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08/05/2025 | CJUE | N°C-236/24

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Provincie Oost-Vlaanderen et Sogent contre KG et WA., 08/05/2025, C-236/24


 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

8 mai 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2011/92/UE – Évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement – Projets énumérés à l’annexe II – Détermination des projets devant être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement (vérification préliminaire) – Article 9 bis – Prévention des conflits d’intérêts – Cumul des fonctions de maître d’ouvrage et d’autorité compétente pour procéder à cette détermina

tion – Séparation appropriée entre les
fonctions en conflit »

Dans l’affaire C‑236/24,

ayant pour objet une demande ...

 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

8 mai 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2011/92/UE – Évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement – Projets énumérés à l’annexe II – Détermination des projets devant être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement (vérification préliminaire) – Article 9 bis – Prévention des conflits d’intérêts – Cumul des fonctions de maître d’ouvrage et d’autorité compétente pour procéder à cette détermination – Séparation appropriée entre les
fonctions en conflit »

Dans l’affaire C‑236/24,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Raad van State (Conseil d’État, Belgique), par décision du 26 mars 2024, parvenue à la Cour le 29 mars 2024, dans la procédure

Provincie Oost-Vlaanderen,

Sogent

contre

KG,

WA,

LA COUR (première chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de chambre, M. T. von Danwitz, vice‑président de la Cour, faisant fonction de juge de la première chambre, M. A. Kumin, Mme I. Ziemele et M. S. Gervasoni (rapporteur), juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour la Provincie Oost-Vlaanderen et Sogent, par Mes T. Quintens et S. Ronse, advocaten,

– pour KG et WA, par Me J. De Staercke, advocaat,

– pour le gouvernement belge, par MM. S. Baeyens, P. Cottin et Mme C. Pochet, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. M. Noll-Ehlers et G. Wils, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 9 bis de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1), telle que modifiée par la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014 (JO 2014, L 124, p. 1) (ci-après la « directive 2011/92 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Provincie Oost-Vlaanderen (province de Flandre-Orientale, Belgique) et Sogent à KG et à WA au sujet d’une autorisation accordée pour un projet de reconversion d’un site de blanchisserie.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2011/92

3 L’article 4 de la directive 2011/92 prévoit :

« 1.   Sous réserve de l’article 2, paragraphe 4, les projets énumérés à l’annexe I sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10.

2.   Sous réserve de l’article 2, paragraphe 4, pour les projets énumérés à l’annexe II, les États membres déterminent si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10. Les États membres procèdent à cette détermination :

a) sur la base d’un examen cas par cas ;

ou

b) sur la base des seuils ou critères fixés par l’État membre.

Les États membres peuvent décider d’appliquer les deux procédures visées aux points a) et b).

[...]

4.   Lorsque les États membres décident d’exiger une détermination pour les projets énumérés à l’annexe II, le maître d’ouvrage fournit des informations sur les caractéristiques du projet et sur les incidences notables qu’il est susceptible d’avoir sur l’environnement. [...]

5.   L’autorité compétente procède à sa détermination sur la base des informations fournies par le maître d’ouvrage conformément au paragraphe 4 en tenant compte, le cas échéant, des résultats des vérifications préliminaires ou des évaluations des incidences sur l’environnement réalisées en vertu d’actes législatifs de l’Union autres que la présente directive. La détermination est mise à la disposition du public et :

a) indique, lorsqu’il a été décidé qu’une évaluation des incidences sur l’environnement était nécessaire, les raisons principales de la décision d’exiger une telle évaluation au regard des critères pertinents énumérés à l’annexe III ; ou

b) indique, lorsqu’elle dispose qu’une évaluation des incidences sur l’environnement n’est pas nécessaire, les principales raisons de ne pas exiger une telle évaluation par rapport aux critères applicables figurant à l’annexe III, ainsi que, sur proposition du maître d’ouvrage, toutes les caractéristiques du projet et/ou les mesures envisagées pour éviter ou prévenir ce qui aurait pu, à défaut, constituer des incidences négatives notables sur l’environnement.

[...] »

4 L’article 9 bis de la directive 2011/92 est ainsi libellé :

« Les États membres veillent à ce que l’autorité ou les autorités compétentes accomplissent les missions résultant de la présente directive de façon objective et ne se trouvent pas dans une position donnant lieu à un conflit d’intérêts.

Lorsque l’autorité compétente est aussi le maître d’ouvrage, les États membres appliquent au minimum, dans leur organisation des compétences administratives, une séparation appropriée entre les fonctions en conflit lors de l’accomplissement des missions résultant de la présente directive. »

La directive 2014/52

5 Les considérants 25 et 26 de la directive 2014/52 énoncent :

« (25) Il convient de garantir l’objectivité des autorités compétentes. Les conflits d’intérêts pourraient être évités notamment au moyen de la séparation fonctionnelle entre l’autorité compétente et le maître d’ouvrage. Lorsque l’autorité compétente est aussi le maître d’ouvrage, les États membres devraient au minimum appliquer, dans leur organisation des compétences administratives, une séparation appropriée entre les fonctions en conflit des autorités assurant les missions résultant de la
directive [2011/92].

(26) Afin de permettre à l’autorité compétente de déterminer si les projets énumérés à l’annexe II de la directive [2011/92], et leurs modifications ou extensions, doivent être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement (procédure de vérification préliminaire), les informations que le maître d’ouvrage est tenu de fournir devraient être précisées en privilégiant les points essentiels qui permettent à l’autorité compétente d’établir sa détermination. [...] »

Le droit belge

Le décret contenant des dispositions générales concernant la politique de l’environnement

6 L’article 4.3.3, paragraphe 2, du decreet houdende algemene bepalingen inzake milieubeleid (décret contenant des dispositions générales concernant la politique de l’environnement), du 5 avril 1995 (Belgisch Staatsblad,3 juin 1998, p. 15971), dispose :

« Dans les cas visés à l’article 4.3.2, § 2bis et § 3bis, pour lesquels une note de [vérification préliminaire des incidences du projet sur l’environnement] a été établie, l’autorité décidant de la recevabilité et du caractère complet de la demande d’autorisation [...] prend une décision quant à la nécessité d’établir un [rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement]. [...]

[...] »

Le décret relatif au permis d’environnement

7 L’article 9, paragraphe 2, du decreet betreffende de omgevingsvergunning (décret relatif au permis d’environnement), du 25 avril 2014 (Belgisch Staatsblad,23 octobre 2014, p. 82132), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après le « décret relatif au permis d’environnement »), prévoit :

« Le fonctionnaire environnement communal exerce les tâches visées dans ce décret, de manière indépendante et neutre. Il ne peut subir de préjudice de l’exercice de ces tâches. »

8 L’article 15/1 de ce décret, qui vise à transposer l’article 9 bis de la directive 2011/92, dispose :

« Pour la prise de connaissance et la décision concernant une demande de permis pour un projet ou pour la modification d’un projet, pour lesquels, conformément à l’article 15, le collège des bourgmestre et échevins est compétent, la députation est toutefois compétente, s’il est satisfait aux deux conditions suivantes :

1° un rapport d’évaluation des incidences environnementales doit être établi et aucune exemption de l’obligation de faire un rapport n’a été obtenue pour le projet ;

2° le collège des bourgmestre et échevins est l’initiateur et le demandeur du projet.

Pour la prise de connaissance et la décision concernant une demande de permis pour un projet ou pour la modification d’un projet, pour lesquels, conformément à l’article 15, la députation est compétente, le Gouvernement flamand est toutefois compétent, s’il est satisfait aux deux conditions suivantes :

1° un rapport d’évaluation des incidences environnementales doit être établi et aucune exemption de l’obligation de faire un rapport n’a été obtenue pour le projet ;

2° la députation est l’initiateur et le demandeur du projet. »

9 L’article 20 dudit décret prévoit :

« Si, conformément à l’article 4.3.3, § 2 du [décret contenant des dispositions générales concernant la politique de l’environnement du 5 avril 1995], la demande d’autorisation comprend une note de [vérification préliminaire des incidences du projet sur l’environnement], l’autorité compétente, visée à l’article 15, ou le fonctionnaire environnement communal, provincial ou régional examine cette note et prend une décision quant à la nécessité d’établir une évaluation des incidences sur
l’environnement pour le projet.

Si la demande est introduite par l’autorité compétente elle-même, le fonctionnaire environnement communal, provincial ou régional effectue les tâches mentionnées au premier alinéa. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

10 Sogent, un organisme public doté de la personnalité juridique, constitué par la ville de Gand (Belgique), a introduit auprès du college van burgemeester en schepenen (collège des bourgmestre et échevins, Belgique) de cette ville une demande d’autorisation en vue de la réalisation d’un projet de reconversion d’un site de blanchisserie. Elle a joint à cette demande une note de vérification préliminaire sur les incidences attendues de ce projet sur l’environnement, destinée à apprécier si celui-ci
devait être soumis à une évaluation environnementale.

11 Le 1er septembre 2020, l’agent de la ville de Gand chargé de l’environnement a considéré que ledit projet n’avait pas d’incidence notable attendue sur l’environnement et qu’il n’était donc pas nécessaire de le soumettre à une évaluation de ses incidences sur l’environnement. Le 10 décembre 2020, le collège des bourgmestre et échevins de la ville de Gand a accordé l’autorisation demandée à Sogent.

12 KG et WA, propriétaires d’un immeuble voisin du site concerné par le même projet, ont introduit un recours administratif contre cette autorisation auprès de la province de Flandre-Orientale. Le 3 juin 2021, cette dernière a rejeté ce recours comme étant non fondé.

13 KG et WA ont introduit un recours en annulation contre cette décision de rejet devant le Raad voor Vergunningsbetwistingen (Conseil du contentieux des permis, Belgique). Par un arrêt du 6 octobre 2022, ce dernier a déclaré ce recours fondé, a annulé ladite décision et a refusé l’octroi de ladite autorisation. Il a considéré que la même décision était contraire à l’article 15/1, premier alinéa, et à l’article 20 du décret relatif au permis d’environnement ainsi qu’à l’article 9 bis de la
directive 2011/92. Selon lui, dès lors que le collège des bourgmestre et échevins de la ville de Gand était également maître d’ouvrage « de fait » du projet concerné, il s’était à tort reconnu compétent pour statuer sur la demande d’autorisation en cause, l’article 15/1, premier alinéa, du décret relatif au permis d’environnement, interprété au regard de l’article 9 bis de la directive 2011/92, conférant cette compétence à la seule deputatie van de Provincie Oost-Vlaanderen (députation de la
province de Flandre-Orientale, Belgique).

14 La province de Flandre-Orientale et Sogent ont introduit des pourvois en cassation contre cet arrêt devant le Raad van State (Conseil d’État, Belgique), qui est la juridiction de renvoi.

15 Le Raad van State (Conseil d’État) estime que l’analyse retenue dans ledit arrêt est contraire à l’article 15/1 du décret relatif au permis d’environnement.

16 La juridiction de renvoi considère qu’il résulte de cet article que la députation ne prend connaissance, à la place du collège des bourgmestre et échevins, d’une demande d’autorisation d’un projet que lorsqu’il est déjà établi, au moment de cette demande, que le projet concerné doit être soumis à une évaluation de ses incidences sur l’environnement. En revanche, lorsqu’une demande d’autorisation d’un projet implique, dans un premier temps, une vérification préliminaire afin d’apprécier si
celui-ci doit être soumis à une évaluation de ses incidences sur l’environnement, le fonctionnaire communal chargé de l’environnement serait compétent.

17 Cette juridiction estime dès lors que, dans l’hypothèse où l’article 9 bis de la directive 2011/92 s’opposerait à ce qu’une telle compétence soit accordée au fonctionnaire communal chargé de l’environnement pour les projets dans lesquels la commune est également le maître d’ouvrage, cet article n’aurait pas été transposé correctement en Région flamande.

18 Dans ces conditions, le Raad van State (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 9 bis de la [directive 2011/92] doit-il être interprété en ce sens que, lorsque l’autorité compétente est aussi le maître d’ouvrage, la séparation appropriée entre les fonctions en conflit lors de l’accomplissement des missions résultant de la directive doit également être appliquée aux fins de déterminer si les projets visés à l’article 4, paragraphe 2, de [cette] directive doivent être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10 de [ladite] directive ? »

Sur la question préjudicielle

19 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 9 bis de la directive 2011/92 doit être interprété en ce sens que, lorsque l’autorité compétente pour déterminer si un projet visé à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive doit être soumis à une évaluation de ses incidences sur l’environnement, conformément aux articles 5 à 10 de ladite directive, est aussi le maître d’ouvrage du projet concerné, une séparation appropriée entre les fonctions en conflit lors de
l’accomplissement de cette mission doit au minimum être appliquée.

20 À titre préalable, il importe de rappeler que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/92 vise les projets énumérés à l’annexe II de cette directive. En l’occurrence, il revient à la juridiction de renvoi de vérifier si le projet en cause au principal relève de cette annexe.

21 Il y a lieu de rappeler également que l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union requiert de tenir compte non seulement de ses termes, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit ainsi que des objectifs et de la finalité que poursuit l’acte dont elle fait partie. La genèse d’une disposition du droit de l’Union peut également révéler des éléments pertinents pour son interprétation [arrêt du 25 juin 2020, A e.a. (Éoliennes à Aalter et à Nevele), C‑24/19, EU:C:2020:503,
point 37].

22 En premier lieu, s’agissant du libellé de l’article 9 bis de la directive 2011/92, cet article prévoit, d’une part, à son premier alinéa, que les États membres veillent à ce que l’autorité ou les autorités compétentes accomplissent les missions résultant de cette directive de façon objective et ne se trouvent pas dans une position donnant lieu à un conflit d’intérêts, et, d’autre part, à son second alinéa, que, dans le cas particulier où l’autorité compétente est aussi le maître d’ouvrage, les
États membres appliquent au minimum, dans leur organisation des compétences administratives, une séparation appropriée entre les fonctions en conflit lors de l’accomplissement des missions de ladite directive.

23 Ledit article vise ainsi, tant à son premier qu’à son second alinéa, les « missions résultant de [la] directive [2011/92] ».

24 Or, lorsque l’autorité compétente détermine si un projet visé à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive doit être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, dans le cadre d’une procédure que le considérant 26 de la directive 2014/52 qualifie de « vérification préliminaire », elle accomplit une mission résultant de ladite directive.

25 Il résulte donc des termes de l’article 9 bis de la directive 2011/92 que celui-ci s’applique à cette procédure de vérification préliminaire.

26 En deuxième lieu, cette analyse est confortée par le contexte dans lequel cet article s’inscrit.

27 Premièrement, le considérant 25 de la directive 2014/52 énonce, dans des termes identiques, que la séparation appropriée entre les fonctions en conflit concerne les autorités assurant « les missions résultant de la directive [2011/92] », sans exclure l’applicabilité de cette exigence à ladite procédure de vérification préliminaire.

28 Deuxièmement, il y a lieu de relever que l’article 4 de cette directive 2011/92 vise, d’une part, à son paragraphe 1, les projets énumérés à l’annexe I de ladite directive, que les États membres doivent soumettre à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement, et, d’autre part, à son paragraphe 2, les projets énumérés à l’annexe II de la même directive, pour lesquels les États membres déterminent s’ils doivent être soumis à une telle évaluation.

29 En outre, en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2011/92, lorsque les États membres décident d’exiger une détermination pour les projets énumérés à l’annexe II de cette directive, le maître d’ouvrage fournit des informations sur les caractéristiques du projet et sur les incidences notables qu’il est susceptible d’avoir sur l’environnement. Selon le paragraphe 5 de cet article, l’autorité compétente détermine, sur la base de ces informations, si le projet doit être soumis à une
évaluation des incidences sur l’environnement.

30 Dans ce contexte, la nécessité d’assurer la cohérence dans l’application des garanties prescrites à l’article 9 bis de la directive 2011/92 suppose que l’autorité compétente puisse se prononcer de façon objective et ne se trouve pas dans une position donnant lieu à un conflit d’intérêts, en particulier à l’égard du maître d’ouvrage qui fournit à cette autorité les informations sur la base desquelles elle doit se prononcer, tant lors de la procédure de vérification préliminaire que lors de la
procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement.

31 La circonstance que l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 2011/92 renvoie à l’application des articles 5 à 10 de cette directive en ce qui concerne l’évaluation des incidences sur l’environnement n’exclut pas que l’article 9 bis de ladite directive puisse être également applicable en ce qui concerne la procédure de vérification préliminaire.

32 En troisième lieu, sur le plan téléologique, ainsi qu’il ressort du considérant 25 de la directive 2014/52, l’exigence de prévenir les conflits d’intérêts prévue à l’article 9 bis de la directive 2011/92 poursuit l’objectif de garantir l’objectivité des autorités compétentes. En outre, cet objectif contribue à l’objectif essentiel de cette dernière directive, qui est de garantir que les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature,
de leurs dimensions ou de leur localisation, soient, avant l’octroi d’une autorisation, soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences sur l’environnement (arrêt du 29 juillet 2019, Inter‑Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen, C‑411/17, EU:C:2019:622, point 108 ainsi que jurisprudence citée). Dès lors, le respect de ces objectifs suppose que l’article 9 bis de la directive 2011/92 s’applique au cas où l’autorité compétente vérifie si un projet visé à l’article 4,
paragraphe 2, de cette dernière directive doit être soumis à une évaluation de ses incidences sur l’environnement.

33 L’effet utile de l’article 9 bis de la directive 2011/92 se trouverait, en effet, affaibli si l’objectivité des autorités compétentes et l’absence de conflits d’intérêts n’étaient pas garanties à tous les stades de l’accomplissement des missions qui sont confiées à ces autorités par cette directive en ce qui concerne tant la vérification préliminaire que l’évaluation ultérieure des incidences d’un projet sur l’environnement.

34 En quatrième et dernier lieu, la genèse de l’article 9 bis de la directive 2011/92 ne remet pas en cause cette interprétation.

35 En effet, si la province de Flandre-Orientale et Sogent font valoir que l’amendement 19 du rapport du Parlement européen, du 22 juillet 2013, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2011/92/CEE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement [(COM(2012) 0628], a été adopté après l’arrêt du 20 octobre 2011, Seaport (NI) e.a. (C‑474/10, EU:C:2011:681), concernant le cas où une évaluation
environnementale de certains plans ou programmes est requise, et proposait un nouveau considérant 13 ter, qui prévoyait l’instauration de normes précises pour éviter les conflits d’intérêts entre l’autorité compétente et le maître d’ouvrage d’un projet soumis à l’évaluation des incidences sur l’environnement, sans faire mention des projets soumis à une procédure de vérification préliminaire, il convient de constater que cet amendement ne correspond pas aux termes du considérant 25 de la directive
2014/52. En outre et en tout état de cause, la directive 2011/92 ne contient aucune disposition qui limiterait l’application des garanties prévues à l’article 9 bis de cette dernière directive à la procédure d’évaluation des incidences d’un projet sur l’environnement. Cet argument ne saurait, dès lors, être susceptible de remettre en cause l’interprétation de cet article fondée sur son libellé, son contexte et ses objectifs.

36 Il résulte de ce qui précède que l’article 9 bis de la directive 2011/92 s’applique lorsque l’autorité compétente détermine si un projet visé à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive doit être soumis à l’évaluation de ses incidences sur l’environnement.

37 Par conséquent, conformément à cet article 9 bis, second alinéa, lorsque l’autorité compétente pour procéder à cette détermination est aussi le maître d’ouvrage du projet concerné, les États membres appliquent, au minimum, dans leur organisation des compétences administratives, une séparation appropriée entre les fonctions en conflit lors de l’accomplissement de cette mission.

38 Cette séparation appropriée doit être organisée de manière à ce qu’une entité administrative, interne à l’autorité compétente pour procéder à ladite détermination, dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir sa mission de manière objective [voir, par analogie, arrêt du 20 octobre 2011, Seaport (NI) e.a., C‑474/10, EU:C:2011:681, point 43].

39 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 9 bis de la directive 2011/92 doit être interprété en ce sens que, lorsque l’autorité compétente pour déterminer si un projet visé à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/92 doit être soumis à une évaluation de ses incidences sur l’environnement, conformément aux articles 5 à 10 de la directive 2011/92, est aussi le maître d’ouvrage du projet concerné, une séparation appropriée entre les
fonctions en conflit lors de l’accomplissement de cette mission doit au minimum être appliquée.

Sur les dépens

40 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

  L’article 9 bis de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle que modifiée par la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014,

  doit être interprété en ce sens que :

  lorsque l’autorité compétente pour déterminer si un projet visé à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/92, telle que modifiée, doit être soumis à une évaluation de ses incidences sur l’environnement, conformément aux articles 5 à 10 de la directive 2011/92, telle que modifiée, est aussi le maître d’ouvrage du projet concerné, une séparation appropriée entre les fonctions en conflit lors de l’accomplissement de cette mission doit au minimum être appliquée.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-236/24
Date de la décision : 08/05/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Raad van State.

Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2011/92/UE – Évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement – Projets énumérés à l’annexe II – Détermination des projets devant être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement (vérification préliminaire) – Article 9 bis – Prévention des conflits d’intérêts – Cumul des fonctions de maître d’ouvrage et d’autorité compétente pour procéder à cette détermination – Séparation appropriée entre les fonctions en conflit.

Environnement


Parties
Demandeurs : Provincie Oost-Vlaanderen et Sogent
Défendeurs : KG et WA.

Composition du Tribunal
Avocat général : Rantos
Rapporteur ?: Gervasoni

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:321

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