ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)
6 mars 2025 ( *1 )
« Manquement d’État – Article 260, paragraphe 2, TFUE – Traitement des déchets – Directive 2008/98/CE – Granulats de pierre mis en décharge sur le site de Biljane Donje (Croatie) – Article 5, paragraphe 1 – Notion de “sous‑produit” – Article 13 – Obligation des États membres de veiller à la protection de la santé humaine et de l’environnement – Article 15, paragraphe 1 – Obligation de faire traiter les déchets par leur détenteur ou par d’autres personnes désignées – Arrêt de la Cour constatant un
manquement – Inexécution – Sanctions pécuniaires – Somme forfaitaire – Astreinte »
Dans l’affaire C‑315/23,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, introduit le 23 mai 2023,
Commission européenne, représentée par Mme M. Escobar Gómez, MM. M. Mataija et P. Ondrůšek, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
République de Croatie, représentée par Mme G. Vidović Mesarek, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
LA COUR (septième chambre),
composée de M. F. Biltgen (rapporteur), président de la première chambre, faisant fonction de président de la septième chambre, Mme M. L. Arastey Sahún, présidente de la cinquième chambre, et M. J. Passer, juge,
avocat général : M. P. Pikamäe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour :
– de constater que, en n’ayant pas pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 2 mai 2019, Commission/Croatie (Décharge de Biljane Donje) (C‑250/18, ci‑après l’« arrêt Commission/Croatie », EU:C:2019:343), la République de Croatie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE ;
– de condamner la République de Croatie, au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, à verser à la Commission une somme forfaitaire d’un montant correspondant au montant journalier de 840 euros multiplié par le nombre de jours écoulés entre la date du prononcé de l’arrêt constatant le manquement et la date à laquelle cet État membre se conforme à cet arrêt, ou, à défaut, la date du prononcé de l’arrêt de la Cour dans la présente affaire, la somme forfaitaire minimale étant fixée
à 392000 euros ;
– de condamner la République de Croatie à verser à la Commission une astreinte journalière d’un montant de 7560 euros par jour de retard dans l’exécution de l’arrêt constatant le manquement, à compter de la date du prononcé de l’arrêt dans la présente procédure jusqu’à la date de l’exécution complète de l’arrêt Commission/Croatie, et
– de condamner la République de Croatie aux dépens.
Le cadre juridique
La directive 2008/98/CE
2 L’article 1er de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO 2008, L 312, p. 3), intitulé « Objet et champ d’application », dispose :
« La présente directive établit des mesures visant à protéger l’environnement et la santé humaine par la prévention ou la réduction des effets nocifs de la production et de la gestion des déchets, et par une réduction des incidences globales de l’utilisation des ressources et une amélioration de l’efficacité de cette utilisation. »
3 L’article 3, point 1, de cette directive définit la notion de « déchets » comme étant « toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire ».
4 L’article 5 de ladite directive, intitulé « Sous‑produits », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Une substance ou un objet issu d’un processus de production dont le but premier n’est pas la production dudit bien ne peut être considéré comme un sous‑produit et non comme un déchet au sens de l’article 3, point 1, que si les conditions suivantes sont remplies :
a) l’utilisation ultérieure de la substance ou de l’objet est certaine ;
b) la substance ou l’objet peut être utilisé directement sans traitement supplémentaire autre que les pratiques industrielles courantes ;
c) la substance ou l’objet est produit en faisant partie intégrante d’un processus de production ; et
d) l’utilisation ultérieure est légale, c’est‑à‑dire que la substance ou l’objet répond à toutes les prescriptions pertinentes relatives au produit, à l’environnement et à la protection de la santé prévues pour l’utilisation spécifique et n’aura pas d’incidences globales nocives pour l’environnement ou la santé humaine. »
5 Aux termes de l’article 13 de la même directive, intitulé « Protection de la santé humaine et de l’environnement » :
« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, et notamment :
a) sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore ;
b) sans provoquer de nuisances sonores ou olfactives ; et
c) sans porter atteinte aux paysages ou aux sites présentant un intérêt particulier. »
6 L’article 15 de la directive 2008/98, intitulé « Responsabilité de la gestion des déchets », dispose, à son paragraphe 1 :
« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour veiller à ce que tout producteur de déchets initial ou autre détenteur de déchets procède lui‑même à leur traitement ou qu’il le fasse faire par un négociant, un établissement ou une entreprise effectuant des opérations de traitement des déchets ou par un collecteur de déchets privé ou public, conformément aux articles 4 et 13. »
La communication de 2023
7 La communication de la Commission 2023/C 2/01, intitulée « Sanctions financières dans les procédures d’infraction » (JO 2023, C 2, p. 1, ci‑après la « communication de 2023 »), prévoit, à ses points 3 et 4, les règles relatives respectivement à l’« astreinte » et à la « somme forfaitaire ».
8 Le point 3.2 de cette communication, intitulé « Application du coefficient de gravité (facteur compris entre 1 et 20) », est libellé comme suit :
« Une infraction relative à l’inexécution d’un arrêt par un État membre [...] est toujours considérée comme grave. Afin d’adapter le montant de la sanction aux circonstances particulières de l’espèce, la Commission détermine le coefficient de gravité sur la base de deux paramètres : l’importance des règles de l’Union enfreintes ou non transposées et les effets de l’infraction sur des intérêts d’ordre général ou particulier.
[...] la gravité de l’infraction est déterminée par un coefficient, fixé par la Commission, compris entre un minimum de 1 et un maximum de 20. »
9 Aux termes du point 3.3 de ladite communication, intitulé « Application du coefficient de durée » :
« [...]
Le coefficient de durée est exprimé sous la forme d’un multiplicateur compris entre 1 et 3. Il est calculé à un taux de 0,10 par mois à compter de la date du premier arrêt [...]
[...] »
10 Le point 3.4 de la même communication, intitulé « Capacité de paiement de l’État membre », prévoit :
« [...]
Le niveau de sanction requis pour produire un effet dissuasif variera en fonction de la capacité de paiement des États membres. Cet effet dissuasif se reflète dans le facteur n. Il se définit comme une moyenne géométrique pondérée du produit intérieur brut (PIB) [...] de l’État membre concerné par rapport à la moyenne des PIB des États membres, dont le poids est égal à deux, et de la population de l’État membre concerné par rapport à la moyenne de la population des États membres, dont le poids
est égal à un. Cela représente la capacité de paiement de l’État membre concerné par rapport à la capacité de paiement des autres États membres :
Image
[...]
La Commission a [...] décidé de revoir sa méthode de calcul du facteur n, qui repose désormais principalement sur le PIB des États membres et, à titre subsidiaire, sur leur population en tant que critère démographique permettant de maintenir un écart raisonnable entre les différents États membres. La prise en compte de la population des États membres pour un tiers du calcul du facteur n réduit dans une mesure raisonnable la variation des facteurs n des États membres en comparaison avec un calcul
fondé uniquement sur le PIB des États membres. Elle ajoute également un élément de stabilité dans le calcul du facteur n, étant donné qu’il est peu probable que la population varie de manière significative sur une base annuelle. En revanche, le PIB d’un État membre est susceptible de connaître des fluctuations annuelles plus importantes, en particulier en période de crise économique. Dans le même temps, étant donné que le PIB de l’État membre représente encore deux tiers du calcul, il demeure le
facteur prédominant aux fins de l’évaluation de sa capacité de paiement.
[...] »
11 Le point 4.2 de la communication de 2023 précise la méthode de calcul de la somme forfaitaire comme suit :
« La somme forfaitaire est calculée d’une manière globalement similaire à la méthode de calcul de l’astreinte, à savoir :
– en multipliant un forfait par un coefficient de gravité ;
– en multipliant le résultat par le facteur n ;
– en multipliant le résultat par le nombre de jours de persistance de l’infraction [...]
[...] »
12 Le point 4.2.1 de cette communication prévoit :
« Aux fins du calcul de la somme forfaitaire, le montant journalier doit être multiplié par le nombre de jours de persistance de l’infraction. Ce nombre de jours est défini comme suit :
– pour les recours introduits en vertu de l’article 260, paragraphe 2, [TFUE], il s’agit du nombre de jours compris entre la date du prononcé du premier arrêt et la date à laquelle l’infraction prend fin ou, à défaut de régularisation, la date du prononcé de l’arrêt au titre de l’article 260 [TFUE] ;
[...] »
13 Aux termes du point 4.2.2 de ladite communication :
« Pour le calcul de la somme forfaitaire, la Commission applique le même coefficient de gravité et le même facteur n fixe que pour le calcul de l’astreinte [...]
Le forfait de la somme forfaitaire est inférieur à celui des astreintes. [...]
Le forfait applicable à la somme forfaitaire est fixé au point 2 de l’annexe I.
[...] »
14 L’annexe I de la communication de 2023, intitulée « Données servant au calcul des sanctions financières proposées à la Cour », prévoit, à son point 1, que le forfait de l’astreinte mentionné au point 3.1 de cette communication est fixé à 3000 euros par jour, à son point 2, que le forfait de la somme forfaitaire mentionné au point 4.2.2 de ladite communication est fixé à 1000 euros par jour, et, à son point 3, que le facteur « n » pour la République de Croatie est fixé à 0,14. Au point 5 de cette
annexe I, il est précisé que la somme forfaitaire minimale fixée pour la République de Croatie s’élève à 392000 euros.
L’arrêt Commission/Croatie
15 Dans son arrêt Commission/Croatie, la Cour a jugé que :
– en ne constatant pas que les granulats de pierre mis en décharge à Biljane Donje (Croatie) sont des déchets, et non des sous‑produits, et qu’il y a lieu de les gérer comme des déchets, la République de Croatie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/98 ;
– en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets mis en décharge à Biljane Donje se fasse sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, la République de Croatie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13 de la directive 2008/98, et
– en ne prenant pas les mesures nécessaires pour veiller à ce que le détenteur des déchets mis en décharge à Biljane Donje traite les déchets lui-même ou les fasse traiter par un négociant, un établissement ou une entreprise effectuant des opérations de traitement des déchets ou par un collecteur de déchets public ou privé, la République de Croatie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98.
La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour
16 Par lettre du 28 mai 2019, la Commission a invité la République de Croatie à lui communiquer les mesures prises ou envisagées, accompagnées d’un calendrier détaillé, pour se conformer à l’arrêt Commission/Croatie.
17 Dans sa réponse du 17 octobre 2019, la République de Croatie a indiqué que les granulats de pierre mis en décharge sur le site de Biljane Donje étaient destinés à la rénovation de l’aéroport de Zadar (Croatie) et à la réhabilitation de mines à ciel ouvert sur des sites d’extraction de bauxite abandonnés. Cet État membre a fait état d’un certain nombre de mesures devant être prises à cet effet, sans toutefois fournir un calendrier pour la mise en œuvre des mesures envisagées.
18 Estimant, à la suite des réunions qui se sont tenues entre la Commission et les autorités croates les 5 et 6 novembre 2019 ainsi que le 16 juin 2021, que la République de Croatie n’avait pas pris toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt Commission/Croatie, les autorités croates n’ayant pas précisé quelles mesures spécifiques elles envisageaient d’adopter pour se conformer à cet arrêt et dans quel délai elles mettraient en œuvre ces mesures, la Commission a, le 23 septembre 2021,
adressé à cet État membre une lettre de mise en demeure, l’invitant à présenter ses observations dans un délai de deux mois à compter de la réception de celle‑ci.
19 Le 23 novembre 2021, la République de Croatie a répondu à ladite lettre de mise en demeure en indiquant qu’une analyse des propriétés des scories rocheuses, composant la substance mise en décharge sur le site de Biljane Donje et se présentant sous la forme de granulats (ci-après les « scories en cause »), en vue de déterminer leur potentiel d’utilisation en tant que matériaux de construction, était toujours en cours et que, aux fins de cette analyse, un expert avait été sélectionné dans le cadre
d’une procédure de marché public, qui devait rendre son rapport d’expertise au plus tard le 21 mars 2022. Cet État membre a précisé que l’exécution de l’arrêt Commission/Croatie dépendrait des conclusions de ce rapport.
20 Selon la République de Croatie, s’il ressort de ce rapport d’expertise que les scories en cause peuvent être utilisées en tant que matériaux de construction, trois options lui seraient ouvertes. En substance, premièrement, aux fins de la réalisation des projets d’intérêt public, les granulats de pierre pourraient être mis gratuitement à la disposition des collectivités locales et régionales, lesquelles devraient auparavant être invitées à manifester leur intérêt pour ceux-ci. Deuxièmement, en cas
d’intérêt inexistant pour la première option ou en cas d’intérêt insuffisant pour la totalité desdits granulats, ceux‑ci pourraient être cédés à titre onéreux à des collectivités locales ou régionales ou à des personnes morales détenues ou établies par l’État croate pour la réalisation de projets commerciaux ou de projets qui ne sont pas d’intérêt public, sans appel d’offres public. Troisièmement, les granulats de pierre pourraient être vendus dans le cadre d’un appel d’offres public. La
République de Croatie a également fait observer que les scories en cause pourraient devoir être transformées avant d’être utilisées dans la construction, ce qui nécessiterait, en ce qui concerne les deux premières options, l’ouverture d’une nouvelle procédure de passation de marché public dont le terme pourrait, en cas de recours, être prorogé. Au demeurant, la durée prévisible de la transformation des scories en cause dépendrait de différents facteurs et, même après cette transformation, la
République de Croatie pourrait disposer des scories en cause selon lesdites trois options, ce qui impliquerait le respect d’étapes supplémentaires dans la procédure.
21 Dans l’hypothèse où les conclusions du rapport d’expertise révéleraient que les scories en cause mises en décharge ne pourraient pas être utilisées en tant que matériaux de construction, la République de Croatie a indiqué qu’elle se conformerait au zakon o gospodarenju otpadom (loi relative à la gestion des déchets), du 15 juillet 2021 (Narodne novine, br. 84/2021, ci‑après la « loi relative à la gestion des déchets »). Dans ce cas, les autorités croates remettraient les scories en cause pour
traitement à une personne autorisée ou les livreraient en dehors de la Croatie, conformément au règlement (CE) no 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant les transferts de déchets (JO 2006, L 190, p. 1).
22 Dans les deux hypothèses mentionnées aux points 20 et 21 du présent arrêt, ces autorités devraient d’abord organiser une procédure de passation de marché public et, par la suite, assurer la réhabilitation du site de Biljane Donje conformément à la loi relative à la gestion des déchets.
23 La République de Croatie a également précisé qu’elle inclurait le site de Biljane Donje dans le plan de gestion des déchets avant la fin de l’année 2021.
24 Considérant que cet État membre n’avait pas pris les mesures nécessaires aux fins de l’exécution de l’arrêt Commission/Croatie, la Commission a introduit le présent recours le 23 mai 2023.
25 Par une décision du président de la Cour du 4 mars 2024, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt à intervenir dans l’affaire C‑147/23. À la suite du prononcé de l’arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte) (C‑147/23, EU:C:2024:346), le président de la Cour a ordonné, le même jour, la reprise de la procédure dans la présente affaire.
Sur le recours
Sur le manquement
Argumentation des parties
26 Le recours de la Commission est fondé sur trois griefs, tirés de la violation, respectivement, de l’article 5, paragraphe 1, de l’article 13 et de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98.
27 Par son premier grief, la Commission reproche à la République de Croatie de ne pas avoir pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt Commission/Croatie pour mettre fin à la violation de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/98, en ce que cet État membre n’avait pas constaté que les granulats de pierre mis en décharge sur le site de Biljane Donje étaient des déchets.
28 La Commission soutient que, nonobstant le prononcé de cet arrêt, l’approche dudit État membre concernant les scories en cause est restée essentiellement la même par rapport à celle qui était la sienne avant ce prononcé. Il ressortirait, en effet, des observations de la République de Croatie présentées au cours de la procédure précontentieuse, visées aux points 19 à 23 du présent arrêt, que les autorités croates ont continué d’examiner s’il était possible d’utiliser ces scories dans la
construction, ce qui montrerait que lesdites scories sont toujours traitées comme étant des sous‑produits dont il convient d’assurer l’utilisation ultérieure, et non comme étant des déchets.
29 S’agissant des considérations avancées par la République de Croatie au cours de ladite procédure précontentieuse concernant les éventuelles utilisations futures des scories en cause mises en décharge sur le site de Biljane Donje, la Commission fait observer que l’utilisation de ces scories en tant que matériaux de construction était seulement envisagée par cet État membre.
30 Au demeurant, le fait que, dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, la République de Croatie ait décrit, dans l’hypothèse où l’utilisation desdites scories à des fins de construction s’avérerait impossible, les mesures supplémentaires qu’impose sa législation en matière de gestion des déchets, y compris l’inclusion du site de Biljane Donje dans le plan de gestion des déchets, n’infirmerait en rien le caractère incertain d’une utilisation des scories en cause à des fins de construction. En
effet, l’allégation selon laquelle ces scories pourraient constituer des déchets ne serait qu’une simple spéculation, insuffisante pour mettre un terme à la violation de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/98 constatée dans l’arrêt Commission/Croatie. De même, l’annonce par cet État membre de certains travaux préparatoires, tels que des modifications du plan de gestion des déchets, ne saurait suffire à cette fin.
31 La Commission en conclut que la violation de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/98 persiste.
32 Par son deuxième grief, la Commission reproche à la République de Croatie de ne pas avoir pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt Commission/Croatie pour mettre fin à la violation de l’article 13 de cette directive, telle que constatée par la Cour dans cet arrêt, en ce que cet État membre n’avait pas pris les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets mis en décharge sur le site de Biljane Donje se fasse sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à
l’environnement.
33 La Commission soutient qu’il n’est pas contesté que ces déchets sont toujours déposés irrégulièrement, au même endroit et de la même manière. Il en résulterait que la République de Croatie n’a pas assuré l’élimination correcte des déchets mis en décharge sur le site de Biljane Donje à la date de référence pour apprécier la persistance du manquement, à savoir le 23 novembre 2021.
34 Cette institution ajoute qu’il ne saurait être davantage déduit des mesures prises par cet État membre après cette date que des mesures efficaces ont été adoptées pour éliminer les déchets conformément à la directive 2008/98.
35 La Commission en conclut que la violation de l’article 13 de la directive 2008/98 persiste.
36 Par son troisième grief, la Commission reproche à la République de Croatie de ne pas avoir pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt Commission/Croatie pour mettre fin à la violation de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98, telle que constatée par la Cour dans cet arrêt, en ce que cet État membre n’avait pas pris les mesures nécessaires pour veiller à ce que le détenteur des déchets mis en décharge sur le site de Biljane Donje traite les déchets lui‑même ou les fasse
traiter par un négociant, un établissement ou une entreprise effectuant des opérations de traitement des déchets ou par un collecteur de déchets public ou privé.
37 La Commission rappelle, à cet égard, que, conformément à la jurisprudence relative à l’article 8 de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO 1975, L 194, p. 39), qui a précédé la directive 2008/98, les États membres ont l’obligation d’assurer l’assainissement des décharges illégales.
38 Or, à la date de référence pour apprécier la persistance du manquement, à savoir le 23 novembre 2021, les scories en cause auraient toujours été indûment mises en décharge sur le site de Biljane Donje et n’auraient pas été traitées, dans la mesure où la République de Croatie serait restée en défaut de prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98.
39 En conséquence, la Commission considère que la violation de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98 persiste.
40 La République de Croatie demande à la Cour de rejeter le recours comme étant non fondé.
41 S’agissant, en premier lieu, du grief tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/98, cet État membre fait valoir qu’il a été constaté, au cours de la procédure devant la Cour dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Croatie, que les scories en cause constituaient des ressources minérales appartenant à la République de Croatie et que, par conséquent, les autorités nationales devaient se conformer au zakon o upravljanju državnom imovinom (loi relative à
l’administration des biens publics), du 25 mai 2018 (Narodne novine, br. 52/18), et, plus particulièrement, à l’article 9 de cette loi. Conformément à cet article, lequel prescrit une gestion rationnelle, transparente et publique des biens publics, en vue du développement durable de la République de Croatie, et, notamment, l’accomplissement de tous les actes liés aux biens publics dans le respect d’une bonne gestion et des principes de l’administration des biens publics, les autorités croates
auraient été tenues de constater d’emblée l’impossibilité d’utiliser les scories en cause dans la construction comme étant l’option d’assainissement la plus avantageuse et la plus rapide de la décharge située à Biljane Donje.
42 Parallèlement, le ministère de l’Économie et du Développement durable (Croatie) aurait entamé, en vue de l’exécution de l’arrêt Commission/Croatie, une procédure visant à inscrire cette décharge sur la liste des projets d’assainissement, conformément à la loi relative à la gestion des déchets, précisément pour le cas où il s’avérerait, après un examen détaillé des propriétés des scories en cause mises en décharge, que l’utilisation ultérieure de celles-ci en tant que matériaux de construction ne
serait pas possible. Dans ce cas, il aurait été prévu d’assurer la gestion des scories en cause de manière sûre, conformément à la loi relative à la gestion des déchets.
43 La République de Croatie précise que, au vu des résultats de plusieurs expertises qui avaient fait état de restrictions concernant le réemploi des scories en cause en tant que matériaux de construction et de l’impossibilité d’utiliser ces scories pour fermer des mines à ciel ouvert inactives, ses autorités ont conclu que toutes les possibilités d’utiliser les scories en cause en tant que sous‑produits avaient été épuisées et que, par conséquent, la décharge située à Biljane Donje serait assainie
conformément à la loi relative à la gestion des déchets. Cet État membre soutient qu’il a donc conclu que les scories en cause mises en décharge sur le site de Biljane Donje étaient des déchets et non des sous‑produits et qu’elles devaient être traitées comme tels, si bien qu’il a satisfait aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/98.
44 S’agissant, en deuxième lieu, du grief tiré de la violation de l’article 13 de cette directive, la République de Croatie fait valoir que c’est précisément pour protéger la santé humaine et l’environnement, conformément à la finalité des dispositions en cause de ladite directive, que ses autorités ont agi pour garantir les conditions préalables à un assainissement plus efficace de la décharge située à Biljane Donje, de manière à garantir le réemploi des scories en cause dans la construction. Il
aurait été nécessaire, à cette fin, de procéder à plusieurs expertises qui, compte tenu des mesures de restriction et de suspension de la vie publique en Croatie en raison de la pandémie de COVID‑19, auraient été retardées.
45 La République de Croatie conteste ainsi l’allégation de la Commission selon laquelle elle n’aurait pris aucune mesure significative en vue de l’exécution de l’arrêt Commission/Croatie. Les autorités de cet État membre n’auraient cessé de mener des actions visant à trouver la meilleure solution pour éliminer les scories en cause d’une manière qui respecte les exigences de la santé et de l’environnement. En se fondant sur les conclusions d’un rapport de l’Institut croate de géologie du mois de juin
2018 portant sur l’analyse de la qualité du sol, de l’air, des eaux souterraines et des eaux de pluie recueillies dans les conteneurs ménagers de la région de Biljane Donje et de sa grande région, dont il ressort que la situation était acceptable au regard des paramètres organiques et inorganiques potentiellement toxiques analysés, les autorités croates auraient décidé de procéder à d’autres expertises, mentionnées au point 43 du présent arrêt, afin d’assurer le réemploi des scories en cause et
leur élimination effective. Cependant, au vu des conclusions de ces autres expertises, il aurait été conclu que la décharge en cause ferait l’objet d’un assainissement, conformément à la loi relative à la gestion des déchets.
46 La République de Croatie relève, dans ce contexte, qu’un calendrier détaillé a été fixé pour la mise en œuvre des activités en vue d’éliminer les déchets en cause sur le site de Biljane Donje, lesquelles seraient réalisées sur la période allant du mois d’août 2023 au mois d’août 2025.
47 S’agissant, en troisième lieu, du grief tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98, la République de Croatie précise avoir déjà inscrit, à la date de l’expiration du délai imparti dans la lettre de mise en demeure ainsi qu’à la date de l’introduction du présent recours, le projet d’assainissement de la décharge située à Biljane Donje dans le plan de gestion des déchets pour la période 2017-2022, lequel a été modifié au mois de janvier 2022. En outre, cet État
membre aurait élaboré, dans le nouveau plan de gestion des déchets pour la période 2023-2028, un projet d’assainissement de cette décharge et déterminé toutes les autres étapes qui seraient mises en œuvre au cours de la période allant du mois d’août 2023 au mois d’août 2025 afin de mener à bien l’assainissement complet de ladite décharge.
48 Dans son mémoire en duplique, la République de Croatie relève, en outre, s’agissant dudit grief, que l’approche suivie par ses autorités, consistant à vérifier la possibilité de réutilisation des scories en cause, conformément à la législation nationale relative à l’administration des biens publics, est justifiée au regard de la hiérarchie des déchets établie par la directive 2008/98, selon laquelle la préparation en vue du réemploi, du recyclage ou de toute autre valorisation priment
l’élimination des déchets.
Appréciation de la Cour
49 En vertu de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, si la Commission estime que l’État membre concerné n’a pas pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour, elle peut saisir cette dernière, après avoir mis cet État membre en mesure de présenter ses observations, en indiquant le montant de la somme forfaitaire ou de l’astreinte à payer par ledit État membre qu’elle estime adapté aux circonstances.
50 À cet égard, la date de référence pour apprécier l’existence d’un manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE est celle de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure émise en vertu de cette disposition [arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, point 56 et jurisprudence citée].
51 En l’espèce, la Commission ayant émis la lettre de mise en demeure le 23 septembre 2021, la date de référence pour apprécier l’existence d’un manquement mentionnée au point précédent du présent arrêt est celle de l’expiration du délai fixé dans cette lettre, à savoir le 23 novembre 2021.
52 Il y a lieu également de rappeler que le dispositif d’un arrêt en manquement, lequel décrit le manquement constaté par la Cour, revêt une importance particulière pour la détermination des mesures que l’État membre est tenu d’adopter afin de donner pleine exécution à cet arrêt. Le dispositif dudit arrêt doit être compris à la lumière des motifs du même arrêt [arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, point 58 et
jurisprudence citée].
– Sur le grief tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/98
53 Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/98, une substance ou un objet issu d’un processus de production dont le but premier n’est pas la production de cette substance ou de ce produit peut être considéré comme étant non pas un « déchet », au sens de l’article 3, point 1, de cette directive, mais comme étant un « sous‑produit », uniquement si les conditions cumulatives figurant aux points a) à d) de cet article 5, paragraphe 1, sont remplies. Parmi ces conditions, figure
celle visée audit point a), selon laquelle « l’utilisation ultérieure de la substance ou de l’objet est certaine ».
54 Au point 1, premier alinéa, du dispositif de l’arrêt Commission/Croatie, la Cour a jugé que la République de Croatie avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/98, en ne constatant pas que les granulats de pierre mis en décharge sur le site de Biljane Donje sont des déchets, et non des sous‑produits, et qu’il y a lieu de les gérer comme des déchets.
55 Ce point 1, premier alinéa, du dispositif de l’arrêt Commission/Croatie était fondé sur le constat opéré aux points 37, 38, 42 et 43 de cet arrêt selon lequel les scories en cause ne pouvaient être considérées comme étant des « sous‑produits », au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/98, mais constituaient des « déchets », au sens de l’article 3, point 1, de cette directive, dans la mesure où leur utilisation ultérieure par leur détenteur était incertaine et n’était
envisageable qu’à plus ou moins long terme.
56 En l’espèce, il ressort tant de la réponse de la République de Croatie du 23 novembre 2021 à la lettre de mise en demeure, date qui coïncide avec celle de l’expiration du délai fixé dans cette lettre, que de son mémoire en défense qu’une analyse en vue de déterminer la possible utilisation des scories en cause en tant que matériaux de construction était en cours à la date d’expiration du délai fixé dans ladite lettre et que les conclusions de l’expert chargé de réaliser cette analyse étaient
attendues au plus tard pour le 21 mars 2022. Dans cette réponse, ledit État membre a tout d’abord précisé que l’exécution de l’arrêt Commission/Croatie dépendrait des conclusions de l’expertise concernant les propriétés des scories en cause. Il a ensuite évoqué différentes options qui s’offraient à lui au cas où cette expertise devait conclure que ces scories pouvaient être utilisées en tant que matériaux de construction et, enfin, il a affirmé que, au cas où ladite expertise devait constater
qu’un tel réemploi n’était pas possible, la gestion desdites scories serait assurée d’une manière sûre, conformément à la loi relative à la gestion des déchets.
57 Il s’ensuit que, à la date de référence pour apprécier la persistance du manquement en cause, à savoir le 23 novembre 2021, la République de Croatie n’avait toujours pas constaté que les scories en cause constituaient des « déchets », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2008/98, et qu’il y avait lieu de les gérer comme des déchets, mais continuait d’envisager la possibilité d’une utilisation ultérieure de ces scories, sans pour autant avoir pu faire état d’une utilisation
certaine.
58 Ce constat ne saurait être infirmé, premièrement, par l’argument de cet État membre selon lequel il était tenu de se conformer à la loi relative à l’administration des biens publics mentionnée au point 41 du présent arrêt, laquelle prescrit le respect d’une bonne gestion des biens publics. En effet, selon une jurisprudence bien établie, un État membre ne saurait exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations
résultant du droit de l’Union [arrêt du 20 juin 2024, Commission/Bulgarie (Protection des zones spéciales de conservation), C‑85/22, EU:C:2024:535, point 74 et jurisprudence citée].
59 Deuxièmement, les mesures prises ou envisagées dont la République de Croatie se prévaut pour démontrer qu’elle a exécuté l’arrêt Commission/Croatie, en ce qui concerne la constatation selon laquelle les scories en cause mises en décharge sur le site de Biljane Donje sont des déchets et non des sous‑produits, sont postérieures à la date d’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure, à savoir le 23 novembre 2021, et, partant, sont dénuées de pertinence aux fins de l’appréciation de
la persistance du manquement en cause. En effet, notamment, la décision du gouvernement croate, portant modification du plan de gestion des déchets pour la période 2017-2022, par laquelle la décharge située à Biljane Donje a été inscrite sur la liste des projets d’assainissement, la résolution du gouvernement croate concernant l’assainissement de cette décharge et la décision du ministre de l’Économie et du Développement durable ordonnant l’assainissement de ce site ont été adoptées
respectivement les 30 décembre 2021, 24 août 2023 et 30 août 2023, soit postérieurement à la date de référence pour apprécier la persistance du manquement en cause.
60 Troisièmement, l’argument de la République de Croatie selon lequel son approche consistant à vérifier la possibilité de réutilisation des scories en cause était justifiée au regard de la hiérarchie des déchets établie par la directive 2008/98 ne saurait davantage prospérer. En effet, un tel argument reviendrait à contourner l’obligation qui incombe aux États membres, au titre de l’article 260, paragraphe 1, TFUE, de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt de la Cour constatant un
manquement.
61 Dans ces conditions, le grief de la Commission tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/98 doit être accueilli.
– Sur le grief tiré de la violation de l’article 13 de la directive 2008/98
62 Aux termes de l’article 13 de la directive 2008/98, « [l]es États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se [fasse] sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement ».
63 Au point 1, deuxième alinéa, du dispositif de l’arrêt Commission/Croatie, la Cour a jugé que la République de Croatie avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13 de la directive 2008/98 en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets mis en décharge sur le site de Biljane Donje se fasse sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement.
64 À cet égard, il ressort des points 59 et 60 de l’arrêt Commission/Croatie que les autorités croates compétentes étaient restées en défaut de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que ces déchets soient éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter atteinte à l’environnement pendant presque sept années, ce qui constituait « un laps de temps considérable ».
65 Pour parvenir à ce constat, la Cour a, aux points 55 et 56 de l’arrêt Commission/Croatie, rappelé sa jurisprudence dont il ressort qu’une dégradation significative de l’environnement pendant une période prolongée sans intervention des autorités compétentes est inhérente à la présence de déchets dans une décharge, quelle que soit la nature de ceux‑ci. Lorsqu’une telle dégradation significative de l’environnement persiste pendant une période prolongée sans intervention des autorités compétentes,
elle peut révéler que l’État membre concerné a outrepassé la marge d’appréciation que lui confère l’article 13 de la directive 2008/98.
66 Or, dans la réponse de la République de Croatie, du 23 novembre 2021, à la lettre de mise en demeure ainsi que dans son mémoire en défense, cet État membre ne conteste pas que les scories en cause étaient toujours mises en décharge sur le site de Biljane Donje à la date d’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure, à savoir le 23 novembre 2021, et que l’assainissement de cette décharge n’avait pas encore commencé.
67 Ce constat ne saurait être infirmé par les arguments de la République de Croatie.
68 Premièrement, ne saurait prospérer l’argument de cet État membre selon lequel c’est précisément pour protéger la santé humaine et l’environnement, conformément à la finalité des dispositions pertinentes de la directive 2008/98, que les autorités croates ont agi pour garantir les conditions préalables à un assainissement plus efficace de la décharge située à Biljane Donje, de manière à garantir le réemploi des scories en cause dans la construction. En effet, au vu de la jurisprudence exposée au
point 65 du présent arrêt, cet argument vient étayer le grief de la Commission tiré de la violation de l’article 13 de cette directive, plutôt que le réfuter.
69 Deuxièmement, selon les précisions fournies par la République de Croatie dans son mémoire en défense, les conclusions de l’expertise ayant révélé que les scories en cause mises en décharge sur le site de Biljane Donje ne pouvaient être utilisées en tant que matériaux de construction ont été rendues le 5 juillet 2022. Il ressort également des écrits de cet État membre que ce n’est qu’après la remise des conclusions de cette expertise que celui‑ci a conclu que, toutes les possibilités de réemploi
des scories en cause ayant été épuisées, la décharge en cause ferait l’objet d’un assainissement. Ainsi, tant les conclusions de ladite expertise que, a fortiori, les mesures arrêtées ou envisagées après l’épuisement de l’ensemble de ces possibilités de réemploi des scories en cause sont postérieures à la date d’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure, à savoir le 23 novembre 2021. Partant, elles sont dénuées de pertinence aux fins de l’appréciation de la persistance du
manquement en cause.
70 Au demeurant, s’agissant du rapport de l’Institut croate de géologie du mois de juin 2018, mentionné au point 45 du présent arrêt, qui aurait établi que la situation en cause était acceptable au regard des paramètres organiques et inorganiques potentiellement toxiques analysés, il suffit de constater qu’il ne constitue tout au plus qu’une mesure préparatoire en vue de vérifier si les scories en cause pouvaient être utilisées dans la construction en tant que sous‑produits. Il est donc, en tant que
tel, insuffisant pour assurer le respect de l’article 13 de la directive 2008/98.
71 Dans ces conditions, le grief de la Commission tiré de la violation de l’article 13 de la directive 2008/98 doit être accueilli.
– Sur le grief tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98
72 Aux termes de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98, « [l]es États membres prennent les mesures nécessaires pour veiller à ce que tout producteur de déchets initial ou autre détenteur de déchets procède lui‑même à leur traitement ou qu’il le fasse faire par un négociant, un établissement ou une entreprise effectuant des opérations de traitement des déchets ou par un collecteur de déchets privé ou public ».
73 Au point 1, troisième alinéa, du dispositif de l’arrêt Commission/Croatie, la Cour a jugé que la République de Croatie avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98 en ne prenant pas les mesures nécessaires pour veiller à ce que le détenteur des déchets mis en décharge sur le site de Biljane Donje traite les déchets lui-même ou les fasse traiter par un négociant, un établissement ou une entreprise effectuant des opérations de
traitement des déchets ou par un collecteur de déchets public ou privé.
74 À cet égard, il ressort des points 68 et 69 de l’arrêt Commission/Croatie qu’une situation où les scories en cause, qui constituent des « déchets », au sens de l’article 3, point 1, de la directive 2008/98, n’ont, depuis leur dépôt sur le site de Biljane Donje au cours du mois de mai 2010 et jusqu’à l’échéance du délai imparti dans l’avis motivé de la Commission du 18 novembre 2016, pas été traitées de manière à réduire leur incidence négative sur l’environnement n’a pu se produire qu’en raison
de l’absence d’adoption et d’exécution, par la République de Croatie, de mesures contraignantes destinées à amener le producteur initial ou le détenteur desdits déchets à procéder lui-même au traitement de ceux-ci ou à faire appel, en vue de ce traitement, à l’une des autres personnes visées à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98.
75 En outre, au point 70 de l’arrêt Commission/Croatie, la Cour a rappelé la jurisprudence selon laquelle, d’une part, les communes sont tenues de respecter les règles prévues à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98 et peuvent être tenues soit de procéder elles‑mêmes au traitement des déchets provenant de décharges situées sur leur territoire, soit de le faire faire par un négociant, un établissement ou une entreprise effectuant des opérations de traitement des déchets ou par un
collecteur de déchets privé ou public et, d’autre part, l’État membre concerné est tenu d’adopter les mesures nécessaires pour assurer que les communes respectent leurs obligations.
76 En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 66 du présent arrêt, il n’est pas contesté que les scories en cause étaient toujours mises en décharge sur le site de Biljane Donje à la date de référence pour apprécier la persistance du manquement en cause, à savoir le 23 novembre 2021, et que, à la date de la clôture de la phase écrite de la procédure devant la Cour, les travaux d’assainissement de cette décharge se trouvaient seulement dans une phase préparatoire. Il convient d’en déduire que l’état
de fait qui a conduit la Cour à constater une violation de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98 a persisté jusqu’à la date du 23 novembre 2021.
77 Étant donné que les arguments avancés par la République de Croatie pour réfuter le grief de la Commission tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98 se confondent avec ceux invoqués au soutien du grief tiré de la violation de l’article 13 de cette directive, ils doivent être rejetés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 69 et 70 du présent arrêt.
78 Dans ces conditions, le grief de la Commission tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/98 doit être accueilli.
79 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en n’ayant pas pris toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt Commission/Croatie, la République de Croatie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.
Sur les sanctions pécuniaires
Argumentation des parties
80 Considérant que la République de Croatie n’a pas pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt Commission/Croatie, la Commission propose, sur le fondement de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, d’infliger à cet État membre le paiement à la fois d’une somme forfaitaire et d’une astreinte journalière.
81 En vue de la fixation des montants de ces sanctions pécuniaires, la Commission se fonde sur la communication de 2023. En particulier, cette institution indique que la détermination desdites sanctions doit se fonder sur les critères fondamentaux que sont la gravité de l’infraction, sa durée et la nécessité d’assurer l’effet dissuasif de la sanction pour éviter les récidives.
82 En ce qui concerne, premièrement, la gravité de l’infraction, la Commission propose de fixer le coefficient de gravité à 6, sur une échelle allant de 1 à 20, compte tenu, d’une part, de l’importance des règles du droit de l’Union ayant fait l’objet de l’infraction, et, d’autre part, des conséquences de l’infraction sur des intérêts d’ordre général ou particulier.
83 S’agissant, d’une part, de l’importance des règles du droit de l’Union ayant fait l’objet de l’infraction en cause, la Commission rappelle que la directive 2008/98 vise à protéger l’environnement et la santé humaine au moyen de techniques appropriées de gestion, de valorisation et de recyclage des déchets, afin de réduire la pression sur les ressources et d’améliorer leur utilisation. À cet égard, premièrement, l’article 5, paragraphe 1, de cette directive énoncerait les conditions qui doivent
être remplies pour qu’une substance ou un objet issu d’un processus de production dont le but premier n’est pas de produire ladite substance ou ledit objet soit considéré non pas comme étant un déchet, mais comme étant un sous‑produit. Deuxièmement, l’article 13 de ladite directive créerait une obligation positive dans le chef des États membres de prendre les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fasse sans mettre en danger la santé humaine, sans nuire à l’environnement,
sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la flore ou la faune et sans porter atteinte aux paysages. Troisièmement, l’article 15, paragraphe 1, de la même directive imposerait aux États membres de veiller à ce que les producteurs de déchets initiaux ou les détenteurs de déchets traitent eux‑mêmes les déchets ou en confient le traitement à un négociant, à un établissement ou à une entreprise effectuant des opérations de traitement des déchets ou à un collecteur de déchets privé ou public.
84 S’agissant, d’autre part, des effets de l’infraction en cause sur des intérêts d’ordre général ou particulier, la Commission fait valoir la gravité de l’infraction en cause en ce que la République de Croatie a manqué à plusieurs obligations fondamentales découlant de la directive 2008/98, dont le respect est une condition préalable pour éviter les dommages environnementaux et la mise en danger de la santé humaine, ainsi que pour atteindre les objectifs de la politique de l’économie circulaire.
85 Selon la Commission, l’arrêt Commission/Croatie s’inscrit dans le cadre d’une jurisprudence constante relative aux obligations fondamentales prévues par la directive 2008/98, ce qui doit être retenu comme une circonstance aggravante lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction.
86 En outre, la Commission précise que la décharge en cause est située dans le village de Biljane Donje, qui est administrativement rattaché à la ville de Benkovac, laquelle compte environ dix mille habitants, et où environ 140000 tonnes de résidus de transformation de laitier de ferromanganèse et de silicomanganèse ont été mises en décharge directement sur le sol depuis l’année 2010, à moins de 50 mètres d’habitations. Cet arrêt ayant constaté que la mise en décharge des déchets en cause violait
l’obligation d’assurer la mise en décharge des déchets sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, l’inexécution dudit arrêt serait susceptible de causer un préjudice grave et irréparable à la santé humaine et à l’environnement. La Commission indique également, en s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour, que l’accumulation de déchets, avant même qu’ils ne deviennent dangereux pour la santé, constitue, compte tenu notamment de la capacité limitée des régions ou des
sites à les recevoir, un danger pour l’environnement, si bien que l’inexécution dudit arrêt rendrait le comportement reproché encore plus grave. En outre, l’existence d’une décharge illégale pourrait également causer des dommages économiques et d’autres dommages aux particuliers et aux opérateurs économiques.
87 La Commission considère que, bien qu’il s’agisse, en l’espèce, d’un cas particulier de mauvaise application de la directive 2008/98, il y a lieu de tenir compte du fait que les infractions à cette directive, et, partant, les effets négatifs qu’elles produisent, persistent sur une longue période.
88 Par ailleurs, il conviendrait de tenir compte de la nature de l’infraction et, plus particulièrement, du fait que la République de Croatie, plutôt que de se conformer aux obligations découlant de la directive 2008/98, comme l’impose l’arrêt Commission/Croatie, persisterait dans l’application incorrecte du droit de l’Union jusqu’à quatre ans après le prononcé de cet arrêt et jusqu’à plus de dix ans après la mise en décharge des déchets en cause.
89 En ce qui concerne, deuxièmement, la durée de l’infraction, la Commission relève que, conformément au point 3.3 de la communication de 2023, le coefficient de durée est exprimé sous la forme d’un multiplicateur compris entre 1 et 3 et est calculé à un taux de 0,10 par mois à compter de la date du premier arrêt de la Cour constatant le manquement. En l’espèce, 45 mois se seraient écoulés entre le 2 mai 2019, date du prononcé de l’arrêt Commission/Croatie, et le 15 février 2023, date à laquelle
elle a décidé de saisir la Cour. Dès lors, la Commission propose de fixer à 3 le coefficient de durée de l’infraction en cause.
90 S’agissant, troisièmement, de la nécessité d’assurer l’effet dissuasif de la sanction en considération de la capacité de paiement de l’État membre concerné, la Commission précise que, conformément au point 3.4 de la communication de 2023, cet effet dissuasif se reflète dans le facteur « n », qui, pour la République de Croatie, est fixé à 0,14.
91 En conséquence, d’une part, la Commission propose que le montant journalier pour le calcul de la somme forfaitaire s’élève à 840 euros, obtenu en multipliant le forfait de la somme forfaitaire, fixé à 1000 euros par le point 2 de l’annexe I de la communication de 2023, par le coefficient de gravité de 6 et le facteur « n » de 0,14. Conformément au point 4.2.1 de cette communication, il conviendrait de multiplier cette somme forfaitaire journalière par le nombre de jours durant lesquels le
manquement a persisté. La Commission indique que le paiement de la somme forfaitaire ainsi obtenue doit être imposé à condition que cette somme soit supérieure à 392000 euros, qui correspond au montant de la somme forfaitaire minimale fixée pour la République de Croatie par le point 5 de ladite annexe I.
92 D’autre part, la Commission propose de fixer le montant de l’astreinte à 7560 euros par jour, lequel est obtenu en multipliant le forfait de l’astreinte fixé au point 1 de l’annexe I de la communication de 2023, s’élevant à 3000 euros par jour, par le coefficient de gravité de 6, par le coefficient de durée de 3 ainsi que par le facteur « n » de 0,14.
93 La République de Croatie conteste la méthode de calcul de la somme forfaitaire proposée par la Commission et, dans l’hypothèse où la Cour déciderait d’imposer une somme forfaitaire unique, elle demande à la Cour de prendre comme point de départ pour le calcul de cette somme non pas la date du prononcé de l’arrêt Commission/Croatie, mais une date ultérieure tenant compte d’un délai raisonnable pour l’exécution de cet arrêt. En tout état de cause, il conviendrait de fixer le montant de la somme
forfaitaire à un montant nettement inférieur à celui proposé.
94 En ce qui concerne, premièrement, le coefficient de gravité de l’infraction en cause, la République de Croatie estime qu’il devrait être fixé à un niveau nettement inférieur au coefficient de gravité de 6 proposé.
95 Cet État membre fait valoir que, conscient des objectifs de la politique environnementale de l’Union européenne, il préconise en permanence des solutions qui ont le meilleur impact global sur l’environnement, conformément aux objectifs de la directive 2008/98, et qu’il a intégralement transposé cette directive dans sa réglementation nationale.
96 S’agissant, plus particulièrement, des effets de la non‑exécution de l’arrêt Commission/Croatie sur des intérêts d’ordre général ou particulier, la République de Croatie soutient que les analyses réalisées sur le site de Biljane Donje n’ont pas révélé de danger direct pour la vie et la santé humaines ni pour l’environnement à l’intérieur et à proximité du lieu de dépôt des scories en cause et ajoute que les affirmations de la Commission, liées au risque de dommages économiques et d’autres
dommages aux particuliers et aux opérateurs économiques, ont un caractère général et ne sont pas étayées par des preuves.
97 Par ailleurs, la République de Croatie demande à la Cour de tenir compte du fait que l’infraction en cause concerne la seule décharge de Biljane Donje, que l’arrêt Commission/Croatie est le premier et le seul arrêt rendu par la Cour contre la République de Croatie pour violation des obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union et qu’il s’agit d’une première procédure engagée contre cet État membre au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE.
98 En ce qui concerne, deuxièmement, le coefficient de durée de l’infraction en cause, la République de Croatie estime qu’il conviendrait de le fixer à son niveau le plus bas.
99 Cet État membre fait état des circonstances imprévisibles qui se sont produites au moment de la mise en place des conditions nécessaires pour l’élimination des déchets sur le site de Biljane Donje et pour l’exécution de l’arrêt Commission/Croatie. D’une part, en raison des mesures de restriction adoptées au cours de la période comprise entre l’année 2020 et l’année 2022 en lien avec la pandémie de COVID‑19, il aurait été impossible de réaliser les activités planifiées dans les délais prévus.
D’autre part, ledit État membre relève que son territoire a été frappé par plusieurs tremblements de terre dévastateurs aux mois de mars et de décembre 2020 et que le ministère de l’Aménagement du territoire, de la Construction et des Biens publics (Croatie), qui était chargé de mener les actions de recherche relatives au réemploi possible des scories en cause, a dû rapidement réaffecter la majeure partie de ses capacités vers des programmes prioritaires de reconstruction et de logement, ce qui
aurait compliqué la réalisation des actions en vue de l’exécution de l’arrêt Commission/Croatie.
100 En outre, la République de Croatie estime qu’il conviendrait de tenir compte de ce que, pendant toute la durée de l’infraction, ses autorités se sont tenues à la disposition des services de la Commission pour fournir toutes les informations relatives à l’exécution de l’arrêt Commission/Croatie et, partant, ont agi de bonne foi et dans le plein respect du principe de coopération loyale.
101 En ce qui concerne, troisièmement, sa capacité de paiement, la République de Croatie fait valoir que les circonstances exceptionnelles visées au point 99 du présent arrêt ont eu des répercussions négatives sur les indicateurs économiques la concernant, et, plus particulièrement, sur la croissance de son PIB. En outre, le taux d’inflation observé dans ledit État membre aurait considérablement augmenté depuis la fin de l’année 2021.
102 S’agissant de la demande d’imposition d’une astreinte, la République de Croatie soutient avoir pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt Commission/Croatie. Elle aurait, en effet, confirmé sans ambiguïté, au plus tard avec l’adoption du plan de gestion des déchets pour la période comprise entre l’année 2023 et l’année 2028 et de la résolution du gouvernement croate sur l’assainissement de la décharge du site de Biljane Donje, du 24 août 2023, son intention de procéder à
l’assainissement de cette décharge. Cet État membre ajoute qu’il a joint en annexe de son mémoire en défense les mesures qu’il continuera à mettre en œuvre jusqu’à l’élimination définitive des déchets en cause.
103 En conséquence, la République de Croatie estime que la détermination d’une astreinte n’est pas nécessaire en l’espèce. À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour déciderait d’imposer une astreinte, cet État membre demande à la Cour de la fixer à un montant nettement inférieur à celui proposé par la Commission.
104 S’agissant, plus particulièrement, de la périodicité de l’astreinte, la République de Croatie demande à la Cour de fixer une astreinte calculée pour des périodes de six mois en réduisant le montant total relatif à chacune de ces périodes en fonction du progrès réalisé dans la mise en œuvre de l’assainissement de la décharge.
Appréciation de la Cour
105 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la procédure prévue à l’article 260, paragraphe 2, TFUE a pour objectif d’inciter un État membre défaillant à exécuter un arrêt en manquement et, partant, d’assurer l’application effective du droit de l’Union, et que les mesures prévues à cette disposition, à savoir l’astreinte et la somme forfaitaire, visent toutes deux ce même objectif [arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22,
EU:C:2024:493, point 96 et jurisprudence citée].
106 Selon une jurisprudence constante, l’application d’une astreinte et d’une somme forfaitaire dépend de l’aptitude de chacune à remplir l’objectif poursuivi en fonction des circonstances de l’espèce et, dans ces conditions, il n’est pas exclu de recourir aux deux types de sanctions prévues (arrêt du 17 septembre 2015, Commission/Italie, C‑367/14, EU:C:2015:611, point 114 et jurisprudence citée).
107 Si l’imposition d’une astreinte semble particulièrement adaptée pour inciter un État membre à mettre fin, dans les plus brefs délais, à un manquement qui, en l’absence d’une telle mesure, aurait tendance à persister, l’imposition d’une somme forfaitaire repose davantage sur l’appréciation des conséquences du défaut d’exécution des obligations de l’État membre concerné sur les intérêts privés et publics, notamment lorsque le manquement a persisté pendant une longue période depuis l’arrêt qui l’a
initialement constaté (arrêt du 17 septembre 2015, Commission/Italie, C‑367/14, EU:C:2015:611, point 115 et jurisprudence citée).
108 Partant, la Cour est habilitée, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation qui lui est conféré dans le domaine considéré, à imposer, de façon cumulative, une astreinte et une somme forfaitaire (arrêt du 17 septembre 2015, Commission/Italie, C‑367/14, EU:C:2015:611, point 116 et jurisprudence citée).
109 Il appartient à la Cour, dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l’espèce dont elle se trouve saisie ainsi que du niveau de persuasion et de dissuasion qui lui paraît requis, d’arrêter les sanctions pécuniaires appropriées, notamment pour prévenir la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union [arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, point 97 et jurisprudence citée].
110 Ainsi, les propositions de la Commission ne sauraient lier la Cour et ne constituent qu’une base de référence utile. De même, des lignes directrices telles que celles contenues dans les communications de la Commission ne lient pas la Cour, mais contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l’action menée par cette institution [arrêt du 12 mars 2020, Commission/Italie (Aides illégales au secteur hôtelier en Sardaigne), C‑576/18, EU:C:2020:202, point 136 et
jurisprudence citée].
– Sur la somme forfaitaire
111 Selon la jurisprudence de la Cour, la condamnation au paiement d’une somme forfaitaire et la fixation du montant éventuel de cette somme doivent, dans chaque cas d’espèce, demeurer fonction de l’ensemble des éléments pertinents ayant trait tant aux caractéristiques du manquement constaté qu’à l’attitude propre à l’État membre concerné par la procédure engagée sur le fondement de l’article 260 TFUE. À cet égard, cet article investit la Cour d’un large pouvoir d’appréciation afin de décider de
l’infliction ou non d’une telle sanction et de déterminer, le cas échéant, son montant [arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, point 98 et jurisprudence citée].
112 En l’espèce, au vu des éléments juridiques et factuels ayant abouti au manquement constaté, la Cour considère que la prévention effective de la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union est de nature à requérir l’adoption d’une mesure dissuasive, telle que l’imposition d’une somme forfaitaire.
113 À ce titre, il y a lieu plus particulièrement de tenir compte de ce que la République de Croatie n’a réalisé de progrès significatif ni au cours de la procédure précontentieuse ni, par ailleurs, au cours de la procédure devant la Cour, pour assurer l’exécution complète de l’arrêt Commission/Croatie et que, ainsi qu’il découle du point 59 du présent arrêt, c’est seulement après l’introduction du présent recours que le gouvernement croate a pris la décision de procéder à l’assainissement de la
décharge de Biljane Donje. En outre, cet État membre n’a pas contesté que, à la date de la clôture de la phase écrite de la procédure devant la Cour, les déchets en cause étaient toujours mis en décharge de la même manière et sur le même site et que, à cette date, les travaux d’assainissement se trouvaient seulement dans une phase préparatoire.
114 Dans ces circonstances, il appartient à la Cour, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, de fixer le montant de la somme forfaitaire de sorte qu’elle soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné. Figurent notamment au rang des facteurs pertinents à cet égard des éléments tels que la gravité de l’infraction constatée, la période durant laquelle celle-ci a persisté depuis le
prononcé de l’arrêt l’ayant constatée ainsi que la capacité de paiement de l’État membre en cause [arrêt du 28 septembre 2023, Commission/Royaume-Uni (Marquage fiscal du gazole), C‑692/20, EU:C:2023:707, point 96].
115 En ce qui concerne, en premier lieu, la durée du manquement faisant l’objet du présent recours, il importe de rappeler que celle-ci doit être évaluée en ayant égard au moment auquel la Cour apprécie les faits et non pas à celui où cette dernière est saisie par la Commission [voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 122].
116 En l’espèce, ainsi qu’il résulte du point 113 du présent arrêt, le manquement reproché n’avait pas encore pris fin au jour de l’examen des faits par la Cour. Il y a donc lieu de considérer que ce manquement persiste depuis le 2 mai 2019, date du prononcé de l’arrêt Commission/Croatie, soit depuis presque six ans, ce qui constitue une durée considérable [voir, par analogie, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 106].
117 S’agissant, en deuxième lieu, de la gravité de l’infraction, il y a lieu de relever que l’obligation d’éliminer les déchets sans mettre en danger la santé humaine et sans porter préjudice à l’environnement fait partie des objectifs mêmes de la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement, tel que cela résulte de l’article 191 TFUE (arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Italie, C‑653/13, EU:C:2015:478, point 36 et jurisprudence citée). S’agissant, plus particulièrement, des articles 5,
13 et 15 de la directive 2008/98, ils prévoient, ainsi que la Commission l’a fait observer dans ses écritures, des obligations fondamentales afin d’atteindre l’objectif de cette directive consistant à assurer la protection de l’environnement et de la santé humaine, notamment, par la prévention ou la réduction des effets nocifs de la production et de la gestion des déchets.
118 Il ressort, en outre, de la jurisprudence de la Cour que la dégradation de l’environnement est inhérente à la présence de déchets à la décharge, quelle que soit leur nature, peu importe que ces déchets ne soient ni dangereux ni toxiques et que l’accumulation des déchets, avant même qu’ils ne deviennent un danger pour la santé, constitue un danger pour l’environnement (arrêt Commission/Croatie, point 62 et jurisprudence citée). La Cour a aussi jugé que, lorsqu’une infraction et, en particulier,
un défaut d’exécution d’un arrêt de la Cour sont de nature à porter préjudice à l’environnement et à mettre en danger la santé humaine, une telle infraction doit être considérée comme étant particulièrement grave [arrêt du 14 décembre 2023, Commission/Roumanie (Désaffectation de décharges), C‑109/22, EU:C:2023:991, point 61].
119 En l’espèce, le manquement constaté doit, dès lors, être considéré comme étant particulièrement grave.
120 La gravité de ce manquement est accrue par le fait que l’arrêt Commission/Croatie porte sur des obligations fondamentales prévues par la directive 2008/98 et que, en violation des obligations qui incombent aux États membres au titre de l’article 260, paragraphe 1, TFUE, pour prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour concerné, la République de Croatie a fait dépendre l’exécution de l’arrêt Commission/Croatie des résultats des conclusions de l’expertise concernant les
propriétés des scories en cause, en méconnaissance des conclusions de cet arrêt. En outre, il y a lieu de retenir, en tant que circonstance aggravante, le fait que ces scories, d’un poids d’environ 140000 tonnes et d’un volume total de plus de 76000 m3, étaient toujours indûment mises en décharge depuis une période prolongée dans le village de Biljane Donje, à proximité des habitations, sans intervention significative des autorités nationales compétentes, ainsi que le fait que les expertises
mentionnées par cet État membre ont mis en évidence que les scories en cause présentaient un risque de rejet de substances nocives, une teneur en substances dangereuses et une radioactivité supérieurs aux niveaux autorisés. Il convient également de prendre en considération, en ce qui concerne la gravité du manquement en cause, le fait que ledit État membre n’a pas prévu de se conformer pleinement aux exigences de la directive 2008/98 avant le mois d’août 2025, à savoir environ douze ans après la
date à laquelle les obligations découlant de cette directive lui sont devenues applicables à la suite de l’adhésion du même État membre à l’Union, ce qui constitue une période particulièrement longue [voir, par analogie, arrêt du 14 décembre 2023, Commission/Roumanie (Désaffectation de décharges), C‑109/22, EU:C:2023:991, point 64 et jurisprudence citée].
121 S’agissant des arguments de la République de Croatie au soutien de sa demande de réduction du coefficient de gravité de l’infraction en cause, premièrement, le fait que cet État membre aurait intégralement transposé dans son ordre juridique la directive 2008/98 ne saurait être pris en compte en tant que circonstance atténuante, dès lors que la présente procédure a pour objet non pas la non‑transposition de cette directive, mais le défaut d’exécution d’un arrêt de la Cour constatant le
non‑respect des obligations découlant de ladite directive.
122 Deuxièmement, eu égard aux risques que, compte tenu de la jurisprudence visée aux points 117 et 118 du présent arrêt, l’infraction en cause comporte pour les intérêts publics importants en cause, liés à la protection de l’environnement et de la santé humaine, ni le fait que les analyses que les autorités croates se sont procurées n’auraient révélé aucun danger direct pour la vie et la santé humaines ou pour l’environnement à l’intérieur et à proximité de la décharge située à Biljane Donje ni le
fait qu’aucun préjudice économique ou autre préjudice n’aurait été causé aux particuliers et aux opérateurs économiques ne sauraient conduire à une appréciation moins sévère de la gravité de l’infraction en cause.
123 Troisièmement, il est, certes, exact que l’infraction en cause, relative à l’inexécution de l’arrêt Commission/Croatie, concerne la seule décharge de Biljane Donje. Cependant, cette circonstance doit être mise en balance, d’une part, avec celle qu’aucun progrès significatif n’a été accompli par cet État membre dans l’exécution de cet arrêt s’agissant de ce site depuis l’engagement de la première procédure en manquement devant la Cour jusqu’à la date de l’examen des faits par celle-ci. Partant,
le préjudice qui continue d’être occasionné à la santé humaine et à l’environnement en raison du manquement reproché est d’une importance équivalente à celle du préjudice causé par le manquement initial constaté dans l’arrêt Commission/Croatie (voir, par analogie, arrêt du 2 décembre 2014, Commission/Grèce, C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 56). D’autre part, il découle des écrits de la République de Croatie que, nonobstant le prononcé de l’arrêt Commission/Croatie, cet État membre a continué à
ignorer le fait que les scories en cause constituaient des déchets, et non des sous‑produits, en méconnaissance de la qualification retenue par la Cour dans ledit arrêt.
124 Quatrièmement, s’il ne saurait être exclu que les circonstances invoquées par la République de Croatie, liées à la pandémie de COVID‑19 ainsi qu’aux tremblements de terre des mois de mars et de décembre 2020, mentionnés au point 99 du présent arrêt, aient pu causer certains retards dans l’exécution de l’arrêt Commission/Croatie, il n’en demeure pas moins que les mesures prises ou envisagées à l’époque de ces événements et même ultérieurement, et ce jusqu’au mois d’août 2023, l’avaient été dans
le but d’examiner la possibilité d’une réutilisation des scories en cause, conduisant à ce que persistent les manquements constatés dans cet arrêt. Dès lors, ces circonstances particulières ne sauraient influer sur l’appréciation de la gravité de l’infraction en cause.
125 Cinquièmement, il y a lieu de relever, au vu des différentes mesures prises depuis le prononcé de l’arrêt Commission/Croatie, que la République de Croatie a persisté dans le même comportement que celui ayant donné lieu à cet arrêt, en tolérant pendant une longue période la mise en décharge d’une très grande quantité des scories en cause sur le site de Biljane Donje, en raison d’une possible utilisation de ces scories en tant que matériaux de construction, alors même qu’une telle utilisation
était incertaine. Dans ces circonstances, le fait que cet État membre ait coopéré avec les services de la Commission dans le cadre de la présente procédure ne saurait être retenu comme étant une circonstance atténuante.
126 Cela étant, il y a lieu de prendre en considération, en tant que circonstance atténuante, le fait que l’arrêt Commission/Croatie constitue le premier arrêt rendu par la Cour contre la République de Croatie au titre de l’article 258 TFUE et que la présente procédure est également la première procédure engagée au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE contre cet État membre, alors même que l’adhésion dudit État membre à l’Union est relativement récente [voir, en ce sens, arrêts du 30 mai 2013,
Commission/Suède, C‑270/11, EU:C:2013:339, point 55, et du 14 décembre 2023, Commission/Roumanie (Désaffectation de décharges), C‑109/22, EU:C:2023:991, point 63].
127 En ce qui concerne, en troisième lieu, la capacité de paiement de la République de Croatie, la Commission a proposé de prendre en compte le PIB de cet État membre par rapport à la moyenne des PIB des États membres pour deux tiers du calcul ainsi que la population de celui-ci par rapport à la moyenne de la population des États membres en tant que critère démographique pour un tiers du calcul, conformément aux points 3.4 et 4.2 de la communication de 2023.
128 À cet égard, il ressort de la jurisprudence récente de la Cour que la détermination de la capacité de paiement de l’État membre concerné ne saurait inclure dans la méthode de calcul du facteur « n », représentant la capacité de paiement de l’État membre concerné par rapport à la capacité de paiement des autres États membres, la prise en compte d’un critère démographique selon les modalités prévues aux points 3.4 et 4.2 de la communication de 2023 [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne
(Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 86].
129 Ainsi, en vue de déterminer la capacité de paiement de la République de Croatie, il convient de se fonder sur son PIB en tant que facteur prédominant, sans tenir compte de l’importance de la population de cet État membre. Il y a lieu, par ailleurs, de prendre en considération les arguments de la République de Croatie, tenant à l’évolution défavorable des indicateurs économiques pertinents que ledit État membre a connue pendant la durée de l’infraction en cause. En conséquence, il convient
également de tenir compte de l’évolution récente du PIB du même État membre, telle qu’elle se présente à la date de l’examen des faits par la Cour [arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, point 131 et jurisprudence citée].
130 Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour considère comme étant appropriée l’infliction d’une somme forfaitaire d’un montant de 1000000 euros.
– Sur l’astreinte
131 Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’infliction d’une astreinte ne se justifie, en principe, que pour autant que perdure le manquement tiré de l’inexécution d’un précédent arrêt jusqu’à l’examen des faits par la Cour [arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, point 135 et jurisprudence citée].
132 En l’espèce, ainsi qu’il est établi au point 116 du présent arrêt, le manquement constaté a perduré jusqu’à l’examen des faits de l’espèce par la Cour.
133 Dans ces conditions, la condamnation de la République de Croatie au paiement d’une astreinte constitue un moyen financier approprié afin d’inciter cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin au manquement constaté et pour assurer l’exécution complète de l’arrêt Commission/Croatie.
134 À cet égard, il est de jurisprudence constante que cette astreinte doit être arrêtée en fonction du degré de persuasion nécessaire pour que l’État membre concerné modifie son comportement et mette fin au comportement incriminé [arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, point 138 et jurisprudence citée].
135 Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en la matière, il incombe à la Cour de fixer ladite astreinte de telle sorte que celle-ci soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné [arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, point 139 et jurisprudence citée].
136 Aux fins de la fixation du montant d’une astreinte, les critères de base qui doivent être pris en considération pour assurer la nature coercitive de cette dernière, en vue d’une application uniforme et effective du droit de l’Union, sont, en principe, la gravité des infractions, leur durée et la capacité de paiement de l’État membre en cause. Pour l’application de ces critères, il y a lieu de tenir compte, en particulier, des conséquences du défaut d’exécution des obligations de l’État membre
concerné sur les intérêts privés et publics ainsi que de l’urgence à ce que l’État membre concerné se conforme à ses obligations [arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, point 141 et jurisprudence citée].
137 En l’espèce, les circonstances devant être prises en compte ressortent notamment des motifs figurant aux points 116 à 122 et 124 à 129 du présent arrêt, relatifs à la gravité et à la durée de l’infraction en cause ainsi qu’à la capacité de paiement de la République de Croatie. Par ailleurs, il y a lieu de tenir compte de la circonstance que, selon les prévisions de cet État membre, l’élimination complète des déchets en cause ne devrait pas être achevée avant le mois d’août 2025, c’est‑à‑dire
environ quinze ans après le dépôt de ceux‑ci sur le site de Biljane Donje.
138 Enfin, la demande de la République de Croatie relative à l’infliction d’une astreinte dégressive, calculée sur une base semestrielle, ne saurait être accueillie. En effet, dès lors que le manquement constaté concerne une seule décharge, une atteinte de moindre importance à l’environnement et à la santé humaine ne pourrait être constatée qu’après l’exécution complète, par cet État membre, de l’arrêt Commission/Croatie.
139 Eu égard à ce qui précède, il convient de condamner la République de Croatie à payer à la Commission une astreinte d’un montant de 6500 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt Commission/Croatie, à compter de la date du prononcé du présent arrêt et jusqu’à celle de l’exécution complète de cet arrêt.
Sur les dépens
140 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Croatie et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :
1) En n’ayant pas pris toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 2 mai 2019, Commission/Croatie (Décharge de Biljane Donje) (C‑250/18, EU:C:2019:343), la République de Croatie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.
2) La République de Croatie est condamnée à payer à la Commission européenne une somme forfaitaire d’un montant de 1000000 euros.
3) La République de Croatie est condamnée à payer à la Commission européenne, à compter du jour du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution de l’arrêt du 2 mai 2019, Commission/Croatie (Décharge de Biljane Donje) (C‑250/18, EU:C:2019:343), dans le cas où le manquement constaté au point 1 du dispositif du présent arrêt persiste audit jour, une astreinte d’un montant de 6500 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt du 2 mai 2019,
Commission/Croatie (Décharge de Biljane Donje) (C‑250/18, EU:C:2019:343).
4) La République de Croatie est condamnée aux dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le croate.