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30/04/2025 | CJUE | N°C-699/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, FG contre Caja Rural de Navarra SCC., 30/04/2025, C-699/23


ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

30 avril 2025 (*)

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Articles 3 à 5 – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrats de prêt hypothécaire – Clause de commission d’ouverture du prêt – Demande d’annulation de cette clause – Appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles – Caractère clair et compréhensible des clauses »

Dans l’affaire C‑699/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudici

elle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de Primera Instancia n^o 8 de Donostia – San Sebastián...

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

30 avril 2025 (*)

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Articles 3 à 5 – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrats de prêt hypothécaire – Clause de commission d’ouverture du prêt – Demande d’annulation de cette clause – Appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles – Caractère clair et compréhensible des clauses »

Dans l’affaire C‑699/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de Primera Instancia n^o 8 de Donostia – San Sebastián (tribunal de première instance de Saint‑Sébastien n^o 8, Espagne), par décision du 13 novembre 2023, parvenue à la Cour le 16 novembre 2023, dans la procédure

FG

contre

Caja Rural de Navarra SCC,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. S. Rodin (rapporteur), président de chambre, MM. N. Piçarra et N. Fenger, juges,

avocat général : M. D. Spielmann,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour FG, par M^es J. M. Erausquin Vázquez et M. Ortiz Pérez, abogados,

–        pour Caja Rural de Navarra SCC, par M^e A. Enériz Arraiza, abogado,

–        pour le gouvernement espagnol, par M^me M. J. Ruiz Sánchez, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. J. Baquero Cruz, P. Kienapfel et N. Ruiz García, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation, d’une part, des articles 3 à 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), ainsi que, d’autre part, de l’article 7 de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 février 2014, sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les
directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n^o 1093/2010 (JO 2014, L 60, p. 34).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant FG à Caja Rural de Navarra SCC au sujet du caractère prétendument abusif d’une clause contractuelle relative à une commission d’ouverture d’un prêt.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 93/13

3        Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 :

« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »

4        L’article 4 de cette directive prévoit :

« 1.      Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2.      L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

5        L’article 5 de ladite directive est rédigé comme suit :

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. Cette règle d’interprétation n’est pas applicable dans le cadre des procédures prévues à l’article 7 paragraphe 2. »

6        L’article 7, paragraphe 1, de la même directive est ainsi libellé :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »

 La directive 2014/17

7        L’article 7 de la directive 2014/17, intitulé « Règles de conduite pour la fourniture de crédits à des consommateurs », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres exigent que, dans le cadre de l’élaboration, l’octroi, l’intermédiation ou la fourniture de services de conseil relatifs à des formules de crédits et, le cas échéant, de services auxiliaires destinés aux consommateurs ou dans le cadre de l’exécution d’un contrat de crédit, les prêteurs, les intermédiaires de crédit ou les représentants désignés agissent d’une manière honnête, équitable, transparente et professionnelle, en tenant compte des droits et des intérêts des
consommateurs. [...] »

8        Aux termes de l’article 43, paragraphe 1, de cette directive :

« La présente directive ne s’applique pas aux contrats de crédit en cours au 21 mars 2016. »

 Le droit espagnol

 La loi 5/2019

9        L’article 14 de la Ley 5/2019, reguladora de los contratos de crédito inmobiliario (loi 5/2019, portant réglementation des contrats de crédit immobilier), du 15 mars 2019 (BOE n^o 65, du 16 mars 2019), prévoit :

« 3.      Des frais ne peuvent être répercutés ou des commissions perçues que pour des services liés à des prêts qui ont été expressément acceptés ou demandés par un emprunteur ou un emprunteur potentiel, à condition qu’ils correspondent à des services effectivement fournis ou à des coûts supportés qui peuvent être attestés.

4.      Si une commission d’ouverture est convenue, elle est due une seule fois et comprend la totalité des frais liés à l’examen, au traitement ou à l’octroi du prêt ou d’autres frais similaires inhérents à l’activité du prêteur occasionnée par l’octroi du prêt. Dans le cas de prêts libellés en devises, la commission d’ouverture comprend également toute commission de change correspondant à la première utilisation du prêt. »

 L’arrêté du ministère de la présidence relatif à la transparence des conditions financières des prêts hypothécaires

10      L’annexe II de l’Orden del Ministerio de la Presidencia sobre transparencia de las condiciones financieras de los préstamos hipotecarios (arrêté du ministère de la présidence relatif à la transparence des conditions financières des prêts hypothécaires), du 5 mai 1994 (BOE n^o 112, du 11 mai 1994, p. 14444), dispose, à son paragraphe 4.^a, intitulé « Commissions » :

« 1.      Commission d’ouverture – Toutes les dépenses d’étude du prêt, d’octroi ou de traitement du prêt hypothécaire, ou autres dépenses similaires inhérentes à l’activité de l’entité prêteuse occasionnées par l’octroi du prêt, doivent obligatoirement être intégrées dans une commission unique, appelée commission d’ouverture, et elle n’est payable qu’une seule fois. Son montant, ainsi que sa forme et sa date de règlement, seront précisés dans la présente clause.

[...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

11      Le 22 janvier 2010, FG a conclu avec Caja Rural de Navarra un contrat de crédit avec garantie hypothécaire.

12      Conformément à l’article 4 de ce contrat, l’emprunteur devait s’acquitter, à la signature de celui-ci, d’une commission d’ouverture correspondant à 0,35 % du montant total du prêt, soit la somme de 588,70 euros.

13      Le 6 avril 2022, FG a introduit un recours contre Caja Rural de Navarra devant le Juzgado de Primera Instancia n^o 8 de Donostia – San Sebastián (tribunal de première instance de Saint-Sébastien n^o 8, Espagne), qui est la juridiction de renvoi, visant, notamment, à faire constater le caractère abusif de la clause prévoyant la commission d’ouverture.

14      Dans la décision de renvoi, cette juridiction relève que, dans l’arrêt du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (C‑224/19 et C‑259/19, EU:C:2020:578), la Cour a, notamment, interprété la directive 93/13 en ce qui concerne le contrôle du caractère abusif et de l’exigence de transparence de la clause, contenue dans un contrat de prêt régi par le droit espagnol, imposant à l’emprunteur le paiement d’une commission d’ouverture. Elle précise que, à la suite de cet arrêt,
les juridictions nationales ont rendu, en la matière, des décisions contradictoires, ce qui a conduit le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) à présenter une demande de décision préjudicielle portant, de nouveau, sur cette clause et ayant donné lieu à l’arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt) (C‑565/21, EU:C:2023:212).

15      La juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité de la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême) avec ce dernier arrêt.

16      À cet égard, la juridiction de renvoi fait état d’un arrêt du Tribunal Supremo (Cour suprême) du 29 mai 2023, l’arrêt 816/2023 (ES:TS:2023:2131), dans lequel ce dernier a estimé que la clause prévoyant une commission d’ouverture, qui rémunère les frais d’étude, d’octroi, ou de traitement du prêt ou du crédit hypothécaire, ne présente pas, en soi, de caractère abusif. Le Tribunal Supremo (Cour suprême) limiterait son contrôle du caractère abusif d’une telle clause à deux aspects, à savoir,
d’une part, le fait que les services rémunérés par cette commission ne soient pas inclus dans d’autres éléments déjà facturés au consommateur et, d’autre part, le fait que le montant de ladite commission ne soit pas disproportionné par rapport au coût moyen des commissions d’ouverture en Espagne, les statistiques relatives à ce coût étant accessibles sur Internet.

17      Dans ces conditions, le Juzgado de Primera Instancia n^o 8 de Donostia – San Sebastián (tribunal de première instance n^o 8 de Saint-Sébastien) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Le principe de transparence s’oppose-t-il à ce que le professionnel perçoive une “commission d’ouverture” pour la fourniture de services qui ne sont spécifiés, ni quant à leur contenu ni quant au temps qui leur est consacré, ce qui empêche le consommateur de vérifier, d’une part, que le montant de cette commission est conforme à ce qui a été convenu ou à ce qui a été établi dans le barème de prix ou, en tout état de cause, qu’il est raisonnable au regard du type de service et, d’autre
part, qu’aucun service ne fait double emploi, que le consommateur ne paye pas pour des services dont la rémunération est déjà intégrée dans les intérêts rémunératoires et que le professionnel ne facture aucun autre service deux fois ?

2)      Le principe de transparence s’oppose-t-il à ce que le professionnel, lorsqu’il annonce le taux d’intérêt proposé dans le cas de prêts hypothécaires destinés aux consommateurs, ne les informe pas également de l’existence de la “commission d’ouverture” qui est obligatoirement acquittée lors de la conclusion du contrat dont il fait la publicité, en particulier lorsque cette commission constitue un pourcentage connu, préétabli et fixe du montant accordé, quel que soit ce dernier ?

3)      Si les études de la demande de prêt et les démarches y afférentes, la collecte et l’analyse des informations relatives à la solvabilité du demandeur et à sa capacité à rembourser le prêt pendant toute sa durée ainsi que l’évaluation des garanties présentées constituent certains des services rémunérés par la commission d’ouverture lorsque la demande de prêt est approuvée et que ce dernier est souscrit, et si ces mêmes services ne sont pas facturés en cas de rejet de la demande de prêt,
peut-on considérer qu’il s’agit de services propres à l’activité bancaire qui font partie du protocole de sécurité de l’établissement [prêteur], services dont ce dernier doit supporter les coûts, ainsi que le prévoit la directive 2014/17[...] ?

4)      S’il s’avérait que la commission d’ouverture rémunère des services qui ne relèvent pas de l’activité propre de l’établissement prêteur, raison pour laquelle ils sont payés indépendamment des intérêts rémunératoires, cet établissement ne devrait-il pas, dès lors, fournir au consommateur la facture correspondante en faisant apparaître une ventilation et la taxe sur la valeur ajoutée afférente à toute prestation de services ?

5)      Le principe de transparence s’oppose-t-il à ce que le professionnel qui impose le paiement d’une commission d’ouverture en tant que prix d’un ensemble de services bien déterminés ne prévoit pas un tarif comportant le prix horaire de chacun de ces services et ne le remette pas au consommateur préalablement à la conclusion du contrat, de sorte que celui-ci puisse, d’une part, connaître à l’avance le coût final de son contrat de prêt et, d’autre part, comparer le prix de ces services avec les
prix proposés par d’autres professionnels ?

6)      Est-il conforme au principe de transparence que le professionnel facture un ensemble de services bien déterminés, indispensables à la conclusion du contrat envisagé par les deux parties, en déduisant un pourcentage du montant total du prêt accordé, si bien qu’un service identique, fourni par le même nombre de personnes et durant la même période, et qui est facturé en tant que “commission d’ouverture”, correspond à des sommes différentes selon le montant du prêt accordé dans chaque cas ?

7)      L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13[...] s’oppose-t-il à un contrôle de transparence qui permet d’établir le caractère éventuellement abusif de la clause relative à la commission d’ouverture selon que son montant dépasse ou non une somme déterminée issue d’une statistique concernant les montants de cette commission, qui a été obtenue sur Internet ?

8)      L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13[...] s’opposent-ils à une jurisprudence nationale qui considère que le caractère disproportionné de la commission d’ouverture est déterminé sur la base des montants correspondant, selon les statistiques, aux commissions d’ouverture qui étaient appliquées autrefois en Espagne, lesdites commissions ayant été imposées à un moment où, dans cet État, les clauses incorporant une telle commission n’étaient pas soumises à
un contrôle du caractère abusif ?

9)      Le principe d’effectivité s’oppose-t-il à ce que, dans les contrats conclus avant la transposition par le Royaume d’Espagne de la directive 2014/17[...], le professionnel facture une commission d’ouverture qui rémunère l’étude de la solvabilité de l’emprunteur potentiel et de la viabilité de l’opération, alors que, depuis la transposition de cette directive, de telles études ne peuvent plus entraîner aucun coût pour l’emprunteur potentiel ?

10)      L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13[...] doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une jurisprudence nationale, telle que celle établie par le Tribunal Supremo (Cour suprême) dans l’arrêt 816/2023, du 29 mai 2023 [(ES:TS:2023:2131)], selon laquelle le contrôle du caractère abusif de la clause relative à la “commission d’ouverture” n’exige pas que celle-ci précise quels sont les services rémunérés par cette commission ni à quel prix ils sont facturés, et qu’il s’oppose
à ce que ce contrôle du caractère abusif se limite à vérifier si ladite clause indique clairement le montant dû par le consommateur et si celui-ci n’excède pas le plafond fixé pour être considéré comme disproportionné ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la recevabilité

18      Dans leurs observations écrites soumises à la Cour, la défenderesse au principal, le Royaume d’Espagne et la Commission européenne émettent des doutes quant à la recevabilité de la présente demande de décision préjudicielle ou, à tout le moins, de l’une ou l’autre des questions posées.

19      Tout d’abord, la défenderesse au principal soulève une fin de non‑recevoir concernant la demande de décision préjudicielle, tirée du fait que cette dernière ne répond pas aux exigences visées à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, faute pour la juridiction de renvoi d’avoir suffisamment décrit les motifs pour lesquels elle nourrit des doutes quant à l’interprétation du droit de l’Union. Elle ajoute que la problématique sous-tendant les questions préjudicielles a d’ores et déjà
été abordée par la Cour dans son arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt) (C‑565/21, EU:C:2023:212), de sorte qu’une réponse à ces questions ne serait plus nécessaire.

20      Selon une jurisprudence constante, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation d’une règle de droit de l’Union, la
Cour est, en principe, tenue de statuer [arrêt du 19 septembre 2024, Booking.com et Booking.com (Deutschland), C‑264/23, EU:C:2024:764, point 34 ainsi que jurisprudence citée].

21      Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et
de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [arrêt du 19 septembre 2024, Booking.com et Booking.com (Deutschland), C‑264/23, EU:C:2024:764, point 35 ainsi que jurisprudence citée].

22      En l’occurrence, les questions posées portent, en substance, sur l’interprétation des articles 3 à 7 de la directive 93/13 et de l’article 7 de la directive 2014/17. En outre, il ressort d’une lecture d’ensemble de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi a défini de manière suffisamment précise le cadre factuel et juridique du litige au principal, dans lequel s’inscrit cette demande, pour permettre tant aux parties intéressées de présenter des observations,
conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qu’à la Cour de répondre utilement à ladite demande. En particulier, la juridiction de renvoi a clairement fait état de la jurisprudence nationale en cause et des doutes qu’elle nourrit sur la compatibilité de l’arrêt 816/2023 du Tribunal Supremo (Cour suprême), du 29 mai 2023 (ES:TS:2023:2131), avec la directive 93/13, telle qu’interprétée par la Cour dans l’arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du
prêt) (C‑565/21, EU:C:2023:212). Ces interrogations se déduisent également du libellé des questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi et portent, notamment, sur les critères d’appréciation du caractère transparent ou abusif d’une clause prévoyant une commission d’ouverture. Elles nécessitent d’apporter des précisions complémentaires à l’arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt) (C‑565/21, EU:C:2023:212).

23      Il s’ensuit que la fin de non-recevoir soulevée par la défenderesse au principal doit être écartée.

24      Ensuite, la défenderesse au principal fait valoir que la deuxième question présente un caractère hypothétique en l’absence de débat, dans le litige au principal, sur la publicité dont une clause prévoyant une commission d’ouverture doit faire l’objet.

25      Or, il ressort du dossier dont dispose la Cour que cette question posée par la juridiction de renvoi, à qui il revient en vertu de la jurisprudence rappelée au point 20 du présent arrêt d’apprécier la nécessité d’un renvoi préjudiciel ainsi que la pertinence des questions posées, porte de manière plus générale sur les informations que doit fournir l’établissement bancaire au consommateur au titre de l’exigence de transparence prévue à l’article 5 de la directive 93/13. L’interprétation de
cette disposition apparaît dès lors utile à la résolution du litige au principal.

26      En conséquence, la deuxième question est recevable.

27      Enfin, tant la défenderesse au principal que le Royaume d’Espagne et la Commission invoquent l’irrecevabilité des troisième et neuvième questions au motif que la directive 2014/17, sur laquelle elles portent, n’est pas applicable rationae temporis au litige au principal.

28      Par ces questions, la juridiction de renvoi cherche en effet à savoir si la directive 2014/17 s’oppose à ce que le coût afférent à l’étude de solvabilité de l’emprunteur soit mis à la charge de ce dernier et, dans l’affirmative, si une telle conclusion s’applique aux contrats de crédit conclus avant sa transposition dans le droit espagnol.

29      Il convient de relever que, en vertu de l’article 43, paragraphe 1, de la directive 2014/17, cette dernière ne s’applique pas aux contrats de crédit en cours au 21 mars 2016. Or, le contrat de crédit en cause au principal a été conclu le 22 janvier 2010.

30      Ainsi, il y a lieu de constater que la directive 2014/17 dont l’interprétation est demandée ne trouve pas à s’appliquer ratione temporis aux circonstances de l’affaire au principal.

31      Dans ces conditions, il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union dans le cadre des troisième et neuvième questions préjudicielles n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal. Partant, conformément à la jurisprudence visée aux points 20 et 21 du présent arrêt, les troisième et neuvième questions doivent être déclarées irrecevables.

 Sur le fond

 Sur les première, deuxième, quatrième et cinquième questions

32      Par ses première, deuxième, quatrième et cinquième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une jurisprudence nationale qui, eu égard à une réglementation nationale prévoyant que la commission d’ouverture d’un prêt hypothécaire rémunère les services liés à l’examen, à l’octroi ou au traitement du prêt ou du crédit hypothécaire ou d’autres services similaires, considère que la clause
imposant une telle commission au consommateur satisfait à l’exigence de transparence découlant de cet article 5 sans que cette clause précise de manière détaillée l’intégralité des services fournis en contrepartie de cette commission ainsi que le temps nécessaire à l’exécution de ces services et sans que le professionnel informe le consommateur de l’existence de ladite commission lors de la communication du taux d’intérêt proposé, indique un tarif horaire et lui fournisse des factures détaillées,
faisant apparaître la ventilation desdits services ainsi que les taxes y afférentes.

33      La Cour a souligné que l’exigence de transparence figurant à l’article 5 de la directive 93/13 ne saurait être réduite au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical des clauses contractuelles, mais que, au contraire, le système de protection mis en œuvre par cette directive reposant sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne, notamment, le niveau d’information, cette exigence de rédaction
claire et compréhensible des clauses contractuelles et, partant, de transparence, posée par ladite directive, doit être entendue de manière extensive [arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C‑565/21, EU:C:2023:212, point 30 et jurisprudence citée].

34      Ainsi, ladite exigence doit être comprise comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais aussi que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée ainsi que, le cas échéant, la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses, de sorte que le consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et
intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui [arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C‑565/21, EU:C:2023:212, point 31 et jurisprudence citée].

35      Il ne découle pas de cette jurisprudence que le prêteur est tenu de détailler dans le contrat concerné, la nature de tous les services fournis en contrepartie des frais prévus par une ou plusieurs clauses contractuelles. Toutefois, eu égard à la protection que la directive 93/13 vise à accorder au consommateur en raison du fait qu’il se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, il importe
que la nature des services effectivement fournis puisse être raisonnablement comprise ou déduite à partir du contrat considéré dans sa globalité. En outre, le consommateur doit être en mesure de vérifier qu’il n’existe pas de chevauchement entre les différents frais ou entre les services que ces derniers rémunèrent [arrêts du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 43, ainsi que du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C‑565/21, EU:C:2023:212, point 32].

36      À cet égard, au point 70 de l’arrêt du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (C‑224/19 et C‑259/19, EU:C:2020:578), la Cour a précisé qu’il appartient au juge national de vérifier si l’établissement financier a communiqué au consommateur les éléments suffisants pour que ce dernier prenne connaissance du contenu et du fonctionnement de la clause lui imposant le paiement d’une commission d’ouverture, ainsi que son rôle dans le contrat de prêt. De cette manière, le
consommateur aura accès aux motifs justifiant la rémunération correspondant à cette commission et pourra ainsi évaluer la portée de son engagement et, en particulier, le coût total dudit contrat [arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C‑565/21, EU:C:2023:212, point 35 et jurisprudence citée].

37      Le caractère clair et compréhensible d’une clause, telle que celle en cause dans le litige au principal, doit être apprécié par le juge compétent au regard de l’ensemble des éléments de fait pertinents et, notamment, le libellé de la clause examinée, les informations que l’établissement financier a fournies à l’emprunteur, en ce compris celles qu’il est tenu de fournir conformément à la réglementation nationale pertinente, ainsi que la publicité réalisée par cet établissement au sujet du
type de contrat souscrit, et ce en tenant compte du niveau d’attention pouvant être attendu d’un consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C‑565/21, EU:C:2023:212, point 40].

38      S’agissant du moment auquel l’information du consommateur doit intervenir, la Cour a jugé que la fourniture, avant la conclusion du contrat, de l’information relative aux conditions contractuelles et aux conséquences de cette conclusion est, pour un consommateur, d’une importance fondamentale. C’est, notamment, sur le fondement de cette information que ce dernier décide s’il souhaite être lié par les conditions rédigées préalablement par le professionnel [arrêts du 9 juillet 2020, Ibercaja
Banco, C‑452/18, EU:C:2020:536, point 47, et du 12 janvier 2023, D. V. (Honoraires d’avocat – Principe du tarif horaire), C‑395/21, EU:C:2023:14, point 39].

39      La circonstance que les clauses contractuelles portent ou non sur l’objet principal de ce contrat est sans pertinence à cet égard. En effet, pour que le consommateur, conformément à l’objectif poursuivi par ladite exigence de transparence, puisse décider en connaissance de cause s’il souhaite être lié par les conditions rédigées préalablement par le professionnel, il doit nécessairement, avant de prendre une telle décision, avoir pu prendre connaissance de la totalité dudit contrat, dès lors
que c’est l’ensemble des clauses de ce dernier qui déterminera notamment les droits et les obligations incombant au consommateur au titre du même contrat (arrêt du 20 avril 2023, Occidental – Companhia Portuguesa de Seguros de Vida, C‑263/22, EU:C:2023:311, point 30).

40      En ce qui concerne un contrat de services juridiques facturables à l’heure, la Cour a précisé que s’il ne peut pas être exigé d’un professionnel qu’il informe le consommateur sur les conséquences financières finales de son engagement, qui dépendent d’évènements futurs, imprévisibles et indépendants de la volonté de ce professionnel, il n’en reste pas moins que les informations qu’il est tenu de communiquer avant la conclusion du contrat doivent permettre au consommateur de prendre sa
décision avec prudence et en toute connaissance, d’une part, de la possibilité que de tels évènements surviennent et, d’autre part, des conséquences qu’ils sont susceptibles d’entraîner concernant la durée de la prestation de services juridiques concernée [arrêt du 12 janvier 2023, D. V. (Honoraires d’avocat – Principe du tarif horaire), C‑395/21, EU:C:2023:14, point 43].

41      En l’occurrence, il y a lieu d’observer que la clause imposant à l’emprunteur une commission d’ouverture de 588,70 euros, correspondant à 0,35 % du montant du prêt accordé, soit la somme de 168 200 euros remboursable sur une période de 30 ans, est définie par la réglementation nationale comme la rémunération des services liés à l’examen, à l’octroi ou au traitement du prêt ou du crédit hypothécaire ou d’autres services similaires. L’exigence de transparence, qui vise principalement à
s’assurer que le consommateur soit mis en mesure d’évaluer les conséquences financières d’une clause telle que celle en cause au principal, n’implique pas d’obligation, pour l’établissement bancaire, de détailler précisément la nature de tous les services fournis en contrepartie de la commission d’ouverture, ni le volume horaire consacré à la fourniture de chacun de ces services dès lors que ces éléments sont sans incidence sur le montant total de la rémunération à régler en lien avec cette
commission et la faculté du consommateur de comprendre les motifs justifiant cette rémunération.

42      Il ne découle pas davantage de la directive 93/13 que l’établissement bancaire soit tenu de fournir au consommateur des factures détaillant le contenu de chaque service fourni ainsi qu’un tarif horaire afférent à la réalisation de ces derniers. Outre qu’une telle obligation ne serait pas exigée par la jurisprudence rappelée aux points 35 et 36 du présent arrêt, elle ne serait pas, par définition, susceptible de faciliter la compréhension du consommateur avant la conclusion du contrat. En
effet, le paiement de la commission d’ouverture se fait en une seule fois, au moment de l’octroi du prêt, et la facturation intervient après la signature de ce contrat.

43      Il importe de rappeler que l’appréciation du caractère « clair et compréhensible », au sens de l’article 5 de la directive 93/13, d’une clause contractuelle, telle que celle en cause au principal, doit être effectuée par le juge national au regard de l’ensemble des éléments de fait pertinents et en tenant compte de toutes les circonstances qui entourent la conclusion du contrat. Dans le cadre de cette appréciation doivent, notamment, être prises en considération les informations que
l’établissement a fournies à l’emprunteur lors des différentes étapes précédant la signature du contrat de prêt, particulièrement lors de la communication du taux d’intérêt proposé, en ce compris celles qu’il est tenu de fournir conformément à la réglementation nationale. Un tel examen au cas par cas s’avère d’autant plus important que le caractère transparent d’une clause contractuelle, tel qu’exigé à l’article 5 de la directive 93/13, constitue l’un des éléments à prendre en compte dans le cadre
de l’appréciation du caractère abusif de cette clause qu’il appartient au juge national d’effectuer en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 49). Ainsi, en principe, le caractère abusif d’une clause contractuelle spécifique ne peut être présumé, puisqu’une telle qualification dépend des circonstances spécifiques à la conclusion de chaque contrat, y compris des informations particulières fournies par chaque
professionnel à chaque consommateur ainsi que de la réalité des services fournis.

44      Au vu des motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première, deuxième, quatrième et cinquième questions que l’article 5 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une jurisprudence nationale qui, eu égard à une réglementation nationale prévoyant que la commission d’ouverture d’un prêt hypothécaire rémunère les services liés à l’examen, à l’octroi ou au traitement du prêt ou du crédit hypothécaire ou d’autres services similaires, considère que la
clause imposant une telle commission au consommateur satisfait à l’exigence de transparence découlant de cet article 5, sans que cette clause ne précise de manière détaillée l’intégralité des services fournis en contrepartie de cette commission lors de la communication du taux d’intérêt proposé, indique un tarif horaire et sans que l’établissement bancaire ne fournisse au consommateur des factures détaillées, faisant apparaître la ventilation desdits services ainsi que les taxes y afférentes, pour
autant que celui-ci a bien été mis en mesure d’évaluer les conséquences économiques qui en découlent pour lui, de comprendre la nature des services fournis en contrepartie des frais prévus par ladite clause et de vérifier qu’il n’existe pas de chevauchement entre les différents frais prévus par le contrat ou entre les services que ces derniers rémunèrent.

 Sur la sixième question

45      Par sa sixième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 3 à 5 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à l’expression du montant de la commission d’ouverture sous la forme d’un pourcentage appliqué au montant total du prêt accordé.

46      Conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, une clause non individuellement négociée d’un contrat est considérée comme étant abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

47      Il est de jurisprudence constante que l’examen de l’existence d’un tel déséquilibre significatif ne saurait se limiter à une appréciation économique de nature quantitative, reposant sur une comparaison entre le montant total de l’opération ayant fait l’objet du contrat, d’une part, et les coûts mis à la charge du consommateur par la clause contractuelle en cause, d’autre part. En effet, un déséquilibre significatif peut résulter du seul fait d’une atteinte suffisamment grave à la situation
juridique dans laquelle le consommateur, en tant que partie au contrat en cause, est placé en vertu des dispositions nationales applicables, que ce soit sous la forme d’une restriction au contenu des droits que, selon ces dispositions, il tire de ce contrat ou d’une entrave à l’exercice de ceux-ci ou encore de la mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales [arrêts du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 51, ainsi que du 16 mars
2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C‑565/21, EU:C:2023:212, point 51].

48      Il découle de cette jurisprudence que le juge national, lorsqu’il constate qu’une appréciation économique de nature quantitative ne fait pas apparaître un déséquilibre significatif, ne peut limiter son examen à cette appréciation. Il lui incombe, dans un tel cas, d’examiner si un tel déséquilibre résulte d’un autre élément, tel qu’une restriction à un droit découlant du droit national ou une obligation supplémentaire non prévue par ce droit (arrêt du 23 novembre 2023, Provident Polska,
C‑321/22, EU:C:2023:911, point 46).

49      En revanche, lorsqu’une appréciation économique de nature quantitative fait apparaître un déséquilibre significatif, celui-ci peut être constaté sans qu’il soit besoin d’examiner d’autres éléments. Dans le cas d’un contrat de crédit, une telle constatation peut notamment être opérée si les services fournis en contrepartie des coûts hors intérêts ne relèvent pas raisonnablement des prestations effectuées dans le cadre de la conclusion ou de la gestion de ce contrat, ou que les montants mis à
la charge du consommateur au titre des frais d’octroi et de gestion de prêt apparaissent manifestement disproportionnés par rapport au montant prêté. Il appartient au juge national de tenir compte, à cet égard, de l’effet des autres clauses contractuelles afin de déterminer si lesdites clauses créent un déséquilibre significatif au détriment de l’emprunteur (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2020, Profi Credit Polska, C‑84/19, C‑222/19 et C‑252/19, EU:C:2020:631, point 95).

50      Il incombe au juge national de vérifier au préalable si l’examen du caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles relatives aux coûts du crédit hors intérêts n’est pas exclu en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2023, Provident Polska, C‑321/22, EU:C:2023:911, point 49).

51      En effet, selon cette disposition, et sous réserve de l’article 8 de la directive 93/13, l’appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible (arrêt du 23 novembre 2023, Provident Polska, C‑321/22,
EU:C:2023:911, point 50).

52      À cet égard, il convient de rappeler qu’une commission couvrant la rémunération des services liés à l’examen, à l’octroi ou au traitement d’un prêt ou d’un crédit ou d’autres services similaires inhérents à l’activité du prêteur occasionnée par l’octroi de ce prêt ou de ce crédit ne saurait être considérée comme relevant des engagements principaux résultant d’un contrat de crédit [voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C‑565/21, EU:C:2023:212,
points 22 et 23].

53      En revanche, les clauses relatives à la contrepartie due par le consommateur au prêteur ou ayant une incidence sur le prix effectif devant être payé à ce dernier par le consommateur relèvent, en principe, de la seconde catégorie de clauses visée à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, et mentionnée au point 50 du présent arrêt, en ce qui concerne la question de savoir si le montant de la contrepartie ou du prix tel que stipulé au contrat est en adéquation avec le service fourni
en contrepartie par le prêteur (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

54      En l’occurrence, le contrat conclu entre les parties au principal prévoit une clause imposant à l’emprunteur une commission d’ouverture s’élevant à 0,35 % du montant total du prêt accordé, soit la somme de 588,70 euros. Or, la simple expression du coût d’une telle commission sous la forme d’un pourcentage de ce montant ne saurait caractériser, à elle seule, l’existence d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat dans les conditions
rappelées aux points 46 à 49 du présent arrêt. Ainsi, pour autant que cette clause soit conforme à l’exigence de transparence, l’article 3 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’expression du montant de la commission d’ouverture sous la forme d’un pourcentage du montant total du prêt.

55      S’agissant de la conformité d’un tel mode d’expression du prix des services couverts par la clause en cause au principal à l’exigence de transparence figurant à l’article 5 de la directive 93/13, il y a lieu de rappeler, eu égard à la réponse apportée aux première, deuxième, quatrième et cinquième questions, que l’examen du point de savoir si une telle clause est « claire et compréhensible », au sens de cette disposition, doit être effectué par la juridiction de renvoi au regard de
l’ensemble des éléments de fait pertinents et en tenant compte de toutes les circonstances qui entourent la conclusion du contrat. À cet égard, la circonstance que la somme demandée au titre de la commission d’ouverture, rémunérant de manière forfaitaire un ensemble de services, soit déterminée par l’application d’un pourcentage au montant du prêt accordé n’apparaît pas, en principe, contraire à l’exigence de transparence prévue à l’article 5 de la directive 93/13. Il appartient cependant à cette
juridiction de s’assurer, à partir de l’ensemble des éléments entourant la conclusion du contrat, qu’un consommateur raisonnablement attentif et avisé puisse évaluer les conséquences financières découlant de cette clause.

56      Il s’ensuit que, si la juridiction de renvoi devait constater que la clause concernée n’est pas rédigée de façon claire et compréhensible, celle-ci devrait, en tout état de cause, faire l’objet d’une appréciation de son éventuel caractère abusif, même si cette clause est de fait contestée au regard de l’adéquation du prix ou de la rémunération par rapport aux services fournis en contrepartie (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2015, Matei, C‑143/13, EU:C:2015:127, point 72 et
jurisprudence citée, ainsi que du 23 novembre 2023, Provident Polska, C‑321/22, EU:C:2023:911, point 58).

57      Eu égard aux motifs qui précèdent, il convient de répondre à la sixième question que les articles 3 à 5 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que le prix des services couverts par une clause contractuelle prévoyant une commission d’ouverture, définie par la réglementation nationale comme rémunérant les services liés à l’examen, à l’octroi ou au traitement du prêt ou du crédit hypothécaire ou d’autres services similaires, soit exprimé sous la
forme d’un pourcentage appliqué au montant du prêt accordé, pour autant que le consommateur ait bien été mis en mesure d’évaluer les conséquences économiques qui découlent de cette clause pour lui, de comprendre la nature des services fournis en contrepartie des frais prévus par ladite clause et de vérifier qu’il n’existe pas de chevauchement entre les différents frais prévus par le contrat. Dans cette hypothèse, une telle clause ne saurait créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre
significatif entre les droits et les obligations des parties résultant du contrat.

 Sur les septième, huitième et dixième questions

58      Par ses septième, huitième et dixième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 3 et 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une jurisprudence nationale qui, eu égard à une réglementation nationale prévoyant que la commission d’ouverture rémunère les services liés à l’examen, à l’octroi ou au traitement du prêt ou du crédit hypothécaire ou d’autres services similaires, vérifie seulement que la clause
prévoyant cette commission indique clairement le montant dû à ce titre et que ce dernier ne dépasse pas un plafond correspondant à un coût moyen des commissions d’ouverture issu de statistiques nationales, en dépit de l’absence de précisions relatives aux services rémunérés et au prix de chacun de ces services.

59      Il y a lieu de rappeler que la compétence de la Cour porte sur l’interprétation de la notion de « clause abusive », visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de cette directive, étant entendu qu’il appartient audit juge de se prononcer, en tenant compte de ces critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle
particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce. Il en ressort que la Cour doit se limiter à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée [arrêts du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C‑224/19 et C‑259/19, EU:C:2020:578, point 73, ainsi que du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C‑565/21, EU:C:2023:212, point 49].

60      Conformément à cette disposition, une clause non individuellement négociée d’un contrat est considérée comme étant abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

61      S’agissant de la question de savoir si l’exigence de bonne foi, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, est respectée, il importe de constater que, eu égard au seizième considérant de celle-ci, le juge national doit vérifier à ces fins si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation individuelle (arrêt du 16 juillet 2020,
Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C‑224/19 et C‑259/19, EU:C:2020:578, point 74).

62      Quant à l’examen de l’existence d’un éventuel déséquilibre significatif, il ne saurait se limiter à une appréciation économique de nature quantitative, reposant sur une comparaison entre le montant total de l’opération ayant fait l’objet du contrat, d’une part, et les coûts mis à la charge du consommateur par cette clause, d’autre part. En effet, un déséquilibre significatif peut résulter du seul fait d’une atteinte suffisamment grave à la situation juridique dans laquelle le consommateur,
en tant que partie au contrat en cause, est placé en vertu des dispositions nationales applicables, que ce soit sous la forme d’une restriction au contenu des droits que, selon ces dispositions, il tire de ce contrat ou d’une entrave à l’exercice de ceux-ci ou encore de la mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 51).

63      Par ailleurs, il ressort de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 que le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou des services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

64      À cet égard, la Cour a jugé qu’une clause contractuelle réglementée par le droit national et qui établit une commission d’ouverture, laquelle a pour objet la rémunération de services liés à l’examen, à la constitution et au traitement personnalisé d’une demande de prêt ou de crédit hypothécaires qui sont nécessaires à l’obtention d’un tel prêt ou crédit, n’apparaît pas, sous réserve d’une vérification par le juge compétent, susceptible d’affecter de manière défavorable la position juridique
du consommateur telle que prévue par le droit national, à moins que les services fournis en contrepartie ne relèvent pas raisonnablement des prestations décrites ci-avant ou que le montant mis à la charge du consommateur au titre de ladite commission soit disproportionné par rapport au montant du prêt [arrêt du 16 mars 2023, Caixabank (Commission d’ouverture du prêt), C‑565/21, EU:C:2023:212, point 59].

65      Si, parmi les critères qu’il met en œuvre pour apprécier l’existence d’un éventuel déséquilibre significatif, conformément à la jurisprudence rappelée au point 62 du présent arrêt, il est possible pour le juge compétent de tenir compte de statistiques nationales déterminant un coût moyen des commissions d’ouverture sur une période donnée, ce seul élément ne saurait suffire. Dans l’hypothèse où le juge national se bornerait à effectuer une comparaison entre le montant de la commission
d’ouverture prévue par une clause dont il examinerait le caractère éventuellement abusif et ce coût moyen, un tel exercice de comparaison ne serait significatif qu’à la condition de reposer sur les données les plus récentes couvrant nécessairement une période d’application de la directive 93/13.

66      Dans la mesure où il découle de la jurisprudence rappelée au point 36 du présent arrêt que l’exigence de transparence, mentionnée à l’article 5 de la directive 93/13, n’implique pas l’obligation pour l’établissement bancaire de détailler, dans le contrat de crédit concerné, la nature des services fournis en contrepartie de la rémunération prévue dans la clause instituant la commission d’ouverture, il y a lieu de considérer que le respect de l’article 3 de cette directive n’exige pas
davantage que cette clause mentionne le contenu précis des services couverts par cette commission ni le prix de chacun de ces services. En tout état de cause, il appartient au juge compétent de s’assurer du respect de l’exigence de bonne foi et du fait que ladite clause ne crée pas un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, en vérifiant notamment que, conformément à la réglementation nationale, les frais répercutés sur le consommateur
correspondent à des services effectivement fournis par l’établissement bancaire à l’origine de coûts supportés par celui-ci.

67      Pour ces raisons, il y a lieu de répondre aux septième, huitième et dixième questions que l’article 3 et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une jurisprudence nationale qui considère qu’une clause contractuelle prévoyant, conformément à la réglementation nationale, le paiement par le consommateur d’une commission d’ouverture destinée à rémunérer les services liés à l’examen, à l’octroi et au traitement personnalisé
d’une demande de prêt ou de crédit hypothécaire, peut ne pas créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, et ce sans que le professionnel soit tenu de détailler la nature des services rémunérés par cette commission ni le coût de chacun de ceux-ci, à condition que l’existence éventuelle d’un tel déséquilibre puisse faire l’objet d’un contrôle effectif de la part du juge compétent, conformément aux critères
issus de la jurisprudence de la Cour, si besoin en comparant le montant d’une commission d’ouverture imposée à un emprunteur et le coût moyen des commissions d’ouverture recensées sur une période récente.

 Sur les dépens

68      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs,

doit être interprété en ce sens que :

il ne s’oppose pas à une jurisprudence nationale qui, eu égard à une réglementation nationale prévoyant que la commission d’ouverture d’un prêt hypothécaire rémunère les services liés à l’examen, à l’octroi ou au traitement du prêt ou du crédit hypothécaire ou d’autres services similaires, considère que la clause imposant une telle commission au consommateur satisfait à l’exigence de transparence découlant de cet article 5, sans que cette clause ne précise de manière détaillée l’intégralité des
services fournis en contrepartie de cette commission lors de la communication du taux d’intérêt proposé, indique un tarif horaire et sans que l’établissement bancaire fournisse au consommateur des factures détaillées, faisant apparaître la ventilation desdits services ainsi que les taxes y afférentes, pour autant que celui-ci a bien été mis en mesure d’évaluer les conséquences économiques qui en découlent pour lui, de comprendre la nature des services fournis en contrepartie des frais prévus par
ladite clause et de vérifier qu’il n’existe pas de chevauchement entre les différents frais prévus par le contrat ou entre les services que ces derniers rémunèrent.

2)      Les articles 3 à 5 de la directive 93/13

doivent être interprétés en ce sens que :

ils ne s’opposent pas à ce que le prix des services couverts par une clause contractuelle prévoyant une commission d’ouverture, définie par la réglementation nationale comme rémunérant les services liés à l’examen, à l’octroi ou au traitement du prêt ou du crédit hypothécaire ou d’autres services similaires, soit exprimé sous la forme d’un pourcentage appliqué au montant du prêt accordé, pour autant que le consommateur ait bien été mis en mesure d’évaluer les conséquences économiques qui découlent
de cette clause pour lui, de comprendre la nature des services fournis en contrepartie des frais prévus par ladite clause et de vérifier qu’il n’existe pas de chevauchement entre les différents frais prévus par le contrat. Dans cette hypothèse, une telle clause ne saurait créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties résultant du contrat.

3)      L’article 3 et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13

doivent être interprétés en ce sens que :

ils ne s’opposent pas à une jurisprudence nationale qui considère qu’une clause contractuelle prévoyant, conformément à la réglementation nationale, le paiement par le consommateur d’une commission d’ouverture destinée à rémunérer les services liés à l’examen, à l’octroi et au traitement personnalisé d’une demande de prêt ou de crédit hypothécaire, peut ne pas créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, et ce
sans que le professionnel soit tenu de détailler la nature des services rémunérés par cette commission ni le coût de chacun de ceux‑ci, à condition que l’existence éventuelle d’un tel déséquilibre puisse faire l’objet d’un contrôle effectif de la part du juge compétent, conformément aux critères issus de la jurisprudence de la Cour, si besoin en comparant le montant d’une commission d’ouverture imposée à un emprunteur et le coût moyen des commissions d’ouverture recensées sur une période récente.

Signatures

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*      Langue de procédure : l’espagnol.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : C-699/23
Date de la décision : 30/04/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Juzgado de Primera Instancia de Donostia – San Sebastián.

Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Articles 3 à 5 – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrats de prêt hypothécaire – Clause de commission d’ouverture du prêt – Demande d’annulation de cette clause – Appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles – Caractère clair et compréhensible des clauses.

Protection des consommateurs


Parties
Demandeurs : FG
Défendeurs : Caja Rural de Navarra SCC.

Composition du Tribunal
Avocat général : Spielmann
Rapporteur ?: Rodin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:297

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