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13/03/2025 | CJUE | N°C-120/24

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, « Unigames » UAB contre Lošimų priežiūros tarnyba prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos., 13/03/2025, C-120/24


 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

13 mars 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information – Directive (UE) 2015/1535 – Article 1er, paragraphe 1, sous e) et f) – Notions de “règle technique” et de “règle relative aux services” – Réglementation nationale interdisant l’incitation à la pratique des jeux de hasard, y compris des jeux à distance – Article 5, paragraphe 1 – Obligation

de notification à la Commission
européenne – Modification de cette réglementation élargissant le champ d’applicati...

 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

13 mars 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information – Directive (UE) 2015/1535 – Article 1er, paragraphe 1, sous e) et f) – Notions de “règle technique” et de “règle relative aux services” – Réglementation nationale interdisant l’incitation à la pratique des jeux de hasard, y compris des jeux à distance – Article 5, paragraphe 1 – Obligation de notification à la Commission
européenne – Modification de cette réglementation élargissant le champ d’application de l’interdiction d’inciter aux jeux de hasard – Absence de notification – Conséquences »

Dans l’affaire C‑120/24,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), par décision du 14 février 2024, parvenue à la Cour le 15 février 2024, dans la procédure

« Unigames » UAB

contre

Lošimų priežiūros tarnyba prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), présidente de chambre, MM. D. Gratsias, E. Regan, J. Passer et B. Smulders, juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour « Unigames » UAB, par Me M. Rindinas, advokatas,

– pour le gouvernement lituanien, par M. S. Grigonis et Mme V. Kazlauskaitė-Švenčionienė, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement italien, par M. S. Fiorentino, en qualité d’agent, assisté de M. F. Meloncelli, avvocato dello Stato,

– pour la Commission européenne, par Mmes M. Escobar Gómez et J. Jokubauskaitė, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), et de l’article 5, paragraphe 1, de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil, du 9 septembre 2015, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 2015, L 241, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant « Unigames » UAB à la Lošimų priežiūros tarnyba prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos (commission de surveillance des jeux de hasard près le ministère des Finances de la République de Lituanie, ci-après la « commission de surveillance ») au sujet d’un arrêté du directeur de cette commission constatant qu’Unigames a enfreint l’interdiction d’inciter à la pratique des jeux de hasard et lui infligeant une amende.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2015/1535 dispose :

« Au sens de la présente directive, on entend par :

[...]

b) “service”, tout service de la société de l’information, c’est-à-dire tout service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services.

Aux fins de la présente définition, on entend par :

i) “à distance”, un service fourni sans que les parties soient simultanément présentes ;

ii) “par voie électronique”, un service envoyé à l’origine et reçu à destination au moyen d’équipements électroniques de traitement (y compris la compression numérique) et de stockage de données, et qui est entièrement transmis, acheminé et reçu par fils, par radio, par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques ;

iii) “à la demande individuelle d’un destinataire de services”, un service fourni par transmission de données sur demande individuelle.

Une liste indicative des services non visés par cette définition figure à l’annexe I ;

[...]

e) “règle relative aux services”, une exigence de nature générale relative à l’accès aux activités de services au sens du point b) et à leur exercice, notamment les dispositions relatives au prestataire de services, aux services et au destinataire de services, à l’exclusion des règles qui ne visent pas spécifiquement les services définis audit point.

Aux fins de la présente définition :

i) une règle est considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l’information lorsque, au regard de sa motivation et du texte de son dispositif, elle a pour finalité et pour objet spécifiques, dans sa totalité ou dans certaines dispositions ponctuelles, de réglementer de manière explicite et ciblée ces services ;

ii) une règle n’est pas considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l’information si elle ne concerne ces services que d’une manière implicite ou incidente ;

f) “règle technique”, une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s’y appliquent, dont l’observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l’établissement d’un opérateur de services ou l’utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, de même que, sous réserve de celles visées à l’article 7, les dispositions législatives,
réglementaires et administratives des États membres interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation ou l’utilisation d’un produit ou interdisant de fournir ou d’utiliser un service ou de s’établir comme prestataire de services.

[...]

g) “projet de règle technique”, le texte d’une spécification technique, ou d’une autre exigence ou d’une règle relative aux services, y compris de dispositions administratives, qui est élaboré dans le but de l’établir ou de la faire finalement établir comme une règle technique et qui se trouve à un stade de préparation où il est encore possible d’y apporter des amendements substantiels. »

4 L’article 5, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« Sous réserve de l’article 7, les États membres communiquent immédiatement à la Commission [européenne] tout projet de règle technique, sauf s’il s’agit d’une simple transposition intégrale d’une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit ; ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l’établissement d’une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà
du projet.

Le cas échéant, et à moins qu’il n’ait été transmis en liaison avec une communication antérieure, les États membres communiquent à la Commission en même temps le texte des dispositions législatives et réglementaires de base principalement et directement concernées, si la connaissance de ce texte est nécessaire pour l’appréciation de la portée du projet de règle technique.

Les États membres procèdent à une nouvelle communication du projet de règle technique à la Commission, dans les conditions énoncées au premier et deuxième alinéas du présent paragraphe, s’ils apportent à ce projet, d’une manière significative, des changements qui auront pour effet de modifier son champ d’application, d’en raccourcir le calendrier d’application initialement prévu, d’ajouter des spécifications ou des exigences, ou de rendre celles-ci plus strictes.

[...] »

Le droit lituanien

5 L’article 10, paragraphe 19, du Lietuvos Respublikos azartinių lošimų įstatymas Nr. IX-325 (loi de la République de Lituanie no IX-325, sur les jeux de hasard), du 17 mai 2001 (Žin., 2001, no 43-1495), dans sa version applicable au litige au principal, à savoir la version issue de la loi no XIV-337, du 20 mai 2021 (TAR, 2021, no 2021-12786) (ci-après la « loi sur les jeux de hasard »), dispose :

« En Lituanie, il est interdit d’inciter à la pratique des jeux de hasard, à savoir, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, publier des informations ou accomplir des actes visant à convaincre le public d’y participer, y compris les événements spéciaux, jeux d’essai, actions promotionnelles, réductions, cadeaux et mesures d’incitation de même nature mis en œuvre par l’organisateur lui-même, incitant à la pratique des jeux de hasard ou des jeux de hasard à distance. »

6 Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi no XIV-337, du 20 mai 2021, l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard, telle que modifiée par la loi no XII-1734, du 21 mai 2015 (TAR, 2015, no 2015-8980) (ci-après l’« ancienne loi sur les jeux de hasard »), prévoyait :

« En Lituanie, il est interdit d’inciter à la pratique des jeux de hasard par les moyens suivants :

1) accorder au joueur le droit de recevoir des cadeaux de l’organisateur des jeux immédiatement ou dans un certain délai après la participation au jeu ;

2) organiser des jeux ou des concours, des jeux d’essai, des loteries et autres événements incitant à la pratique des jeux, y compris des jeux à distance, en dehors des établissements de jeux ou du site Internet de l’opérateur. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

7 Unigames est une société titulaire d’une licence l’autorisant à organiser des jeux de hasard. Elle fournit des services de jeux à distance sur son site Internet.

8 Lors d’un contrôle effectué par la commission de surveillance, celle-ci a constaté que figuraient sur ce site Internet un certain nombre de mentions qui devaient être considérées comme enfreignant l’interdiction d’inciter à la pratique des jeux de hasard, prévue à l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard.

9 À la suite de ce contrôle, le directeur de cette commission a, le 19 mai 2022, adopté un arrêté par lequel il a constaté l’existence de plusieurs infractions dans le chef d’Unigames et lui a infligé une sanction pécuniaire (ci-après l’« arrêté du 19 mai 2022 »). Il ressort plus précisément de cet arrêté, premièrement, que, au cours de la période allant du 13 octobre 2021 au 3 février 2022, ladite commission a constaté que, sur le site Internet d’Unigames, figuraient des mentions incitant les
visiteurs de ce site à la pratique des jeux de hasard à distance, en violation de l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard. Deuxièmement, à la date de l’adoption de cet arrêté, ledit site affichait toujours des mentions enfreignant l’interdiction d’inciter à la pratique des jeux de hasard prévue à cette disposition. Troisièmement, par ledit arrêté, Unigames s’est vu infliger une amende de 12662 euros, elle a été avertie de la possibilité d’une suspension de la licence
l’autorisant à organiser des jeux de hasard et il lui a été enjoint de mettre fin à l’infraction constatée au plus tard le 20 juin 2022.

10 Unigames a introduit, devant le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie), un recours tendant à l’annulation de l’arrêté du 19 mai 2022, en invoquant une illégalité dans la procédure d’adoption de l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard.

11 Par jugement du 10 août 2022, cette juridiction a rejeté ce recours, au motif que l’interdiction d’inciter à la pratique des jeux de hasard n’avait pas été nouvellement introduite dans la loi sur les jeux de hasard, mais était déjà prévue à l’article 10, paragraphe 19, de l’ancienne loi sur les jeux de hasard. Ladite juridiction a conclu que les autorités lituaniennes n’étaient donc pas tenues de communiquer à la Commission, en vertu de la directive 2015/1535, le projet de modification de
l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard avant son adoption par le législateur national. Partant, elle a rejeté comme étant non fondé l’argument d’Unigames selon lequel cette disposition lui était inopposable.

12 Unigames a interjeté un appel de ce jugement devant le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), qui est la juridiction de renvoi.

13 Cette juridiction estime que l’affaire dont elle est saisie soulève des questions d’interprétation de la directive 2015/1535.

14 En premier lieu, la juridiction de renvoi se demande si la règle prévue à cet article 10, paragraphe 19, constitue une « règle technique », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de cette directive. Cette dernière disposition mentionnerait quatre catégories de règles techniques, parmi lesquelles figure celle de « règle relative aux services ».

15 Dans l’arrêt du 4 février 2016, Ince (C‑336/14, EU:C:2016:72, point 75), la Cour aurait déjà jugé que certaines dispositions applicables aux jeux de hasard en Allemagne étaient susceptibles d’être qualifiées de « règles relatives aux services », dans la mesure où elles concernaient un « service de la société de l’information », au sens de ladite directive. Ces dispositions auraient inclus, notamment, l’interdiction de proposer des jeux de hasard sur Internet ainsi que de diffuser de la publicité
pour les jeux de hasard sur Internet ou par des moyens de télécommunication.

16 À cet égard, la juridiction de renvoi souligne que, en Lituanie, il est interdit non pas de proposer des jeux de hasard sur Internet, mais d’inciter à la pratique des jeux de hasard, à savoir de publier des informations ou d’accomplir des actes incitant à s’adonner à de tels jeux, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit.

17 Cette juridiction se demande si la règle figurant à l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard, dans la mesure où elle concerne les informations publiées par l’opérateur de jeux de hasard sur son site Internet, répond à toutes les conditions pour être considérée comme s’appliquant à un « service », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, compte tenu du fait qu’il s’agit d’une publication de telles informations de la part de cet opérateur
lui-même. Étant donné que ledit opérateur offre des services de jeux de hasard aux visiteurs de son site Internet, il irait de soi que ce site affiche des informations relatives auxdits jeux ainsi que des mentions incitant les visiteurs à recourir à ces services. Dans ces conditions, la juridiction de renvoi cherche à savoir si le fait que c’est le visiteur qui accède audit site dans l’intention de recourir aux services en question implique que ces derniers sont fournis au moyen d’une
transmission de données demandées par le visiteur du site Internet, autrement dit « à la demande individuelle d’un destinataire de services », au sens de cet article 1er, paragraphe 1, sous b).

18 En second lieu, si la réponse à la première question devait confirmer que l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard constitue une « règle technique », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de la directive 2015/1535, il serait également pertinent de savoir si cette règle devait être notifiée à la Commission en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de cette directive.

19 À ce propos, la juridiction de renvoi indique que, au cours de la procédure ayant mené à l’adoption de la loi no XIV-337, du 20 mai 2021, la Commission n’a pas reçu de notification du projet de modification de l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard.

20 Dans le contexte de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO 1998, L 204, p. 37), telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 (JO 1998, L 217, p. 18), que la directive 2015/1535 a abrogée mais dont les dispositions étaient en substance identiques à celles de cette dernière, la Cour aurait jugé, dans l’arrêt
du 20 décembre 2017, Falbert e.a. (C‑255/16, EU:C:2017:983, point 23), que, pour qu’une nouvelle réglementation nationale soit considérée comme étant une règle technique devant être notifiée, elle ne devait pas se limiter à reproduire ou à remplacer, sans y ajouter des spécifications techniques ni d’autres exigences nouvelles ou supplémentaires, des règles techniques existantes ayant été dûment notifiées à la Commission.

21 À cet égard, la juridiction de renvoi souligne que l’interdiction prévue à l’article 10, paragraphe 19, de l’ancienne loi sur les jeux de hasard avait un champ d’application limité qui, sans avoir été modifié du point de vue territorial ou temporel, a été substantiellement précisé à l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard. En effet, de simples informations relatives aux jeux de hasard publiées sur le site Internet de l’opérateur de ces jeux n’auraient pas relevé de
l’interdiction telle que formulée dans cette ancienne loi. Dès lors, dans sa version actuelle, l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard aurait restreint l’utilisation d’outils de marketing et donc étendu le champ d’application de l’interdiction d’inciter à la pratique des jeux de hasard.

22 Se référant aux arrêts du 4 février 2016, Ince (C‑336/14, EU:C:2016:72, point 84), et du 27 octobre 2016, James Elliott Construction (C‑613/14, EU:C:2016:821, point 64), cette juridiction rappelle également que le manquement d’un État membre à l’obligation de notification préalable d’un projet de règles techniques entraîne l’inopposabilité de celles-ci aux particuliers, que ce soit dans le cadre d’une procédure pénale ou d’un litige entre des particuliers. Ainsi, elle se demande quelles sont les
conséquences que les autorités nationales doivent tirer du manquement à cette obligation de notification dans des circonstances telles que celles en cause au principal, à savoir lorsque les modifications apportées à une règle technique n’ont pas été notifiées à la Commission, alors que la version antérieure de cette règle l’avait été.

23 Dans ces conditions, le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Une disposition nationale telle que celle figurant à l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard, dans la mesure où elle concerne des informations relatives aux jeux de hasard publiées sur le site Internet d’un opérateur de jeux, constitue-t-elle une “règle technique” au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de la directive 2015/1535 ?

2) La directive 2015/1535 doit-elle être interprétée en ce sens qu’une disposition de la législation nationale telle que la loi sur les jeux de hasard, qui doit être notifiée conformément à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2015/1535 lorsqu’elle est considérée comme étant une “règle technique” au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de cette directive, est inopposable aux opérateurs économiques à qui une infraction administrative est reprochée si les modifications apportées à la
disposition considérée comme étant une règle technique n’ont pas été notifiées, alors que la version antérieure de la loi l’avait été ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

Sur la recevabilité

24 Sans exciper formellement de l’irrecevabilité de la première question, Unigames affirme, concernant la recevabilité de celle-ci, que, conformément aux théories de l’acte clair et de l’acte éclairé, la juridiction de renvoi n’était pas tenue de saisir la Cour de cette question.

25 D’une part, le Lietuvos Respublikos teisingumo ministerija (ministère de la Justice de la République de Lituanie) aurait déclaré, au cours de la procédure ayant mené à l’adoption de l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard, que cette disposition constitue une « règle technique », au sens de la directive 2015/1535, et aurait informé le Lietuvos Respublikos Seimas (Parlement de la République de Lituanie) de l’obligation de notifier le projet de modification de ladite
disposition à la Commission en vertu de cette directive. En conséquence, l’interprétation de la même disposition s’imposerait avec évidence.

26 D’autre part, une juridiction administrative de première instance aurait jugé que l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard constitue une telle règle technique, en se basant sur l’interprétation donnée par la Cour dans des affaires préjudicielles similaires.

27 À cet égard, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre de la procédure instituée par l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les
questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 22 octobre 2024, Kolin Inşaat Turizm Sanayi ve Ticaret, C‑652/22, EU:C:2024:910, point 36 et jurisprudence citée).

28 En l’occurrence, il convient de rappeler qu’il n’est nullement interdit à une juridiction nationale de poser à la Cour une question préjudicielle dont, selon l’opinion de l’une des parties au principal, la réponse ne laisse place à aucun doute raisonnable. Ainsi, à supposer même que tel soit le cas, une telle question ne devient pas pour autant irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2023, Vapo Atlantic, C‑604/21, EU:C:2023:175, point 33 et jurisprudence citée).

29 Il s’ensuit que la première question est recevable.

Sur le fond

30 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de la directive 2015/1535 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale interdisant d’inciter à la pratique des jeux de hasard à distance au moyen de la publication d’informations relatives à ces jeux sur le site Internet d’un opérateur de tels jeux constitue une « règle technique », au sens de cette disposition.

31 À cet égard, il convient de rappeler que la notion de « règle technique » recouvre quatre catégories de mesures, à savoir, premièrement, la « spécification technique », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous c), de la directive 2015/1535, deuxièmement, l’« autre exigence », telle que définie à l’article 1er, paragraphe 1, sous d), de cette directive, troisièmement, la « règle relative aux services », visée à l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de ladite directive, et, quatrièmement, « les
dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation ou l’utilisation d’un produit ou interdisant de fournir ou d’utiliser un service ou de s’établir comme prestataire de services », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de la même directive (arrêt du 8 octobre 2020, Admiral Sportwetten e.a., C‑711/19, EU:C:2020:812, point 25 ainsi que jurisprudence citée).

32 Il ressort des motifs de la demande de décision préjudicielle que, étant donné que le litige au principal ne porte pas sur des produits, la juridiction de renvoi s’interroge, tout particulièrement, sur le point de savoir si la réglementation nationale en cause au principal relève de la catégorie de « règle relative aux services », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la directive 2015/1535, ou de celle de « dispositions législatives, réglementaires et administratives des États
membres [...] interdisant de fournir ou d’utiliser un service ou de s’établir comme prestataire de services », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de cette directive.

33 S’agissant de la catégorie de « règle relative aux services », il y a lieu de relever que l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de ladite directive définit cette notion comme visant toute exigence de nature générale relative à l’accès aux activités de services, au sens du point b) de cet article 1er, paragraphe 1, et à leur exercice, notamment les dispositions relatives au prestataire de services, aux services et au destinataire de services, à l’exclusion des règles qui ne visent pas
spécifiquement les services définis audit point.

34 L’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la même directive définit la notion de « service » comme visant tout « service de la société de l’information », à savoir tout service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services.

35 Il ressort ainsi d’une lecture combinée des points b) et e) de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2015/1535 que la catégorie de « règle relative aux services » couvre uniquement les règles relatives à un service de la société de l’information.

36 À cet égard, il y a lieu de considérer que les services de jeux de hasard à distance tels que ceux visés par la réglementation nationale en cause au principal doivent être considérés comme étant des « services de la société de l’information », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de cette directive, de tels services répondant à l’ensemble des conditions énoncées à cette disposition, y compris celle exigeant que le service soit fourni « à la demande individuelle d’un destinataire de
services ».

37 En effet, la fourniture de ces services de jeux de hasard à distance est nécessairement subordonnée à des actions de la part de leur destinataire, telles que le fait d’accéder au site Internet de l’opérateur et de créer un compte client (voir, par analogie, arrêt du 29 février 2024, Doctipharma, C‑606/21, EU:C:2024:179, point 32) ou le fait de placer des paris sur ce site.

38 Les considérations exposées aux points 36 et 37 du présent arrêt ne sont pas remises en cause par la circonstance que les informations sur les jeux de hasard que l’opérateur de ces jeux publie sur son site Internet ne sont pas nécessairement fournies « à la demande individuelle d’un destinataire de services ». En effet, cette publication d’informations ne saurait, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, s’analyser comme étant un service de publicité ou autre fourni aux
destinataires des services de jeux de hasard à distance, mais constitue un élément accessoire et indissociable des services de jeux de hasard à distance concernés desquels elle tire tout son sens économique [voir, par analogie, arrêt du 1er octobre 2020, A (Publicité et vente de médicaments en ligne), C‑649/18, EU:C:2020:764, point 56]. Dès lors, ce sont uniquement les services de jeux de hasard eux‑mêmes qui doivent remplir les conditions pertinentes afin de relever de la notion de « service »,
au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, l’interdiction en cause au principal, qui porte sur une telle publication d’informations, devant, quant à elle, remplir les critères spécifiques prévus à l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de cette directive afin d’être considérée comme étant une « règle relative » à ces services, au sens de cette dernière disposition.

39 À ce dernier égard, s’il est constant que l’interdiction en cause au principal constitue « une exigence de nature générale », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la directive 2015/1535, encore faut‑il examiner, d’une part, le point de savoir si elle peut être considérée comme étant « relative à l’accès aux activités de services de la société de l’information et à leur exercice », cette disposition précisant que tel est le cas, notamment, des dispositions relatives au prestataire
de services, aux services et au destinataire de services.

40 À ce sujet, il convient de constater que l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard est susceptible de relever de la notion de « règle relative aux services », en ce qu’il interdit d’inciter, notamment, à la pratique des jeux de hasard à distance et, en particulier, de publier sur le site Internet d’un opérateur de tels jeux des informations relatives à ceux-ci ou d’accomplir des actes incitant à s’adonner à de tels jeux (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, Sportingbet
et Internet Opportunity Entertainment, C‑275/19, EU:C:2020:856, point 48 ainsi que jurisprudence citée).

41 D’autre part, ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la directive 2015/1535, pour être qualifiée de « règle relative aux services », l’interdiction en cause au principal doit viser « spécifiquement » les services de la société de l’information (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, VG Media, C‑299/17, EU:C:2019:716, point 31).

42 À cet égard, il découle de l’article 1er, paragraphe 1, sous e), second alinéa, i), de la directive 2015/1535 que la vérification qu’une règle vise spécifiquement des services de la société de l’information doit être effectuée au regard tant du libellé de cette règle que du but qu’elle poursuit. Par ailleurs, en vertu de cette disposition, il n’est pas requis que la règle en cause ait dans sa totalité « pour finalité et pour objet spécifiques » de réglementer des services de la société de
l’information, mais il suffit qu’elle poursuive cette finalité ou cet objet au moyen de certaines de ses dispositions (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, VG Media, C‑299/17, EU:C:2019:716, point 32 et jurisprudence citée). Enfin, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, sous e), second alinéa, ii), de cette directive, une règle n’est pas considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l’information si elle ne concerne ces services que d’une manière implicite ou
incidente.

43 En l’occurrence, comme le soulignent Unigames, le gouvernement lituanien et la Commission dans leurs observations écrites respectives, force est de constater que l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard vise spécifiquement des services de la société de l’information. En effet, il ressort de son libellé même que cette disposition vise explicitement, outre les jeux de hasard au sens classique, les jeux de hasard à distance ainsi que les prestataires de services de tels jeux.

44 En outre, contrairement à ce que soutient le gouvernement italien dans ses observations écrites, le fait que l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard prévoie une interdiction générale d’incitation à la pratique de ces jeux par tous les moyens, et non pas uniquement par Internet, ne saurait impliquer que cette disposition concerne les services de la société de l’information d’une manière implicite ou incidente, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous e), second alinéa,
ii), de la directive 2015/1535 (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, VG Media, C‑299/17, EU:C:2019:716, point 37 et jurisprudence citée).

45 Par conséquent, il y a lieu de constater que cet article 10, paragraphe 19, constitue une « règle relative aux services », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la directive 2015/1535.

46 Cela étant, pour être qualifiée de « règle technique », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de cette directive, encore faut-il que la disposition nationale concernée corresponde à la définition visée à ce point f), et donc qu’elle soit obligatoire de jure ou de facto, notamment, pour la prestation du service concerné ou son utilisation dans un État membre ou une partie importante de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2020, Star Taxi App, C‑62/19, EU:C:2020:980,
point 61).

47 À cet égard, il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard établit une règle dont l’observation est obligatoire pour la prestation de services de jeux de hasard à distance en Lituanie.

48 En effet, c’est la prétendue violation, par Unigames, de cet article 10, paragraphe 19, en raison de la publication, sur son site Internet, de certaines mentions relatives aux jeux de hasard à distance proposés par cette société, qui a servi de fondement à l’arrêté du 19 mai 2022, par lequel la commission de surveillance a, notamment, averti cette société de la possibilité d’une suspension de la licence l’autorisant à organiser des jeux de hasard.

49 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de la directive 2015/1535 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale interdisant d’inciter à la pratique des jeux de hasard à distance au moyen de la publication d’informations relatives à ces jeux sur le site Internet d’un opérateur de tels jeux constitue une « règle technique », au sens de cette disposition.

Sur la seconde question

50 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2015/1535 doit être interprété en ce sens que, s’agissant d’une réglementation nationale constituant une « règle technique », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de cette directive, et ayant été notifiée à la Commission conformément à cet article 5, paragraphe 1, une modification de cette réglementation est inopposable aux opérateurs économiques lorsque cette
modification n’a pas été notifiée.

51 Il découle de l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive que les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s’il s’agit d’une simple transposition intégrale d’une norme internationale ou de l’Union, et qu’ils lui adressent également une notification concernant les raisons pour lesquelles l’établissement d’une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet.

52 À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que le fait observer la juridiction de renvoi, la Cour a jugé que, pour qu’une nouvelle réglementation nationale soit considérée comme étant une règle technique devant être notifiée en vertu de la directive 2015/1535, elle ne doit pas se limiter à reproduire ou à remplacer, sans y ajouter des spécifications techniques ni d’autres exigences nouvelles ou supplémentaires, des règles techniques existantes dûment notifiées à la Commission (voir, en ce
sens, arrêt du 20 décembre 2017, Falbert e.a., C‑255/16, EU:C:2017:983, point 23 ainsi que jurisprudence citée).

53 C’est ainsi que la Cour a jugé qu’une nouvelle réglementation comportant des spécifications techniques plus rigoureuses que celles figurant dans une réglementation antérieure ayant été notifiée doit, à son tour, être notifiée (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2023, Papier Mettler Italia, C‑86/22, EU:C:2023:1023, point 50).

54 Aussi, une nouvelle réglementation est soumise à l’obligation de notification en vertu de la directive 2015/1535 notamment lorsqu’elle élargit le champ d’application de la réglementation antérieure. En revanche, elle n’est pas soumise à cette obligation lorsqu’elle se borne à préciser ou à clarifier cette réglementation antérieure (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Falbert e.a., C‑255/16, EU:C:2017:983, points 20 et 22).

55 En l’occurrence, le gouvernement lituanien soutient que l’article 10, paragraphe 19, de l’ancienne loi sur les jeux de hasard, qui avait été dûment notifié à la Commission, prévoyait déjà l’interdiction d’inciter à la pratique des jeux de hasard, y compris à distance. Selon ce gouvernement, les modifications apportées à cette loi ne sont pas significatives, dès lors qu’elles ne changent pas les règles déjà notifiées ni leur champ d’application, et, par conséquent, le comportement reproché à
Unigames aurait été traité de manière similaire en application de l’ancienne loi sur les jeux de hasard.

56 À cet égard, il importe de rappeler que l’appréciation de la portée d’une telle modification législative constitue une question de droit national qui relève de la compétence de la juridiction de renvoi (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Falbert e.a., C‑255/16, EU:C:2017:983, point 21 ainsi que jurisprudence citée).

57 Or, il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard a « substantiellement précisé » l’interdiction d’inciter à la pratique des jeux de hasard. En particulier, la juridiction de renvoi indique que le comportement reproché à Unigames sur la base de la loi actuellement en vigueur, consistant en la publication, sur le site Internet de cette société, d’informations relatives aux jeux de hasard qu’elle propose, n’aurait pas été
susceptible d’être sanctionné au titre de l’ancienne loi sur les jeux de hasard. Dès lors, cet article 10, paragraphe 19, aurait élargi le champ d’application de cette interdiction.

58 Il découle ainsi des indications figurant dans la demande de décision préjudicielle que l’article 10, paragraphe 19, de la loi sur les jeux de hasard a ajouté des exigences nouvelles ou supplémentaires, au sens de la jurisprudence visée au point 52 du présent arrêt, par rapport à l’article 10, paragraphe 19, de l’ancienne loi sur les jeux de hasard. Il s’ensuit que, sous réserve des vérifications éventuelles qu’il revient à la juridiction de renvoi d’effectuer, la modification ayant donné lieu à
la loi actuellement en vigueur aurait dû être notifiée au titre de l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2015/1535.

59 Cette conclusion est confirmée par le troisième alinéa de cet article 5, paragraphe 1, qui prévoit l’obligation de procéder à une « nouvelle communication » d’un projet de règle technique lorsqu’un État membre apporte des changements significatifs à un tel projet qui auront pour effet de modifier son champ d’application, d’en raccourcir le calendrier d’application initialement prévu, d’ajouter des spécifications ou des exigences, ou de rendre celles-ci plus strictes.

60 Certes, en tant que tel, l’article 5, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2015/1535 n’est pas applicable à une situation telle que celle en cause au principal, dès lors qu’il vise uniquement l’hypothèse où des modifications significatives sont apportées, au cours du processus législatif national, à un projet de règle technique postérieurement à la notification de ce projet à la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2016, Ince, C‑336/14, EU:C:2016:72, point 79), et donc
avant l’adoption définitive dudit projet.

61 Toutefois, cet article 5, paragraphe 1, troisième alinéa, corrobore le fait que, dans l’hypothèse où, comme en l’occurrence, une modification significative est apportée non pas avant l’adoption définitive d’un projet de règle technique, mais à une règle technique déjà en vigueur, une telle modification, notamment lorsqu’elle a pour effet d’élargir le champ d’application de cette règle technique, doit faire l’objet d’une notification distincte (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2007,
Schwibbert, C‑20/05, EU:C:2007:652, point 42).

62 Enfin, selon une jurisprudence constante, la méconnaissance de l’obligation de notification prévue à l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2015/1535 constitue un vice de procédure substantiel dans l’adoption des règles techniques concernées, sanctionné par l’inapplicabilité de ces règles, de telle sorte qu’elles ne peuvent être opposées aux particuliers. Ceux-ci peuvent s’en prévaloir devant le juge national, auquel il incombe de refuser d’appliquer une règle technique
nationale qui n’a pas été notifiée conformément à cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, Sportingbet et Internet Opportunity Entertainment, C‑275/19, EU:C:2020:856, point 53 ainsi que jurisprudence citée).

63 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2015/1535 doit être interprété en ce sens que, s’agissant d’une réglementation nationale constituant une « règle technique », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de cette directive, et ayant été notifiée à la Commission conformément à cet article 5, paragraphe 1, une modification de cette réglementation est inopposable aux opérateurs économiques
lorsque cette modification n’a pas été notifiée et a pour effet d’élargir le champ d’application de ladite réglementation, si bien qu’elle constitue une « règle technique » soumise à l’obligation de notification prévue à cette dernière disposition.

Sur les dépens

64 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 1er, paragraphe 1, sous f), de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil, du 9 septembre 2015, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information,

doit être interprété en ce sens que :

une réglementation nationale interdisant d’inciter à la pratique des jeux de hasard à distance au moyen de la publication d’informations relatives à ces jeux sur le site Internet d’un opérateur de tels jeux constitue une « règle technique », au sens de cette disposition.

  2) L’article 5, paragraphe 1, de la directive 2015/1535

doit être interprété en ce sens que :

s’agissant d’une réglementation nationale constituant une « règle technique », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de cette directive, et ayant été notifiée à la Commission européenne conformément à cet article 5, paragraphe 1, une modification de cette réglementation est inopposable aux opérateurs économiques lorsque cette modification n’a pas été notifiée et a pour effet d’élargir le champ d’application de ladite réglementation, si bien qu’elle constitue une « règle technique »
soumise à l’obligation de notification prévue à cette dernière disposition.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le lituanien.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-120/24
Date de la décision : 13/03/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas.

Renvoi préjudiciel – Procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information – Directive (UE) 2015/1535 – Article 1er, paragraphe 1, sous e) et f) – Notions de “règle technique” et de “règle relative aux services” – Réglementation nationale interdisant l’incitation à la pratique des jeux de hasard, y compris des jeux à distance – Article 5, paragraphe 1 – Obligation de notification à la Commission européenne – Modification de cette réglementation élargissant le champ d’application de l’interdiction d’inciter aux jeux de hasard – Absence de notification – Conséquences.

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : « Unigames » UAB
Défendeurs : Lošimų priežiūros tarnyba prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos.

Composition du Tribunal
Avocat général : Emiliou
Rapporteur ?: Arastey Sahún

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:174

Source

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