dans le cadre d’une procédure nationale similaire.
2. Dans chaque cas, le respect des conditions visées au paragraphe 1 est vérifié par l’autorité d’émission.
3. Lorsque l’autorité d’exécution a des raisons de penser que les conditions visées au paragraphe 1 n’ont pas été respectées, elle peut consulter l’autorité d’émission sur l’importance d’exécuter la décision d’enquête européenne. Après cette consultation, l’autorité d’émission peut décider de retirer la décision d’enquête européenne. »
6 L’article 10, paragraphes 3 et 4, de la même directive prévoit :
« 3. L’autorité d’exécution peut également recourir à une mesure d’enquête autre que celle indiquée dans la décision d’enquête européenne si la mesure d’enquête choisie par l’autorité d’exécution permet d’obtenir le même résultat que la mesure indiquée dans la décision d’enquête européenne par des moyens moins intrusifs.
4. Lorsque l’autorité d’exécution décide de recourir à la possibilité visée aux paragraphes 1 et 3, elle en informe préalablement l’autorité d’émission, qui peut décider de retirer ou de compléter la décision d’enquête européenne. »
7 Lorsqu’elle émet une décision d’enquête européenne, l’autorité d’émission est tenue de compléter et de signer un formulaire dont le modèle figure à l’annexe A de la directive 2014/41. La partie introductive de ce modèle de formulaire est rédigée comme suit :
« La présente décision d’enquête européenne a été émise par une autorité compétente. L’autorité d’émission certifie que l’émission de la présente décision d’enquête européenne est nécessaire et proportionnée aux fins des procédures qui y sont énoncées, compte tenu des droits du suspect ou de la personne poursuivie, et que les mesures d’enquête demandées auraient pu être ordonnées dans les mêmes conditions dans le cadre d’une procédure nationale similaire. Je demande l’exécution de la ou des
mesures d’enquête indiquées ci-après en tenant dûment compte de la confidentialité de l’enquête et le transfert des éléments de preuve obtenus à la suite de l’exécution de la décision d’enquête européenne. »
Le droit allemand
8 L’article 91d, paragraphe 1, du Gesetz über die internationale Rechtshilfe in Strafsachen (loi relative à l’entraide judiciaire internationale en matière pénale), du 23 décembre 1982 (BGBl. 1982 I, p. 2071), se lit comme suit :
« La mesure d’entraide ne peut être admise que si l’État membre d’émission rédige sa demande à l’aide du formulaire reproduit à l’annexe A ou à l’annexe C de la directive [2014/41], dans sa version en vigueur, et que celui-ci :
1) a été établi par une autorité judiciaire au sens de l’article 2, sous c), i), de cette directive ou
2) a été établi par une autorité, autre que l’autorité visée au point 1 ci‑dessus, définie comme autorité compétente à cet effet par l’État membre d’émission, et a été validé par une autorité visée au point 1 ci-dessus dans la section L du formulaire figurant à l’annexe A de ladite directive. »
Le droit letton
9 Conformément à l’article 8871, paragraphe 1, du Kriminālprocesa likums (code de procédure pénale, Latvijas Vēstnesis, 2005, no 74), lorsqu’il est nécessaire, dans le cadre d’une procédure pénale, d’accomplir un acte de procédure sur le territoire d’un autre État membre de l’Union européenne avant d’engager les poursuites, le responsable de la procédure, lorsqu’il émet une décision d’enquête européenne, évalue sa proportionnalité et sa nécessité par rapport à l’infraction faisant l’objet de
l’enquête, à la suite de quoi le procureur en charge de la direction de l’enquête vérifie également la conformité de l’acte de procédure demandé à l’autre État membre avec les exigences de la loi et évalue sa nécessité et sa proportionnalité par rapport à l’infraction faisant l’objet de l’enquête. Avant l’établissement d’une décision d’enquête européenne, le responsable de la procédure prend toutes les mesures qui seraient nécessaires si l’acte de procédure était exécuté en Lettonie.
10 Les perquisitions sont régies par les articles 179 à 185 du code de procédure pénale. L’article 179, paragraphe 1, de ce code définit la perquisition comme une mesure d’enquête ayant pour objet l’investigation forcée de locaux, d’un terrain, d’un véhicule ou d’un individu afin de localiser et de saisir l’objet recherché lorsqu’il existe des motifs raisonnables de penser que celui-ci se trouve sur les lieux de la perquisition.
11 L’article 180, paragraphe 1, dudit code dispose que la perquisition est effectuée sur décision d’un juge d’instruction ou d’une juridiction. Le juge d’instruction fonde sa décision sur une proposition présentée par le responsable de la procédure et sur les pièces qui y sont annexées.
Le litige au principal et la question préjudicielle
12 Le 5 avril 2019, le KNAB a engagé une procédure pénale contre un certain nombre d’agents travaillant au service d’une fondation sise à Riga (Lettonie), du chef d’escroquerie à grande échelle, de dilapidation illégale de la chose d’autrui à grande échelle ainsi que de faux et d’usage de faux. Dans le cadre de son enquête, le KNAB a estimé nécessaire d’émettre une décision d’enquête européenne afin de faire procéder à une perquisition des locaux commerciaux des entreprises FF GmbH et WBS, établies
à Berlin (Allemagne). À cet effet, le KNAB a demandé au juge d’instruction près la Rīgas pilsētas Vidzemes priekšpilsētas tiesa (tribunal de la ville de Riga, arrondissement suburbain de Vidzeme, Lettonie) qu’il autorise cette mesure d’enquête, conformément aux articles 179 et 180 du code de procédure pénale.
13 Par deux ordonnances du 24 avril 2019, ce juge d’instruction a fait droit à la demande du KNAB, au motif, d’une part, qu’il pouvait être présumé que les locaux de ces deux entreprises abritaient des documents, des supports de données et des objets utiles à la procédure pénale et, d’autre part, que les perquisitions, dont l’objet était l’identification et la saisie de ces documents, supports et objets, étaient nécessaires et proportionnées.
14 Le 25 avril 2019, le KNAB a émis une décision d’enquête européenne (ci-après la « décision d’enquête européenne en cause »), par laquelle il a demandé aux autorités allemandes de procéder à l’audition de deux témoins ainsi qu’à l’exécution des deux ordonnances de perquisition visées au point précédent. Le Latvijas Republikas Ģenerālprokuratūra (parquet général de la République de Lettonie) a validé la décision d’enquête européenne en cause et l’a transmise à la Staatsanwaltschaft Berlin (parquet
de Berlin, Allemagne).
15 Saisi par le parquet de Berlin, l’Amtsgericht Berlin-Tiergarten (tribunal de district de Berlin-Tiergarten, Allemagne) a ordonné les perquisitions des locaux des entreprises FF et WBS. Ces perquisitions ont eu lieu le 13 mai 2019 et ont abouti à la saisie de nombreux éléments de preuve.
16 WBS a saisi le Kammergericht (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne), qui est la juridiction de renvoi, d’une demande tendant à ce que cette juridiction constate que la remise à la République de Lettonie des éléments de preuve recueillis en exécution de la décision d’enquête européenne en cause ne saurait être admise.
17 À l’appui de son recours, WBS invoque l’arrêt du 16 décembre 2021, Spetsializirana prokuratura (Données relatives au trafic et à la localisation) (C‑724/19, ci-après l’« arrêt Spetsializirana prokuratura », EU:C:2021:1020), dont il ressortirait qu’une décision d’enquête européenne portant sur une mesure d’enquête qui, en vertu du droit de l’État membre d’émission, ne peut être ordonnée que par une juridiction ne saurait être valablement émise que par une autorité qui revêt une telle qualité. Or,
en l’occurrence, d’une part, le KNAB ne serait pas une juridiction et, d’autre part, en vertu du droit letton, seule une autorité ayant cette qualité serait compétente pour ordonner une telle mesure de perquisition.
18 Le parquet de Berlin a demandé au parquet général de la République de Lettonie si, le cas échéant, la décision d’enquête européenne en cause pouvait être à nouveau émise par une juridiction. Le parquet général de la République de Lettonie a répondu par la négative, au motif que le droit letton s’y opposait.
19 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se demande si les principes issus de l’arrêt Spetsializirana prokuratura doivent s’appliquer à l’affaire dont elle est saisie, ce qui devrait l’amener à constater que la remise des preuves en exécution de la décision d’enquête européenne en cause ne saurait être admise.
20 En premier lieu, la juridiction de renvoi constate que, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, l’autorité qui avait émis la décision d’enquête européenne pouvait être qualifiée d’« autorité d’émission », au titre de l’article 2, sous c), i), de la directive 2014/41, alors que, dans la présente affaire, le KNAB est une « autre autorité compétente définie par l’État d’émission », au sens de l’article 2, sous c), ii), de cette directive. La juridiction de renvoi se demande donc si la réponse
apportée par la Cour dans ledit arrêt est également applicable dans une situation où la décision d’enquête européenne a été émise par une autorité relevant de cette seconde disposition.
21 Selon la juridiction de renvoi, les points 29 et 30 de l’arrêt Spetsializirana prokuratura peuvent être compris en ce sens qu’une « autre autorité compétente », au sens de l’article 2, sous c), ii), de ladite directive, peut agir en tant qu’autorité d’émission d’une décision d’enquête européenne, même si, en vertu du droit national, la mesure d’enquête concernée ne peut être adoptée que par une juridiction, à la condition cependant qu’une telle juridiction intervienne à un autre stade de la
procédure.
22 En second lieu, la présente affaire se distinguerait de celle ayant donné lieu à l’arrêt Spetsializirana prokuratura, en ce que la mesure d’enquête qui a fait l’objet de la décision d’enquête européenne en cause, bien qu’elle ne pouvait, en vertu du droit letton, être ordonnée que par une juridiction, aurait été autorisée, préalablement à l’émission de cette décision, par un juge d’instruction letton qui l’a jugée nécessaire et proportionnée. Cette circonstance aurait pour conséquence que les
motifs retenus par la Cour, aux points 32 à 38 de cet arrêt, pour fonder son interprétation de l’article 2, sous c), i), de la directive 2014/41 seraient dénués de pertinence dans le cadre de l’affaire au principal.
23 Ainsi, premièrement, la Cour aurait considéré, d’une part, que l’autorité compétente pour ordonner une mesure d’enquête en vertu du droit national est la seule à même de satisfaire aux obligations de vérification et de justification de la mesure en question, et, d’autre part, que l’autorité d’émission ne peut émettre la décision d’enquête européenne qu’à la condition que la mesure d’enquête visée dans cette décision aurait pu être ordonnée dans les mêmes conditions dans le cadre d’une procédure
nationale similaire.
24 Or, dans le cadre de l’affaire dont elle est saisie, la juridiction de renvoi considère que l’autorité compétente en vertu du droit national pour ordonner la mesure d’enquête aurait satisfait aux obligations de vérification et de justification de celle-ci, prévues à l’article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive 2014/41, dans la mesure où le juge d’instruction letton compétent a considéré que les perquisitions en cause étaient nécessaires et proportionnées. En outre, l’autorité d’émission
aurait émis la décision d’enquête européenne en cause dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles une mesure d’enquête aurait pu être ordonnée dans le cadre d’une procédure nationale similaire, puisqu’une juridiction est intervenue pour autoriser la mesure de perquisition préalablement à l’émission de cette décision.
25 Deuxièmement, la Cour aurait considéré, dans l’arrêt Spetsializirana prokuratura, que, en vertu du droit national, l’autorité d’émission de la décision d’enquête européenne doit être l’autorité compétente pour ordonner, dans le cadre d’une procédure nationale, la mesure d’enquête qui fait l’objet de cette décision, dans la mesure où, si tel n’était pas le cas, cela aurait pour conséquence de complexifier et de compromettre le système de coopération simplifié et efficace d’entraide judiciaire mis
en place par la directive 2014/41.
26 Or, d’une part, cette juridiction doute de la pertinence d’une telle considération en l’occurrence, dès lors que pareille exigence est précisément susceptible de complexifier la procédure d’entraide judiciaire.
27 En effet, dans certains États membres, comme en Allemagne, la juridiction en charge de l’instruction ne jouerait pas un rôle central dans la procédure d’enquête et n’interviendrait que de manière ponctuelle, notamment pour autoriser certaines mesures d’enquête sollicitées par le parquet. Dans de telles circonstances, s’il fallait considérer que seule cette juridiction peut être qualifiée d’« autorité d’émission », au sens de la directive 2014/41, alors que, dans les faits, c’est le parquet qui
est en charge de la procédure d’enquête, cela conduirait à des retards dans l’entraide judiciaire, notamment dans l’hypothèse où l’autorité d’exécution déciderait d’interroger l’autorité d’émission au titre de l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/41. Une complexification de la procédure d’entraide pourrait également résulter de ce que, dans certains États membres, certaines mesures d’enquête pourraient ne pas relever de la compétence exclusive des juridictions
nationales, mais pourraient être ordonnées par d’autres autorités. En pareille circonstance, il ne serait donc pas exclu que l’autorité d’exécution puisse se voir saisie de deux décisions d’enquête européennes émises par deux interlocuteurs différents.
28 D’autre part, selon la juridiction de renvoi, il y aurait lieu de se référer, par analogie, à la jurisprudence issue de l’arrêt du 27 mai 2019, PF (Procureur général de Lituanie) (C‑509/18, EU:C:2019:457), relatif au mandat d’arrêt européen, dont il ressortirait que l’autorité qui ordonne le mandat d’arrêt national peut être différente de celle qui émet le mandat d’arrêt européen.
29 C’est dans ces conditions que le Kammergericht (tribunal régional supérieur de Berlin) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Une décision d’enquête européenne portant sur une mesure d’enquête dont l’adoption est réservée aux seules juridictions en vertu du droit de l’État d’émission peut-elle être émise par une autre autorité compétente au sens de l’article 2, sous c), ii), de la directive [2014/41], en collaboration avec une autorité (non judiciaire) de validation, lorsque cette mesure a été autorisée au préalable par une juridiction de l’État d’émission qui a ainsi satisfait aux obligations de vérification et de
justification prévues dans cette directive ? »
Sur la question préjudicielle
30 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, sous c), ii), de la directive 2014/41 doit être interprété en ce sens que peut être qualifiée d’« autorité d’émission », au sens de cette disposition, une autorité administrative définie par l’État d’émission qui, dans le cas d’espèce, agit en qualité d’autorité chargée des enquêtes dans le cadre des procédures pénales et dont les mesures d’enquête qui impliquent une ingérence dans les droits fondamentaux de la
personne concernée doivent, conformément au droit national, être préalablement autorisées par une autorité judiciaire.
31 L’article 2, sous c), de la directive 2014/41 définit, respectivement à ses points i) et ii), la notion d’« autorité d’émission » comme étant soit « un juge, une juridiction, un juge d’instruction ou un procureur compétent(e) dans l’affaire concernée », soit « toute autre autorité compétente définie par l’État d’émission qui, dans le cas d’espèce, agit en qualité d’autorité chargée des enquêtes dans le cadre de procédures pénales, compétente pour ordonner l’obtention de preuves conformément au
droit national ».
32 Il ressort ainsi du libellé de l’article 2, sous c), ii), de cette directive que l’« autorité d’émission », au sens de cette disposition, est une autorité nationale qui répond aux trois conditions cumulatives suivantes.
33 Premièrement, il découle de l’utilisation du terme « autre » qu’une telle autorité est non pas l’une des autorités judiciaires visées à l’article 2, sous c), i), de la directive 2014/41, à savoir un juge, une juridiction, un juge d’instruction ou un procureur, mais une autorité, telle qu’une autorité administrative, qui a été désignée par l’État membre d’émission comme étant compétente pour émettre une décision d’enquête européenne.
34 Deuxièmement, cette autorité doit être celle qui, dans le cas d’espèce, agit en qualité d’autorité chargée des enquêtes dans le cadre de procédures pénales.
35 Troisièmement, ladite autorité doit être compétente pour ordonner l’obtention de preuves conformément au droit national.
36 S’agissant du litige au principal, il est constant que le KNAB remplit les deux premières de ces conditions. En effet, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, d’une part, en tant qu’autorité administrative, le KNAB ne relève pas de celles visées par l’article 2, sous c), i), de la directive 2014/41. D’autre part, conformément au droit national, le KNAB est l’autorité en charge des enquêtes dans les affaires relevant du domaine de la lutte contre la corruption et cette autorité a été
désignée comme étant compétente pour émettre les décisions d’enquête européenne dans ces affaires.
37 Toutefois, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si ladite autorité répond à la troisième de ces conditions, mentionnée au point 35 du présent arrêt, à savoir celle d’être « compétente pour ordonner l’obtention de preuves conformément au droit national ».
38 À cet égard, cette juridiction souligne que, parmi les mesures d’enquête faisant l’objet de la décision d’enquête européenne en cause, seules les mesures relatives à l’audition de témoins ont pu être ordonnées directement par le KNAB, sans avoir dû obtenir l’autorisation préalable d’un juge d’instruction. En revanche, les mesures de perquisition de locaux commerciaux en cause dans l’affaire au principal, dans la mesure où elles entraînaient une ingérence dans les droits fondamentaux de la
personne concernée, ont dû être, conformément au droit letton, autorisées par un tel juge, après qu’une demande d’autorisation a été sollicitée auprès de ce dernier par le KNAB.
39 Dans ces conditions, la juridiction de renvoi cherche à déterminer si le fait que, en droit letton, les mesures de perquisition sollicitées par le KNAB doivent être autorisées par un juge d’instruction avant de pouvoir être exécutées a pour conséquence que cette autorité ne peut pas être considérée comme étant compétente pour ordonner l’obtention de preuves conformément au droit national, au sens de l’article 2, sous c), ii), de la directive 2014/41.
40 Dans la mesure où le libellé de l’article 2, sous c), ii), de cette directive ne permet pas, à lui seul, de répondre à cette question, il convient, conformément à une jurisprudence constante, de tenir compte du contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont cette disposition fait partie [voir, en ce sens, arrêts du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, EU:C:1983:335, point 12, et du 21 décembre 2023, G. K. e.a. (Parquet européen), C‑281/22, EU:C:2023:1018, point 46 ainsi que
jurisprudence citée].
41 En premier lieu, il convient d’avoir égard au contexte dans lequel s’insère cette disposition.
42 Premièrement, l’article 6, paragraphe 1, sous a), de ladite directive, lu en combinaison avec l’article 6, paragraphe 2, et l’annexe A de la même directive, et à la lumière du considérant 11 de celle-ci, impose à l’autorité d’émission une obligation de vérifier le caractère nécessaire et proportionné de la mesure d’enquête qui fait l’objet de la décision d’enquête européenne, au regard des finalités de la procédure dans le cadre de laquelle cette décision est émise et compte tenu des droits du
suspect ou de la personne poursuivie (voir, en ce sens, arrêt Spetsializirana prokuratura, point 32).
43 En outre, s’agissant de l’hypothèse où une décision d’enquête européenne émane d’une « autorité d’émission », au sens de l’article 2, sous c), ii), de la directive 2014/41, il ressort de la deuxième phrase de cette disposition que, avant d’être transmise à l’autorité d’exécution, cette décision doit être validée, après examen de sa conformité aux conditions d’émission prévues par cette directive, en particulier les conditions prévues à l’article 6, paragraphe 1, de celle-ci, « par un juge, une
juridiction, un juge d’instruction ou un procureur ».
44 Il s’ensuit que, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 45 de ses conclusions, l’émission d’une décision d’enquête européenne par une « autre autorité compétente définie par l’État d’émission », au sens de l’article 2, sous c), ii), de la directive 2014/41, implique un contrôle de la nécessité et de la proportionnalité de cette décision à deux niveaux de la procédure dans l’État membre d’émission, à savoir, d’une part, lors de son adoption dans le cadre de la procédure d’enquête nationale
et, d’autre part, lors de sa validation par une autorité judiciaire avant d’être transmise à l’autorité d’exécution.
45 En l’occurrence, les interrogations de la juridiction de renvoi quant à la qualité d’« autorité d’émission » du KNAB concernent le premier de ces deux niveaux de contrôle. En effet, s’agissant du second niveau, il est constant que, avant sa transmission à l’autorité d’exécution, la décision d’enquête européenne en cause a été validée par un procureur, à savoir le parquet général de la République de Lettonie, qui a examiné la nécessité et la proportionnalité de cette décision conformément aux
dispositions de cette directive.
46 À cet égard, il ressort du considérant 10 de la directive 2014/41 que cette directive identifie l’autorité d’émission comme étant la mieux placée pour décider, en fonction de sa connaissance des éléments de l’enquête concernée, des mesures d’enquête auxquelles il y a lieu de recourir (arrêt Spetsializirana prokuratura, point 37).
47 Ainsi qu’il a été rappelé au point 34 du présent arrêt, pour être regardée comme étant une « autorité d’émission », au sens de la directive 2014/41, l’« autre autorité » visée à l’article 2, sous c), ii), de cette directive doit être celle qui, dans le cas d’espèce, est chargée de l’enquête pénale. Cette position lui permet, compte tenu de sa connaissance des éléments de ladite enquête, d’effectuer, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous a), de ladite directive, le contrôle de la
nécessité et de la proportionnalité de la mesure d’enquête qu’elle souhaite voir effectuée dans un autre État membre dans le cadre d’une décision d’enquête européenne.
48 Or, la seule circonstance que le droit de l’État membre d’émission subordonne l’adoption de mesures d’enquête sollicitées par l’autorité en charge de l’enquête à la condition qu’elles soient préalablement autorisées par un juge d’instruction lorsqu’elles impliquent une ingérence dans les droits fondamentaux de la personne concernée ne s’oppose pas à ce que cette autorité en charge de la procédure d’enquête soit considérée comme étant « compétente pour ordonner l’obtention de preuves conformément
au droit national », au sens de l’article 2, sous c), ii), de la directive 2014/41, et, par conséquent, à ce qu’elle puisse être qualifiée d’« autorité d’émission », au sens de cette disposition.
49 En effet, une telle exigence permet d’assurer que l’examen de la nécessité et de la proportionnalité desdites mesures effectué par l’autorité en charge de l’enquête, au premier niveau visé au point 42 du présent arrêt, se fasse sous le contrôle d’un juge, afin que ce dernier confirme notamment que les mesures envisagées sont nécessaires et ne portent pas atteinte de manière disproportionnée aux droits fondamentaux du suspect ou de la personne poursuivie.
50 Deuxièmement, l’interprétation figurant au point 48 du présent arrêt est confortée par l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41.
51 En effet, conformément à cette disposition, l’autorité d’émission ne peut émettre une décision d’enquête européenne qu’à la condition que la ou les mesures d’enquête visées dans cette décision auraient pu être ordonnées dans les mêmes conditions dans le cadre d’une procédure nationale similaire.
52 En employant les termes « dans les mêmes conditions » et « dans le cadre d’une procédure nationale similaire », l’article 6, paragraphe 1, sous b), de ladite directive fait dépendre du seul droit de l’État d’émission la détermination des conditions précises requises pour l’émission d’une décision d’enquête européenne. Cette disposition vise ainsi à éviter un contournement des règles et des garanties prévues par le droit de l’État d’émission [voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2024, M.N.
(EncroChat), C‑670/22, EU:C:2024:372, points 92 et 97].
53 Or, ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, l’exigence selon laquelle une mesure d’enquête envisagée par le KNAB dans le cadre d’une décision d’enquête européenne, lorsqu’elle implique une ingérence dans les droits fondamentaux de la personne concernée, doit être autorisée par un juge d’instruction constitue précisément une condition prévue par le droit letton à laquelle devrait également répondre une mesure d’enquête équivalente devant être exécutée sur le seul territoire letton.
54 À cet égard, il y a lieu de préciser que la situation en cause au principal se distingue de celle ayant donné lieu à l’arrêt Spetsializirana prokuratura.
55 En effet, cette dernière affaire portait sur l’interprétation non pas du point ii), mais du point i) de l’article 2, sous c), de la directive 2014/41, dans une situation où un procureur avait émis, lors de la phase préliminaire de la procédure pénale, une décision d’enquête européenne visant à obtenir des données relatives au trafic et des données de localisation liées aux télécommunications, alors que, dans le cadre d’une procédure nationale similaire, l’adoption d’une mesure d’enquête visant à
accéder à de telles données relevait de la compétence exclusive du juge.
56 Troisièmement, une interprétation de l’article 2, sous c), ii), de la directive 2014/41 autre que celle retenue au point 48 du présent arrêt se heurterait à la distinction opérée par le législateur de l’Union entre les autorités relevant respectivement de l’article 2, sous c), i), et de l’article 2, sous c), ii), de cette directive.
57 Par cette distinction, ce législateur a voulu permettre que des autorités non judiciaires qui, conformément au droit national, sont en charge de l’enquête pénale dans le cadre de la procédure nationale et compétentes pour ordonner des mesures d’enquête puissent être qualifiées d’« autorité d’émission », au sens de cet article 2, sous c).
58 Or, considérer que l’intervention, au premier niveau de contrôle visé au point 42 du présent arrêt, d’une autorité judiciaire, requise par le droit national pour autoriser l’adoption de certaines de ces mesures, impliquerait nécessairement que seule cette autorité judiciaire pourrait être qualifiée d’« autorité d’émission » conduirait à ce que seules les autorités judiciaires visées à l’article 2, sous c), i), de ladite directive seraient compétentes pour émettre une décision d’enquête
européenne, alors même que ces autorités judiciaires n’interviendraient que ponctuellement dans le cadre de la procédure d’enquête pénale nationale.
59 Une telle interprétation priverait ainsi l’article 2, sous c), ii), de la même directive de son effet utile, puisque, compte tenu du fait que les autorités visées à cette disposition ne doivent pas avoir la qualité d’« autorités judiciaires », il est légitime que les États membres entourent l’adoption des mesures d’enquête par ces autorités de garanties procédurales, en prévoyant notamment, comme en l’occurrence, que les mesures d’enquête qui impliquent une ingérence dans les droits fondamentaux
des personnes concernées soient préalablement autorisées par une autorité judiciaire.
60 En second lieu, s’agissant des objectifs de la directive 2014/41, celle-ci vise, ainsi que cela ressort de ses considérants 5 à 8, à remplacer le cadre fragmentaire et complexe existant en matière d’obtention de preuves dans les affaires pénales revêtant une dimension transfrontalière et tend, par l’instauration d’un système simplifié et plus efficace fondé sur un instrument unique, à savoir la décision d’enquête européenne, à faciliter et à accélérer la coopération judiciaire en vue de
contribuer à réaliser l’objectif assigné à l’Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice, en se fondant sur le degré de confiance élevé qui doit exister entre les États membres (arrêt Spetsializirana prokuratura, point 36 ainsi que jurisprudence citée).
61 Ainsi qu’il a été rappelé au point 46 du présent arrêt, ladite directive identifie l’autorité d’émission comme étant la mieux placée pour décider, en fonction de sa connaissance des éléments de l’enquête concernée, des mesures d’enquête auxquelles il y a lieu de recourir.
62 Dès lors, eu égard à cette considération ainsi qu’aux objectifs de simplification et d’efficacité de la procédure qui sous-tendent la directive 2014/41, il apparaît justifié que l’autorité nationale qui est effectivement en charge de l’enquête pénale puisse être qualifiée d’« autorité d’émission », au sens de l’article 2, sous c), ii), de cette directive, quand bien même certaines des mesures d’enquête qu’elle souhaite voir effectuées doivent, conformément au droit national, être préalablement
autorisées par une autorité judiciaire lorsqu’elles impliquent une ingérence dans les droits fondamentaux de la personne concernée.
63 Une telle interprétation de l’article 2, sous c), ii), de ladite directive permet de garantir que, lorsque plusieurs mesures d’enquête sont envisagées par une telle autorité dans le cadre d’une même procédure pénale, dont certaines nécessitent d’être autorisées par un juge d’instruction et d’autres non, une seule et même décision d’enquête européenne soit émise par cette autorité pour l’ensemble de ces mesures d’enquête, en sa qualité d’« autorité d’émission », au sens de cette disposition.
64 Cette interprétation permet aussi de faciliter les éventuels échanges entre l’autorité d’émission et l’autorité d’exécution de la décision d’enquête européenne, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la même directive ou de l’article 10, paragraphe 4, de celle-ci.
65 À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 2, sous c), ii), de la directive 2014/41 doit être interprété en ce sens que peut être qualifiée d’« autorité d’émission », au sens de cette disposition, une autorité administrative définie par l’État d’émission qui, dans le cas d’espèce, agit en qualité d’autorité chargée des enquêtes dans le cadre des procédures pénales et dont les mesures d’enquête qui impliquent une ingérence
dans les droits fondamentaux de la personne concernée doivent, conformément au droit national, être préalablement autorisées par une autorité judiciaire.
Sur les dépens
66 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :
L’article 2, sous c), ii), de la directive 2014/41/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, concernant la décision d’enquête européenne en matière pénale,
doit être interprété en ce sens que :
peut être qualifiée d’« autorité d’émission », au sens de cette disposition, une autorité administrative définie par l’État d’émission qui, dans le cas d’espèce, agit en qualité d’autorité chargée des enquêtes dans le cadre des procédures pénales et dont les mesures d’enquête qui impliquent une ingérence dans les droits fondamentaux de la personne concernée doivent, conformément au droit national, être préalablement autorisées par une autorité judiciaire.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.