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23/01/2025 | CJUE | N°C-187/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Procédure engagée par E. V. G.-T., 23/01/2025, C-187/23


 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

23 janvier 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 267 TFUE – Notion de “juridiction” – Coopération judiciaire en matière civile – Certificat successoral européen – Règlement (UE) no 650/2012 – Article 67, paragraphe 1 – Décisions rendues par l’autorité émettrice – Absence d’exercice d’une fonction juridictionnelle – Irrecevabilité »

Dans l’affaire C‑187/23 [Albausy] ( i ),

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’art

icle 267 TFUE, introduite par l’Amtsgericht Lörrach (tribunal de district de Lörrach, Allemagne), par décision du 21 mars 2023, parvenue à la...

 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

23 janvier 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 267 TFUE – Notion de “juridiction” – Coopération judiciaire en matière civile – Certificat successoral européen – Règlement (UE) no 650/2012 – Article 67, paragraphe 1 – Décisions rendues par l’autorité émettrice – Absence d’exercice d’une fonction juridictionnelle – Irrecevabilité »

Dans l’affaire C‑187/23 [Albausy] ( i ),

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Amtsgericht Lörrach (tribunal de district de Lörrach, Allemagne), par décision du 21 mars 2023, parvenue à la Cour le 23 mars 2023, dans la procédure engagée par

E. V. G.-T.

en présence de :

P. T.,

F. T.,

G. T.,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. I. Jarukaitis (rapporteur), président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. D. Gratsias et Z. Csehi, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : Mme N. Mundhenke, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 31 janvier 2024,

considérant les observations présentées :

– pour E. V. G.-T., par Me T. C. Pfeiffer, Rechtsanwalt,

– pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et M. Hellmann ainsi que Mme J. Simon, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement espagnol, par M. I. Herranz Elizalde, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mme J. Vondung et M. W. Wils, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 avril 2024,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement (UE) no 650/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen (JO 2012, L 201, p. 107).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure, engagée par E. V. G.-T. à la suite du décès de son mari, aux fins de la délivrance d’un certificat successoral européen la désignant comme héritière unique.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 650/2012

3 Les considérants 7, 8, 67 et 71 du règlement no 650/2012 énoncent :

« (7) Il y a lieu de faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur en supprimant les entraves à la libre circulation de personnes confrontées aujourd’hui à des difficultés pour faire valoir leurs droits dans le contexte d’une succession ayant des incidences transfrontières. Dans l’espace européen de justice, les citoyens doivent être en mesure d’organiser à l’avance leur succession. Les droits des héritiers et légataires, des autres personnes proches du défunt ainsi que des créanciers de la
succession doivent être garantis de manière effective.

(8) Afin d’atteindre ces objectifs, le présent règlement devrait regrouper les dispositions sur la compétence, la loi applicable, la reconnaissance – ou, le cas échéant, l’acceptation –, la force exécutoire et l’exécution des décisions, des actes authentiques et des transactions judiciaires ainsi que sur la création d’un certificat successoral européen. [...]

(67) Afin de régler de manière rapide, aisée et efficace une succession ayant une incidence transfrontière au sein de l’Union [européenne], les héritiers, les légataires, les exécuteurs testamentaires ou les administrateurs de la succession devraient être à même de prouver facilement leur statut et/ou leurs droits et pouvoirs dans un autre État membre, par exemple dans un État membre où se trouvent des biens successoraux. À cette fin, le présent règlement devrait prévoir la création d’un
certificat uniforme, le certificat successoral européen (ci-après dénommé “certificat”) qui serait délivré en vue d’être utilisé dans un autre État membre. [...]

[...]

(71) Le certificat devrait produire les mêmes effets dans tous les États membres. Il ne devrait pas être, en tant que tel, un titre exécutoire mais devrait avoir une force probante et il devrait être présumé attester fidèlement de l’existence d’éléments qui ont été établis en vertu de la loi applicable à la succession ou en vertu de toute autre loi applicable à des éléments spécifiques, tels que la validité au fond des dispositions à cause de mort. La force probante du certificat ne devrait pas
s’étendre aux éléments qui ne sont pas régis par le présent règlement comme la question de l’affiliation ou la question de l’appartenance d’un actif donné au défunt. [...] »

4 L’article 3 de ce règlement, intitulé « Définitions », prévoit :

« 1.   Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

c) “testament conjonctif”, un testament établi par deux ou plusieurs personnes dans le même acte ;

[...]

g) “décision”, toute décision en matière de successions rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la dénomination qui lui est donnée, y compris une décision concernant la fixation par le greffier du montant des frais du procès ;

[...]

2.   Aux fins du présent règlement, le terme “juridiction” désigne toute autorité judiciaire, ainsi que toute autre autorité et tout professionnel du droit compétents en matière de successions qui exercent des fonctions juridictionnelles ou agissent en vertu d’une délégation de pouvoirs d’une autorité judiciaire ou sous le contrôle d’une autorité judiciaire, pour autant que ces autres autorités et professionnels du droit offrent des garanties en ce qui concerne leur impartialité et le droit de
toutes les parties à être entendues, et que les décisions qu’ils rendent en vertu du droit de l’État membre dans lequel ils exercent leurs fonctions :

a) puissent faire l’objet d’un recours devant une autorité judiciaire ou d’un contrôle par une telle autorité ; et

b) aient une force et un effet équivalents à une décision rendue par une autorité judiciaire dans la même matière.

[...] »

5 Le chapitre VI du règlement no 650/2012, intitulé « Certificat successoral européen », comprend les articles 62 à 73 de celui-ci.

6 L’article 63 de ce règlement, intitulé « Finalité du certificat », dispose, à son paragraphe 2 :

« Le certificat peut être utilisé, en particulier, pour prouver un ou plusieurs des éléments suivants :

a) la qualité et/ou les droits de chaque héritier ou, selon le cas, de chaque légataire mentionné dans le certificat et la quote-part respective leur revenant dans la succession ;

b) l’attribution d’un bien déterminé ou de plusieurs biens déterminés faisant partie de la succession à l’héritier/aux héritiers [...]

[...] »

7 L’article 66 du règlement no 650/2012, intitulé « Examen de la demande », prévoit :

« 1.   Dès réception de la demande, l’autorité émettrice vérifie les informations et les déclarations fournies par le demandeur ainsi que les documents et les autres moyens de preuve présentés par celui-ci. Elle mène les enquêtes nécessaires à cette vérification d’office, lorsque son droit national le prévoit ou l’autorise, ou invite le demandeur à fournir tout élément de preuve complémentaire qu’elle estime nécessaire.

[...]

4.   L’autorité émettrice prend toutes les mesures nécessaires pour informer les bénéficiaires de la demande de certificat. Si cela est nécessaire aux fins de l’établissement des éléments à certifier, elle entend toute personne intéressée, ainsi que tout exécuteur ou administrateur, et procède à des annonces publiques visant à donner à d’autres bénéficiaires éventuels la possibilité de faire valoir leurs droits.

[...] »

8 L’article 67 de ce règlement, intitulé « Délivrance du certificat », énonce :

« 1.   L’autorité émettrice délivre sans délai le certificat conformément à la procédure fixée dans le présent chapitre lorsque les éléments à certifier ont été établis en vertu de la loi applicable à la succession ou de toute autre loi applicable à des éléments spécifiques. Elle utilise le formulaire établi conformément à la procédure consultative visée à l’article 81, paragraphe 2.

L’autorité émettrice ne délivre pas le certificat en particulier :

a) si les éléments à certifier sont contestés ; ou

b) si le certificat s’avère ne pas être conforme à une décision portant sur les mêmes éléments.

2.   L’autorité émettrice prend toutes les mesures nécessaires pour informer les bénéficiaires de la délivrance du certificat. »

9 L’article 69 dudit règlement, intitulé « Effets du certificat », dispose :

« 1.   Le certificat produit ses effets dans tous les États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

2.   Le certificat est présumé attester fidèlement l’existence d’éléments qui ont été établis en vertu de la loi applicable à la succession ou en vertu de toute autre loi applicable à des éléments spécifiques. La personne désignée dans le certificat comme étant l’héritier[...] est réputée avoir la qualité mentionnée dans ledit certificat et/ou les droits ou les pouvoirs énoncés dans ledit certificat sans que soient attachées à ces droits ou à ces pouvoirs d’autres conditions et/ou restrictions que
celles qui sont énoncées dans le certificat.

3.   Toute personne qui, agissant sur la base des informations certifiées dans un certificat, effectue des paiements ou remet des biens à une personne désignée dans le certificat comme étant habilitée à accepter des paiements ou des biens est réputée avoir conclu une transaction avec une personne ayant le pouvoir d’accepter des paiements ou des biens, sauf si elle sait que le contenu du certificat ne correspond pas à la réalité ou si elle l’ignore en raison d’une négligence grave.

[...] »

10 L’article 72 du même règlement, intitulé « Voies de recours », énonce :

« 1.   Toute personne habilitée à présenter une demande de certificat peut former un recours contre toute décision rendue par l’autorité émettrice en application de l’article 67.

[...]

Le recours est formé devant une autorité judiciaire de l’État membre dont relève l’autorité émettrice conformément au droit de cet État.

[...] »

Le règlement d’exécution (UE) no 1329/2014

11 L’article 1er, paragraphe 5, du règlement d’exécution (UE) no 1329/2014 de la Commission, du 9 décembre 2014, établissant les formulaires mentionnés dans le règlement (UE) no 650/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral (JO 2014, L 359, p. 30), énonce :

« Le formulaire à utiliser pour le certificat successoral européen, visé à l’article 67, paragraphe 1, du règlement [no 650/2012], est le formulaire V qui figure à l’annexe 5. »

12 Ce formulaire V comporte, sur sa dernière page, la mention selon laquelle « [l]’autorité certifie avoir pris toutes les mesures nécessaires pour informer les bénéficiaires de la demande de certificat et que, au moment de l’établissement du certificat, aucun des éléments qu’il contient n’a été contesté par les bénéficiaires ».

Le droit allemand

Le FamFG

13 L’article 26 du Gesetz über das Verfahren in Familiensachen und in den Angelegenheiten der freiwilligen Gerichtsbarkeit (loi relative à la procédure en matière familiale et dans les affaires relevant de la juridiction gracieuse), du 17 décembre 2008 (BGBl. 2008 I, p. 2586), dans sa version applicable dans la procédure au principal (ci-après le « FamFG »), dispose :

« La juridiction doit d’office procéder aux instructions nécessaires à l’établissement des faits pertinents pour la solution du litige. »

14 L’article 352e du FamFG, intitulé « Décision relative aux demandes de certificat d’hérédité », énonce :

« (1)   Le certificat d’hérédité ne sera délivré que si la juridiction compétente en matière successorale juge établis les éléments nécessaires pour justifier le bien‑fondé de la demande. Cette juridiction statue par voie de décision. La décision prend effet à compter de son adoption. La notification de cette décision n’est pas nécessaire.

(2)   Si la décision est contraire à la déclaration de volonté d’une partie intéressée, elle doit être notifiée aux parties intéressées. Dans ce cas, la juridiction doit suspendre l’effet immédiat de la décision et reporter la délivrance du certificat d’hérédité à la date à laquelle cette décision devient définitive.

(3)   Si le certificat d’hérédité a déjà été délivré, le recours introduit contre la décision demeure recevable uniquement dans la mesure où le retrait de ce certificat est demandé. »

La loi sur le droit successoral international et modifiant les dispositions relatives au certificat d’hérédité ainsi que d’autres dispositions

15 L’article 35, paragraphe 1, du Gesetz zum Internationalen Erbrecht und zur Änderung von Vorschriften zum Erbschein sowie zur Änderung sonstiger Vorschriften (loi sur le droit successoral international et modifiant les dispositions relatives au certificat d’hérédité ainsi que d’autres dispositions), du 29 juin 2015 (BGBl. 2015 I, p. 1042), prévoit :

« Sauf disposition contraire du règlement [no 650/2012] et de la présente section, le [FamFG] s’applique. »

16 L’article 39 de cette loi, intitulé « Nature de la décision », prévoit :

« (1)   Si les conditions de délivrance d’un certificat successoral européen sont réunies, la juridiction statue en délivrant l’original d’un tel certificat. Si les conditions de délivrance d’une copie certifiée conforme ou de prorogation de la durée de validité d’une telle copie sont réunies, la juridiction statue en délivrant une copie certifiée conforme ou en prorogeant la durée de validité d’une telle copie. Au surplus, la juridiction statue par voie de décision.

(2)   Le formulaire à utiliser pour délivrer un certificat successoral européen et une copie certifiée conforme est celui visé à l’article 67, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement [no 650/2012], lu en combinaison avec l’article 81, paragraphe 2, du même règlement. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

17 P. M. J. T., ressortissant français, domicilié en dernier lieu en Allemagne, est décédé le 15 septembre 2021.

18 Le 23 novembre 2021, E. V. G.-T., l’épouse survivante, représentée par son mandataire ad litem, a introduit une demande de certificat successoral européen devant l’Amtsgericht Lörrach (tribunal de district de Lörrach, Allemagne), la juridiction de renvoi, visant à ce qu’elle soit désignée comme unique héritière du défunt. À cette fin, elle a présenté un testament conjonctif daté du 23 juillet 2020, écrit à la main par l’épouse survivante et signé par celle-ci ainsi que par le défunt, par lequel
les deux époux se sont mutuellement désignés comme uniques héritiers.

19 Il est par ailleurs constant qu’il existait un testament antérieur, daté du 31 mai 2001, manuscrit et signé par P. M. J. T., par lequel ce dernier avait désigné comme héritiers ses deux petits-enfants et chargé son fils de l’organisation de ses funérailles en Espagne.

20 Le fils et les petits-enfants du défunt estiment que le testament du 23 juillet 2020 n’est pas valable. Ils soutiennent, à cet égard, devant la juridiction de renvoi, que le défunt n’avait plus la capacité de disposer à cause de mort lors de l’établissement de ce testament et que la signature apposée sur celui-ci n’est pas la sienne.

21 Cette juridiction a constaté que les allégations du fils et des petits‑enfants du défunt sont dénuées de fondement. D’une part, la circonstance, avancée par ceux‑ci, que le défunt se trouvait parfois dans un état confusionnel ne suffirait pas pour conclure à une telle incapacité ou pour examiner plus avant cette contestation au moyen d’une mesure d’instruction complémentaire. D’autre part, ladite juridiction a constaté l’authenticité de la signature du défunt figurant sur le testament conjonctif
après l’avoir comparée à des échantillons de signature antérieurs dont elle disposait. Par conséquent, la même juridiction estime que l’épouse survivante est l’unique héritière du défunt.

22 S’agissant des doutes de la juridiction de renvoi, premièrement, celle-ci se demande si les contestations mentionnées au point 20 du présent arrêt sont susceptibles de faire obstacle à la délivrance du certificat successoral européen. Elle souligne, à cet égard, que l’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 650/2012 pourrait être interprété en ce sens qu’il vise non seulement les contestations soulevées au cours d’une procédure distincte de la procédure de délivrance
d’un certificat successoral européen, mais également celles soulevées au cours de cette dernière procédure. En ce cas, les contestations émises par le fils et les petits‑enfants du défunt devant ladite juridiction pourraient, en l’occurrence, faire obstacle à la délivrance du certificat demandé par l’épouse survivante.

23 Dans ce cadre, la juridiction de renvoi se demande si l’autorité émettrice peut examiner les contestations soulevées au cours de la procédure de délivrance d’un certificat successoral européen, ou si toute contestation de cette nature fait nécessairement obstacle à la délivrance de ce certificat. Cette juridiction précise encore que cette question est débattue en droit allemand.

24 Deuxièmement, selon les explications de la juridiction de renvoi, le mandataire ad litem de l’épouse survivante a l’intention de déposer une demande de certificat d’hérédité, tel que visé à l’article 352 du FamFG, en cas de suspension de la procédure au principal, auquel cas les contestations soulevées par le fils et les petits‑enfants du défunt devront être examinées en vertu du droit national dans le cadre de cette autre procédure. Cette juridiction se demande, à cet égard, si l’article 67,
paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 650/2012 doit être interprété en ce sens que des contestations qui auraient été rejetées dans le cadre d’une autre procédure que la procédure de délivrance d’un certificat successoral européen, telle que la procédure relative à un certificat d’hérédité, font néanmoins obstacle à la délivrance du certificat successoral européen.

25 Troisièmement, étant donné que les contestations du fils et des petits‑enfants du défunt sont dénuées de fondement dans le cadre de la procédure au principal, la juridiction de renvoi estime que l’affaire est en état d’être jugée, et ce même sans instruction formelle. Cette juridiction s’interroge sur le point de savoir si de telles contestations, insuffisamment étayées, sont également visées par l’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 650/2012 et, partant, sont
susceptibles de faire obstacle à la délivrance du certificat successoral européen. Ladite juridiction mentionne également, dans ce contexte, la possibilité de contestations abusives.

26 Quatrièmement, dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi serait autorisée à examiner les contestations soulevées au cours de la procédure de délivrance d’un certificat successoral européen, se poserait la question de savoir si et sous quelle forme les motifs de rejet de ces contestations doivent être indiqués. Les règles de procédure que comporte le règlement no 650/2012 ne prévoiraient pas qu’une décision accompagne la délivrance du certificat successoral européen. Cette juridiction souligne,
en outre, que le formulaire à utiliser pour délivrer un certificat successoral européen, visé à l’article 1er, paragraphe 5, du règlement d’exécution no 1329/2014, tel qu’il figure à l’annexe 5 de ce règlement, comporte la déclaration selon laquelle « [l]’autorité certifie avoir pris toutes les mesures nécessaires pour informer les bénéficiaires de la demande de certificat et que, au moment de l’établissement du certificat, aucun des éléments qu’il contient n’a été contesté par les
bénéficiaires ».

27 Dans ces conditions, l’Amtsgericht Lörrach (tribunal de district de Lörrach) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 650/2012 doit-il être interprété en ce sens qu’il vise aussi les contestations soulevées précisément au cours de la procédure de délivrance du certificat successoral européen et que la juridiction n’est pas en droit d’examiner ces contestations, de sorte que cet article ne vise pas seulement les contestations soulevées dans le cadre d’une autre procédure ?

2) En cas de réponse affirmative à la [première] question, l’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 650/2012 doit-il être interprété en ce sens qu’un certificat successoral européen ne peut pas être délivré, même dans le cas où des contestations auraient été soulevées au cours de la procédure de délivrance dudit certificat et qu’elles auraient toutefois déjà été examinées dans le cadre de la procédure relative à un certificat d’hérédité prévue par le droit allemand ?

3) En cas de réponse affirmative à la [première] question, l’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 650/2012 doit-il être interprété en ce sens qu’il vise toute contestation, même dans le cas où elle serait soulevée sans être suffisamment étayée et où il n’y aurait pas lieu de recueillir une preuve formelle à cet égard ?

4) En cas de réponse négative à la [première] question, sous quelle forme la juridiction doit-elle énoncer les motifs qui l’ont amenée à rejeter les contestations et à délivrer le certificat successoral européen ? »

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

28 Le gouvernement espagnol conteste la recevabilité de la demande de décision préjudicielle. Bien que ce gouvernement admette que la juridiction de renvoi possède la qualité de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, il estime néanmoins que l’activité consistant à délivrer un certificat successoral européen, telle qu’elle est régie par le règlement no 650/2012, ne relève pas de l’exercice d’une fonction juridictionnelle.

29 Ce gouvernement soutient, tout d’abord, que le fait que la délivrance d’un certificat successoral européen peut être confiée à une juridiction ou à une autre autorité compétente est un indice de sa nature administrative. Ensuite, la procédure de délivrance de ce certificat ne serait pas conçue pour examiner et résoudre des questions litigieuses entre les bénéficiaires potentiels de la succession. Enfin, le certificat successoral européen ne produirait pas les effets contraignants propres à une
décision de justice et aurait seulement un caractère informatif.

30 Il ressort d’une jurisprudence constante que les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir la Cour que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel (arrêts du 28 février 2019, Gradbeništvo Korana, C‑579/17, EU:C:2019:162, point 34, et du 3 mai 2022, CityRail, C‑453/20, EU:C:2022:341, point 42).

31 Il convient donc de déterminer l’habilitation d’un organisme à saisir la Cour selon des critères tant structurels que fonctionnels. À cet égard, un organisme national peut être qualifié de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, lorsqu’il exerce des fonctions juridictionnelles, tandis que, dans l’exercice d’autres fonctions, notamment de nature administrative, cette qualification ne peut lui être reconnue (arrêt du 3 mai 2022, CityRail, C‑453/20, EU:C:2022:341, point 43).

32 Il s’ensuit que, pour établir si un organisme national, auquel la loi confie des fonctions de nature différente, doit être qualifié de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, il est nécessaire de vérifier quelle est la nature spécifique des fonctions qu’il exerce dans le contexte normatif particulier dans lequel il est appelé à saisir la Cour (arrêt du 3 mai 2022, CityRail, C‑453/20, EU:C:2022:341, point 44).

33 En l’occurrence, il ressort des explications de la juridiction de renvoi que celle‑ci s’interroge sur les pouvoirs qui lui sont conférés dans le cadre spécifique de la procédure de délivrance d’un certificat successoral européen, telle qu’elle est régie par le chapitre VI du règlement no 650/2012.

34 Il ressort également de ces explications que, au cours de la procédure au principal, plusieurs contestations ont été formulées par le fils et les petits‑enfants du défunt en vue de faire obstacle à la délivrance du certificat successoral européen sollicité par l’épouse survivante de ce dernier. La juridiction de renvoi s’interroge sur les conséquences qu’il y a lieu de tirer de l’existence de ces contestations.

35 Cette juridiction expose, à cet égard, que, en vertu de son droit national, elle est compétente pour statuer sur de telles contestations, notamment lorsqu’elles sont soulevées à l’occasion de la délivrance d’un certificat d’hérédité. Elle se demande, dès lors, si elle peut également trancher lesdites contestations lorsqu’elles surviennent dans le cadre d’une procédure de délivrance d’un certificat successoral européen, soumise au régime établi par le chapitre VI du règlement no 650/2012.

36 Par les trois premières questions qu’elle a adressées à la Cour, la juridiction de renvoi cherche notamment à savoir si ce règlement confère, en tant que tel, à l’autorité saisie d’une demande de certificat successoral européen la compétence pour trancher les litiges issus de contestations formulées au cours de la procédure de délivrance de ce certificat. Le cas échéant, cette juridiction se demande, par sa quatrième question, sous quelle forme cette autorité devrait énoncer les motifs qui l’ont
amenée à rejeter les contestations et à délivrer le certificat successoral européen.

37 Il résulte de ce qui précède que l’interprétation du règlement no 650/2012 sollicitée par la juridiction de renvoi vise à apprécier si elle exerce des fonctions juridictionnelles, au sens de la jurisprudence rappelée au point 31 du présent arrêt, dans le cadre spécifique de la procédure de délivrance d’un certificat successoral européen. La qualité de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, constituant une condition de la recevabilité de la demande de décision préjudicielle (voir, en ce
sens, arrêt du 9 juillet 2020, Land Hessen, C‑272/19, EU:C:2020:535, point 42), il est nécessaire de procéder à cette interprétation afin de statuer sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle.

38 Aux termes de l’article 67, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 650/2012, l’autorité émettrice délivre le certificat successoral européen lorsque les éléments à certifier ont été établis en vertu de la loi applicable à la succession ou de toute autre loi applicable à des éléments spécifiques. Conformément à l’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), de ce règlement, l’autorité émettrice ne délivre pas ce certificat en particulier « si les éléments à certifier sont contestés ».

39 Aux fins de l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 12 octobre 2023, KBC Verzekeringen, C‑286/22, EU:C:2023:767, point 32).

40 S’agissant, en premier lieu, du libellé de l’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 650/2012, il convient de relever que cette disposition vise indistinctement toute situation dans laquelle les éléments à certifier sont « contestés ». Il apparaît ainsi que ladite disposition vise toute contestation, sans distinguer selon qu’elle ait été soulevée au cours de la procédure de délivrance d’un certificat successoral européen ou au cours d’une autre procédure.

41 Il importe également de relever, à cet égard, qu’aucune des versions linguistiques de l’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 650/2012, notamment les versions en langues allemande (« wenn Einwände gegen den zu bescheinigenden Sachverhalt anhängig sind »), espagnole (« si los extremos que se han de certificar son objeto de oposición »), anglaise (« if the elements to be certified are being challenged »), française (« si les éléments à certifier sont contestés »),
italienne (« gli elementi da certificare sono oggetto di contestazione »), lituanienne (« jei ginčijami patvirtintini faktai ») et suédoise (« om ett klagomål har riktats mot de uppgifter som ska styrkas ») n’exige formellement que les éléments à certifier aient été contestés dans le cadre d’une procédure autre que celle ayant pour objet la délivrance du certificat successoral européen.

42 Il s’ensuit qu’une contestation visant les éléments à certifier, formulée au cours de la procédure de délivrance d’un certificat successoral européen, doit, en principe, faire obstacle à la délivrance de ce certificat.

43 S’agissant, en deuxième lieu, du contexte dans lequel s’inscrit l’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 650/2012, il convient de rappeler, premièrement, que, aux termes de cet article 67, paragraphe 1, premier alinéa, l’autorité émettrice délivre sans délai le certificat « lorsque les éléments à certifier ont été établis ».

44 Il peut être déduit, a contrario, de cette exigence que l’autorité émettrice doit refuser de délivrer ce certificat lorsque les éléments à certifier ne peuvent pas être considérés comme « établis », notamment à la suite de contestations émises lors de la procédure de délivrance dudit certificat.

45 Deuxièmement, l’article 66 du règlement no 650/2012 établit, à son paragraphe 1, l’obligation, pour l’autorité émettrice, de vérifier les informations et les déclarations fournies par le demandeur ainsi que les documents et les autres moyens de preuve présentés par celui-ci.

46 En outre, l’article 66, paragraphe 4, de ce règlement impose à l’autorité émettrice l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour informer les bénéficiaires de la demande de certificat. Si cela est nécessaire aux fins de l’établissement des éléments à certifier, cette autorité doit également entendre toute personne intéressée, ainsi que tout exécuteur ou administrateur, et procéder à des annonces publiques visant à donner à d’autres bénéficiaires éventuels la possibilité de faire
valoir leurs droits.

47 Or, en prévoyant ces obligations d’audition et d’information, le législateur de l’Union a nécessairement envisagé la possibilité que des contestations soient émises au cours de l’examen de la demande de certificat successoral européen et fassent obstacle, le cas échéant, à la délivrance de ce certificat.

48 Par conséquent, la teneur de l’obligation d’examen prévue à l’article 66 du règlement no 650/2012, en particulier au paragraphe 4 de cet article 66, confirme également l’interprétation retenue au point 42 du présent arrêt.

49 Troisièmement, cette interprétation est corroborée par le contenu du formulaire V, figurant à l’annexe 5 du règlement d’exécution no 1329/2014. Conformément à l’article 67, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 650/2012, l’autorité émettrice doit obligatoirement utiliser ce formulaire pour délivrer le certificat successoral européen (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2023, Registrų centras, C‑354/21, EU:C:2023:184, point 46). Or, ledit formulaire comporte, sur sa dernière page, une
déclaration par laquelle l’autorité émettrice certifie que, « au moment de l’établissement du certificat, aucun des éléments qu’il contient n’a été contesté par les bénéficiaires ».

50 En troisième lieu, cette interprétation est encore confortée par les objectifs du règlement no 650/2012 qui vise, ainsi qu’il ressort de ses considérants 7 et 8, à aider les héritiers et les légataires ainsi que les autres personnes proches du défunt et les créanciers de la succession à faire valoir leurs droits dans le contexte d’une succession ayant des incidences transfrontières, ainsi qu’à permettre aux citoyens de l’Union de préparer leur succession (arrêt du 9 mars 2023, Registrų centras,
C‑354/21, EU:C:2023:184, point 41 et jurisprudence citée).

51 Il ressort du considérant 67 de ce règlement que le certificat successoral européen a été créé pour permettre aux héritiers, aux légataires, aux exécuteurs testamentaires ou aux administrateurs d’une succession de prouver facilement leur statut et/ou leurs droits et pouvoirs dans un autre État membre, par exemple dans un État membre où se trouvent des biens successoraux, dans le but de régler de manière rapide, aisée et efficace les successions ayant une incidence transfrontière au sein de
l’Union.

52 Il convient également de rappeler, comme le confirme le considérant 71 dudit règlement, que le certificat successoral européen produit ses effets dans tous les États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une quelconque procédure, et qu’il est présumé attester fidèlement l’existence d’éléments qui ont été établis en vertu de la loi applicable à la succession ou de toute autre loi applicable à des éléments spécifiques ainsi que de la qualité et des droits des personnes désignées comme
étant héritiers, légataires, exécuteurs testamentaires ou administrateurs de la succession, conformément à l’article 69, paragraphes 1 et 2, du même règlement (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2021, Vorarlberger Landes- und Hypotheken-Bank, C‑301/20, EU:C:2021:528, point 23).

53 Dans ce contexte, une interprétation de l’article 67, paragraphe 1, du règlement no 650/2012 qui autoriserait la délivrance et l’utilisation d’un certificat successoral européen, alors même que les éléments à certifier font l’objet de contestations, risquerait d’être source de litiges concernant les actes juridiques pour lesquels le certificat a été utilisé comme moyen de preuve, contrariant ainsi l’objectif de faciliter le règlement des successions ayant une incidence transfrontière.

54 Il s’ensuit que l’objectif ayant justifié la création du certificat successoral européen, à savoir celui de faciliter le règlement des successions ayant une incidence transfrontière, conforte également l’interprétation de l’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 650/2012 en ce sens que ce certificat ne peut pas être délivré en présence de contestations émises au cours de la procédure de délivrance, desquelles il résulte que les éléments à certifier ne peuvent pas être
considérés comme établis.

55 Cela étant précisé, l’absence de pouvoir conféré à l’autorité émettrice pour trancher des contestations dans le cadre de la procédure de délivrance du certificat successoral européen n’interdit pas à cette autorité de constater qu’il a déjà été statué sur une contestation soulevée devant elle par une décision juridictionnelle définitive revêtue de l’autorité de la chose jugée. À cet égard, il ressort des explications fournies par la juridiction de renvoi que celle‑ci se demande si cette
disposition doit être interprétée en ce sens que toute contestation fait nécessairement obstacle à la délivrance du certificat successoral européen, ou si le règlement no 650/2012 confère à l’autorité émettrice le pouvoir d’examiner et de rejeter une contestation non fondée ou non étayée ainsi que, le cas échéant, de délivrer le certificat nonobstant la présence d’une telle contestation.

56 En ce qui concerne les contestations déjà examinées dans le cadre d’une autre procédure, lesquelles font l’objet de la deuxième question, il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi vise, plus spécifiquement, le cas où des contestations soulevées au cours de la procédure de délivrance d’un certificat successoral européen auraient déjà été rejetées dans le cadre d’une autre procédure. Cette juridiction se demande, en substance, si, dans ce cas de figure,
l’autorité émettrice a le pouvoir de délivrer ce certificat nonobstant la présence formelle de contestations.

57 Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que ce cas de figure n’est pas explicitement régi par l’article 67, paragraphe 1, du règlement no 650/2012. En particulier, l’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous b), de ce règlement vise le cas où une décision rendue dans le cadre d’une autre procédure et portant sur les éléments à certifier s’oppose à la délivrance du certificat sollicité.

58 Cela étant, la notion de contestation, au sens de l’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), dudit règlement, doit nécessairement être interprétée en ce sens qu’elle ne vise pas les contestations déjà rejetées par une décision définitive rendue par une autorité judiciaire statuant dans le cadre d’une procédure juridictionnelle. Dans le cas contraire, en effet, toute contestation pourrait indéfiniment faire obstacle à la délivrance du certificat successoral européen, alors même que cette
contestation aurait déjà été examinée et rejetée de manière définitive dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, que cette procédure soit celle visée à l’article 72 du même règlement, portant sur les voies de recours contre une décision relative à la délivrance d’un certificat successoral européen, ou qu’elle soit régie par le seul droit national.

59 L’exigence, dans ce contexte, d’une décision revêtant un caractère définitif découle de la nécessité de préserver la fiabilité du certificat successoral européen conformément aux finalités rappelées aux points 50 et 51 du présent arrêt, comme l’a fait valoir à juste titre la Commission européenne. En effet, la délivrance de ce certificat, alors que des contestations portant sur les éléments à certifier font l’objet d’une procédure encore pendante, comporterait nécessairement le risque que le
contenu dudit certificat soit contredit par une décision rendue ultérieurement dans le cadre de cette procédure.

60 Par conséquent, ce n’est qu’au moment où, dans le cadre d’une procédure autre que celle ayant pour objet la délivrance du certificat successoral européen, la décision rejetant une contestation devient définitive que cette contestation cesse de faire obstacle à la délivrance de ce certificat en vertu de l’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 650/2012.

61 Par ailleurs, il y a lieu de relever que l’article 72 du règlement no 650/2012 prévoit une voie de recours devant une autorité judiciaire de l’État membre dont relève l’autorité émettrice conformément au droit de cet État, contre toute décision rendue par cette autorité émettrice en application de l’article 67 de ce règlement.

62 Il s’ensuit que toute décision rendue par l’autorité émettrice à l’issue de la procédure de délivrance d’un certificat successoral européen, conformément à l’article 67, paragraphe 1, dudit règlement, n’est, par hypothèse, pas définitive. Ainsi, la délivrance d’un tel certificat, malgré la présence de contestations que l’autorité émettrice aurait rejetées comme non fondées ou non étayées, comporterait nécessairement un risque analogue à celui identifié au point 59 du présent arrêt, à savoir le
risque que le contenu de ce certificat soit remis en cause par une décision rendue ultérieurement dans le cadre de la procédure visée à l’article 72 du même règlement.

63 Par conséquent, la nécessité de préserver la fiabilité du certificat successoral européen conformément aux finalités rappelées aux points 53 et 54 du présent arrêt exige d’interpréter l’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 650/2012 en ce sens que toute contestation, même paraissant non fondée ou non étayée, soulevée au cours de la procédure de délivrance d’un certificat successoral européen, fait obstacle à la délivrance de ce certificat, à l’exception des
contestations définitivement rejetées dans le cadre d’une autre procédure, comme indiqué au point 61 du présent arrêt.

64 Afin de préserver la confiance des citoyens de l’Union dans le certificat successoral européen, il est, en effet, impératif que cet instrument, doté de la force probante établie à l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 650/2012, et produisant les effets énoncés, notamment, à l’article 69, paragraphes 2 et 3, de ce règlement, ne soit délivré qu’en l’absence de toute contestation visant des éléments à certifier.

65 En présence d’une telle contestation, l’autorité émettrice, qui ne dispose pas du pouvoir de la trancher, est tenue de refuser de délivrer le certificat successoral européen sollicité, étant entendu que ce refus pourra faire l’objet du recours prévu à l’article 72 du règlement no 650/2012. L’autorité judiciaire saisie d’un tel recours pourra, le cas échéant, examiner le bien-fondé des contestations ayant fait obstacle à la délivrance du certificat.

66 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en rendant, en tant qu’autorité émettrice du certificat successoral européen, des décisions en application de l’article 67, paragraphe 1, du règlement no 650/2012, la juridiction de renvoi n’exerce pas de fonction juridictionnelle et, partant, n’est pas habilitée à saisir la Cour au titre de l’article 267 TFUE.

67 Il s’ensuit que la demande de décision préjudicielle est irrecevable.

Sur les dépens

68 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

  La demande de décision préjudicielle introduite par l’Amtsgericht Lörrach (tribunal de district de Lörrach, Allemagne), par décision du 21 mars 2023, est irrecevable.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-187/23
Date de la décision : 23/01/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Amtsgericht Lörrach.

Renvoi préjudiciel – Article 267 TFUE – Notion de “juridiction” – Coopération judiciaire en matière civile – Certificat successoral européen – Règlement (UE) no 650/2012 – Article 67, paragraphe 1 – Décisions rendues par l’autorité émettrice – Absence d’exercice d’une fonction juridictionnelle – Irrecevabilité.

Espace de liberté, de sécurité et de justice

Coopération judiciaire en matière civile


Parties
Demandeurs : Procédure engagée par E. V. G.-T.

Composition du Tribunal
Avocat général : Campos Sánchez-Bordona
Rapporteur ?: Jarukaitis

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:34

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