ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
8 mai 2025 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Article 2, sous b) – Notion de “consommateur” – Contrat à double finalité – Agriculteur ayant conclu un contrat d’achat d’un bien destiné à la fois à son exploitation agricole et à son usage domestique – Marché intérieur de l’électricité – Directive 2009/72/CE – Article 3, paragraphe 7 – Annexe I, paragraphe 1, sous a) – Client résidentiel – Contrat de
fourniture d’électricité à durée déterminée et à prix fixe – Pénalité contractuelle pour résiliation anticipée – Réglementation nationale limitant le montant de cette pénalité aux “coûts et indemnités résultant du contenu du contrat” »
Dans l’affaire C‑410/23 [Pielatak] ( i ),
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie, Pologne), par décision du 26 mai 2023, parvenue à la Cour le 3 juillet 2023, dans la procédure
I. SA
contre
S. J.,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. I. Jarukaitis (rapporteur), président de chambre, MM. N. Jääskinen, A. Arabadjiev, M. Condinanzi et Mme R. Frendo, juges,
avocat général : M. A. Rantos,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par Mmes O. Beynet, M. Owsiany-Hornung et M. T. Scharf, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, sous b) et c), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), et de l’article 3, paragraphes 5 et 7, ainsi que de l’annexe I, paragraphe 1, sous a) et e), de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de
l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE (JO 2009, L 211, p. 55).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant I. S.A., un fournisseur d’électricité (ci-après le « fournisseur »), à S. J., un exploitant agricole, au sujet du paiement d’une pénalité contractuelle due en raison de la résiliation anticipée, par ce dernier, d’un contrat de fourniture d’électricité conclu par ces parties pour une durée déterminée et à un prix fixe.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 93/13
3 Aux termes de l’article 2 de la directive 93/13 :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
b) “consommateur” : toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ;
c) “professionnel” : toute personne physique ou morale qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu’elle soit publique ou privée. »
La directive 2009/72
4 Les considérants 3, 7, 8, 51, 52, 54 et 57 de la directive 2009/72 énonçaient :
« (3) Les libertés que le traité garantit aux citoyens de l’Union [...] ne peuvent être effectives que dans un marché entièrement ouvert qui permet à tous les consommateurs de choisir librement leurs fournisseurs et à tous les fournisseurs de fournir librement leurs produits à leurs clients.
[...]
(7) La communication de la Commission [au Conseil européen et au Parlement européen] du 10 janvier 2007 intitulée “Une politique de l’énergie pour l’Europe” [COM(2007) 1 final] a insisté sur l’importance que revêtent la réalisation du marché intérieur de l’électricité et la création de conditions de concurrence équitables pour toutes les entreprises d’électricité établies dans la Communauté [européenne]. [...]
(8) Pour assurer la concurrence et la fourniture d’électricité au prix le plus bas possible, les États membres et les autorités de régulation nationales devraient faciliter l’accès transfrontalier pour les nouveaux fournisseurs d’électricité produite à partir de différentes sources d’énergie ainsi que pour les nouveaux producteurs d’énergie.
[...]
(51) Il convient que les intérêts des consommateurs soient au cœur de la présente directive et que la qualité du service constitue une responsabilité centrale pour les entreprises d’électricité. Les droits existants des consommateurs doivent être renforcés et garantis, et ils devraient inclure une plus grande transparence. La protection du consommateur devrait garantir, dans le contexte de la Communauté au sens large, que tous les consommateurs bénéficient d’un marché compétitif. Les États membres
ou, si un État membre le prévoit, les autorités de régulation, devraient veiller au respect des droits des consommateurs.
(52) Les consommateurs devraient pouvoir disposer d’informations claires et compréhensibles sur leurs droits vis-à-vis du secteur énergétique. [...]
[...]
(54) Des moyens de règlement des litiges efficaces et accessibles à tous les consommateurs sont la garantie d’une meilleure protection des consommateurs. [...]
[...]
(57) Il devrait être de la plus haute importance pour les États membres de promouvoir une concurrence équitable et un accès aisé à différents fournisseurs et de favoriser les nouvelles capacités de production d’électricité, afin de permettre aux consommateurs de profiter pleinement des opportunités d’un marché intérieur de l’électricité libéralisé. »
5 L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet et champ d’application », disposait :
« La présente directive établit des règles communes concernant la production, le transport, la distribution et la fourniture d’électricité, ainsi que des dispositions relatives à la protection des consommateurs, en vue de l’amélioration et de l’intégration de marchés de l’électricité compétitifs dans la Communauté. [...] »
6 L’article 2 de ladite directive contenait les définitions suivantes :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
7. “client”, un client grossiste ou final d’électricité ;
[...]
9. “client final”, un client achetant de l’électricité pour sa consommation propre ;
10. “client résidentiel”, un client achetant de l’électricité pour sa propre consommation domestique, ce qui exclut les activités commerciales ou professionnelles ;
11. “client non résidentiel”, une personne physique ou morale achetant de l’électricité non destinée à son usage domestique, y compris les producteurs et les clients grossistes ;
12. “client éligible”, un client qui est libre d’acheter de l’électricité au fournisseur de son choix au sens de l’article 33 ;
[...] »
7 L’article 3 de la même directive, intitulé « Obligations de service public et protection des consommateurs », prévoyait, à ses paragraphes 5 et 7 :
« 5. Les États membres veillent à ce que :
a) si un client souhaite changer de fournisseur, dans le respect des termes et conditions des contrats, ce changement soit effectué par l’opérateur ou les opérateurs concernés dans un délai de trois semaines ; et
b) les clients aient le droit de recevoir toutes les données pertinentes concernant leur consommation.
Les États membres veillent à ce que les droits visés au premier alinéa, points a) et b), soient accordés aux clients sans discrimination en matière de coût, d’investissement et de temps.
[...]
7. Les États membres prennent les mesures appropriées pour protéger les clients finals et veillent en particulier à garantir une protection adéquate aux consommateurs vulnérables. [...] Ils garantissent un niveau de protection élevé des consommateurs, notamment en ce qui concerne la transparence des termes et conditions des contrats, l’information générale et les mécanismes de règlement des litiges. Les États membres veillent à ce que le client éligible puisse effectivement changer aisément de
fournisseur. En ce qui concerne au moins les clients résidentiels, ces mesures incluent celles figurant à l’annexe I. »
8 L’article 33 de la directive 2009/72, intitulé « Ouverture du marché et réciprocité », précisait, à son paragraphe 1 :
« Les États membres veillent à ce que les clients éligibles comprennent :
[...]
c) à partir du 1er juillet 2007, tous les clients. »
9 L’article 37 de cette directive, intitulé « Missions et compétences de l’autorité de régulation », disposait, à son paragraphe 1 :
« L’autorité de régulation est investie des missions suivantes :
[...]
l) respecter la liberté contractuelle en matière de contrats de fourniture interruptible et de contrats à long terme dès lors qu’ils sont compatibles avec le droit communautaire et conformes aux politiques communautaires ;
[...] »
10 L’annexe I de ladite directive, intitulée « Mesures relatives à la protection des consommateurs », disposait, à son paragraphe 1 :
« Sans préjudice de la réglementation communautaire sur la protection des consommateurs, notamment la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance [(JO 1997, L 144, p. 19),] et la directive [93/13], les mesures visées à l’article 3 ont pour objet de faire en sorte que les clients :
a) aient droit à un contrat conclu avec leur fournisseur d’électricité précisant :
[...]
– la durée du contrat, les conditions de renouvellement et d’interruption des services et du contrat, et l’existence d’une clause de résiliation sans frais ;
[...]
Les conditions des contrats sont équitables et communiquées à l’avance. En tout état de cause, ces informations devraient être fournies avant la conclusion ou la confirmation du contrat. [...]
[...]
e) n’aient rien à payer lorsqu’ils changent de fournisseur ;
[...] »
11 La directive 2009/72 a été abrogée et remplacée, avec effet au 1er janvier 2021, par la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE (JO 2019, L 158, p. 125), conformément à l’article 72, premier alinéa, de la directive 2019/944.
La directive 2011/83/UE
12 Le considérant 17 de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2011, L 304, p. 64), énonce :
« La définition de consommateur devrait englober les personnes physiques qui agissent à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de leur activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. Cependant, en cas de contrats à double finalité, lorsque le contrat est conclu à des fins qui n’entrent qu’en partie dans le cadre de l’activité professionnelle de l’intéressé et lorsque la finalité professionnelle est si limitée qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global du contrat, cette
personne devrait également être considérée comme un consommateur. »
La directive 2019/944
13 Aux termes du considérant 1 de la directive 2019/944 :
« La directive [2009/72] doit faire l’objet de plusieurs modifications. Dans un souci de clarté, il convient de procéder à la refonte de ladite directive. »
14 L’article 12 de la directive 2019/944, intitulé « Droit de changer de fournisseur et règles applicables aux frais de changement de fournisseur », prévoit, à ses paragraphes 2 et 3 :
« 2. Les États membres veillent à ce qu’au moins les clients résidentiels et les petites entreprises ne se voient pas facturer de frais liés au changement de fournisseur.
3. Par dérogation au paragraphe 2, les États membres peuvent autoriser les fournisseurs ou les acteurs du marché pratiquant l’agrégation à facturer aux clients des frais de résiliation de contrat lorsque ces clients résilient de leur plein gré des contrats de fourniture d’électricité à durée déterminée et à prix fixe avant leur échéance, pour autant que ces frais relèvent d’un contrat que le client a conclu de son plein gré et qu’ils soient clairement communiqués au client avant la conclusion
du contrat. Ces frais sont proportionnés et ne dépassent pas la perte économique directe subie par le fournisseur ou l’acteur du marché pratiquant l’agrégation du fait de la résiliation du contrat par le client, y compris les coûts de tout investissement groupé ou des services qui ont déjà été fournis au client dans le cadre du contrat. La charge de la preuve de la perte économique directe incombe au fournisseur ou à l’acteur du marché pratiquant l’agrégation et l’admissibilité des frais de
résiliation de contrat fait l’objet d’une surveillance de la part de l’autorité de régulation, ou toute autre autorité nationale compétente. »
Le droit polonais
15 L’ustawa – Prawo energetyczne (loi sur l’énergie), du 10 avril 1997 (Dz. U. no 54, position 348), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi sur l’énergie »), dispose, à son article 4j, paragraphe 3a :
« Un client final peut résilier un contrat qui a été conclu pour une durée déterminée et par lequel une entreprise du secteur énergétique lui fournit des combustibles gazeux ou de l’énergie, et ce sans encourir d’autres coûts et indemnités que ceux résultant du contenu du contrat, en adressant une déclaration écrite à l’entreprise du secteur énergétique. »
16 L’ustawa – Kodeks cywilny (loi portant code civil), du 23 avril 1964 (Dz. U. no 16, position 93), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « code civil »), prévoit, à son article 483, paragraphe 1 :
« Le contrat peut stipuler que la réparation du dommage résultant de l’inexécution ou de la mauvaise exécution d’une obligation non pécuniaire se fera par le paiement d’une somme déterminée (pénalité contractuelle). »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
17 Le 18 mars 2017, S. J. et le fournisseur ont conclu un contrat de fourniture d’électricité (ci-après le « contrat en cause au principal »), auquel étaient jointes une annexe 1 et des conditions générales de vente, qui en faisaient partie intégrante.
18 L’article 7, paragraphe 2, de ce contrat stipulait que ce dernier était conclu pour une durée déterminée allant jusqu’au 31 décembre 2021 et que la fourniture d’électricité commencerait le 1er janvier 2018. Le paragraphe 6 de cet article précisait que, notamment en cas de résiliation dudit contrat par le client avant la date indiquée à ce paragraphe 2, celui-ci serait tenu de payer une pénalité contractuelle conformément aux principes énoncés au point VI, paragraphes 1 à 3, de ces conditions
générales de vente. En vertu de ce paragraphe 1, le montant de cette pénalité correspondait au produit de l’électricité non utilisée déclarée par le client dans le même contrat comme « quantité d’énergie prévue » pour un lieu de fourniture donné, au prix unitaire de 60 zlotys polonais (PLN) (environ 14 euros) par mégawattheure (MWh). La quantité d’énergie non utilisée était calculée comme la somme de la consommation moyenne d’énergie estimée pour chacun des mois suivant la résiliation du contrat
en cause au principal et restant jusqu’à la fin de la période indiquée à cet article 7, paragraphe 2. La consommation d’électricité prévue au point de consommation était de 20 MWh par an et le point de consommation de l’électricité, précisé à l’annexe 1 de ce contrat, était l’exploitation agricole de S. J.
19 Par une lettre du 5 mai 2017, notifiée au fournisseur le 8 mai 2017, S. J. a indiqué à ce dernier qu’il se rétractait du contrat en cause au principal en exerçant le droit de rétractation légal prévu pour les contrats de consommation. Il a, en outre, présenté une déclaration concernant la renonciation aux effets juridiques d’un contrat conclu par erreur et a allégué que ce contrat n’était pas valable.
20 Par une lettre du 22 mai 2020, le fournisseur a indiqué qu’il considérait ces déclarations comme étant sans effet. Il a émis une note de débit accordant à S. J. un délai expirant le 7 juillet 2020 pour payer la somme de 4700,22 PLN (environ 1128 euros), à titre de pénalité contractuelle, ainsi qu’une facture datée du 5 mars 2018 pour un montant de 254,33 PLN (environ 61 euros) et une facture rectificative datée du 8 janvier 2020 pour un montant de 314,90 PLN (environ 75 euros), au titre de
l’énergie fournie pendant la période allant du 1er au 10 janvier 2018.
21 S. J. ayant refusé de payer ces sommes, le fournisseur a saisi le Sąd Rejonowy dla m. st. Warszawy w Warszawie (tribunal d’arrondissement de la ville de Varsovie, Pologne) afin que S. J. soit condamné à les lui payer. Cette juridiction a rejeté ce recours. D’une part, elle a considéré que S. J. n’avait pas la qualité de consommateur et qu’il n’avait donc pas pu légalement se rétracter du contrat en cause au principal sur le fondement de la réglementation relative à la protection des
consommateurs. À cet égard, elle a, notamment, relevé que le contrat en cause au principal désignait comme point de consommation l’exploitation agricole de S. J. et que, si, certes, ce dernier avait indiqué que l’énergie achetée était également destinée à son usage domestique, cela était insuffisant pour le qualifier de consommateur, ce contrat stipulant qu’il était destiné à des personnes qui n’ont pas la qualité de consommateur. En effet, selon ladite juridiction, l’utilisation d’une offre
destinée à des clients n’ayant pas la qualité de consommateur prouvait à elle seule que S. J. avait conclu le contrat en cause au principal en tant que professionnel et que ce contrat se rapportait directement à son activité professionnelle, à savoir son exploitation agricole.
22 La même juridiction a, d’autre part, appliqué l’article 4j, paragraphe 3a, de la loi sur l’énergie, mais a néanmoins considéré qu’il ne devait pas être fait droit à la demande de paiement de la pénalité contractuelle, étant donné que, en vertu de l’article 483, paragraphe 1, du code civil, une telle pénalité ne peut être prévue qu’en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution d’une obligation non pécuniaire, alors que, en l’occurrence, l’objet de la prestation de l’acheteur en cas de vente
d’énergie est une prestation pécuniaire, à savoir le paiement du prix.
23 Par ailleurs, les demandes de paiement pour l’énergie consommée ont été rejetées comme étant non fondées, le fournisseur n’ayant fourni aucune quantité d’énergie.
24 Le fournisseur a interjeté appel de ce jugement devant le Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie, Pologne), qui est la juridiction de renvoi. Il invoque, notamment, une violation de l’article 4j, paragraphe 3a, de la loi sur l’énergie et de l’article 483, paragraphe 1, du code civil.
25 La juridiction de renvoi expose que, selon les déclarations de S. J., des représentants d’une entreprise d’électricité se sont présentés à son exploitation agricole le 18 mars 2017 et lui ont fait une offre de fourniture d’électricité. Il aurait, sur leur conseil, signé les formulaires vierges qui lui avaient été soumis et aurait reçu, à la fin du mois d’avril 2017, un exemplaire du contrat en cause au principal dans lequel, d’une part, les données et les annexes étaient différentes de celles de
l’offre qui lui avait été faite et, d’autre part, des informations relatives à la consommation d’énergie prévue avaient été introduites de manière arbitraire. Ce serait pour cela que, par une lettre du 5 mai 2017, il a manifesté sa volonté de se rétracter de ce contrat.
26 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se demande, en premier lieu, si S. J. a la qualité de professionnel ou de consommateur et si, par conséquent, sa rétractation était valable. À cet égard, elle observe, notamment, que le Sąd Rejonowy dla m. st. Warszawy w Warszawie (tribunal d’arrondissement de la ville de Varsovie) a constaté que le contrat en cause au principal mentionnait comme destinataire l’« exploitation agricole » de S. J. et que c’est en se fondant uniquement sur l’article 2,
paragraphe 4, de ce contrat, stipulant que ledit contrat était destiné à des personnes n’ayant pas la qualité de consommateur, que cette dernière juridiction a conclu que S. J. n’avait pas cette qualité. Elle relève aussi que, en vertu du droit polonais, un agriculteur doit être considéré comme étant un professionnel, sauf s’il gère son exploitation agricole pour ses propres besoins.
27 Si, certes, selon la jurisprudence de la Cour, la qualité de consommateur ou de professionnel, au sens de la directive 93/13, doit être déterminée au regard d’un critère fonctionnel, consistant à apprécier si le rapport contractuel en cause s’inscrit dans le cadre d’activités étrangères à l’exercice d’une profession, une telle distinction fonctionnelle ne serait, toutefois, pas possible en l’occurrence étant donné qu’il serait incontestable que le contrat en cause au principal avait pour objet
l’achat d’énergie aussi bien aux fins de l’exploitation agricole concernée que d’un usage domestique de S. J. Elle relève, en outre, que les contrats à double finalité ne sont pas mentionnés dans la directive 93/13 et que, si le considérant 17 de la directive 2011/83 vise ce type de contrat, la Cour aurait, notamment dans l’arrêt du 20 janvier 2005, Gruber (C‑464/01, EU:C:2005:32), retenu, pour déterminer si le signataire d’un tel contrat peut être considéré comme étant un consommateur, des
critères différents de ceux énoncés à ce considérant 17.
28 Au vu de ces éléments, la juridiction de renvoi se demande comment la notion de « consommateur », au sens de l’article 2, sous b), de la directive 93/13, doit être interprétée lorsque le contrat en cause a une finalité en partie privée et en partie professionnelle.
29 En second lieu, constatant que, compte tenu de la date de conclusion du contrat en cause au principal, c’est la directive 2009/72 qui est pertinente pour la résolution du litige dont elle est saisie, la juridiction de renvoi observe que la possibilité de changer librement de fournisseur d’énergie ainsi que la protection spécifique des consommateurs figurent parmi les principes formulés dans cette directive et que la possibilité de se rétracter d’un contrat est étroitement liée au changement de
fournisseur. Or, la possibilité d’imposer des frais au client en cas de résiliation, par celui-ci, d’un contrat de fourniture d’énergie conclu pour une durée déterminée est, selon elle, problématique au regard de la garantie de pouvoir changer librement de fournisseur d’énergie.
30 Il découlerait de l’article 3, paragraphe 7, et de l’annexe I de la directive 2009/72 qu’un client ayant la qualité de consommateur n’a rien à payer en cas de changement de fournisseur ou de rétractation du contrat. De plus, cet article 3, paragraphe 7, impliquerait que doit être garantie la possibilité, pour un consommateur, de changer aisément de fournisseur, sans qu’il subisse de discrimination en matière de coûts et sans que les désavantages financiers imposés constituent un moyen de
discrimination arbitraire à l’égard d’autres fournisseurs, de telle sorte que le client ne peut pas changer effectivement de fournisseur.
31 Cependant, l’article 4j, paragraphe 3a, de la loi sur l’énergie, prévoyant la possibilité d’imposer des frais au client en cas de résiliation anticipée d’un contrat à durée déterminée, ne contiendrait pas d’exemption pour les consommateurs. Se poserait donc la question de savoir si cette loi est contraire à la directive 2009/72, plus particulièrement au niveau élevé de protection des consommateurs prévu à l’annexe I, paragraphe 1, sous a) et e), de celle-ci, et visé par le considérant 51 de cette
directive. À cet égard, la juridiction de renvoi souligne que le droit polonais permet l’imposition de pénalités contractuelles, mais ne prévoit pas de critère pour leur calcul, notamment en termes de proportionnalité avec les coûts, avec les risques encourus ou avec le dommage subi, ce qui serait contraire aux exigences posées notamment par l’article 3, paragraphe 7, de ladite directive. En effet, dans la pratique, de telles pénalités pourraient être égales aux coûts potentiellement facturés au
titre de la fourniture d’énergie convenue, ce qui, de fait, ferait obstacle à la possibilité de résilier de tels contrats.
32 Dans ces conditions, le Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 2, sous b) et c), de la directive [93/13] et la définition de [la notion de] [“]consommateur[”] qui y figure ainsi que le considérant 17 de la directive [2011/83] s’appliquent-ils également à un agriculteur qui conclut un contrat d’achat d’électricité à la fois pour une exploitation agricole et à des fins d’usage domestique ?
2) L’article 3, paragraphes 5 et 7, le considérant 51 ainsi que l’annexe I, paragraphe 1, sous a) et e), de la directive [2009/72], qui prévoient que les consommateurs n’ont rien à payer en cas de rétractation d’un contrat de fourniture de services d’électricité, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la possibilité d’imposer une pénalité contractuelle à un client d’énergie ayant la qualité de consommateur en cas de résiliation d’un contrat de fourniture d’électricité conclu
pour une durée déterminée [(article 4j, paragraphe 3a, de la loi sur l’énergie)] ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
33 Il convient de relever d’emblée que, bien que, dans le libellé de sa première question, la juridiction de renvoi vise non seulement le point b) de l’article 2 de la directive 93/13, qui définit la notion de « consommateur », au sens de cette directive, mais également le point c) de cet article, qui définit la notion de « professionnel », au sens de ladite directive, il ressort aussi de ce libellé ainsi que des motifs de la demande de décision préjudicielle que cette juridiction cherche à obtenir
une interprétation de cette seule notion de « consommateur ».
34 Dans ces conditions, il y a lieu de comprendre que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, sous b), de la directive 93/13, lu à la lumière du considérant 17 de la directive 2011/83, doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « consommateur », au sens de cette disposition, un exploitant agricole qui conclut un contrat d’achat d’électricité qui est destinée à la fois à son exploitation agricole et à son usage domestique.
35 Aux termes de l’article 2, sous b), de la directive 93/13, est un « consommateur » toute personne physique qui, dans les contrats relevant de cette directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle.
36 À cet égard, la Cour a itérativement jugé que la notion de « consommateur », au sens de cet article 2, sous b), a un caractère objectif et est indépendante des connaissances concrètes que la personne concernée peut avoir ou des informations dont cette personne dispose réellement. La qualité de « consommateur » de ladite personne doit ainsi être déterminée au regard d’un critère fonctionnel, consistant à apprécier si le rapport contractuel concerné s’inscrit dans le cadre d’activités étrangères à
l’exercice d’une profession [voir, en ce sens, ordonnance du 19 novembre 2015, Tarcău, C‑74/15, EU:C:2015:772, point 27, et arrêt du 8 juin 2023, YYY. (Notion de consommateur ), C‑570/21, EU:C:2023:456, point 30 ainsi que jurisprudence citée].
37 Quant au point de savoir si et, dans l’affirmative, dans quels cas de figure, une personne ayant conclu un contrat à double finalité, à savoir un contrat portant sur un bien ou un service destiné à un usage se rapportant en partie à son activité professionnelle, et n’étant donc qu’en partie seulement étranger à cette activité, peut néanmoins relever de la notion de « consommateur », au sens dudit article 2, sous b), la Cour a déjà relevé que, si le seul libellé de cette disposition ne permet pas
de le déterminer, le contexte dans lequel ladite disposition s’insère n’exclut pas que, dans certaines hypothèses, une personne physique qui conclut un tel contrat pourrait être qualifiée de « consommateur », au sens de la même disposition [voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2023, YYY. (Notion de consommateur ), C‑570/21, EU:C:2023:456, points 31 à 39].
38 À cet égard, la Cour a jugé que, pour assurer le respect des objectifs poursuivis par le législateur de l’Union dans le domaine des contrats conclus par les consommateurs ainsi que la cohérence du droit de l’Union, il y a lieu, en particulier, de tenir compte de la notion de « consommateur » figurant au considérant 17 de la directive 2011/83, qui explicite la volonté du législateur de l’Union en ce qui concerne la définition de la notion de « consommateur » en cas de contrats à double finalité et
dont il ressort que, lorsque le contrat est conclu à des fins qui n’entrent qu’en partie dans le cadre de l’activité professionnelle de l’intéressé et lorsque la finalité professionnelle est si limitée qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global de ce contrat, cette personne devrait être considérée comme un consommateur [voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2023, YYY. (Notion de consommateur ), C‑570/21, EU:C:2023:456, points 40 à 45].
39 La Cour a, en outre, rappelé que le caractère impératif des dispositions figurant dans la directive 93/13 et les exigences particulières de protection du consommateur requièrent une interprétation large de la notion de « consommateur », au sens de l’article 2, sous b), de cette directive, afin d’assurer l’effet utile de cette dernière [voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2023, YYY. (Notion de consommateur ), C‑570/21, EU:C:2023:456, point 46].
40 Dans ce contexte, la Cour a également souligné que, dans la mesure où l’article 2, sous b), de la directive 93/13 vise à protéger les consommateurs en cas de clauses contractuelles abusives, l’interprétation stricte de la notion de « consommateur » retenue dans l’arrêt du 20 janvier 2005, Gruber (C‑464/01, EU:C:2005:32), aux fins de la détermination de la portée des règles de compétence dérogatoires prévues aux articles 13 à 15 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence
judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par les conventions successives relatives à l’adhésion des nouveaux États membres à cette convention, en cas de contrat à double finalité, ne saurait être étendue, par analogie, à la notion de « consommateur », au sens de l’article 2, sous b), de la directive 93/13 [arrêt du 8 juin 2023, YYY. (Notion de consommateur ), C‑570/21, EU:C:2023:456, point 51].
41 Au vu de ces éléments, la Cour a jugé que l’article 2, sous b), de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « consommateur », au sens de cette disposition, une personne ayant conclu un contrat de crédit destiné à un usage en partie lié à son activité professionnelle et en partie étranger à cette activité, conjointement avec un autre emprunteur n’ayant pas agi dans le cadre de son activité professionnelle, lorsque la finalité professionnelle est si limitée
qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global de ce contrat [voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2023, YYY. (Notion de consommateur ), C‑570/21, EU:C:2023:456, point 53].
42 Il découle de ce qui précède que, afin de déterminer si une personne physique qui conclut un contrat à double finalité, relevant de la directive 93/13, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle et, par suite, relève de la notion de « consommateur », au sens de l’article 2, sous b), de la directive 93/13, il convient d’examiner si la finalité professionnelle de ce contrat est si limitée qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global de celui-ci.
43 Conformément à une jurisprudence constante, il incombe au juge national saisi d’un litige portant sur un contrat susceptible d’entrer dans le champ d’application de la directive 93/13 de vérifier, en tenant compte de l’ensemble des éléments de preuve, et notamment des termes de ce contrat, si la personne concernée peut être qualifiée de « consommateur », au sens de cette directive. Pour ce faire, le juge national doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, et notamment de la nature
du bien ou du service faisant l’objet du contrat en cause, susceptibles de démontrer à quelle fin ce bien ou ce service est acquis [arrêt du 8 juin 2023, YYY. (Notion de consommateur ), C‑570/21, EU:C:2023:456, point 55 et jurisprudence citée].
44 Il en va de même, lorsqu’est en cause un contrat à double finalité, aux fins de l’appréciation, d’une part, de l’ampleur de chacune des deux parties d’un tel contrat, dans le contexte global de celui-ci et, d’autre part, de la finalité prédominante de ce contrat. Ainsi, lorsqu’est en cause un contrat à double finalité, il incombe au juge national d’examiner l’ensemble des circonstances entourant le contrat en cause et d’apprécier, sur la base des éléments de preuve objectifs dont il dispose, dans
quelle mesure la finalité professionnelle ou non professionnelle de ce contrat est prédominante dans le contexte global de celui-ci [voir, par analogie, arrêt du 8 juin 2023, YYY. (Notion de consommateur ), C‑570/21, EU:C:2023:456, points 56 et 58].
45 Partant, si les termes du contrat concerné doivent être pris en compte, ils ne sauraient, à eux seuls, suffire pour déterminer si, en concluant un tel contrat à double finalité, la personne physique concernée a ou non agi à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle. Cependant, eu égard à l’objet du contrat en cause au principal, lequel porte sur un achat d’électricité, il convient de préciser qu’une estimation de la consommation d’électricité annuelle qui serait
prévue de manière élevée par les parties peut révéler que la finalité professionnelle est prédominante, tandis qu’une estimation de la consommation peu élevée est susceptible d’indiquer que la finalité prédominante consiste en un usage domestique.
46 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 2, sous b), de la directive 93/13, lu à la lumière du considérant 17 de la directive 2011/83, doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « consommateur », au sens de cette disposition, un exploitant agricole qui conclut un contrat d’achat d’électricité qui est destinée à la fois à son exploitation agricole et à son usage domestique, lorsque la finalité professionnelle de ce
contrat est si limitée qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global dudit contrat.
Sur la seconde question
47 À titre liminaire, il y a lieu de relever, tout d’abord, que la demande de décision préjudicielle ne fait pas apparaître en quoi l’interprétation de l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2009/72, visé dans le libellé de la seconde question, serait pertinente aux fins de la résolution du litige au principal. En effet, en vertu de ce paragraphe 5, sous a) et b), les États membres veillent à ce que, d’une part, si un client souhaite changer de fournisseur, dans le respect des termes et
conditions des contrats, ce changement soit effectué par l’opérateur ou les opérateurs concernés dans un délai de trois semaines et, d’autre part, les clients aient le droit de recevoir toutes les données pertinentes concernant leur consommation, ces droits devant être accordés aux clients sans discrimination en matière de coût, d’investissement et de temps.
48 Or, il ressort de cette demande que le contrat en cause au principal a été résilié avant sa date de prise d’effet et avant que n’ait eu lieu la moindre fourniture d’électricité au titre de celui-ci. Dans ces conditions, et en l’absence d’explication de la juridiction de renvoi à cet égard, rien n’indique en quoi le litige au principal concernerait une hypothèse de changement de fournisseur. De même, rien n’indique que ce litige concernerait la communication, par le fournisseur, de données de
consommation. Par ailleurs, le droit de changer aisément de fournisseur, qui, en vertu de l’article 2, point 12, de la directive 2009/72, lu en combinaison avec l’article 33 de celle-ci, bénéficie, depuis le 1er juillet 2007, à l’ensemble des clients, au sens de l’article 2, point 7, de cette directive, et au regard duquel la juridiction de renvoi exprime les doutes justifiant sa seconde question, est spécifiquement prévu à l’article 3, paragraphe 7, de ladite directive, lequel fait aussi l’objet
de cette question.
49 De même, l’interprétation sollicitée de l’annexe I, paragraphe 1, sous e), de la directive 2009/72, également visée dans le libellé de la seconde question, n’apparaît pas nécessaire aux fins de la résolution du litige au principal. En effet, cette disposition vise l’hypothèse d’un changement de fournisseur d’électricité alors que, comme cela est constaté au point précédent du présent arrêt, la demande de décision préjudicielle ne fait pas apparaître en quoi ce litige concernerait une telle
hypothèse.
50 Ensuite, il convient de rappeler que la notion de « consommateur », utilisée par la juridiction de renvoi dans le libellé de la seconde question, n’est pas définie par la directive 2009/72, mais que la Cour a déjà constaté que, à défaut d’indication en sens contraire dans une disposition donnée de cette directive, ce terme revêt, dans cette dernière, un sens large et inclut, en principe, tout « client final », au sens de l’article 2, point 9, de ladite directive, à savoir tant les « clients
résidentiels », au sens de cet article 2, point 10, que les « clients non résidentiels », au sens dudit article 2, point 11 [voir, en ce sens, arrêt du 11 janvier 2024, G (Frais de résiliation anticipée), C‑371/22, EU:C:2024:21, point 35].
51 Cependant, il ressort de la demande de décision préjudicielle que c’est la portée de la mesure énoncée à l’annexe I, paragraphe 1, sous a), cinquième tiret, de la directive 2009/72 qui est au cœur des interrogations de la juridiction de renvoi. Or, cette annexe I concerne plus particulièrement, ainsi qu’il découle de l’article 3, paragraphe 7, dernière phrase, de cette directive, les « clients résidentiels », au sens de l’article 2, point 10, de ladite directive.
52 Enfin, le dossier dont dispose la Cour fait apparaître que le contrat en cause au principal a été conclu non seulement pour une durée déterminée, mais également pour un prix fixe pour l’ensemble de la durée de ce contrat.
53 Eu égard à ces éléments, il y a lieu de considérer que, par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 7, et l’annexe I, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/72, lus à la lumière du considérant 51 de cette directive, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui permet qu’une pénalité contractuelle soit imposée à un client résidentiel lorsqu’il résilie de manière anticipée un contrat de
fourniture d’électricité conclu pour une durée déterminée et à un prix fixe.
54 Aux fins de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [arrêts du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, EU:C:2005:362, point 41, ainsi que du 11 janvier 2024, G (Frais de résiliation anticipée), C‑371/22, EU:C:2024:21, point 32].
55 S’agissant, en premier lieu, du libellé des dispositions dont l’interprétation est demandée, il convient de rappeler que l’article 3, paragraphe 7, de la directive 2009/72 impose que les États membres prennent les mesures appropriées pour protéger les clients finals, garantissent un niveau élevé de protection des consommateurs, notamment en ce qui concerne la transparence des termes et des conditions des contrats, l’information générale et les mécanismes de règlement des litiges, et veillent à ce
que le client éligible puisse effectivement changer aisément de fournisseur. Cette disposition ajoute que, en ce qui concerne au moins les clients résidentiels, ces mesures incluent celles figurant à l’annexe I de cette directive.
56 Ainsi qu’il ressort de cette annexe I, paragraphe 1, sous a), cinquième tiret, figurent parmi celles-ci des mesures ayant pour objet de faire en sorte que les clients aient droit à un contrat conclu avec leur fournisseur d’électricité précisant notamment « l’existence d’une clause de résiliation sans frais ».
57 Toutefois, il ressort d’une comparaison des différentes versions linguistiques de la directive 2009/72 que c’est uniquement dans sa version en langue française que cette disposition apparaît indiquer que, s’agissant au moins des clients résidentiels, les États membres doivent prendre des mesures ayant pour objet de faire en sorte que le contrat que les clients concluent avec leur fournisseur d’électricité prévoie leur droit d’en obtenir la résiliation sans frais. En effet, dans l’ensemble des
autres versions linguistiques de cette directive, ladite disposition se limite à indiquer, en substance, que, s’agissant au moins des clients résidentiels, les États membres doivent prendre des mesures ayant pour objet de faire en sorte que les clients aient droit à un contrat conclu avec leur fournisseur d’électricité précisant s’il est possible de résilier ce contrat sans frais.
58 Or, conformément à une jurisprudence constante, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer, à cet égard, un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. En effet, la nécessité d’une application et, dès lors, d’une interprétation uniforme d’un acte de l’Union européenne exclut que celui-ci soit considéré isolément dans une de
ses versions, mais exige qu’il soit interprété en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (arrêt du 30 juin 2022, Allianz Elementar Versicherung, C‑652/20, EU:C:2022:514, point 36 et jurisprudence citée).
59 Par ailleurs, il convient de rappeler que le dernier alinéa de l’annexe I, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/72 précise que les conditions des contrats sont équitables et communiquées à l’avance et que, en tout état de cause, les informations énumérées à cette disposition devraient être fournies avant la conclusion ou la confirmation du contrat.
60 Il découle de ces éléments que le libellé de l’article 3, paragraphe 7, et de l’annexe I, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/72 indique que, en ce qui concerne au moins les clients résidentiels, les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que ces clients puissent, s’ils le souhaitent, effectivement changer aisément de fournisseur. De plus, ils doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer que les stipulations contractuelles soient équitables,
soient rédigées en des termes clairs et communiquées à l’avance, afin que le client puisse en comprendre la portée avant la signature du contrat et y consentir librement et de manière éclairée, répondant ainsi à la condition de transparence que ce libellé impose, et pour qu’existe un mécanisme de règlement des litiges qui pourraient survenir entre ces clients et leur fournisseur d’électricité.
61 En revanche, le libellé de ces dispositions ne permet pas de déterminer si celles-ci excluent la faculté, pour les États membres, de prévoir, dans leur réglementation nationale, qu’une pénalité contractuelle puisse être imposée à un client résidentiel lorsqu’il résilie de manière anticipée un contrat de fourniture d’électricité conclu pour une durée déterminée et à un prix fixe.
62 À cet égard, il convient, en particulier, de relever que le fait qu’une réglementation nationale permette qu’un tel contrat stipule qu’une pénalité contractuelle sera due en cas de résiliation anticipée de celui-ci par le client ne fait pas nécessairement obstacle à ce que ce client puisse effectivement changer aisément de fournisseur, comme le prévoit le libellé de l’article 3, paragraphe 7, de la directive 2009/72, pour autant que cette réglementation contienne les instruments permettant
d’assurer le respect des conditions énoncées au point 60 du présent arrêt, et notamment de contrôler le montant d’une telle pénalité [voir, par analogie, arrêt du 11 janvier 2024, G (Frais de résiliation anticipée), C‑371/22, EU:C:2024:21, point 37]. En effet, c’est davantage ce montant que l’existence même d’une telle pénalité dans son principe qui est de nature à faire obstacle à un tel changement.
63 S’agissant, en deuxième lieu, du contexte dans lequel l’article 3, paragraphe 7, et l’annexe I, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/72 s’insèrent, il y a lieu de relever, tout d’abord, que l’article 3, paragraphe 5, de cette directive précise que les changements de fournisseur se font dans le respect des termes et des conditions des contrats. Dans ce même sens, l’article 37, paragraphe 1, sous l), de ladite directive investit les autorités de régulation de la mission de respecter la
liberté contractuelle en matière de contrats de fourniture interruptibles et de contrats à long terme dès lors qu’ils sont compatibles avec le droit de l’Union et conformes aux politiques de l’Union.
64 Ensuite, il est vrai que, en vertu de l’annexe I, paragraphe 1, sous e), de la directive 2009/72, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 7, de celle-ci, les États membres doivent, en ce qui concerne au moins les clients résidentiels, prendre des mesures ayant pour objet de faire en sorte que ces clients « n’aient rien à payer lorsqu’ils changent de fournisseur ». Il ne saurait toutefois en être déduit que la directive 2009/72 s’oppose, par principe, à l’imposition d’une pénalité
contractuelle en cas de résiliation anticipée, par un client résidentiel, d’un contrat de fourniture d’électricité conclu pour une durée déterminée et à un prix fixe.
65 En effet, considérer que l’annexe I, paragraphe 1, sous e), de la directive 2009/72 implique que, même lorsqu’un client résidentiel résilie de manière anticipée un contrat de fourniture d’électricité conclu pour une durée déterminée et à un prix fixe, il ne peut jamais se voir imposer une pénalité contractuelle irait à l’encontre du libellé de cette annexe I, paragraphe 1, sous a), cinquième tiret, dans la plupart de ses versions linguistiques et, selon la version linguistique de celle-ci qui
serait retenue, priverait cette dernière disposition d’effet utile ou entacherait la directive 2009/72 d’une contradiction.
66 Or, lorsqu’une disposition du droit de l’Union est susceptible de faire l’objet de plusieurs interprétations, il convient de privilégier celle qui est de nature à sauvegarder son effet utile (arrêts du 24 février 2000, Commission/France, C‑434/97, EU:C:2000:98, point 21, et du 23 novembre 2023, EVN Business Service e.a., C‑480/22, EU:C:2023:918, point 37 ainsi que jurisprudence citée). De plus, selon un principe général d’interprétation, une disposition doit être interprétée, dans la mesure du
possible, d’une manière qui ne remet pas en cause sa validité (arrêts du 4 octobre 2001, Italie/Commission, C‑403/99, EU:C:2001:507, point 37, ainsi que du 21 septembre 2023, Stappert Deutschland, C‑210/22, EU:C:2023:693, point 47 et jurisprudence citée).
67 Il y a donc lieu de considérer que les éventuels frais de changement de fournisseur, visés à l’annexe I, paragraphe 1, sous e), de la directive 2009/72 se distinguent des frais liés à la résiliation d’un contrat, visés au point a) de cette disposition, et que cette annexe I, paragraphe 1, sous e), n’exclut pas, par principe, que les États membres conservent la faculté de prévoir, dans leur réglementation nationale, qu’une pénalité contractuelle peut être imposée à un client résidentiel lorsqu’il
résilie de manière anticipée un contrat de fourniture d’électricité conclu pour une durée déterminée et à un prix fixe.
68 C’est d’ailleurs en ce sens que le législateur de l’Union s’est expressément prononcé lorsqu’il a adopté la directive 2019/944, ainsi que cela ressort sans équivoque de l’article 12, paragraphes 2 et 3, de cette directive, qui constitue, conformément au considérant 1 de celle-ci, une refonte de la directive 2009/72 et qui remplace cette dernière depuis le 1er janvier 2021.
69 Enfin, le considérant 51 de la directive 2009/72 se limite à indiquer, premièrement, qu’il convient que les intérêts des consommateurs soient au cœur de cette directive et que la qualité du service constitue une responsabilité centrale pour les entreprises d’électricité ; deuxièmement, que les droits existants des consommateurs doivent être renforcés et garantis et qu’ils devraient inclure une plus grande transparence ; troisièmement, que la protection du consommateur devrait garantir que tous
les consommateurs bénéficient d’un marché compétitif, et, quatrièmement, que les États membres ou, si un État membre le prévoit, les autorités de régulation devraient veiller au respect des droits des consommateurs. Ce considérant ne contient ainsi aucune indication qui irait dans le sens de priver, par principe, les États membres de la faculté de prévoir, dans leur réglementation nationale, qu’une pénalité contractuelle puisse être imposée à un client résidentiel lorsqu’il résilie de manière
anticipée un contrat de fourniture d’électricité conclu pour une durée déterminée et à un prix fixe.
70 En revanche, le considérant 52 de cette directive énonce que les consommateurs devraient pouvoir disposer d’informations claires et compréhensibles sur leurs droits vis-à-vis du secteur énergétique et le considérant 54 de celle-ci précise que les moyens de règlement des litiges prévus en vertu de l’article 3, paragraphe 7, de ladite directive doivent l’être en faveur de tous les consommateurs.
71 Force est dès lors de constater qu’il ne ressort pas du contexte dans lequel l’article 3, paragraphe 7, et l’annexe I, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/72 s’insèrent que ces dispositions s’opposeraient, par principe, à une réglementation nationale permettant qu’une pénalité contractuelle soit imposée à un client résidentiel lorsqu’il résilie de manière anticipée un contrat de fourniture d’électricité conclu pour une durée déterminée et à un prix fixe. En revanche, il découle, en
substance, de ce contexte, qu’une telle réglementation nationale doit, comme l’indique déjà le libellé des dispositions à interpréter, assurer que les clients, notamment résidentiels, aient le droit de choisir leur fournisseur et d’être informés de manière claire et compréhensible de leurs droits et qu’ils soient mis en mesure de les faire respecter dans le cadre d’un mécanisme de règlement des litiges [voir, par analogie, arrêt du 11 janvier 2024, G (Frais de résiliation anticipée), C‑371/22,
EU:C:2024:21, point 44].
72 S’agissant, en troisième lieu, des objectifs poursuivis par la directive 2009/72, la Cour a déjà relevé que, aux termes de son article 1er, cette directive a pour objet d’établir des règles communes concernant la production, le transport, la distribution et la fourniture d’électricité, ainsi que des dispositions relatives à la protection des consommateurs, en vue de l’amélioration et de l’intégration de marchés de l’électricité compétitifs dans l’Union. Dans ce cadre, et ainsi qu’il ressort des
considérants 3, 7 et 8 de ladite directive, celle-ci vise notamment à établir un marché intérieur de l’électricité entièrement ouvert et compétitif, qui permette à tous les consommateurs de choisir librement leurs fournisseurs et à ces derniers de fournir librement leurs produits à leurs clients, à promouvoir la compétitivité sur le marché intérieur, afin d’assurer la fourniture d’électricité au prix le plus bas possible, et à créer des conditions de concurrence équitables sur ce marché, afin de
parvenir à l’achèvement du marché intérieur de l’électricité [arrêt du 11 janvier 2024, G (Frais de résiliation anticipée), C‑371/22, EU:C:2024:21, point 45 et jurisprudence citée].
73 À cet égard, il importe de rappeler que la Cour a également déjà constaté que les contrats de fourniture d’électricité à durée déterminée et à prix fixe peuvent assurer la protection des clients en leur garantissant un prix bas et stable de l’électricité, en offrant aux consommateurs la certitude que les coûts qu’ils auront à supporter ne varient pas pour toute la durée du contrat. Cependant, afin de faire face à ses obligations découlant de tels contrats, le fournisseur d’électricité concerné
est susceptible d’avoir engagé des frais spécifiques, lesquels ont pu entraîner, pour lui, des coûts supplémentaires par rapport à un contrat à durée indéterminée et sans prix fixe, notamment en vue de se prémunir contre la volatilité des coûts sur le marché de gros. Ainsi, la possibilité de permettre l’imposition d’une pénalité contractuelle à la charge du client lorsqu’il résilie de manière anticipée ce type de contrat à durée déterminée et à prix fixe peut permettre au fournisseur de compenser
les coûts particuliers qui résultent, pour lui, de ce type de contrat, tout en lui évitant de devoir répercuter sur l’ensemble de ses clients le risque financier lié à un tel type de contrat, ce qui pourrait se traduire par une hausse des prix de l’électricité à leur égard et ce qui serait, en définitive, contraire à l’objectif d’assurer les prix les plus bas possibles pour les consommateurs [arrêt du 11 janvier 2024, G (Frais de résiliation anticipée), C‑371/22, EU:C:2024:21, point 47].
74 La Cour a ajouté que, toutefois, il convient de tenir également compte de l’objectif d’intérêt général poursuivi par la directive 2009/72 de parvenir à l’achèvement du marché intérieur de l’électricité ainsi que des objectifs plus spécifiques, énoncés aux considérants 51 et 57 de cette directive, de faire bénéficier les consommateurs d’un marché compétitif et libéralisé. Ainsi, elle a constaté que la réalisation de ces objectifs serait compromise si une réglementation nationale permettait
l’imposition de pénalités contractuelles sans commune mesure avec les coûts occasionnés par le contrat, mais non entièrement amortis en raison de la résiliation anticipée de ce dernier. En effet, de telles pénalités sont susceptibles de dissuader artificiellement les clients concernés de résilier de manière anticipée leur contrat de fourniture d’électricité à durée déterminée et à prix fixe, notamment en vue de changer de fournisseur, et, ainsi, de les empêcher de bénéficier pleinement d’un
marché intérieur de l’électricité compétitif et libéralisé [voir, en ce sens, arrêt du 11 janvier 2024, G (Frais de résiliation anticipée), C‑371/22, EU:C:2024:21, point 48].
75 Or, ces considérations, émises par la Cour dans le cadre d’une affaire concernant la résiliation anticipée d’un contrat de fourniture d’électricité à durée déterminée et à prix fixe par un client non résidentiel, sont transposables à un contrat de même nature conclu avec un client résidentiel, la directive 2009/72 ne faisant, pour ce qui est des objectifs rappelés aux points 72 à 74 du présent arrêt, aucune distinction selon la qualité du consommateur concerné.
76 Ainsi, les objectifs de la directive 2009/72 indiquent que les États membres doivent, en principe, avoir la faculté de prévoir, dans leur réglementation nationale, qu’une pénalité contractuelle puisse être imposée à un client résidentiel lorsqu’il résilie de manière anticipée un contrat de fourniture d’électricité conclu pour une durée déterminée et à un prix fixe, pour autant que les conditions générales découlant de cette directive, relatives, en particulier, à la nécessaire information de ce
client et à l’existence d’un mécanisme de règlement des litiges, soient satisfaites.
77 Cela étant, la seconde question étant relative, selon les indications de la juridiction de renvoi, à une réglementation nationale qui permet l’imposition de pénalités contractuelles, mais sans prévoir de critère pour leur calcul, notamment en termes de proportionnalité avec les coûts, avec les risques encourus ou avec le dommage subi, il convient encore de préciser que, bien que la directive 2009/72 ne contienne aucune indication à cet égard, les États membres doivent, conformément à une
jurisprudence constante, exercer leurs compétences dans le respect du droit de l’Union et ils ne sauraient donc, ce faisant, porter atteinte à l’effet utile de la directive 2009/72 [arrêt du 11 janvier 2024, G (Frais de résiliation anticipée), C‑371/22, EU:C:2024:21, point 50 et jurisprudence citée].
78 Or, il y aurait atteinte à l’effet utile de la directive 2009/72 si, dans le cadre du mécanisme de règlement des litiges que les États membres sont tenus de prévoir, en vertu de cette directive, au profit des consommateurs d’électricité, l’autorité administrative ou judiciaire saisie était dans l’impossibilité d’évaluer le montant d’une pénalité contractuelle telle que celle en cause au principal et, le cas échéant, d’imposer sa réduction, voire sa suppression, s’il s’avérait que celle-ci est, au
regard de l’ensemble des circonstances caractérisant le cas d’espèce, d’un montant disproportionné par rapport aux coûts occasionnés par un contrat tel que celui en cause au principal, mais non entièrement amortis en raison de la résiliation anticipée de ce dernier, de telle sorte qu’elle aurait, en pratique, pour effet de vider de sa substance le droit du client final de choisir librement son fournisseur et de porter atteinte aux objectifs de ladite directive rappelés aux points 72 et 74 du
présent arrêt [voir, par analogie, arrêt du 11 janvier 2024, G (Frais de résiliation anticipée), C‑371/22, EU:C:2024:21, point 51].
79 Si cette appréciation de la proportionnalité du montant d’une telle pénalité contractuelle appartient à la seule autorité nationale saisie d’un éventuel litige, il convient néanmoins, afin de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, d’indiquer que, aux fins de ladite appréciation, peuvent, notamment, être pris en compte la durée initiale du contrat en cause, la durée qui restait à courir au moment de sa résiliation, la quantité d’électricité qui a été achetée en vue de l’exécution de
ce contrat, mais qui ne sera finalement pas consommée par le client, ainsi que les moyens dont aurait disposé un fournisseur raisonnablement diligent pour limiter les éventuelles pertes économiques qu’il aurait subies du fait de cette résiliation anticipée [voir, par analogie, arrêt du 11 janvier 2024, G (Frais de résiliation anticipée), C‑371/22, EU:C:2024:21, point 52].
80 Il découle de ce qui précède que l’article 3, paragraphe 7, et l’annexe I, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/72, lus à la lumière du considérant 51 de cette directive, ne s’opposent pas à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, pour autant qu’une telle réglementation garantisse que la pénalité contractuelle qui peut être stipulée en vertu de celle-ci soit équitable, claire, communiquée à l’avance et librement consentie, et qu’il existe une possibilité de
recours, administratif ou juridictionnel, dans le cadre duquel l’autorité saisie peut apprécier le caractère proportionné de cette pénalité au regard de l’ensemble des circonstances de l’espèce et, le cas échéant, imposer sa réduction ou sa suppression [voir, par analogie, arrêt du 11 janvier 2024, G (Frais de résiliation anticipée), C‑371/22, EU:C:2024:21, point 55].
81 Afin de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient encore de préciser que, d’une part, compte tenu de cette interprétation, il est indifférent que, dans le cadre du litige au principal, S. J. soit qualifié de « client résidentiel », au sens de l’article 2, point 10, de la directive 2009/72, ou de client « non résidentiel », au sens de l’article 2, point 11, de celle-ci, une interprétation analogue valant lorsqu’est en cause la résiliation anticipée, par un client non
résidentiel, d’un contrat de fourniture d’électricité conclu pour une durée déterminée et à un prix fixe [voir, en ce sens, arrêt du 11 janvier 2024, G (Frais de résiliation anticipée), C‑371/22, EU:C:2024:21, point 55].
82 Cela étant, et d’autre part, conformément à l’annexe I, paragraphe 1, de la directive 2009/72, ladite interprétation est sans préjudice des droits qu’un client tel que S. J. pourrait, le cas échéant, tirer de la réglementation de l’Union sur la protection des consommateurs, notamment de la directive 93/13 si ce client relevait, par ailleurs, de la notion de « consommateur », au sens de l’article 2, sous b), de cette dernière directive.
83 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question que l’article 3, paragraphe 7, et l’annexe I, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/72, lus à la lumière du considérant 51 de cette directive, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle, en cas de résiliation anticipée, par un client résidentiel, d’un contrat de fourniture d’électricité conclu pour une durée déterminée et
à un prix fixe, celui-ci est tenu au paiement de la pénalité contractuelle stipulée dans le contrat, pour autant que cette réglementation, d’une part, garantisse qu’une telle pénalité contractuelle est équitable, claire, communiquée à l’avance et librement consentie, et, d’autre part, prévoie une possibilité de recours, administratif ou juridictionnel, dans le cadre duquel l’autorité saisie peut apprécier le caractère proportionné de cette pénalité au regard de l’ensemble des circonstances de
l’espèce et, le cas échéant, imposer sa réduction ou sa suppression. Cette interprétation est sans préjudice des droits qu’un tel client pourrait, le cas échéant, tirer de la réglementation de l’Union sur la protection des consommateurs, notamment de la directive 93/13 si ce client relevait, par ailleurs, de la notion de « consommateur », au sens de l’article 2, sous b), de cette dernière directive.
Sur les dépens
84 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
1) L’article 2, sous b), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lu à la lumière du considérant 17 de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du
Parlement européen et du Conseil,
doit être interprété en ce sens que :
relève de la notion de « consommateur », au sens de cette disposition, un exploitant agricole qui conclut un contrat d’achat d’électricité qui est destinée à la fois à son exploitation agricole et à son usage domestique, lorsque la finalité professionnelle de ce contrat est si limitée qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global dudit contrat.
2) L’article 3, paragraphe 7, et l’annexe I, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE, lus à la lumière du considérant 51 de la directive 2009/72,
doivent être interprétés en ce sens que :
ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle, en cas de résiliation anticipée, par un client résidentiel, d’un contrat de fourniture d’électricité conclu pour une durée déterminée et à un prix fixe, celui-ci est tenu au paiement de la pénalité contractuelle stipulée dans le contrat, pour autant que cette réglementation, d’une part, garantisse qu’une telle pénalité contractuelle est équitable, claire, communiquée à l’avance et librement consentie, et, d’autre part,
prévoie une possibilité de recours, administratif ou juridictionnel, dans le cadre duquel l’autorité saisie peut apprécier le caractère proportionné de cette pénalité au regard de l’ensemble des circonstances de l’espèce et, le cas échéant, imposer sa réduction ou sa suppression. Cette interprétation est sans préjudice des droits qu’un tel client pourrait, le cas échéant, tirer de la réglementation de l’Union sur la protection des consommateurs, notamment de la directive 93/13 si ce client
relevait, par ailleurs, de la notion de « consommateur », au sens de l’article 2, sous b), de cette dernière directive.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le polonais.
( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.