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13/03/2025 | CJUE | N°C-72/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Kurdistan Workers' Party (PKK) contre Conseil de l'Union européenne., 13/03/2025, C-72/23


 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

13 mars 2025 ( *1 )

« Pourvoi – Politique étrangère et de sécurité commune – Lutte contre le terrorisme – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités – Gel des fonds – Position commune 2001/931/PESC – Article 1er, paragraphes 3, 4 et 6 – Règlement (CE) no 2580/2001 – Article 2, paragraphe 3 – Maintien d’une organisation sur la liste des personnes, des groupes et des entités impliqués dans des actes de terrorisme – Applicabilité aux situations de confl

it armé – Groupe terroriste – Nature
des actes accomplis et motifs sous-jacents de ces actes – Distance temporell...

 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

13 mars 2025 ( *1 )

« Pourvoi – Politique étrangère et de sécurité commune – Lutte contre le terrorisme – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités – Gel des fonds – Position commune 2001/931/PESC – Article 1er, paragraphes 3, 4 et 6 – Règlement (CE) no 2580/2001 – Article 2, paragraphe 3 – Maintien d’une organisation sur la liste des personnes, des groupes et des entités impliqués dans des actes de terrorisme – Applicabilité aux situations de conflit armé – Groupe terroriste – Nature
des actes accomplis et motifs sous-jacents de ces actes – Distance temporelle – Persistance du risque d’implication dans des activités terroristes – Proportionnalité – Obligation de motivation »

Dans l’affaire C‑72/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 10 février 2023,

Kurdistan Workers’ Party (PKK), représenté par Mes T. Buruma et A. M. van Eik, advocaten,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M.-C. Cadilhac, M. B. Driessen et Mme S. Van Overmeire, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

soutenu par :

République française, représentée initialement par MM. J.-L. Carré, B. Fodda et W. Zemamta, en qualité d’agents, puis par MM. J.-L. Carré, B. Fodda et Mme E. Timmermans, en qualité d’agents, et enfin par M. B. Fodda, Mmes E. Timmermans et B. Travard, en qualité d’agents,

partie intervenante au pourvoi,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. F. Biltgen (rapporteur), président de la première chambre, faisant fonction de président de la septième chambre, Mme M. L. Arastey Sahún, présidente de la cinquième chambre, et M. J. Passer, juge,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, le Kurdistan Workers’ Party (PKK) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 décembre 2022, PKK/Conseil (T‑182/21, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:807), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation :

– du règlement d’exécution (UE) 2021/138 du Conseil, du 5 février 2021, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2020/1128 (JO 2021, L 43, p. 1),

– du règlement d’exécution (UE) 2021/1188 du Conseil, du 19 juillet 2021, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2021/138 (JO 2021, L 258, p. 14), et

– du règlement d’exécution (UE) 2022/147 du Conseil, du 3 février 2022, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2021/1188 (JO 2022, L 25, p. 1),

– de la décision (PESC) 2021/142 du Conseil, du 5 février 2021, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2020/1132 (JO 2021, L 43, p. 14),

– de la décision (PESC) 2021/1192 du Conseil, du 19 juillet 2021, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2021/142 (JO 2021, L 258, p. 42), et

– de la décision (PESC) 2022/152 du Conseil, du 3 février 2022, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2021/1192 (JO 2022, L 25, p. 13),

en tant que ces règlements et ces décisions (ci-après, ensemble, les « actes litigieux ») le concernent.

Le cadre juridique

La résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies

2 Le 28 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1373 (2001), arrêtant des stratégies pour lutter par tous les moyens contre le terrorisme et, en particulier, contre son financement.

3 Le préambule de cette résolution réaffirme « la nécessité de lutter par tous les moyens, conformément à la charte des Nations unies, contre les menaces à la paix et à la sécurité internationales que font peser les actes de terrorisme ». Il souligne également l’obligation pour les États « de compléter la coopération internationale en prenant des mesures supplémentaires pour prévenir et réprimer sur leur territoire, par tous les moyens licites, le financement et la préparation de tout acte de
terrorisme ».

4 Le point 1, sous c), de ladite résolution prévoit, notamment, que tous les États doivent geler sans attendre les fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent, des entités appartenant à ces personnes ou contrôlées par elles ainsi que des personnes et des entités agissant au nom, ou sur instruction, de ces personnes et entités.

5 La même résolution ne prévoit pas de liste de noms de personnes auxquelles ces mesures restrictives doivent être appliquées.

Le droit de l’Union

La position commune 2001/931/PESC

6 Afin de mettre en œuvre la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 27 décembre 2001, la position commune 2001/931/PESC, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 93).

7 L’article 1er, paragraphes 1, 3, 4 et 6, de cette position commune est libellé comme suit :

« 1.   La présente position commune s’applique, conformément aux dispositions des articles qui suivent, aux personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme et dont la liste figure à l’annexe.

[...]

3.   Aux fins de la présente position commune, on entend par “acte de terrorisme”, l’un des actes intentionnels suivants, qui, par sa nature ou son contexte, peut gravement nuire à un pays ou à une organisation internationale, correspondant à la définition d’infraction dans le droit national, lorsqu’il est commis dans le but de :

i) gravement intimider une population, ou

ii) contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou

iii) gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation internationale :

a) les atteintes à la vie d’une personne, pouvant entraîner la mort ;

b) les atteintes graves à l’intégrité physique d’une personne ;

c) l’enlèvement ou la prise d’otage ;

d) le fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale ou publique, à un système de transport, à une infrastructure, y compris un système informatique, à une plate-forme fixe située sur le plateau continental, à un lieu public ou une propriété privée susceptible de mettre en danger des vies humaines ou de produire des pertes économiques considérables ;

e) la capture d’aéronefs, de navires ou d’autres moyens de transport collectifs ou de marchandises ;

f) la fabrication, la possession, l’acquisition, le transport, la fourniture ou l’utilisation d’armes à feu, d’explosifs, d’armes nucléaires, biologiques ou chimiques ainsi que, pour les armes biologiques ou chimiques, la recherche et le développement ;

g) la libération de substances dangereuses, ou la provocation d’incendies, d’inondations ou d’explosions, ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ;

h) la perturbation ou l’interruption de l’approvisionnement en eau, en électricité ou toute autre ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ;

i) la menace de réaliser un des comportements énumérés aux points a) à h) ;

j) la direction d’un groupe terroriste ;

k) la participation aux activités d’un groupe terroriste, y compris en lui fournissant des informations ou des moyens matériels, ou toute forme de financement de ses activités, en ayant connaissance que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe.

Aux fins du présent paragraphe, on entend par “groupe terroriste”, l’association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des actes terroristes. Les termes “association structurée” désignent une association qui ne s’est pas constituée par hasard pour commettre immédiatement un acte terroriste et qui n’a pas nécessairement de rôles formellement définis pour ses membres, de continuité dans sa composition ou de structure
élaborée.

4.   La liste à l’annexe est établie sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes, groupes et entités visés, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation d’un tel acte, basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ou qu’il s’agisse d’une condamnation pour de tels
faits. Les personnes, groupes et entités identifiés par le Conseil de sécurité des Nations unies comme liés au terrorisme et à l’encontre desquels il a ordonné des sanctions peuvent être inclus dans la liste.

Aux fins du présent paragraphe, on entend par “autorité compétente”, une autorité judiciaire, ou, si les autorités judiciaires n’ont aucune compétence dans le domaine couvert par le présent paragraphe, une autorité compétente équivalente dans ce domaine.

[...]

6.   Les noms des personnes et entités reprises sur la liste figurant à l’annexe feront l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, afin de s’assurer que leur maintien sur la liste reste justifié. »

8 Selon l’article 2 de ladite position commune :

« La Communauté européenne, agissant dans les limites des pouvoirs que lui confère le traité instituant la Communauté européenne, ordonne le gel des fonds et des autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes, groupes et entités dont la liste figure à l’annexe. »

Le règlement (CE) no 2580/2001

9 Considérant qu’un règlement était nécessaire afin de mettre en œuvre, au niveau de l’Union européenne, les mesures décrites dans la position commune 2001/931, le Conseil a adopté le règlement (CE) no 2580/2001, du 27 décembre 2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 70, et rectificatif JO 2010, L 52, p. 58).

10 L’article 2 de ce règlement prévoit :

« 1.   À l’exception des dérogations autorisées dans le cadre des articles 5 et 6 :

a) tous les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques appartenant à, en possession de ou détenus par une personne physique ou morale, un groupe ou une entité inclus dans la liste visée au paragraphe 3, sont gelés ;

b) les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques ne doivent pas être mis, directement ou indirectement, à la disposition ni utilisés au bénéfice des personnes physiques ou morales, des groupes ou des entités inclus dans la liste visée au paragraphe 3.

2.   À l’exception des dérogations autorisées dans le cadre des articles 5 et 6, il est interdit de fournir des services financiers aux personnes physiques ou morales, groupes ou entités inclus dans la liste visée au paragraphe 3 ou au bénéfice de ces personnes, groupes ou entités.

3.   Le Conseil, statuant à l’unanimité, établit, révise et modifie la liste de personnes, de groupes et d’entités auxquels le présent règlement s’applique, conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphes 4, 5 et 6, de la position commune 2001/931/PESC. Cette liste mentionne :

i) les personnes physiques commettant ou tentant de commettre un acte de terrorisme, participant à un tel acte ou facilitant sa réalisation ;

ii) les personnes morales, groupes ou entités commettant ou tentant de commettre un acte de terrorisme, participant à un tel acte ou facilitant sa réalisation ;

iii) les personnes morales, groupes ou entités détenus ou contrôlés par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, groupes ou entités visés aux points i) et ii) ou

iv) les personnes physiques ou morales, groupes ou entités agissant pour le compte ou sous les ordres d’une ou de plusieurs personnes physiques ou morales, groupes ou entités visés aux points i) et ii). »

Les antécédents du litige

11 Les antécédents du litige sont exposés aux points 2 à 11 de l’arrêt attaqué. Pour ce qui concerne l’examen du présent pourvoi, il convient d’en retenir ce qui suit.

12 Le PKK, requérant en première instance et au pourvoi, a été créé au cours de l’année 1978 et a engagé une lutte armée contre le gouvernement turc afin de faire reconnaître le droit des Kurdes à l’autodétermination.

13 Le nom du requérant ne figurait initialement ni sur la liste contenue à l’annexe de la position commune 2001/931 ni sur la liste visée à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001.

14 Le 2 mai 2002, le Conseil a adopté la position commune 2002/340/PESC, portant mise à jour de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO 2002, L 116, p. 75). L’annexe de la position commune 2002/340 a mis à jour la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les mesures restrictives prévues par la position commune 2001/931 et y a inséré notamment le nom du requérant, identifié comme étant le « Parti
des travailleurs du Kurdistan (PKK) ». Ce 2 mai 2002, le Conseil a adopté la décision 2002/334/CE, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et abrogeant la décision 2001/927/CE (JO 2002, L 116, p. 33). La décision 2002/334 a inscrit le nom du requérant sur la liste prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement
no 2580/2001, dans les mêmes termes que ceux employés dans l’annexe de la position commune 2002/340.

15 Ces actes ont, depuis, été mis à jour régulièrement, en application de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 et de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001. Le nom du requérant a toujours été maintenu sur les listes des groupes et entités auxquels s’appliquent les mesures restrictives (ci-après les « listes litigieuses »), et ce en dépit de la contestation devant le Tribunal ou de l’annulation par ce dernier de plusieurs des décisions et règlements auxquels
étaient annexées ces listes. Depuis le 2 avril 2004, le nom de l’entité inscrite sur les listes litigieuses est le « Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) (également connu sous les noms de “KADEK” et “KONGRA-GEL”) ».

16 Dans les exposés des motifs de la décision 2021/142 et du règlement d’exécution 2021/138 (ci-après les « premiers actes litigieux »), le Conseil a relevé que le maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses était fondé, premièrement, sur trois décisions des autorités du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, dont la première avait été adoptée le 29 mars 2001 par le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni (ci-après la « décision de 2001 du Royaume-Uni ») sur
le fondement de l’UK Terrorism Act 2000 (loi du Royaume-Uni de 2000 contre le terrorisme), telle que complétée par une ordonnance du 14 juillet 2006, considérant que « KADEK » et « KONGRA-GEL » constituaient d’autres appellations du PKK. La deuxième était une décision de ce ministre de l’Intérieur du 3 décembre 2014 maintenant l’interdiction du PKK et la troisième une ordonnance dudit ministre de l’Intérieur prise au cours de l’année 2020, considérant que le « TAK » devait être interdit non pas
séparément mais comme étant inclus dans l’interdiction du PKK.

17 Deuxièmement, le maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses était également fondé sur une décision des autorités françaises, en l’occurrence un jugement du 2 novembre 2011 du tribunal de grande instance de Paris (France) condamnant le centre culturel kurde Ahmet Kaya pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme et financement d’entreprise terroriste, confirmé en appel par un arrêt du 23 avril 2013 de la cour
d’appel de Paris (France) et, sur pourvoi, par un arrêt du 21 mai 2014 de la cour de cassation (France).

18 Troisièmement, le maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses était fondé sur deux décisions du gouvernement des États-Unis d’Amérique, à savoir, d’une part, une décision du 8 octobre 1997 qualifiant le PKK d’« organisation terroriste étrangère », en application de la section 219 de l’US Immigration and Nationality Act (loi des États-Unis relative à l’immigration et à la nationalité), confirmée le 5 février 2019, et, d’autre part, une décision du 31 octobre 2001
qualifiant le PKK de « terroriste mondial expressément désigné », en application de l’Executive Order no 13224 (décret présidentiel no 13224) (ci-après, ensemble, les « décisions des autorités des États‑Unis »).

19 Les exposés des motifs de la décision 2021/1192 et du règlement d’exécution 2021/1188 indiquaient, en plus des motifs figurant déjà dans les exposés des motifs des premiers actes litigieux, que le Conseil avait examiné plus avant l’incident survenu le 24 août 2014, qui avait déjà fondé la décision du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni du 3 décembre 2014 et qui avait consisté en l’attaque d’une centrale électrique et en l’enlèvement de trois ingénieurs chinois.

20 Par la décision 2022/152 et le règlement d’exécution 2022/147, le nom du requérant a été maintenu sur les listes litigieuses. Les exposés des motifs de ces actes faisaient état, en plus des motifs précédents, de l’attaque d’un poste militaire turc en Irak par un drone armé du PKK le 20 août 2020, que le Conseil a considérée comme étant un acte terroriste démontrant la persistance du risque d’implication terroriste du PKK.

Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

21 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 avril 2021, le PKK a introduit un recours tendant à l’annulation des premiers actes litigieux.

22 Par des mémoires en adaptation ultérieurs, le requérant a demandé l’annulation de l’ensemble des actes litigieux en tant qu’ils le concernent.

23 À l’appui de son recours en annulation, le PKK a soulevé, en substance, sept moyens. Ces moyens étaient tirés, le premier, d’une violation du principe de sécurité juridique et de l’article 1er, paragraphe 2, de la position commune 2001/931 ou de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001, le deuxième, d’une violation de l’article 1er, paragraphe 3, de cette position commune, le troisième, d’une violation de l’article 1er, paragraphe 4, de ladite position commune, le quatrième, d’une
violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la même position commune, le cinquième, d’une violation du principe de proportionnalité et de subsidiarité, le sixième, d’une violation de l’obligation de motivation et, le septième, d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective.

24 Après avoir examiné et rejeté le premier moyen, qui ne sera pas abordé dans le cadre du présent pourvoi, le Tribunal a analysé le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. Il a rappelé qu’il convenait de faire une distinction entre les actes par lesquels le nom d’une personne ou d’une entité a été inscrit initialement sur la liste de gel des fonds, lesquels sont régis par cet article 1er, paragraphe 4, et les actes de maintien de ce nom
sur cette liste, lesquels sont régis par l’article 1er, paragraphe 6, de cette position commune, de sorte que ne pourraient être prises en compte que les deux décisions ayant fondé l’inscription initiale du requérant au cours de l’année 2002, à savoir la décision de 2001 du Royaume-Uni et les décisions des autorités des États-Unis.

25 Après avoir qualifié la décision de 2001 du Royaume-Uni de décision d’une « autorité compétente » respectant les exigences relatives aux « informations précises ou [aux] éléments du dossier montrant qu’une décision a été prise par une autorité compétente », au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, et, après avoir rappelé, au point 71 de l’arrêt attaqué, le contenu des passages des exposés de motifs des actes litigieux consacrés à cette décision, le Tribunal a, dans
le cadre de cette qualification, apprécié la « distance temporelle » séparant les incidents pris en compte dans ladite décision et la date de son adoption. Il a indiqué, aux points 76 à 81 de cet arrêt, que, en dépit de la contestation sur la matérialité des menaces d’attaques contre des installations touristiques turques pendant les années 1995 à 1999, qu’il n’appartenait pas au Conseil de contrôler, la distance temporelle entre ces derniers faits, intervenus au cours de l’année 1999, et la date
d’adoption de la décision de 2001 du Royaume-Uni était d’environ deux ans et qu’une telle distance temporelle de moins de cinq ans ne pouvait être considérée comme étant excessive. Le Tribunal a dès lors écarté le troisième moyen en ce que les actes litigieux se fondent sur la décision de 2001 du Royaume-Uni. En revanche, il a accueilli ce moyen en ce que ces actes se fondent sur les décisions des autorités des États-Unis. En effet, selon le Tribunal, outre le fait que la décision du 31 octobre
2001 n’a pas été publiée, sans qu’il soit établi que ses motifs aient été communiqués à l’intéressé, la décision du 8 octobre 1997 n’a été publiée au Registre fédéral des États-Unis qu’en son dispositif, de sorte que la seule mention, dans l’exposé des motifs des actes litigieux, de cette publication était insuffisante pour qu’il puisse être constaté que le Conseil a procédé à la vérification requise en ce qui concerne le respect, aux États-Unis d’Amérique, du principe des droits de la défense.

26 Dans le cadre de l’examen du deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, le Tribunal a, tout d’abord, aux points 109 à 111 de l’arrêt attaqué, admis l’existence du principe coutumier d’autodétermination. Toutefois, et sans prendre position sur son application dans le cas d’espèce ni non plus sur la légalité d’un recours à la force armée pour parvenir à l’autodétermination, il a jugé que ce principe n’implique pas le recours à des moyens
tombant sous le coup de cet article 1er, paragraphe 3, étant donné qu’une exception à la prohibition des actes de terrorisme ne repose sur aucun fondement en droit de l’Union ou en droit international.

27 Aux points 115 à 117 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté l’argumentation du requérant relative à la prise en compte du caractère légitime du conflit armé pour l’autodétermination du peuple kurde aux fins de l’interprétation des buts visés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931, en relevant ce qui suit :

« 115 [...] [U]ne distinction doit être établie entre, d’une part, les objectifs que souhaitent atteindre un peuple ou les habitants d’un territoire et, d’autre part, les comportements qu’ils adoptent aux fins d’y parvenir. En effet, les “buts” mentionnés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous i) à iii), de la position commune 2001/931 ne correspondent pas à de tels objectifs, qui peuvent être qualifiés d’ultimes ou de sous-jacents. Ils visent, ainsi qu’il ressort des termes employés
(intimidation, contrainte, déstabilisation ou destruction), la nature même des actes accomplis, ce qui conduit à considérer que l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931 fait uniquement référence à des “actes”, et non à des “buts” [...]

116 Ainsi, notamment, contrairement à ce que soutient le requérant, le but poursuivi par les atteintes portées aux structures fondamentales de l’État turc [article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous iii), de la position commune 2001/931], qui consisterait à modifier ces structures pour les rendre plus démocratiques, si tant est qu’il soit avéré, n’a pas à être pris en compte. De même, le terme “indûment” [article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous ii), de la position commune 2001/931]
doit être compris comme visant le caractère illégal de la contrainte exercée, notamment par les moyens de contrainte utilisés, et ne doit pas être évalué à la lumière du caractère prétendument légitime du but poursuivi par l’exercice de cette contrainte. Enfin, quant à l’intimidation de la population [article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous i), de la position commune 2001/931], pour laquelle le requérant fait valoir que le conflit armé qu’il mène pour l’autodétermination du peuple
kurde conduit à ce que soit uniquement visées des cibles militaires, il y a lieu de constater que cet argument manque en fait, dès lors que plusieurs des actes mentionnés dans les exposés des motifs, en particulier les attaques dirigées contre des installations touristiques, ont visé principalement, et non uniquement de manière collatérale, des populations civiles [...]

117 Il importe enfin de souligner qu’il ne saurait être déduit de ce qui précède que l’outil de prévention du terrorisme qu’est la position commune 2001/931 et plus généralement l’ensemble du système des mesures restrictives de l’Union formeraient un obstacle à l’exercice du droit à l’autodétermination de populations au sein d’États oppressifs. En effet, la position commune 2001/931 et sa mise en œuvre par le Conseil ne visent pas à déterminer qui, dans un conflit opposant un État à un groupe, a
raison ou a tort, mais à lutter contre le terrorisme [...]. Dans une telle hypothèse, il appartient au Conseil, en faisant usage du large pouvoir d’appréciation reconnu aux institutions de l’Union en matière de gestion des relations extérieures de l’Union [...], de décider à l’égard de qui, personnes physiques et morales liées à l’État concerné ou au peuple souhaitant exercer son droit à l’autodétermination, il y a lieu d’adopter des mesures restrictives. »

28 Le Tribunal a écarté, au point 119 de l’arrêt attaqué, les arguments visant à contester les buts terroristes de certains des actes au motif qu’ils auraient été commis en représailles contre l’armée turque.

29 Ensuite, pour établir la correspondance entre certains des actes imputés au PKK et les critères fixés à l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 pour définir la notion d’« acte de terrorisme », le Tribunal a souligné, aux points 122 à 125 de l’arrêt attaqué, que chacun des types d’actes mentionnés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous a) à k), de cette position commune est susceptible de revêtir un caractère terroriste, de sorte qu’il est indifférent que certains
actes n’aient pas causé de décès, au sens du point a), n’aient pas impliqué l’usage d’armes à feu, au sens du point f), n’aient pas causé de destructions massives, au sens du point d), ou n’aient pas donné lieu à des enlèvements, au sens du point c), dès lors que, d’une part, il n’est pas contesté que ces actes poursuivaient d’autres buts terroristes parmi ceux mentionnés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous a) à k), de ladite position commune et que, d’autre part, d’autres actes,
parmi ceux retenus, avaient eu l’un ou l’autre de ces objets.

30 Enfin, quant aux actes sur lesquels s’est fondée la décision de 2001 du Royaume-Uni, le Tribunal a considéré, au point 127 de l’arrêt attaqué, que, même si l’attaque d’une raffinerie commise en 1993/1994 n’avait pas mis en danger des vies humaines, le requérant n’avait pas contesté les destructions massives occasionnées et les pertes économiques considérables avec la mise en danger des vies humaines qui en résultaient. Le Tribunal a, ensuite, au point 128 de cet arrêt, écarté les arguments du
requérant relatifs aux divergences existant entre la définition de l’acte de terrorisme dans la législation du Royaume-Uni et celle énoncée dans la position commune 2001/931, la circonstance selon laquelle le critère de gravité se rattache aux moyens dans la législation nationale et aux buts dans cette position commune étant dépourvue de conséquences. Quant aux actes retenus par les autorités du Royaume‑Uni pour fonder la décision du ministre de l’Intérieur du 3 décembre 2014, le Tribunal a
retenu, au point 129 dudit arrêt, à propos de l’attaque de la centrale électrique survenue le 24 août 2014, que le terme « perturbation » dans le but terroriste, visé à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous h), de cette position commune, décrit comme étant « la perturbation ou l’interruption de l’approvisionnement en eau, électricité ou toute autre ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines », permet de considérer que peuvent également être
concernées des installations non encore en fonction. Par conséquent, le Tribunal a rejeté le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 3, de ladite position commune.

31 Dans le cadre de l’examen du quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, le Tribunal, après avoir rappelé la jurisprudence applicable, a, aux points 141 à 157 de l’arrêt attaqué, analysé les actes litigieux pour constater que les incidents les plus récents pris en compte dataient des années 2014, 2017 et 2020. Il a relevé que la qualification de ces incidents comme étant des actes de terrorisme n’était au surplus pas valablement
contestée, de sorte que le Conseil avait correctement actualisé son appréciation du risque d’implication terroriste du PKK et qu’il n’était pas tenu, compte tenu de la « distance temporelle » de moins de cinq ans séparant les faits des actes litigieux, de poursuivre son actualisation au-delà de la prise en compte desdits faits. Le Tribunal a également constaté, aux points 158 à 162 de l’arrêt attaqué, que les prétendus changements de circonstances, invoqués par le requérant, tel le processus de
paix et son échec, le rôle du PKK dans la lutte contre Daech, la transformation de l’État turc en un État totalitaire ne cessant d’opprimer le peuple kurde et le retrait du Royaume-Uni de l’Union ne traduisaient pas une évolution impliquant une pacification du PKK. Le Tribunal a par conséquent rejeté ce moyen.

32 Dans le cadre de l’examen du cinquième moyen, le Tribunal a jugé, aux points 170 à 172 de l’arrêt attaqué, qu’il n’y avait pas eu violation du principe de proportionnalité étant donné que le Conseil avait, dans les actes litigieux, correctement procédé au réexamen de la persistance du risque d’implication terroriste du requérant, eu égard notamment aux changements de circonstances allégués par ce dernier. Il a précisé que cette conclusion n’était pas remise en cause par la prétendue inefficacité
des mesures ou leur caractère prétendument inapproprié. De même, les prétendus effets produits sur les Kurdes ou toute autre personne souhaitant apporter son soutien aux Kurdes seraient dépourvus de pertinence.

33 S’agissant du sixième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, le Tribunal a constaté d’office, aux points 179 et 180 de l’arrêt attaqué, une insuffisance de motivation s’agissant des premiers actes litigieux, en ce que ceux-ci mentionnaient l’incident du 24 août 2014, au cours duquel une centrale électrique avait été attaquée et trois ingénieurs chinois enlevés.

34 Pour le surplus, le Tribunal a rejeté ce sixième moyen. Il a rappelé, aux points 175 à 178 de cet arrêt, la jurisprudence énoncée dans l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 47), selon laquelle, pour satisfaire à l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE, il incombe au Conseil de fournir des motifs suffisamment précis et concrets pour permettre au requérant concerné de connaître les motifs venant au soutien du maintien de l’inscription de son nom sur
les listes de gel de fonds et au Tribunal d’exercer son contrôle. Aux points 181 à 195 de l’arrêt attaqué, il a pris position par rapport aux différents griefs soulevés par le requérant à cet égard, en soulignant, notamment, au point 182 de cet arrêt, que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte en cause, de sorte que les griefs et arguments visant à
contester le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation.

35 Enfin, le Tribunal a, au point 213 de l’arrêt attaqué, accueilli le septième moyen en tant que le Conseil s’était abstenu de communiquer au requérant les informations utiles relatives à sa vérification du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective par les autorités des États-Unis.

36 Par conséquent, par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité. Il a précisé, au point 214 de cet arrêt, que le caractère partiellement fondé des moyens tirés de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, de la violation de l’obligation de motivation ainsi que de la violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective ne pouvait conduire à l’annulation des actes litigieux, puisque les illégalités
constatées, qu’elles concernent les décisions des autorités des États‑Unis ou l’incident du 24 août 2014 imputé au PKK, ne permettaient pas de remettre en cause l’appréciation du Conseil retenue dans les actes litigieux, relative à la persistance d’un risque d’implication terroriste du PKK, laquelle demeurait valablement fondée sur le maintien en vigueur de la décision de 2001 du Royaume-Uni ainsi que, selon le cas, sur d’autres incidents survenus au cours des années 2014, 2017 et 2020.

La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

37 Par décision du président de la Cour du 5 juin 2023, la République française a été admise à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

38 Le PKK demande à la Cour :

– de joindre le présent pourvoi au pourvoi déposé sous le numéro C‑44/23 P ;

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– de statuer définitivement sur les questions faisant l’objet du présent pourvoi et d’annuler les actes litigieux en tant que ces actes concernent le PKK (également connu sous les noms de « KADEK » et « KONGRA-GEL ») ;

– de condamner le Conseil aux dépens afférents à la procédure de pourvoi ainsi qu’à la procédure de première instance, majorés des intérêts.

39 Le Conseil demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi ;

– à titre subsidiaire, si la Cour décide d’annuler l’arrêt attaqué et de rendre elle-même une décision définitive, de rejeter le recours tendant à l’annulation des actes litigieux dans l’arrêt attaqué ;

– de condamner le PKK aux dépens afférents à la procédure de pourvoi ainsi qu’à la procédure de première instance.

40 La République française demande à la Cour de rejeter le pourvoi.

Sur le pourvoi

41 Le requérant soulève cinq moyens à l’appui de son pourvoi, tirés, le premier, d’une erreur de droit en ce qui concerne l’interprétation effectuée par le Tribunal de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931, en particulier quant à l’interprétation donnée au terme « buts » qui y figure et à son application en l’espèce, le deuxième, d’une erreur de droit commise par le Tribunal en ce que celui-ci a considéré que le Conseil pouvait se fonder sur la décision de 2001
du Royaume-Uni au mépris des conditions de l’article 1er, paragraphes 3 et 4, de cette position commune, le troisième, d’une erreur commise par le Tribunal dans l’appréciation du réexamen effectué par le Conseil conformément à l’article 1er, paragraphe 6, de ladite position commune, le quatrième, d’une erreur commise par le Tribunal dans l’interprétation du principe de proportionnalité et, le cinquième, d’une erreur commise par le Tribunal dans l’appréciation du caractère adéquat de la motivation
fournie par le Conseil dans l’exposé des motifs des actes litigieux.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

42 Par son premier moyen, le requérant fait valoir que, aux points 103 à 130 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est livré à une interprétation erronée de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931 et a procédé à une application également erronée de cette disposition au cas d’espèce, en jugeant que les « buts » énoncés aux points i) à iii) de ladite disposition visent la nature même des actes accomplis.

43 Le requérant estime que l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931 établit une distinction entre les actes dont le degré de gravité permet de les qualifier d’actes de terrorisme, tels qu’énumérés à ses points a) à k), et les buts dans lesquels ces actes doivent être commis, tels qu’énoncés à ses points i) à iii). Ces conditions étant cumulatives, il appartiendrait au Conseil d’établir, d’une part, qu’une organisation a commis un ou plusieurs des actes énumérés
auxdits points a) à k) et, d’autre part, que ce ou ces actes ont été commis dans un but terroriste, afin de pouvoir conclure à l’existence d’un acte de terrorisme, au sens de cette position commune. Or, en ayant indiqué, au point 115 de l’arrêt attaqué, que les « buts » énoncés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous i) à iii), de ladite position commune visent « la nature même des actes accomplis », le Tribunal aurait commis une erreur de droit dans l’interprétation de cette double
condition, en supprimant, de facto, la condition autonome relative au but terroriste.

44 Certes, après avoir établi, au point 115 de l’arrêt attaqué, une distinction entre les objectifs que souhaitent atteindre un peuple ou les habitants d’un territoire et les comportements adoptés afin d’y parvenir, le Tribunal aurait considéré, à juste titre, que les « buts » énoncés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931 ne correspondent pas aux objectifs qui peuvent être qualifiés d’ultimes ou de sous-jacents. Toutefois, il ne saurait en être déduit que
l’objectif ultime est dépourvu d’intérêt pour l’interprétation du but immédiat d’un acte. Partant, ce serait à tort que le Tribunal a jugé, au point 116 de cet arrêt, qu’il n’y avait pas lieu d’en tenir compte.

45 En outre, le requérant, qui se réfère à ce point 116, considère que le terme « indûment » figurant à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous ii), de la position commune 2001/931 ne vise pas uniquement le caractère illégal de la contrainte exercée, faute de quoi ce terme serait superflu puisque, pour relever de cet article 1er, paragraphe 3, l’acte doit être illégal. Par conséquent, il conviendrait de comprendre ledit terme en ce sens qu’il vise à rendre plus difficile la qualification
d’un acte comme étant un acte de terrorisme.

46 Ce serait également à tort que le Tribunal a estimé, au point 115 de l’arrêt attaqué, que les « termes employés (intimidation, contrainte, déstabilisation ou destruction) » visent « la nature même des actes accomplis », dès lors que l’on ne saurait établir si un acte est déstabilisateur ou destructeur de structures fondamentales d’un État sans tenir compte des objectifs poursuivis par l’organisation concernée à l’égard de ces structures fondamentales. Ainsi, si le but recherché est de rendre
lesdites structures fondamentales plus respectueuses des principes de droit international et des droits de l’homme, cet acte ne pourrait être regardé comme visant à les déstabiliser ou à les détruire. Étant donné que la Cour aurait déjà constaté que le principe coutumier d’autodétermination est « un droit opposable erga omnes ainsi qu’un des principes essentiels du droit international » (arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C‑104/16 P, EU:C:2016:973, point 88), le Conseil serait
tenu d’en tenir compte lorsqu’il décide d’inscrire une organisation sur une liste de sanctions. Ce serait donc également à tort que le Tribunal a jugé, au point 117 de l’arrêt attaqué, que l’application des dispositions de la position commune 2001/931 ne fait pas obstacle au principe coutumier d’autodétermination.

47 Selon le requérant, si le raisonnement du Tribunal devait être suivi, les actes de tout peuple qui, pour réaliser son droit à l’autodétermination, n’a d’autre choix que de recourir à la force armée, répondraient à la définition de l’acte de terrorisme. Cela reviendrait à désavouer l’idée d’un droit international humanitaire dans son ensemble, selon lequel de nombreux actes militaires commis dans un conflit de cet ordre seraient légitimes. Au lieu de se référer, comme il l’a fait au point 117 de
l’arrêt attaqué, au large pouvoir d’appréciation reconnu au Conseil, le Tribunal aurait dû tenir compte du principe d’autodétermination dans le cadre de l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

48 Enfin, en renvoyant aux développements avancés en première instance, le requérant reproche au Tribunal d’avoir refusé de se prononcer, au point 110 de l’arrêt attaqué, sur l’application dans le cas d’espèce du principe d’autodétermination et sur la question de la légalité du recours à la force armée pour parvenir à l’autodétermination.

49 Le Conseil, soutenu par la République française, conclut au rejet du premier moyen.

Appréciation de la Cour

50 Le premier moyen vise l’interprétation faite par le Tribunal, aux points 103 à 130 de l’arrêt attaqué, de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931, interprétation selon laquelle les « buts » mentionnés à cette disposition viseraient la « nature même des actes accomplis » et ne pourraient prendre en considération l’existence éventuelle d’un conflit armé ayant en vue l’autodétermination d’un peuple.

51 À cet égard, aux fins de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il ressort d’une jurisprudence constante qu’il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [arrêt du 2 décembre 2021, Commission et GMB Glasmanufaktur Brandenburg/Xinyi PV Products (Anhui) Holdings, C‑884/19 P et C‑888/19 P, EU:C:2021:973, point 70].

52 S’agissant des termes de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931, il convient de relever que la définition d’un acte comme étant un « acte de terrorisme » repose sur deux conditions cumulatives, à savoir, d’une part, que cet acte figure au nombre de ceux énumérés à ses points a) à k) et, d’autre part, que le but dans lequel celui-ci est commis relève de l’un des buts visés à ses points i) à iii).

53 C’est donc à bon droit que, comme l’a d’ailleurs admis le requérant, le Tribunal a considéré, au point 128 de l’arrêt attaqué, que cette position commune définit les actes de terrorisme à la fois par les buts poursuivis et par les moyens employés à ces fins.

54 En revanche, contrairement à ce qu’avance le requérant, les termes de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de ladite position commune ne permettent aucunement de considérer qu’un objectif politique poursuivi par l’acte en cause ou la nature des revendications de son auteur seraient susceptibles d’avoir une quelconque pertinence aux fins de la définition de la notion d’« acte de terrorisme ».

55 Cette lecture de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 se trouve confirmée par le contexte de cette disposition ainsi que par les objectifs poursuivis par le Conseil lors de l’adoption de cette position commune.

56 En effet, ainsi qu’il ressort des considérants 5 à 7 de la position commune 2001/931 et des considérants 3, 5 et 6 du règlement no 2580/2001, le Conseil a adopté cette position commune, puis, conformément à celle-ci, ce règlement afin, notamment, de mettre en œuvre, au niveau de l’Union, la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies, laquelle « réaffirm[ait] la nécessité de lutter par tous les moyens, conformément à la charte des Nations unies, contre les menaces à la paix et
à la sécurité internationales que font peser les actes de terrorisme » et demandait aux États membres de « compléter la coopération internationale en prenant des mesures supplémentaires pour prévenir et réprimer sur leur territoire, par tous les moyens licites, le financement et la préparation de tout acte de terrorisme ».

57 À cet égard, il convient aussi de rappeler que la position commune 2001/931 poursuit essentiellement cet objectif préventif de lutte contre le terrorisme international, en coupant celui-ci de ses ressources financières par le gel des fonds et des ressources économiques des personnes ou des entités soupçonnées d’être impliquées dans des activités qui y sont liées (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 67).

58 Ainsi, les actes intentionnels énumérés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous a) à k), de la position commune 2001/931 sont considérés comme étant des actes de terrorisme s’ils sont commis dans le but de gravement intimider une population, de contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou de gravement déstabiliser ou de détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles,
économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation internationale, sans qu’il y ait lieu de prendre en compte l’objectif, politique ou autre, de l’auteur de l’acte terroriste en cause.

59 À cet égard, il importe de souligner que la position commune 2001/931 et le règlement no 2580/2001 ont pour objectif non pas de sanctionner les actes de terrorisme, mais de lutter contre le terrorisme en prévenant le financement des actes de terrorisme (arrêt du 14 mars 2017, A e.a., C‑158/14, EU:C:2017:202, point 96).

60 En revanche, aucun des considérants ou objectifs visés ne saurait être compris en ce sens que les actes qui poursuivent un objectif prétendument légitime devraient être exclus du champ d’application de la position commune 2001/931, de sorte que l’argumentation du requérant selon laquelle il convient de prendre en compte l’existence éventuelle d’un objectif d’autodétermination en vue de déterminer si un acte a été commis dans un but terroriste doit être rejetée.

61 Le Tribunal, aux points 106 et 107 de l’arrêt attaqué, a pris position sur cet argument en rappelant, ce que le requérant ne conteste d’ailleurs pas, que l’existence d’un conflit armé au sens du droit humanitaire international n’exclut pas l’application des dispositions du droit de l’Union concernant la prévention du terrorisme, telles que la position commune 2001/931, aux éventuels actes de terrorisme commis dans ce cadre (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2017, A e.a., C‑158/14, EU:C:2017:202,
points 97 et 98), et en précisant que cette position commune n’opère aucune distinction en ce qui concerne son champ d’application selon que l’acte en cause est ou non commis dans le cadre d’un conflit armé au sens du droit humanitaire international.

62 Si le Tribunal, au point 109 de l’arrêt attaqué, a relevé que le principe coutumier d’autodétermination, rappelé, notamment, à l’article 1er de la charte des Nations unies, est un principe de droit international applicable à tous les territoires non autonomes et à tous les peuples n’ayant pas encore accédé à l’indépendance (arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C‑104/16 P, EU:C:2016:973, point 88), ce principe n’implique toutefois pas que, pour exercer le droit à
l’autodétermination, un peuple ou les habitants d’un territoire puissent recourir à des moyens relevant de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

63 En effet, la Cour a déjà jugé que le droit international humanitaire et la position commune 2001/931 poursuivent des buts différents et instituent des mécanismes distincts, de sorte que l’application de cette position commune ne dépend pas des qualifications découlant du droit international humanitaire. La Cour en a déduit que ladite position commune et le règlement no 2580/2001 doivent être interprétés en ce sens que des activités de forces armées en période de conflit armé, au sens du droit
international humanitaire, peuvent constituer des « actes de terrorisme », au sens de ces actes de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2017, A e.a., C‑158/14, EU:C:2017:202, points 89, 91 et 97).

64 C’est dans ce contexte que le Tribunal a relevé, au point 115 de l’arrêt attaqué, qu’une distinction doit être établie entre, d’une part, les objectifs que souhaitent atteindre un peuple ou les habitants d’un territoire et, d’autre part, les comportements qu’ils mettent en œuvre afin d’y parvenir, de sorte que les « buts » mentionnés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous i) à iii), de la position commune 2001/931 ne correspondent pas à de tels objectifs, qui peuvent être qualifiés
d’ultimes ou de sous-jacents.

65 Alors même que le requérant admet que le Tribunal a correctement constaté qu’il existe une différence entre l’objectif ultime ou sous-jacent pour lequel l’entité s’engage dans un conflit armé et le but dans lequel les actions spécifiques sont accomplies dans le cadre de ce conflit, il n’avance aucun argument juridique valable permettant de conclure que l’objectif ultime ou sous-jacent présente une pertinence aux fins de l’appréciation du but de ces actions spécifiques.

66 Il s’ensuit que des actes commis dans l’un des trois buts mentionnés aux points i) à iii) de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931 peuvent être qualifiés d’actes de terrorisme, même si leur objectif ultime ou sous-jacent consiste, par exemple, à rendre plus démocratiques les structures fondamentales d’un État. C’est donc à bon droit que, au point 116 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, si les actes sont commis dans l’un de ces trois buts, il n’y a
pas lieu de rechercher quels sont les objectifs visés par l’organisation concernée, sauf à vouloir supprimer l’une des deux conditions cumulatives requises pour qu’un acte puisse être qualifié d’acte de terrorisme. Lesdits buts, qui consistent à caractériser les actes énumérés aux points a) à k) de cet article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, et qui sont donc de nature purement fonctionnelle, n’ont aucun rapport avec un objectif politique ou des revendications que se seraient fixés les auteurs
d’un acte, de sorte que l’objectif ultime ou sous-jacent de cet acte est dépourvu de toute incidence quant à la qualification de celui-ci comme étant un « acte de terrorisme ».

67 Au vu de ce qui précède, il convient également de rejeter l’argument du requérant dirigé contre le point 110 de l’arrêt attaqué non seulement parce que cet argument se borne à contester en des termes généraux l’affirmation du Tribunal qui y figure, mais également parce qu’il procède d’une lecture erronée de ce point. En effet, audit point, le Tribunal a estimé qu’il n’était pas nécessaire de prendre position sur l’application dans le cas d’espèce du principe d’autodétermination pour répondre à
l’argumentation portant sur l’interprétation des buts visés à l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 et n’a pas, contrairement à ce qu’avance le requérant, refusé de se prononcer sur l’applicabilité de ce principe.

68 Admettre le raisonnement du requérant, selon lequel une organisation ou une entité serait en droit de commettre l’un des actes énumérés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous a) à k), de la position commune 2001/931, pour autant que ces actes sont accomplis dans un objectif général d’autodétermination, aboutirait d’ailleurs à un résultat en opposition avec les termes et le contexte de cette disposition ainsi qu’avec les objectifs de la réglementation dont celle-ci fait partie, et
serait contraire à la jurisprudence citée aux points 61 à 63 du présent arrêt.

69 Enfin, pour ces raisons, le Tribunal n’a pas non plus commis d’erreur de droit, au point 116 de l’arrêt attaqué, en jugeant que le terme « indûment », figurant à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous ii), de la position commune 2001/931, ne doit pas être évalué à la lumière du caractère prétendument légitime du but poursuivi par l’exercice de la contrainte en cause.

70 Il résulte des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être écarté.

Sur le deuxième moyen

Argumentation des parties

71 Par son deuxième moyen, le requérant fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a considéré que le Conseil pouvait se fonder sur la décision de 2001 du Royaume-Uni en tant que « décision », au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, puisque les faits indiqués dans les motifs de cette décision étaient temporellement dépassés et ne pouvaient donc justifier de considérer que le requérant avait commis des actes de terrorisme permettant de le qualifier de « groupe
terroriste ».

72 Le requérant estime que le Tribunal a commis une erreur en évoquant, au point 126 de l’arrêt attaqué, les faits ayant fondé la décision de 2001 du Royaume-Uni, à savoir l’enlèvement de touristes occidentaux au début des années 1990, l’attaque d’une raffinerie au cours de la période 1993/1994, une campagne d’attentats contre des installations touristiques les mêmes années et des menaces d’attaques d’installations touristiques au cours des années 1995 à 1999, en analysant ces faits et en concluant
que le Conseil pouvait les qualifier d’actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931. En effet, dès lors que, aux points 76 à 81 de cet arrêt, le Tribunal n’aurait pris en compte que les faits survenus entre l’année 1995 et l’année 1999, il conviendrait d’en déduire que les autres faits, plus anciens, ne seraient pas pertinents. Par conséquent, ces derniers faits n’auraient pu étayer la conclusion selon laquelle le requérant devait
être considéré comme étant un groupe terroriste au sens de l’article 1er, paragraphe 3, second alinéa, de cette position commune, ce d’autant plus que le Tribunal serait parvenu, au point 71 dudit arrêt, à la conclusion que le PKK « semblait avoir abandonné [sa] campagne [terroriste] ».

73 En tout état de cause, ce serait à tort que le Tribunal a considéré, aux points 78 à 81 de l’arrêt attaqué, que les menaces d’attaques contre des installations touristiques entre l’année 1995 et l’année 1999 pouvaient être prises en compte eu égard à leur distance temporelle. Même en admettant que le Conseil n’a pas à contrôler si les faits constatés dans les décisions nationales de condamnation ont effectivement eu lieu, il lui incomberait de vérifier que l’autorité nationale compétente a estimé
qu’ils sont bien intervenus, en justifiant son constat de manière claire et cohérente dans l’exposé des motifs.

74 Par conséquent, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en considérant, au point 95 de l’arrêt attaqué, qu’il convenait d’écarter le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, en ce que les actes litigieux ont été pris sur le fondement de la décision de 2001 du Royaume-Uni, et, au point 130 de cet arrêt, qu’il y avait lieu d’écarter le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 3, de cette position commune.

75 En outre, ni le Conseil ni le Tribunal n’auraient pu considérer que les menaces alléguées répondaient aux critères énoncés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931. En effet, ces prétendues menaces ne pouvaient être regardées comme étant des actes de terrorisme, au sens de ladite disposition, puisque la campagne d’attentats ayant conduit au décès de personnes avait été abandonnée.

76 Selon le requérant, il y a également lieu de tenir compte des divergences existant entre la définition de l’acte de terrorisme prévue dans la législation du Royaume-Uni et celle énoncée dans la position commune 2001/931. Le Tribunal aurait ainsi commis une erreur, au point 128 de l’arrêt attaqué, en considérant comme dépourvue de conséquences la circonstance que le critère de gravité se rattache aux « moyens » dans la législation du Royaume-Uni et aux « buts » dans cette position commune, puisque
cette différence serait importante, surtout s’agissant de menaces. Ainsi, selon le requérant, l’attaque de la centrale électrique intervenue au mois d’août 2014, que le Tribunal a examinée au point 129 de cet arrêt, ne pouvait être qualifiée d’acte de terrorisme, au sens de cette position commune, qu’à la condition que la perturbation de l’approvisionnement énergétique occasionnée ait pour effet de mettre en danger des vies humaines. Or, cette centrale n’aurait pas encore été en service au moment
de l’attaque, de sorte que celle-ci n’aurait pu « gravement nuire à un pays », au sens de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de ladite position commune, le but ayant été en fait de préserver l’environnement naturel du Kurdistan.

77 Le Conseil, soutenu par la République française, conclut au rejet du deuxième moyen.

Appréciation de la Cour

78 Le deuxième moyen est relatif à la prétendue erreur commise par le Tribunal, aux points 71, 76 à 81, 95, 103 et 119 à 130 de l’arrêt attaqué, en ce qu’il a pris en considération la décision de 2001 du Royaume-Uni pour établir, d’une part, que le Conseil s’était acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 et, d’autre part, que les actes commis étaient des actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de cette
position commune.

79 Afin de statuer sur le bien-fondé de ce moyen, il importe d’emblée d’opérer une distinction entre, d’une part, la question de savoir si la décision de 2001 du Royaume-Uni peut être qualifiée de décision d’une autorité compétente, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, notamment au regard de la date de survenance des incidents sur lesquels elle est fondée et, d’autre part, la question de savoir si ces incidents peuvent être qualifiés, compte tenu notamment de leur
nature, d’actes de terrorisme, au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de cette position commune.

80 S’agissant, en premier lieu, de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, celui-ci dispose, à son premier alinéa, que la liste de gel de fonds « est établie sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes, groupes et entités visés, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la
facilitation d’un tel acte, basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ou qu’il s’agisse d’une condamnation pour de tels faits ».

81 Pour ce qui est des obligations du Conseil lors de l’inscription d’une personne ou d’une entité sur la liste, il résulte de la référence à une décision nationale ainsi que des termes « informations précises » et « preuves ou indices sérieux et crédibles », figurant à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, que cette disposition a pour objectif de protéger les personnes concernées en assurant que leur inscription dans la liste de gel de fonds n’ait lieu que sur une base
factuelle suffisamment solide, et que cette position commune vise à atteindre cet objectif en recourant à l’exigence d’une décision prise par une autorité nationale (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Al‑Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 68).

82 En effet, en l’absence de moyens de l’Union pour mener elle-même des investigations concernant l’implication d’une personne dans des actes terroristes, le recours à une telle exigence a pour fonction d’établir l’existence de preuves ou d’indices sérieux et crédibles de l’implication de cette personne dans des activités terroristes, considérés comme étant fiables par les autorités nationales et les ayant conduites à prendre, à tout le moins, des mesures d’investigation, sans exiger que la décision
nationale ait été prise sous une forme juridique particulière ou qu’elle ait été publiée ou notifiée (arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 69).

83 En l’espèce, le Tribunal a constaté, au point 71 de l’arrêt attaqué, que le Conseil s’était fondé sur l’existence de décisions qu’il a qualifiées de décisions d’une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, dont la décision de 2001 du Royaume-Uni. Le Tribunal a, tout d’abord, énuméré à cet effet les preuves et les indices sérieux et crédibles, tels qu’indiqués par le Conseil et considérés comme étant fiables par les autorités nationales et qui
comprenaient des attaques terroristes imputées au PKK depuis l’année 1984, une campagne terroriste au début des années 1990, incluant l’enlèvement de touristes occidentaux, l’attaque d’une raffinerie et des attentats contre des installations touristiques ayant conduit au décès de touristes étrangers pendant les années 1993-1994. Le Tribunal a indiqué, toujours au point 71 de cet arrêt et contrairement à ce que soutient le requérant, que le Conseil avait relevé que même si le PKK semblait avoir
abandonné cette campagne au cours des années 1995 à 1999, il avait continué de menacer d’attaquer des installations touristiques durant cette période. Le Tribunal a, ensuite, rappelé, au point 72 dudit arrêt, que, selon la jurisprudence, les « informations précises ou [...] éléments du dossier » requis par l’article 1er, paragraphe 4, de cette position commune doivent montrer qu’une décision de l’autorité nationale répondant à la définition de cette disposition a été prise à l’égard des personnes
ou des entités concernées, de manière notamment à permettre à ces dernières d’identifier cette décision, sans pour autant que ces informations ou ces éléments se rapportent au contenu de ladite décision. Le Tribunal a, enfin, au point 73 du même arrêt, conclu que le Conseil avait donné des informations suffisamment précises relatives à la décision de 2001 du Royaume-Uni, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de ladite position commune.

84 Il résulte de ce qui précède que le Tribunal a pu considérer, au point 75 de l’arrêt attaqué, que le Conseil disposait d’informations précises et d’éléments de dossier découlant d’une décision d’une autorité compétente, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. Le requérant ne contestant pas cette conclusion du Tribunal et, en tout état de cause, n’apportant aucun élément permettant de l’infirmer, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que le Conseil pouvait se
fonder sur la décision de 2001 du Royaume-Uni.

85 Pour ce qui est de l’argument tiré de ce que le Tribunal aurait, aux points 76 à 81, 127, 128 et 130 de l’arrêt attaqué, considéré à tort que des actes antérieurs à l’année 1995 pouvaient être valablement pris en compte dans le cadre de la vérification au titre de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 alors qu’ils ne pouvaient l’être dans le cadre de l’article 1er, paragraphe 4, de cette position commune, il importe d’opérer une distinction entre, d’une part, les exigences
relatives à l’inscription initiale d’une personne ou d’une entité, énoncées à l’article 1er, paragraphe 4, de ladite position commune, en ce qui concerne, notamment, les conditions de distance temporelle, et, d’autre part, les exigences relatives à la définition de la notion d’« acte de terrorisme », figurant à l’article 1er, paragraphe 3, de la même position commune.

86 En effet, l’inscription initiale d’une personne ou d’une entité, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, requiert que les actes sur lesquels une telle décision est fondée soient suffisamment récents, en particulier compte tenu de l’objectif de cette disposition qui, ainsi qu’il a été rappelé au point 81 du présent arrêt, vise à protéger les personnes ou les entités concernées.

87 En revanche, l’article 1er, paragraphe 3, de cette position commune se borne à établir la définition de la notion d’« acte de terrorisme », au sens de ladite position commune. Dans ce cadre, il est loisible au Conseil de tenir compte d’autres éléments plus anciens qui peuvent être pertinents pour apprécier l’histoire et l’ampleur des activités terroristes de la personne ou de l’entité concernée, au sens de cette disposition.

88 Il en résulte que, en l’espèce, le Tribunal a pu prendre en compte à bon droit des actes antérieurs à l’année 1995, survenus au cours des années 1990, 1993 et 1994 pour déterminer le caractère terroriste des buts poursuivis par les actes attribués au requérant, au titre de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, et que c’est également à bon droit que le Tribunal a jugé que la « distance temporelle » d’environ deux ans entre les derniers faits pris en compte, datant de
l’année 1999, et la décision de 2001 du Royaume-Uni ne pouvait être considérée comme étant excessive, permettant par conséquent de qualifier cette décision de décision d’une autorité compétente, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de cette position commune.

89 En ce qui concerne la référence, faite par le Tribunal, au point 79 de l’arrêt attaqué, à une distance temporelle de moins de cinq ans, en ce qu’il n’aurait pris en considération que les derniers faits sur lesquels était fondée la décision de 2001 du Royaume-Uni, il convient de relever que le Tribunal s’est référé à ce délai de cinq ans en citant une jurisprudence selon laquelle un délai de cinq ans n’est pas excessif. Il ne ressort cependant nullement de l’arrêt attaqué que le Tribunal aurait,
par la référence faite à ce délai de cinq ans, estimé que les autres faits indiqués dans la décision de 2001 du Royaume-Uni étaient trop anciens pour être pris en considération. L’argument du requérant procède d’une lecture erronée dudit arrêt et doit donc être écarté.

90 S’agissant, en second lieu, de l’argument selon lequel le Tribunal aurait conclu à tort que les menaces d’attaques contre des installations touristiques turques remplissaient les critères énoncés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931, celui‑ci doit également être écarté.

91 En effet, il résulte de cette disposition que celle-ci vise explicitement, à son point i), « la menace de réaliser un des comportements énumérés aux points a) à h) » tels que des atteintes à la vie d’une personne ou le fait de causer des destructions massives.

92 L’existence de menaces de réaliser un des comportements énumérés à ces points a) à h) est donc suffisante pour justifier un gel de fonds et la circonstance que le PKK aurait abandonné ses campagnes d’attaques entre l’année 1995 et l’année 1999 est sans incidence sur la qualification des menaces comme étant un acte de terrorisme.

93 Partant, le Tribunal a conclu à juste titre que le fait de ne pas avoir commis d’attaques durant une certaine période n’empêchait pas que des menaces d’attaques puissent perdurer, celles-ci constituant alors des actes de terrorisme, au sens de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931.

94 Quant à l’argument du requérant tenant aux divergences entre la définition de l’acte terroriste dans la législation du Royaume-Uni et celle figurant à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a considéré, au point 128 de l’arrêt attaqué, que la circonstance selon laquelle le critère de gravité est attaché aux « moyens » dans la législation du Royaume-Uni et aux « buts » dans cette position commune est dépourvue de
conséquences.

95 À cet égard, il découle du point 66 du présent arrêt que les buts énumérés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous i) à iii), de la position commune 2001/931 sont de nature purement fonctionnelle et permettent de caractériser les actes visés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous a) à k), de cette position commune comme étant des actes de terrorisme. Dès lors, le raisonnement du Tribunal n’est entaché d’aucune incohérence compte tenu du fait que tant le droit de l’Union
que la décision de 2001 du Royaume-Uni retiennent une définition en deux temps des actes de terrorisme, en les définissant à la fois par les buts poursuivis et par les moyens employés à ces fins.

96 Le deuxième moyen doit, par conséquent, être écarté comme étant non fondé.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

97 Par son troisième moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal a considéré à tort, aux points 141 à 163 de l’arrêt attaqué, que le réexamen effectué par le Conseil répondait aux conditions requises à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931.

98 Renvoyant à ses développements figurant dans le cadre du deuxième moyen, le requérant relève que la décision de 2001 du Royaume-Uni ne répond pas aux conditions requises à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. Le requérant estime également que le Tribunal a considéré à tort, au point 143 de l’arrêt attaqué, combiné avec le point 119 de celui-ci, que le Conseil avait pu se fonder sur l’attaque d’un site de construction d’un nouveau poste militaire avancé turc au mois de mai
2014 et qualifier cette attaque d’acte de terrorisme. En effet, un tel acte constituerait un exemple type d’acte qu’on ne saurait accuser le requérant d’avoir commis dans un but terroriste, étant donné qu’il aurait été une réponse directe à la violation, par le gouvernement turc, des négociations de paix et devrait être considéré, en droit international humanitaire, comme étant un acte militaire légitime.

99 Même si la Cour devait conclure que le Tribunal n’a pas commis d’erreur dans l’interprétation de l’article 1er, paragraphes 3 et 4, de la position commune 2001/931, s’agissant de la décision de 2001 du Royaume-Uni, le requérant fait valoir que, eu égard à la nature nettement différente de l’attaque commise au mois de mai 2014 par rapport aux incidents qui étaient avancés en lien avec cette décision, ladite attaque ne permettait pas de justifier à suffisance la persistance d’un risque d’actes
terroristes.

100 En effet, comme la situation du requérant aurait évolué de manière radicale au cours des seize années qui ont suivi l’arrestation, lors de l’année 1999, de M. Abdullah Öcalan, fondateur et leader du PKK, il ne saurait être considéré que cette attaque d’un poste militaire avancé turc en cours de construction au mépris des négociations de paix équivalait à la menace d’attaques contre des installations touristiques turques au courant des années 1990.

101 Concernant l’attaque d’une centrale énergétique le 24 août 2014, le Tribunal aurait, au point 151 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit en considérant que le Conseil l’avait valablement qualifiée d’attaque terroriste, le requérant réitérant à cet égard son opposition à la constatation factuelle, telle qu’exposée dans sa requête en annulation, dans sa réplique et au cours de l’audience, selon laquelle des ingénieurs chinois avaient été enlevés.

102 S’agissant de l’incident du 23 octobre 2017, lors duquel un véhicule militaire a fait l’objet d’une attaque, et de celui du 20 août 2020, au cours duquel un poste militaire avancé turc a été attaqué par un drone, le requérant fait valoir que c’est à tort que, dans le cadre de leur qualification d’acte de terrorisme, le Tribunal a considéré, aux points 147 et 155 de l’arrêt attaqué, comme étant sans pertinence la circonstance que ces actes s’inscrivaient dans le cadre du conflit armé opposant le
PKK à la République de Turquie, alors qu’il ressortirait clairement du premier moyen qu’une opération militaire nécessaire et proportionnée ne peut être considérée comme ayant un but terroriste.

103 En considérant, en substance, aux points 158 à 162 de l’arrêt attaqué, que la poursuite du conflit armé permettait au Conseil de retenir la persistance d’un risque d’actes terroristes, le Tribunal aurait fait abstraction du rôle joué par la République de Turquie, alors que le PKK aurait modifié son mode opératoire de manière significative.

104 Le Conseil, soutenu par la République française, considère que le troisième moyen doit être rejeté.

Appréciation de la Cour

105 Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, le Conseil peut maintenir la personne ou l’entité concernée sur une liste de gel de fonds s’il conclut à la persistance du risque de l’implication de celle-ci dans des activités terroristes ayant justifié son inscription initiale sur cette liste (arrêt du 10 septembre 2020, Hamas/Conseil, C‑386/19 P, EU:C:2020:691, point 38 et jurisprudence citée).

106 La seule question pertinente pour apprécier l’opportunité d’un tel maintien est, en principe, celle de savoir si, depuis l’inscription en cause ou depuis le réexamen précédent, la situation factuelle a changé de telle manière qu’elle ne permet plus de tirer la même conclusion relative à ce risque (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 46).

107 La persistance d’un tel risque peut être établie notamment par la référence à la décision nationale ayant justifié l’inscription initiale, lorsque cette décision a récemment fait l’objet d’un réexamen à la suite duquel il a été conclu que son maintien est justifié en raison d’incidents récents mettant en évidence que la personne ou l’organisation en cause reste impliquée dans des activités terroristes. En effet, un tel réexamen vise à assurer que la décision du Conseil soit prise sur une base
factuelle suffisante permettant à ce dernier de conclure à l’existence d’un tel risque (arrêt du 10 septembre 2020, Hamas/Conseil, C‑386/19 P, EU:C:2020:691, point 39).

108 Dans le cadre de la vérification de la persistance du risque d’implication de la personne, du groupe ou de l’entité concernés dans des activités terroristes, il convient notamment de prendre en compte, outre le sort ultérieurement réservé à la décision nationale ayant servi de fondement à l’inscription initiale de cette personne, de ce groupe ou de cette entité sur la liste de gel de fonds, des éléments factuels plus récents, démontrant que ledit risque subsiste (arrêt du 10 septembre 2020,
Hamas/Conseil, C‑122/19 P, EU:C:2020:690, point 38).

109 En l’espèce, le Tribunal ne s’est pas écarté de cette jurisprudence.

110 À cet égard, il convient, premièrement, de considérer que les arguments du requérant tendant à contester la qualification d’actes de terrorisme, au sens de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931, de l’attaque d’un chantier de construction d’un nouveau poste militaire avancé turc au mois de mai 2014, de l’attaque d’une centrale énergétique au mois d’août 2014, de l’attaque d’un véhicule militaire le 23 octobre 2017 et de l’attaque par drone le 20 août 2020
d’un poste militaire avancé turc sont inopérants dans le cadre du réexamen effectué au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 et doivent être rejetés sur la base de la jurisprudence citée au point 105 du présent arrêt. En effet, pour maintenir l’inscription d’une personne ou d’une entité sur la liste de gel de fonds, le Conseil doit établir non pas que cette personne ou cette entité a commis un acte de terrorisme, au sens de l’article 1er, paragraphe 3, premier
alinéa, de ladite position commune, mais seulement que le risque qu’elle soit impliquée dans des activités terroristes persiste.

111 Deuxièmement, doivent également être écartés les arguments du requérant tirés de ce que les actes sur lesquels le Conseil s’est fondé lors de son réexamen de la persistance du risque d’implication terroriste du PKK n’établiraient pas à suffisance l’existence de ce risque en raison de la nature sensiblement différente de ces actes et du fait que sa situation a évolué de manière radicale, puisqu’il militerait désormais en faveur de solutions pacifiques.

112 À cet égard, il convient de relever que l’argument selon lequel l’attaque d’un site de construction d’un nouveau poste militaire avancé turc, survenue au mois de mai 2014, serait justifiée est irrecevable. En effet, en se limitant à faire référence à l’existence d’un conflit armé permettant prétendument de justifier l’acte commis, qu’il estime être d’une nature sensiblement différente de celle des incidents invoqués dans la décision de 2001 du Royaume-Uni, et en faisant valoir que cet acte
serait une réponse directe à la violation des négociations de paix par le gouvernement turc, le requérant n’invoque pas une erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal, mais demande à la Cour de substituer sa propre appréciation de cet élément de preuve à celle du Tribunal.

113 Or, il ressort de l’article 256, paragraphe 1, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit et que le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour
dans le cadre d’un pourvoi (ordonnance du 27 janvier 2022, FT e.a./Commission, C‑518/21 P, EU:C:2022:70, point 12 ainsi que jurisprudence citée).

114 Pour cette raison, l’argument du requérant relatif à l’attaque d’une centrale énergétique le 24 août 2014 est également irrecevable, le requérant réitérant simplement son opposition à la constatation factuelle du Tribunal selon laquelle des ingénieurs chinois auraient été enlevés, sans mettre en cause une appréciation particulière du Tribunal.

115 Quant à l’argument du requérant selon lequel les incidents du 23 octobre 2017 et du 20 août 2020 devraient être considérés comme étant des manœuvres militaires manifestement nécessaires et proportionnées, il doit être rejeté comme étant non fondé.

116 Même si, au point 146 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a cité une attaque d’un véhicule militaire turc intervenue au mois de juin 2017, alors que le requérant invoque un incident survenu le 23 octobre 2017, il ressort des points 147 et 154 de cet arrêt que le requérant ne conteste ni la matérialité de ces opérations militaires ni le fait qu’elles lui soient imputables, puisqu’il indique qu’elles étaient manifestement nécessaires et proportionnées du fait de l’exacerbation des hostilités due à la
République de Turquie et de l’utilisation accrue de drones par cette dernière.

117 Il convient dès lors de constater que, dans le cadre du troisième moyen de son pourvoi, le requérant n’avance aucune argumentation de nature à remettre en cause l’appréciation juridique du Tribunal selon laquelle ces actes, dont la matérialité n’a pas été contestée, permettaient au Conseil de valablement actualiser son appréciation du risque d’implication terroriste du requérant.

118 Dès lors, le troisième moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

Sur le quatrième moyen

Argumentation des parties

119 Par son quatrième moyen, le requérant invoque une erreur commise par le Tribunal, aux points 103 et 164 à 173 de l’arrêt attaqué, dans l’interprétation du principe de proportionnalité.

120 En premier lieu, le requérant fait valoir que le Tribunal a méconnu, aux points 170 à 172 de l’arrêt attaqué, le principe de proportionnalité qui exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients
causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 50).

121 Les constatations du Tribunal seraient de surcroît contradictoires étant donné que, si l’objectif des mesures est, comme le déclare expressément le Tribunal, « de préserver la paix, de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité internationale », il serait clair que leur effet sur le processus de paix est une condition essentielle de leur conformité au principe de proportionnalité.

122 De plus, en retenant le caractère dénué de pertinence d’une solution pacifique et démocratique du conflit, le Tribunal se serait mis en contradiction avec le constat effectué au point 162 de l’arrêt attaqué, selon lequel le Conseil aurait considéré à juste titre qu’aucun changement de circonstances n’avait eu lieu au cours de l’année 2019. Si, dans le cadre du réexamen au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, la poursuite d’une solution pacifique était considérée
comme revêtant une pertinence, le requérant estime qu’il devrait en être de même pour l’examen de la proportionnalité, ce d’autant plus que l’objectif ultime du conflit armé est l’autodétermination d’un peuple. Même si, dans le cadre du premier moyen, il ne pourrait être souscrit à cet argument, celui-ci devrait être retenu dans le cadre de l’examen du quatrième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité.

123 Ainsi qu’il ressort du point 166 de l’arrêt attaqué, les actes litigieux poursuivraient un objectif d’intérêt général, qui est celui de concourir à la paix et à la sécurité internationales. Or, le maintien de l’inscription du PKK sur les listes litigieuses entraverait en fait le processus de paix, de sorte que les mesures restrictives prévues par ces actes devraient être jugées comme étant inappropriées au regard des objectifs poursuivis.

124 En second lieu, en se contentant d’examiner, de manière restrictive, l’objectif poursuivi par les actes litigieux, le Tribunal n’aurait pas correctement vérifié, aux points 164 à 173 de l’arrêt attaqué, si les inconvénients causés, qui comprennent également les conséquences prévisibles (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2019, Tjebbes e.a., C‑221/17, EU:C:2019:189, point 40), ne sont pas démesurés par rapport aux buts visés. En effet, il ne saurait être admis que, pour déterminer si les
inconvénients causés par un acte ne sont pas démesurés par rapport aux buts visés, seuls les objectifs propres à cet acte soient pris en compte et non les conséquences prévisibles de celui-ci.

125 Dans ce contexte, le requérant rappelle que, si le Conseil ne peut tenir compte de chaque conséquence possible d’un acte, il n’en avait pas moins connaissance, en l’espèce, ne fût-ce qu’en raison des recours en annulation introduits le 1er mai 2014 dans l’affaire PKK/Conseil (T‑316/14) et le 7 mars 2019 dans l’affaire PKK/Conseil (T‑148/19), des effets produits par les actes litigieux sur les Kurdes, de sorte que le Tribunal a commis une erreur de droit en affirmant, aux points 171 et 172 de
l’arrêt attaqué, que ces effets étaient dépourvus de pertinence.

126 Le Conseil considère que le quatrième moyen doit être rejeté.

Appréciation de la Cour

127 Tout d’abord, en tant que le requérant se borne à renvoyer à l’objectif ultime des mesures restrictives, à savoir la préservation de la paix et le renforcement de la sécurité internationale, au sens de l’article 21, paragraphe 2, sous c), TUE, et qu’il fait valoir, en reprenant des arguments invoqués en première instance, que le maintien de l’inscription du PKK sur les listes litigieuses entrave le processus de paix et a des répercussions sur les Kurdes, puisque l’objectif ultime du conflit armé
dans lequel est engagé le PKK est l’autodétermination du peuple kurde, le quatrième moyen est irrecevable. En effet, dans cette mesure, le pourvoi vise en réalité à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour dans le cadre du pourvoi.

128 Ensuite, le PKK n’étaye aucunement son grief tiré de la pertinence du principe d’autodétermination dans le cadre de l’appréciation de la proportionnalité des mesures restrictives décidées par les actes litigieux, si bien qu’il doit, lui aussi, être déclaré irrecevable.

129 Enfin, s’agissant du grief tiré de ce que le Tribunal n’a pas pris en considération l’objectif des mesures restrictives ordonnées et en a ignoré les conséquences prévisibles en omettant de déterminer si les inconvénients causés ne seraient pas disproportionnés par rapport à l’objectif poursuivi, il y a lieu de rappeler que, s’agissant du contrôle juridictionnel du respect du principe de proportionnalité, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure adoptée au regard de l’objectif que
l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, Vnesheconombank/Conseil, C‑731/18 P, EU:C:2020:500, point 84).

130 Il convient également de rappeler que les mesures restrictives comportent, par définition, des effets négatifs, en particulier pour les entités visées par celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, Vnesheconombank/Conseil, C‑731/18 P, EU:C:2020:500, point 86).

131 Or, l’importance de l’objectif poursuivi par les actes litigieux, à savoir, notamment, la lutte contre le terrorisme, qui s’inscrit dans l’objectif plus large du maintien de la paix et de la sécurité internationales, conformément aux objectifs de l’action extérieure de l’Union énoncés à l’article 21 TUE, est de nature à justifier des conséquences négatives (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, Vnesheconombank/Conseil, C‑731/18 P, EU:C:2020:500, point 87).

132 Compte tenu de la jurisprudence citée aux points 129 à 131 du présent arrêt, c’est à juste titre que le Tribunal a estimé, au point 168 de l’arrêt attaqué, que, dans la mesure où l’objectif poursuivi par le Conseil en adoptant les actes litigieux était, notamment, la lutte contre le terrorisme, ceux-ci répondaient, de manière cohérente, à cet objectif et ne pouvaient, en tout état de cause, être considérés comme étant manifestement inappropriés au regard dudit objectif.

133 Le requérant n’apportant pas d’argument juridiquement pertinent au soutien de ce grief, celui-ci doit être écarté.

134 Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

Sur le cinquième moyen

Argumentation des parties

135 Par son cinquième moyen, le requérant fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a considéré, aux points 174 à 196 de l’arrêt attaqué, que le Conseil s’était acquitté de son obligation de motivation, alors que, comme il a été indiqué dans les moyens précédents du présent pourvoi, il ne ressort pas de façon claire des exposés des motifs des actes litigieux que les événements survenus entre l’année 1995 et l’année 1999, invoqués en lien avec la décision de 2001 du Royaume‑Uni, étayeraient
effectivement cette décision.

136 Pour le requérant, c’est à tort que le Tribunal a considéré que le Conseil s’était acquitté de son obligation de motivation. En effet, ce dernier n’aurait pas tenu compte de l’objectif d’autodétermination et du contexte dans lequel s’inscrit le conflit armé. Il se serait fondé à tort sur les incidents visés par la décision de 2001 du Royaume-Uni. Il aurait, dans le cadre de son réexamen, erronément qualifié les incidents mentionnés dans les actes litigieux d’actes de terrorisme sans suffisamment
avancer les raisons justifiant que l’existence d’une opération militaire puisse établir la persistance d’un risque d’implication dans des activités terroristes. Il n’aurait pas suffisamment motivé les raisons pour lesquelles les actes litigieux devaient être considérés comme étant proportionnés, alors même qu’il avait été informé des conséquences que l’inscription du PKK sur les listes litigieuses était susceptible d’emporter sur la paix ainsi que sur la situation des Kurdes et de leurs
partisans.

137 En outre, le requérant estime que le Tribunal a commis une erreur en constatant, aux points 183 à 186 de l’arrêt attaqué, que, dès lors qu’ils visaient la question du bien-fondé de la motivation, il convenait de rejeter les arguments avancés pour prouver que le Conseil avait méconnu son obligation de motivation en ne vérifiant pas si les incidents examinés par les autorités nationales pouvaient être qualifiés d’actes de terrorisme, au sens de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la
position commune 2001/931 et en ne démontrant pas la pertinence des décisions du Royaume-Uni au regard de l’article 1er, paragraphes 4 et 6, de cette position commune. Cette vérification concernerait non pas seulement le fondement de la motivation, mais aussi l’obligation de motivation elle-même.

138 Le Conseil considère que le cinquième moyen est irrecevable et, en tout cas, non fondé.

Appréciation de la Cour

139 En ce qui concerne la recevabilité du cinquième moyen, il importe de constater que le requérant, en dirigeant ses griefs contre les points 174 à 196 de l’arrêt attaqué, n’indique clairement ni les passages qu’il considère comme étant entachés d’une erreur de droit, à l’exception des griefs dirigés contre les points 183 à 186 de cet arrêt, ni les arguments juridiques invoqués au soutien de sa position. En particulier, il ne précise pas en quoi la jurisprudence de la Cour, citée par le Tribunal,
serait incorrecte. Ainsi, les arguments du requérant visent à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, au lieu d’être dirigés contre l’arrêt attaqué pour permettre à la Cour d’effectuer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 48).

140 En effet, certains des arguments invoqués par le requérant dans le cadre de ce moyen visent en réalité à contester l’appréciation portée par le Tribunal non pas sur la motivation des actes litigieux, mais sur l’adéquation des mesures restrictives en cause à leurs objectifs. Or, ces arguments, relatifs à l’objectif d’autodétermination et au contexte dans lequel s’inscrit le conflit armé, aux incidents visés par la décision de 2001 du Royaume-Uni, à la qualification de ceux mentionnés dans les
actes litigieux comme étant des actes de terrorisme et aux raisons pour lesquelles les actes litigieux doivent être considérés comme étant proportionnés, relèvent des autres moyens du pourvoi auxquels le requérant se réfère d’ailleurs expressément et ont été rejetés. Ils sont par conséquent dénués de pertinence dans le cadre du cinquième moyen, tiré de l’insuffisance de motivation.

141 Il convient également de rappeler que la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive doit, ainsi que l’a indiqué à juste titre le Tribunal au point 175 de l’arrêt attaqué, identifier les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 47 et
jurisprudence citée).

142 Cependant, comme l’a rappelé le Tribunal au point 176 de l’arrêt attaqué, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à
recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de
comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 48 et jurisprudence citée).

143 En ce qui concerne, plus particulièrement, les actes portant maintien de l’inscription d’une personne ou d’une entité sur la liste de gel de fonds, le Conseil est tenu de vérifier si, depuis l’inscription initiale ou le précédent réexamen, la situation factuelle n’a pas changé de telle manière qu’elle ne permet plus de tirer la même conclusion concernant l’implication de cette personne ou de cette entité dans des activités terroristes (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK,
C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 49 et jurisprudence citée).

144 À cet égard, il convient de préciser que, s’agissant de tels actes, le juge de l’Union est tenu de vérifier, d’une part, le respect de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE et, partant, le caractère suffisamment précis et concret des motifs invoqués, ce que le Tribunal a d’ailleurs rappelé au point 177 de l’arrêt attaqué, ainsi que, d’autre part, le point de savoir si ces motifs sont étayés, ce qui implique que ce juge s’assure, au titre du contrôle de la légalité au fond de ces
motifs, que ces actes reposent sur une base factuelle suffisamment solide et vérifie les faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend lesdits actes (arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 52 et jurisprudence citée).

145 Cela étant, la question de la motivation, qui concerne une formalité substantielle, est distincte de celle de la preuve du comportement allégué, laquelle relève de la légalité au fond de l’acte en cause et implique de vérifier la réalité des faits mentionnés dans cet acte ainsi que la qualification de ces faits comme constituant des éléments justifiant l’application de mesures restrictives à l’encontre de la personne concernée (arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316,
point 55 et jurisprudence citée).

146 À cet égard, c’est à juste titre que le Tribunal a considéré, au point 185 de l’arrêt attaqué, que le respect par le Conseil de son obligation de vérifier que les faits retenus par les autorités nationales pouvaient être qualifiés d’actes de terrorisme, au sens de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931, a été examiné en réponse au moyen tiré de la violation de cette disposition.

147 Il résulte de ce qui précède que les arguments visant à contester le bien‑fondé desdits faits sont, dans le cadre du cinquième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation, dénués de pertinence, de sorte que ce moyen doit être rejeté comme étant irrecevable et, en tout état de cause, comme étant non fondé.

148 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, aucun moyen n’étant accueilli, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

149 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

150 Le Conseil ayant conclu à la condamnation du requérant aux dépens et ce dernier ayant succombé en tous ses moyens, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil.

151 Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, rendu applicable, mutatis mutandis, à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, la République française, ayant participé à la procédure devant la Cour, supportera ses propres dépens.

  Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) Le Kurdistan Workers’ Party (PKK) est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

  3) La République française supporte ses propres dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : C-72/23
Date de la décision : 13/03/2025
Type d'affaire : Pourvoi
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Politique étrangère et de sécurité commune – Lutte contre le terrorisme – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités – Gel des fonds – Position commune 2001/931/PESC – Article 1er, paragraphes 3, 4 et 6 – Règlement (CE) no 2580/2001 – Article 2, paragraphe 3 – Maintien d’une organisation sur la liste des personnes, des groupes et des entités impliqués dans des actes de terrorisme – Applicabilité aux situations de conflit armé – Groupe terroriste – Nature des actes accomplis et motifs sous-jacents de ces actes – Distance temporelle – Persistance du risque d’implication dans des activités terroristes – Proportionnalité – Obligation de motivation.

Relations extérieures

Politique étrangère et de sécurité commune


Parties
Demandeurs : Kurdistan Workers' Party (PKK)
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Pikamäe
Rapporteur ?: Biltgen

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:182

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