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30/04/2025 | CJUE | N°C-602/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Finanzamt für Großbetriebe contre Franklin Mutual Series Funds - Franklin Mutual European Fund., 30/04/2025, C-602/23


ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

30 avril 2025 (*)

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des capitaux – Restrictions – Impôt sur les revenus de capitaux – Organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) – Personnalité juridique – Réglementation nationale prévoyant que les OPCVM n’ont pas de personnalité juridique – Transparence fiscale des OPCVM – Traitement fiscal des organismes étrangers comparables aux OPCVM, mais ayant la personnalité juridique – Caractère comparable d’une situation transfrontalière avec une sit

uation interne »

Dans l’affaire C‑602/23,

ayant pour objet une demande de décision préjud...

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

30 avril 2025 (*)

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des capitaux – Restrictions – Impôt sur les revenus de capitaux – Organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) – Personnalité juridique – Réglementation nationale prévoyant que les OPCVM n’ont pas de personnalité juridique – Transparence fiscale des OPCVM – Traitement fiscal des organismes étrangers comparables aux OPCVM, mais ayant la personnalité juridique – Caractère comparable d’une situation transfrontalière avec une situation interne »

Dans l’affaire C‑602/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche), par décision du 20 septembre 2023, parvenue à la Cour le 3 octobre 2023, dans la procédure

Finanzamt für Großbetriebe,

en présence de :

Franklin Mutual Series Funds – Franklin Mutual European Fund,

LA COUR (première chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de chambre, M. T. von Danwitz, vice‑président de la Cour, faisant fonction de juge de la première chambre, M. A. Kumin, M^me I. Ziemele (rapporteure) et M. S. Gervasoni, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M^me R. Şereş, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 novembre 2024,

considérant les observations présentées :

–        pour Franklin Mutual Series Funds – Franklin Mutual European Fund, par MM. S. Haslinger et P. P. Rümmele, Steuerberater,

–        pour le gouvernement autrichien, par M. A. Posch, M^me J. Schmoll, M. F. Koppensteiner et M^me A. Wild-Simhofer, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement espagnol, par M^me A. Pérez-Zurita Gutiérrez et M. A. Torró Molés, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. B.-R. Killman et W. Roels, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 63 TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre de la procédure en Revision engagée par le Finanzamt für Großbetriebe (autorité fiscale pour les grandes entreprises, Autriche) (ci-après l’« autorité fiscale ») contre la décision du Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances, Autriche) ayant fait droit à la demande de Franklin Mutual Series Funds – Franklin Mutual European Fund (ci‑après « Franklin ») visant à obtenir le remboursement de l’impôt sur les revenus du capital pour
l’année 2013.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le traité FUE

3        L’article 63 TFUE dispose :

« 1.      Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.

2.      Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. »

 La directive 2009/65/CE

4        L’article 1^er de la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) (JO 2009, L 302, p. 32), prévoit :

« 1.      La présente directive s’applique aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) établis sur le territoire des États membres.

2.      Aux fins de la présente directive et sous réserve de l’article 3, on entend par OPCVM les organismes :

a)      dont l’objet exclusif est le placement collectif en valeurs mobilières ou dans d’autres actifs financiers liquides visés à l’article 50, paragraphe 1, des capitaux recueillis auprès du public et dont le fonctionnement est soumis au principe de la répartition des risques ; et

b)      dont les parts sont, à la demande des porteurs, rachetées ou remboursées, directement ou indirectement, à charge des actifs de ces organismes. Est assimilé à de tels rachats ou remboursements le fait pour un OPCVM d’agir afin que la valeur de ses parts en [B]ourse ne s’écarte pas sensiblement de leur valeur d’inventaire nette.

Les États membres peuvent autoriser les OPCVM à être constitués de plusieurs compartiments d’investissement.

3.      Les organismes visés au paragraphe 2 peuvent revêtir la forme contractuelle (fonds communs de placement gérés par une société de gestion) ou de trust (unit trust) ou la forme statutaire (société d’investissement).

[...] »

 La convention austro-américaine

5        L’article 10 de la convention entre la République d’Autriche et les États-Unis d’Amérique en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu, conclue le 31 mai 1996 (BGBl. III, 6/1998, ci-après la « convention austro‑américaine »), stipule :

« 1.      Les dividendes payés par une société qui est un résident d’un État contractant à un résident de l’autre État contractant sont imposables dans cet autre État.

2.      Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l’État contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet État, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l’impôt ainsi établi ne peut excéder :

[...]

b)      15 [%] du montant brut des dividendes, dans tous les autres cas. »

 Le droit autrichien

6        Conformément à l’article 93, paragraphes 1 et 2, du Bundesgesetz über die Besteuerung des Einkommens natürlicher Personen (Einkommensteuergesetz 1988) (loi fédérale relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques de 1988), du 7 juillet 1988 (BGBl., 400/1988), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« EStG 1988 »), l’impôt sur le revenu était prélevé par une retenue à la source sur les revenus du capital perçus en Autriche et il était dénommé « impôt sur les
revenus du capital ».

7        L’article 21 du Bundesgesetz über die Besteuerung des Einkommens von Körperschaften (Körperschaftsteuergesetz 1988) (loi fédérale relative à l’impôt sur les sociétés de 1988), du 7 juillet 1988 (BGBl., 401/1988), dans sa version applicable au litige au principal  (ci-après le « KStG 1988 »), prévoyait :

« (1)      Pour les personnes faisant l’objet d’un assujettissement limité à l’impôt [...] les dispositions suivantes s’appliquent :

1.      L’obligation fiscale ne s’étend qu’aux revenus, au sens de l’article 98 de la loi fédérale relative à l’impôt sur le revenu de 1988. La loi fédérale relative à l’impôt sur le revenu de 1988 et la présente loi fédérale déterminent les modalités du calcul des revenus. [...]

[...]

1a.      Les personnes faisant l’objet d’un assujettissement limité à l’impôt qui résident dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État [partie à l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’“accord EEE”),] avec lequel il existe une assistance administrative et d’exécution étendue ont le droit d’obtenir, sur demande, le remboursement de l’impôt sur les revenus du capital pour les revenus qu’elles ont perçus[...], dans la mesure où l’impôt sur
les revenus du capital ne peut pas être imputé dans l’État de résidence en vertu d’une convention préventive de la double imposition. Le contribuable doit apporter la preuve que l’impôt sur les revenus du capital ne peut pas être imputé en tout ou en partie.

[...] »

8        L’article 2 du Bundesgesetz über Investmentfonds (Investmentfondsgesetz 2011) (loi sur les fonds d’investissement de 2011), du 1^er août 2011 (BGBl. I, 77/2011), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« InvFG 2011 »), disposait :

« (1)      Un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM)

1.      a pour objet exclusif le placement collectif des fonds recueillis auprès du public, conformément au principe de la répartition des risques [...], et

2.      ses parts sont rachetées et remboursées à la demande des porteurs de parts, directement ou indirectement, à charge des actifs de l’OPCVM ; est assimilé à de tels rachats et remboursements le fait d’agir afin que la valeur des parts de l’OPCVM ne s’écarte pas sensiblement de leur valeur nette d’inventaire ; et

3.      est agréé conformément à l’article 50 ou agréé dans son État membre d’origine conformément à l’article 5 de la directive 2009/65/CE.

(2)      Un OPCVM ne peut être constitué en Autriche que sous la forme d’un fonds commun de placement, au sens de l’article 46, réparti en parts égales matérialisées en valeurs mobilières et détenues en copropriété par les porteurs de parts. Dans la mesure où la présente loi fédérale fixe des obligations pour un OPCVM, toute obligation positive qui en découle s’applique à la société de gestion qui gère cet OPCVM.

(3)      Un OPCVM peut se composer de différentes universalités de biens ; aux fins du deuxième titre, troisième chapitre, troisième section, [de la présente loi], chaque universalité de biens d’un OPCVM est considérée comme un OPCVM distinct. [...] »

9        Conformément à l’article 3, paragraphe 2, de cette loi :

« (2)      Aux fins de la présente loi fédérale, on entend par :

[...]

19.      Fonds d’investissement : un OPCVM sous la forme d’un fonds commun de placement, au sens de l’article 2, paragraphe 2, et un fonds d’investissement alternatif (FIA), au sens de l’article 3, paragraphe 2, point 31, sous a) et c) ;

[...] »

10      L’article 46, premier alinéa, de ladite loi disposait :

« Un OPCVM revêtant la forme d’un fonds commun de placement, au sens de l’article 2, paragraphe 2, n’a pas de personnalité juridique propre ; il se décompose en parts égales matérialisées par des valeurs mobilières (titres). Les titres sont des instruments financiers [...] ; ils matérialisent les parts de copropriété des actifs de l’OPCVM et les droits des porteurs de parts vis-à-vis de la société de gestion ainsi que de la banque dépositaire. Les titres peuvent être au porteur ou nominatifs.
[...] »

11      L’article 186, paragraphe 1, de l’InvFG 2011 prévoyait :

« Les bénéfices distribués provenant des revenus d’un fonds d’investissement [...] déduction faite des dépenses qui y sont afférentes, constituent des recettes imposables pour le porteur de parts. [...] »

12      Aux termes de l’article 188 de cette loi :

« Les dispositions de l’article 186 s’appliquent également aux fonds d’investissement étrangers. Est considéré comme tel, indépendamment de sa forme juridique, tout patrimoine relevant d’un droit étranger qui, en vertu de la loi, des statuts ou de l’usage effectif, est investi selon les principes de la répartition des risques. [...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

13      Franklin est une société d’investissement ayant son siège aux États-Unis et constitue l’une des sept series, qui sont des universalités de biens autonomes, d’un trust établi dans l’État du Delaware (États-Unis).

14      Le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche), la juridiction de renvoi, indique, tout d’abord, que, selon le droit américain (Delaware Statutory Trust Act, 12 Del. C., points 3801 et suivants), ce trust est une personne morale autonome, qui peut ester et être attraite en justice et qui est le « propriétaire civil » de l’universalité de biens qui doit être affectée à Franklin, laquelle, selon ses déclarations dans les demandes de remboursement de la retenue à la source, est la
« propriétaire économique » de cette universalité de biens.

15      Ensuite, chaque series serait une personne morale imposable en vertu du droit américain. Tous les revenus nationaux et étrangers d’une series, y compris ceux provenant de plus-values réalisées par celle-ci, seraient soumis à l’impôt aux États-Unis. L’imputation de ces revenus aux porteurs de parts aux États-Unis supposerait une distribution de ceux-ci. Dans le cas contraire, lesdits revenus seraient imputés aux series, ce qui impliquerait qu’ils ne fassent pas l’objet d’une imposition
directe au niveau des porteurs de parts.

16      Enfin, lorsque les series distribuent au moins 90 % des revenus imposables, hors plus-values réalisées, elles bénéficieraient aux États‑Unis de la possibilité de faire valoir fiscalement une telle distribution, ce qui pourrait conduire à réduire le montant de l’impôt fédéral américain dû sur le revenu jusqu’à zéro.

17      En l’occurrence, au cours de la procédure judiciaire nationale en cause au principal, le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances) a constaté, premièrement, que Franklin avait procédé à la distribution de l’intégralité de ses revenus pour l’année 2013, de sorte qu’elle n’avait acquitté aucun impôt fédéral américain sur le revenu au titre de cette année. Deuxièmement, cette juridiction a constaté que Franklin était un fonds ouvert au public librement négociable qui investit
principalement dans des actions européennes cotées en Bourse, soumis, dans son État de résidence, à une surveillance des marchés financiers selon un ensemble de règles comparables aux réglementations prudentielles de l’Union et autrichienne, et dont la gestion s’effectue selon les mêmes principes et critères d’investissement que ceux d’un fonds d’investissement du même nom agréé au Luxembourg. Selon ladite juridiction, l’activité de Franklin correspond dans tous ses aspects essentiels, tels que la
protection des investisseurs, les obligations d’information, notamment l’obligation de prospectus, les rapports semestriels et annuels, l’activité commerciale agréée, l’efficacité de la surveillance et du contrôle, à un fonds d’investissement autrichien et donc à un OPCVM, au sens de la directive 2009/65.

18      En 2013, Franklin a perçu des deux sociétés anonymes autrichiennes cotées en Bourse dans lesquelles elle détenait des participations inférieures à 10 % des dividendes ayant fait l’objet d’une retenue à la source de l’impôt sur les revenus du capital au taux de 25 %.

19      À la suite d’une demande déposée par Franklin au nom et pour le compte de ses porteurs de parts, l’autorité fiscale, sur le fondement de la convention austro-américaine, a réduit le taux de l’impôt sur les revenus du capital à 15 % et a remboursé à Franklin, pour ses porteurs de parts résidant aux États-Unis et relevant de cette convention, la différence par rapport au montant de l’impôt sur les revenus du capital qui avait été prélevé à la source au taux de 25 %.

20      Considérant que, en vertu de l’article 63 TFUE, l’application de l’article 21, paragraphe 1, point 1a, du KStG 1988 devait être étendue aux entités juridiques des États tiers, Franklin a introduit en son nom propre, sur le fondement de cette dernière disposition, des demandes afin d’obtenir le remboursement du solde de l’impôt sur les revenus du capital retenu à la source sur ces revenus pour l’année 2013.

21      L’autorité fiscale ayant rejeté ces demandes au motif que Franklin ne résidait pas dans un autre État membre ou dans un État partie à l’accord EEE, celle-ci a saisi le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances) d’un recours qui, par une décision du 3 octobre 2017, a été rejeté.

22      Cette décision du 3 octobre 2017 a été annulée par le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative), par une décision du 13 janvier 2021, considérant que, pour déterminer s’il y a lieu de procéder à un remboursement de l’impôt sur les revenus du capital, il fallait, dans un premier temps, déterminer, dans le cadre d’une « comparaison typologique », si l’entité étrangère était comparable à une personne morale autrichienne et, dans un second temps, examiner à quelle entité ces revenus devaient
être imputés. Cette juridiction a jugé que si seul l’article 188 de l’InvFG 2011 s’opposait à l’imputation des revenus à l’entité étrangère concernée, il y avait une restriction à la libre circulation des capitaux dont la justification devait être examinée.

23      À la suite de la décision du 13 janvier 2021 du Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative), le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances) a accordé à Franklin le remboursement du montant résiduel de la retenue à la source de l’impôt sur les revenus du capital demandé. Cette juridiction a considéré, au terme d’une « comparaison typologique », que Franklin correspondait à une société autrichienne à laquelle lesdits revenus devaient également être imputés conformément aux règles
générales et que l’article 188 de l’InvFG 2011, qui s’opposait à une telle imputation, constituait une restriction à la libre circulation des capitaux qui n’était pas justifiée.

24      L’autorité fiscale a introduit un recours en Revision contre la décision du Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances) devant la juridiction de renvoi, faisant valoir, en substance, qu’il convenait de prendre en compte dans le cadre de cette comparaison le fait que Franklin était un fonds d’investissement également au sens du droit prudentiel de son État d’origine, qu’une telle entité serait soumise à autorisation, au sein de l’Union, en vertu de la directive 2009/65, et que les
entités résidentes, qualifiées de fonds d’investissement, au sens du droit prudentiel, correspondant à un OPCVM étaient soumises, sans exception, en 2013, à un régime de transparence fiscale. Le même traitement aurait dû, selon elle, s’appliquer à une entité non-résidente qui, selon le droit prudentiel étranger, devait également être qualifiée de fonds d’investissement et correspondait à un OPCVM.

25      La juridiction de renvoi rappelle que, conformément à l’article 2, paragraphe 2, de l’InvFG 2011, les fonds d’investissement résidents devant être qualifiés d’OPCVM ne pouvaient être constitués, en vertu du droit prudentiel, que sous la forme de fonds communs de placement et n’avaient pas de personnalité juridique. Les revenus perçus par ces organismes, qui étaient fiscalement transparents en vertu de l’article 186 de l’InvFG 2011, étaient imputés aux porteurs de parts, lesquels étaient, eux
seuls, soumis à l’impôt.

26      Par conséquent, selon la juridiction de renvoi, un tel fonds d’investissement résident qui percevait des dividendes provenant d’une participation inférieure à 10 % dans une société de capitaux résidente étant fiscalement transparent, seuls les porteurs des parts pouvaient demander le remboursement ou l’imputation du montant de l’impôt sur les revenus du capital ayant fait l’objet d’une retenue à la source. Les porteurs de parts non-résidents pouvaient obtenir le remboursement de l’impôt sur
les revenus du capital conformément à la convention préventive de double imposition conclue avec leur État de résidence.

27      En revanche, une société autrichienne, qui n’était pas assimilable à un OPCVM, pouvait, lorsqu’elle percevait de tels dividendes provenant d’une participation dans une société résidente, imputer l’impôt sur les revenus du capital sur sa cotisation d’impôt sur les sociétés. Selon cette juridiction, une telle personne morale était toujours imposée selon les principes de la législation fiscale sur les sociétés, indépendamment de son activité commerciale.

28      La juridiction de renvoi observe que les personnes morales qui n’avaient ni direction ni siège en Autriche et qui étaient comparables, en ce qui concerne notamment leurs statuts ou le fait d’avoir la personnalité juridique, à une personne morale autrichienne, étaient soumises à une obligation fiscale limitée. En vertu de l’article 21, paragraphe 1, point 1a, du KStG 1988, une société établie dans un État membre de l’Union ou dans un État partie à l’accord EEE pouvait, si les revenus du
capital étaient imputables à cette société et non pas à ses porteurs de parts, demander le remboursement de l’impôt sur les revenus du capital perçu sur les dividendes distribués par une société résidente, à condition que, en vertu de l’article 188 de l’InvFG 2011, l’article 186 de celui-ci ne lui fût pas applicable.

29      Dans le cadre de l’examen du recours en Revision dont elle est saisie, la juridiction de renvoi nourrit des doutes en ce qui concerne la question de savoir si le droit de l’Union impose d’écarter l’application de l’article 188 de l’InvFG 2011 dans le cas d’un fonds étranger ouvert au public qui, s’il avait son siège en Autriche, ne pourrait y opérer que sous la forme d’OPCVM, ne serait pas soumis à l’impôt et n’aurait donc pas pu bénéficier d’un remboursement de l’impôt sur les revenus du
capital, ni imputer cet impôt sur sa cotisation d’impôt sur les sociétés, car ces revenus auraient obligatoirement été imputés à ses porteurs de parts conformément à l’article 186 de l’InvFG 2011.

30      Dans ces conditions, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Une disposition telle que l’article 188 de [l’InvFG 2011], qui a pour effet d’exclure du remboursement de l’impôt sur les revenus du capital en Autriche les entités étrangères comparables à une personne morale autrichienne, qui sont matériellement un OPCVM, au sens de la directive [2009/65], et ne pourraient donc pas opérer en Autriche en tant que personne morale, étant donné que seule la forme juridique de fonds communs de placement transparents est prévue en Autriche pour de telles
entités, constitue-t-elle une restriction à la libre circulation des capitaux, au sens de l’article 63 TFUE ?

2)      En cas de réponse affirmative à [la première] question : existe-t-il une situation objectivement comparable entre, d’une part, une personne morale autrichienne qui place ses fonds selon les principes de la répartition des risques, mais qui, parce qu’elle ne recueille pas de fonds auprès du public, n’est pas un OPCVM et peut donc opérer en tant que personne morale en Autriche et, d’autre part, une société d’investissement étrangère qui, parce qu’elle recueille des fonds auprès du public,
serait un OPCVM, au sens des principes nationaux, et ne pourrait donc pas opérer en Autriche en tant que personne morale ?

3)      En cas de réponse affirmative à [la deuxième] question : la restriction à la libre circulation des capitaux est-elle justifiée par le maintien d’une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition, étant donné que les articles 186 et 188 de l’InvFG 2011 visent à garantir que ni un fonds autrichien ouvert au public ni un fonds étranger ouvert au public ne puissent produire un effet d’écran fiscal à l’égard des porteurs de parts et que, par conséquent, les porteurs de parts ne doivent
bénéficier d’une exonération de l’impôt sur les revenus du capital que dans les cas où [la République d]’Autriche a renoncé à son pouvoir d’imposition dans une convention préventive de la double imposition ? »

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

31      La Commission européenne soutient que la demande de décision préjudicielle est irrecevable au motif que l’application de l’article 63 TFUE, dont l’interprétation est sollicitée, ne serait pas nécessaire pour la solution du litige au principal. En effet, Franklin, qui agit en son nom, ne serait pas autorisée à demander le remboursement de l’impôt sur les revenus du capital sur le fondement de l’article 21, paragraphe 1, point 1a, du KStG 1988, une telle demande devant être introduite par les
porteurs de parts pour autant qu’ils satisfassent aux conditions fixées à cette disposition.

32      En outre, la demande de Franklin, introduite après l’obtention, par celle‑ci, d’un remboursement en application de l’article 10, paragraphe 2, de la convention austro-américaine, irait à l’encontre de la répartition des pouvoirs d’imposition, convenue entre la République d’Autriche et les États-Unis d’Amérique et viserait à contourner l’obligation de démontrer que le solde de l’impôt autrichien sur les revenus du capital n’aurait pas pu être imputé, en tout ou en partie, sur l’impôt dû aux
États-Unis. Ladite demande pourrait conduire à un enrichissement sans cause de Franklin qui recevrait alors des remboursements éventuellement dus à autrui, à savoir aux porteurs de ses parts, et serait même susceptible d’être considérée comme étant abusive.

33      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En
conséquence, dès lors que les questions préjudicielles posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 17 octobre 2024, FA.RO. di YK & C., C‑16/23, EU:C:2024:886, point 33 ainsi que jurisprudence citée).

34      Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de
droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 17 octobre 2024, FA.RO. di YK & C., C‑16/23, EU:C:2024:886, point 34 ainsi que jurisprudence citée).

35      Selon une jurisprudence également constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci respecte scrupuleusement les exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle et figurant de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour (arrêt du 17 octobre 2024, FA.RO. di YK & C., C‑16/23,
EU:C:2024:886, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

36      Ainsi, il est notamment indispensable, comme le prévoit l’article 94, sous c), du règlement de procédure, que la décision de renvoi contienne l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union et fasse état du lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal (arrêt du 17 octobre 2024, FA.RO. di YK & C., C‑16/23, EU:C:2024:886,
point 36 ainsi que jurisprudence citée).

37      En l’occurrence, il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ni que le problème soit de nature hypothétique. En outre la Cour dispose des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.

38      En effet, premièrement, malgré le remboursement fait aux porteurs des parts à la suite de la demande formée par Franklin, en leur nom, d’une partie de la retenue à la source, la recevabilité de la demande de Franklin concernant la part résiduelle de la retenue à la source sur les revenus de capitaux ne semble pas être mise en cause devant la juridiction de renvoi, qui n’a, au demeurant, pas non plus émis de doutes à cet égard. En outre, les étapes procédurales décrites aux points 20 à 24 du
présent arrêt témoignent de la réalité du litige au principal.

39      Deuxièmement, selon la demande de décision préjudicielle, le refus de remboursement de la retenue à la source qui pourrait être opposé à Franklin découlerait de l’application, à son égard, de l’article 188 de l’InvFG 2011, qui aurait pour effet d’assimiler le traitement fiscal des dividendes perçus par cette dernière à celui appliqué aux dividendes perçus par un OPCVM autrichien.

40      Or, en faisant état de ses doutes sur la question de savoir si, dans une situation telle que celle en cause au principal, l’assimilation prévue à l’article 188 de l’InvFG 2011 doit être considérée comme constituant une restriction à la liberté de circulation des capitaux, au sens de l’article 63 TFUE, et si, par conséquent, l’application de cet article 188 doit être écartée, la juridiction de renvoi expose de manière suffisante le lien qu’elle établit entre la disposition du droit de l’Union
dont elle demande l’interprétation et la réglementation nationale applicable au litige au principal.

41      Troisièmement, les arguments de la Commission portant sur la répartition des pouvoirs d’imposition entre les États-Unis d’Amérique et la République d’Autriche, sur l’enrichissement sans cause de Franklin dans le cas où le remboursement demandé lui serait accordé et sur le caractère éventuellement abusif d’une telle demande de remboursement ne sont pas de nature à remettre en cause la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, mais relèvent de l’examen au fond de l’affaire.

42      Il s’ensuit que la demande de décision préjudicielle est recevable.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions

43      Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens que constitue une restriction à la libre circulation des capitaux une réglementation nationale qui a pour effet d’exclure du remboursement de l’impôt sur les revenus du capital une entité non-résidente qui, d’une part, présente les mêmes caractéristiques qu’un OPCVM, au sens de la directive 2009/65, mais qui, d’autre
part, a la personnalité juridique et est, à cet égard, comparable à une personne morale résidente, alors même que, selon cette réglementation nationale, un OPCVM résident est considéré comme étant fiscalement transparent et ne peut pas opérer en tant que personne morale.

44      Selon une jurisprudence constante, l’article 63, paragraphe 1, TFUE interdit de manière générale les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers (arrêt du 2 mars 2023, PrivatBank e.a., C‑78/21, EU:C:2023:137, point 26 ainsi que jurisprudence citée).

45      La notion de « restriction », au sens de cette disposition, inclut les mesures étatiques qui sont de nature discriminatoire en ce qu’elles instituent, directement ou indirectement, une différence de traitement entre les mouvements nationaux de capitaux et les mouvements transfrontaliers de capitaux, qui ne correspond pas à une différence objective de situations et qui sont, partant, propres à dissuader des personnes physiques ou morales d’autres États membres ou de pays tiers d’effectuer des
mouvements transfrontaliers de capitaux (voir, en ce sens, arrêt du 2 mars 2023, PrivatBank e.a., C‑78/21, EU:C:2023:137, points 48 et 49 ainsi que jurisprudence citée).

46      Ainsi, le fait, pour un État membre, de réserver aux revenus versés aux organismes de placement collectif non-résidents un traitement moins favorable que celui qui est accordé aux revenus versés à des organismes de placement collectif résidents est susceptible de dissuader les organismes établis dans un autre État de procéder à des investissements dans cet État membre et constitue, par conséquent, une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par
l’article 63 TFUE [arrêt du 27 février 2025,  Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej (Mode de gestion d’un OPC),  C‑18/23, EU:C:2025:119, point 58 et jurisprudence citée].

47      En outre, une réglementation nationale qui est indistinctement applicable aux opérateurs résidents et aux opérateurs non-résidents peut être constitutive d’une restriction à la libre circulation des capitaux. En effet, il découle de la jurisprudence de la Cour que même une différenciation qui repose sur des critères objectifs peut, de fait, défavoriser les situations transfrontalières [arrêt du 27 février 2025,  Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej (Mode de gestion d’un OPC),  C‑18/23,
EU:C:2025:119, point 65 et jurisprudence citée].

48      En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour, d’une part, que, dans le litige au principal, Franklin souhaite obtenir le remboursement de la retenue à la source sur le fondement de l’article 21, paragraphe 1, point 1a, du KStG 1988 et, d’autre part, que, selon la juridiction de renvoi, l’application potentielle de l’article 188 de l’InvFG 2011 s’opposerait à ce remboursement.

49      L’article 188 de l’InvFG 2011 prévoirait, en substance, que la transparence fiscale, établie à l’article 186 de l’InvFG 2011 s’agissant des fonds d’investissement résidents, s’applique également aux fonds d’investissement non-résidents, indépendamment de leur forme juridique, à condition que leur patrimoine soit, en vertu de la loi, des statuts ou de l’usage effectif, investi selon les principes de la répartition des risques.

50      Il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’application de l’article 188 de l’InvFG 2011 aurait pour effet de soumettre une entité non-résidente, telle que Franklin, au régime fiscal applicable aux fonds d’investissement résidents.

51      Sous réserve que les dividendes distribués à une entité non-résidente, telle que Franklin, ne subissent pas en Autriche une charge fiscale plus lourde que celle à laquelle sont soumis les dividendes versés à un fonds d’investissement résident, ce qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier, l’application à Franklin d’un traitement égal par rapport aux fonds d’investissement résidents ne pourrait être constitutive d’une restriction, au sens de l’article 63 TFUE, que si Franklin
n’était pas comparable à de tels fonds mais devait être considérée comme étant comparable à une personne morale résidente qui n’est pas fiscalement transparente et peut bénéficier d’un remboursement de l’impôt sur les revenus du capital, si elle satisfait par ailleurs aux conditions prévues par la réglementation applicable.

52      Afin d’apprécier si une entité non-résidente, telle que Franklin, peut être considérée comme étant dans une situation objectivement comparable, au regard des articles 186 et 188 de l’InvFG 2011, à un fonds d’investissement résident, il importe de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, d’une part, que le caractère comparable ou non d’une situation transfrontalière avec une situation interne doit être examiné en tenant compte de l’objectif poursuivi par les dispositions de la
réglementation nationale concernée ainsi que de l’objet et du contenu de ces dernières, et, d’autre part, que seuls les critères de distinction pertinents établis par cette réglementation doivent être pris en compte afin d’apprécier si la différence de traitement résultant de ladite réglementation reflète une différence de situation objective (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2023, L Fund, C‑537/20, EU:C:2023:339, point 54 et jurisprudence citée).

53      En l’occurrence, il convient de relever que, selon les explications fournies par la juridiction de renvoi, l’article 186 de l’InvFG 2011 a pour objet de prévoir une imposition transparente des fonds d’investissement, ce qui signifie que les revenus sont imputés aux porteurs des parts et que seuls ces derniers sont soumis directement à l’impôt.

54      Il ressort du dossier dont dispose la Cour que l’article 186 de l’InvFG 2011 porterait sur le traitement fiscal des revenus des organismes relevant, notamment, de l’article 2, paragraphe 2, l’InvFG 2011, lu en combinaison avec l’article 46 de celui-ci, à savoir des organismes dépourvus de personnalité juridique qui poursuivent des activités d’investissement et qui satisfont à certaines conditions relatives au recueil et au placement des capitaux, à l’agrément et au contrôle. Cet article 186
n’aurait pas pour objet le traitement fiscal des revenus des sociétés qui poursuivent des activités commerciales non soumises à ce type de conditions.

55      L’article 188 de l’InvFG 2011 viserait les fonds d’investissement étrangers, tout en précisant qu’un fonds d’investissement recouvre, indépendamment de sa forme juridique, tout patrimoine relevant d’un droit étranger qui, en vertu de la loi, des statuts ou de l’usage effectif, est investi selon les principes de la répartition des risques. Cet article 188 aurait donc pour objet de faire relever du régime applicable aux fonds d’investissement résidents les entités non-résidentes qui satisfont
à la condition relative à l’investissement des fonds selon les principes de la répartition des risques.

56      Selon la juridiction de renvoi, l’article 186 de l’InvFG 2011 a pour objectif notamment de garantir que le fonds d’investissement ne produise pas d’effet d’écran et que seuls les porteurs des parts soient imposés, tandis que l’objectif de l’article 188 de l’InvFG 2011 est de garantir l’égalité de traitement fiscal des fonds d’investissement résidents et non-résidents afin que les fonds d’investissement non‑résidents ne produisent pas non plus un effet d’écran et que l’imposition s’effectue
au niveau des porteurs de parts.

57      À cet égard, selon les constats effectués par le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances) au cours de la procédure judiciaire nationale, rappelés au point 17 du présent arrêt, ainsi que ceux de la juridiction de renvoi, un fonds d’investissement tel que Franklin présente les mêmes caractéristiques qu’un fonds d’investissement autrichien et un OPCVM, au sens de la directive 2009/65. Il est donc assimilable, de par son activité et sous réserve des vérifications qu’il appartiendra à
la juridiction de renvoi d’effectuer, aux organismes résidents visés à l’article 186 de l’InvFG 2011.

58      Toutefois, à la différence des fonds d’investissement résidents, Franklin a la personnalité juridique et correspond, à cet égard, conformément aux constats effectués par le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances) au cours de la procédure judiciaire nationale, à une société résidente à laquelle les revenus devaient également être imputés conformément aux règles générales.

59      Il convient donc d’examiner si la circonstance que Franklin a la personnalité juridique place une telle entité, au regard des articles 186 et 188 de l’InvFG 2011, dans une situation différente de celle des fonds d’investissement résidents et conduit ainsi à ce que sa situation ne soit pas objectivement comparable, au regard de ces articles, à la situation d’un fonds d’investissement résident relevant de l’article 186 de l’InvFG 2011.

60      À cet égard, la Cour a jugé que, au regard des objectifs visant, en substance, à éviter la double imposition des revenus provenant d’investissements et à réserver un traitement fiscal équivalent aux investissements réalisés indirectement, par l’intermédiaire d’un fonds d’investissement, et aux investissements directs, le fait qu’un organisme de placement collectif ait une forme statutaire ne le place pas nécessairement dans une situation différente de celle d’un organisme de placement
collectif de forme contractuelle [voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2022, Veronsaajien oikeudenvalvontayksikkö (Exonération des fonds d’investissement contractuels), C‑342/20, EU:C:2022:276, point 73].

61      En effet, de tels objectifs peuvent également être atteints lorsqu’un organisme de placement collectif revêt une forme statutaire, mais bénéficie, dans l’État membre dans lequel il est établi, d’une exonération d’impôt sur les revenus ou d’un régime de transparence fiscale [arrêt du 7 avril 2022, Veronsaajien oikeudenvalvontayksikkö (Exonération des fonds d’investissement contractuels), C‑342/20, EU:C:2022:276, point 74].

62      De la même manière, au regard de tels objectifs, le fait pour une entité non-résidente, qui présente les mêmes caractéristiques qu’un fonds d’investissement résident, d’avoir la personnalité juridique ne la place pas nécessairement dans une situation différente de celle d’un fonds d’investissement résident n’ayant pas de personnalité juridique, si les dividendes perçus par cette première entité sont imputés à ses porteurs de parts et sont imposés, dans l’État de résidence de celle-ci, non
pas au niveau de ladite entité mais au niveau de ses porteurs de parts.

63      Il appartiendra à la juridiction de renvoi d’examiner si tel est le cas en l’occurrence, compte tenu, notamment, de la circonstance que, d’une part, le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances) a constaté, au cours de la procédure judiciaire nationale, que Franklin avait procédé à la distribution de l’intégralité de ses revenus pour l’année 2013, de sorte qu’elle n’avait dû acquitter aucun impôt fédéral américain sur le revenu au titre de cette année et, d’autre part, que Franklin
avait bénéficié pour ses porteurs de parts résidant aux États-Unis et relevant de la convention austro-américaine d’une réduction du taux de l’impôt sur les revenus du capital à 15 % et d’un remboursement de la différence par rapport aux 25 % d’impôt sur les revenus du capital prélevés à la source, l’autorité fiscale ayant ainsi reconnu que ces porteurs de parts étaient des bénéficiaires effectifs de ces revenus, au sens de l’article 10 de cette convention.

64      Il s’ensuit qu’il convient de répondre aux première et deuxième questions que l’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens que ne constitue pas une restriction à la libre circulation des capitaux une réglementation nationale qui a pour effet d’exclure du remboursement de l’impôt sur les revenus du capital une entité non-résidente qui, d’une part, présente les mêmes caractéristiques qu’un OPCVM, au sens de la directive 2009/65, mais, d’autre part, a la personnalité juridique et est, à
cet égard, comparable à une personne morale résidente, alors même que, selon cette réglementation nationale, un OPCVM résident est considéré comme étant fiscalement transparent et ne peut pas opérer en tant que personne morale, à condition que les revenus perçus par l’entité non-résidente sont imputés à ses porteurs de parts et sont imposés, dans son État de résidence, non pas au niveau de celle-ci, mais au niveau de ses porteurs de parts.

 Sur la troisième question

65      Compte tenu de la réponse apportée aux première et deuxième questions, il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question.

 Sur les dépens

66      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

L’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens que ne constitue pas une restriction à la libre circulation des capitaux une réglementation nationale qui a pour effet d’exclure du remboursement de l’impôt sur les revenus du capital une entité non-résidente qui, d’une part, présente les mêmes caractéristiques qu’un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), au sens de la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, portant coordination des
dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), mais, d’autre part, a la personnalité juridique et est, à cet égard, comparable à une personne morale résidente, alors même que, selon cette réglementation nationale, un OPCVM résident est considéré comme étant fiscalement transparent et ne peut pas opérer en tant que personne morale, à condition que les revenus perçus par l’entité non-résidente sont
imputés à ses porteurs de parts et sont imposés, dans son État de résidence, non pas au niveau de celle-ci, mais au niveau de ses porteurs de parts.

Signatures

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*      Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-602/23
Date de la décision : 30/04/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Verwaltungsgerichtshof.

Renvoi préjudiciel – Libre circulation des capitaux – Restrictions – Impôt sur les revenus de capitaux – Organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) – Personnalité juridique – Réglementation nationale prévoyant que les OPCVM n’ont pas de personnalité juridique – Transparence fiscale des OPCVM – Traitement fiscal des organismes étrangers comparables aux OPCVM, mais ayant la personnalité juridique – Caractère comparable d’une situation transfrontalière avec une situation interne.

Droit d'établissement


Parties
Demandeurs : Finanzamt für Großbetriebe
Défendeurs : Franklin Mutual Series Funds - Franklin Mutual European Fund.

Composition du Tribunal
Avocat général : Campos Sánchez-Bordona
Rapporteur ?: Ziemele

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:290

Source

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