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06/03/2025 | CJUE | N°C-395/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, E.M.A. e.a., 06/03/2025, C-395/23


 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

6 mars 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (UE) 2019/1111 – Champ d’application – Article 1er, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, sous e) – Mesure liée à la disposition des biens d’un enfant – Article 7 – Compétence en matière de responsabilité parentale – Article 10 – Élection de for – Règlement (UE) no 1215/2012 – Champ d’application – Article 1er, paragraphe 2, sous a) – Exclusion concernant l’état et

la capacité des personnes physiques – Règles de compétence
judiciaire prévues dans un accord bilatéral entre la République de Bulgari...

 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

6 mars 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (UE) 2019/1111 – Champ d’application – Article 1er, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, sous e) – Mesure liée à la disposition des biens d’un enfant – Article 7 – Compétence en matière de responsabilité parentale – Article 10 – Élection de for – Règlement (UE) no 1215/2012 – Champ d’application – Article 1er, paragraphe 2, sous a) – Exclusion concernant l’état et la capacité des personnes physiques – Règles de compétence
judiciaire prévues dans un accord bilatéral entre la République de Bulgarie et la Fédération de Russie conclu avant l’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union européenne – Différence entre ces règles et celles prévues par le règlement 2019/1111 – Article 351 TFUE – Notion d’“incompatibilité” »

Dans l’affaire C‑395/23 [Anikovi] ( i ),

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sofiyski Rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie), par décision du 24 juin 2023, parvenue à la Cour le 29 juin 2023, et complétée par une ordonnance du 6 février 2024, parvenue à la Cour le même jour, dans la procédure

E. M. A.,

E. M. A.,

M. I. A.

LA COUR (quatrième chambre),

composée de MM. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de président de la quatrième chambre, C. Lycourgos, président de la troisième chambre, Mme M. L. Arastey-Sahún, présidente de la cinquième chambre, M. S. Rodin et Mme O. Spineanu-Matei (rapporteure), juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : Mme R. Stefanova-Kamisheva, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 septembre 2024,

considérant les observations présentées :

– pour E. M. A., E. M. A. ainsi que M. I. A., par Me L. S. Tsoncheva, advokat,

– pour le gouvernement espagnol, par M. I. Herranz Elizalde et Mme P. Pérez Zapico, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement hongrois, par Mme Zs. Biró-Tóth et M. M. Z. Fehér, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. S. Noë, W. Wils et I. Zaloguin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 novembre 2024,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO 2008, L 177, p. 6, ci-après le « règlement Rome I »), de l’article 24, point 1, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des
décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1, ci-après le « règlement Bruxelles I bis »), ainsi que de l’article 1er, paragraphe 2, sous e), et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (UE) 2019/1111 du Conseil, du 25 juin 2019, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants (JO 2019, L 178, p. 1, et rectificatif JO 2020, L 347, p. 52,
ci-après le « règlement Bruxelles II ter »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure gracieuse introduite au nom de deux enfants mineures, E. M. A et E. M. A, en vue d’obtenir l’autorisation par un tribunal de vendre, avec le consentement de leur mère M. I. A, leurs parts dans trois biens immobiliers situés en Bulgarie.

Le cadre juridique

Le droit international

3 Le traité entre l’Union des républiques socialistes soviétiques et la République populaire de Bulgarie relatif à l’entraide judiciaire en matière civile, familiale et pénale, signé à Moscou le 19 février 1975 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1015, no 14855, p. 41, ci-après le « traité russo-bulgare »), a été ratifié en Bulgarie par le décret no 784 du 15 avril 1975 (DV no 33/1975) et publié le 10 février 1976 (DV no 12/1976, rectificatif DV no 17/2014). L’article 25 de celui-ci
prévoit :

« 1.   Les relations juridiques entre parents et enfants sont régies par la législation de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils ont leur domicile commun.

[...]

6.   En ce qui concerne les relations juridiques visées aux paragraphes 1, 2, 3, 4 et 5 sont compétents les organes judiciaires de la Partie contractante dont l’enfant est ressortissant ou sur le territoire de laquelle l’enfant a son domicile ou sa résidence. »

4 L’article 30, paragraphe 2, du traité russo-bulgare stipule que la forme d’une transaction immobilière est déterminée par la loi de la partie contractante sur le territoire de laquelle le bien immobilier est situé.

Le droit de l’Union

Le règlement Rome I

5 L’article 4 du règlement Rome I, intitulé « Loi applicable à défaut de choix », dispose, à son paragraphe 1, sous c) :

« À défaut de choix exercé conformément à l’article 3 et sans préjudice des articles 5 à 8, la loi applicable au contrat suivant est déterminée comme suit :

[...]

c) le contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d’immeuble est régi par la loi du pays dans lequel est situé l’immeuble ;

[...] »

Le règlement Bruxelles I bis

6 L’article 1er du règlement Bruxelles I bis prévoit :

« 1.   Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. [...]

2.   Sont exclus de son application :

a) l’état et la capacité des personnes physiques[...]

[...] »

7 Aux termes de l’article 24, point 1, du règlement Bruxelles I bis :

« Sont seules compétentes les juridictions ci-après d’un État membre, sans considération de domicile des parties :

1) en matière de droits réels immobiliers et de baux d’immeubles, les juridictions de l’État membre où l’immeuble est situé.

[...] »

Le règlement Bruxelles II ter

8 Les considérants 10, 19, 20 et 91 du règlement Bruxelles II ter sont libellés en ces termes :

« (10) En ce qui concerne les biens de l’enfant, le présent règlement ne devrait s’appliquer qu’aux mesures de protection de l’enfant, c’est-à-dire à la désignation et aux fonctions d’une personne ou d’un organisme chargé de gérer les biens de l’enfant, de le représenter et de l’assister et aux mesures relatives à l’administration, à la conservation ou à la disposition des biens de l’enfant. Dans ce contexte et à titre d’exemple, le présent règlement devrait s’appliquer aux cas dans lesquels
l’objet de la procédure est la désignation d’une personne ou d’un organisme chargé d’administrer les biens de l’enfant. Les mesures relatives aux biens de l’enfant qui ne concernent pas la protection de l’enfant devraient continuer à être régies par le règlement [Bruxelles I bis]. Toutefois, il devrait être possible que les dispositions du présent règlement relatives à la compétence pour connaître de questions incidentes puissent s’appliquer à ces cas.

[...]

(19) Les règles de compétence en matière de responsabilité parentale sont conçues en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et devraient être appliquées dans le respect dudit intérêt. [...]

(20) Pour sauvegarder l’intérêt supérieur de l’enfant, la compétence devrait en premier lieu être déterminée en fonction du critère de proximité. Ce sont donc les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle qui devraient être compétentes, sauf dans certaines situations prévues dans le présent règlement, par exemple en cas de changement de résidence de l’enfant ou à la suite d’un accord conclu entre les titulaires de la responsabilité parentale.

[...]

(91) Il est rappelé que, pour les accords conclus par un État membre avec un ou plusieurs États tiers avant la date de son adhésion à l’Union, l’article 351 [TFUE] s’applique. »

9 L’article 1er de ce règlement, intitulé « Champ d’application », prévoit :

« 1.   Le présent règlement s’applique aux matières civiles relatives :

a) au divorce, à la séparation de corps et à l’annulation du mariage des époux ;

b) à l’attribution, à l’exercice, à la délégation, au retrait total ou partiel de la responsabilité parentale.

2.   Les matières visées au paragraphe 1, point b), concernent, notamment :

[...]

e) les mesures de protection d’un enfant liées à l’administration, à la conservation ou à la disposition de ses biens.

[...] »

10 L’article 7 dudit règlement, intitulé « Compétence générale », dispose :

« 1.   Les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.

2.   Le paragraphe 1 du présent article s’applique sous réserve des articles 8 à 10. »

11 L’article 10 du règlement Bruxelles II ter, intitulé « Élection de for », énonce, à son paragraphe 1 :

« Les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) l’enfant a un lien étroit avec cet État membre du fait, en particulier, que :

i) au moins un des titulaires de la responsabilité parentale y a sa résidence habituelle ;

ii) cet État membre est l’ancienne résidence habituelle de l’enfant ; ou

iii) l’enfant est ressortissant de cet État membre ;

b) les parties ainsi que tout autre titulaire de la responsabilité parentale :

i) se sont librement accordés sur la compétence, au plus tard au moment où la juridiction est saisie, ou

ii) ont expressément accepté la compétence au cours de la procédure et la juridiction s’est assurée que toutes les parties ont été informées de leur droit de ne pas accepter sa compétence ; et

c) l’exercice de la compétence est dans l’intérêt supérieur de l’enfant. »

12 Le chapitre VIII de ce règlement, qui comprend les articles 94 à 99, régit les relations dudit règlement avec d’autres instruments juridiques dont certains traités bilatéraux conclus entre des États membres et le Saint-Siège.

Le droit bulgare

13 En vertu de l’article 18 du Zakon za zadalzheniata i dogovorite (loi relative aux obligations et aux contrats), les contrats de transfert de propriété ou établissant d’autres droits réels concernant des biens immobiliers sont passés par acte notarié.

14 Conformément à l’article 130, paragraphe 3, du Semeen kodeks (code de la famille), les actes de disposition ayant notamment pour objet des biens immobiliers appartenant à un enfant ne peuvent être effectués qu’avec l’autorisation du Rayonen sad (tribunal d’arrondissement) dans le ressort duquel cet enfant a son adresse actuelle, à condition que l’acte de disposition ne soit pas contraire à l’intérêt de celui-ci.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

15 En 2023, le Sofiyski Rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie), qui est la juridiction de renvoi, a été saisi d’une demande déposée au nom de deux enfants mineures de nationalité russe, dont la résidence habituelle est en Allemagne, afin d’obtenir l’autorisation de vendre les parts qu’elles détiennent dans trois biens immobiliers situés en Bulgarie dont elles ont hérité à la suite du décès de leur père.

16 En effet, conformément à l’article 130, paragraphe 3, du code de la famille, une vente de biens immobiliers appartenant à un enfant doit, au regard de l’intérêt de celui-ci, être autorisée par le Rayonen sad (tribunal d’arrondissement) territorialement compétent, avant de pouvoir être actée par notaire en vertu de l’article 18 de la loi relative aux obligations et aux contrats.

17 La juridiction de renvoi se demande si les juridictions bulgares sont compétentes dans une situation telle que celle en cause au principal. Elle relève, d’une part, que le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation, Bulgarie) fonde la compétence des juridictions bulgares dans une telle situation sur des dispositions de droit interne ainsi que sur l’article 30, paragraphe 2, du traité russo-bulgare, tandis qu’une autre juridiction nationale invoque également l’article 4, paragraphe 1,
sous c), du règlement Rome I. La juridiction de renvoi considère cependant que cette dernière disposition n’est pas pertinente, à la différence de l’article 24, point 1, du règlement Bruxelles I bis.

18 D’autre part, cette juridiction observe qu’une situation telle que celle en cause au principal pourrait également relever, à moins qu’un accord international tel que le traité russo-bulgare n’y déroge, du champ d’application du règlement Bruxelles II ter. Dans ce dernier cas et conformément à l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement, ce seraient les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle, en l’occurrence les juridictions allemandes, qui seraient
compétentes.

19 Dans ces conditions, le Sofiyski Rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les points à trancher dans le cadre de procédures de juridiction gracieuse tendant à l’octroi d’une autorisation judiciaire pour un acte de disposition – par exemple une vente – concernant des biens immobiliers, ou des parts théoriques de biens immobiliers, appartenant à un enfant mineur relèvent-ils du champ d’application de l’article 1er, paragraphe 2, sous e), du règlement [Bruxelles II ter] ?

2) Quel règlement détermine la compétence internationale d’une juridiction d’un État membre de l’Union dans le cadre de procédures de juridiction gracieuse tendant à l’octroi d’une autorisation judiciaire pour un acte de disposition – par exemple une vente – de biens immobiliers ou de parts théoriques de biens immobiliers appartenant à un enfant mineur ? Cette compétence internationale revient-elle – en vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement [Bruxelles II ter] – à la juridiction du lieu
de résidence habituelle de l’enfant, ou bien – en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement [Rome I] ou en vertu de l’article 24, point 1, du règlement [Bruxelles I bis] – à la juridiction du lieu où l’immeuble est situé ?

3) Un traité international bilatéral entre un État membre (la République de Bulgarie) et un pays tiers (l’Union soviétique, ou la Fédération de Russie), conclu avant l’adhésion de l’État membre à l’Union européenne, déroge-t-il aux dispositions du règlement [Bruxelles II ter] relatives à la compétence internationale en matière de responsabilité parentale, lorsque ce traité international n’est pas cité au chapitre VIII d[e ce] règlement [...] ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions

20 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, si la deuxième question mentionne l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement Rome I, la juridiction de renvoi explique qu’elle n’a fait référence à cette disposition que parce qu’une juridiction bulgare a fondé sa compétence sur celle-ci, mais qu’elle n’éprouve aucun doute quant au fait que ladite disposition, qui porte effectivement sur la loi applicable et non sur la compétence judiciaire, n’est pas pertinente afin de résoudre la question, à
la différence de l’article 24, point 1, du règlement Bruxelles I bis.

21 Il y a lieu également de relever que, ainsi qu’il résulte de la décision de renvoi et qu’il a été confirmé à l’audience par l’avocate de la mère et des deux enfants concernées, l’une de ces enfants est devenue majeure en cours de procédure.

22 Dans ces conditions, il convient de considérer que, par ses première et deuxième questions qu’il y a lieu de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’autorisation judiciaire, sollicitée pour le compte d’un enfant mineur résidant habituellement dans un État membre, de vendre les parts que cet enfant détient dans des biens immobiliers situés dans un autre État membre relève du champ d’application du règlement Bruxelles II ter ou de celui du règlement Bruxelles I bis.

23 Selon l’article 1er du règlement Bruxelles II ter, ce dernier s’applique aux matières civiles relatives, notamment, à l’exercice de la responsabilité parentale. En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, sous e), de ce règlement, ces matières concernent en particulier les « mesures de protection de l’enfant liées à l’administration, à la conservation ou à la disposition de ses biens ».

24 Le règlement Bruxelles I bis régit, en vertu de son article 1er, paragraphe 1, la matière civile et commerciale quelle que soit la nature de la juridiction saisie, étant précisé qu’il ressort notamment de son article 24, point 1, que la matière civile et commerciale inclut la « matière de[s] droits réels immobiliers ». L’article 1er, paragraphe 2, sous a), du règlement Bruxelles I bis exclut de son champ d’application « l’état et la capacité des personnes physiques ».

25 En l’occurrence, ainsi que cela résulte de la décision de renvoi, une autorisation judiciaire telle que celle en cause au principal est une mesure prise eu égard à l’état et à la capacité de l’enfant mineur, qui vise à protéger l’intérêt supérieur de celui-ci. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, la nécessité d’obtenir cette autorisation étant ainsi une conséquence directe de cet état et de cette capacité, ladite autorisation constitue, indépendamment de la matière de l’acte juridique
concerné par cette autorisation, une mesure de protection de l’enfant liée à l’administration, à la conservation ou à la disposition de ses biens dans le cadre de l’exercice de la responsabilité parentale, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous e), du règlement Bruxelles II ter, et se rapportant directement à la capacité de la personne physique concernée, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), du règlement Bruxelles I bis (voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 2013, Schneider,
C‑386/12, EU:C:2013:633, point 26, et du 6 octobre 2015, Matoušková, C‑404/14, EU:C:2015:653, points 28 à 31).

26 Compte tenu de ces éléments et de l’intention du législateur de l’Union, telle qu’elle est exprimée au considérant 10 du règlement Bruxelles II ter, une autorisation judiciaire telle que celle en cause au principal relève du champ d’application de ce règlement, à l’exclusion du règlement Bruxelles I bis.

27 Dans ces conditions, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement Bruxelles II ter, ce sont les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant réside habituellement au moment où la juridiction est saisie qui sont, en principe, compétentes pour délivrer une telle autorisation.

28 Eu égard aux motifs qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions que le règlement Bruxelles II ter doit être interprété en ce sens que l’autorisation judiciaire, sollicitée pour le compte d’un enfant mineur résidant habituellement dans un État membre, de vendre les parts que cet enfant détient dans des biens immobiliers situés dans un autre État membre relève de la matière de la responsabilité parentale, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de ce
règlement, en ce que celle-ci concerne les mesures de protection visées au paragraphe 2, sous e), de cet article, de sorte que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement, ce sont les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant réside habituellement au moment où la juridiction est saisie qui sont, en principe, compétentes pour délivrer une telle autorisation.

Sur la troisième question

29 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si un traité bilatéral conclu entre un État membre et un État tiers avant l’adhésion de cet État membre à l’Union peut déroger aux dispositions du règlement Bruxelles II ter alors même qu’il n’est pas mentionné dans le chapitre VIII de ce règlement.

Sur la recevabilité

30 Dans ses observations écrites, le gouvernement espagnol s’interroge sur la recevabilité de la troisième question en ce que cette dernière ne serait pas liée à l’objet de l’affaire au principal et que la juridiction de renvoi n’aurait pas établi l’existence d’un lien entre le traité russo-bulgare et une quelconque disposition du droit de l’Union.

31 À cet égard, il convient de rappeler qu’il appartient aux seules juridictions nationales qui sont saisies du litige et qui doivent assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour. Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une
présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées
[arrêt du 23 novembre 2021, IS (Illégalité de l’ordonnance de renvoi), C‑564/19, EU:C:2021:949, points 60 et 61 ainsi que jurisprudence citée].

32 En vertu d’une jurisprudence constante, reflétée à l’article 94, sous a) et b), du règlement de procédure de la Cour, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. En outre, il est indispensable, comme l’énonce l’article 94,
sous c), du règlement de procédure, que la demande de décision préjudicielle expose les raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la réglementation nationale applicable au litige au principal (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C‑333/21, EU:C:2023:1011, point 59 et jurisprudence citée).

33 En l’occurrence, ainsi que le gouvernement espagnol l’a indiqué en substance dans ses observations écrites, la juridiction de renvoi ne mentionne pas expressément, dans sa troisième question préjudicielle, la disposition du traité russo-bulgare qui pourrait entrer en conflit avec la règle de compétence judiciaire prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement Bruxelles II ter, seule règle évoquée par cette juridiction dans le cas où ce règlement devrait trouver à s’appliquer.

34 Cependant, dans les motifs de la décision de renvoi consacrés à l’exposé du cadre juridique de l’affaire en cause, la juridiction de renvoi cite les articles 25 et 30 de ce traité. D’une part, elle expose qu’il ressort de la jurisprudence nationale que, en vertu de dispositions de droit interne ainsi que de l’article 30, paragraphe 2, dudit traité, les juridictions bulgares se déclarent compétentes, en tant que juridiction de l’État sur le territoire duquel le bien immobilier est situé, pour
donner l’autorisation prévue à l’article 130, paragraphe 3, du code de la famille.

35 D’autre part, il découlerait de l’article 25, paragraphe 6, du traité russo-bulgare que, compte tenu du fait que, dans l’affaire au principal, l’enfant mineure a sa résidence habituelle dans un État qui n’est pas une partie contractante au traité russo-bulgare, à savoir la République fédérale d’Allemagne, les organes judiciaires de la partie contractante dont cette enfant est ressortissante, en l’occurrence les organes judiciaires russes, pourraient également, ainsi que la Commission l’a indiqué
dans ses observations écrites, être compétentes en vertu de cette disposition du traité pour délivrer l’autorisation sollicitée.

36 La règle de compétence visée à l’article 7, paragraphe 1, du règlement Bruxelles II ter prévoit, ainsi qu’il a été indiqué au point 27 du présent arrêt, la compétence de principe des juridictions de l’État membre sur le territoire duquel l’enfant réside habituellement, en l’occurrence, les juridictions allemandes.

37 Cette disposition prévoyant une compétence judiciaire différente de celle qui pourrait découler de l’article 25, paragraphe 6, du traité russo-bulgare ainsi que de celle qui découle, selon la jurisprudence nationale citée dans la demande de décision préjudicielle, de l’article 30, paragraphe 2, de ce traité, il ressort avec suffisamment de clarté de la troisième question, de sa motivation et du cadre juridique exposé par la juridiction de renvoi que cette question est liée à l’objet de l’affaire
au principal en raison de l’existence de règles de compétence judiciaire différentes entre le droit de l’Union et ledit traité et que le problème y soulevé n’est pas purement hypothétique.

38 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la troisième question est recevable.

Sur le fond

39 Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. En outre, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes du droit de l’Union auxquelles le
juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question (arrêt du 15 juillet 2021, Ministrstvo za obrambo, C‑742/19, EU:C:2021:597, point 31).

40 En effet, la circonstance qu’une juridiction nationale a, sur un plan formel, formulé une question préjudicielle en se référant à certaines dispositions du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis
par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige [arrêt du 22 décembre 2022, Ministre de la Transition écologique et Premier ministre (Responsabilité de l’État pour la pollution de l’air), C‑61/21, EU:C:2022:1015, point 34 ainsi que jurisprudence citée].

41 Il importe de souligner que la juridiction de renvoi a, en substance, motivé sa troisième question en relevant que, si le chapitre VIII du règlement Bruxelles II ter régit, conformément à son intitulé, les relations de ce règlement « avec d’autres instruments », ceux mentionnés dans ce chapitre ne concernent aucun traité bilatéral conclu entre un État membre et un État tiers, tel que le traité russo-bulgare, à l’exception des traités bilatéraux conclus par certains États membres avec le
Saint-Siège, lesquels ne sont pas pertinents en l’occurrence.

42 Cela étant, il ressort du considérant 91 du règlement Bruxelles II ter que, pour les accords conclus par un État membre avec un ou plusieurs États tiers avant la date de son adhésion à l’Union, l’article 351 TFUE s’applique.

43 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 351 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il régit les relations d’un traité bilatéral conclu entre un État membre et un État tiers avant l’adhésion de cet État membre à l’Union avec le règlement Bruxelles II ter lorsqu’un tel traité n’est pas mentionné dans le chapitre VIII de ce règlement et, dans l’affirmative, dans quelles circonstances ce traité peut
déroger audit règlement.

44 L’article 351, premier alinéa, TFUE dispose que les droits et obligations résultant de conventions conclues antérieurement au 1er janvier 1958 ou, pour les États adhérents, antérieurement à la date de leur adhésion, entre un ou plusieurs États membres, d’une part, et un ou plusieurs États tiers, d’autre part, ne sont pas affectés par les dispositions des traités. Le deuxième alinéa de cet article précise que, dans la mesure où de telles conventions ne sont pas compatibles avec les traités, le ou
les États membres en cause recourent à tous les moyens appropriés pour éliminer les incompatibilités constatées. En cas de besoin, les États membres se prêtent une assistance mutuelle en vue d’arriver à cette fin et adoptent le cas échéant une attitude commune.

45 Il ressort de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 351 TFUE que cette disposition vise à permettre aux États membres de respecter les droits que les États tiers tirent, conformément au droit international, des conventions antérieures à l’adhésion de ces États membres à l’Union et d’observer leurs obligations correspondantes [voir notamment, en ce sens, arrêts du 9 février 2012, Luksan, C‑277/10, EU:C:2012:65, point 61, du 13 janvier 2022, MIUR et Ufficio Scolastico Regionale per la
Campania, C‑282/19, EU:C:2022:3, point 55, ainsi que du 14 mars 2024, Commission/Royaume-Uni (Arrêt de la Cour suprême), C‑516/22, EU:C:2024:231, point 60].

46 En outre, l’article 351, premier alinéa, TFUE est une règle qui peut, lorsque ses conditions d’application sont réunies, permettre des dérogations à l’application de n’importe quelle disposition du droit de l’Union, qu’il s’agisse du droit primaire ou du droit dérivé [voir, en ce sens, arrêt du 28 octobre 2022, Generalstaatsanwaltschaft München (Extradition et ne bis in idem), C‑435/22 PPU, EU:C:2022:852, points 119 et 121 ainsi que jurisprudence citée].

47 La Cour a toutefois précisé que, si une règle du droit de l’Union peut être tenue en échec par une convention internationale, en vertu de l’article 351, premier alinéa, TFUE, c’est à la double condition qu’il s’agisse d’une convention conclue antérieurement à l’entrée en vigueur des traités de l’Union dans l’État membre concerné et que l’État tiers concerné en tire des droits dont il peut exiger le respect par cet État membre [arrêt du 14 mars 2024, Commission/Royaume-Uni (Arrêt de la Cour
suprême), C‑516/22, EU:C:2024:231, point 64 et jurisprudence citée].

48 La Cour a également indiqué qu’il incombe aux juridictions des États membres de vérifier si une éventuelle incompatibilité entre le droit de l’Union et une convention internationale visée à l’article 351 TFUE peut être évitée en donnant à celle-ci, dans toute la mesure du possible et dans le respect du droit international, une interprétation conforme au droit de l’Union. À défaut de pouvoir procéder à une interprétation conforme de la convention, les États membres sont, en vertu de l’article 351,
deuxième alinéa, TFUE, tenus de prendre les mesures nécessaires en vue d’éliminer l’incompatibilité entre cette convention et le droit de l’Union, le cas échéant en procédant à la dénonciation de celle-ci. Toutefois, dans l’attente d’une telle élimination, l’article 351, premier alinéa, TFUE, les autorise à continuer d’appliquer ladite convention (arrêt du 22 octobre 2020, Ferrari, C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854, points 68 et 69 ainsi que jurisprudence citée).

49 Il résulte des points 44 à 48 du présent arrêt que, lorsqu’un traité conclu entre un État membre et un ou plusieurs États tiers avant la date de l’adhésion de cet État membre à l’Union n’est pas mentionné dans un acte du droit de l’Union, l’article 351 TFUE a, en tant que disposition générale de droit primaire, vocation à régir, ainsi que le rappelle, pour ce qui concerne le règlement Bruxelles II ter, le considérant 91 de ce règlement, les relations entre cet acte et ce traité. Sous réserve
qu’un État tiers partie à un tel traité tire de celui-ci des droits dont il peut exiger le respect par l’État membre en question, l’article 351 TFUE permet à cet État membre d’appliquer les règles de ce traité même si celles-ci sont, faute de pouvoir être interprétées de manière conforme avec le droit de l’Union, incompatibles avec ce dernier. En cas d’incompatibilité, ledit État membre peut continuer à appliquer les règles dudit traité jusqu’à ce que les mesures nécessaires pour éliminer cette
incompatibilité prennent effet.

50 En l’occurrence, en premier lieu, il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier si le traité russo-bulgare conclu par la République de Bulgarie avant son adhésion à l’Union contient des règles dont la Fédération de Russie peut exiger le respect par cet État membre.

51 Si tel devait être le cas, il appartiendrait, en deuxième lieu, à la juridiction de renvoi de vérifier si le traité russo-bulgare est incompatible avec le règlement Bruxelles II ter en ce que ces deux instruments juridiques ne prévoient pas le même for compétent dans les circonstances du litige au principal.

52 Dans le cadre de cette vérification, il conviendra de tenir compte non seulement de l’article 7, paragraphe 1, du règlement Bruxelles II ter, mais également de l’article 7, paragraphe 2, de celui-ci, selon lequel le paragraphe 1 de cet article « s’applique sous réserve des articles 8 à 10 » de ce règlement, formulation reflétant, ainsi qu’il résulte du considérant 20 dudit règlement, la volonté du législateur de l’Union de prévoir, dans certaines situations, la compétence de juridictions autres
que celles du lieu de résidence habituelle de l’enfant, ces dernières étant désignées en vertu du critère de proximité.

53 À cet égard, l’article 10, paragraphe 1, du règlement Bruxelles II ter dispose que les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale lorsque trois conditions sont réunies.

54 Selon le point a) de cette disposition, l’enfant concerné doit avoir un lien étroit avec cet État membre, étant précisé que, du fait de l’expression « en particulier », l’énumération des trois cas de figure à ce point a) n’a pas un caractère exhaustif, l’existence d’un lien étroit pouvant donc également être constatée sur la base d’un autre élément qui est pertinent dans le cadre de la procédure pour laquelle l’élection de for prévue à l’article 10 du règlement Bruxelles II ter est recherchée et
qui génère un lien concret et important entre ledit État membre et les intérêts personnels de cet enfant.

55 Ladite disposition prévoit que les parties ou tout autre titulaire de la responsabilité parentale doivent, selon son point b), i), s’être librement accordés sur la compétence, au plus tard au moment où la juridiction est saisie ou, selon son point b), ii), avoir expressément accepté la compétence au cours de la procédure, la juridiction devant s’assurer dans ce dernier cas que toutes les parties ont été informées de leur droit de ne pas accepter sa compétence.

56 Quant au point c) de la même disposition, il énonce que la compétence de la juridiction concernée doit être exercée dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Ce point reflète le considérant 19 du règlement Bruxelles II ter, qui énonce notamment que les règles de compétence en matière de responsabilité parentale sont conçues en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il s’ensuit que la compétence judiciaire doit être déterminée, avant tout, en fonction de cet intérêt supérieur. Cela ne peut être
assuré que par un examen, dans chaque cas particulier, de la question de savoir si l’élection du for recherchée sur le fondement de l’article 10, paragraphe 1, de ce règlement est conforme audit intérêt (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2014, E., C‑436/13, EU:C:2014:2246, points 45 et 47).

57 La juridiction de renvoi pourrait, dès lors, se reconnaître compétente en vertu du règlement Bruxelles II ter pourvu qu’elle s’assure, premièrement, qu’il existe, dans le cadre de la procédure introduite devant elle, un lien concret et important entre la République de Bulgarie et les intérêts personnels de l’enfant concernée, comme cela pourrait être le cas du fait que cet enfant détient des parts dans des biens immobiliers situés sur le territoire de cet État membre, deuxièmement, que, compte
tenu de l’absence de partie défenderesse dans une procédure gracieuse telle que celle au principal, la mère de l’enfant mineure, en tant qu’unique titulaire de la responsabilité parentale, accepte expressément, au cours de la procédure, la compétence de ladite juridiction après avoir été informée de son droit de ne pas l’accepter et, troisièmement, que cette compétence est exercée dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

58 Si la juridiction de renvoi devait considérer que, dans l’affaire au principal, le traité russo-bulgare est incompatible avec le règlement Bruxelles II ter en ce qu’il confère la compétence à des juridictions différentes de celles désignées par les articles 7 à 10 de ce règlement, elle devra rechercher, en troisième lieu, conformément à la jurisprudence rappelée au point 48 du présent arrêt, si cette incompatibilité peut être évitée au moyen d’une interprétation conforme de ce traité avec ledit
règlement. Dans la négative et si elle n’est pas habilitée à éliminer elle-même cette incompatibilité, la juridiction de renvoi pourra, en quatrième lieu, appliquer les règles dudit traité et ignorer celles du règlement Bruxelles II ter.

59 Il convient de souligner toutefois que, si les juridictions des États membres sont certes tenues de vérifier si une éventuelle incompatibilité entre le droit de l’Union et une convention bilatérale antérieure, telle que le traité russo-bulgare, peut être évitée en donnant à cette convention, dans toute la mesure du possible et dans le respect du droit international, une interprétation conforme au droit de l’Union, elles ne sont pas tenues de vérifier si une éventuelle incompatibilité entre le
droit de l’Union et une telle convention peut être évitée en interprétant ou en appliquant le droit de l’Union d’une manière qui soit conforme à ladite convention.

60 Ainsi, la juridiction de renvoi ne doit pas recourir à la possibilité, visée au point 57 du présent arrêt, de se reconnaître compétente en vertu de l’article 10, paragraphe 1, sous a), sous b), ii), et sous c), du règlement Bruxelles II ter, au lieu d’appliquer la règle de compétence générale énoncée à l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement, dans le but de concilier le droit de l’Union avec le traité russo-bulgare et de constater, par ce biais, que, dans les circonstances du litige au
principal, ledit traité est compatible avec le droit de l’Union en ce que l’un et l’autre prévoient le même for compétent dans le cadre de ce litige.

61 Eu égard aux motifs qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que l’article 351 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il régit les relations d’un traité conclu entre un État membre et un ou plusieurs États tiers avant la date de l’adhésion de cet État membre à l’Union avec le règlement Bruxelles II ter dès lors que ce traité, tout en n’étant pas mentionné dans le chapitre VIII de ce règlement, confère des droits dont un État tiers partie audit traité peut exiger le respect
par l’État membre concerné. En cas d’incompatibilité entre un tel traité et le règlement Bruxelles II ter, qui ne peut être évitée par une juridiction de cet État membre dans le cadre d’une procédure pendante devant elle relevant d’une matière régie à la fois par ce traité et par ce règlement, cette juridiction peut appliquer les règles dudit traité au détriment de celles établies par ledit règlement, aussi longtemps que les mesures nécessaires pour éliminer cette incompatibilité n’ont pas pris
effet, étant précisé que ledit État membre doit recourir à tous les moyens appropriés aux fins de l’adoption et de la mise en œuvre de telles mesures.

Sur les dépens

62 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

  1) Le règlement (UE) 2019/1111 du Conseil, du 25 juin 2019, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants,

doit être interprété en ce sens que :

l’autorisation judiciaire, sollicitée pour le compte d’un enfant mineur résidant habituellement dans un État membre, de vendre les parts que cet enfant détient dans des biens immobiliers situés dans un autre État membre relève de la matière de la responsabilité parentale, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, en ce que celle-ci concerne les mesures de protection visées au paragraphe 2, sous e), de cet article, de sorte que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1,
dudit règlement, ce sont les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant réside habituellement au moment où la juridiction est saisie qui sont, en principe, compétentes pour délivrer une telle autorisation.

  2) L’article 351 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il régit les relations d’un traité conclu entre un État membre et un ou plusieurs États tiers avant la date de l’adhésion de cet État membre à l’Union européenne avec le règlement 2019/1111 dès lors que ce traité, tout en n’étant pas mentionné dans le chapitre VIII de ce règlement, confère des droits dont un État tiers partie audit traité peut exiger le respect par l’État membre concerné. En cas d’incompatibilité entre un tel traité et le
règlement 2019/1111, qui ne peut être évitée par une juridiction de cet État membre dans le cadre d’une procédure pendante devant elle relevant d’une matière régie à la fois par ce traité et par ce règlement, cette juridiction peut appliquer les règles dudit traité au détriment de celles établies par ledit règlement, aussi longtemps que les mesures nécessaires pour éliminer cette incompatibilité n’ont pas pris effet, étant précisé que ledit État membre doit recourir à tous les moyens appropriés
aux fins de l’adoption et de la mise en œuvre de telles mesures.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.

( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-395/23
Date de la décision : 06/03/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Sofiyski Rayonen sad.

Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (UE) 2019/1111 – Champ d’application – Article 1er, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, sous e) – Mesure liée à la disposition des biens d’un enfant – Article 7 – Compétence en matière de responsabilité parentale – Article 10 – Élection de for – Règlement (UE) no 1215/2012 – Champ d’application – Article 1er, paragraphe 2, sous a) – Exclusion concernant l’état et la capacité des personnes physiques – Règles de compétence judiciaire prévues dans un accord bilatéral entre la République de Bulgarie et la Fédération de Russie conclu avant l’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union européenne – Différence entre ces règles et celles prévues par le règlement 2019/1111 – Article 351 TFUE – Notion d’“incompatibilité”.

Coopération judiciaire en matière civile

Espace de liberté, de sécurité et de justice


Parties
Demandeurs : E.M.A. e.a.

Composition du Tribunal
Avocat général : Richard de la Tour
Rapporteur ?: Spineanu-Matei

Origine de la décision
Date de l'import : 11/03/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:142

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