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27/03/2025 | CJUE | N°C-57/24

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Procédure engagée par BA., 27/03/2025, C-57/24


 ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

27 mars 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Mesures relatives au droit des successions – Règlement (UE) no 650/2012 – Article 13 – Compétence de la juridiction de la résidence habituelle de l’héritier – Déclaration tardive de la renonciation à la succession d’un défunt, qui résidait habituellement dans un État membre, par une héritière, qui réside habituellement dans un autre État membre »

Dans l’affaire C‑57/24 [Ławida] ( i ),


ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Okręgowy w ...

 ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

27 mars 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Mesures relatives au droit des successions – Règlement (UE) no 650/2012 – Article 13 – Compétence de la juridiction de la résidence habituelle de l’héritier – Déclaration tardive de la renonciation à la succession d’un défunt, qui résidait habituellement dans un État membre, par une héritière, qui réside habituellement dans un autre État membre »

Dans l’affaire C‑57/24 [Ławida] ( i ),

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Okręgowy w Gliwicach (tribunal régional de Gliwice, Pologne), par décision du 24 octobre 2023, parvenue à la Cour le 26 janvier 2024, dans la procédure engagée par

BA, ayant pour représentant légal BR,

en présence de :

EQ, ayant pour représentant légal XK,

CJ, ayant pour représentant légal XK,

LF,

AA, ayant pour représentant légal TB,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. N. Jääskinen (rapporteur), président de chambre, M. A. Arabadjiev et Mme R. Frendo, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna et Mme S. Żyrek, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement tchèque, par Mme A. Pagáčová, MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mme J. Hottiaux et M. W. Wils, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13 du règlement (UE) no 650/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen (JO 2012, L 201, p. 107).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée par BA, une mineure résidant habituellement en Pologne, ayant pour représentant légal BR, afin de ne pas se voir appliquer les effets juridiques de son omission de faire, dans le délai requis, une déclaration concernant la renonciation à la succession de ZJ, un parent défunt, qui résidait habituellement en Allemagne.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Les considérants 7 et 32 du règlement no 650/2012 énoncent :

« (7) Il y a lieu de faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur en supprimant les entraves à la libre circulation de personnes confrontées aujourd’hui à des difficultés pour faire valoir leurs droits dans le contexte d’une succession ayant des incidences transfrontières. Dans l’espace européen de justice, les citoyens doivent être en mesure d’organiser à l’avance leur succession. Les droits des héritiers et légataires, des autres personnes proches du défunt ainsi que des créanciers de la
succession doivent être garantis de manière effective.

[...]

(32) Afin de faciliter la vie des héritiers et légataires résidant habituellement dans un autre État membre que celui dans lequel la succession est ou sera réglée, le présent règlement devrait permettre à toute personne ayant le droit, en vertu de la loi applicable à la succession, de faire des déclarations relatives à l’acceptation de la succession, d’un legs ou d’une réserve héréditaire ou à la renonciation à ceux-ci, ou une déclaration visant à limiter sa responsabilité à l’égard des dettes de
la succession, de faire ces déclarations sous la forme prévue par la loi de l’État membre de sa résidence habituelle devant les juridictions dudit État membre. Cette disposition ne devrait pas empêcher de faire de telles déclarations devant d’autres autorités de cet État membre qui sont compétentes pour recevoir les déclarations en vertu du droit national. Les personnes qui choisissent de se prévaloir de la possibilité de faire une déclaration dans l’État membre de leur résidence habituelle
devraient informer elles-mêmes la juridiction ou l’autorité qui est ou sera chargée de la succession de l’existence de telles déclarations dans le délai éventuellement fixé par la loi applicable à la succession. »

4 L’article 4 de ce règlement, intitulé « Compétence générale », dispose :

« Sont compétentes pour statuer sur l’ensemble d’une succession les juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès. »

5 Le chapitre II dudit règlement, intitulé « Compétence », comprend les articles 4 à 19 de celui-ci. L’article 13 du même règlement, intitulé « Acceptation de la succession, d’un legs ou d’une réserve héréditaire, ou renonciation à ceux-ci », prévoit :

« Outre la juridiction compétente pour statuer sur la succession au titre du présent règlement, les juridictions de l’État membre de la résidence habituelle de toute personne qui, en vertu de la loi applicable à la succession, peut faire une déclaration devant une juridiction concernant l’acceptation de la succession, d’un legs ou d’une réserve héréditaire ou la renonciation à ceux-ci, ou une déclaration visant à limiter la responsabilité de la personne concernée à l’égard des dettes de la
succession, sont compétentes pour recevoir ce type de déclarations lorsque, en vertu de la loi de cet État membre, ces déclarations peuvent être faites devant une juridiction. »

6 Aux termes de l’article 15 du règlement no 650/2012, intitulé « Vérification de la compétence » :

« La juridiction d’un État membre saisie d’une affaire de succession pour laquelle elle n’est pas compétente en vertu du présent règlement se déclare d’office incompétente. »

7 L’article 21 de ce règlement, intitulé « Règle générale », dispose, à son paragraphe 1 :

« Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à l’ensemble d’une succession est celle de l’État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès. »

8 L’article 23 dudit règlement, intitulé « Portée de la loi applicable », prévoit, à ses paragraphe 1 et paragraphe 2, sous e) :

« 1.   La loi désignée en vertu de l’article 21 ou 22 régit l’ensemble d’une succession.

2.   Cette loi régit notamment :

[...]

e) le transfert des biens, des droits et des obligations composant la succession aux héritiers et, selon le cas, aux légataires, y compris les conditions et les effets de l’acceptation de la succession ou du legs ou de la renonciation à ceux-ci ».

9 Le chapitre III du règlement no 650/2012, intitulé « Loi applicable », comprend les articles 20 à 38 de celui-ci. L’article 28 de ce règlement, intitulé « Validité quant à la forme de la déclaration concernant l’acceptation ou la renonciation », dispose :

« Une déclaration concernant l’acceptation de la succession, d’un legs ou d’une réserve héréditaire ou la renonciation à ceux-ci, ou une déclaration visant à limiter la responsabilité de la personne qui fait la déclaration est valable quant à la forme lorsqu’elle respecte les exigences :

a) de la loi applicable à la succession en vertu de l’article 21 ou 22 ; ou

b) de la loi de l’État dans lequel la personne qui fait la déclaration a sa résidence habituelle. »

Le droit polonais

Le code civil

10 L’article 1012 de l’ustawa – Kodeks cywilny (loi portant code civil), du 23 avril 1964 (Dz. U. no 16, position 93), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « code civil »), dispose que l’héritier peut soit accepter la succession sans limitation de responsabilité à l’égard des dettes du défunt (acceptation pure et simple), soit accepter la succession avec limitation de cette responsabilité (acceptation de la succession sous bénéfice d’inventaire), soit renoncer à la
succession.

11 En vertu de l’article 1015 de ce code, une déclaration concernant l’acceptation de la succession ou la renonciation à celle-ci peut être faite dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle l’héritier a eu connaissance du titre en vertu duquel il a été désigné comme tel. L’absence de déclaration de l’héritier dans ce délai vaut acceptation de la succession sous bénéfice d’inventaire.

12 L’article 1018 du code civil prévoit, à son paragraphe 1, qu’une déclaration concernant l’acceptation de la succession ou la renonciation à celle-ci faite sous condition ou soumise à un délai est nulle. Les paragraphes 2 et 3 de cet article prévoient, respectivement, qu’une telle déclaration ne peut être révoquée et qu’elle est faite devant un tribunal ou devant notaire.

13 L’article 1019, paragraphe 1, du code civil dispose :

« Si la déclaration concernant l’acceptation de la succession ou la renonciation à celle-ci est faite par erreur ou à la suite d’une menace, s’appliquent à celle-ci les dispositions relatives aux vices affectant toute déclaration de volonté avec les modifications suivantes :

1) le refus de se voir appliquer les effets juridiques de la déclaration doit avoir lieu devant une juridiction ;

2) l’héritier doit simultanément déclarer si et comment il accepte la succession ou renonce à celle-ci. »

14 En vertu du paragraphe 2 de l’article 1019 du code civil, l’héritier qui n’a pas fait de déclaration concernant l’acceptation de la succession ou la renonciation à celle-ci dans le délai imparti en raison d’une erreur ou d’une menace affectant cette déclaration peut éviter les conséquences juridiques du non-respect de ce délai si les conditions prévues au paragraphe 1 de cet article sont remplies.

15 Conformément à l’article 1019, paragraphe 3, du code civil, le refus de se voir appliquer les effets juridiques d’une déclaration concernant l’acceptation de la succession ou la renonciation à celle-ci doit être approuvé par une juridiction.

Le code de procédure civile

16 L’article 628 de l’ustawa – Kodeks postępowania cywilnego (loi portant code de procédure civile), du 17 novembre 1964 (Dz. U. de 1964, no 43, position 296), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit que la juridiction compétente en matière successorale est le tribunal de la dernière résidence habituelle du défunt et, si sa résidence habituelle en Pologne ne peut être établie, le tribunal du lieu où se trouve la succession ou la partie de la succession concernée. À défaut de tels
fondements, le tribunal successoral est le Sąd Rejonowy dla m.st. Warszawy w Warszawie (tribunal d’arrondissement de la ville de Varsovie, Pologne).

17 L’article 640 de ce code dispose qu’une déclaration concernant l’acceptation de la succession pure et simple ou à concurrence de l’actif net ou la renonciation à celle-ci peut être faite devant notaire ou devant le Sąd Rejonowy (tribunal d’arrondissement, Pologne) dans le ressort duquel se trouve le domicile ou la résidence du déclarant. Ce notaire ou ce tribunal transmet sans délai cette déclaration, y compris les annexes de celle-ci, à la juridiction qui doit être saisie de la procédure de
succession, dans le cas où les juridictions polonaises sont compétentes. De telles déclarations peuvent également être faites devant cette juridiction au cours de la procédure visant à faire constater les droits successoraux.

Le litige au principal et la question préjudicielle

18 BA, la requérante au principal, est une mineure qui réside en Pologne. Elle est parente du défunt ZJ qui est décédé en Allemagne, pays où il avait sa résidence habituelle.

19 En raison de l’omission de son représentant légal BR d’effectuer la déclaration concernant la renonciation à la succession de ZJ, du fait d’une erreur de calcul du délai requis pour faire cette déclaration, BA a demandé, en la personne de BR, au Sąd Rejonowy w Gliwicach (tribunal d’arrondissement de Gliwice, Pologne) d’approuver son refus de se voir appliquer les effets juridiques d’une telle omission.

20 À la suite du rejet de cette demande d’approbation par cette juridiction, BA a interjeté appel de ce rejet auprès du Sąd Okręgowy w Gliwicach (tribunal régional de Gliwice, Pologne), qui est la juridiction de renvoi.

21 La juridiction de renvoi se demande si la compétence des juridictions de l’État membre de la résidence habituelle de toute personne, pour recevoir une déclaration de celle-ci concernant l’acceptation de la succession, d’un legs ou d’une réserve héréditaire ou la renonciation à ceux-ci, ou une déclaration visant à limiter la responsabilité de la personne concernée à l’égard des dettes de la succession, telle que prévue à l’article 13 du règlement no 650/2012, couvre également les situations dans
lesquelles il est demandé à une juridiction nationale d’approuver le refus de se voir appliquer les conséquences juridiques de l’omission d’une telle déclaration dans le délai requis.

22 Elle estime qu’une interprétation étroite de la notion de « réception » de la déclaration, figurant audit article, conduit à considérer que les juridictions de l’État membre de la résidence habituelle de la personne qui a fait la déclaration concernant la renonciation à la succession sont compétentes uniquement pour recevoir de telles déclarations. En conséquence, l’article 13 dudit règlement ne concernerait pas les situations dans lesquelles un héritier demande à une telle juridiction
d’approuver le refus de cet héritier de se voir appliquer les effets juridiques de l’omission de déclarer, dans le délai requis, la renonciation à la succession. La juridiction de renvoi indique qu’il résulte de cette interprétation étroite de l’article 13 du règlement no 650/2012 que, en l’occurrence, elle est incompétente pour approuver le refus de BA de se voir appliquer les conséquences juridiques de l’omission en cause au principal et que seules sont compétentes pour approuver un tel refus
les juridictions visées à l’article 4 de ce règlement, à savoir, en l’occurrence, les juridictions allemandes.

23 Selon la juridiction de renvoi, cette position aurait été défendue par l’avocat général Szpunar, qui, dans ses conclusions rendues le 20 janvier 2022 dans l’affaire C‑617/20, aurait estimé que l’article 13 du règlement no 650/2012 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas lorsque, afin que les déclarations visées à cet article produisent certains effets juridiques prévus par la loi applicable à la succession, il est nécessaire que la juridiction prenne des mesures allant au-delà de
la simple réception de telles déclarations, comme l’adoption d’une décision ou l’ouverture d’une autre procédure que la procédure de succession [conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire T.N. et N.N. (Déclaration concernant la renonciation à la succession), C‑617/20, EU:C:2022:49, points 38 et 39].

24 Toutefois, en s’appuyant sur l’arrêt du 21 juin 2018, Oberle (C‑20/17, EU:C:2018:485, point 42), la juridiction de renvoi indique que cet article 13, lu à la lumière du considérant 32 du règlement no 650/2012, vise à simplifier les démarches des héritiers et des légataires, en dérogeant aux règles de compétence prévues aux articles 4 à 11 de ce règlement. En outre, afin de régler de manière rapide, aisée et efficace une succession ayant une incidence transfrontière au sein de l’Union européenne,
les héritiers devraient être à même de prouver facilement leur statut et/ou leurs droits et pouvoirs. Ainsi, la juridiction de renvoi se demande si la sphère de compétence de la juridiction visée à l’article 13 du règlement no 650/2012 pourrait couvrir non seulement les mesures liées à la réception de la déclaration visée à cet article, mais également d’autres actes de cette juridiction adoptés dans le cadre d’une procédure de succession, y compris l’approbation par celle-ci du refus, par
l’héritier, de se voir appliquer les effets juridiques de l’omission de déclarer, dans le délai requis, la renonciation à la succession.

25 Une telle interprétation serait également conforme à l’objectif du règlement no 650/2012, lequel vise, selon son considérant 7, à faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur en supprimant les entraves à la libre circulation des personnes qui veulent faire valoir leurs droits issus d’une succession transfrontière.

26 Dans ces conditions, le Sąd Okręgowy w Gliwicach (tribunal régional de Gliwice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 13 du règlement [no 650/2012] doit-il être interprété en ce sens qu’il n’est pas applicable à une situation dans laquelle, pour qu’une déclaration de renonciation à la succession produise des effets, il est nécessaire, outre la simple réception de celle‑ci, qu’une juridiction l’approuve – conformément aux dispositions de l’État membre de la résidence habituelle du déclarant –, par exemple lorsqu’une telle déclaration est faite après l’expiration du délai prévu à cet effet ? »

Sur la question préjudicielle

27 Par son unique question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13 du règlement no 650/2012 doit être interprété en ce sens que les juridictions de l’État membre dans lequel réside habituellement une personne qui refuse de se voir appliquer les conséquences juridiques de l’omission de déclarer, dans le délai requis, la renonciation à une succession sont compétentes pour approuver un tel refus.

28 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence constante de la Cour, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte non seulement des
termes, mais également du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause [arrêt du 2 juin 2022, T.N. et N.N. (Déclaration concernant la renonciation à la succession), C‑617/20, EU:C:2022:426, point 35].

29 S’agissant, en premier lieu, des termes de l’article 13 du règlement no 650/2012, cet article dispose que, outre la juridiction compétente pour statuer sur la succession au titre de ce règlement, les juridictions de l’État membre de la résidence habituelle de toute personne qui, en vertu de la loi applicable à la succession, peut faire une déclaration concernant l’acceptation de la succession, d’un legs ou d’une réserve héréditaire ou la renonciation à ceux-ci, ou une déclaration visant à limiter
la responsabilité de la personne concernée à l’égard des dettes de la succession, sont compétentes pour recevoir ces déclarations, lorsque, en vertu de la loi de cet État membre, elles peuvent être faites devant une juridiction.

30 Ledit article 13 prévoit ainsi un for alternatif de compétence juridictionnelle qui vise à permettre aux héritiers qui n’ont pas leur résidence habituelle dans l’État membre dont les juridictions sont compétentes pour statuer sur la succession, conformément aux règles générales des articles 4 à 11 du règlement no 650/2012, de faire leurs déclarations concernant l’acceptation de la succession ou la renonciation à celle-ci devant une juridiction de l’État membre dans lequel ils ont leur résidence
habituelle [arrêt du 2 juin 2022, T.N. et N.N. (Déclaration concernant la renonciation à la succession), C‑617/20, EU:C:2022:426, point 37].

31 Il ressort également du libellé de l’article 13 du règlement no 650/2012 que les juridictions de l’État membre dans lequel l’héritier a sa résidence habituelle sont compétentes uniquement pour « recevoir » ces déclarations (voir, en ce sens, arrêt du 21 juin 2018, Oberle, C‑20/17, EU:C:2018:485, point 41).

32 Ainsi, cet article 13 ne vise pas la compétence de ces juridictions pour approuver le refus de l’héritier de se voir appliquer les conséquences juridiques de l’omission d’avoir déclaré, dans le délai requis, la renonciation à la succession.

33 S’agissant, en deuxième lieu, du contexte dans lequel s’inscrit l’article 13 du règlement no 650/2012, il y a lieu de rappeler que cet article fait partie du chapitre II de ce règlement, qui régit l’ensemble des chefs de compétence juridictionnelle en matière de successions [voir, en ce sens, arrêt du 2 juin 2022, T.N. et N.N. (Déclaration concernant la renonciation à la succession), C‑617/20, EU:C:2022:426, point 36].

34 La règle de compétence juridictionnelle qui résulte de cet article 13, telle que mentionnée au point 30 du présent arrêt, est complétée par une règle de conflit de lois contenue à l’article 28 du règlement no 650/2012, qui fait partie du chapitre III de celui-ci, relatif à la loi applicable, et qui régit spécifiquement la validité quant à la forme, notamment, des déclarations concernant la renonciation à la succession. À cet égard, il y a lieu de relever que ces déclarations sont valables quant à
la forme lorsqu’elles respectent, selon le point a) de cet article, les exigences de la loi applicable à la succession (lex successionis), ou, selon son point b), celles de la loi de l’État dans lequel la personne qui fait ladite déclaration a sa résidence habituelle [arrêt du 2 juin 2022, T.N. et N.N. (Déclaration concernant la renonciation à la succession), C‑617/20, EU:C:2022:426, point 38].

35 Il ressort d’une lecture combinée des articles 13 et 28 du règlement no 650/2012 qu’il existe une étroite corrélation entre ces deux articles, de sorte que la compétence des juridictions de l’État membre de la résidence habituelle de l’héritier pour recevoir les déclarations concernant la renonciation à la succession est subordonnée à la condition que la loi successorale en vigueur dans cet État prévoie la possibilité de faire une telle déclaration devant une juridiction [voir, en ce sens, arrêt
du 2 juin 2022, T.N. et N.N. (Déclaration concernant la renonciation à la succession), C‑617/20, EU:C:2022:426, point 40].

36 S’agissant, en particulier, d’une décision juridictionnelle, telle que celle demandée par la requérante au principal, approuvant le refus, par l’héritier, de se voir appliquer les conséquences juridiques de son omission de faire la déclaration, dans le délai requis, concernant la renonciation à la succession, tel que le prévoit la loi successorale en vigueur dans l’État membre de la résidence habituelle de cet héritier, il y a lieu de relever que, d’une part, l’article 28 du règlement no 650/2012
est conçu de manière à reconnaître la validité des déclarations visées à cet article, notamment lorsque les conditions prévues par la loi de l’État de la résidence habituelle de la personne qui fait la déclaration, quand celle-ci est applicable, sont remplies [voir, en ce sens, arrêt du 2 juin 2022, T.N. et N.N. (Déclaration concernant la renonciation à la succession), C‑617/20, EU:C:2022:426, point 39]. D’autre part, une telle décision juridictionnelle d’approbation ne constitue manifestement
pas un acte de réception d’une déclaration visé à l’article 13 de ce règlement et, partant, ne relève pas du champ d’application de cet article.

37 En troisième lieu, cette interprétation est corroborée par les objectifs poursuivis par le règlement no 650/2012. En effet, selon son considérant 7, ce règlement tend à faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur en supprimant les entraves à la libre circulation des personnes qui veulent faire valoir leurs droits dans le contexte d’une succession ayant des incidences transfrontières. Ce considérant énonce, en particulier, que, dans l’espace européen de justice, les droits des héritiers et
des légataires, des autres personnes proches du défunt ainsi que des créanciers de la succession doivent être garantis de manière effective [arrêt du 2 juin 2022, T.N. et N.N. (Déclaration concernant la renonciation à la succession), C‑617/20, EU:C:2022:426, point 42].

38 À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’article 13 du règlement no 650/2012, lu à la lumière du considérant 32 de celui-ci, selon lequel le but de cette disposition est de faciliter la vie des héritiers et des légataires résidant habituellement dans un État membre autre que celui dans lequel la succession est ou sera réglée, vise à simplifier les démarches des héritiers et des légataires en dérogeant aux règles de compétence énoncées aux articles 4 à 11 de ce règlement [arrêt
du 2 juin 2022, T.N. et N.N. (Déclaration concernant la renonciation à la succession), C‑617/20, EU:C:2022:426, point 41 ainsi que jurisprudence citée].

39 Ainsi qu’il est mentionné au point 30 du présent arrêt, afin de poursuivre cet objectif, le législateur de l’Union a prévu, à l’article 13 du règlement no 650/2012, une compétence additionnelle à celles prévues auxdits articles 4 à 11 en faveur des juridictions de l’État membre de la résidence habituelle d’une personne qui, notamment, déclare renoncer à la succession pour recevoir une telle déclaration.

40 Toutefois, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la compétence juridictionnelle visée à l’article 13 du règlement no 650/2012 a une portée limitée qui ne saurait par conséquent couvrir la situation dans laquelle,afin que les déclarations visées à cet article produisent certains effets juridiques prévus par la loi applicable à la succession, il est nécessaire que la juridiction prenne des mesures allant au-delà de la simple réception d’une déclaration, telles que l’adoption d’une décision
ou l’ouverture d’une autre procédure que la procédure de succession [voir, par analogie, arrêt du 2 juin 2022, T.N. et N.N. (Déclaration concernant la renonciation à la succession), C‑617/20, EU:C:2022:426, point 44].

41 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 13 du règlement no 650/2012 doit être interprété en ce sens que les juridictions de l’État membre dans lequel réside habituellement une personne qui refuse de se voir appliquer les conséquences juridiques de l’omission de déclarer, dans le délai requis, la renonciation à une succession ne sont pas compétentes pour approuver un tel refus.

Sur les dépens

42 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

  L’article 13 du règlement (UE) no 650/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen,

  doit être interprété en ce sens que :

  les juridictions de l’État membre dans lequel réside habituellement une personne qui refuse de se voir appliquer les conséquences juridiques de l’omission de déclarer, dans le délai requis, la renonciation à une succession ne sont pas compétentes pour approuver un tel refus.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le polonais

( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.


Synthèse
Formation : Neuvième chambre
Numéro d'arrêt : C-57/24
Date de la décision : 27/03/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Sąd Okręgowy w Gliwicach.

Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Mesures relatives au droit des successions – Règlement (UE) no 650/2012 – Article 13 – Compétence de la juridiction de la résidence habituelle de l’héritier – Déclaration tardive de la renonciation à la succession d’un défunt, qui résidait habituellement dans un État membre, par une héritière, qui réside habituellement dans un autre État membre.

Coopération judiciaire en matière civile

Espace de liberté, de sécurité et de justice


Parties
Demandeurs : Procédure engagée par BA.

Composition du Tribunal
Avocat général : Campos Sánchez-Bordona
Rapporteur ?: Jääskinen

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:217

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