ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
10 juillet 2025 ( *1 )
Table des matières
I. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
1. Le traité FUE
2. Le protocole no 26
3. La Charte
4. La directive 2006/123
5. La directive 2008/98
6. La directive 2018/851
B. Le droit slovène
II. La procédure au principal et les questions préjudicielles
III. Sur les questions préjudicielles
A. Sur la première question
B. Sur les deuxième à dixième questions
1. Observations liminaires
a) Sur la directive 2008/98
b) Sur la directive 2006/123 ainsi que sur les articles 49 et 56 TFUE
c) Sur la justification des restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services au regard de la directive 2006/123 ainsi que des articles 49 et 56 TFUE
d) Sur le respect de la Charte ainsi que des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime
2. Sur les conditions d’instauration d’un monopole portant sur l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs
a) Sur les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services
b) Sur la justification des restrictions concernées
1) Sur la condition de non-discrimination
2) Sur l’existence de raisons impérieuses d’intérêt général
3) Sur la condition de proportionnalité
i) Sur l’aptitude des restrictions à garantir la réalisation des objectifs poursuivis
ii) Sur la nécessité et le caractère proportionné au sens strict des restrictions concernées
4) Sur le respect des articles 16 et 17 de la Charte ainsi que des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime
3. Sur les mesures imposées au titulaire du monopole et aux personnes détenant des participations dans celui-ci
a) Sur les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services
b) Sur la justification des restrictions concernées
1) Sur la condition de non-discrimination
2) Sur l’existence de raisons impérieuses d’intérêt général
3) Sur la condition de proportionnalité
i) Sur l’aptitude des restrictions à garantir la réalisation des objectifs poursuivis
ii) Sur la nécessité et le caractère proportionné au sens strict des restrictions concernées
4) Sur le respect de l’article 16 de la Charte
4. Sur les mesures imposées aux producteurs souhaitant accéder au marché national
a) Sur les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services
b) Sur la justification des restrictions concernées
1) Sur l’existence de raisons impérieuses d’intérêt général
2) Sur la condition de proportionnalité
i) Sur l’aptitude des restrictions à garantir la réalisation des objectifs poursuivis
ii) Sur la nécessité et le caractère proportionné au sens strict des restrictions concernées
3) Sur le respect de l’article 16 de la Charte
5. Sur l’incidence de l’existence d’un service d’intérêt économique général sur la compatibilité des restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services avec le droit de l’Union
IV. Sur les dépens
« Renvoi préjudiciel – Liberté d’établissement et libre prestation des services – Articles 49 et 56 TFUE – Protocole (no 26) sur les services d’intérêt général, annexé aux traités UE et FUE – Services dans le marché intérieur – Directive 2006/123/CE – Champ d’application – Monopoles et services d’intérêt économique général – Exigences à évaluer – Article 15 – Déchets – Directive 2008/98/CE – Régimes de responsabilité élargie des producteurs – Articles 8 et 8 bis – Création d’un monopole sur le
marché de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs – Organisation unique sans but lucratif – Article 106, paragraphe 2, TFUE – Notion d’“entreprise” – Modalités de création et de fonctionnement – Modalités transitoires – Obligation d’adhésion incombant aux producteurs soumis à la responsabilité élargie – Articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Liberté d’entreprise et droit de propriété – Principes de
sécurité juridique et de protection de la confiance légitime – Proportionnalité »
Dans l’affaire C‑254/23,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle, Slovénie), par décision du 13 avril 2023, parvenue à la Cour le 20 avril 2023, dans la procédure
INTERZERO Trajnostne rešitve za svet brez odpadkov d.o.o. et autres,
Surovina, družba za predelavo odpadkov d.o.o. et autres,
en présence de :
Državni zbor Republike Slovenije,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président, M. T. von Danwitz, vice-président, Mme K. Jürimäe, M. C. Lycourgos, Mme L. Arastey Sahún, MM. S. Rodin, A. Kumin, N. Jääskinen et M. Gavalec, présidents de chambre, M. E. Regan, Mme I. Ziemele (rapporteure), M. Z. Csehi et Mme O. Spineanu-Matei, juges,
avocat général : M. A. M. Collins,
greffier : M. M. Longar, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 juin 2024,
considérant les observations présentées :
– pour INTERZERO Trajnostne rešitve za svet brez odpadkov d.o.o. et autres, par Me A. Brezavšček, odvetnik,
– pour Surovina, družba za predelavo odpadkov d.o.o. et autres, par Mes M. Senica et M. Urankar, odvetnika,
– pour le gouvernement slovène, par Mmes A. Dežman Mušič et T. Mihelič, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement tchèque, par Mme L. Langrová, MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement hongrois, par Mme Z. Biró-Tóth, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes E. M. M. Besselink, M. K. Bulterman et C. S. Schillemans, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mmes L. Armati, M. Kocjan, M. M. Mataija et Mme D. Milanowska, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 septembre 2024,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 14, 49, 56 et 106 TFUE, du protocole (no 26) sur les services d’intérêt général, annexé aux traités UE et FUE (ci-après le « protocole no 26 »), de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36), des articles 8 et 8 bis de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux
déchets et abrogeant certaines directives (JO 2008, L 312, p. 3), telle que modifiée par la directive (UE) 2018/851 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018 (JO 2018, L 150, p. 109) (ci-après la « directive 2008/98 »), des articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), ainsi que des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.
2 Cette demande a été introduite dans le cadre d’une procédure de contrôle de constitutionnalité portant sur certaines dispositions du Zakon o varstvu okolja (loi relative à la protection de l’environnement), du 16 mars 2022 (Uradni list RS, no 44/22), dans sa version applicable à la procédure au principal (ci-après le « ZVO-2 »), établissant le régime de responsabilité élargie des producteurs dans le droit slovène (ci-après le « régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au
principal »).
I. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
1. Le traité FUE
3 L’article 49 TFUE dispose :
« Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un État membre établis sur le territoire d’un État membre.
[...] »
4 L’article 56 TFUE prévoit :
« Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union [européenne] sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation.
[...] »
5 L’article 106 TFUE dispose :
« 1. Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 18 et 101 à 109 inclus.
2. Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union.
[...] »
2. Le protocole no 26
6 Aux termes de l’article 1er du protocole no 26 :
« Les valeurs communes de l’Union concernant les services d’intérêt économique général au sens de l’article 14 [TFUE] comprennent notamment :
– le rôle essentiel et le large pouvoir discrétionnaire des autorités nationales, régionales et locales pour fournir, faire exécuter et organiser les services d’intérêt économique général d’une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs ;
– la diversité des services d’intérêt économique général et les disparités qui peuvent exister au niveau des besoins et des préférences des utilisateurs en raison de situations géographiques, sociales ou culturelles différentes ;
– un niveau élevé de qualité, de sécurité et quant au caractère abordable, l’égalité de traitement et la promotion de l’accès universel et des droits des utilisateurs. »
3. La Charte
7 L’article 16 de la Charte, intitulé « Liberté d’entreprise », prévoit :
« La liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales. »
8 L’article 17 de la Charte, intitulé « Droit de propriété », dispose, à son paragraphe 1 :
« Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général. »
9 L’article 52 de la Charte, intitulé « Portée et interprétation des droits et des principes », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui. »
4. La directive 2006/123
10 Les considérants 6, 17, 70 et 73 de la directive 2006/123 sont libellés comme suit :
« (6) La suppression [des] obstacles [à la liberté d’établissement des prestataires dans les États membres et à la libre circulation des services entre États membres] ne peut se faire uniquement par l’application directe des articles [49 et 56 TFUE], étant donné que, d’une part, le traitement au cas par cas par des procédures d’infraction à l’encontre des États membres concernés serait, en particulier suite aux élargissements, extrêmement compliqué pour les institutions nationales et
communautaires et que, d’autre part, la levée de nombreux obstacles nécessite une coordination préalable des systèmes juridiques nationaux, y compris la mise en place d’une coopération administrative. [...]
[...]
(17) La présente directive ne vise que les services fournis en échange d’une contrepartie économique. Les services d’intérêt général ne sont pas couverts par la définition de l’article [57 TFUE] et ne relèvent donc pas du champ d’application de la présente directive. Les services d’intérêt économique général sont des services qui sont fournis en contrepartie d’une rémunération et entrent par conséquent dans le champ d’application de la présente directive. [...]
[...]
(70) Aux fins de la présente directive, [...] des services ne peuvent être considérés comme des services d’intérêt économique général que s’ils sont fournis en application d’une mission particulière de service public confiée au prestataire par l’État membre concerné. L’attribution de cette mission devrait se faire au moyen d’un ou de plusieurs actes, dont la forme est déterminée par l’État membre concerné, et devrait définir la nature exacte de la mission attribuée.
[...]
(73) Parmi les exigences à examiner figurent les régimes nationaux qui, pour des raisons autres que celles afférentes aux qualifications professionnelles, réservent l’accès à certaines activités à des prestataires particuliers. Ces exigences incluent également l’obligation faite au prestataire d’être constitué sous une forme juridique particulière, notamment d’être une personne morale, une société personnelle, une entité sans but lucratif ou une société appartenant exclusivement à des personnes
physiques, ainsi que les exigences relatives à la détention du capital d’une société, notamment l’obligation de disposer d’un capital minimum pour certaines activités de services ou d’avoir une qualification particulière pour détenir du capital social ou gérer certaines sociétés. [...] »
11 L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet », dispose :
« 1. La présente directive établit les dispositions générales permettant de faciliter l’exercice de la liberté d’établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services, tout en garantissant un niveau de qualité élevé pour les services.
2. La présente directive ne traite pas de la libéralisation des services d’intérêt économique général, réservés à des organismes publics ou privés, ni de la privatisation d’organismes publics prestataires de services.
3. La présente directive ne traite pas de l’abolition des monopoles fournissant des services, ni des aides accordées par les États membres qui relèvent des règles communautaires en matière de concurrence.
La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres de définir, conformément au droit communautaire, ce qu’ils entendent par services d’intérêt économique général, la manière dont ces services devraient être organisés et financés conformément aux règles relatives aux aides d’État ou les obligations spécifiques auxquelles ils doivent être soumis.
[...] »
12 L’article 2 de ladite directive, intitulé « Champ d’application », prévoit :
« 1. La présente directive s’applique aux services fournis par les prestataires ayant leur établissement dans un État membre.
2. La présente directive ne s’applique pas aux activités suivantes :
a) les services d’intérêt général non économiques ;
[...] »
13 L’article 4 de la même directive, intitulé « Définitions », dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
1) “service”, toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération, visée à l'article [57 TFUE] ;
[...]
7) “exigence”, toute obligation, interdiction, condition ou limite prévue dans les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres ou découlant de la jurisprudence, des pratiques administratives, des règles des ordres professionnels ou des règles collectives d’associations professionnelles ou autres organisations professionnelles adoptées dans l’exercice de leur autonomie juridique ; [...]
8) “raisons impérieuses d’intérêt général”, des raisons reconnues comme telles par la jurisprudence de la Cour de justice, qui incluent les justifications suivantes : [...] la santé publique [...] la protection de l’environnement et de l’environnement urbain [...] ;
[...] »
14 L’article 15 de la directive 2006/123, intitulé « Exigences à évaluer », prévoit :
« 1. Les États membres examinent si leur système juridique prévoit les exigences visées au paragraphe 2 et veillent à ce que ces exigences soient compatibles avec les conditions visées au paragraphe 3. Les États membres adaptent leurs dispositions législatives, réglementaires ou administratives afin de les rendre compatibles avec ces conditions.
2. Les États membres examinent si leur système juridique subordonne l’accès à une activité de service ou son exercice au respect de l’une des exigences non discriminatoires suivantes :
a) les limites quantitatives ou territoriales sous forme, notamment, de limites fixées en fonction de la population ou d’une distance géographique minimum entre prestataires ;
b) les exigences qui imposent au prestataire d’être constitué sous une forme juridique particulière ;
c) les exigences relatives à la détention du capital d’une société ;
d) les exigences autres que celles relatives aux matières couvertes par la directive 2005/36/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO 2005, L 255, p. 22),] ou que celles prévues dans d’autres instruments communautaires, qui réservent l’accès à l’activité de service concernée à des prestataires particuliers en raison de la nature spécifique de l’activité ;
[...]
3. Les États membres vérifient que les exigences visées au paragraphe 2 remplissent les conditions suivantes :
a) non-discrimination : les exigences ne sont pas directement ou indirectement discriminatoires en fonction de la nationalité ou, en ce qui concerne les sociétés, de l’emplacement de leur siège statutaire ;
b) nécessité : les exigences sont justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général ;
c) proportionnalité : les exigences doivent être propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi, ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif et d’autres mesures moins contraignantes ne doivent pas permettre d’atteindre le même résultat.
4. Les paragraphes 1, 2 et 3 ne s’appliquent à la législation dans le domaine des services d’intérêt économique général que dans la mesure où l’application de ces paragraphes ne fait pas échec à l’accomplissement, en droit ou en fait, de la mission particulière qui leur a été confiée.
5. Dans le rapport d’évaluation mutuelle prévu à l’article 39, paragraphe 1, les États membres indiquent :
a) les exigences qu’ils envisagent de maintenir ainsi que les raisons pour lesquelles ils estiment qu’elles sont conformes aux conditions visées au paragraphe 3 ;
b) les exigences qui ont été supprimées ou allégées.
6. À partir du 28 décembre 2006, les États membres ne peuvent plus introduire de nouvelles exigences du type de celles visées au paragraphe 2, à moins que ces exigences [ne] soient conformes aux conditions prévues au paragraphe 3.
[...] »
15 L’article 16 de cette directive, intitulé « Libre prestation des services », dispose, à son paragraphe 1 :
« Les États membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un État membre autre que celui dans lequel ils sont établis.
L’État membre dans lequel le service est fourni garantit le libre accès à l’activité de service ainsi que son libre exercice sur son territoire.
[...] »
16 L’article 17 de ladite directive, intitulé « Dérogations supplémentaires à la libre prestation des services », prévoit :
« L’article 16 ne s’applique pas :
1) aux services d’intérêt économique général qui sont fournis dans un autre État membre notamment :
[...]
e) au traitement des déchets ;
[...] »
5. La directive 2008/98
17 L’article 1er de la directive 2008/98, intitulé « Objet et champ d’application », prévoit :
« La présente directive établit des mesures visant à protéger l’environnement et la santé humaine par la prévention ou la réduction de la production de déchets et des effets nocifs de la production et de la gestion des déchets, et par une réduction des incidences globales de l’utilisation des ressources et une amélioration de l’efficacité de cette utilisation, qui sont essentielles pour la transition vers une économie circulaire et la compétitivité à long terme de l’Union. »
18 L’article 3 de cette directive, intitulé « Définitions », dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
9) “gestion des déchets” : la collecte, le transport, la valorisation (y compris le tri), et l’élimination des déchets, y compris la surveillance de ces opérations ainsi que la surveillance des sites de décharge après leur fermeture et notamment les actions menées en tant que négociant ou courtier ;
[...]
21) “régime de responsabilité élargie des producteurs” : un ensemble de mesures prises par les États membres pour veiller à ce que les producteurs de produits assument la responsabilité financière ou la responsabilité financière et organisationnelle de la gestion de la phase “déchet” du cycle de vie d’un produit. »
19 L’article 8 de ladite directive, intitulé « Régime de responsabilité élargie des producteurs », prévoit :
« 1. En vue de renforcer le réemploi, la prévention, le recyclage et autre valorisation en matière de déchets, les États membres peuvent prendre des mesures législatives ou non pour que la personne physique ou morale qui élabore, fabrique, manipule, traite, vend ou importe des produits (le producteur du produit) soit soumise au régime de responsabilité élargie des producteurs.
De telles mesures peuvent notamment prévoir le fait d’accepter les produits renvoyés et les déchets qui subsistent après l’utilisation de ces produits, ainsi que la gestion qui en découle et la responsabilité financière de telles activités. Ces mesures peuvent prévoir l’obligation de fournir des informations accessibles au public sur la mesure dans laquelle le produit peut faire l’objet d’un réemploi ou être recyclé.
Lorsque ces mesures comprennent la mise en place de régimes de responsabilité élargie des producteurs, les exigences générales minimales énoncées à l’article 8 bis s’appliquent.
Les États membres peuvent décider que les producteurs de produits qui assument de leur propre initiative les responsabilités financières ou les responsabilités financières et organisationnelles de la gestion de la phase “déchet” du cycle de vie d’un produit devraient appliquer tout ou partie des exigences générales minimales énoncées à l’article 8 bis.
2. Les États membres peuvent prendre des mesures appropriées pour encourager la conception de produits ou de composants de produits aux fins d’en réduire les incidences sur l’environnement et la production de déchets au cours de la production et de l’utilisation ultérieure des produits et afin de veiller à ce que la valorisation et l’élimination des produits qui sont devenus des déchets aient lieu conformément aux articles 4 et 13.
De telles mesures peuvent entre autres encourager la mise au point, la production et la commercialisation de produits ou de composants de produits à usages multiples, contenant des matériaux recyclés, techniquement durables et facilement réparables et qui, après être devenus des déchets, se prêtent à la préparation en vue du réemploi et au recyclage, afin de faciliter la bonne mise en œuvre de la hiérarchie des déchets. Ces mesures tiennent compte des incidences des produits tout au long de leur
cycle de vie ainsi que de la hiérarchie des déchets et, le cas échéant, de la possibilité de recyclage multiple.
3. Au moment d’appliquer le régime de responsabilité élargie des producteurs, les États membres tiennent compte de la faisabilité technique et de la viabilité économique, ainsi que des incidences globales sur l’environnement et la santé humaine, et des incidences sociales, tout en respectant la nécessité d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur.
4. Le régime de responsabilité élargie des producteurs s’applique sans préjudice de la responsabilité en matière de gestion des déchets, prévue à l’article 15, paragraphe 1, et sans préjudice de la législation spécifique en vigueur concernant les flux de déchets et de la législation spécifique en vigueur concernant les produits.
5. La Commission [européenne] organise un échange d’informations entre les États membres et les parties prenantes des régimes de responsabilité élargie des producteurs sur la mise en œuvre pratique des exigences générales minimales énoncées à l’article 8 bis. L’échange d’informations porte, entre autres, sur les meilleures pratiques pour garantir la bonne gouvernance, la coopération transfrontalière relative aux régimes de responsabilité élargie des producteurs et le bon fonctionnement du
marché intérieur, sur les aspects organisationnels et la surveillance des organisations mettant en œuvre des obligations de responsabilité élargie du producteur pour le compte des producteurs de produits, sur la modulation des contributions financières, sur la sélection des organismes de gestion des déchets et sur la prévention du dépôt sauvage de déchets. La Commission publie les résultats de cet échange d’informations et peut fournir des lignes directrices sur ces aspects et d’autres aspects
pertinents.
La Commission publie, en concertation avec les États membres, des lignes directrices sur la coopération transfrontalière relative aux régimes de responsabilité élargie des producteurs et la modulation des contributions financières visée à l’article 8 bis, paragraphe 4, point b).
Lorsque cela est nécessaire afin d’éviter des distorsions du marché intérieur, la Commission peut adopter des actes d’exécution pour établir des critères en vue de l’application uniforme de l’article 8 bis, paragraphe 4, point b), mais à l’exclusion de toute détermination précise du niveau des contributions. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 39, paragraphe 2. »
20 L’article 8 bis de la même directive, intitulé « Exigences générales minimales applicables aux régimes de responsabilité élargie des producteurs », dispose :
« 1. Lorsque des régimes de responsabilité élargie des producteurs sont mis en place conformément à l’article 8, paragraphe 1, y compris en vertu d’autres actes législatifs de l’Union, les États membres :
a) définissent clairement les rôles et les responsabilités de tous les acteurs concernés, y compris les producteurs qui mettent des produits sur le marché de l’État membre, les organisations mettant en œuvre la responsabilité élargie des producteurs pour leur compte, les organismes publics ou privés de gestion des déchets, les autorités locales et, le cas échéant, les organismes de réemploi et de préparation en vue du réemploi et les entreprises de l’économie sociale et solidaire ;
b) établissent, conformément à la hiérarchie des déchets, des objectifs de gestion des déchets en vue d’atteindre au moins les objectifs quantitatifs pertinents pour le régime de responsabilité élargie des producteurs qui sont fixés par la présente directive, la directive 94/62/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 1994, relative aux emballages et aux déchets d’emballages (JO 1994, L 365, p. 10)], la directive 2000/53/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 18 septembre
2000, relative aux véhicules hors d’usage (JO 2000, L 269, p. 34)], la directive 2006/66/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, relative aux piles et accumulateurs ainsi qu’aux déchets de piles et d’accumulateurs et abrogeant la directive 91/157/CEE (JO 2006, L 266, p. 1),] et la directive 2012/19/UE du Parlement européen et du Conseil[, du 4 juillet 2012, relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) (JO 2012, L 197, p. 38),] et établissent
d’autres objectifs quantitatifs et/ou des objectifs qualitatifs jugés pertinents pour le régime de responsabilité élargie des producteurs ;
c) veillent à ce qu’un système de communication des données soit en place afin de recueillir des données sur les produits mis sur le marché de l’État membre par les producteurs de produits soumis au régime de responsabilité élargie des producteurs et des données sur la collecte et le traitement des déchets issus de ces produits en précisant, le cas échéant, les flux de matières, ainsi que d’autres données pertinentes aux fins du point b) ;
d) garantissent l’égalité de traitement des producteurs de produits, quelle que soit leur origine ou leur taille, sans imposer de charge réglementaire disproportionnée aux producteurs, y compris les petites et moyennes entreprises, de petites quantités de produits.
2. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les détenteurs de déchets visés par les régimes de responsabilité élargie des producteurs mis en place conformément à l’article 8, paragraphe 1, soient informés de l’existence de mesures de prévention des déchets, de centres de réemploi et de préparation en vue du réemploi, de systèmes de reprise et de systèmes de collecte des déchets et de la prévention du dépôt sauvage de déchets. Les États membres prennent également des mesures
pour inciter les détenteurs de déchets à assumer leur responsabilité relative au dépôt de leurs déchets dans les systèmes de collecte séparée mis en place, notamment, le cas échéant, par des mesures d’incitation économiques ou réglementaires.
3. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout producteur de produits ou toute organisation mettant en œuvre des obligations de responsabilité élargie des producteurs pour le compte des producteurs de produits :
a) ait une couverture géographique, des produits et des matières clairement définie, sans que ces domaines ne se limitent à ceux où la collecte et la gestion des déchets sont les plus rentables ;
b) prévoie une disponibilité suffisante de systèmes de collecte de déchets dans les domaines visés au point a) ;
c) dispose des moyens financiers ou des moyens financiers et organisationnels nécessaires pour respecter ses obligations de responsabilité élargie des producteurs ;
d) mette en place un mécanisme d’autocontrôle approprié, reposant, le cas échéant, sur des audits indépendants réguliers, afin d’évaluer :
i) sa gestion financière, y compris le respect des exigences énoncées au paragraphe 4, points a) et b) ;
ii) la qualité des données recueillies et communiquées conformément au paragraphe 1, point c), du présent article et aux exigences du règlement (CE) no 1013/2006 [du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant les transferts de déchets (JO 2006, L 190, p. 1)] ;
e) rende publiques les informations sur la réalisation des objectifs de gestion des déchets visés au paragraphe 1, point b), et lorsque les obligations de responsabilité élargie des producteurs sont remplies collectivement, rende également publiques les informations sur :
i) ses propriétaires et ses membres adhérents ;
ii) les contributions financières versées par les producteurs de produits par unité vendue ou par tonne de produits mis sur le marché ; et
iii) la procédure de sélection des organismes de gestion des déchets.
4. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les contributions financières versées par le producteur du produit pour se conformer à ses obligations de responsabilité élargie :
a) couvrent les coûts suivants pour les produits que le producteur met sur le marché dans l’État membre concerné :
– les coûts de collecte séparée des déchets et de leur transport et traitement ultérieurs, y compris le traitement nécessaire pour atteindre les objectifs de gestion des déchets de l’Union, ainsi que les coûts nécessaires pour atteindre les autres objectifs visés au paragraphe 1, point b), compte tenu des recettes tirées du réemploi, des ventes des matières premières secondaires issues de ses produits et des droits de consigne non réclamés,
– les coûts découlant de la fourniture d’informations adéquates aux détenteurs de déchets conformément au paragraphe 2,
– les coûts de la collecte et de la communication des données conformément au paragraphe 1, point c).
Le présent point ne s’applique pas aux régimes de responsabilité élargie des producteurs mis en place conformément à la directive [2000/53], à la directive [2006/66] ou à la directive [2012/19] ;
b) lorsque les obligations de responsabilité élargie des producteurs sont remplies collectivement, soient modulées, lorsque cela est possible, pour chaque produit ou groupe de produits similaires, compte tenu notamment de la durabilité, de la réparabilité, des possibilités de réemploi et de la recyclabilité de ceux-ci ainsi que de la présence de substances dangereuses, en adoptant pour ce faire une approche fondée sur le cycle de vie et conforme aux exigences fixées par le droit de l’Union en la
matière et, lorsqu’ils existent, sur la base de critères harmonisés afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur ; et
c) n’excèdent pas les coûts nécessaires à la fourniture de services de gestion des déchets présentant un bon rapport coût-efficacité. Ces coûts sont établis de manière transparente entre les acteurs concernés.
Lorsque la nécessité d’assurer la bonne gestion des déchets et la viabilité économique du régime de responsabilité élargie des producteurs le justifie, les États membres peuvent s’écarter de la répartition de la responsabilité financière énoncée au point a) à condition que :
i) pour les régimes de responsabilité élargie des producteurs mis en place en vue d’atteindre des objectifs de gestion des déchets fixés par les actes législatifs de l’Union, les producteurs de produits supportent au moins 80 % des coûts nécessaires ;
ii) pour les régimes de responsabilité élargie des producteurs mis en place le 4 juillet 2018 ou après cette date en vue d’atteindre des objectifs de gestion des déchets fixés uniquement par la législation de l’État membre, les producteurs de produits supportent au moins 80 % des coûts nécessaires ;
iii) pour les régimes de responsabilité élargie des producteurs mis en place avant le 4 juillet 2018 en vue d’atteindre des objectifs de gestion des déchets fixés uniquement par la législation de l’État membre, les producteurs de produits supportent au moins 50 % des coûts nécessaires,
et à condition que les coûts restants soient supportés par les producteurs initiaux de déchets ou les distributeurs.
Cette dérogation ne peut pas servir à réduire la part des coûts supportés par les producteurs de produits au titre des régimes de responsabilité élargie des producteurs mis en place avant le 4 juillet 2018.
5. Les États membres mettent en place un cadre approprié de suivi et de contrôle de l’application pour s’assurer que les producteurs de produits et les organisations mettant en œuvre les obligations de responsabilité élargie des producteurs pour leur compte respectent leurs obligations de responsabilité élargie, y compris en cas de ventes à distance, que les moyens financiers sont utilisés à bon escient et que tous les acteurs intervenant dans la mise en œuvre des régimes de responsabilité
élargie des producteurs déclarent des données fiables.
Lorsque, sur le territoire d’un État membre, plusieurs organisations mettent en œuvre des obligations de responsabilité élargie des producteurs pour le compte des producteurs de produits, les États membres concernés désignent au moins un organisme indépendant des intérêts privés ou une autorité publique pour surveiller la mise en œuvre des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs.
Chaque État membre autorise les producteurs de produits établis dans un autre État membre qui commercialisent des produits sur son territoire à désigner une personne physique ou morale établie sur son territoire en tant que mandataire chargé d’assurer le respect des obligations qui incombent à un producteur sur son territoire en vertu des régimes de responsabilité élargie des producteurs.
Afin de suivre et de vérifier le respect des obligations qui incombent au producteur de produits en vertu des régimes de responsabilité élargie des producteurs, les États membres peuvent définir des exigences, comme l’enregistrement, l’information et la communication des données, qui doivent être remplies par une personne physique ou morale désignée comme mandataire sur son territoire.
6. Les États membres assurent un dialogue régulier entre les parties prenantes concernées par la mise en œuvre de régimes de responsabilité étendue des producteurs, y compris les producteurs et les distributeurs, les organismes publics ou privés de gestion des déchets, les autorités locales, les organisations de la société civile et, le cas échéant, les acteurs de l’économie sociale et solidaire, les réseaux de réemploi et de réparation ainsi que les organismes de préparation en vue du
réemploi.
7. Les États membres prennent des mesures pour faire en sorte que les régimes de responsabilité élargie des producteurs qui ont été établis avant le 4 juillet 2018 soient mis en conformité avec le présent article au plus tard le 5 janvier 2023.
8. L’information du public en vertu du présent article ne porte pas atteinte à la protection de la confidentialité des informations commercialement sensibles conformément au droit national et au droit de l’Union applicables. »
6. La directive 2018/851
21 Les considérants 14, 21, 22 et 26 de la directive 2018/851 se lisent comme suit :
« (14) Il convient de définir la notion de régime de responsabilité élargie des producteurs afin de préciser qu’il s’agit d’un ensemble de mesures prises par les États membres pour veiller à ce que les producteurs de produits assument la responsabilité financière ou la responsabilité financière et organisationnelle de la gestion de la phase “déchets” du cycle de vie d’un produit, y compris les opérations de collecte séparée, de tri et de traitement. Cette obligation peut également englober la
responsabilité organisationnelle et la responsabilité de contribuer à la prévention des déchets et aux possibilités de réutilisation et à la recyclabilité des produits. Les producteurs de produits peuvent satisfaire aux obligations du régime de responsabilité élargie des producteurs de manière individuelle ou collective.
[...]
(21) Les régimes de responsabilité élargie des producteurs sont un élément essentiel d’une bonne gestion des déchets. Toutefois, leur efficacité et leur performance varient considérablement d’un État membre à l’autre. Il est donc nécessaire de fixer des exigences opérationnelles minimales applicables à ces régimes et de préciser que ces exigences s’appliquent également aux régimes de responsabilité élargie des producteurs mis en place en vertu d’autres actes législatifs de l’Union, [...] en plus
des exigences déjà prévues dans ces actes, sauf disposition contraire expresse. [...]
(22) Les exigences générales minimales devraient viser à réduire les coûts et augmenter les performances, à garantir des conditions de concurrence équitables, y compris pour les petites et moyennes entreprises et pour les entreprises de commerce électronique, ainsi qu’à éviter les entraves au fonctionnement du marché intérieur. Elles devraient également contribuer à l’incorporation des coûts liés à la fin de vie des produits dans le prix de ceux-ci et inciter les producteurs à mieux tenir compte,
lors de la conception des produits, de la recyclabilité de ceux-ci, des possibilités de réutilisation, de la réparabilité et de la présence de substances dangereuses. Dans l’ensemble, ces exigences devraient permettre d’améliorer la gouvernance et la transparence des régimes de responsabilité élargie des producteurs et de limiter les possibilités de conflits d’intérêts entre les organisations mettant en œuvre les obligations de responsabilité élargie des producteurs pour le compte des
producteurs de produits et les organismes de gestion des déchets auxquels lesdites organisations recourent. Ces exigences devraient s’appliquer tant aux nouveaux régimes de responsabilité élargie des producteurs qu’aux régimes existants. Une période transitoire est toutefois nécessaire pour que les structures et les procédures des régimes existants de responsabilité élargie des producteurs soient adaptées aux nouvelles exigences.
[...]
(26) Il convient que les producteurs de produits prennent en charge les coûts nécessaires pour atteindre les objectifs de gestion des déchets et les autres objectifs, y compris en matière de prévention des déchets, définis pour le régime concerné de responsabilité élargie des producteurs. Dans des conditions rigoureuses, ces coûts peuvent être partagés avec les producteurs initiaux de déchets ou les distributeurs, si cela se justifie par la nécessité d’assurer une gestion appropriée des déchets
et la viabilité économique du régime de responsabilité élargie des producteurs. »
B. Le droit slovène
22 L’article 34 du ZVO-2, intitulé « Responsabilité élargie des producteurs », dispose :
« (1) Un producteur de produits soumis à la responsabilité élargie des producteurs [...] est tenu de respecter toutes les interdictions, exigences et autres règles de comportement afin de garantir que les déchets résultant de l’utilisation de ces produits soient gérés [...] de la manière prescrite.
[...]
(4) Un producteur établi dans un autre pays qui vend à distance en Slovénie, directement aux consommateurs ou à d’autres utilisateurs finaux, des produits relevant de la [responsabilité élargie des producteurs], doit désigner un mandataire qui est responsable du respect de ses obligations.
[...]
(6) Un producteur établi dans un autre État membre de l’[Union] ou dans un pays de l’Espace économique européen [...] dont les produits relevant de la [responsabilité élargie des producteurs] sont commercialisés sur le territoire de la Slovénie peut assumer les obligations d’un producteur établi en Slovénie en désignant un mandataire responsable de l’exécution de ses obligations sur ce territoire. Dans le cas visé dans la phrase précédente, ces obligations sont assumées par ce mandataire.
[...] »
23 L’article 35 du ZVO-2, intitulé « Obligations du producteur », prévoit :
« (1) Le producteur assure :
1. la collecte de déchets issus de produits sur l’ensemble du territoire de la Slovénie, à l’exception de la collecte auprès des producteurs initiaux de déchets, lorsque celle-ci est effectuée en tant que service public municipal obligatoire pour la collecte des déchets municipaux ;
2. le traitement de tous les déchets issus de produits collectés ;
3. la réalisation d’objectifs environnementaux en assurant la gestion des déchets provenant des produits ;
4. l’information du public et des détenteurs de déchets en ce qui concerne la méthode et l’importance de la prévention des déchets issus de produits, de la réutilisation et du retour des produits usagés relevant de la responsabilité élargie des producteurs, de la collecte séparée des déchets issus de produits et de la prévention des déchets sauvages, ainsi que de la gestion efficace sur le plan environnemental des déchets issus de produits ;
5. l’information des personnes chargées du traitement des déchets en ce qui concerne les produits relevant de la [responsabilité élargie des producteurs] et les méthodes de traitement des déchets provenant de ces produits, lorsque cela est prescrit ; et
6. la tenue d’un registre des produits relevant de la [responsabilité élargie des producteurs] et mis sur le marché en Slovénie, la tenue d’un registre des déchets collectés et traités à partir des produits, ainsi que la transmission au ministère des données tirées de ces registres.
(2) Le producteur remplit les obligations visées au paragraphe 1 du présent article conjointement avec d’autres producteurs du même type de produits soumis à la [responsabilité élargie des producteurs], en participant à la mise en œuvre conjointe d’activités et de mesures visant à remplir les obligations relatives aux déchets de ces produits [...]
(3) Nonobstant le paragraphe précédent, un producteur peut remplir individuellement les obligations visées au paragraphe 1 du présent article s’il met sur le marché en Slovénie des produits relevant de la [responsabilité élargie des producteurs] qui ne sont pas destinés à un usage domestique [...]
[...] »
24 L’article 37 du ZVO-2, intitulé « Mise en œuvre collective des obligations », dispose :
« (1) Les producteurs visés à l’article 35, paragraphe 1, de la présente loi qui n’assurent pas individuellement la mise en œuvre des obligations au titre de cet article 35, paragraphe 3, doivent assurer la mise en œuvre collective de ces obligations. La mise en œuvre collective des obligations pour les producteurs d’un même type de produits soumis à la [responsabilité élargie des producteurs] est assurée par une organisation de mise en œuvre collective des obligations en matière de
[responsabilité élargie des producteurs] pour les déchets issus de tels produits [...] Cette organisation assure la mise en œuvre collective des obligations pour les producteurs qui la créent comme pour les producteurs qui adhèrent à celle-ci alors qu’elle est déjà créée. Ces producteurs sont placés sur un pied d’égalité au regard de la satisfaction de ces obligations, qu’ils aient créé ladite organisation ou qu’ils aient rejoint cette dernière alors qu’elle était déjà créée.
(2) Une organisation unique assure la mise en œuvre collective des obligations pour les producteurs d’un même type de produits soumis à la [responsabilité élargie des producteurs].
(3) Les producteurs visés au paragraphe 1 du présent article concluent un contrat écrit avec cette organisation par lequel ils mandatent cette dernière pour remplir les obligations qui leur incombent en vertu de l’article 35, paragraphe 1, de la présente loi.
[...] »
25 Aux termes de l’article 38 du ZVO-2, intitulé « Organisation » :
(1) Une organisation est une personne morale établie en Slovénie, dans le but de réaliser, pour les producteurs d’un même type de produit qui sont soumis à la responsabilité élargie des producteurs et qui doivent assurer la mise en œuvre collective des obligations en la matière conformément au paragraphe 1 du précédent article, la mise en œuvre collective de ces obligations dans le cadre d’une activité sans but lucratif, les recettes de la mise en œuvre collective desdites obligations en vertu
de la présente loi ne devant pas excéder les coûts effectifs de celle-ci.
[...]
(3) Cette organisation ne peut exercer aucune activité qui ne serait pas liée à l’objectif visé au paragraphe 1 du présent article.
(4) Ladite organisation est créée et détenue par des producteurs de certains produits de même type soumis à la [responsabilité élargie des producteurs] qui, ensemble, mettent sur le marché au moins 51 % de la quantité totale de ces produits, la participation de chaque producteur à celle-ci ne dépassant pas 25 %. Les modalités de preuve du respect de la condition visée à la phrase précédente sont définies par le gouvernement dans les dispositions visées à l’article 34, paragraphe 8, de la
présente loi.
(5) La même organisation et le producteur qui détient une participation dans celle-ci ne sauraient être des personnes qui effectuent la collecte ou le traitement des déchets issus de produits qui font l’objet de la mise en œuvre collective des obligations dans le cadre de celle-ci, sauf si les dispositions visées à l’article 34, paragraphe 8, de la présente loi prévoient que doit être considérée comme étant un producteur une personne qui prépare les déchets issus de produits relevant de la
responsabilité élargie des producteurs en vue de leur réutilisation et qui les remet une deuxième fois sur le marché ou une personne qui recycle ces déchets en une substance ou un objet valorisés qui est un produit relevant de la responsabilité élargie des producteurs, mais qui a une utilisation différente du produit original.
(6) L’organisation concernée et le producteur qui détient une participation dans celle-ci ne sauraient :
1. avoir directement ou indirectement des liens de capital avec une personne qui effectue la collecte et le traitement des déchets issus de produits objet de la mise en œuvre collective des obligations au sein de cette organisation ni détenir au sein de cette personne des droits de gestion ou de contrôle ;
2. avoir des liens de capital ou de parenté avec une personne qui a ou contrôle des droits de vote dans l’organe de gestion ou de surveillance ou qui représente la personne visée au point précédent.
(7) Est considéré comme étant un lien de parenté, au sens du paragraphe 6, point 2, du présent article, un lien de sang par ascendance ou par lien collatéral jusqu’au quatrième degré inclus, les liens issus de formes de partenariat légalement reconnues et du mariage jusqu’au deuxième degré inclus, même si le partenariat ou le mariage ont été dissous ou si le détenteur de la participation est tuteur ou dans une relation de curatelle vis-à-vis d’une personne qui détient ou contrôle les droits de
vote au sein de l’organe de gestion ou de surveillance ou qui représente la personne visée à ce paragraphe 6, point 1.
(8) Le contrôle des droits de vote visé au paragraphe 6, point 2, du présent article désigne les droits, contrats ou autres moyens qui, pris individuellement ou conjointement, et compte tenu des circonstances factuelles ou juridiques pertinentes, permettent au détenteur d’une participation d’exercer une influence décisive sur une personne qui détient ou contrôle des droits de vote au sein de l’organe de gestion ou de surveillance ou qui représente la personne visée audit paragraphe 6, point 1.
(9) Les restrictions visées aux paragraphes 5 et 6 du présent article s’appliquent également à un membre de l’organe de direction de l’organisation concernée, de son organe de surveillance ou de son représentant.
(10) Une organisation doit disposer d’un organe de surveillance pour le régime de [responsabilité élargie des producteurs], composé de trois représentants des producteurs, détenteurs de participations dans celle-ci et de trois représentants de producteurs qui rejoignent l’organisation déjà constituée et d’un représentant du ministère chargé de l’environnement. Les représentants des producteurs qui créent une organisation et les représentants des producteurs qui adhèrent à une organisation déjà
constituée sont placés sur un pied d’égalité et disposent des mêmes droits de décision. La procédure de désignation des représentants individuels des producteurs visés dans la phrase précédente au sein de l’organe visé au présent paragraphe ainsi que la durée de leur mandat pour le régime de [responsabilité élargie des producteurs] sont déterminées par le gouvernement dans les dispositions visées à l’article 38, paragraphe 8, de la présente loi.
(11) L’organe visé au paragraphe précédent :
1. est informé de manière régulière de la mise en œuvre collective des obligations par l’organisation concernée,
2. confirme le montant de la contribution financière à verser par le producteur par unité de vente ou par tonne d’un produit relevant de la [responsabilité élargie des producteurs] et mis sur le marché en Slovénie,
3. confirme les objectifs environnementaux prévus et atteints par cette organisation dans la gestion des déchets issus des produits,
4. adopte un acte général définissant les normes de gestion des déchets issus de produits relevant de la [responsabilité élargie des producteurs] que doivent absolument respecter les personnes qui collectent ou traitent les déchets issus de produits de ce type pour le compte de ladite organisation, en plus des exigences fixées dans les dispositions visées à l’article 24, paragraphe 6, de la présente loi et dans les dispositions visées à l’article 34, paragraphe 8, de celle-ci,
5. consulte ou organise la consultation de la documentation visée à l’article 37, paragraphe 6, point 4, de la présente loi et, conformément à l’article 40, paragraphe 11, de celle-ci, inspecte les sites de collecte ou de traitement des déchets chez les personnes qui au nom de la même organisation collectent ou traitent les déchets issus de produits relevant de la [responsabilité élargie des producteurs], et évalue leurs conclusions conformément aux critères fixés dans les dispositions visées à
l’article 38, paragraphe 8, de la présente loi, et
6. confirme le contenu de l’appel d’offres visé à l’article 40, paragraphe 6, de la présente loi et, sur la base des critères définis par le gouvernement dans les dispositions visées à l’article 34, paragraphe 8, de la présente loi ainsi que des résultats de la consultation des documents et des inspections des sites de collecte ou de traitement des déchets visés au point précédent, détermine, de manière non discriminatoire, les personnes qui effectueront, pour l’organisation concernée, au titre
de l’article 37, paragraphe 1, de la présente loi, les opérations de collecte et de préparation des déchets issus de produits en vue de leur valorisation définitive ou de leur élimination au cours de l’année civile à venir.
[...] »
26 L’article 39 du ZVO-2, intitulé « Obligations de l’organisation », prévoit :
« (1) L’organisation assure la mise en œuvre collective des obligations conformément à l’article 35, paragraphes 1 et 2, de la présente loi de manière rentable. L’organisation assure la mise en œuvre des obligations visées dans la phrase précédente pour la gestion de tous les déchets issus de produits générés sur l’ensemble du territoire de la République de Slovénie au cours d’une période donnée. L’organisation veille à ce que la collecte et le traitement des déchets issus de produits soient
effectués de manière à éviter toute congestion au cours de l’année.
[...]
(3) L’organisation dispose d’un plan de mise en œuvre collective des obligations [...] dans lequel elle définit les activités et les mesures destinées à la mise en œuvre des obligations visées au paragraphe 1 du présent article.
[...] »
27 L’article 41 du ZVO-2, intitulé « Autorisation de mise en œuvre collective des obligations », dispose :
« (1) L’organisation concernée doit disposer pour réaliser la mise en œuvre collective des obligations d’une autorisation en ce sens.
[...]
(5) L’autorisation de mise en œuvre collective des obligations est délivrée pour une durée indéterminée à compter de son entrée en vigueur. [...]
[...] »
28 L’article 275 du ZVO-2, intitulé « Adaptation de la mise en œuvre des obligations en matière de [responsabilité élargie des producteurs] par les producteurs actuels [concernés] », dispose :
« (1) Les producteurs existants de produits qui sont soumis à la [responsabilité élargie des producteurs] au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi et qui sont tenus de remplir leurs obligations en la matière dans le cadre du système de mise en œuvre collective des obligations visé à l’article 37 de la présente loi créent une organisation au titre de l’article 38 de cette loi, et cette organisation soumet une demande complète d’autorisation de mise en œuvre collective des obligations
au titre de l’article 41 de ladite loi au plus tard le 31 juillet 2022. Les producteurs existants de produits qui sont soumis à la [responsabilité élargie des producteurs] au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi et qui ne sont pas fondateurs d’une organisation au titre de l’article 38 de celle-ci sont tenus de conclure, au plus tard le 31 décembre 2022, un contrat avec une organisation qui obtient une autorisation de mise en œuvre collective des obligations au titre de l’article 41 de
la présente loi.
[...]
(3) Un producteur existant de produits soumis à la [responsabilité élargie des producteurs] au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi qui ne se conforme pas aux dispositions des paragraphes précédents du présent article est passible des pénalités suivantes :
1. pour une personne morale, une amende d’un montant de 75000 à 250000 euros ;
2. pour un entrepreneur individuel ou une personne physique exerçant une activité pour son propre compte, une amende d’un montant de 45000 à 135000 euros.
[...]
(5) Lorsqu’une organisation au titre de l’article 38, paragraphe 1, de la présente loi notifie par écrit au ministère que, sur le fondement de l’autorisation définitive visée à l’article 41, paragraphe 3, de la présente loi, elle commence à assurer la mise en œuvre collective des obligations en ce qui concerne la gestion des déchets d’emballages en vertu de la présente loi, le ministère prend une décision déclaratoire sur l’expiration de l’autorisation de mise en œuvre collective des
obligations de gestion des déchets d’emballages, par laquelle s’éteint la validité des permis environnementaux pour la mise en œuvre collective des obligations en ce qui concerne la gestion des déchets d’emballages délivrés sur le fondement de l’Uredba o ravnanju z embalažo in odpadno embalažo (règlement sur la gestion des emballages et des déchets d’emballages), du 27 juillet 2006 (Uradni list RS, no 84/06), ou de l’Uredba o embalaži in odpadni embalaži (règlement sur les emballages et déchets
d’emballages), du 8 avril 2021 (Uradni list RS, no 54/21).
(6) Les décisions approuvant les plans communs adoptées sur le fondement de l’Uredba o odpadni električni in elektronski opremi (règlement relatif aux déchets d’équipements électriques et électroniques), du 23 juillet 2015 (Uradni list RS, no 55/15), de l’Uredba o ravnanju z baterijami in akumulatorji ter odpadnimi baterijami in akumulatorji (règlement sur la gestion des piles et accumulateurs et des déchets de piles et d’accumulateurs), du 14 janvier 2010 (Uradni list RS, no 3/10), de l’Uredba
o odpadnih nagrobnih svečah (règlement sur les déchets de bougies de cimetière), du 18 avril 2019 (Uradni list RS, no 25/19), de l’Uredba o ravnanju z odpadnimi zdravili (règlement sur la gestion des médicaments), du 30 octobre 2008 (Uradni list RS, no 105/08), de l’Uredba o ravnanju z odpadnimi fitofarmacevtskimi sredstvi, ki vsebujejo nevarne snovi (règlement sur la gestion des déchets issus de produits phytopharmaceutiques contenant des substances dangereuses), du 9 novembre 2006 (Uradni list
RS, no 119/06), de l’Uredba o izrabljenih vozilih (règlement relatif aux véhicules hors d’usage), du 28 avril 2011 (Uradni list RS, no 32/11), et de l’Uredba o ravnanju z izrabljenimi gumami (règlement sur la gestion des pneus usagés), du 30 juillet 2009 (Uradni list RS, no 63/09), cessent de produire leurs effets sur le fondement des décisions déclaratoires de fin de validité des plans communs prises par le ministère lorsque l’organisation visée à l’article 38, paragraphe 1, de la présente loi
notifie par écrit au ministère que, sur le fondement de l’autorisation définitive visée à l’article 41, paragraphe 3, de la présente loi, elle a commencé à réaliser la mise en œuvre collective des obligations de gestion de ces produits en vertu de la présente loi.
(7) Cessent d’être valables à compter du 1er janvier 2023 les décisions relatives à l’approbation des plans individuels adoptées sur le fondement du règlement relatif à la gestion des emballages et des déchets d’emballages [...], ou du règlement sur les emballages et déchets d’emballages [...], du règlement relatif aux déchets d’équipements électriques et électroniques [...], du règlement sur la gestion des piles et accumulateurs et des déchets de piles et d’accumulateurs [...], du règlement
sur les déchets de bougies de cimetière [...], du règlement sur la gestion des médicaments [...], du règlement sur la gestion des déchets issus de produits phytopharmaceutiques contenant des substances dangereuses [...], du règlement relatif aux véhicules hors d’usage [...] et du règlement sur la gestion des pneus usagés [...], et le ministère prend une décision déclaratoire à ce sujet au plus tard le 5 janvier 2023.
(8) Dans les cas visés aux paragraphes 5 et 6 du présent article, les contrats conclus pour la mise en œuvre des obligations des producteurs de produits en matière de gestion des déchets issus des produits, dans le cadre desquels l’autorisation de mise en œuvre des obligations a été accordée à une société sur le fondement de l’article 20, paragraphe 10, point 2, du Zakon o varstvu okolja (loi relative à la protection de l’environnement) (Uradni list RS, no 39/06, ci-après le “ZVO-1”), cessent
de produire leurs effets à compter de la date d’adoption de la décision déclaratoire.
(9) Dans les cas visés aux paragraphes 5 à 7 du présent article, les contrats conclus entre une société autorisée à remplir des obligations sur le fondement de l’article 20, paragraphe 10, point 2, du ZVO-1 ou un producteur qui a rempli de manière individuelle des obligations sur le fondement de l’article 20, paragraphe 10, point 1, du ZVO-1, et les entités qui traitent les déchets issus de produits sur le fondement de ces contrats, cessent de produire leurs effets à compter de la date à
laquelle la décision déclaratoire est adoptée. »
II. La procédure au principal et les questions préjudicielles
29 Le 29 mars 2022, le législateur slovène a procédé à une réforme législative en adoptant le ZVO-2, lequel a remplacé par le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal, avec effet au 13 avril 2022, le ZVO-1 ainsi que plusieurs réglementations sectorielles applicables à certaines catégories de produits.
30 Ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, le ZVO-1 prévoyait un régime en vertu duquel un producteur soumis à des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pouvait remplir celles-ci soit individuellement, soit collectivement, par l’intermédiaire d’une association de producteurs ou d’une société commerciale autorisée à cet effet (ci-après un « opérateur ZVO-1 »). Les modalités de mise en œuvre de ce régime figuraient dans des réglementations sectorielles pour les
différentes catégories de produits relevant de cette responsabilité élargie et pouvaient également dépendre du modèle commercial de chaque opérateur ZVO-1.
31 S’agissant des emballages de produits à usage domestique et des bougies de cimetière, des dysfonctionnements importants ont été identifiés en ce qui concerne la mise en œuvre dudit régime. Le législateur slovène est donc intervenu une première fois en 2018 pour assurer la reprise et le traitement des déchets d’emballages et de bougies de cimetière accumulés. Avant l’adoption du ZVO-2, il est intervenu une seconde fois en modifiant, à compter du 1er janvier 2021, le même régime, notamment en
supprimant l’exclusion de l’application de celui-ci aux producteurs mettant sur le marché moins de 15 tonnes d’emballages par an.
32 Saisie de deux recours introduits, respectivement, par INTERZERO Trajnostne rešitve za svet brez odpadkov d.o.o. ainsi que par d’autres sociétés et personnes physiques (ci-après « Interzero e.a. »), d’une part, et par Surovina, družba za predelavo odpadkov d.o.o. ainsi que par d’autres sociétés, d’autre part, l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle, Slovénie), qui est la juridiction de renvoi, a engagé une procédure de contrôle de constitutionnalité portant sur le régime de responsabilité
élargie des producteurs en cause au principal. Les sociétés qui sont requérantes au principal sont des sociétés commerciales établies en Slovénie. Il s’agit de producteurs de produits soumis au régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal, d’opérateurs ZVO-1 et/ou d’opérateurs exerçant l’activité de gestion de déchets.
33 Par des ordonnances des 19 mai et 14 décembre 2022, la juridiction de renvoi a suspendu l’application de certaines dispositions du ZVO-2 contestées par les requérantes au principal, de sorte que les dispositions du ZVO-1 et les réglementations sectorielles pertinentes visées au point 30 du présent arrêt continuent à s’appliquer jusqu’à la décision définitive à intervenir au principal.
34 La juridiction de renvoi constate que le ZVO-2 a fondamentalement modifié les modalités de mise en œuvre des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs prévues jusqu’à présent par le ZVO-1 et s’interroge sur la conformité au droit de l’Union d’un certain nombre de mesures législatives ainsi adoptées.
35 En premier lieu, la juridiction de renvoi observe que l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour chaque catégorie de produits visés ne peut plus être exercée par un ou plusieurs opérateurs économiques qui sont en concurrence sur le même marché, une organisation unique devant être créée, pour chacune de ces catégories de produits, par les producteurs qui mettent sur le marché au moins 51 % de la quantité totale du produit
concerné (ci-après l’« organisation unique »). En outre, cette activité doit être exercée sans but lucratif et perd ainsi son caractère d’activité marchande réglementée.
36 Cette juridiction indique, d’une part, qu’une interprétation de l’article 106 TFUE lui est nécessaire pour qu’elle puisse se prononcer sur l’argumentation des requérantes au principal selon laquelle l’octroi d’un droit exclusif à une organisation unique aux fins de l’exercice de ladite activité est contraire à cet article, lu en combinaison avec l’article 102 TFUE.
37 D’autre part, ladite juridiction s’interroge sur la conformité d’une telle situation monopolistique au regard des articles 8 et 8 bis de la directive 2008/98, de la directive 2006/123, des articles 49, 56 et 106 TFUE, ainsi que des articles 16 et 17 de la Charte. En ce qui concerne la justification d’une restriction au regard tant des articles 49 et 56 TFUE que de l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2006/123, la même juridiction se demande, notamment, si le régime de responsabilité
élargie des producteurs en cause au principal est à même de garantir de manière cohérente la réalisation des objectifs de protection de l’environnement et de la santé humaine, tels que prévus par les directives 2008/98 et 2018/851, et si ce régime se limite au strict nécessaire.
38 En deuxième lieu, la juridiction de renvoi relève que le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal prévoit l’expiration ex lege des contrats conclus entre les opérateurs ZVO-1, d’une part, et les producteurs de produits soumis à un régime de responsabilité élargie ainsi que les prestataires de services de gestion des déchets, d’autre part. Cette expiration ne serait soumise à aucun délai précis, dans la mesure où elle ne devrait intervenir qu’une fois que
l’organisation unique aura commencé son activité et que le ministère chargé de l’environnement aura adopté une décision déclaratoire en ce sens. En outre, aucune mesure de compensation ne serait prévue pour les opérateurs ZVO-1 concernés.
39 Estimant que l’exclusion des prestataires actuels implique une restriction à la liberté d’entreprise, telle qu’énoncée à l’article 16 de la Charte ainsi qu’aux articles 49 et 56 TFUE, cette juridiction émet des doutes sur la conformité au droit de l’Union des modalités transitoires prévues par le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal. En particulier, l’interprétation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime serait requise dans
la mesure où les requérantes au principal soutiennent que la modification effectuée par ce régime a porté atteinte « de manière arbitraire et inattendue » à leur attente légitime de pouvoir exercer l’activité de mise en œuvre collective de leurs obligations en la matière. Ladite juridiction s’interroge également sur la conformité au droit de propriété garanti à l’article 17 de la Charte de la règle selon laquelle l’organisation unique doit utiliser les bénéfices uniquement pour exercer l’activité
et réaliser les mesures de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs.
40 À cet égard, la juridiction de renvoi estime que les régimes de responsabilité élargie des producteurs existants devaient certes être adaptés aux exigences de la directive 2018/851 avant le 5 janvier 2023. Toutefois, dès lors que le législateur slovène avait déjà apporté des modifications en la matière à compter du 1er janvier 2021, les acteurs concernés n’auraient pas pu anticiper d’autres modifications, de surcroît aussi importantes que celles apportées par le régime de responsabilité élargie
des producteurs en cause au principal.
41 En troisième lieu, la juridiction de renvoi constate que le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal impose un certain nombre de restrictions en matière de liens de capital, de liens de parenté et d’activités autorisées en ce qui concerne les différents acteurs impliqués dans la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs. En particulier, l’organisation unique ne peut être créée que par des producteurs et seuls les
producteurs qui ont créé une telle organisation peuvent détenir une participation dans celle-ci. En outre, les producteurs qui détiennent une participation dans ladite organisation ne peuvent exercer l’activité de collecte et de traitement des déchets concernés, tandis que les producteurs qui assument des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs et qui exercent dans le même temps l’activité de collecte et de traitement des déchets ne peuvent pas être détenteurs d’une telle
participation.
42 À cet égard, cette juridiction s’interroge sur le point de savoir si de telles exigences, qui peuvent être comprises comme visant, respectivement, à se prémunir du risque que des non-producteurs puissent influer sur la gestion de l’organisation unique et à réduire les conflits d’intérêts entre cette organisation et les opérateurs exerçant l’activité de gestion des déchets en vue de la protection de l’environnement et de la concurrence, sont conformes à l’article 15 de la directive 2006/123, aux
articles 49 et 56 TFUE ainsi qu’à l’article 16 de la Charte.
43 En quatrième lieu, la juridiction de renvoi explique que les producteurs relevant du régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal sont obligés, sous peine d’amende, de contracter avec l’organisation unique aux fins de la mise en œuvre collective de leurs obligations en la matière. Ainsi, elle se demande si une telle restriction à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprise est conforme à l’article 16 de la Charte ainsi qu’aux articles 49 et 56 TFUE, d’autant
que les requérantes au principal soutiennent qu’une telle obligation de contracter place certains producteurs dans une situation défavorable par rapport aux producteurs qui détiennent déjà une participation dans l’organisation unique.
44 Dans ces conditions, l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Peut-on considérer comme étant une entreprise chargée de la fourniture de services d’intérêt économique général, au sens de l’article 106, paragraphe 2, [TFUE] (eu égard à l’article 14 [TFUE], au [protocole no 26] ainsi qu’aux articles 8 et 8 bis de la [directive 2008/98]), une personne morale qui bénéficie du droit exclusif d’exercer l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour un même type de produits sur le territoire de
la République de Slovénie, ce droit recouvrant :
– la conclusion de contrats avec les producteurs de certains produits par lesquels ces derniers autorisent cette personne morale à assurer en leur nom la gestion adéquate des déchets issus de ces produits ;
– l’organisation d’un système de collecte et de traitement des déchets (conclusion de contrats avec des sociétés commerciales pour collecter et traiter adéquatement au nom de l’organisation [unique] tous les déchets collectés issus de ces produits relevant de la responsabilité élargie des producteurs) ;
– la tenue d’un registre relatif aux produits relevant de la responsabilité élargie des producteurs et mis sur le marché en Slovénie ainsi que d’un registre relatif aux déchets collectés et traités issus des produits relevant de cette responsabilité élargie et la transmission de ces données au ministère
et qui est tenue, en liaison avec l’exercice de ces activités, de conclure des contrats tant avec les producteurs soumis à des obligations de responsabilité élargie des producteurs qu’avec les sociétés commerciales qui effectueront la collecte et le traitement des déchets ?
2) Convient-il d’interpréter les articles 16 et 17 de la [Charte], les articles 49, 56 et 106 [TFUE], la directive [2006/123], ainsi que les articles 8 et 8 bis de la [directive 2008/98], en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation en vertu de laquelle l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour un même type de produits ne peut être exercée que par une seule personne morale sur le territoire de l’État membre, et ce sans
but lucratif, les recettes ne devant pas excéder les coûts effectifs de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs et cette personne morale devant utiliser les bénéfices réalisés uniquement pour exercer cette activité et réaliser les mesures de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs ?
3) En cas de réponse négative à la deuxième question, convient-il d’interpréter l’article 16 de la [Charte], les articles 49, 56 et 106 [TFUE], les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ainsi que les articles 8 et 8 bis de la [directive 2008/98], en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation en vertu de laquelle un État membre transforme l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour un même
type de produits, d’une activité marchande à but lucratif réglementée, exercée par plusieurs opérateurs économiques, en une activité ne pouvant être exercée que par une seule organisation, et ce sans but lucratif, au sens de la deuxième question ?
4) Les dispositions du droit de l’Union citées dans la troisième question doivent–elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle, en raison de l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation relative à la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, celle-ci affecte ex lege les rapports individuels de sorte qu’expirent tous les contrats conclus entre les opérateurs économiques qui
exerçaient l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs en vertu de la réglementation antérieure et les producteurs soumis à l’obligation de responsabilité élargie des producteurs ainsi qu’entre les opérateurs économiques qui exerçaient l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs en vertu de la réglementation antérieure et les opérateurs économiques qui exercent
l’activité de collecte et de traitement des déchets issus des produits objet de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs ?
5) Convient-il, dans les circonstances de l’adoption de la nouvelle réglementation décrite aux troisième et quatrième questions, d’interpréter les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime en ce sens que le législateur doit prévoir une période transitoire et/ou un système de compensation ? En cas de réponse affirmative : quels sont les critères définissant une période transitoire ou un système de compensation raisonnable ?
6) Convient-il d’interpréter l’article 16 de la [Charte], les articles 49, 56 et 106 [TFUE], la directive [2006/123], ainsi que les articles 8 et 8 bis de la [directive 2008/98] en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation en vertu de laquelle les producteurs, qui sont soumis à des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs et qui mettent sur le marché 51 % de la quantité totale d’un même type de produits relevant de cette responsabilité élargie, sont tenus de créer une
personne morale qui exercera l’activité de mise en œuvre collective de ces obligations, en vertu de laquelle les producteurs d’un même type de produits doivent, en cas de retrait éventuel de l’autorisation de cette personne morale, récréer cette dernière et en vertu de laquelle seuls des producteurs peuvent être détenteurs d’une participation dans ladite personne morale ?
7) Convient-il d’interpréter l’article 16 de la [Charte], les articles 49, 56 et 106 [TFUE], la directive [2006/123], ainsi que les articles 8 et 8 bis de la [directive 2008/98] en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation en vertu de laquelle les producteurs qui sont détenteurs d’une participation dans une personne morale qui assure la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs ne sauraient être des personnes qui effectuent la collecte ou
le traitement des déchets issus des produits objet de la mise en œuvre collective de ces obligations au sein de cette personne morale ?
8) Convient-il d’interpréter l’article 16 de la [Charte], les articles 49, 56 et 106 [TFUE], la directive [2006/123] ainsi que les articles 8 et 8 bis de la [directive 2008/98], en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation en vertu de laquelle un producteur qui est détenteur d’une participation dans une personne morale qui assure la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs et cette personne morale ne sauraient
– avoir directement ou indirectement de liens de capital avec une personne qui effectue la collecte et le traitement des déchets issus de produits objet de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs au sein d’une personne morale qui assure la mise en œuvre collective de ces obligations et détenir au sein de cette personne des droits de gestion ou de contrôle ;
– avoir de liens de capital ou de parenté avec une personne qui a ou contrôle des droits de vote dans l’organe de gestion ou l’organe de surveillance ou représente la personne visée au point précédent ?
9) Convient-il d’interpréter l’article 16 de la [Charte], les articles 49, 56 et 106 [TFUE], la directive [2006/123], ainsi que les articles 8 et 8 bis de la [directive 2008/98], en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation en vertu de laquelle les restrictions visées aux septième et huitième questions valent également pour les membres de l’organe de direction de la personne morale qui assure la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, de
son organe de surveillance ou de leurs représentants ?
10) Convient-il d’interpréter l’article 16 de la [Charte] ainsi que les articles 49 et 56 [TFUE] en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation en vertu de laquelle les producteurs, qui sont soumis à des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs et qui mettent sur le marché des produits destinés à un usage domestique, sont tenus de conclure un contrat par lequel ils autorisent la personne morale qui a l’autorisation pour exercer l’activité de mise en œuvre collective
d’obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, à remplir leurs obligations en la matière ? »
III. Sur les questions préjudicielles
A. Sur la première question
45 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 106, paragraphe 2, TFUE doit être interprété en ce sens qu’une personne morale qui, d’une part, bénéficie du droit exclusif d’exercer, conformément aux articles 8 et 8 bis de la directive 2008/98, une activité consistant à mettre en œuvre, pour une catégorie de produits donnée et sur l’ensemble du territoire d’un État membre, des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour le compte
des producteurs concernés et qui, d’autre part, est tenue d’exercer cette activité sans but lucratif, doit être considérée comme étant une entreprise chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général, au sens de cet article 106, paragraphe 2.
46 Afin de répondre à cette question, il convient de vérifier, dans un premier temps, si une personne morale agissant dans de telles conditions peut être considérée comme étant une « entreprise », au sens de ladite disposition, et, dans un second temps, si l’activité qu’est appelée à exercer cette personne morale en vertu d’un tel droit exclusif peut être qualifiée de service d’intérêt économique général, au sens de la même disposition.
47 S’agissant ainsi, en premier lieu, de la notion d’« entreprise », au sens de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante dans le domaine du droit de la concurrence de l’Union, cette notion comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir, en ce sens, arrêts du 11 juin 2020, Commission et République slovaque/Dôvera zdravotná poist'ovňa, C‑262/18 P
et C‑271/18 P, EU:C:2020:450, point 28 et jurisprudence citée, ainsi que du 18 janvier 2024, Lietuvos notarų rūmai e.a., C‑128/21, EU:C:2024:49, point 55).
48 Conformément à une jurisprudence constante, constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné, c’est-à-dire des prestations fournies normalement contre rémunération. À cet égard, la caractéristique essentielle de la rémunération réside dans le fait que celle-ci constitue la contrepartie économique de la prestation concernée (voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 2002, Danner, C‑136/00, EU:C:2002:558, point 26 et jurisprudence
citée ; du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 104 et jurisprudence citée, ainsi que du 11 juin 2020, Commission et République slovaque/Dôvera zdravotná poist'ovňa, C‑262/18 P et C‑271/18 P, EU:C:2020:450, point 29 et jurisprudence citée).
49 En revanche, une activité qui, par sa nature, les règles auxquelles elle est soumise et son objet, est étrangère à la sphère des échanges économiques ou se rattache à l’exercice de prérogatives de puissance publique est susceptible d’échapper à l’application des règles des traités (voir, en ce sens, arrêts du 19 février 2002, Wouters e.a., C‑309/99, EU:C:2002:98, point 57, ainsi que du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas, C‑1/12, EU:C:2013:127, point 40).
50 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal prévoit l’octroi, à l’organisation unique, du droit exclusif d’exercer, sans but lucratif et sur l’ensemble du territoire slovène, l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour une catégorie de produits donnée relevant de cette responsabilité élargie. Cette activité consiste, pour l’essentiel, en la
mise en place d’un système de collecte et de traitement des déchets issus de ces produits, en contrepartie du versement de redevances par les producteurs affiliés à cette organisation.
51 S’agissant des règles auxquelles est soumise cette activité, celle-ci relève du régime de responsabilité élargie des producteurs visé aux articles 8 et 8 bis de la directive 2008/98. Or, le législateur de l’Union s’est limité à établir des exigences minimales applicables en matière de responsabilité élargie des producteurs, sans préciser la manière dont les producteurs concernés sont tenus de satisfaire aux obligations auxquelles ils sont soumis en vertu d’un régime de responsabilité établi
conformément à ces dispositions. Ce législateur a néanmoins indiqué, au considérant 14 de la directive 2018/851, que ces producteurs peuvent, en principe, satisfaire à ces obligations soit de manière individuelle, soit de manière collective. Le recours, par de tels producteurs, à une organisation appelée à exercer l’activité de mise en œuvre collective desdites obligations conformément à ces dispositions constitue donc l’un des moyens par lequel ils peuvent se conformer aux obligations auxquelles
ils sont soumis au titre d’un régime de responsabilité élargie des producteurs.
52 Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, il résulte de l’article 39, paragraphes 1 et 3, du ZVO-2 que l’organisation unique est tenue d’exercer l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs de manière rentable, les redevances perçues en contrepartie de ses services devant couvrir l’ensemble des coûts de cette activité. En outre, les éventuels bénéfices réalisés par cette organisation sur la base des redevances
qui lui sont versées par les producteurs concernés sont réinvestis dans cette activité et peuvent ainsi renforcer la capacité financière de ladite organisation aux fins de la mise en place du système de collecte et de traitement des déchets issus des produits relevant de la responsabilité élargie des producteurs.
53 Nonobstant l’influence importante que les autorités publiques sont, ainsi que cela a été confirmé par le gouvernement slovène lors de l’audience, appelées à exercer, de manière générale, sur l’activité de l’organisation unique, notamment en ce qui concerne la fixation du montant des redevances, cette organisation dispose d’une autonomie dans la manière dont elle fournit ses services dans le domaine de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des
producteurs.
54 Dans ces conditions, l’activité visée au point 50 du présent arrêt ne saurait être considérée comme se rattachant à l’exercice de prérogatives de puissance publique en matière de gestion des déchets.
55 En outre, en ce qui concerne le point de savoir si l’activité exercée par l’organisation unique est susceptible d’être qualifiée d’étrangère à la sphère des échanges économiques, il importe de rappeler, d’une part, que le seul fait qu’une entité ne poursuit pas un but lucratif n’est pas suffisant pour conclure que cette entité n’exerce pas une activité économique (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2009, SELEX Sistemi Integrati/Commission, C‑113/07 P, EU:C:2009:191, point 116). Ainsi, la seule
circonstance que la réglementation nationale prévoit que les bénéfices réalisés par une entité au moyen de son activité doivent être utilisés en vue de poursuivre certains objectifs d’intérêt général ne saurait suffire à modifier la nature de cette activité et à la priver de son caractère économique (voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 1994, Schindler, C‑275/92, EU:C:1994:119, point 35, et du 23 février 2016, Commission/Hongrie, C‑179/14, EU:C:2016:108, point 157).
56 D’autre part, le caractère économique d’une activité n’est pas remis en cause du seul fait qu’un État membre choisisse, comme en l’occurrence, de soustraire, pour des considérations d’intérêt public, cette activité au jeu de la concurrence en créant un monopole légal au bénéfice d’une entité chargée de droits exclusifs (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 1974, Sacchi, 155/73, EU:C:1974:40, point 14, et du 3 octobre 1985, CBEM, 311/84, EU:C:1985:394, point 16). En effet, il découle de
l’article 106, paragraphes 1 et 2, TFUE que, indépendamment du point de savoir si cette entité poursuit un but lucratif ou non, la façon dont ce monopole est aménagé ou exercé est susceptible de porter atteinte aux règles des traités, en particulier à celles relatives aux libertés de circulation et aux règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 1991, ERT, C‑260/89, EU:C:1991:254, point 11).
57 Il en va certes autrement lorsque l’entité concernée concourt à la gestion du service public de la sécurité sociale et remplit une fonction de caractère exclusivement social, son activité étant ainsi fondée sur le principe de solidarité (voir, en ce sens, arrêts du 17 février 1993, Poucet et Pistre, C‑159/91 et C‑160/91, EU:C:1993:63, point 18, ainsi que du 22 octobre 2015, EasyPay et Finance Engineering, C‑185/14, EU:C:2015:716, point 38). Une activité telle que celle visée au point 50 du
présent arrêt ne relève toutefois pas de ce cas de figure.
58 Compte tenu des éléments qui précèdent, une personne morale telle que l’organisation unique peut donc être considérée comme exerçant une activité économique, au sens de la jurisprudence citée aux points 47 et 48 du présent arrêt, et, partant, comme constituant une « entreprise », au sens de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.
59 S’agissant, en second lieu, de la question de savoir si l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs peut être qualifiée de service d’intérêt économique général, il importe de rappeler que l’article 106, paragraphe 2, TFUE, qui vise à concilier l’intérêt des États membres à utiliser certaines entreprises en tant qu’instrument de politique économique ou sociale avec l’intérêt de l’Union au respect des règles de concurrence et à la
préservation de l’unité du marché intérieur, doit être interprété en tenant compte des précisions apportées dans le protocole no 26, l’article 1er de celui-ci indiquant, notamment, que les États membres disposent d’un « pouvoir discrétionnaire » pour fournir, faire exécuter et organiser les services d’intérêt économique général d’une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2020, Viasat Broadcasting UK, C‑445/19, EU:C:2020:952,
points 30 et 31 ainsi que jurisprudence citée).
60 Ainsi, les États membres sont en droit, dans le respect du droit de l’Union, de définir l’étendue et l’organisation de leurs services d’intérêt économique général, en tenant compte en particulier d’objectifs propres à leur politique nationale. La large marge d’appréciation dont disposent les États membres à cet égard ne peut être remise en cause qu’en cas d’erreur manifeste (voir, en ce sens, arrêts du 20 avril 2010, Federutility e.a., C‑265/08, EU:C:2010:205, point 29 ; du 15 mai 2019,
Achema e.a., C‑706/17, EU:C:2019:407, point 104, ainsi que du 8 juin 2023, Prestige and Limousine, C‑50/21, EU:C:2023:448, point 76). En effet, le pouvoir des États membres de définir un service d’intérêt économique général ne saurait être exercé de manière arbitraire, dans le seul but de faire échapper un secteur d’activité particulier à l’application des règles des traités.
61 Dans le cadre de la directive 2006/123, cette marge d’appréciation a été réaffirmée par le législateur de l’Union à l’article 1er, paragraphe 3, second alinéa, de cette directive, lequel dispose que ladite directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres de définir, conformément au droit de l’Union, ce qu’ils entendent par services d’intérêt économique général, la manière dont ces services devraient être organisés et financés conformément aux règles relatives aux aides d’État ou les
obligations spécifiques auxquelles ils doivent être soumis (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2018, Commission/Hongrie, C‑171/17, EU:C:2018:881, point 50).
62 Il est de jurisprudence constante qu’un service est susceptible de revêtir un intérêt économique général lorsque cet intérêt présente des caractères spécifiques par rapport à celui que revêtent d’autres activités de la vie économique (arrêts du 7 novembre 2018, Commission/Hongrie, C‑171/17, EU:C:2018:881, point 51 et jurisprudence citée, ainsi que du 8 juin 2023, Prestige and Limousine, C‑50/21, EU:C:2023:448, point 77).
63 En outre, ainsi que cela ressort également du considérant 70 de la directive 2006/123, pour pouvoir être qualifié de service d’intérêt économique général, un service doit être fourni en application d’une mission particulière de service public confiée au prestataire par l’État membre concerné (arrêts du 7 novembre 2018, Commission/Hongrie, C‑171/17, EU:C:2018:881, point 52, ainsi que du 8 juin 2023, Prestige and Limousine, C‑50/21, EU:C:2023:448, point 78).
64 Il importe donc que l’entreprise bénéficiaire ait effectivement été chargée de l’exécution d’obligations de service public et que ces obligations soient clairement définies dans le droit national, ce qui présuppose l’existence d’un ou de plusieurs actes de puissance publique définissant de manière suffisamment précise au moins la nature, la durée et la portée des obligations de service public incombant à l’entreprise chargée de l’exécution de ces obligations (voir, en ce sens, arrêts du
20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission, C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, point 73, ainsi que du 8 juin 2023, Prestige and Limousine, C‑50/21, EU:C:2023:448, point 79).
65 S’agissant ainsi, d’une part, du point de savoir si l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs est susceptible de revêtir un intérêt économique général, il résulte certes de la jurisprudence que la simple prise en charge organisationnelle d’opérations économiques pour le compte de tiers ne présente, en principe, pas de caractères spécifiques par rapport à ceux que revêtent d’autres activités de la vie économique (voir, en ce sens,
arrêts du 21 mars 1974, BRT et Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs, 127/73, EU:C:1974:25, point 23 ; du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova, C‑179/90, EU:C:1991:464, point 27, ainsi que du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas, C‑1/12, EU:C:2013:127, point 105).
66 Toutefois, la Cour a jugé que, compte tenu de leur importance pour la protection de l’environnement et de la santé humaine, certains aspects de la gestion des déchets, tels que leur collecte et leur traitement, peuvent faire l’objet d’un service d’intérêt économique général, en particulier lorsque le service concerné a pour but de faire face à un problème environnemental (voir, en ce sens, arrêts du 10 novembre 1998, BFI Holding, C‑360/96, EU:C:1998:525, point 52, ainsi que du 23 mai 2000,
Sydhavnens Sten & Grus, C‑209/98, EU:C:2000:279, point 75).
67 Afin de vérifier si un raisonnement analogue peut s’appliquer à l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, il convient de rappeler que l’article 8, paragraphe 1, premier et troisième alinéas, de la directive 2008/98 prévoit que les États membres peuvent, en vue de renforcer le réemploi, la prévention, le recyclage et autre valorisation en matière de déchets, soumettre les producteurs de produits à des régimes de responsabilité
élargie des producteurs, de tels régimes devant alors être conformes aux exigences générales minimales énoncées à l’article 8 bis de cette directive, telles qu’introduites par la directive 2018/851.
68 Il résulte de la définition du « régime de responsabilité élargie des producteurs » figurant à l’article 3, point 21, de la directive 2008/98, lu en combinaison avec le considérant 21 de la directive 2018/851, que les régimes de responsabilité élargie des producteurs visent à encadrer, sur le plan financier et, le cas échéant, organisationnel, la gestion des déchets issus de certaines catégories de produits et constituent ainsi un élément essentiel d’une bonne gestion de ces déchets. En effet, de
tels régimes contribuent directement à la réalisation de l’objectif de la directive 2008/98 visant, notamment, à réduire à un minimum les incidences négatives de la gestion des déchets sur l’environnement et la santé humaine [voir, en ce sens, arrêts du 14 octobre 2020, Sappi Austria Produktion et Wasserverband « Region Gratkorn-Gratwein », C‑629/19, EU:C:2020:824, point 59, ainsi que du 11 novembre 2021, Regione Veneto (Transfert de déchets municipaux en mélange), C‑315/20, EU:C:2021:912,
point 19].
69 Or, ainsi qu’il est constaté au point 51 du présent arrêt, le recours, par des producteurs soumis à des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, à une organisation appelée à exercer l’activité de mise en œuvre collective des obligations en la matière, conformément aux articles 8 et 8 bis de la directive 2008/98, constitue l’un des moyens par lesquels ces producteurs peuvent se conformer aux obligations auxquelles ils sont ainsi soumis. De plus, selon les explications
fournies par la juridiction de renvoi, c’est afin d’assurer une gestion efficace des déchets et, partant, de protéger notamment l’environnement, que le législateur slovène a adopté le ZVO-2, prévoyant que l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour un type de produits ne pouvait être exercée que par une organisation unique. Il s’ensuit que, dans la mesure où elle contribue à garantir une application effective des régimes de
responsabilité élargie des producteurs, cette activité peut être considérée comme revêtant un intérêt économique général qui présente des caractères spécifiques par rapport à celui que revêtent d’autres activités de la vie économique et, par conséquent, est susceptible de faire l’objet d’un service d’intérêt économique général.
70 D’autre part, s’agissant du point de savoir si, dans l’exercice de l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, l’organisation unique fournit ses services dans le cadre d’une mission particulière de service public qui lui a été confiée, il ressort de la jurisprudence que l’acte de puissance publique par lequel l’entreprise bénéficiaire est chargée d’un service d’intérêt économique général peut être de nature non seulement législative
ou réglementaire, mais également administrative, notamment en prenant la forme d’une concession de droit public accordée, le cas échéant, en vue de concrétiser les obligations légales imposées à cette entreprise (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 1997, Commission/France, C‑159/94, EU:C:1997:501, points 65 et 66).
71 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que, conformément à l’article 41 du ZVO-2, l’organisation unique est chargée de l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs en vertu d’une autorisation délivrée précisément à cet effet par le ministère compétent. Cet article 41, paragraphe 5, prévoit que cette autorisation est délivrée pour une durée indéterminée et comporte des précisions relatives au contenu et à la portée des
obligations incombant à l’organisation unique dans le cadre de cette activité.
72 Il apparaît ainsi qu’une telle réglementation satisfait à l’exigence selon laquelle les services concernés doivent être fournis en application d’une mission particulière de service public confiée au prestataire par l’État membre concerné, en vertu d’un ou de plusieurs actes répondant aux conditions rappelées au point 64 du présent arrêt. Il incombe néanmoins à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires à cet égard.
73 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question préjudicielle que l’article 106, paragraphe 2, TFUE doit être interprété en ce sens qu’une personne morale qui, d’une part, bénéficie du droit exclusif d’exercer, conformément aux articles 8 et 8 bis de la directive 2008/98, une activité consistant à mettre en œuvre, pour une catégorie de produits donnée et sur l’ensemble du territoire d’un État membre, des obligations en matière de responsabilité
élargie des producteurs pour le compte des producteurs concernés et qui, d’autre part, est tenue d’exercer cette activité sans but lucratif, doit être considérée comme étant une entreprise chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général, au sens de cet article 106, paragraphe 2, à condition que cette personne morale ait été effectivement chargée de l’exécution d’obligations de service public et que la nature, la durée et la portée de ces obligations soient clairement définies dans
le droit national.
B. Sur les deuxième à dixième questions
74 Par ses deuxième à dixième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 8 et 8 bis de la directive 2008/98, la directive 2006/123, les articles 49, 56 et 106 TFUE, les articles 16 et 17 de la Charte ainsi que les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui :
– instaure une situation de monopole par la création d’une organisation chargée de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs et disposant du droit exclusif d’exercer cette activité pour une catégorie de produits donnée, tout en prévoyant tant la révocation ex lege des autorisations ayant permis aux opérateurs économiques d’exercer ladite activité jusque-là que la résiliation ex lege de l’ensemble des contrats conclus par ces opérateurs dans
l’exercice de celle-ci ;
– impose à cette organisation d’exercer la même activité sans but lucratif ;
– prévoit l’obligation, pour les producteurs soumis à des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs qui mettent sur le marché au moins 51 % de la quantité totale d’une même catégorie de produits relevant de cette responsabilité élargie, de créer une telle organisation et de détenir une participation dans celle-ci ;
– prévoit l’obligation, pour les détenteurs d’une participation dans cette organisation, d’être producteurs sur le marché concerné ;
– prévoit l’interdiction, pour ces producteurs, d’exercer une activité de collecte et de traitement des déchets, ainsi que l’interdiction de liens de capital ou de parenté entre, d’un côté, ladite organisation, les membres de son organe de direction et les producteurs qui détiennent une participation dans celle-ci et, de l’autre côté, les personnes qui effectuent la collecte et le traitement des déchets ainsi que les personnes qui disposent d’un droit de vote dans l’organe de gestion ou l’organe
de surveillance de la même organisation ;
– rend obligatoire, pour lesdits producteurs de produits, la mise en œuvre collective de leurs obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs et impose à ceux-ci de contracter avec une organisation disposant d’un droit exclusif aux fins de l’exercice de cette activité.
1. Observations liminaires
75 Dans ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi s’interroge tant sur les conditions d’instauration d’un monopole portant sur l’activité de mise en œuvre des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs prévues dans le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal que sur certaines mesures imposées, dans ce contexte, à l’organisation unique en tant que titulaire de ce monopole et aux producteurs soumis à des obligations en matière de
responsabilité élargie des producteurs en vertu du droit slovène. Afin de répondre à ces questions et compte tenu de l’ensemble des dispositions du droit de l’Union auxquelles se réfère cette juridiction, il convient de préciser d’emblée dans quelle mesure ces dispositions sont susceptibles d’avoir une incidence sur l’examen desdites questions.
a) Sur la directive 2008/98
76 En vertu de l’article 8, paragraphe 1, premier et troisième alinéas, de la directive 2008/98, les États membres peuvent, en vue de renforcer le réemploi, la prévention, le recyclage et autre valorisation en matière de déchets, soumettre les producteurs de produits à des régimes de responsabilité élargie des producteurs, de tels régimes devant alors être conformes aux exigences générales minimales énoncées à l’article 8 bis de cette directive.
77 Ainsi qu’il est rappelé au point 51 du présent arrêt, les producteurs de produits soumis à ces régimes établis conformément aux articles 8 et 8 bis de la directive 2008/98 peuvent, en principe, satisfaire à leurs obligations en la matière soit de manière individuelle, soit de manière collective en ayant recours à une organisation chargée de mettre en œuvre ces obligations pour leur compte.
78 À cet égard, la directive 2008/98 laisse non seulement aux États membres le choix de faire relever certaines catégories de produits de régimes de responsabilité élargie des producteurs, mais leur reconnaît également, sous réserve du respect des exigences minimales prévues à l’article 8 bis de cette directive, une marge d’appréciation dans l’aménagement de ces régimes et, notamment, des modalités de mise en œuvre collective des obligations en la matière.
79 Ainsi, d’une part, l’article 8 bis, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la directive 2008/98 se limite à prévoir que, lorsque plusieurs organisations mettent en œuvre des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour le compte de producteurs de produits, les États membres concernés désignent au moins un organisme indépendant des intérêts privés ou une autorité publique pour surveiller la mise en œuvre des obligations en la matière.
80 D’autre part, il résulte de l’article 8 bis, paragraphe 4, sous c), de la directive 2008/98 que les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les contributions financières versées par le producteur du produit concerné pour se conformer à ses obligations en matière de responsabilité élargie n’excèdent pas les coûts nécessaires à la fourniture de services de gestion des déchets présentant un bon rapport coût-efficacité. Or, contrairement à ce qu’a fait valoir le gouvernement slovène,
une telle règle, relative à la tarification des services de gestion des déchets, ne permet pas de tirer de conclusions quant à la possibilité pour une organisation chargée de l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs de poursuivre ou non un but lucratif.
81 Cela étant, il ressort des considérants 22 et 26 de la directive 2018/851 que les régimes de responsabilité élargie des producteurs instaurés conformément aux articles 8 et 8 bis de la directive 2008/98 visent, notamment, une répercussion efficace des coûts nécessaires pour atteindre les objectifs de gestion et de prévention des déchets définis pour le régime concerné sur les producteurs, ainsi qu’une augmentation des performances environnementales des systèmes de gestion des déchets. Il s’ensuit
que, lors de la mise en place de régimes de responsabilité élargie des producteurs, les États membres doivent prendre en considération ces objectifs, tout en tenant compte de l’objectif général de la directive 2008/98, lequel consiste en la réduction à un minimum des incidences négatives de la production et de la gestion des déchets sur l’environnement et la santé humaine (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2019, Tronex, C‑624/17, EU:C:2019:564, point 18), ainsi que de l’article 191,
paragraphe 2, TFUE, lequel dispose que la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé et est fondée, notamment, sur les principes de précaution et d’action préventive ainsi que sur le principe du pollueur-payeur.
82 En outre, l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2008/98 précise que les États membres, lorsqu’ils exercent la marge d’appréciation rappelée au point 78 du présent arrêt, sont tenus, lors de l’application des régimes de responsabilité élargie des producteurs, d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur. Partant, sous réserve des dispositions dérogatoires prévues par le droit de l’Union dans le domaine des services d’intérêt économique général, toute réglementation nationale instaurant
un régime de responsabilité élargie des producteurs conformément aux articles 8 et 8 bis de cette directive doit être conforme aux règles de l’Union visant à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, à savoir, notamment, les articles 49 et 56 TFUE, consacrant, respectivement, la liberté d’établissement et la libre prestation des services, ainsi que les actes adoptés conformément aux articles 53 et 62 TFUE, tels que la directive 2006/123.
83 Dans ce contexte, il convient de préciser que l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2008/98 vise l’application des règles du marché intérieur de l’Union non seulement dans les relations entre les producteurs de produits eux-mêmes ainsi qu’entre ces producteurs et les organismes souhaitant exercer l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, mais également dans les relations entre les organismes souhaitant exercer cette activité.
b) Sur la directive 2006/123 ainsi que sur les articles 49 et 56 TFUE
84 Il ressort du considérant 6 de la directive 2006/123 que la suppression des obstacles à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services ne peut se faire uniquement par l’application directe des articles 49 et 56 TFUE en raison, notamment, de l’extrême complexité du traitement au cas par cas des obstacles à ces libertés fondamentales (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2015, Rina Services e.a., C‑593/13, EU:C:2015:399, point 38, ainsi que du 7 novembre 2024, Centro di Assistenza
Doganale Mellano, C‑503/23, EU:C:2024:933, point 46).
85 En effet, l’examen simultané d’une mesure nationale au regard des dispositions de la directive 2006/123 et de celles du traité FUE reviendrait à introduire un examen au cas par cas, au titre du droit primaire, et remettrait en cause l’harmonisation ciblée opérée par cette directive (voir, en ce sens, arrêts du 30 janvier 2018, X et Visser, C‑360/15 et C‑31/16, EU:C:2018:44, point 96, ainsi que du 7 novembre 2024, Centro di Assistenza Doganale Mellano, C‑503/23, EU:C:2024:933, point 47 et
jurisprudence citée).
86 Il s’ensuit que ce n’est que lorsqu’une restriction à la liberté d’établissement ou à la libre prestation des services ne relève pas du champ d’application des chapitres III et IV de la directive 2006/123, en particulier des articles 15 et 16 de celle-ci, qu’il y a lieu de l’examiner au regard des articles 49 et 56 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 26 juin 2019, Commission/Grèce, C‑729/17, EU:C:2019:534, point 54 et jurisprudence citée, ainsi que du 7 novembre 2024, Centro di Assistenza Doganale
Mellano, C‑503/23, EU:C:2024:933, point 48).
87 Partant, afin de répondre aux deuxième à dixième questions, il y a lieu d’interpréter les dispositions de la directive 2006/123, pour autant que celles-ci soient applicables dans la procédure au principal.
88 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2006/123, celle-ci établit les dispositions générales permettant de faciliter l’exercice de la liberté d’établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services. En vertu de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, celle-ci s’applique aux services fournis par les prestataires ayant leur établissement dans un État membre, la notion de « service » recouvrant, conformément à l’article 4, point 1, de ladite directive,
toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération, visée à l’article 57 TFUE.
89 En l’occurrence, le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal concerne différents aspects de la prestation des services de mise en œuvre collective des obligations en la matière ainsi que certaines exigences auxquelles sont soumis les producteurs relevant de ce régime et exerçant leurs activités économiques sur le territoire slovène, de sorte que la directive 2006/123 est, en principe, applicable dans la procédure au principal.
90 Néanmoins, ainsi qu’il est constaté dans la réponse apportée à la première question préjudicielle, l’activité consistant à mettre en œuvre, pour une catégorie de produits donnée et sur l’ensemble du territoire d’un État membre, des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour le compte des producteurs concernés et devant être exercée sans but lucratif en vertu du droit de cet État membre est susceptible d’être qualifiée de service d’intérêt économique général. En outre,
le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal instaure un monopole portant sur l’exercice de ladite activité. Il convient de rappeler, à cet égard, que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, et paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 2006/123, cette dernière ne traite ni de la libéralisation des services d’intérêt économique général, réservés à des organismes publics ou privés, ni de l’abolition des monopoles fournissant des services.
91 Ces dispositions de la directive 2006/123 excluent du champ d’application de celle-ci les situations où la fourniture d’un service est soustraite à la concurrence, une réglementation nationale ayant conféré un monopole pour la fourniture de certains services à un opérateur donné, et où leur application aurait pour effet de remettre en cause l’existence de ce monopole (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2024, FA.RO. di YK & C., C‑16/23, EU:C:2024:886, point 55). Toutefois, la Cour a interprété
lesdites dispositions en ce sens qu’elles ne concernent que les services d’intérêt économique général et les monopoles de services qui existaient à la date à laquelle ladite directive est entrée en vigueur (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2018, Commission/Hongrie, C‑171/17, EU:C:2018:881, points 42 et 43).
92 Il s’ensuit que le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal ne relève pas de l’exclusion du champ d’application de la directive 2006/123 prévue à l’article 1er, paragraphe 2, et paragraphe 3, premier alinéa, de celle-ci.
93 Certes, l’article 1er, paragraphe 3, second alinéa, de la directive 2006/123 prévoit que cette dernière ne porte pas atteinte à la faculté des États membres de définir, conformément au droit de l’Union, ce qu’ils entendent par services d’intérêt économique général, la manière dont ces services devraient être organisés et financés conformément aux règles relatives aux aides d’État ou les obligations spécifiques auxquelles ils doivent être soumis. Il n’en demeure pas moins que, sous cette réserve,
eu égard à l’article 2, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), de cette directive, lu en combinaison avec le considérant 17 de celle-ci, les règles établies par ladite directive s’appliquent, en principe, aux services d’intérêt économique général, seuls les services d’intérêt général non économiques étant exclus de leur champ d’application (voir, en ce sens, arrêts du 23 décembre 2015, Hiebler, C‑293/14, EU:C:2015:843, points 43 et 44 ; du 11 avril 2019, Repsol Butano et DISA Gas, C‑473/17
et C‑546/17, EU:C:2019:308, point 43, ainsi que du 17 octobre 2024, FA.RO. di YK & C., C‑16/23, EU:C:2024:886, point 61).
94 S’agissant de la liberté d’établissement des prestataires de services, l’article 15, paragraphe 1, première phrase, de la directive 2006/123 dispose que les États membres sont tenus d’examiner si leur système juridique prévoit une ou plusieurs des exigences visées à l’article 15, paragraphe 2, de cette directive et, dans l’affirmative, de veiller à ce que celles-ci soient compatibles avec les conditions de non-discrimination, de nécessité et de proportionnalité prévues à l’article 15,
paragraphe 3, de ladite directive. En vertu de l’article 15, paragraphe 1, seconde phrase, de la même directive, les États membres doivent adapter leurs dispositions législatives, réglementaires ou administratives afin de les rendre compatibles avec ces conditions (voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2018, X et Visser, C‑360/15 et C‑31/16, EU:C:2018:44, point 129).
95 Alors même que l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2006/123 précise que les paragraphes 1 à 3 de cet article ne s’appliquent à la législation relative aux services d’intérêt économique général que dans la mesure où l’application de ces derniers paragraphes ne fait pas échec à l’accomplissement, en droit ou en fait, de la mission particulière qui a été confiée au prestataire concerné, la Cour a jugé que cette disposition n’exclut pas automatiquement les services d’intérêt économique
général du champ d’application dudit article. En effet, ainsi qu’il résulte des termes mêmes de l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2006/123, dès lors que les conditions de non-discrimination, de nécessité et de proportionnalité, visées au paragraphe 3 de cet article, ne font pas échec à la mission particulière assignée par l’autorité compétente à un service d’intérêt économique général, celles-ci doivent être respectées (voir, en ce sens, arrêts du 7 novembre 2018, Commission/Hongrie,
C‑171/17, EU:C:2018:881, point 62, ainsi que du 11 avril 2019, Repsol Butano et DISA Gas, C‑473/17 et C‑546/17, EU:C:2019:308, point 47).
96 Il s’ensuit que seules les restrictions à la liberté d’établissement qui ne relèvent pas des exigences énumérées à l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2006/123 doivent être examinées au regard de l’article 49 TFUE. S’agissant de ces exigences, il convient de souligner que, selon une jurisprudence constante, les dispositions du chapitre III de la directive 2006/123, relatif à la liberté d’établissement des prestataires, lequel inclut l’article 15 de cette directive, s’appliquent également
à des situations dont tous les éléments pertinents sont cantonnés à l’intérieur d’un seul État membre [voir, en ce sens, arrêts du 30 janvier 2018, X et Visser, C‑360/15 et C‑31/16, EU:C:2018:44, point 110, ainsi que du 17 octobre 2024, FA.RO. di YK & C., C‑16/23, EU:C:2024:886, point 47 et jurisprudence citée].
97 S’agissant, en revanche, de la libre prestation des services visée à l’article 16 de la directive 2006/123, l’article 17, point 1, sous e), de celle-ci prévoit expressément que cet article 16 ne s’applique pas aux services d’intérêt économique général qui sont fournis dans un autre État membre, notamment au traitement des déchets. En ce qui concerne cette liberté fondamentale, le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal ne peut dès lors être examiné qu’au regard de
l’article 56 TFUE.
c) Sur la justification des restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services au regard de la directive 2006/123 ainsi que des articles 49 et 56 TFUE
98 S’agissant des restrictions à la liberté d’établissement relevant des exigences énumérées à l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2006/123, il découle des paragraphes 5 et 6 de cet article qu’il est permis aux États membres de maintenir ou, le cas échéant, d’introduire des exigences du type de celles mentionnées au paragraphe 2 dudit article, sous réserve que celles-ci soient conformes aux conditions visées au paragraphe 3 de celui-ci [arrêts du 16 juin 2015, Rina Services e.a., C‑593/13,
EU:C:2015:399, point 33, ainsi que du 29 juillet 2019, Commission/Autriche (Ingénieurs civils, agents de brevets et vétérinaires), C‑209/18, EU:C:2019:632, point 80].
99 En vertu des conditions cumulatives que prévoit l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2006/123, les exigences concernées, premièrement, ne doivent pas être directement ou indirectement discriminatoires en fonction de la nationalité des intéressés ou, s’agissant de sociétés, de l’emplacement de leur siège statutaire. Deuxièmement, ces exigences doivent être justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général. Troisièmement, elles doivent être proportionnées, c’est-à-dire qu’elles doivent
être propres à garantir, de manière cohérente et systématique, la réalisation de l’objectif poursuivi, sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre, étant entendu qu’il ne doit pas exister d’autres mesures moins contraignantes permettant d’atteindre le même résultat (voir, en ce sens, arrêts du 7 novembre 2018, Commission/Hongrie, C‑171/17, EU:C:2018:881, point 80, et du 7 novembre 2024, Centro di Assistenza Doganale Mellano, C‑503/23, EU:C:2024:933, points 79 et 84).
100 En ce qui concerne les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services garanties aux articles 49 et 56 TFUE, il est de jurisprudence bien établie que celles-ci ne sauraient être admises qu’à la condition d’être justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général et de respecter le principe de proportionnalité, ce qui implique qu’elles soient propres à garantir, de façon cohérente et systématique, la réalisation de l’objectif poursuivi et qu’elles n’aillent pas
au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir, en ce sens, arrêts du 18 juin 2019, Autriche/Allemagne, C‑591/17, EU:C:2019:504, point 139 et jurisprudence citée ; du 7 septembre 2022, Cilevičs e.a., C‑391/20, EU:C:2022:638, point 65 et jurisprudence citée, ainsi que du 8 juin 2023, Prestige and Limousine, C‑50/21, EU:C:2023:448, point 64).
101 Afin de déterminer si une restriction satisfait à la condition de proportionnalité, c’est à l’État membre cherchant à se prévaloir d’un objectif propre à légitimer une restriction à une liberté fondamentale ou à un droit fondamental qu’il incombe de fournir à la juridiction nationale tous les éléments de nature à permettre à celle-ci de s’assurer que la mesure concernée satisfait bien aux exigences découlant du principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2018, Sporting
Odds, C‑3/17, EU:C:2018:130, point 62 et jurisprudence citée), les raisons justificatives susceptibles d’être invoquées par cet État membre devant être accompagnées d’une analyse de l’aptitude et de la nécessité de cette mesure pour atteindre cet objectif ainsi que des éléments précis permettant d’étayer l’argumentation de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2023, CIHEF e.a., C‑147/21, EU:C:2023:31, point 53 ainsi que jurisprudence citée).
102 Cependant, il ne saurait être déduit de la jurisprudence de la Cour qu’un État membre se trouverait privé de la possibilité d’établir qu’une mesure restrictive satisfait à ces exigences, au seul motif qu’il n’est pas en mesure de fournir d’études ayant servi de base à l’adoption de la réglementation concernée (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2018, Sporting Odds, C‑3/17, EU:C:2018:130, point 63 et jurisprudence citée).
103 En effet, la juridiction nationale est tenue d’examiner de manière objective, à l’aide de données statistiques ou par d’autres moyens, si les éléments fournis par les autorités de l’État membre concerné permettent raisonnablement d’estimer que les moyens choisis sont de nature à permettre de réaliser les objectifs poursuivis et s’il serait possible d’atteindre ces derniers par des mesures moins restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2024, FA.RO. di YK & C., C‑16/23, EU:C:2024:886,
point 92 ainsi que jurisprudence citée).
104 À cet égard, s’agissant de la charge imposée aux opérateurs économiques par les mesures nationales concernées, les États membres sont tenus, même en présence d’une marge d’appréciation, de fonder leurs choix sur des critères objectifs et d’examiner, dans le cadre de l’appréciation des contraintes liées à différentes mesures envisageables, si les objectifs poursuivis par ces mesures nationales sont de nature à justifier des conséquences économiques négatives, même considérables, pour les
opérateurs économiques concernés (voir, par analogie, arrêts du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 59 et jurisprudence citée, ainsi que du 8 décembre 2020, Pologne/Parlement et Conseil, C‑626/18, EU:C:2020:1000, point 98).
d) Sur le respect de la Charte ainsi que des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime
105 Il est de jurisprudence constante que, lorsqu’un État membre fait valoir qu’une mesure dont il est l’auteur, et qui restreint une liberté fondamentale garantie par le traité FUE, est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général reconnue par le droit de l’Union, une telle mesure doit être considérée comme mettant en œuvre le droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, de telle sorte qu’elle doit être conforme aux droits fondamentaux consacrés par cette dernière
[voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2020, Commission/Hongrie (Transparence associative), C‑78/18, EU:C:2020:476, point 101 et jurisprudence citée]. Il en va de même lorsqu’un État membre se prévaut, en application de l’article 15, paragraphe 3, sous b), de la directive 2006/123, d’une raison impérieuse d’intérêt général afin de justifier une exigence relevant du paragraphe 2 de cet article [voir, par analogie, arrêt du 6 octobre 2020, Commission/Hongrie (Enseignement supérieur), C‑66/18,
EU:C:2020:792, point 214].
106 Il s’ensuit que, lorsqu’une réglementation nationale est constitutive d’une restriction à la liberté d’établissement et/ou à la libre prestation des services, la compatibilité de cette réglementation avec le droit de l’Union et, partant, sa justification doivent être examinées non seulement au regard des exceptions prévues par la directive 2006/123 et la jurisprudence de la Cour, mais également au regard des droits et libertés garantis par la Charte [voir, en ce sens, arrêts du 21 mai 2019,
Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles), C‑235/17, EU:C:2019:432, point 66 et jurisprudence citée, ainsi que du 6 octobre 2021, ECOTEX BULGARIA, C‑544/19, EU:C:2021:803, point 89].
107 L’exigence selon laquelle une mesure doit être conforme aux droits et libertés garantis par la Charte implique de vérifier si les dispositions nationales concernées apportent des limitations à ceux-ci et, dans l’affirmative, si ces limitations sont justifiées au regard des exigences énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte [voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2020, Commission/Hongrie (Transparence associative), C‑78/18, EU:C:2020:476, point 103].
108 À cet égard, il importe de rappeler que ni la liberté l’entreprise consacrée à l’article 16 de la Charte ni le droit de propriété garanti à l’article 17 de celle-ci ne sont des prérogatives absolues (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2024, Trade Express-L et DEVNIA TSIMENT, C‑395/22 et C‑428/22, EU:C:2024:374, point 78 ainsi que jurisprudence citée), leur exercice pouvant, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, faire l’objet de limitations à condition que ces limitations
soient prévues par la loi, respectent le contenu essentiel de cette liberté et de ce droit et, dans le respect du principe de proportionnalité, soient nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.
109 Dans ce contexte, il y a lieu de préciser que des objectifs d’intérêt général, tels que la protection de l’environnement et de la santé publique, ne sauraient être poursuivis par une mesure nationale sans tenir compte du fait qu’ils doivent être conciliés avec les droits fondamentaux et les principes concernés par cette mesure, tels qu’ils sont énoncés par les traités et la Charte, et ce en effectuant une pondération équilibrée entre, d’une part, ces objectifs d’intérêt général et, d’autre part,
les droits et principes en cause, afin d’assurer que les inconvénients causés par ladite mesure ne soient pas démesurés par rapport aux objectifs visés. Ainsi, la possibilité de justifier une limitation aux droits garantis aux articles 16 et 17 de la Charte doit être appréciée en mesurant la gravité de l’ingérence que comporte une telle limitation et en vérifiant que l’importance des objectifs d’intérêt général poursuivis par cette limitation est en relation avec cette gravité (voir, en ce sens,
arrêt du 5 décembre 2023, Nordic Info, C‑128/22, EU:C:2023:951, point 93 et jurisprudence citée).
110 Par ailleurs, lorsqu’un État membre invoque des raisons impérieuses d’intérêt général pour justifier une réglementation qui est de nature à entraver l’exercice de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services, cette justification doit être appréciée également à la lumière des principes généraux du droit de l’Union, parmi lesquels figurent les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime (voir, en ce sens, arrêts du 20 décembre 2017, Global
Starnet, C‑322/16, EU:C:2017:985, point 44 et jurisprudence citée, ainsi que du 22 septembre 2022, Admiral Gaming Network e.a., C‑475/20 à C‑482/20, EU:C:2022:714, point 60).
111 C’est en tenant compte de l’ensemble des observations liminaires qui précèdent qu’il convient d’examiner les différentes mesures du régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal au regard des dispositions du droit de l’Union visées dans les questions préjudicielles.
2. Sur les conditions d’instauration d’un monopole portant sur l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs
112 La première partie de la deuxième question ainsi que les troisième à cinquième questions concernent, tout d’abord, les conditions encadrant l’établissement d’un monopole portant sur la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs.
a) Sur les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services
113 L’article 37, paragraphe 2, du ZVO-2 prévoit l’attribution d’un droit exclusif à une organisation unique chargée d’exercer cette activité pour une catégorie de produits donnée, instaurant ainsi en faveur de cette organisation une situation de monopole sur ladite activité.
114 Afin de vérifier si une telle mesure relève de l’article 15 de la directive 2006/123, il y a lieu de rappeler que la notion d’« exigence », figurant au paragraphe 2 de cet article, doit être entendue, conformément à l’article 4, point 7, de cette directive, comme visant, en particulier, « toute obligation, interdiction, condition ou limite prévue dans les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres » (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2018,
Commission/Hongrie, C‑171/17, EU:C:2018:881, point 77 et jurisprudence citée).
115 Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que la notion de « restriction », au sens des articles 49 et 56 TFUE, porte sur les mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de la liberté d’établissement ou de la libre prestation des services, telles que les mesures prises par un État membre qui, quoique indistinctement applicables, affectent l’accès au marché pour les entreprises d’autres États membres [voir, en ce sens, arrêts du 29 mars 2011, Commission/Italie,
C‑565/08, EU:C:2011:188, points 45 et 46 ainsi que jurisprudence citée, et du 8 juin 2023, Fastweb e.a. (Périodicités de facturation), C‑468/20, EU:C:2023:447, points 81 et 82 ainsi que jurisprudence citée].
116 À cet égard, il convient de considérer que l’instauration, à l’article 37, paragraphe 2, du ZVO-2, d’un monopole portant sur l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, dès lors que le monopole ainsi instauré ne constitue ni une exigence relative aux matières couvertes par la directive 2005/36 ni une exigence prévue dans d’autres instruments de l’Union, est une exigence qui réserve l’accès à l’activité de service concernée à des
prestataires particuliers en raison de la nature spécifique de l’activité concernée, au sens de l’article 15, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123. En effet, il ressort de la jurisprudence que relève d’une telle exigence une réglementation nationale qui, par l’institution d’un monopole, réserve l’accès à une activité de fourniture de services à une seule entreprise privée ou publique (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2018, Commission/Hongrie, C‑171/17, EU:C:2018:881, point 79).
117 Par ailleurs, s’agissant de la libre prestation des services, il est de jurisprudence constante qu’une réglementation nationale, telle que l’article 37, paragraphe 2, du ZVO-2, qui soumet l’exercice d’une activité économique à un régime d’exclusivité en faveur d’un seul opérateur public ou privé, constitue une restriction à cette liberté fondamentale (voir, en ce sens, arrêts du 7 novembre 2018, Commission/Hongrie, C‑171/17, EU:C:2018:881, point 88 et jurisprudence citée, ainsi que du 2 mars
2023, Bursa Română de Mărfuri, C‑394/21, EU:C:2023:146, point 47).
b) Sur la justification des restrictions concernées
118 Conformément à la jurisprudence citée aux points 98 à 110 du présent arrêt, il convient de vérifier si ces restrictions peuvent néanmoins être justifiées.
1) Sur la condition de non-discrimination
119 S’agissant de la condition de non-discrimination, il y a lieu de relever que le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal s’applique à tous les producteurs qui mettent des produits sur le marché en Slovénie sans distinguer, de manière directe ou indirecte, en fonction de leur nationalité ou, s’agissant de sociétés, de l’emplacement de leur siège statutaire. En particulier, il ressort de l’article 34, paragraphes 1, 4 et 6, du ZVO-2 qu’un producteur établi dans un
autre État membre que la République de Slovénie et qui commercialise des produits dans ce dernier État membre est, en principe, soumis aux obligations en matière de responsabilité élargie prévues par cette loi.
2) Sur l’existence de raisons impérieuses d’intérêt général
120 Il ressort du dossier dont dispose la Cour que le législateur slovène a adopté le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal dans le but de se conformer aux exigences minimales en la matière figurant à l’article 8 bis de la directive 2008/98 ainsi qu’aux objectifs environnementaux poursuivis par cette dernière. Le gouvernement slovène soutient que ce régime vise une amélioration du système de responsabilité élargie des producteurs ainsi que du système de gestion des
déchets issus de produits relevant de cette responsabilité élargie en Slovénie, notamment en réduisant le volume de déchets à traiter, ce qui s’inscrit dans la poursuite des objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique. Ledit régime aurait répondu, à cet égard, à une inefficacité de la gestion des déchets sous l’empire du ZVO-1, s’étant manifestée par une accumulation des déchets d’emballages auprès des prestataires des services publics locaux de collecte des déchets
municipaux.
121 Or, de tels objectifs constituent des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier des restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services. En effet, d’une part, en ce qui concerne la justification des exigences relevant du champ d’application de la directive 2006/123, l’article 4, point 8, de cette directive définit la notion de « raison impérieuse d’intérêt général » comme visant les raisons reconnues comme telles par la jurisprudence de la Cour,
parmi lesquelles figurent, notamment, la protection de la santé publique ainsi que celle de l’environnement et de l’environnement urbain.
122 D’autre part, il est de jurisprudence constante que la protection de l’environnement constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier des restrictions aux libertés fondamentales (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2004, Radlberger Getränkegesellschaft et S. Spitz, C‑309/02, EU:C:2004:799, point 75, ainsi que du 19 janvier 2023, CIHEF e.a., C‑147/21, EU:C:2023:31, point 51). Il en va de même des objectifs de garantie de la qualité des services ainsi que de
protection de la santé publique [voir, en ce sens, arrêts du 19 mai 2009, Commission/Italie, C‑531/06, EU:C:2009:315, point 51, ainsi que du 29 juillet 2019, Commission/Autriche (Ingénieurs civils, agents de brevets et vétérinaires), C‑209/18, EU:C:2019:632, point 89 et jurisprudence citée].
123 Dans la mesure où le gouvernement slovène invoque également l’objectif d’une réduction des coûts de gestion des déchets supportés par les producteurs concernés et fonde ainsi son argumentation sur l’efficacité économique, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, des objectifs de nature purement économique ne peuvent constituer une raison impérieuse d’intérêt général de nature à justifier une restriction à une liberté fondamentale garantie par le traité FUE (voir, en ce
sens, arrêt du 8 juin 2023, Prestige and Limousine, C‑50/21, EU:C:2023:448, point 70 ainsi que jurisprudence citée). En revanche, la Cour a admis qu’une réglementation nationale peut constituer une restriction justifiée à une liberté fondamentale lorsqu’elle est dictée par des motifs d’ordre économique poursuivant un objectif d’intérêt général (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2013, Essent e.a., C‑105/12 à C‑107/12, EU:C:2013:677, point 52 ainsi que jurisprudence citée). Dès lors, à
considérer même que le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal soit dicté par de tels motifs d’efficacité économique, ceux-ci ne sauraient, en tant que tels, constituer des raisons impérieuses d’intérêt général de nature à justifier une restriction a une liberté fondamentale garantie par le droit de l’Union, si bien qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, en définitive, si ce régime poursuit, nonobstant lesdits motifs, l’objectif de la protection
de l’environnement et de la santé publique.
3) Sur la condition de proportionnalité
124 S’agissant de la condition de proportionnalité, il appartient à la juridiction de renvoi, qui est seule compétente pour apprécier les faits à l’origine de la procédure au principal et pour interpréter le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal, de vérifier si ce dernier satisfait aux conditions rappelées aux points 98 à 103 du présent arrêt. Cependant, la Cour, appelée à fournir à cette juridiction une réponse utile, est compétente pour lui donner des indications
tirées du dossier de l’affaire au principal ainsi que des observations écrites qui lui ont été soumises, de nature à permettre à ladite juridiction de statuer (voir, en ce sens, arrêts du 7 septembre 2022, Cilevičs e.a., C‑391/20, EU:C:2022:638, points 72 et 73 ainsi que jurisprudence citée, et du 17 octobre 2024, FA.RO. di YK & C., C‑16/23, EU:C:2024:886, point 93).
i) Sur l’aptitude des restrictions à garantir la réalisation des objectifs poursuivis
125 En ce qui concerne l’aptitude du monopole portant sur l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour chaque flux de déchets relevant de cette responsabilité élargie à atteindre les objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique, il ressort des éléments portés à la connaissance de la Cour que ce monopole a été instauré afin d’améliorer l’accessibilité, la transparence et la tarification homogène du système de
responsabilité élargie des producteurs applicable à une catégorie donnée de produits et, plus généralement, l’ensemble du système de gestion des déchets concerné.
126 S’il apparaît ainsi qu’une telle mesure est, en principe, susceptible d’atteindre les objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique, encore faut-il, selon la jurisprudence citée aux points 99 et 100 du présent arrêt, qu’elle poursuive ces objectifs de manière cohérente et systématique, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier au terme d’une appréciation globale des circonstances entourant l’adoption et la mise en œuvre des dispositions nationales concernées
(voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2018, Sporting Odds, C‑3/17, EU:C:2018:130, point 64 et jurisprudence citée).
127 En l’occurrence, Interzero e.a. ont fait valoir, dans leurs observations écrites, que la création d’un monopole dans le secteur de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs ne constitue pas une mesure de nature à poursuivre, de manière cohérente, l’objectif de protection de l’environnement, car cette mesure serait susceptible de porter atteinte à l’objectif d’une transition vers une économie circulaire. La mise en place de ce monopole
pourrait, d’une part, dissuader les producteurs concernés de développer des solutions circulaires innovantes et plus performantes sur le plan environnemental afin d’améliorer leur situation concurrentielle et, d’autre part, empêcher la transmission des connaissances et des bonnes pratiques en provenance d’autres États membres. Le résultat serait, en fin de compte, une augmentation des coûts pour ces producteurs.
128 Il est certes vrai, ainsi qu’il résulte de l’article 1er de la directive 2008/98, que les régimes de responsabilité élargie des producteurs instaurés conformément à cette directive doivent s’inscrire dans une logique de transition vers une économie circulaire et de maintien de la compétitivité à long terme de l’Union. Rien toutefois dans le dossier dont dispose la Cour ne permet de considérer qu’une situation caractérisée par l’absence de marché concurrentiel dans le domaine d’activité de la
mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, telle que celle résultant de l’instauration d’une situation de monopole pour l’organisation chargée de la mise en œuvre collective des obligations en la matière, compromettrait, à terme, la gestion efficace des déchets recherchée par l’État membre ayant introduit ledit monopole.
129 Par ailleurs, il importe de souligner que, dans la mesure où une réglementation nationale instaurant un monopole constitue une mesure particulièrement restrictive aux libertés fondamentales, elle doit s’accompagner de la mise en place d’un cadre normatif propre à garantir que le titulaire de ce monopole sera effectivement à même de poursuivre, de manière cohérente et systématique, les objectifs ainsi fixés au moyen d’une offre quantitativement mesurée et qualitativement aménagée en fonction de
ces objectifs et soumise à un contrôle strict de la part des autorités publiques (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2010, Stoß e.a., C‑316/07, C‑358/07 à C‑360/07, C‑409/07 et C‑410/07, EU:C:2010:504, point 83). Ainsi, le droit de l’Union peut exiger l’imposition de certaines restrictions au titulaire d’un monopole (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2011, Dickinger et Ömer, C‑347/09, EU:C:2011:582, point 72), notamment en vue d’éviter tout risque de comportement abusif de la part de
celui-ci qui serait susceptible de porter atteinte aux objectifs poursuivis.
130 Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal prévoit, dans son ensemble, les garanties nécessaires à cet égard.
ii) Sur la nécessité et le caractère proportionné au sens strict des restrictions concernées
131 Ainsi qu’il ressort tant de l’article 15, paragraphe 3, sous c), de la directive 2006/123 que de la jurisprudence de la Cour, les mesures restrictives d’une liberté fondamentale ne peuvent être justifiées que si l’objectif visé ne peut être atteint par des mesures qui, tout en étant aussi efficaces, sont moins restrictives (voir, en ce sens, arrêts du 7 septembre 2022, Cilevičs e.a., C‑391/20, EU:C:2022:638, point 81 et jurisprudence citée, ainsi que du 7 novembre 2024, Centro di Assistenza
Doganale Mellano, C‑503/23, EU:C:2024:933, point 83).
132 S’agissant du choix des mesures susceptibles de réaliser les objectifs en matière de protection de l’environnement et de la santé publique, il importe de rappeler, d’une part, que la protection de l’environnement constitue l’un des objectifs essentiels de l’Union qui revêt un caractère tant transversal que fondamental (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2012, Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne, C‑41/11, EU:C:2012:103, point 57 ainsi que jurisprudence citée). D’autre part, la santé
publique occupe le premier rang parmi les biens et les intérêts protégés par le traité FUE et il appartient aux États membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique ainsi que la manière dont ce niveau doit être atteint. À cet effet, les États membres disposent d’une marge d’appréciation pour déterminer, en fonction des particularités nationales et de l’importance qu’ils attachent à la réalisation d’objectifs légitimes plus spécifiques au regard du
droit de l’Union, tels que l’aménagement d’un système de gestion des déchets de qualité, équilibré et accessible à tous, les mesures qui sont de nature à parvenir à des résultats concrets (voir, en ce sens, arrêts du 28 septembre 2006, Ahokainen et Leppik, C‑434/04, EU:C:2006:609, point 32, ainsi que du 12 novembre 2015, Visnapuu, C‑198/14, EU:C:2015:751, point 118).
133 Il s’ensuit que, dans le respect des exigences posées, en particulier, par la directive 2008/98 ainsi que par les réglementations sectorielles de l’Union pertinentes, les États membres sont, en principe, libres de fixer les objectifs de leur politique en matière de gestion des déchets et, le cas échéant, de définir avec précision le niveau de protection de l’environnement et de la santé publique recherché (voir, par analogie, arrêt du 15 septembre 2011, Dickinger et Ömer, C‑347/09,
EU:C:2011:582, point 47 ainsi que jurisprudence citée).
134 Par conséquent, un État membre cherchant à assurer un niveau de protection particulièrement élevé en matière d’environnement et de santé publique peut être fondé à considérer que seul l’octroi de droits exclusifs à un organisme unique soumis à un contrôle étroit de la part des pouvoirs publics est de nature à leur permettre de poursuivre ces objectifs d’une façon suffisamment efficace (voir, par analogie, arrêts du 8 septembre 2010, Stoß e.a., C‑316/07, C‑358/07 à C‑360/07, C‑409/07 et C‑410/07,
EU:C:2010:504, point 81, ainsi que du 15 septembre 2011, Dickinger et Ömer, C‑347/09, EU:C:2011:582, point 48).
135 En l’occurrence, les requérantes au principal considèrent que les objectifs poursuivis par le législateur slovène pourraient être atteints par des mesures moins contraignantes, à savoir en posant des conditions quant à la qualité des services et au montant des coûts que l’organisation chargée de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs peut facturer aux producteurs concernés et en créant une agence indépendante qui exercerait le contrôle du
régime de responsabilité élargie des producteurs concerné.
136 À cet égard, la Cour a jugé que la question de savoir si, pour atteindre les objectifs poursuivis, il serait préférable, plutôt que d’octroyer un droit exclusif d’exploitation à un organisme autorisé, d’adopter une réglementation imposant aux opérateurs économiques concernés les prescriptions nécessaires relève, en principe, de la marge d’appréciation des États membres, sous réserve toutefois que le choix retenu n’apparaisse pas disproportionné au regard du but recherché (voir, en ce sens, arrêt
du 21 septembre 1999, Läärä e.a., C‑124/97, EU:C:1999:435, point 39).
137 Il appartient ainsi à la juridiction de renvoi de vérifier que, en adoptant le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal, le législateur slovène visait véritablement à assurer un niveau de protection particulièrement élevé des objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique et que, à la lumière de ce niveau de protection recherché, l’instauration d’un monopole portant sur l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de
responsabilité élargie des producteurs peut effectivement être considérée comme étant nécessaire (voir, par analogie, arrêt du 15 septembre 2011, Dickinger et Ömer, C‑347/09, EU:C:2011:582, point 54).
138 S’agissant de la question du caractère proportionné au sens strict des mesures en cause, ainsi qu’il ressort du point 104 du présent arrêt, la juridiction de renvoi devra également vérifier si ces mesures ne sont pas disproportionnées par rapport aux objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique poursuivis. Dans ce contexte, cette juridiction pourra tenir compte, notamment, des dysfonctionnements qui, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, caractérisaient le régime de
responsabilité élargie des producteurs prévu par le ZVO-1 et ne permettaient pas d’assurer une gestion efficace des déchets. Elle pourra également tenir compte de l’argumentation du gouvernement slovène selon laquelle le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal permet à l’État de garantir la transparence du fonctionnement de l’organisation unique et de prévenir les distorsions de la concurrence sur le marché de la gestion des déchets, et s’avère plus économique et
plus simple pour les producteurs, en contribuant ainsi à un meilleur contrôle de la qualité de la gestion des déchets.
4) Sur le respect des articles 16 et 17 de la Charte ainsi que des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime
139 Conformément à la jurisprudence citée aux points 105 à 110 du présent arrêt, il reste à examiner l’instauration d’un monopole portant sur l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, par le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal, au regard des droits fondamentaux garantis par la Charte, en l’occurrence, des articles 16 et 17 de celle-ci, ainsi qu’au regard des principes généraux du droit de l’Union.
140 S’agissant, en premier lieu, de l’article 16 de la Charte, celui-ci dispose que la liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales. La protection conférée à cet article comporte, en particulier, la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale ainsi que la liberté contractuelle (voir, en ce sens, arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 42, ainsi que du 30 avril 2024, Trade Express-L et
DEVNIA TSIMENT, C‑395/22 et C‑428/22, EU:C:2024:374, point 76).
141 Eu égard au libellé de cet article 16, qui prévoit que la liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union ainsi qu’aux législations et aux pratiques nationales, se distinguant ainsi de celui des autres libertés fondamentales consacrées au titre II de la Charte, tout en étant proche de celui de certaines dispositions du titre IV de celle-ci, cette liberté peut ainsi être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt
général, des limitations à l’exercice de l’activité économique. Cette circonstance trouve notamment son reflet dans la manière dont il convient d’apprécier la réglementation de l’Union ainsi que la législation et les pratiques nationales au regard du principe de proportionnalité en vertu de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, points 81 et 82 ainsi que jurisprudence.
142 À cet égard, il suffit de relever que, dans la mesure où les dispositions du régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal instaurant un monopole de l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs constituent, ainsi qu’il est constaté au point 116 du présent arrêt, une restriction à la liberté d’établissement, elles constituent également, en principe, une limitation à l’exercice de la liberté d’entreprise des
opérateurs concernés, consacrée à l’article 16 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, PI, C‑230/18, EU:C:2019:383, point 65).
143 En second lieu, conformément à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer, et nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et des conditions prévues par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt
général.
144 L’article 17, paragraphe 1, de la Charte contient trois normes distinctes. La première, figurant à la première phrase de cette disposition et revêtant un caractère général, concrétise le principe du respect de la propriété. La deuxième, figurant à la deuxième phrase de ladite disposition, vise la privation de propriété et la soumet à certaines conditions. Quant à la troisième, figurant à la troisième phrase de la même disposition, elle reconnaît aux États membres le pouvoir de réglementer
l’usage des biens dans la mesure nécessaire à l’intérêt général. Ces règles ne sont pas pour autant dépourvues de rapport entre elles. En effet, la deuxième et la troisième règle ont trait à des exemples particuliers d’atteinte au droit de propriété et doivent être interprétées à la lumière du principe consacré à la première de ces règles (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2024, Neves 77 Solutions, C‑351/22, EU:C:2024:723, point 81 et jurisprudence citée, ainsi que du 4 octobre 2024,
Aeris Invest/Commission et CRU, C‑535/22 P, EU:C:2024:819, point 214).
145 La protection conférée à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte porte sur des droits ayant une valeur patrimoniale dont découle, eu égard à l’ordre juridique concerné, une position juridique acquise permettant un exercice autonome de ces droits par et au profit de leur titulaire [arrêts du 21 mai 2019, Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles), C‑235/17, EU:C:2019:432, point 69 et jurisprudence citée, ainsi que du 5 mai 2022, BPC Lux 2 e.a., C‑83/20, EU:C:2022:346, point 39].
146 À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 1er du protocole additionnel no 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signé à Paris le 20 mars 1952, jurisprudence qu’il convient de prendre en considération en vertu de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte aux fins de l’interprétation de l’article 17 de celle-ci, en tant que seuil de protection minimale [voir, en ce sens,
arrêts du 21 mai 2019, Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles), C‑235/17, EU:C:2019:432, point 72 et jurisprudence citée, ainsi que du 10 septembre 2024, Neves 77 Solutions, C‑351/22, EU:C:2024:723, point 80], que les intérêts liés à l’exploitation d’une licence constituent des intérêts patrimoniaux appelant la protection conférée à cet article 1er (voir, en ce sens, Cour EDH, 7 juin 2012, Centro Europa 7 S.r.l. et Di Stefano c. Italie, CE:ECHR:2012:0607JUD003843309, § 178). Par
conséquent, la révocation ex lege d’une autorisation permettant à son titulaire d’exercer une activité économique s’analyse en une limitation au droit de propriété garanti à cet article qui relève, en tant que mesure de réglementation de l’usage des biens, du deuxième alinéa dudit article (voir, en ce sens, Cour EDH, 13 janvier 2015, Vékony c. Hongrie, CE:ECHR:2015:0113JUD006568113, § 29 et 30, ainsi que Cour EDH, 5 avril 2022, NIT S.R. L. c. République de Moldova, CE:ECHR:2022:0405JUD002847012,
§ 235 et 236).
147 En outre, toujours selon ladite jurisprudence, une intervention par voie législative sur des créances contractuelles existantes peut également constituer une mesure de réglementation de l’usage des biens et, partant, une limitation du droit de propriété (voir, en ce sens, Cour EDH, 20 juillet 2004, Bäck c. Finlande, CE:ECHR:2004:0720JUD003759897, § 57 et 68).
148 En l’occurrence, il ressort des éléments portés à la connaissance de la Cour que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, l’instauration d’un monopole pour l’organisation unique par le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal entraîne tant la révocation ex lege des autorisations environnementales ainsi que des décisions d’approbation des plans communs existantes, délivrées aux opérateurs ZVO-1 aux fins de l’exercice de l’activité de mise en œuvre
collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, que la résiliation ex lege de l’ensemble des contrats conclus entre ces opérateurs et les producteurs, ainsi qu’avec les prestataires de services de gestion des déchets. Or, de telles conséquences peuvent s’analyser en une limitation à l’exercice du droit de propriété relevant de la réglementation de l’usage des biens, au sens de l’article 17, paragraphe 1, troisième phrase, de la Charte.
149 En ce qui concerne la justification de telles limitations à la liberté et au droit prévus aux articles 16 et 17 de la Charte, premièrement, il est constant que ces limitations, tenant à l’instauration d’un monopole ainsi qu’aux modalités transitoires prévues par le législateur slovène dans ce contexte, figurent dans le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal, tel qu’établi par le ZVO-2.
150 Deuxièmement, lesdites limitations respectent le contenu essentiel des articles 16 et 17 de la Charte. En effet, s’agissant, d’une part, de la condition tenant au respect du contenu essentiel de la liberté d’entreprise, il y a lieu de relever que l’instauration d’un monopole portant sur une activité économique au détriment des opérateurs existants n’empêche pas toute activité entrepreneuriale de ces opérateurs en tant que telle, le droit primaire permettant d’ailleurs expressément l’octroi de
droits exclusifs à un ou à plusieurs opérateurs publics ou privés pour une activité économique donnée et les conditions de l’instauration d’un monopole portant sur une activité résultant de l’octroi de tels droits devant être appréciées, ainsi qu’il ressort du point 141 du présent arrêt, dans le cadre de l’examen de la proportionnalité d’une telle mesure.
151 D’autre part, dès lors que, ainsi qu’il est constaté au point 148 du présent arrêt, cette mesure relève de la réglementation de l’usage des biens, au sens de l’article 17, paragraphe 1, troisième phrase, de la Charte, elle n’est pas susceptible de porter atteinte au contenu essentiel du droit de propriété (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2024, Neves 77 Solutions, C‑351/22, EU:C:2024:723, point 88 et jurisprudence citée).
152 Troisièmement, les mêmes limitations visent, ainsi qu’il est constaté au point 120 du présent arrêt, à garantir un système de gestion des déchets performant et, partant, la réalisation des objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique, de sorte qu’elles répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union.
153 Quatrièmement, quant au respect du principe de proportionnalité, il résulte des points 125 à 136 du présent arrêt que de telles limitations apparaissent, en soi, propres à atteindre les objectifs poursuivis ainsi que nécessaires à cet effet. Néanmoins, dans le contexte d’une modification législative, le respect des droits fondamentaux des opérateurs économiques concernés par cette modification exige également que le législateur national mette en place des mesures appropriées permettant de
protéger ces opérateurs contre des mesures qui, compte tenu de leur situation particulière, leur imposent une charge excessive (voir, en ce sens, Cour EDH, 13 janvier 2015, Vékony c. Hongrie, CE:ECHR:2015:0113JUD006568113, § 34 et 35 ; Cour EDH, 16 octobre 2018, Könyv-Tár Kft e.a. c. Hongrie, CE:ECHR:2018:1016JUD002162313, § 48 et 50).
154 Aussi résulte-t-il de la jurisprudence de la Cour relative aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime que, dans le contexte d’une modification législative, un législateur national doit tenir compte des situations particulières des opérateurs économiques concernés par celle-ci et prévoir, le cas échéant, des adaptations à l’application des nouvelles règles (voir, en ce sens, arrêts du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, EU:C:2005:362, point 81, ainsi que du
17 décembre 2015, Szemerey, C‑330/14, EU:C:2015:826, point 48).
155 À cet égard, la Cour a jugé qu’un opérateur économique qui a procédé à des investissements coûteux afin de se conformer au régime adopté précédemment par le législateur national est susceptible d’être considérablement affecté dans ses intérêts par une suppression anticipée de ce régime, et cela d’autant plus lorsque celle-ci est effectuée de manière soudaine et imprévisible, sans lui laisser le temps nécessaire pour s’adapter à la nouvelle situation législative (arrêts du 11 juin 2015,
Berlington Hungary e.a., C‑98/14, EU:C:2015:386, point 87 et jurisprudence citée, ainsi que du 22 septembre 2022, Admiral Gaming Network e.a., C‑475/20 à C‑482/20, EU:C:2022:714, point 64).
156 Ainsi, il incombe au législateur national de prévoir une période transitoire d’une durée suffisante pour permettre aux opérateurs économiques de s’adapter aux modifications les concernant ou un système de compensation raisonnable du préjudice subi par ceux-ci (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2004, Radlberger Getränkegesellschaft et S. Spitz, C‑309/02, EU:C:2004:799, point 81 ; du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a., C‑98/14, EU:C:2015:386, point 85 et jurisprudence citée, ainsi que du
20 décembre 2017, Global Starnet, C‑322/16, EU:C:2017:985, point 48). Lorsque cela apparaît nécessaire pour éviter toute charge excessive pour ces opérateurs, il n’est pas exclu que ces deux mesures puissent être requises de manière cumulative.
157 En l’occurrence, la juridiction de renvoi indique, d’une part, que les dispositions transitoires du ZVO-2 figurant à l’article 275 de celui-ci ne fixent pas de délai précis à l’expiration duquel prennent fin les autorisations dont bénéficient les opérateurs ZVO-1 ainsi que les contrats que ceux-ci ont conclus avec les producteurs et les prestataires de services de gestion des déchets. En effet, ce délai est lié à la communication, par l’organisation unique, du fait qu’elle a commencé à procéder
à la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs ainsi qu’à l’adoption de la décision déclaratoire du ministère compétent. D’autre part, le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal ne prévoit aucun dispositif de compensation des opérateurs ZVO-1.
158 C’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient d’examiner si, dans les circonstances de l’espèce, le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal est susceptible de constituer une charge excessive pour les opérateurs ZVO-1. À cet effet, elle devra tenir compte de tous les éléments pertinents qui ressortent, notamment, des termes, de l’économie et de la finalité de la réglementation concernée (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2022, Admiral Gaming Network e.a.,
C‑475/20 à C‑482/20, EU:C:2022:714, point 65 ainsi que jurisprudence citée) ainsi que vérifier si un opérateur économique prudent et avisé était en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de nature à affecter ses intérêts [voir, en ce sens, arrêts du 15 avril 2021, Federazione nazionale delle imprese elettrotecniche ed elettroniche (Anie) e.a., C‑798/18 et C‑799/18, EU:C:2021:280, point 42, ainsi que du 22 septembre 2022, Admiral Gaming Network e.a., C‑475/20 à C‑482/20, EU:C:2022:714,
point 62].
159 À cet égard, il conviendra de tenir compte de l’ensemble des circonstances caractérisant la situation individuelle des opérateurs ZVO‑1 concernés, telles que le fait que les autorisations dont ils bénéficient ont été délivrées pour une durée indéterminée, ainsi que de l’ensemble des circonstances ayant entouré l’adoption du régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal. En effet, il apparaît que, avant l’adoption du ZVO-2, le législateur slovène était intervenu à deux
reprises pour modifier le régime de responsabilité élargie des producteurs jusqu’alors prévu par le ZVO-1, notamment en modifiant, à compter du 1er janvier 2021, ce régime de responsabilité élargie en supprimant l’exclusion de l’application dudit régime jusqu’alors applicable aux producteurs mettant sur le marché moins de 15 tonnes d’emballages par an.
160 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que, sous réserve du respect du principe de proportionnalité, les articles 8 et 8 bis de la directive 2008/98, l’article 15 de la directive 2006/123, les articles 49 et 56 TFUE, les articles 16 et 17 de la Charte ainsi que les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui instaure une situation de monopole par la création d’une organisation chargée de la mise en
œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs qui dispose du droit exclusif d’exercer cette activité pour une catégorie de produits donnée, tout en prévoyant tant la révocation ex lege des autorisations ayant permis aux opérateurs économiques d’exercer ladite activité jusque-là que la résiliation ex lege de l’ensemble des contrats conclus par ces opérateurs dans l’exercice de la même activité, à condition cependant que cette réglementation, d’une part,
s’accompagne de la mise en place d’un cadre normatif propre à garantir que le titulaire de ce monopole sera effectivement à même de poursuivre, de manière cohérente et systématique, les objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique que l’État membre concerné s’est fixés au moyen d’une offre quantitativement mesurée et qualitativement aménagée en fonction de ces objectifs et soumise à un contrôle strict de la part des autorités publiques et, d’autre part, prévoie des
adaptations à l’application des nouvelles règles propres à éviter toute charge excessive pour les opérateurs économiques concernés, en particulier une période transitoire d’une durée suffisante pour leur permettre de s’adapter aux modifications ou un système de compensation raisonnable du préjudice subi par ceux-ci.
3. Sur les mesures imposées au titulaire du monopole et aux personnes détenant des participations dans celui-ci
161 Par la seconde partie de sa deuxième question, ainsi que par ses sixième à neuvième questions, la juridiction de renvoi s’interroge, ensuite, sur un certain nombre de mesures imposées à l’organisation titulaire du monopole portant sur la mise en œuvre des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs ainsi qu’aux personnes détenant des participations dans cette organisation.
a) Sur les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services
162 En premier lieu, la juridiction de renvoi s’interroge, par la seconde partie de sa deuxième question, sur l’exigence, prévue à l’article 38, paragraphe 1, du ZVO-2, selon laquelle l’organisation unique est tenue d’exercer l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs sans but lucratif.
163 À cet égard, il convient de relever qu’une telle obligation est susceptible d’être qualifiée d’exigence imposant au prestataire d’être constitué sous une forme juridique particulière, au sens de l’article 15, paragraphe 2, sous b), de la directive 2006/123, à condition que le droit national prévoie effectivement une forme juridique spécifique pour les entités à but non lucratif. En effet, la Cour a jugé que, eu égard au considérant 73 de cette directive, cette dernière disposition vise,
notamment, l’exigence, pour le prestataire d’un service, d’être constitué en une entité ne poursuivant pas de but lucratif (voir, en ce sens, arrêts du 23 février 2016, Commission/Hongrie, C‑179/14, EU:C:2016:108, point 62, et du 26 juin 2019, Commission/Grèce, C‑729/17, EU:C:2019:534, point 60).
164 En deuxième lieu, s’agissant de la réglementation nationale visée par la sixième question préjudicielle, l’article 38, paragraphe 4, du ZVO-2 instaure, pour les producteurs de produits soumis à des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs et mettant sur le marché au moins 51 % de la quantité totale d’une même catégorie de produits relevant de cette responsabilité élargie, l’obligation de créer une organisation unique exerçant l’activité de mise en œuvre collective de
leurs obligations en la matière et de détenir une participation dans celle-ci. Par ailleurs, ces producteurs ne peuvent pas être des personnes qui effectuent la collecte ou le traitement des déchets issus de ces produits.
165 D’une part, l’obligation, pour certains producteurs, de créer une organisation chargée de la mise en œuvre collective de leurs obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour la catégorie de déchets concernée, à laquelle l’obligation de détenir une participation dans celle-ci est indissociablement liée, ne relève d’aucune des catégories d’exigences énumérées à l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2006/123.
166 Dès lors que, ainsi qu’il ressort des points 96 et 97 du présent arrêt, cette exigence doit être appréciée au regard du droit primaire, il importe de rappeler que, lorsqu’une mesure nationale se rattache simultanément à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services, la Cour l’examine, en principe, au regard de l’une seulement de ces libertés s’il s’avère que, dans les circonstances de l’espèce, l’autre est tout à fait secondaire par rapport à la première et peut lui être
rattachée. Afin de déterminer la liberté fondamentale prépondérante, il y a lieu de prendre en considération l’objet de la réglementation concernée (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2022, Cilevičs e.a., C‑391/20, EU:C:2022:638, points 50 et 51 ainsi que jurisprudence citée).
167 Afin de distinguer les champs d’application respectifs de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services, il importe de déterminer si l’opérateur économique concerné est établi ou non dans l’État membre dans lequel il offre le service en question. À cet égard, la notion d’« établissement » implique l’exercice effectif d’une activité économique au moyen d’une installation stable dans l’État membre d’accueil pour une durée indéterminée [voir, en ce sens, arrêts du 22 novembre
2018, Vorarlberger Landes – und Hypothekenbank, C‑625/17, EU:C:2018:939, points 34 et 35, ainsi que du 4 octobre 2024, Lituanie e.a./Parlement et Conseil (Paquet mobilité), C‑541/20 à C‑555/20, EU:C:2024:818, point 364 et jurisprudence citée].
168 En revanche, sont des « prestations de services », au sens de l’article 56 TFUE, toutes les prestations qui ne sont pas proposées de manière stable et continue, à partir d’un établissement dans l’État membre de destination (arrêts du 7 septembre 2022, Cilevičs e.a., C‑391/20, EU:C:2022:638, point 53 et jurisprudence citée, ainsi que du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C‑333/21, EU:C:2023:1011, point 245).
169 En l’occurrence, l’article 38, paragraphes 4 et 5, du ZVO-2 impose des obligations spécifiques à certains producteurs de produits soumis à la responsabilité élargie des producteurs du fait de l’importance particulière du volume de leur activité économique sur le marché slovène. À cet égard, il convient de considérer que les activités économiques exercées par des producteurs d’une telle importance sur le marché national sont, en règle générale, exercées de façon stable et continue à partir d’un
établissement dans l’État membre concerné. Il s’ensuit que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi de la situation des producteurs concernés, cette disposition relève, de manière prépondérante, de la liberté d’établissement.
170 Or, quand bien même les ressortissants d’autres États membres susceptibles de relever de ladite disposition ne sont pas empêchés de s’établir sur le territoire slovène afin d’exercer leur activité économique, l’obligation, le cas échéant, de créer une entité établie en Slovénie chargée d’exercer l’activité de mise en œuvre collective de leurs obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs ainsi que l’obligation de détenir une participation dans l’organisation unique est
susceptible d’entraîner des charges administratives et financières s’ajoutant à celles liées à l’exercice de leur propre activité économique.
171 Il s’ensuit que le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal est susceptible de rendre moins attrayant, pour les ressortissants d’autres États membres, leur établissement dans l’État membre concerné, de sorte qu’il constitue une restriction à la liberté d’établissement garantie à l’article 49 TFUE.
172 D’autre part, la condition tenant à ce que seuls les producteurs peuvent détenir une participation dans l’organisation unique constitue une exigence relative à la détention du capital d’une société, au sens de l’article 15, paragraphe 2, sous c), de la directive 2006/123. En effet, cette disposition vise toute exigence relative à la composition de l’entité concernée ou à la qualité des détenteurs du capital de celle-ci [voir, en ce sens, arrêts du 1er mars 2018, CMVRO, C‑297/16, EU:C:2018:141,
point 77 ; du 26 juin 2019, Commission/Grèce, C‑729/17, EU:C:2019:534, point 63, et du 29 juillet 2019, Commission/Autriche (Ingénieurs civils, agents de brevets et vétérinaires), C‑209/18, EU:C:2019:632, point 84].
173 En troisième lieu, s’agissant de la réglementation nationale visée par les septième à neuvième questions, l’article 38, paragraphes 6 à 9, du ZVO‑2 prévoit, d’une part, l’interdiction, pour les producteurs détenant une participation dans l’organisation unique, d’exercer une activité de collecte et de traitement des déchets, ainsi que, d’autre part, l’interdiction de liens de capital ou de parenté entre, d’un côté, cette organisation, les membres de son organe de direction et les producteurs qui
détiennent une participation dans ladite organisation et, de l’autre côté, les personnes qui effectuent la collecte et le traitement des déchets ainsi que les personnes disposant d’un droit de vote dans l’organe de gestion ou l’organe de surveillance de la même organisation.
174 Eu égard à la définition rappelée au point 172 du présent arrêt, qui vise toute exigence relative à la composition de l’entité concernée ou à la qualité des détenteurs du capital de celle-ci, il y a lieu de considérer qu’une telle réglementation constitue une exigence relative à la détention du capital d’une société, au sens de l’article 15, paragraphe 2, sous c), de la directive 2006/123.
b) Sur la justification des restrictions concernées
175 Conformément à la jurisprudence citée aux points 98 à 110 du présent arrêt, il convient de vérifier si ces restrictions peuvent néanmoins être justifiées.
1) Sur la condition de non-discrimination
176 Ainsi qu’il est relevé au point 119 du présent arrêt, le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal s’applique à tous les producteurs qui mettent des produits sur le marché en Slovénie sans distinguer, de manière directe ou indirecte, en fonction de leur nationalité ou, s’agissant de sociétés, de l’emplacement de leur siège statutaire. Il s’ensuit que les aspects de ce régime visés aux points 162 à 174 du présent arrêt ne présentent pas de caractère directement ou
indirectement discriminatoire.
2) Sur l’existence de raisons impérieuses d’intérêt général
177 Ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, l’ensemble des exigences imposées à l’organisation unique ainsi qu’aux producteurs qui détiennent des participations dans celle-ci visent à renforcer la responsabilité organisationnelle des producteurs au sein des régimes de responsabilité élargie des producteurs, à garantir les conditions procédurales de la fourniture monopolistique des services de mise en œuvre collective des obligations en la matière, ainsi qu’à éviter des conflits
d’intérêts entre les opérateurs concernés. Ces exigences servent ainsi, plus généralement, à rendre plus efficace le système de gestion des déchets issus de produits relevant de la responsabilité élargie des producteurs en Slovénie, en remédiant aux problèmes de gestion des déchets constatés sous l’empire du ZVO-1. Or, de telles finalités s’inscrivent dans la poursuite des objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique qui constituent, ainsi qu’il ressort des points 120 à 122
du présent arrêt, des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier des restrictions à la libre prestation des services.
178 Dans la mesure où le gouvernement slovène invoque également l’objectif d’une réduction des coûts imposée aux producteurs et fonde ainsi son argumentation sur l’efficacité économique, il appartient à la juridiction de renvoi, ainsi qu’il est rappelé au point 123 du présent arrêt, de vérifier si, en définitive, les restrictions concernées poursuivent l’objectif de la protection de l’environnement et de la santé publique.
3) Sur la condition de proportionnalité
i) Sur l’aptitude des restrictions à garantir la réalisation des objectifs poursuivis
179 S’agissant, premièrement, de l’exigence selon laquelle l’organisation unique est tenue d’exercer son activité sans but lucratif, rien dans le dossier dont dispose la Cour ne laisse penser qu’une telle mesure ne serait pas propre à garantir un système de gestion de déchets performant et, partant, la réalisation des objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique poursuivis par le législateur slovène. Ainsi que le soutient le gouvernement slovène, l’exigence tenant à l’exercice
sans but lucratif de l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs est susceptible de garantir que les coûts d’un tel service soient facturés aux producteurs en tenant compte uniquement des coûts effectifs de mise en œuvre de ces obligations, ces coûts étant fixés en fonction du caractère durable, réparable, réutilisable et recyclable du produit concerné. Une telle mesure s’inscrit, notamment, dans le respect du principe du
pollueur-payeur consacré par le droit de l’Union, ainsi qu’il est rappelé au point 81 du présent arrêt.
180 S’agissant, deuxièmement, des mesures relatives à la création de l’organisation chargée de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs ainsi qu’à la détention de participations dans celle-ci, il importe de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la définition figurant à l’article 3, point 21, de la directive 2008/98, la finalité des régimes de responsabilité élargie des producteurs instaurés conformément aux articles 8 et 8 bis de cette directive
est de garantir que les producteurs de produits soumis à des obligations de responsabilité élargie assument non seulement la responsabilité financière de la gestion des déchets issus de ces produits, mais également, le cas échéant, la responsabilité organisationnelle de cette activité.
181 Tant l’obligation, pour les producteurs soumis à des obligations de responsabilité élargie qui mettent sur le marché au moins 51 % de la quantité totale d’une même catégorie de produits relevant de la responsabilité élargie des producteurs, de créer une organisation exerçant l’activité de mise en œuvre collective de leurs obligations en la matière et de détenir une participation dans celle-ci que l’obligation, pour les détenteurs d’une participation dans cette organisation, d’être des
producteurs s’inscrivent directement dans cette finalité et apparaissent ainsi propres à garantir la réalisation des objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique. Cela vaut d’autant plus que ces règles permettent, de fait, d’impliquer nécessairement les producteurs détenant les plus grosses parts du marché concerné dans la responsabilité non seulement financière, mais également organisationnelle de la gestion de la phase « déchets » du cycle de vie d’un produit.
182 S’agissant, troisièmement, des règles relatives à l’interdiction de liens verticaux entre les organisations chargées de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, les détenteurs de participations dans celles-ci, les organes de direction de ces organisations ainsi que des prestataires de services de gestion des déchets, il ressort du considérant 22 de la directive 2018/851 que les exigences minimales prévues à l’article 8 bis de la
directive 2008/98 visent, notamment, à garantir des conditions de concurrence équitables ainsi qu’à limiter le risque de conflits d’intérêts entre lesdites organisations et les organismes de gestion des déchets auxquels les mêmes organisations ont recours.
183 Dans la mesure où ces règles visent à éviter des conflits d’intérêts dans les relations entre les différents opérateurs intervenant dans le cadre du régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal et, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général, en substance, au point 76 de ses conclusions, permettent ainsi de réduire le risque que, lors de l’attribution des marchés publics portant sur la fourniture des services de gestion de déchets par l’organisation chargée de la mise en
œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, des soumissionnaires ne répondant pas aux exigences économiques ou environnementales requises soient néanmoins sélectionnés sur le fondement de considérations non pertinentes, cet aspect du régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal apparaît lui aussi propre à garantir la réalisation des objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique.
ii) Sur la nécessité et le caractère proportionné au sens strict des restrictions concernées
184 S’agissant, premièrement, de l’exigence selon laquelle l’organisation unique est tenue d’exercer son activité sans but lucratif, le gouvernement slovène affirme que l’incitation à réaliser un bénéfice découlant du ZVO-1 empêchait d’atteindre l’objectif d’une protection adéquate de l’environnement. Il appartient, en tout état de cause, à la juridiction de renvoi de vérifier si le législateur slovène disposait de mesures moins restrictives lui permettant d’atteindre tout aussi efficacement les
objectifs poursuivis.
185 Pour ce qui est du caractère proportionné au sens strict des mesures en cause, ainsi qu’il ressort du point 104 du présent arrêt, la juridiction de renvoi devra également vérifier si ces mesures ne sont pas disproportionnées par rapport aux objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique poursuivis. Dans ce contexte, cette juridiction pourra tenir compte, notamment, des dysfonctionnements qui, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, caractérisaient le régime de
responsabilité élargie des producteurs prévu par le ZVO-1 et compromettaient la gestion efficace des déchets.
186 S’agissant, deuxièmement, des mesures relatives à la création de l’organisation chargée de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs ainsi qu’à la détention de participations dans celle-ci, le gouvernement slovène observe que ces mesures visent à assurer que seule une organisation unique peut être créée pour chaque catégorie de produits relevant de la responsabilité élargie des producteurs. En outre, il indique que lesdites mesures visent à
remédier à des lacunes constatées sous l’empire du ZVO-1 en ce qui concerne les liens organisationnels entre les producteurs et les organisations chargées de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs ainsi qu’à maximiser l’influence des producteurs sur le fonctionnement de cette organisation. Cette influence accrue sur la gestion, la direction et l’autocontrôle de l’organisation responsabiliserait les producteurs dès lors que cette
organisation assure, en leur nom et pour leur compte, la gestion adéquate des déchets issus des produits soumis à la responsabilité élargie des producteurs.
187 À cet égard, il convient de relever que ces mesures visent à permettre la création de l’organisation chargée de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs par les producteurs qui mettent sur le marché au moins 51 % de la quantité totale du produit concerné. Elles sont ainsi susceptibles de renforcer la responsabilisation de ces producteurs et, partant, de rendre plus efficace le fonctionnement des régimes de responsabilité élargie des
producteurs instaurés en vertu du ZVO-2.
188 En outre, compte tenu de la marge d’appréciation dont disposent les États membres lors du choix des mesures susceptibles de réaliser les objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique afin d’assurer un niveau de protection particulièrement élevé, le législateur national peut, en principe, estimer qu’il existe un risque que, si des opérateurs économiques qui ne sont pas des producteurs agissant sur le marché concerné sont en position d’exercer une influence sur la gestion de
l’organisation chargée de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, ceux-ci adoptent des décisions de gestion susceptibles de porter atteinte aux objectifs poursuivis par cette organisation (voir, par analogie, arrêt du 1er mars 2018, CMVRO, C‑297/16, EU:C:2018:141, point 82).
189 S’agissant, troisièmement, des règles relatives à l’interdiction de liens verticaux entre les organisations chargées de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, les détenteurs de participations dans celles-ci et des prestataires de services de gestion des déchets, le gouvernement slovène soutient que ces règles sont nécessaires afin de garantir la compétitivité dans le secteur de la gestion des déchets. En particulier, la création d’une
organisation unique pour un même type de produits pourrait conduire à une concentration de la demande pour certains services, ce qui donnerait à cette organisation un tel pouvoir de négociation qu’elle pourrait rompre l’équilibre économique et concurrentiel du marché de la gestion des déchets. Les règles relatives à l’interdiction de liens verticaux viseraient également à réduire les conflits d’intérêts entre les organisations qui mettent en œuvre les obligations en matière de responsabilité
élargie des producteurs au nom des producteurs et les prestataires de la gestion des déchets avec lesquels les organisations concluent des contrats.
190 Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si le législateur slovène avait la possibilité d’adopter des mesures qui, tout en étant moins restrictives, auraient permis d’atteindre tout aussi efficacement les objectifs poursuivis, étant entendu que le maintien des conditions de concurrence équitables dans le secteur de la gestion des déchets, ainsi que le bon fonctionnement de ce marché, revêtent une importance particulière dans le contexte de la mise en œuvre des articles 8 et 8 bis de la
directive 2008/98. Dans ce cadre, il appartient à cette juridiction de tenir compte de la marge d’appréciation dont disposent les États membres, eu égard au point 134 du présent arrêt, dans le choix des mesures susceptibles de réaliser lesdits objectifs.
4) Sur le respect de l’article 16 de la Charte
191 Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 105 à 110 du présent arrêt, il convient encore de vérifier si le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal est compatible avec les droits fondamentaux garantis par la Charte, en l’occurrence, avec la liberté d’entreprise garantie à l’article 16 de celle-ci.
192 Pour les mêmes raisons que celles énoncées aux points 179 à 190 du présent arrêt, rien dans le dossier dont dispose la Cour ne laisse apparaître que les restrictions à la liberté d’entreprise ne seraient pas susceptibles d’être justifiées conformément aux exigences prévues à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.
193 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que, sous réserve du respect du principe de proportionnalité, les articles 8 et 8 bis de la directive 2008/98, l’article 15 de la directive 2006/123, l’article 49 TFUE ainsi que l’article 16 de la Charte ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui :
– impose à une organisation chargée de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs disposant d’un droit exclusif d’exercer son activité sans but lucratif ;
– prévoit l’obligation, pour les producteurs soumis à des obligations de responsabilité élargie des producteurs qui mettent sur le marché au moins 51 % de la quantité totale d’une même catégorie de produits relevant de cette responsabilité élargie, de créer une telle organisation et de détenir une participation dans celle-ci ;
– prévoit l’obligation, pour les détenteurs d’une participation dans cette organisation, d’être producteurs sur le marché concerné ;
– prévoit l’interdiction, pour ces producteurs, d’exercer une activité de collecte et de traitement des déchets, ainsi que l’interdiction de liens de capital ou de parenté entre, d’un côté, ladite organisation, les membres de son organe de direction et les producteurs qui détiennent une participation dans celle-ci et, de l’autre côté, les personnes qui effectuent la collecte et le traitement des déchets ainsi que les personnes disposant d’un droit de vote dans l’organe de gestion ou l’organe de
surveillance de la même organisation.
4. Sur les mesures imposées aux producteurs souhaitant accéder au marché national
194 Enfin, par sa dixième question, la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité avec les articles 49 et 56 TFUE ainsi qu’avec l’article 16 de la Charte du recours obligatoire à l’organisation unique aux fins d’une mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs qui est imposé aux producteurs de produits destinés à un usage domestique souhaitant accéder au marché slovène.
a) Sur les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services
195 S’agissant de la réglementation visée par la dixième question, l’article 35, paragraphe 3, du ZVO-2 prévoit qu’un producteur peut, en principe, satisfaire individuellement à ses obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, sauf si les produits qu’il met sur le marché en Slovénie sont destinés à un usage domestique. En outre, l’article 37, paragraphes 3 et 4, du ZVO-2 impose aux producteurs qui sont ainsi tenus de satisfaire à leurs obligations en matière de responsabilité
élargie des producteurs de manière collective de conclure, à cet effet, un contrat avec l’organisation unique. Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, le refus de conclure un tel contrat est passible d’une amende.
196 Or, de telles dispositions sont susceptibles de relever tant de la liberté d’établissement que de la libre prestation des services, selon que l’opérateur économique concerné exerce ou non ses activités en Slovénie au moyen d’une installation stable, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 167 et 168 du présent arrêt.
197 S’agissant du point de savoir si le recours obligatoire à un prestataire spécifique constitue une restriction à la libre prestation des services, il convient de rappeler, d’une part, que, ainsi qu’il est relevé au point 51 du présent arrêt, la directive 2008/98 permet, en principe, aux producteurs de produits soumis à des régimes de responsabilité élargie des producteurs de satisfaire leurs obligations en la matière de manière individuelle ou collective. Lorsqu’un État membre opte pour une mise
en œuvre collective obligatoire pour une catégorie de produits donnée, les adaptations auxquelles les producteurs concernés doivent procéder pour se conformer à une telle exigence sont susceptibles d’entraîner des charges administratives et financières supplémentaires qui sont de nature à rendre moins attrayant l’accès au marché slovène. Cela vaut d’autant plus dans la mesure où la réglementation concernée s’applique également aux producteurs qui ne fournissent qu’occasionnellement des services
sur le marché slovène et que sa méconnaissance est assortie d’une sanction pécuniaire.
198 D’autre part, la Cour a jugé qu’une obligation de contracter imposée à des opérateurs économiques établis dans un autre État membre peut constituer une restriction à la libre prestation des services lorsqu’elle réduit la capacité des opérateurs concernés de livrer une concurrence efficace aux opérateurs déjà présents dans cet État (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2009, Commission/Italie, C‑518/06, EU:C:2009:270, point 70). Ainsi, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une restriction à
la libre prestation des services peut résulter de dispositions nationales soumettant les conditions d’accès d’un opérateur au marché concerné ainsi que les conditions d’exercice de l’activité économique de cet opérateur à l’intervention directe ou indirecte d’opérateurs concurrents déjà présents sur le marché national concerné, risquant ainsi de procurer à ces derniers des avantages concurrentiels (voir, en ce sens, arrêts du 15 janvier 2002, Commission/Italie, C‑439/99, EU:C:2002:14, point 39,
ainsi que du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, EU:C:2008:376, points 38 et 51).
199 En l’occurrence, l’article 38, paragraphe 10, du ZVO-2 prévoit que l’organisation unique est dotée d’un organe de surveillance pour le régime de responsabilité élargie des producteurs concerné, qui est composé de trois représentants des producteurs, détenteurs de participations dans cette organisation, de trois représentants de producteurs qui rejoignent l’organisation déjà constituée, ainsi que d’un représentant du ministère chargé de l’environnement. Parmi les pouvoirs dont dispose cet organe
en vertu de l’article 38, paragraphe 11, du ZVO-2 figurent, notamment, celui d’obtenir l’accès à certaines informations détenues par les producteurs concernant les produits relevant de la responsabilité élargie des producteurs ainsi que celui de choisir, selon des modalités prescrites, les personnes chargées de la collecte et du traitement des déchets pour le compte de l’organisation unique.
200 Il apparaît donc que l’activité de l’organisation unique avec laquelle tout producteur souhaitant accéder au marché slovène est tenu de contracter est substantiellement déterminée par des producteurs qui sont déjà présents sur le marché slovène. En outre, ainsi que la Commission l’a relevé dans ses observations écrites, il n’est pas exclu que les représentants de ces producteurs puissent exercer leur mandat en poursuivant les intérêts économiques propres à ces derniers et, compte tenu des
pouvoirs dont dispose cette organisation, faire bénéficier lesdits producteurs d’avantages concurrentiels en raison de leur présence dans celle-ci. S’il ressort certes de la décision de renvoi que, s’agissant des producteurs qui sont représentés dans l’organe de surveillance, les producteurs qui détiennent une participation dans ladite organisation et ceux qui ne détiennent pas de participation dans celle-ci sont placés sur un pied d’égalité et ont les mêmes droits de décision, il n’en demeure
pas moins que l’ensemble de ces producteurs sont des opérateurs économiques concurrents par rapport aux producteurs souhaitant accéder au marché slovène.
201 Dans ces conditions, le recours obligatoire à un prestataire spécifique est susceptible de rendre moins attrayant, pour les ressortissants d’autres États membres, l’exercice de la libre prestation des services dans l’État membre qui impose une telle obligation et constitue ainsi une restriction à la libre prestation des services garantie à l’article 56 TFUE. Pour des motifs analogues, les dispositions visées aux points 197 à 199 du présent arrêt sont susceptibles de rendre moins attrayant, pour
les ressortissants d’autres États membres, leur établissement dans l’État membre concerné, de sorte qu’elles constituent également une restriction à la liberté d’établissement garantie à l’article 49 TFUE.
b) Sur la justification des restrictions concernées
202 Conformément à la jurisprudence citée aux points 98 à 110 du présent arrêt, il convient de vérifier si ces restrictions peuvent néanmoins être justifiées.
1) Sur l’existence de raisons impérieuses d’intérêt général
203 Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, l’obligation imposée aux producteurs souhaitant accéder au marché slovène de contracter avec l’organisation unique aux fins de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs vise à renforcer la responsabilité organisationnelle des producteurs au sein du régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal et, partant, l’efficacité du système de gestion des déchets issus de produits
relevant de ce régime en Slovénie. Cette finalité s’inscrit dans la poursuite des objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique qui constituent, ainsi qu’il ressort des points 120 à 122 du présent arrêt, des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier des restrictions à la libre prestation des services.
2) Sur la condition de proportionnalité
i) Sur l’aptitude des restrictions à garantir la réalisation des objectifs poursuivis
204 En ce qui concerne l’aptitude d’une mesure prévoyant le recours obligatoire à un prestataire unique aux fins de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour atteindre les objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique poursuivis par le ZVO-2, tant le caractère obligatoire de ce recours à un prestataire unique que l’obligation pour les producteurs de produits soumis à cette responsabilité élargie de contracter avec une
organisation disposant d’un droit exclusif aux fins de l’exercice de cette activité apparaissent satisfaire à une telle exigence.
205 En effet, d’une part, rien dans le dossier dont dispose la Cour ne permet de penser que la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pourrait présenter des désavantages par rapport à une mise en œuvre individuelle de celles-ci, en particulier en ce qui concerne des flux de déchets. Au contraire, ainsi que le gouvernement néerlandais l’a soutenu dans ses observations écrites, l’obligation pour les producteurs de produits destinés à un usage
domestique de satisfaire à leurs obligations de manière collective par l’intermédiaire d’une organisation unique peut contribuer à empêcher ou du moins à réduire certains comportements abusifs de la part des producteurs de produits soumis à la responsabilité élargie des producteurs qui pourraient avoir recours aux dispositifs de reprise, de collecte ou de recyclage mis en place dans le cadre de cette mise en œuvre collective, mais sans s’acquitter des contributions prévues en fonction de la
quantité et du type de déchets qu’ils génèrent.
206 D’autre part, ainsi que la Commission l’a relevé dans ses observations écrites, l’obligation de contracter imposée aux producteurs soumis à la responsabilité élargie des producteurs s’inscrit dans une approche systématique et cohérente dans le cadre de la mise en place d’un monopole portant sur l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs. En tout état de cause, l’instauration d’un régime obligatoire de mise en œuvre collective des
obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs, conçu autour d’une organisation unique, est susceptible, ainsi que cela a été soutenu par les gouvernements slovène et néerlandais lors de la procédure devant la Cour, de faciliter la mise en place d’un système de gestion des déchets performant, en particulier dans des États membres de petite ou de moyenne taille.
ii) Sur la nécessité et le caractère proportionné au sens strict des restrictions concernées
207 En ce qui concerne la question de savoir si les objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique pourraient être atteints par des mesures moins restrictives, il apparaît que, ainsi qu’il ressort des points 132 à 134 du présent arrêt et sous réserve que le législateur national ait véritablement souhaité atteindre un niveau de protection de l’environnement et de la santé publique particulièrement élevé, le recours obligatoire à un prestataire unique aux fins de la mise en œuvre
collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs peut être considéré comme étant nécessaire pour atteindre ces objectifs.
208 Il appartient, en tout état de cause, à la juridiction de renvoi de vérifier que le législateur slovène ne disposait pas de la possibilité d’adopter des mesures qui, tout en étant aussi efficaces pour atteindre les objectifs poursuivis, auraient été moins restrictives, notamment en ce que le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal s’applique également aux producteurs qui ne fournissent qu’occasionnellement des services sur le marché slovène.
209 Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 104 du présent arrêt, la juridiction de renvoi devra vérifier si les mesures en cause au principal ne sont pas disproportionnées par rapport aux objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique poursuivis. Dans ce contexte, elle pourra tenir compte, notamment, des dysfonctionnements qui, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, caractérisaient le régime de responsabilité élargie des producteurs prévu par le ZVO-1.
3) Sur le respect de l’article 16 de la Charte
210 Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 105 à 110 du présent arrêt, il convient encore de vérifier si le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal est compatible avec les droits fondamentaux garantis par la Charte, en l’occurrence, avec la liberté d’entreprise garantie à l’article 16 de celle-ci.
211 À cet égard, d’une part, il ressort de la jurisprudence de la Cour que constitue une limitation à l’exercice de la liberté d’entreprise toute mesure susceptible d’avoir un effet suffisamment direct et significatif sur le libre exercice de l’activité professionnelle ou commerciale des opérateurs concernés (voir, en ce sens, ordonnance du 23 septembre 2004, Springer, C‑435/02 et C‑103/03, EU:C:2004:552, point 49).
212 D’autre part, la Cour a jugé que la protection conférée à l’article 16 de la Charte comporte également, au titre de la liberté contractuelle, le libre choix du partenaire économique [voir, en ce sens, arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 43 et jurisprudence citée, ainsi que du 12 janvier 2023, TP (Monteur audiovisuel pour la télévision publique), C‑356/21, EU:C:2023:9, point 74] et que l’imposition d’une obligation de contracter constitue une limitation
substantielle à la liberté contractuelle dont bénéficient, en principe, les opérateurs économiques (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2009, Commission/Italie, C‑518/06, EU:C:2009:270, point 66).
213 En l’occurrence, tant l’obligation pour les producteurs de produits à usage domestique de satisfaire à leurs obligations de manière collective que celle imposée à ces producteurs de contracter avec l’organisation unique sont susceptibles, en ce qu’elles constituent des restrictions à la libre prestation des services ainsi qu’à la liberté d’établissement, d’avoir un effet suffisamment direct et significatif sur le libre exercice de l’activité professionnelle desdits producteurs, de sorte qu’elles
constituent des limitations à l’exercice de leur liberté d’entreprise garanti à l’article 16 de la Charte. Ainsi qu’il est rappelé au point 108 du présent arrêt, de telles limitations peuvent cependant être justifiées.
214 S’agissant de la justification tenant au caractère obligatoire de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour les déchets issus de produits destinés à un usage domestique ainsi que l’obligation de contracter imposée aux producteurs de tels produits, premièrement, il est constant que ces obligations sont prévues par le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal.
215 Deuxièmement, ces limitations apportées à la liberté d’entreprise respectent le contenu essentiel de la liberté garantie à l’article 16 de la Charte. En effet, les exigences ainsi imposées n’empêchent pas toute activité entrepreneuriale en tant que telle, mais constituent des mesures de régulation de l’activité professionnelle ou commerciale des opérateurs concernés dont les conditions doivent, ainsi qu’il ressort du point 141 du présent arrêt, être appréciées dans le cadre de l’examen de leur
proportionnalité.
216 Troisièmement, lesdites limitations visent, ainsi qu’il est constaté au point 120 du présent arrêt, à garantir un système de gestion des déchets performant et, partant, la réalisation des objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique, de sorte qu’elles répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union.
217 S’agissant, quatrièmement, du respect du principe de proportionnalité, il résulte des points 204 à 206 du présent arrêt que le régime de responsabilité élargie des producteurs en cause au principal apparaît, en soi, propre à atteindre les objectifs poursuivis ainsi que nécessaire à cet effet. Cependant, il peut être déduit de la jurisprudence de la Cour que le respect de la liberté contractuelle exige également que toute intervention législative ou réglementaire de la part d’un État membre dans
les relations contractuelles d’un opérateur économique avec d’autres opérateurs économiques soit aménagée de sorte à en minimiser l’impact sur les intérêts de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Alemo-Herron e.a., C‑426/11, EU:C:2013:521, points 34 et 35).
218 De même, il découle de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que, en cas de limitation de la liberté contractuelle par voie législative de grande ampleur, celle-ci doit être assortie de garanties procédurales cohérentes permettant d’éviter toute charge excessive pour les personnes concernées et de garantir que le fonctionnement du système et son impact sur les droits de ces personnes ne soient ni arbitraires ni imprévisibles (voir, en ce sens, Cour EDH, 19 juin 2006,
Hutten–Czapska c. Pologne, CE:ECHR:2006:0619JUD003501497, § 167 et 168 ; Cour EDH, 14 octobre 2008, Maria Dumitrescu et Sorin Mugur Dumitrescu c. Roumanie, CE:ECHR:2008:1014JUD000729302, § 47 et 54, ainsi que Cour EDH, 28 janvier 2014, Bittó c. Slovaquie, CE:ECHR:2014:0128JUD003025509, § 98).
219 Il s’ensuit que, lorsqu’un État membre impose aux producteurs de produits soumis à la responsabilité élargie des producteurs le recours obligatoire à une organisation unique aux fins d’une mise en œuvre collective de leurs obligations en la matière, il lui incombe de veiller à ce que cette obligation soit assortie de garanties procédurales suffisantes, notamment en ce qui concerne d’éventuels conflits d’intérêts ou désavantages concurrentiels, permettant d’éviter toute charge excessive pour les
producteurs concernés dans l’exercice de leur activité économique résultant d’effets arbitraires ou imprévisibles sur leurs relations contractuelles. Dans la mesure où une réglementation nationale telle que celle en cause au principal doit être aménagée de sorte à en minimiser l’impact sur les intérêts des opérateurs économiques concernés, la juridiction de renvoi devra également vérifier, ainsi qu’il ressort du point 109 du présent arrêt, que l’importance des objectifs d’intérêt général
poursuivis par cette limitation est en relation avec la gravité de l’ingérence que comporte cette limitation.
220 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, sous réserve du respect du principe de proportionnalité, les articles 8 et 8 bis de la directive 2008/98, l’article 56 TFUE ainsi que l’article 16 de la Charte ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui rend obligatoire la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour les producteurs de produits soumis à cette responsabilité élargie et impose à ceux-ci de contracter avec une
organisation disposant d’un droit exclusif aux fins de l’exercice de cette activité, à condition cependant que ces obligations soient assorties de garanties procédurales suffisantes, notamment en ce qui concerne d’éventuels conflits d’intérêts ou désavantages concurrentiels, permettant d’éviter toute charge excessive pour les producteurs concernés dans l’exercice de leur activité économique résultant d’effets arbitraires ou imprévisibles sur leurs relations contractuelles.
5. Sur l’incidence de l’existence d’un service d’intérêt économique général sur la compatibilité des restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services avec le droit de l’Union
221 Si la juridiction de renvoi devait considérer, d’une part, que, compte tenu de la réponse apportée à la première question préjudicielle, l’activité de mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs doit être qualifiée de service d’intérêt économique général, au sens de l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2006/123 et de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, et, d’autre part, qu’une ou plusieurs dispositions du régime de responsabilité élargie
des producteurs en cause au principal ne sont pas conformes soit à l’article 15, paragraphes 1 à 3, de cette directive, soit aux articles 49 et/ou 56 TFUE, tels qu’interprétés, le cas échéant, à la lumière des droits et libertés énoncés aux articles 16 et 17 de la Charte et des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, il lui appartiendra encore de vérifier si ces restrictions peuvent être justifiées en application de l’article 15, paragraphe 4, de la
directive 2006/123 ou de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.
222 En effet, d’une part, l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2006/123 dispose que les paragraphes 1 à 3 de cet article ne s’appliquent à la législation dans le domaine des services d’intérêt économique général que dans la mesure où leur application ne fait pas échec à l’accomplissement, en droit ou en fait, de la mission particulière qui a été confiée à l’entreprise concernée. Ledit article ne s’oppose pas à une réglementation nationale imposant une exigence, au sens de son paragraphe 2,
qui ne satisfait pas aux conditions de non-discrimination, de nécessité et de proportionnalité prévues à son paragraphe 3, pour autant que cette exigence est nécessaire à l’exercice, dans des conditions économiquement viables, de la mission particulière de service public concernée (voir, en ce sens, arrêts du 23 décembre 2015, Hiebler, C‑293/14, EU:C:2015:843, point 73, et du 7 novembre 2018, Commission/Hongrie, C‑171/17, EU:C:2018:881, point 85).
223 D’autre part, l’article 106, paragraphe 2, TFUE, lu en combinaison avec le paragraphe 1 de cet article, permet de justifier l’octroi, par un État membre, à une entreprise chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général, de droits spéciaux ou exclusifs contraires aux règles des traités, dans la mesure où l’accomplissement de la mission particulière qui lui a été impartie ne peut être assuré que par l’octroi de tels droits et pour autant que le développement des échanges n’est pas
affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 23 mai 2000, Sydhavnens Sten & Grus, C‑209/98, EU:C:2000:279, point 74 ; du 18 décembre 2007, Asociación Profesional de Empresas de Reparto y Manipulado de Correspondencia, C‑220/06, EU:C:2007:815, point 78, ainsi que du 1er octobre 2009, Woningstichting Sint Servatius, C‑567/07, EU:C:2009:593, point 44).
224 Selon ses propres constatations, il incombera à la juridiction de renvoi de vérifier si les conditions rappelées aux points 222 et 223 du présent arrêt sont satisfaites, étant entendu que, pour que des obligations imposées à une entreprise chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général puissent être considérées comme relevant de la mission particulière qui lui a été impartie, il faut qu’elles présentent un lien avec l’objet du service d’intérêt économique général concerné et
qu’elles visent directement à contribuer à la satisfaction de cet intérêt (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 1997, Commission/France, C‑159/94, EU:C:1997:501, point 68).
225 Il incombe, en tout état de cause, aux autorités nationales invoquant l’existence d’un service d’intérêt économique général d’exposer, de façon circonstanciée, les raisons pour lesquelles l’absence de restriction à la liberté d’établissement ou à la libre prestation des services ferait échec à l’accomplissement en droit ou en fait d’une mission particulière de service public confiée à l’entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêts du 13 mai 2003, Commission/Espagne, C‑463/00, EU:C:2003:272,
point 82, ainsi que du 8 juin 2023, Prestige and Limousine, C‑50/21, EU:C:2023:448, point 75). Cette exigence ne saurait cependant aller jusqu’à exiger de ces autorités de démontrer, de manière positive, qu’aucune autre mesure imaginable ne permet d’assurer l’accomplissement de cette mission dans les mêmes conditions (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 1997, Commission/Pays-Bas, C‑157/94, EU:C:1997:499, point 58).
226 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre aux deuxième à dixième questions préjudicielles que les articles 8 et 8 bis de la directive 2008/98, l’article 15 de la directive 2006/123, les articles 49, 56 et 106 TFUE, les articles 16 et 17 de la Charte ainsi que les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime doivent être interprétés en ce sens que, sous réserve du respect du principe de proportionnalité, ils ne s’opposent pas à une
réglementation nationale qui :
– instaure une situation de monopole par la création d’une organisation chargée de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs qui dispose du droit exclusif d’exercer cette activité pour une catégorie de produits donnée, tout en prévoyant tant la révocation ex lege des autorisations ayant permis aux opérateurs économiques d’exercer ladite activité jusque-là que la résiliation ex lege de l’ensemble des contrats conclus par ces opérateurs dans
l’exercice de la même activité, à condition cependant, d’une part, que cette réglementation s’accompagne de la mise en place d’un cadre normatif propre à garantir que le titulaire de ce monopole sera effectivement à même de poursuivre, de manière cohérente et systématique, les objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique que l’État membre concerné s’est fixés au moyen d’une offre quantitativement mesurée et qualitativement aménagée en fonction de ces objectifs et soumise
à un contrôle strict de la part des autorités publiques et, d’autre part, qu’elle prévoie des adaptations à l’application des nouvelles règles propres à éviter toute charge excessive pour les opérateurs économiques concernés, en particulier une période transitoire d’une durée suffisante pour leur permettre de s’adapter aux modifications ou un système de compensation raisonnable du préjudice subi par ceux-ci ;
– impose à cette organisation d’exercer son activité sans but lucratif ;
– prévoit l’obligation, pour les producteurs soumis à des obligations de responsabilité élargie des producteurs qui mettent sur le marché au moins 51 % de la quantité totale d’une même catégorie de produits relevant de cette responsabilité élargie, de créer une telle organisation et de détenir une participation dans celle-ci ;
– prévoit l’obligation, pour les détenteurs d’une participation dans cette organisation, d’être producteurs sur le marché concerné ;
– prévoit l’interdiction, pour ces producteurs, d’exercer une activité de collecte et de traitement des déchets, ainsi que l’interdiction de liens de capital ou de parenté entre, d’un côté, ladite organisation, les membres de son organe de direction et lesdits producteurs et, de l’autre côté, les personnes qui effectuent la collecte et le traitement des déchets ainsi que les personnes disposant d’un droit de vote dans l’organe de gestion ou l’organe de surveillance de celle-ci ;
– rend obligatoire la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour les producteurs de produits soumis à cette responsabilité élargie et impose à ceux-ci de contracter avec la même organisation, à condition cependant que ces obligations soient assorties de garanties procédurales suffisantes, notamment en ce qui concerne d’éventuels conflits d’intérêts ou désavantages concurrentiels, permettant d’éviter toute charge excessive pour les
producteurs concernés dans l’exercice de leur activité économique résultant d’effets arbitraires ou imprévisibles sur leurs relations contractuelles.
IV. Sur les dépens
227 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :
1) L’article 106, paragraphe 2, TFUE
doit être interprété en ce sens que :
une personne morale qui, d’une part, bénéficie du droit exclusif d’exercer, conformément aux articles 8 et 8 bis de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives, telle que modifiée par la directive (UE) 2018/851 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018, une activité consistant à mettre en œuvre, pour une catégorie de produits donnée et sur l’ensemble du territoire d’un État membre, des
obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour le compte des producteurs concernés et qui, d’autre part, est tenue d’exercer cette activité sans but lucratif, doit être considérée comme étant une entreprise chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général, au sens de cet article 106, paragraphe 2, à condition que cette personne morale ait été effectivement chargée de l’exécution d’obligations de service public et que la nature, la durée et la portée de ces
obligations soient clairement définies dans le droit national.
2) Les articles 8 et 8 bis de la directive 2008/98, telle que modifiée par la directive 2018/851, l’article 15 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, les articles 49, 56 et 106 TFUE, les articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime
doivent être interprétés en ce sens que :
sous réserve du respect du principe de proportionnalité, ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui :
– instaure une situation de monopole par la création d’une organisation chargée de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs qui dispose du droit exclusif d’exercer cette activité pour une catégorie de produits donnée, tout en prévoyant tant la révocation ex lege des autorisations ayant permis aux opérateurs économiques d’exercer ladite activité jusque-là que la résiliation ex lege de l’ensemble des contrats conclus par ces opérateurs dans
l’exercice de la même activité, à condition cependant que, d’une part, cette réglementation s’accompagne de la mise en place d’un cadre normatif propre à garantir que le titulaire de ce monopole sera effectivement à même de poursuivre, de manière cohérente et systématique, les objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique que l’État membre concerné s’est fixés au moyen d’une offre quantitativement mesurée et qualitativement aménagée en fonction de ces objectifs et soumise
à un contrôle strict de la part des autorités publiques et, d’autre part, qu’elle prévoie des adaptations à l’application des nouvelles règles propres à éviter toute charge excessive pour les opérateurs économiques concernés, en particulier une période transitoire d’une durée suffisante pour leur permettre de s’adapter aux modifications ou un système de compensation raisonnable du préjudice subi par ceux-ci ;
– impose à cette organisation d’exercer son activité sans but lucratif ;
– prévoit l’obligation, pour les producteurs soumis à des obligations de responsabilité élargie des producteurs qui mettent sur le marché au moins 51 % de la quantité totale d’une même catégorie de produits relevant de cette responsabilité élargie, de créer une telle organisation et de détenir une participation dans celle-ci ;
– prévoit l’obligation, pour les détenteurs d’une participation dans cette organisation, d’être producteurs sur le marché concerné ;
– prévoit l’interdiction, pour ces producteurs, d’exercer une activité de collecte et de traitement des déchets, ainsi que l’interdiction de liens de capital ou de parenté entre, d’un côté, ladite organisation, les membres de son organe de direction et lesdits producteurs et, de l’autre côté, les personnes qui effectuent la collecte et le traitement des déchets ainsi que les personnes disposant d’un droit de vote dans l’organe de gestion ou l’organe de surveillance de celle-ci ;
– rend obligatoire la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour les producteurs de produits soumis à cette responsabilité élargie et impose à ceux-ci de contracter avec la même organisation, à condition cependant que ces obligations soient assorties de garanties procédurales suffisantes, notamment en ce qui concerne d’éventuels conflits d’intérêts ou désavantages concurrentiels, permettant d’éviter toute charge excessive pour les
producteurs concernés dans l’exercice de leur activité économique résultant d’effets arbitraires ou imprévisibles sur leurs relations contractuelles.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le slovène.