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15/05/2025 | CJUE | N°C-782/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, „Tauritus“ UAB contre Muitinės departamentas prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos., 15/05/2025, C-782/23


 ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

15 mai 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Union douanière – Code des douanes de l’Union – Méthode de détermination de la valeur en douane – Article 70 – Valeur transactionnelle – Marchandises importées sur la base d’un prix d’achat provisoire – Prix définitif dépendant de divers facteurs inconnus à la date d’acceptation de la déclaration en douane »

Dans l’affaire C‑782/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE,

introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), par décision du 13 déc...

 ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

15 mai 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Union douanière – Code des douanes de l’Union – Méthode de détermination de la valeur en douane – Article 70 – Valeur transactionnelle – Marchandises importées sur la base d’un prix d’achat provisoire – Prix définitif dépendant de divers facteurs inconnus à la date d’acceptation de la déclaration en douane »

Dans l’affaire C‑782/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), par décision du 13 décembre 2023, parvenue à la Cour le 19 décembre 2023, dans la procédure

« Tauritus » UAB

contre

Muitinės departamentas prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos,

en présence de :

Kauno teritorinė muitinė,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, MM. S. Rodin, N. Piçarra, Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure) et M. N. Fenger, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. M. Aleksejev, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 novembre 2024,

considérant les observations présentées :

– pour le gouvernement lituanien, par M. K. Dieninis, Mmes V. Kazlauskaitė-Švenčionienė et E. Kurelaitytė, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement espagnol, par Mme A. Pérez-Zurita Gutiérrez et M. A. Torró Molés, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement français, par M. M. de Lisi et Mme B. Travard, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mme J. Jokubauskaitė et Mme F. Moro, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 janvier 2025,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 70 et de l’article 173, paragraphe 3, du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1, et rectificatif JO 2013, L 287, p. 90, ci-après le « code des douanes de l’Union »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant « Tauritus » UAB au Muitinės departamentas prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos (département des douanes près le ministère des Finances de la République de Lituanie, ci-après le « département des douanes ») au sujet d’intérêts de retard réclamés par ce dernier à Tauritus sur un montant complémentaire de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à l’importation.

Le cadre juridique

3 La réglementation douanière de l’Union européenne comporte notamment le code des douanes de l’Union, le règlement délégué (UE) 2015/2446 de la Commission, du 28 juillet 2015, complétant le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil au sujet des modalités de certaines dispositions du code des douanes de l’Union (JO 2015, L. 343, p. 1), ainsi que le règlement d’exécution (UE) 2015/2447 de la Commission, du 24 novembre 2015, établissant les modalités d’application de certaines
dispositions du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil établissant le code des douanes de l’Union (JO 2015, L 343, p. 558).

Le code des douanes de l’Union

4 Conformément à l’article 15, paragraphe 2, sous a), du code des douanes de l’Union, le dépôt d’une déclaration en douane rend la personne concernée responsable de l’exactitude et du caractère complet des renseignements fournis dans cette déclaration.

5 L’article 48 de ce code, intitulé « Contrôle a posteriori », prévoit que les autorités douanières peuvent vérifier l’exactitude et le caractère complet des informations fournies, notamment, dans une déclaration en douane et peuvent examiner la comptabilité du déclarant ainsi que d’autres écritures se rapportant aux opérations relatives aux marchandises en question après octroi de la mainlevée.

6 L’article 70 dudit code, intitulé « Détermination de la valeur en douane sur la base de la valeur transactionnelle », dispose :

« 1.   La base première pour la détermination de la valeur en douane des marchandises est la valeur transactionnelle, c’est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation à destination du territoire douanier de l’Union, après ajustement, le cas échéant.

2.   Le prix effectivement payé ou à payer est le paiement total effectué ou à effectuer par l’acheteur au vendeur ou par l’acheteur à une tierce partie au bénéfice du vendeur, pour les marchandises importées et comprend tous les paiements effectués ou à effectuer comme condition de la vente des marchandises importées.

3.   La valeur transactionnelle s’applique à condition que l’ensemble des conditions suivantes soient remplies :

[...]

b) que la vente ou le prix ne soit pas subordonné à des conditions ou à des prestations dont la valeur n’est pas déterminable pour ce qui se rapporte aux marchandises à évaluer ;

[...] »

7 Les articles 71 et 72 du même code régissent les ajustements visés à l’article 70, paragraphe 1, de celui-ci, devant être éventuellement opérés pour déterminer la valeur en douane déterminée sur la base de la valeur transactionnelle en prévoyant les éléments qui, le cas échéant, soit doivent être ajoutés au prix effectivement payé ou à payer, soit, au contraire, ne doivent pas être inclus dans la valeur en douane.

8 L’article 73 du code des douanes de l’Union, intitulé « Simplification », dispose :

« Les autorités douanières peuvent, sur demande, autoriser que les montants ci-après soient déterminés sur la base de critères spécifiques, lorsqu’ils ne sont pas quantifiables à la date à laquelle la déclaration en douane est acceptée :

a) les montants à inclure dans la valeur en douane conformément à l’article 70, paragraphe 2 ; et

b) les montants visés aux articles 71 et 72. »

9 L’article 74 de ce code, intitulé « Méthodes secondaires de détermination de la valeur en douane », prévoit :

« 1.   Lorsque la valeur en douane des marchandises ne peut être déterminée par application de l’article 70, il y a lieu de passer successivement du point a) au point d) du paragraphe 2 [du présent article] jusqu’au premier de ces points qui permettra de la déterminer.

[...]

2.   La valeur en douane déterminée par application du paragraphe 1 est :

a) la valeur transactionnelle de marchandises identiques, [...]

b) la valeur transactionnelle de marchandises similaires, [...]

c) la valeur fondée sur le prix unitaire [...]

d) la valeur calculée, [...]

3.   Si la valeur en douane ne peut pas être déterminée par application du paragraphe 1, elle est déterminée, sur la base des données disponibles dans le territoire douanier de l’Union, par des moyens raisonnables compatibles avec tous les principes et toutes les dispositions générales suivantes :

a) l’accord relatif à la mise en œuvre de l’article VII de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ;

b) l’article VII de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ;

c) le présent chapitre. »

10 L’article 101 dudit code, intitulé « Détermination du montant des droits à l’importation ou à l’exportation », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Le montant des droits à l’importation ou à l’exportation exigibles est déterminé par les autorités douanières [...] dès qu’elles disposent des informations nécessaires.

2.   Sans préjudice de l’article 48, les autorités douanières peuvent accepter le montant des droits à l’importation ou à l’exportation exigibles déterminé par le déclarant. »

11 Dans le titre V, chapitre 2, du même code figure une section 3, intitulée « Déclarations en douane simplifiées », qui comporte notamment les articles 166 et 167 de ce code. Cet article 166, intitulé « Déclaration simplifiée », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les autorités douanières peuvent accepter qu’une personne obtienne que les marchandises soient placées sous un régime douanier sur la base d’une déclaration simplifiée qui peut omettre une partie des énonciations [nécessaires à l’application des dispositions régissant le régime douanier pour lequel les marchandises sont déclarées] ou les documents d’accompagnement [exigés pour l’application des dispositions régissant ce régime douanier]. »

12 Aux termes de l’article 167 du code des douanes de l’Union, intitulé « Déclaration complémentaire » :

« 1.   En cas de déclaration simplifiée au titre de l’article 166 [...], le déclarant dépose, au bureau de douanes compétent, dans un délai déterminé, une déclaration complémentaire comportant les énonciations nécessaires pour le régime douanier concerné.

En cas de déclaration simplifiée au titre de l’article 166, les documents d’accompagnement nécessaires sont en la possession du déclarant et à la disposition des autorités douanières dans un délai déterminé.

[...]

4.   La déclaration simplifiée visée à l’article 166 [...] et la déclaration complémentaire sont réputées constituer un acte unique et indivisible prenant effet [...] à la date à laquelle la déclaration simplifiée est acceptée conformément à l’article 172 [...] »

13 Aux termes de l’article 172, paragraphe 2, de ce code :

« La date d’acceptation de la déclaration en douane par les autorités douanières est, sauf dispositions contraires, la date à prendre en considération pour l’application des dispositions régissant le régime douanier pour lequel les marchandises sont déclarées et pour toutes les autres formalités d’importation ou d’exportation. »

14 L’article 173 dudit code, intitulé « Rectification d’une déclaration en douane », dispose :

« 1.   Le déclarant est autorisé, sur demande, à rectifier une ou plusieurs des énonciations de la déclaration en douane après son acceptation par les autorités douanières. [...]

[...]

3.   À la demande du déclarant, dans un délai de trois ans à compter de la date d’acceptation de la déclaration en douane, la rectification de la déclaration en douane peut être autorisée après la mainlevée des marchandises pour permettre au déclarant de satisfaire à ses obligations relatives au placement des marchandises sous le régime douanier concerné. »

15 Conformément à l’article 286, paragraphes 1 et 3, du même code, celui‑ci a abrogé et remplacé le règlement (CE) no 450/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, établissant le code des douanes communautaire (code des douanes modernisé) (JO 2008, L 145, p. 1).

16 En vertu de l’article 288, paragraphe 2, du code des douanes de l’Union, l’ensemble des dispositions de celui-ci mentionnées dans les points 4 à 14 du présent arrêt sont devenues applicables à partir du 1er mai 2016.

Le règlement délégué 2015/2446

17 L’article 71 du règlement délégué 2015/2446, intitulé « Simplification » et relatif à l’article 73 du code des douanes de l’Union, dispose, à son paragraphe 1 :

« L’autorisation visée à l’article 73 du [code des douanes de l’Union] peut être octroyée si les conditions suivantes sont remplies :

a) l’application de la procédure prévue à l’article 166 [de ce] code représenterait, dans ces circonstances, un coût administratif disproportionné ;

b) la valeur en douane déterminée ne différera pas de manière significative de celle déterminée en l’absence d’autorisation. »

Le règlement d’exécution 2015/2447

18 L’article 128 du règlement d’exécution 2015/2447, intitulé « Valeur transactionnelle » et relatif à l’article 70, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union, prévoit, à son paragraphe 1 :

« La valeur transactionnelle des marchandises vendues pour l’exportation à destination du territoire douanier de l’Union est fixée au moment de l’acceptation de la déclaration en douane, sur la base de la vente intervenue immédiatement avant que les marchandises aient été introduites sur ce territoire douanier. »

19 L’article 130 de ce règlement d’exécution, intitulé « Réductions » et relatif à l’article 70, paragraphes 1 et 2, du code des douanes de l’Union, dispose :

« 1.   Afin de déterminer la valeur en douane en vertu de l’article 70, paragraphe 1, du [code des douanes de l’Union], les réductions sont prises en considération si, au moment de l’acceptation de la déclaration en douane, le contrat de vente prévoit leur application et leur montant.

[...]

3.   Les réductions découlant de modifications apportées au contrat après l’acceptation de la déclaration en douane ne sont pas prises en considération. »

20 L’article 133 dudit règlement d’exécution, intitulé « Détermination de la valeur des conditions et prestations » et relatif à l’article 70, paragraphe 3, sous b), du code des douanes de l’Union, est libellé comme suit :

« Si la vente ou le prix des marchandises importées est subordonné à une condition ou à une prestation dont la valeur est déterminable pour ce qui se rapporte aux marchandises à évaluer, ladite valeur est à considérer comme une partie du prix effectivement payé ou à payer, [...]

[...] »

21 L’article 144 du même règlement d’exécution, intitulé « Valeur déterminée sur la base des données disponibles (méthode “fall back”) » et relatif à l’article 74, paragraphe 3, du code des douanes de l’Union, dispose, à son paragraphe 1 :

« Lors de la détermination de la valeur en douane en vertu de l’article 74, paragraphe 3, du [code des douanes de l’Union], il peut être fait preuve d’une souplesse raisonnable dans l’application des méthodes prévues aux articles 70 et 74, paragraphe 2, [de ce] code. La valeur ainsi déterminée se fonde, dans la plus grande mesure possible, sur des valeurs en douane déterminées antérieurement. »

La directive 2006/112/CE

22 L’article 85 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), prévoit :

« Pour les importations de biens, la base d’imposition est constituée par la valeur définie comme la valeur en douane par les dispositions [du droit de l’Union] en vigueur. »

23 Aux termes de l’article 273, premier alinéa, de cette directive :

« Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, [...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

24 Tauritus a importé en Lituanie du carburant diesel et du carburéacteur pendant la période allant du 1er octobre 2015 au 30 avril 2017.

25 Les contrats conclus avec les fournisseurs et les factures pro forma établies par ceux-ci mentionnaient un prix provisoire pour l’achat de ces marchandises.

26 Ces contrats prévoyaient que, ultérieurement, ce prix provisoire serait ajusté en fonction du prix moyen du carburant concerné sur le marché pendant une période déterminée et du taux de change moyen au cours de cette période. Le prix final pouvait être supérieur ou inférieur au prix provisoire. Il était déterminé dans des avenants aux contrats d’achat et donnait lieu à l’émission de factures définitives.

27 Dans les déclarations en douane des marchandises importées, Tauritus mentionnait leur prix provisoire à titre de valeur en douane et indiquait le code 6 en ce qui concerne la méthode utilisée pour déterminer cette valeur, ce qui correspondait à une valeur en douane établie sur la base des données disponibles dans le territoire douanier de l’Union, suivant la méthode résiduelle, dite « fall back », prévue à l’article 74, paragraphe 3, du code des douanes de l’Union.

28 Une fois en possession des factures définitives, cette société introduisait généralement des demandes de rectification de la valeur des marchandises indiquée dans ses déclarations en douane.

29 À l’occasion d’un contrôle a posteriori réalisé le 26 mai 2017 par la Kauno teritorinė muitinė (service régional des douanes de Kaunas, Lituanie) (ci-après le « service régional des douanes »), il est toutefois apparu que, entre le 29 septembre 2016 et le 1er février 2017, Tauritus avait déposé treize déclarations en douane pour lesquelles elle n’avait pas demandé ultérieurement une rectification de la valeur en douane des marchandises, bien qu’elle ait reçu, entre le 6 février et le 15 mars
2017, des factures définitives pour les marchandises concernées, mentionnant un prix final supérieur au prix provisoire et, dès lors, à la valeur en douane indiquée dans ces déclarations. Partant, cette société n’avait pas payé de supplément de TVA à l’importation pour ces marchandises. La juridiction de renvoi précise cependant qu’aucun élément du dossier de l’affaire au principal ne conduit à considérer que ces faits procéderaient d’une intention frauduleuse.

30 À la suite de ce contrôle, le service régional des douanes a adopté une décision dans le cadre de laquelle il a appliqué la méthode de détermination de la valeur en douane sur la base de la valeur transactionnelle prévue à l’article 70, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union (ci-après la « méthode de la valeur transactionnelle ») et, en conséquence, a retenu, à titre de valeur en douane des marchandises concernées, le prix final indiqué sur les factures définitives. Sur cette base, il a
réclamé à Tauritus, entre autres, le paiement des sommes complémentaires dues au titre de la TVA à l’importation, majorées des intérêts de retard pour la période comprise entre la date d’acceptation des déclarations en douane concernées et le 14 septembre 2017, date d’établissement du rapport de contrôle.

31 Tauritus a introduit une réclamation contre cette décision devant le département des douanes, puis un recours administratif devant la Mokestinių ginčų komisija prie Lietuvos Respublikos Vyriausybės (Commission des litiges fiscaux près le gouvernement de la République de Lituanie), qui ont été rejetés, de même que le recours formé ensuite devant la juridiction administrative de première instance compétente.

32 Saisi d’un appel contre le jugement de cette juridiction, le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a jugé, par un arrêt du 17 juin 2020, que c’était à tort que le service régional des douanes avait calculé la valeur en douane des marchandises selon la méthode de la valeur transactionnelle, au motif que le prix final des marchandises ne pouvait pas servir de base pour la déclaration en douane dès lors qu’il n’était pas connu à la date de dépôt de
cette déclaration. Le litige a été renvoyé devant le département des douanes pour réexamen.

33 Par une décision du 31 décembre 2020, le département des douanes a confirmé la décision du service régional des douanes, considérant que Tauritus était tenue de payer des intérêts de retard sur le complément de TVA à l’importation relatif aux marchandises concernées. Il a notamment estimé que cette société aurait dû demander un ajustement de la valeur en douane figurant dans les déclarations en douane sur la base du prix final des marchandises et que, dès lors que ladite société ne s’était pas
acquittée de cette obligation avant le début du contrôle a posteriori, le service régional des douanes était fondé à rectifier les déclarations en douane concernées et à réclamer des intérêts de retard à compter de la date de dépôt de ces déclarations.

34 Le recours introduit par Tauritus contre cette décision devant la juridiction administrative de première instance compétente ayant été rejeté, cette société a de nouveau interjeté appel devant le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), qui est la juridiction de renvoi.

35 Celle-ci considère que la pratique de l’administration douanière lituanienne requiert que soient interprétés l’article 70 et l’article 173, paragraphe 3, du code des douanes de l’Union, afin de lui permettre de déterminer le montant de la dette de TVA à l’importation due et la date d’exigibilité de cette dette, éléments qu’elle doit établir afin de pouvoir statuer sur l’existence d’une obligation de payer des intérêts de retard, seule question litigieuse dans le cadre de l’affaire au principal.

36 En premier lieu, la juridiction de renvoi estime qu’il résulte de l’article 70 du code des douanes de l’Union et de l’article 128, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/2447 que l’application de la méthode de la valeur transactionnelle requiert que le prix effectivement payé ou à payer soit connu ou puisse être établi au moment du dépôt de la déclaration en douane. Elle relève, en particulier, que l’article 70, paragraphe 3, sous b), de ce code exclut l’application de cette méthode lorsque
la vente ou le prix est subordonné à des conditions ou à des prestations dont la valeur n’est pas déterminable pour ce qui se rapporte aux marchandises à évaluer. Or, en l’occurrence, cette juridiction tend à considérer que l’ajustement ultérieur du prix provisoire est une condition de la vente dont l’effet sur le prix final n’aurait été ni déterminé ni déterminable. Elle en déduit qu’il était impossible d’utiliser ladite méthode.

37 En outre, l’application de la méthode de la valeur transactionnelle dans des conditions telles que celles de l’affaire au principal serait incompatible avec l’obligation d’exactitude énoncée à l’article 15, paragraphe 2, sous a), du code des douanes de l’Union. En effet, indiquer dans une déclaration en douane un prix qui sera modifié par la suite reviendrait à retenir une valeur en douane arbitraire ou fictive.

38 En second lieu, la juridiction de renvoi doute que l’article 173, paragraphe 3, du code des douanes de l’Union impose d’introduire une demande de rectification d’une déclaration en douane relative à des marchandises dont la valeur avait été déterminée en application de l’article 74 de ce code, sur la base d’une facture de vente provisoire, une fois qu’est connu le prix final de ces marchandises.

39 Cette juridiction relève à cet égard que, conformément à l’article 173, paragraphe 2, du code des douanes de l’Union, une fois la mainlevée des marchandises accordée, l’importateur n’est plus autorisé à rectifier la déclaration en douane, sous réserve de l’exception prévue à l’article 173, paragraphe 3, de ce code, concernant une rectification pour permettre au déclarant de satisfaire à ses obligations relatives au placement des marchandises sous le régime douanier concerné.

40 Or, cet article 173, paragraphe 3, énoncerait une exception, d’interprétation stricte, dont l’applicabilité dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal serait douteuse, car ne constituerait pas une erreur ou une inexactitude qu’il faudrait rectifier le fait de ne pas avoir suivi une méthode de détermination de la valeur en douane qu’il était impossible d’appliquer au moment du dépôt de la déclaration en douane. Ladite juridiction considère à cet égard que le règlement
d’exécution 2015/2447 ne prévoit pas la possibilité de rectifier la déclaration en douane dans un cas où le prix effectivement dû pour les marchandises concernées résulte de modifications apportées au contrat de vente après le dépôt de la déclaration en douane. Elle relève, au contraire, que ce règlement d’exécution interdit, à son article 130, paragraphe 3, de prendre en considération des réductions découlant de modifications apportées au contrat après l’acceptation de cette déclaration.

41 C’est dans ces conditions que le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Convient-il d’interpréter l’article 70 du [code des douanes de l’Union] en ce sens que son paragraphe 1 ne s’applique pas dans le cas où [...], au moment de l’acceptation de la déclaration en douane, sur la base de la vente intervenue immédiatement avant que les marchandises aient été introduites sur le territoire douanier [de l’Union], seul est connu un prix provisoire qui (après le dépôt de la déclaration en douane et la mise en libre pratique des marchandises) est ajusté à la hausse ou à
la baisse en fonction de circonstances indépendantes de la volonté des parties [à la vente] et encore inconnues au moment du dépôt de la déclaration en douane ?

2) Convient-il d’interpréter l’article 173, paragraphe 3, du [code des douanes de l’Union] en ce sens que le déclarant n’a pas d’obligation d’adresser à l’administration des douanes une demande d’ajustement de la valeur en douane déclarée, qui avait été déterminée en application de l’article 74 de ce code, une fois qu’est connu [...], après la mise en libre pratique des marchandises, le prix effectivement à payer pour celles-ci, visé à l’article 70, paragraphe 1, dudit code, prix qui n’était pas
et ne pouvait pas être connu au moment du dépôt de la déclaration ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité

42 À titre liminaire, la Cour observe que le litige au principal porte non pas sur le montant complémentaire de TVA réclamé par le service régional des douanes, mais sur les intérêts de retard appliqués à ce montant, qui paraissent être seuls contestés par Tauritus. Or, les questions posées par la juridiction de renvoi portent exclusivement sur la détermination de la valeur en douane de marchandises importées dans des conditions telles que celles de l’affaire au principal et, partant, sur la
régularité de la demande de paiement d’un montant complémentaire de TVA dans de telles circonstances.

43 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence,
dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêts du 21 avril 1988, Pardini, 338/85, EU:C:1988:194, point 8, et du 22 octobre 2024, Kolin Inşaat Turizm Sanayi ve Ticaret, C‑652/22, EU:C:2024:910, point 36).

44 Cela étant, la Cour ne saurait statuer sur une question préjudicielle lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle du droit de l’Union, demandée par une juridiction nationale, n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige dont celle-ci est saisie, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêts du
13 juillet 2000, Idéal tourisme, C-36/99, EU:C:2000:405, point 20, et du 4 octobre 2024, Biohemp Concept, C‑793/22, EU:C:2024:837, point 27).

45 En l’occurrence, tel n’est toutefois pas le cas. En particulier, la juridiction de renvoi a exposé de manière suffisamment claire les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation de certaines dispositions du droit de l’Union qu’elle considère nécessaire pour être en mesure de rendre son jugement et il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation sollicitée est sans rapport avec le litige au principal ou que le problème soulevé présente un caractère hypothétique.

46 Cette constatation n’est pas remise en cause par la circonstance que le litige au principal semble ne concerner que les intérêts réclamés par l’administration douanière, le montant de la TVA n’étant lui-même pas contesté.

47 En effet, s’il incombe aux États membres, en vertu de l’article 273 de la directive 2006/112 et de l’article 325, paragraphe 1, TFUE, de prendre toutes les mesures législatives et administratives propres, notamment, à garantir la perception de l’intégralité de la TVA due sur leurs territoires respectifs, parmi lesquelles la perception d’intérêts moratoires, dans la mesure où celle-ci contribue à lutter contre le non-paiement des montants dus au titre de cette taxe dans les délais impartis (voir,
en ce sens, arrêt du 13 octobre 2022, Direktor na Direktsia  Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika , C‑1/21, EU:C:2022:788, point 92), il résulte des termes de cet article 273 que de telles mesures doivent contribuer à assurer l’exacte perception de la TVA.

48 Or, par ses questions relatives à la méthode selon laquelle la base imposable doit être déterminée dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la juridiction de renvoi vise précisément à établir, entre autres, le montant de la TVA effectivement due et la date d’exigibilité de ce montant, qui, ainsi qu’elle l’expose, sont des éléments dont dépend la régularité de la demande de paiement d’intérêts de retard contestée par Tauritus.

49 Les questions préjudicielles sont dès lors recevables.

Sur la première question

50 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 70 du code des douanes de l’Union doit être interprété en ce sens que, lorsque, au moment où des marchandises sont importées dans le territoire douanier de l’Union, est seul connu leur prix provisoire, qui figure sur une facture pro forma, le contrat de vente stipulant que leur prix final sera fixé ultérieurement, par une facture définitive, sur la base de certains facteurs objectifs prédéterminés dont la
valeur est indépendante de la volonté des parties et inconnue de celles-ci au moment de l’acceptation de la déclaration en douane, tels qu’une moyenne du taux de change de certaines devises ou du cours de certains produits pendant une période donnée, la valeur en douane de ces marchandises doit être déterminée par application de la méthode de la valeur transactionnelle, prévue à cet article.

51 Il convient de rappeler, d’emblée, que le droit de l’Union relatif à l’évaluation en douane vise à établir un système équitable, uniforme et neutre qui exclut l’utilisation de valeurs en douane arbitraires ou fictives. La valeur en douane doit donc refléter la valeur économique réelle d’une marchandise importée et, dès lors, tenir compte de l’ensemble des éléments de cette marchandise qui présentent une valeur économique (arrêt du 9 juin 2022, Baltic Master, C‑599/20, EU:C:2022:457, point 24 et
jurisprudence citée).

52 Par ailleurs, aux termes mêmes des articles 70 et 74 du code des douanes de l’Union, d’une part, la valeur transactionnelle des marchandises constitue la « base première pour la détermination de la valeur en douane » et, d’autre part, le recours à d’autres bases pour la détermination de cette valeur relève de « méthodes secondaires », ne devant être utilisées que « [l]orsque la valeur en douane des marchandises ne peut être déterminée par application de [cet] article 70 ».

53 Ainsi, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 36 de ses conclusions, les articles 70 à 74 du code des douanes de l’Union établissent expressément une hiérarchie entre les diverses méthodes de détermination de la valeur en douane qu’il prévoit, de sorte qu’un importateur n’est pas libre de choisir la méthode à laquelle il va recourir.

54 Partant, la valeur en douane des marchandises importées doit être déterminée, en priorité, selon la méthode de la valeur transactionnelle, cette méthode étant supposée être la plus adaptée (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2022, Baltic Master, C‑599/20, EU:C:2022:457, point 26 et jurisprudence citée), tandis que les méthodes mentionnées à l’article 74 du code des douanes de l’Union doivent être considérées comme des méthodes subsidiaires (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Hamamatsu
Photonics Deutschland, C‑529/16, EU:C:2017:984, point 26 et jurisprudence citée). Il en est spécialement ainsi de la méthode résiduelle mentionnée à l’article 74, paragraphe 3, de ce code, qui n’est applicable que si la valeur en douane ne peut être déterminée ni au moyen de la méthode de la valeur transactionnelle ni au moyen de l’une des méthodes subsidiaires mentionnées au paragraphe 2 de cet article.

55 En l’occurrence, la juridiction de renvoi s’interroge sur les implications éventuelles, quant à la méthode de détermination de la valeur en douane de marchandises, de la circonstance que, au moment du dépôt de la déclaration en douane, seul un prix provisoire est connu, le prix final ne devant être fixé qu’ultérieurement, lorsque seront établies les valeurs des différents facteurs dont les parties à la vente sont convenues de faire dépendre ce prix final.

56 En vertu de l’article 70, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union, la valeur en douane des marchandises importées est constituée par leur valeur transactionnelle, à savoir le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation à destination du territoire douanier de l’Union, sous réserve, le cas échéant, des ajustements devant être effectués conformément aux articles 71 et 72 de ce code. Il résulte du paragraphe 2 de cet article 70 que ce
prix comprend tous les paiements effectués ou à effectuer comme condition de la vente des marchandises importées.

57 Il ressort du dossier dont dispose la Cour que la réévaluation du prix provisoire mentionné dans les factures pro forma, telle qu’elle était prévue dans les contrats en cause au principal, visait à déterminer le prix final des marchandises importées. Partant, il y a lieu de considérer que la valeur transactionnelle de celles-ci est constituée par ce prix final. La juridiction de renvoi émet toutefois des doutes sur la possibilité d’appliquer une telle valeur transactionnelle afin de déterminer la
valeur en douane de ces marchandises au motif que leur prix final n’était pas connu à la date à laquelle lesdites marchandises ont été importées dans le territoire douanier de l’Union.

58 À cet égard, il importe de souligner que l’article 70, paragraphe 3, sous b), du code des douanes de l’Union prévoit que la méthode transactionnelle ne peut être employée qu’à condition que la vente ou le prix ne soit pas subordonné à des conditions ou à des prestations dont la valeur n’est pas déterminable pour ce qui se rapporte aux marchandises à évaluer.

59 Or, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il ressort de la décision de renvoi que le prix de vente final des marchandises en cause au principal était déterminable dès la conclusion des contrats de vente de ces marchandises, eu égard aux modalités contractuelles de détermination de ce prix final, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 43 et 44 de ses conclusions.

60 En effet, la réévaluation du prix provisoire des marchandises importées, telle qu’elle était prévue dans les contrats en cause au principal, dépendait de facteurs objectifs, prédéterminés et extérieurs à la volonté des parties à ces contrats. En outre, il paraît découler du dossier dont dispose la Cour que ces parties étaient tenues de procéder à cette réévaluation.

61 Dans la mesure où, en l’occurrence, le prix final des marchandises paraissait déterminable à la date de l’importation de ces marchandises dans le territoire douanier de l’Union, la simple circonstance que ce prix n’était pas déterminé à cette date ne saurait suffire à exclure que la fixation de la valeur en douane desdites marchandises ait lieu sur la base de leur valeur transactionnelle. En effet, il ressort du texte même de l’article 70 du code des douanes de l’Union que cette valeur
transactionnelle peut correspondre non seulement au « prix effectivement payé » pour les marchandises concernées, mais aussi au « prix à payer » pour ces marchandises.

62 Du reste, il résulte de l’arrêt du 19 novembre 2020, 5th AVENUE Products Trading (C‑775/19, EU:C:2020:948, points 8, 9, 43 et 47), qu’un montant correspondant à un pourcentage du chiffre d’affaires annuel réalisé sur un territoire donné par l’importateur de marchandises et qui est dû au vendeur, en plus du prix initialement facturé, en contrepartie d’un droit de distribution exclusif doit être intégré à la valeur en douane de ces marchandises, bien que ce montant ne soit déterminé qu’a
posteriori.

63 En outre, il convient de relever que les articles 166 et 167 du code des douanes de l’Union prévoient une procédure de déclaration en douane simplifiée permettant de tenir compte d’une réévaluation contractuelle de la valeur transactionnelle des marchandises, devant intervenir après l’acceptation de la déclaration en douane de celles-ci, telle que la réévaluation prévue dans les contrats en cause au principal.

64 En effet, conformément à l’article 166, paragraphe 1, de ce code, les autorités douanières peuvent permettre le placement de marchandises sous un régime douanier sur la base d’une déclaration simplifiée qui peut omettre une partie des énonciations nécessaires à l’application des dispositions régissant le régime douanier pour lequel les marchandises sont déclarées ou les documents d’accompagnement exigés pour cette application, l’article 167 dudit code prévoyant que, dans un délai déterminé, le
déclarant procède au dépôt d’une déclaration complémentaire comportant les énonciations nécessaires pour le régime douanier concerné et à la mise à la disposition des autorités douanières des documents d’accompagnement nécessaires.

65 Dans le cadre de cette procédure, une déclaration simplifiée mentionnant une valeur en douane correspondant au prix provisoire indiqué sur la facture pro forma peut être faite, suivie d’une déclaration complémentaire, mentionnant une valeur en douane correspondant au prix final indiqué dans la facture définitive.

66 Ainsi que M. l’avocat général l’a souligné, en substance, respectivement, aux points 58 et 65 à 67 de ses conclusions, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, le recours à la procédure de déclaration en douane simplifiée prévue aux articles 166 et 167 du code des douanes de l’Union permet, d’une part, de déclarer une valeur en douane qui, conformément à la méthode prioritaire de la valeur transactionnelle, reflète la valeur économique réelle des marchandises importées,
c’est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour l’acquisition de celles-ci, et, d’autre part, de satisfaire à l’obligation d’exactitude et de complétude imposée à l’article 15, paragraphe 2, sous a), de ce code, notamment en indiquant d’emblée aux autorités douanières que des marchandises importées sont déclarées, provisoirement, pour une valeur qui ne correspond pas à leur valeur transactionnelle.

67 Il convient d’ajouter que la simplification de la détermination de la valeur en douane prévue à l’article 73 du code des douanes de l’Union ne semble pas applicable dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, ce qu’il revient toutefois à la juridiction de renvoi de déterminer.

68 Certes, en vertu de cet article, les autorités douanières peuvent autoriser que les montants à inclure dans la valeur en douane conformément à l’article 70, paragraphe 2, de ce code soient déterminés sur la base de critères spécifiques lorsqu’ils ne sont pas quantifiables à la date à laquelle la déclaration en douane est acceptée.

69 Cependant, en application de l’article 71, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/2446, l’octroi de cette autorisation est soumis à deux conditions, à savoir, d’une part, que l’application de la procédure de déclaration en douane simplifiée prévue aux articles 166 et 167 du code des douanes de l’Union représenterait un coût administratif disproportionné et, d’autre part, que la valeur en douane déterminée sur la base de tels critères spécifiques ne diffère pas de manière significative de celle
déterminée en l’absence d’une telle autorisation.

70 Or, indépendamment du fait que le recours à une telle simplification requiert une autorisation préalable, dont les circonstances de l’affaire au principal laissent présumer qu’elle n’a pas été sollicitée en l’occurrence, il n’apparaît nullement que l’application de la procédure de déclaration en douane simplifiée aurait représenté un coût administratif disproportionné pour l’importateur en cause au principal.

71 En conséquence, il découle de ce qui précède que, dans de telles circonstances, la valeur des marchandises importées doit être déterminée sur la base de la méthode de la valeur transactionnelle, en recourant à la procédure de déclaration en douane simplifiée prévue aux article 166 et 167 du code des douanes de l’Union.

72 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’arrêt du 20 décembre 2017, Hamamatsu Photonics Deutschland (C‑529/16, EU:C:2017:984). En effet, comme l’a indiqué M. l’avocat général au point 45 de ses conclusions, les considérations émises par la Cour dans cet arrêt ne sont pas transposables aux circonstances de l’affaire au principal.

73 À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt concernait la révision des prix de transfert conclus entre des sociétés appartenant à un même groupe, en fonction d’une répartition a posteriori de bénéfices résiduels entre les entités de ce groupe, sur la base de critères fixés par la société mère.

74 Or, en principe, la valeur économique réelle d’une marchandise, que la valeur en douane doit refléter (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2022, Baltic Master, C‑599/20, EU:C:2022:457, point 24 et jurisprudence citée), ne saurait découler d’une répartition a posteriori de bénéfices entre les parties à la vente, sur la base d’une décision prise par l’une de ces parties.

75 D’autre part, l’arrêt du 20 décembre 2017, Hamamatsu Photonics Deutschland (C‑529/16, EU:C:2017:984), relève d’un contexte juridique différent de l’affaire au principal, puisqu’il concerne, en particulier, l’application d’une disposition, à savoir l’article 78, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), relative à une procédure de révision de la déclaration en douane qui ne se retrouve pas dans
le code des douanes de l’Union.

76 Enfin, il convient de préciser que la circonstance, relevée par la juridiction de renvoi, que le déclarant ait agi sans intention frauduleuse est dépourvue d’incidence. En effet, l’article 15 du code des douanes de l’Union oblige toute personne intervenant dans l’accomplissement des formalités douanières à fournir des renseignements exacts et complets dans la déclaration en douane, l’inobservation de cette obligation constituant une « infraction à la législation douanière », au sens de
l’article 42, paragraphe 1, de ce code, car cette notion ne vise pas uniquement des activités frauduleuses, mais inclut toute inobservation de la législation douanière de l’Union, indépendamment de la question de savoir si cette inobservation a été intentionnelle ou a été commise par négligence, ou, encore, en l’absence de tout comportement fautif de l’opérateur concerné (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2023, J. P. Mali, C‑653/22, EU:C:2023:912, points 28 et 29 ainsi que jurisprudence
citée).

77 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 70 du code des douanes de l’Union doit être interprété en ce sens que, lorsque, au moment où des marchandises sont importées dans le territoire douanier de l’Union, est seul connu leur prix provisoire, qui figure sur une facture pro forma, le contrat de vente stipulant que leur prix final sera fixé ultérieurement, par une facture définitive, sur la base de certains facteurs
objectifs prédéterminés dont la valeur est indépendante de la volonté des parties et inconnue de celles-ci au moment de l’acceptation de la déclaration en douane, tels qu’une moyenne du taux de change de certaines devises ou du cours de certains produits pendant une période donnée, la valeur en douane de ces marchandises doit être déterminée par application de la méthode de la valeur transactionnelle, prévue à cet article, en recourant, en principe, à la procédure de déclaration en douane
simplifiée prévue aux articles 166 et 167 de ce code.

Sur la seconde question

78 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 173, paragraphe 3, du code des douanes de l’Union doit être interprété en ce sens que, lorsque la valeur en douane de marchandises ayant fait l’objet d’une vente, telle que celle en cause au principal, a été déclarée conformément à l’article 74, paragraphe 3, de ce code, sur la base de prix provisoires mentionnés sur une facture initiale, le déclarant doit demander l’autorisation de rectifier la déclaration en
douane une fois connu le prix final de ces marchandises.

79 Dès lors qu’il résulte de la réponse à la première question que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la valeur en douane des marchandises doit être déclarée conformément à l’article 70 du code des douanes de l’Union, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.

Sur les dépens

80 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

  L’article 70 du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union,

  doit être interprété en ce sens que :

  lorsque, au moment où des marchandises sont importées dans le territoire douanier de l’Union européenne, est seul connu leur prix provisoire, qui figure sur une facture pro forma, le contrat de vente stipulant que leur prix final sera fixé ultérieurement, par une facture définitive, sur la base de certains facteurs objectifs prédéterminés dont la valeur est indépendante de la volonté des parties et inconnue de celles-ci au moment de l’acceptation de la déclaration en douane, tels qu’une moyenne du
taux de change de certaines devises ou du cours de certains produits pendant une période donnée, la valeur en douane de ces marchandises doit être déterminée par application de la méthode de la valeur transactionnelle, prévue à cet article, en recourant, en principe, à la procédure de déclaration en douane simplifiée prévue aux articles 166 et 167 de ce règlement.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le lituanien.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-782/23
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas.

Renvoi préjudiciel – Union douanière – Code des douanes de l’Union – Méthode de détermination de la valeur en douane – Article 70 – Valeur transactionnelle – Marchandises importées sur la base d’un prix d’achat provisoire – Prix définitif dépendant de divers facteurs inconnus à la date d’acceptation de la déclaration en douane.

Libre circulation des marchandises

Coopération douanière


Parties
Demandeurs : „Tauritus“ UAB
Défendeurs : Muitinės departamentas prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos.

Composition du Tribunal
Avocat général : Campos Sánchez-Bordona
Rapporteur ?: Spineanu-Matei

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:353

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