ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
15 mai 2025 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Commerce électronique – Directive 2000/31/CE – Communications commerciales – Article 6, sous c) – Notion d’“offres promotionnelles” – Publicité en ligne faisant état d’une modalité de paiement spécifique – Achat sur facture impliquant un report de paiement du prix de vente – Information sur la nécessité d’une évaluation préalable de la solvabilité du consommateur seulement au cours du processus de commande en ligne »
Dans l’affaire C‑100/24,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par décision du 21 décembre 2023, parvenue à la Cour le 7 février 2024, dans la procédure
Verbraucherzentrale Hamburg e.V.
contre
bonprix Handelsgesellschaft mbH,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de Mme K. Jürimäe, présidente de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la deuxième chambre, MM. M. Gavalec (rapporteur), Z. Csehi et F. Schalin, juges,
avocat général : M. N. Emiliou,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour bonprix Handelsgesellschaft mbH, par Mes M. Ringer et M. Sahner, Rechtsanwälte,
– pour la Commission européenne, par MM. G. von Rintelen et J. Szczodrowski, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, sous c), de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique ») (JO 2000, L 178, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Verbraucherzentrale Hamburg e.V., une association de protection des consommateurs (ci-après l’« association de protection des consommateurs »), à bonprix Handelsgesellschaft mbH au sujet d’un message publicitaire, figurant sur le site Internet de cette dernière, concernant une modalité de paiement spécifique.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2000/31
3 Les considérants 7, 10, 29 et 60 de la directive 2000/31 se lisent comme suit :
« (7) Pour garantir la sécurité juridique et la confiance du consommateur, il y a lieu que la présente directive établisse un cadre général clair pour couvrir certains aspects juridiques du commerce électronique dans le marché intérieur.
[...]
(10) Conformément au principe de proportionnalité, les mesures prévues par la présente directive se limitent strictement au minimum requis pour atteindre l’objectif du bon fonctionnement du marché intérieur. Là où il est nécessaire d’intervenir au niveau [de l’Union], et afin de garantir un espace qui soit réellement sans frontières intérieures pour le commerce électronique, la directive doit assurer un haut niveau de protection des objectifs d’intérêt général, en particulier la protection des
mineurs, de la dignité humaine, du consommateur et de la santé publique. [...]
[...]
(29) Les communications commerciales sont essentielles pour le financement des services de la société de l’information et le développement d’une large variété de nouveaux services gratuits. Dans l’intérêt de la protection des consommateurs et de la loyauté des transactions, les communications commerciales, y compris les rabais, les offres, concours et jeux promotionnels, doivent respecter un certain nombre d’obligations relatives à la transparence. [...]
[...]
(60) Pour permettre un développement sans entrave du commerce électronique, le cadre juridique doit être clair et simple, prévisible et cohérent avec les règles applicables au niveau international, de sorte qu’il ne porte pas atteinte à la compétitivité de l’industrie européenne et qu’il ne fasse pas obstacle à l’innovation dans ce secteur. »
4 L’article 1er de cette directive, intitulé « Objectif et champ d’application », prévoit :
« 1. La présente directive a pour objectif de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur en assurant la libre circulation des services de la société de l’information entre les États membres.
[...] »
5 L’article 2 de ladite directive, intitulé « Définitions », dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
f) “communication commerciale” : toute forme de communication destinée à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services, ou l’image d’une entreprise, d’une organisation ou d’une personne ayant une activité commerciale, industrielle, artisanale ou exerçant une profession réglementée. [...]
[...] »
6 L’article 6 de la directive 2000/31, intitulé « Informations à fournir », figurant dans la section 2 de celle-ci consacrée aux « [c]ommunications commerciales », dispose :
« Outre les autres exigences en matière d’information prévues par le droit [de l’Union], les États membres veillent à ce que les communications commerciales qui font partie d’un service de la société de l’information ou qui constituent un tel service répondent au moins aux conditions suivantes :
[...]
c) lorsqu’elles sont autorisées dans l’État membre où le prestataire est établi, les offres promotionnelles, telles que les rabais, les primes et les cadeaux, doivent être clairement identifiables comme telles et les conditions pour en bénéficier doivent être aisément accessibles et présentées de manière précise et non équivoque ;
d) lorsqu’ils sont autorisés dans l’État membre où le prestataire est établi, les concours ou jeux promotionnels doivent être clairement identifiables comme tels et leurs conditions de participation doivent être aisément accessibles et présentées de manière précise et non équivoque. »
La directive 2005/29
7 L’article 3 de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») (JO 2005, L 149, p. 22), telle que
modifiée par la directive (UE) 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil, du 27 novembre 2019 (JO 2019, L 328, p. 7) (ci-après la « directive 2005/29 »), intitulé « Champ d’application », prévoit, à son paragraphe 4 :
« En cas de conflit entre les dispositions de la présente directive et d’autres règles [de l’Union] régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales, ces autres règles priment et s’appliquent à ces aspects spécifiques. »
8 L’article 7 de cette directive, intitulé « Omissions trompeuses », dispose :
« 1. Une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise
autrement.
2. Une pratique commerciale est également considérée comme une omission trompeuse lorsqu’un professionnel, compte tenu des aspects mentionnés au paragraphe 1, dissimule une information substantielle visée audit paragraphe ou la fournit de façon peu claire, inintelligible, ambiguë ou à contretemps, ou lorsqu’il n’indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte et lorsque, dans l’un ou l’autre cas, le consommateur moyen est ainsi amené ou est
susceptible d’être amené à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.
[...]
4. Lors d’une invitation à l’achat, sont considérées comme substantielles, dès lors qu’elles ne ressortent pas déjà du contexte, les informations suivantes :
[...]
d) les modalités de paiement, de livraison et d’exécution, si elles diffèrent des conditions de la diligence professionnelle ;
[...] »
La directive 2011/83
9 La directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2011, L 304, p. 64), énonce, à son article 6, intitulé « Obligations d’information concernant les contrats à distance et les contrats hors établissement » :
« 1. Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à distance ou hors établissement ou par une offre du même type, le professionnel lui fournit, sous une forme claire et compréhensible, les informations suivantes :
[...]
g) les modalités de paiement, de livraison et d’exécution, la date à laquelle le professionnel s’engage à livrer les biens ou à exécuter les services et, le cas échéant, les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations ;
[...]
8. Les exigences en matière d’information prévues par la présente directive complètent celles qui figurent [...] dans la directive [2000/31] et n’empêchent pas les États membres d’imposer des exigences supplémentaires en matière d’information conformément aux directives précitées.
[...] »
Le droit allemand
10 L’article 6, paragraphe 1, point 3, du Telemediengesetz (loi sur les médias électroniques), du 26 février 2007 (BGBl. 2007 I, p. 179), vise à transposer l’article 6, sous c), de la directive 2000/31 et prévoit que, s’agissant des obligations des prestataires de services en matière de communications commerciales qui constituent des médias électroniques ou des éléments de médias électroniques, les offres promotionnelles, telles que les rabais, les primes et les cadeaux, doivent être clairement
identifiables comme telles et les conditions pour en bénéficier doivent être aisément accessibles et présentées de manière précise et non équivoque.
Le litige au principal et la question préjudicielle
11 bonprix est une société exerçant une activité de commerce en ligne. En décembre 2021 apparaissait sur son site Internet le message publicitaire suivant : « Achat facile sur facture ».
12 L’association de protection des consommateurs a contesté cette pratique publicitaire en estimant que celle-ci est trompeuse en ce qu’elle ne permet pas au consommateur de comprendre que la modalité de paiement ainsi proposée est soumise à une évaluation préalable de sa solvabilité.
13 Par jugement du 21 juillet 2022, le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg, Allemagne) a rejeté le recours de cette association visant à enjoindre à bonprix de cesser ladite pratique.
14 L’appel formé par l’association de protection des consommateurs contre ce jugement devant le Hanseatisches Oberlandesgericht (tribunal régional supérieur de Hambourg, Allemagne) a été rejeté. Cette juridiction a considéré que la pratique publicitaire en cause n’est pas trompeuse et que bonprix n’a pas méconnu l’obligation d’information prévue à l’article 6, paragraphe 1, point 3, de la loi sur les médias électroniques. En effet, le message publicitaire en cause ne constituerait pas une « offre
promotionnelle », au sens de cette disposition, l’achat d’un bien sur facture ne procurant pas à l’acheteur un avantage monétaire propre à une telle offre promotionnelle. Le seul avantage pour l’acheteur étant la possibilité de payer de manière différée, celui-ci ne bénéficierait d’aucun avantage allant au-delà de l’achat proprement dit.
15 Saisi du pourvoi en Revision introduit par l’association de protection des consommateurs, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), qui est la juridiction de renvoi dans la présente affaire, s’interroge sur la portée de l’obligation d’information prévue à l’article 6, sous c), de la directive 2000/31. Considérant que le message publicitaire en cause constitue une communication commerciale et fait partie intégrante d’un service de la société de l’information, elle se demande si
ce message relève de la notion d’« offre promotionnelle », au sens de cette disposition.
16 À cet égard, la juridiction de renvoi estime que, si une interprétation littérale de cette notion peut appeler une réponse affirmative, une analyse contextuelle prenant en compte les exemples illustratifs de ladite notion mentionnés à cette disposition, à savoir « les rabais, les primes et les cadeaux », peut cependant laisser penser que le législateur de l’Union n’a pas entendu viser de simples modalités de paiement en raison du caractère exceptionnel des mesures ainsi énumérées.
17 Cela étant, cette juridiction considère que le report du paiement du prix de vente lié à un achat sur facture représente, en tout état de cause, un avantage monétaire, même minime. De même, la simple promesse d’un traitement préférentiel pourrait être considérée comme suffisante pour caractériser une offre promotionnelle.
18 Par ailleurs, la juridiction de renvoi indique que le fait qu’un message publicitaire faisant état d’une modalité de paiement particulière peut relever de la notion d’« offre promotionnelle » est conforme à l’objectif de la directive 2000/31 visant à protéger les consommateurs, la possibilité d’acheter sur facture présentant pour l’acheteur des avantages tant de nature juridique que de sécurité.
19 Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« La publicité faisant état d’une modalité de paiement (en l’espèce : “achat facile sur facture”), qui n’a certes qu’une faible valeur monétaire, mais qui présente pour le consommateur des avantages tant de nature juridique que de sécurité (en l’espèce : “pas de divulgation de données de paiement sensibles et, en cas de résolution du contrat, pas de demande de répétition d’une prestation préalable”), constitue-t-elle une offre promotionnelle au sens de l’article 6, sous c), de la
directive 2000/31 [...] ? »
Sur la question préjudicielle
20 Par sa question unique, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, sous c), de la directive 2000/31 doit être interprété en ce sens que relève de la notion d’« offre promotionnelle », au sens de cette disposition, un message publicitaire figurant sur le site Internet d’une entreprise active dans le commerce en ligne et faisant état d’une modalité de paiement particulière.
21 L’article 6 de la directive 2000/31 prévoit que, outre les autres exigences en matière d’information prévues par le droit de l’Union, les États membres veillent à ce que les communications commerciales qui font partie d’un service de la société de l’information ou qui constituent un tel service répondent à certaines conditions minimales. Ainsi, en vertu du point c) de cet article, lorsque les offres promotionnelles, telles que les rabais, les primes et les cadeaux, sont autorisées dans l’État
membre où le prestataire est établi, ces offres doivent être clairement identifiables comme telles et les conditions pour en bénéficier doivent être aisément accessibles et présentées de manière précise et non équivoque.
22 Il résulte du libellé de l’article 6, sous c), de la directive 2000/31, qui figure à la section 2 de celle-ci intitulée « Communications commerciales », que la notion d’« offre promotionnelle » relève elle-même de la notion générique de « communication commerciale », qui est définie à l’article 2, sous f), de cette directive comme visant, en principe, toute forme de communication destinée à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services, ou l’image d’une entreprise, d’une
organisation ou d’une personne ayant une activité commerciale, industrielle, artisanale ou exerçant une profession réglementée.
23 La directive 2000/31 ne définissant cependant pas précisément ce qu’il convient d’entendre par « offre promotionnelle », au sens de l’article 6, sous c), de celle-ci, il y a lieu de déterminer le contenu et la portée de cette notion autonome du droit de l’Union conformément à son sens habituel dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel elle est utilisée et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 2022,
Porsche Inter Auto et Volkswagen, C‑145/20, EU:C:2022:572, point 88 et jurisprudence citée, ainsi que du 30 avril 2024, Trade Express-L et DEVNIA TSIMENT, C‑395/22 et C‑428/22, EU:C:2024:374, point 65).
24 Pour ce qui est, en premier lieu, du sens habituel dans le langage courant des termes « offre promotionnelle », il résulte d’une analyse des différentes versions linguistiques de l’article 6, sous c), de la directive 2000/31 que cette notion peut, de manière générale, être comprise comme recouvrant toute forme de communication par laquelle un prestataire cherche à promouvoir des biens ou des services auprès de son destinataire en faisant bénéficier ce dernier d’un avantage. La seule
interprétation littérale de cette notion ne permet cependant pas de déterminer sans équivoque les conditions auxquelles doit répondre un tel avantage pour caractériser celle-ci.
25 S’agissant, en deuxième lieu, du contexte dans lequel la notion d’« offre promotionnelle » est utilisée, il importe de relever que celle-ci est assortie, à l’article 6, sous c), de la directive 2000/31 lui-même, d’une énumération non exhaustive d’exemples tels que « les rabais, les primes et les cadeaux ». Pour des raisons de cohérence, les communications relevant de cette disposition doivent ainsi répondre aux caractéristiques qui sont communes aux rabais, primes et cadeaux.
26 À cet égard, il importe de constater, premièrement, que les rabais, primes et cadeaux visés à cette disposition procurent à leur destinataire un avantage de nature objective, de sorte que la réalité de cet avantage ne saurait être laissée à l’appréciation subjective de celui-ci.
27 Deuxièmement, ces mêmes raisons de cohérence impliquent que les caractéristiques qui sont communes aux communications commerciales relatives aux concours et aux jeux promotionnels, visées à l’article 6, sous d), de la directive 2000/31, doivent se distinguer de celles relevant de l’article 6, sous c), de cette directive. Ainsi, à la différence des concours et des jeux promotionnels, les offres promotionnelles procurent un avantage certain qui n’est pas dépendant du hasard ou d’une sélection.
28 Troisièmement, les rabais, primes et cadeaux visés à l’article 6, sous c), de la directive 2000/31 se caractérisent par leur caractère incitatif en ce sens qu’ils sont susceptibles d’influencer le comportement du destinataire dans son choix d’un bien ou d’un service, et par la nature objective et certaine de l’avantage qu’ils procurent à celui-ci. Il s’ensuit que, afin de constituer une « offre promotionnelle », au sens de cette disposition, toute communication destinée à promouvoir des biens ou
des services doit conduire, au profit de son destinataire, à l’octroi d’un avantage objectif, certain, et susceptible d’influencer le comportement de consommation de celui-ci.
29 Contrairement à ce qu’a soutenu bonprix dans ses observations écrites, il ne saurait être déduit des termes « rabais, primes et cadeaux » qu’une « offre promotionnelle », au sens de cette disposition, se définit nécessairement par l’existence d’un avantage monétaire substantiel pour son destinataire.
30 En effet, d’une part, tant les rabais que les primes et cadeaux peuvent présenter une valeur monétaire faible, voire négligeable. D’autre part, s’il peut certes être admis qu’un rabais implique une diminution de la contrepartie financière due par le destinataire et, partant, un avantage monétaire quantifiable pour celui-ci, tel n’est toutefois pas forcément le cas d’une prime ou d’un cadeau, dont la valeur monétaire peut s’avérer impossible, en pratique, à établir de manière objective.
L’importance de l’avantage concerné sur la situation patrimoniale de son destinataire n’est donc pas l’unique élément susceptible de caractériser la notion d’« offre promotionnelle ». Ainsi qu’il ressort du point 28 du présent arrêt, seuls le caractère intrinsèquement incitatif de l’offre promotionnelle par rapport à un bien ou un service et la nature objective et certaine de l’avantage qu’elle procure à son destinataire sont déterminants.
31 Par ailleurs, dans la mesure où bonprix a également soutenu, dans ce contexte, qu’une « offre promotionnelle » se définit par son caractère exceptionnel, il suffit de constater que des mesures telles que les rabais, primes et cadeaux ne sont pas nécessairement limitées dans le temps, mais peuvent, en fonction des réglementations nationales applicables, être intégrées de manière systématique et permanente dans les politiques promotionnelles des prestataires. Partant, le caractère prétendument
exceptionnel de telles mesures ne saurait être pris comme argument pour exclure les modalités de paiement de la notion d’« offre promotionnelle ».
32 Il résulte ainsi d’une interprétation littérale et contextuelle de la notion d’« offre promotionnelle », au sens de l’article 6, sous c), de la directive 2000/31, que celle-ci doit être comprise comme visant toute communication commerciale par laquelle un prestataire cherche à promouvoir des biens ou des services en procurant au destinataire de celle-ci un avantage qui est objectif, certain et susceptible d’influencer son comportement dans le choix de tels biens ou services. La forme de cet
avantage, de même que son importance, est indifférente, celui-ci pouvant être, notamment, monétaire, juridique ou recouvrir une simple commodité, telle que permettre à son destinataire de gagner du temps.
33 En troisième lieu, l’interprétation figurant au point précédent du présent arrêt est corroborée par une interprétation téléologique de l’article 6, sous c), de la directive 2000/31, l’objectif de celle-ci consistant, ainsi qu’il ressort d’une lecture combinée de son article 1er, paragraphe 1, et de ses considérants 7, 10 et 60, à contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur en assurant la libre circulation des services de la société de l’information entre les États membres et en
garantissant un niveau élevé de protection des consommateurs sans pour autant entraver le développement du commerce électronique et la compétitivité de l’industrie européenne. Il résulte du considérant 29 de ladite directive que les exigences en matière de transparence prévues à l’article 6 de celle-ci sont établies dans l’intérêt de la protection des consommateurs et de la loyauté des transactions.
34 Or, le fait de soumettre, dans le contexte d’une activité de commerce en ligne, un message publicitaire faisant état d’une modalité de paiement aux conditions prévues à l’article 6, sous c), de la directive 2000/31 contribue à un niveau élevé de protection des consommateurs, sans pour autant impliquer des charges économiques déraisonnables pour les prestataires.
35 En effet, l’obligation d’information à la charge du prestataire en vertu de l’article 6, sous c), de la directive 2000/31 implique que, dès le moment où le destinataire d’un message publicitaire faisant état d’une modalité de paiement spécifique accède au site Internet de vente l’affichant, celui‑ci doit être informé des conditions particulières lui permettant de bénéficier de l’offre promotionnelle, le mettant ainsi en mesure d’apprécier d’emblée son éligibilité à celle-ci eu égard, le cas
échéant, à sa situation financière. Une telle interprétation est, au demeurant, conforme à l’exigence, inhérente à la directive 2000/31, selon laquelle la protection des intérêts des consommateurs doit être assurée à tout stade des contacts entre le prestataire et le destinataire d’un service (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2008, Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände, C‑298/07, EU:C:2008:572, point 22).
36 Il s’ensuit que, lorsque l’avantage lié à une offre promotionnelle relative à une modalité de paiement particulière est soumis à un résultat favorable de l’évaluation préalable de la solvabilité du consommateur, celui-ci doit en être informé, de façon simple, précise et univoque, afin qu’il puisse se rendre compte que, en recourant à cette offre, il se verra probablement refuser la conclusion d’un contrat en cas de résultat défavorable de cette évaluation.
37 Afin de fournir une réponse complète à la juridiction de renvoi, il importe encore de relever que, ainsi qu’il résulte de l’article 6 de la directive 2000/31, les exigences en matière de transparence contenues dans cette disposition s’ajoutent aux autres exigences en matière d’information prévues par le droit de l’Union. Or, l’interprétation figurant au point 32 du présent arrêt est pleinement compatible avec les exigences en matière d’informations sur les modalités de paiement prévues par les
directives 2005/29 et 2011/83.
38 En effet, s’agissant de la directive 2005/29, il y a lieu de relever que, conformément à son article 3, paragraphe 4, en cas de conflit entre les dispositions de cette directive et d’autres règles de l’Union régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales, ces autres règles priment et s’appliquent à ces aspects spécifiques. Ainsi, les exigences résultant de l’article 6 de la directive 2000/31 priment les dispositions de la directive 2005/29.
39 En tout état de cause, il résulte de l’article 7, paragraphes 1, 2 et paragraphe 4, sous d), de la directive 2005/29 que, lors d’une invitation à l’achat, les informations relatives aux modalités de paiement sont considérées comme substantielles, de sorte que leur omission, dissimulation ou fourniture de façon peu claire, inintelligible, ambiguë ou à contretemps est constitutive d’une pratique commerciale réputée trompeuse. L’obligation d’un prestataire d’indiquer en vertu de la
directive 2000/31, dès le stade de la publicité en ligne relative à une modalité de paiement particulière, les conditions pour bénéficier d’une telle offre ne présente aucune incohérence par rapport à cette disposition.
40 D’autre part, l’article 6, paragraphe 1, sous g), de la directive 2011/83 prévoit que, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à distance ou hors établissement ou par une offre du même type, le professionnel doit informer ce consommateur des modalités de paiement. En vertu de cette disposition, le professionnel n’est donc tenu d’informer le consommateur des conditions lui permettant de recourir à une modalité de paiement particulière qu’au moment où, lors du processus de commande en
ligne, celui-ci s’apprête à en faire le choix, alors que, ainsi qu’il ressort du point 35 du présent arrêt, l’application de l’article 6, sous c), de la directive 2000/31 aux messages publicitaires faisant état d’une modalité de paiement particulière implique que, pour ce qui est des contrats relevant du champ d’application de la directive 2011/83, le professionnel doit en informer le consommateur dès que celui-ci accède au site de vente en ligne affichant ce type de message.
41 Une telle situation n’est cependant pas incompatible avec la directive 2011/83, dès lors que, conformément à l’article 6, paragraphe 8, premier alinéa, de celle-ci, les exigences en matière d’information prévues par cette directive complètent celles qui figurent dans la directive 2000/31 et n’empêchent pas les États membres d’imposer des exigences supplémentaires en matière d’information conformément à cette dernière directive.
42 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que l’affaire au principal concerne un message publicitaire sur le site Internet de bonprix faisant état de la possibilité d’un achat sur facture.
43 Afin d’apprécier si une telle communication commerciale satisfait aux conditions figurant au point 32 du présent arrêt, il importe de relever, à l’instar de la juridiction de renvoi, que le report de paiement lié à l’achat d’un bien sur facture représente un avantage monétaire, bien que minime, en ce que la somme due au titre du prix de la vente reste plus longtemps disponible pour l’acheteur, lui procurant ainsi une avance de trésorerie. Aucune règle de minimis ne peut être déduite de
l’article 6, sous c), de la directive 2000/31 pour apprécier l’existence d’un avantage monétaire susceptible de caractériser une « offre promotionnelle », au sens de cette disposition.
44 Par ailleurs, en cas d’anéantissement du contrat à la suite, notamment, de l’exercice d’un droit de rétractation ou de résiliation, l’acheteur n’a pas besoin de demander le remboursement du prix.
45 Sous réserve des vérifications par la juridiction de renvoi, de telles circonstances avantageuses pour l’acheteur apparaissent à même d’inciter celui-ci à s’adresser à un vendeur proposant en ligne un achat sur facture plutôt qu’à un autre prévoyant un règlement immédiat dès la commande. Il s’ensuit qu’une telle modalité de paiement peut être considérée comme procurant à un acheteur un avantage qui est objectif, certain et susceptible d’influencer son comportement dans le choix d’un bien ou d’un
service, de sorte qu’un message publicitaire faisant état de cette modalité peut être qualifié d’« offre promotionnelle », au sens de l’article 6, sous c), de la directive 2000/31.
46 Eu égard aux motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question préjudicielle que l’article 6, sous c), de la directive 2000/31 doit être interprété en ce sens que relève de la notion d’« offre promotionnelle », au sens de cette disposition, un message publicitaire figurant sur le site Internet d’une entreprise active dans le commerce en ligne et faisant état d’une modalité de paiement particulière, pour autant que cette dernière procure au destinataire de ce message un avantage qui est
objectif, certain et susceptible d’influencer son comportement dans le choix d’un bien ou d’un service.
Sur les dépens
47 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :
L’article 6, sous c), de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »),
doit être interprété en ce sens que :
relève de la notion d’« offre promotionnelle », au sens de cette disposition, un message publicitaire figurant sur le site Internet d’une entreprise active dans le commerce en ligne et faisant état d’une modalité de paiement particulière, pour autant que cette dernière procure au destinataire de ce message un avantage qui est objectif, certain et susceptible d’influencer son comportement dans le choix d’un bien ou d’un service.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.