La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2024 | CJUE | N°C-596/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, B UG contre Veronsaajien oikeudenvalvontayksikkö., 19/12/2024, C-596/23


 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

19 décembre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Droits d’accise – Directive 2008/118/CE – Article 36, paragraphe 1 – Achat en ligne de produits soumis à accise dans un autre État membre – Transport par un transporteur recommandé par le vendeur – Réglementation nationale considérant le vendeur comme étant redevable des droits d’accise exigibles dans l’État membre de destination »

Dans l’affaire C‑596/23 [Pohjanri] ( i ),

ayant pour objet une demande de décision préjud

icielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Helsingin hallinto-oikeus (tribunal administratif de Helsinki, Fi...

 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

19 décembre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Droits d’accise – Directive 2008/118/CE – Article 36, paragraphe 1 – Achat en ligne de produits soumis à accise dans un autre État membre – Transport par un transporteur recommandé par le vendeur – Réglementation nationale considérant le vendeur comme étant redevable des droits d’accise exigibles dans l’État membre de destination »

Dans l’affaire C‑596/23 [Pohjanri] ( i ),

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Helsingin hallinto-oikeus (tribunal administratif de Helsinki, Finlande), par décision du 26 septembre 2023, parvenue à la Cour le 26 septembre 2023, dans la procédure engagée par

B UG,

en présence de :

Veronsaajien oikeudenvalvontayksikkö,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, M. S. Rodin (rapporteur) et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour B UG, par M. P. Snell, oikeustieteen kandidaatti,

– pour le gouvernement finlandais, par Mme H. Leppo, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par M. M. Björkland et Mme I. Söderlund, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 septembre 2024,

rend le présent

Arrêt

1 La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE (JO 2009, L 9, p. 12).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours en annulation d’une décision administrative par laquelle la Verohallinto (administration fiscale, Finlande) a imposé à B UG, une société allemande, le paiement de droits d’accise sur l’alcool et les boissons alcooliques et d’une amende fiscale pour un montant total de 1645,83 euros.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2008/118

3 Tout en ayant été abrogée, avec effet au 13 février 2023, par la directive (UE) 2020/262 du Conseil, du 19 décembre 2019, établissant le régime général d’accise (JO 2020, L 58, p. 4), les dispositions de la directive 2008/118 sont applicables au regard de la date des faits de l’affaire au principal.

4 Le chapitre II de la directive 2008/118, intitulé « Exigibilité, remboursement, exonération de l’accise », comprenait l’article 7 de cette directive, qui était libellé comme suit, à son paragraphe 1 :

« Les droits d’accise deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation et dans l’État membre où celle-ci s’effectue. »

5 Le chapitre V de ladite directive, intitulé « Mouvements et imposition des produits soumis à accise après la mise à la consommation », comportait un article 32, lui-même intitulé « Acquisition par des particuliers », qui disposait, à son paragraphe 1 :

« Pour les produits soumis à accise acquis par un particulier pour ses besoins propres et transportés d’un État membre à un autre par lui-même, les droits d’accise sont exigibles uniquement dans l’État membre où les produits sont acquis. »

6 Ce chapitre V contenait l’article 36 de la directive 2008/118, intitulé « Ventes à distance », qui prévoyait, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1.   Les produits soumis à accise déjà mis à la consommation dans un État membre qui sont achetés par une personne autre qu’un entrepositaire agréé ou un destinataire enregistré établie dans un autre État membre qui n’exerce pas d’activité économique indépendante, et qui sont expédiés ou transportés dans un autre État membre directement ou indirectement par le vendeur ou pour le compte de celui-ci, sont soumis aux droits d’accise dans l’État membre de destination.

Aux fins du présent article, on entend par “État membre de destination” l’État membre d’arrivée de l’expédition ou du transport.

2.   Dans le cas visé au paragraphe 1, les droits d’accise deviennent exigibles dans l’État membre de destination au moment de la livraison des produits soumis à accise. Les conditions d’exigibilité et le taux d’accise à appliquer sont ceux en vigueur à la date à laquelle les droits deviennent exigibles.

Les droits d’accise sont payés conformément à la procédure arrêtée par l’État membre de destination.

3.   La personne redevable des droits d’accise dans l’État membre de destination est le vendeur.

Toutefois, l’État membre de destination peut prévoir que le redevable est un représentant fiscal établi dans l’État membre de destination et agréé par les autorités compétentes de cet État membre ou, dans le cas où le vendeur n’a pas respecté les dispositions du paragraphe 4, point a), le destinataire des produits soumis à accise. »

La directive 92/12/CEE

7 L’article 10 de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO 1992, L 76, p. 1), disposait, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Les produits soumis à accise achetés par des personnes qui n’ont pas la qualité d’entrepositaire agréé, d’opérateur enregistré ou non enregistré et qui sont expédiés ou transportés directement ou indirectement par le vendeur ou pour son compte propre sont soumis à accise dans l’État membre de destination. Aux fins du présent article, on entend par l’État membre de destination, l’État membre d’arrivée de l’expédition ou du transport.

2.   À cette fin, la livraison de produits soumis à accise ayant déjà été mis à la consommation dans un État membre donnant lieu à l’expédition ou au transport de ces produits à destination d’une personne visée au paragraphe 1 établie dans un autre État membre et qui sont expédiés ou transportés directement ou indirectement par le vendeur ou pour son compte propre donne lieu à exigibilité de l’accise sur ces produits dans l’État membre de destination. »

Le droit finlandais

8 La directive 2008/118 a été transposée en Finlande par la valmisteverotuslaki (182/2010) [loi relative aux droits d’accise (182/2010)] (ci-après la « loi relative aux droits d’accise »). Dans l’affaire au principal, cette loi s’applique dans sa version telle qu’en vigueur en 2020.

9 En vertu de l’article 1er, deuxième alinéa, de la loi relative aux droits d’accise, celle-ci s’applique à la perception des droits d’accise sur, entre autres, l’alcool et les boissons alcooliques, sauf disposition contraire d’une loi portant sur une accise spécifique.

10 Aux fins de la loi relative aux droits d’accise, l’article 6, point 11, de celle-ci définit la « vente à distance » comme étant une vente dans laquelle une personne autre qu’un entrepositaire agréé ou un destinataire enregistré ou temporairement enregistré, établie en Finlande et qui n’exerce pas d’activité économique indépendante, a acheté dans un autre État membre des produits soumis à accise mis à la consommation qui sont expédiés ou transportés en Finlande directement ou indirectement par le
vendeur à distance ou pour le compte de celui-ci.

11 L’article 72, premier alinéa, de la loi relative aux droits d’accise prévoit que les droits d’accise ne sont pas exigibles sur les produits mis à la consommation dans un autre État membre qui sont achetés par un particulier pour ses besoins propres et transportés par lui-même en Finlande.

12 L’article 74, premier alinéa, de cette loi dispose que, lorsqu’un particulier acquiert, d’une manière autre que celle visée à l’article 72 de ladite loi ou au moyen d’une vente à distance, des produits soumis à accise en provenance d’un autre État membre pour ses besoins propres et que ces produits sont transportés vers la Finlande par un autre particulier ou par un opérateur professionnel, le particulier acquéreur est redevable des droits d’accise. Cette disposition précise que toute personne
ayant participé au transport desdits produits ou les détenant en Finlande est, elle aussi, tenue au paiement des droits d’accise dus par le particulier qui a acquis les produits soumis à accise comme s’il s’agissait de sa propre dette.

13 L’article 79, premier alinéa, de la loi relative aux droits d’accise énonce que des droits d’accise sont perçus sur les produits vendus en Finlande au moyen d’une vente à distance. L’article 79, deuxième alinéa, de cette loi prévoit que le vendeur à distance est redevable de ces droits et que, si le vendeur à distance a un représentant fiscal, celui-ci est redevable desdits droits à la place du vendeur à distance, ce dernier étant tenu au paiement des droits d’accise dus par le représentant
fiscal comme s’il s’agissait de sa propre dette. L’article 79, troisième alinéa, de ladite loi dispose que les droits d’accise deviennent exigibles lorsque les produits soumis à accise sont livrés en Finlande, ces droits étant dus conformément aux dispositions en vigueur le jour de la livraison.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

14 La société B UG exploitait un site Internet, également disponible en langue finnoise, au moyen duquel ses clients avaient la possibilité d’acheter des boissons de différentes marques, faiblement ou fortement alcoolisées.

15 Le 20 avril 2020, les autorités douanières finlandaises ont saisi un lot de boissons alcooliques qui avaient été vendues par B UG à un particulier résidant en Finlande et expédiées d’Allemagne à ce particulier. Les boissons en question ont été saisies sur le fondement de l’article 103 de la loi relative aux droits d’accise afin de déterminer si les dispositions de cette loi avaient été appliquées lors de leur importation.

16 L’administration fiscale a demandé à cet acheteur de lui fournir des explications sur le déroulement de la commande et l’organisation du transport de ces boissons vers la Finlande.

17 Selon les explications fournies par ledit acheteur le 25 juin 2020, lors de la passation de la commande sur le site Internet de B UG, est apparue une publicité pour les services de transport des sociétés X, Y et Z. Au cours de l’achat, le poids total des produits commandés et le prix du fret étaient mis à jour chaque fois que des boissons étaient ajoutées à la commande. Après le paiement du prix des boissons achetées, un rappel concernant l’organisation du transport est apparu sur le site
Internet de B UG. Ce rappel contenait, selon ledit acheteur, des liens renvoyant directement aux sites Internet des prestataires de transport. Le même acheteur a choisi la société X pour transporter les boissons qu’il avait commandées. En cliquant sur le lien intitulé « X », figurant dans la boutique en ligne de B UG, il a été redirigé vers le site Internet de la société X. Sur ce site, il a indiqué ses coordonnées, mais il n’a fourni aucune information concernant sa commande. Il a payé le fret
directement à la société X sur le site Internet de celle-ci.

18 L’administration fiscale a produit deux captures d’écran de pages du site Internet de B UG, l’une, datée du 16 juin 2020, contenant des instructions relatives au mode de livraison et l’autre, datée du 24 juin 2020, contenant les conditions de livraison. Il ressortirait de ces captures d’écran que B UG n’organise pas elle-même le transport des produits qu’elle commercialise, mais qu’elle offre la possibilité à ses clients de venir enlever leurs commandes dans un entrepôt situé en Allemagne ou de
choisir un transporteur à cet effet, certains transporteurs étant mentionnés à ce titre sur le site Internet de B UG. En outre, lesdites captures d’écran révéleraient que cette société a indiqué à ses clients qu’il leur incombe de payer des taxes en Finlande.

19 Par décision du 21 août 2020, l’administration fiscale a imposé à B UG, pour les boissons alcooliques saisies le 20 avril 2020, le paiement de droits d’accise sur l’alcool et les boissons alcooliques et d’une amende fiscale, pour un montant total de 1645,83 euros. Elle a considéré que cette société ou une personne agissant pour son compte avait directement ou indirectement expédié ou transporté les boissons alcooliques en cause vers la Finlande et que, par conséquent, ladite société avait agi en
tant que vendeur à distance et était redevable des droits d’accise en Finlande.

20 B UG a introduit une réclamation contre cette décision auprès de l’administration fiscale. Par décision du 1er juin 2021, celle-ci a rejeté cette réclamation.

21 B UG a saisi le Helsingin hallinto-oikeus (tribunal administratif de Helsinki, Finlande), qui est la juridiction de renvoi, d’un recours dirigé contre la décision de l’administration fiscale du 1er juin 2021, en concluant à l’annulation de cette décision et de tous les droits d’accise sur l’alcool et les boissons alcooliques qui lui avaient été imposés.

22 La juridiction de renvoi se demande si B UG a participé au transport des boissons alcooliques qu’elle a vendues au moyen de son site Internet de sorte qu’elle doive être considérée comme étant redevable des droits d’accise en Finlande en tant que vendeur à distance de ces boissons. Elle précise que le particulier qui a acquis celles-ci en Allemagne les a achetées pour ses besoins propres et a payé les frais de transport desdites boissons directement à l’entreprise de transport X.

23 Selon cette juridiction, la jurisprudence de la Cour ne permet pas de déterminer la manière dont il convient d’interpréter l’expression « expédiés ou transportés dans un autre État membre directement ou indirectement par le vendeur ou pour le compte de celui-ci », employée à l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2008/118.

24 Ladite juridiction considère que, dans l’affaire dont elle est saisie, elle doit apprécier si B UG a participé au transport des boissons en cause dans un autre État membre directement ou indirectement, au sens de l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2008/118, eu égard au fait que le site Internet de cette société mentionne différentes entreprises de transport et fournit des informations sur les frais de transport supportés par les acheteurs. En outre, la même juridiction observe que ce
site Internet contenait des liens vers les sites Internet des entreprises de transport mentionnées et que, une fois que l’acheteur avait cliqué sur le lien correspondant à l’une de ces entreprises, des informations sur les marchandises à transporter étaient automatiquement transmises au site Internet de l’entreprise de transport choisie à partir du site Internet du vendeur.

25 Dans ces conditions, le Helsingin hallinto-oikeus (tribunal administratif de Helsinki) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) La directive 2008/118, en particulier son article 36 relatif aux ventes à distance, s’oppose-t-elle à une interprétation [des dispositions légales nationales pertinentes] en vertu de laquelle il est considéré qu’un vendeur de produits soumis à accise établi dans un autre État membre participe au transport de ces produits vers l’État membre de destination et qu’il est redevable dans ce dernier des droits d’accise qui frappent les ventes à distance, au seul motif que, sur son site [Internet],
il donne l’instruction à l’acheteur de faire appel à une entreprise de transport déterminée ?

2) Le vendeur de produits soumis à accise a-t-il expédié ou transporté des marchandises directement ou indirectement vers un autre État membre, au sens de l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2008/118, et est-il redevable des droits d’accise frappant les ventes à distance au sens de cette directive, lorsque son site [Internet] recommand[e] des entreprises de transport déterminées et fourni[t] des informations sur les frais de transport supportés par l’acheteur et lorsque les frais de
transport ont été facturés par une entreprise de transport à laquelle des informations sur les marchandises à transporter ont été transmises sans intervention de l’acheteur ? Le fait que l’acheteur ait conclu avec l’entreprise de transport figurant sur le site [Internet] du vendeur un contrat séparé pour le transport des marchandises est-il pertinent aux fins de l’appréciation de l’affaire ? »

Sur les questions préjudicielles

26 Par ses questions préjudicielles, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2008/118 doit être interprété en ce sens que, dans les situations visées par cette disposition, des produits soumis à accise doivent être considérés comme « expédiés ou transportés dans un autre État membre directement ou indirectement par le vendeur ou pour le compte de celui-ci », de telle sorte que ce vendeur est redevable des
droits d’accise dans cet autre État membre, lorsqu’il agit de manière à guider le choix de l’acheteur quant à la société chargée de l’expédition et/ou du transport de ces produits en suggérant et en facilitant le recours à certaines sociétés pouvant en être chargées.

27 Conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/118, les droits d’accise deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation et dans l’État membre où cette mise à la consommation s’effectue.

28 Cela étant, comme l’a rappelé M. l’avocat général au point 31 de ses conclusions, les dispositions du chapitre V de la directive 2008/118 concernent les situations dans lesquelles, après la mise à la consommation d’un produit soumis à accise, celui-ci a fait l’objet d’une circulation au sein de l’Union européenne. Sous réserve des situations spécifiques visées à l’article 32 de cette directive, ces dispositions répondent à l’exigence de garantir le respect du principe de territorialité fiscale,
selon lequel l’acquittement du droit d’accise doit se réaliser dans le pays de consommation réelle, et à celle d’éviter la double imposition du produit concerné.

29 Parmi lesdites dispositions figure l’article 36 de ladite directive.

30 Conformément au paragraphe 1 de cet article, qui vise la vente à distance, les produits soumis à accise déjà mis à la consommation dans un État membre qui sont achetés par une personne autre qu’un entrepositaire agréé ou un destinataire enregistré, qui est établie dans un autre État membre et qui n’exerce pas d’activité économique indépendante, et qui sont expédiés ou transportés dans un autre État membre directement ou indirectement par le vendeur ou pour le compte de celui-ci sont soumis aux
droits d’accise dans l’État membre de destination.

31 En l’occurrence, la juridiction de renvoi cherche à déterminer si la situation en cause au principal constitue une vente à distance ayant pour particularité que les produits concernés ont été « expédiés ou transportés dans un autre État membre directement ou indirectement par le vendeur ou pour le compte de celui-ci », au sens de cet article 36, paragraphe 1.

32 À cet égard, il ressort de la demande de décision préjudicielle que le site Internet de la société B UG, disponible également en langue finnoise, recommandait aux acheteurs des boissons alcooliques commercialisées au moyen de ce site des sociétés de transport qui y étaient identifiées. En outre, ledit site Internet fournissait des informations sur les frais de transport supportés par l’acheteur décidant de recourir à l’une de ces sociétés et contenait un lien vers le site Internet de chacune
desdites sociétés, vers lequel, une fois l’un de ces liens activé par l’acheteur, des informations sur les produits à transporter étaient transmises sans intervention de cet acheteur.

33 Dans de telles conditions, sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, le vendeur agit de manière à guider le choix de l’acheteur quant à la société chargée de l’expédition et/ou du transport des produits achetés sur son site Internet.

34 Lorsque le vendeur agit de cette manière, il doit être considéré comme participant indirectement à l’expédition et/ou au transport des produits soumis à accise vers l’État membre de destination et comme étant, par conséquent, redevable des droits d’accise dans cet État membre, en vertu des règles énoncées à l’article 36, paragraphes 1 à 3, de la directive 2008/118.

35 En effet, ainsi qu’il ressort, en particulier, de l’emploi du terme « indirectement » à l’article 36, paragraphe 1, de cette directive, cette disposition a été rédigée de façon à couvrir non seulement l’hypothèse où le vendeur exécute lui-même la prestation de transport et/ou d’expédition, mais également d’autres hypothèses, parmi lesquelles celle où le vendeur dirige indirectement l’expédition et/ou le transport en offrant au consommateur de choisir entre des expéditeurs et/ou transporteurs,
qu’il recommande.

36 Ladite disposition atteste ainsi clairement que le législateur de l’Union est davantage intéressé par la nature objective des transactions que par la forme juridique qui leur est conférée (voir en ce sens, à propos de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 92/12, dont la teneur était analogue à celle de l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2008/118, arrêt du 2 avril 1998, EMU Tabac e.a., C‑296/95, EU:C:1998:152, point 46).

37 Cela implique, comme l’a mis en exergue M. l’avocat général au point 43 de ses conclusions, que l’expression « expédiés ou transportés dans un autre État membre directement ou indirectement par le vendeur ou pour le compte de celui-ci » doit être interprétée de manière à ce que l’acquittement des droits d’accise reflète la réalité économique de la transaction, abstraction faite de tout formalisme.

38 Ainsi, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 65 de ses conclusions, la circonstance que l’acheteur a conclu deux contrats distincts, l’un avec le vendeur et l’autre avec la société de transport, est dépourvue de pertinence afin d’apprécier si la vente à distance en cause relève, ou non, du cas de figure visé à l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2008/118.

39 Eu égard à l’ensemble des observations qui précédent, il y a lieu de répondre aux questions préjudicielles que l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2008/118 doit être interprété en ce sens que, dans les situations visées par cette disposition, des produits soumis à accise doivent être considérés comme « expédiés ou transportés dans un autre État membre directement ou indirectement par le vendeur ou pour le compte de celui-ci », de telle sorte que ce vendeur est redevable des droits
d’accise dans cet autre État membre, lorsqu’il agit de manière à guider le choix de l’acheteur quant à la société chargée de l’expédition et/ou du transport de ces produits en suggérant et en facilitant le recours à certaines sociétés pouvant en être chargées.

Sur les dépens

40 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

  L’article 36, paragraphe 1, de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE,

  doit être interprété en ce sens que :

  dans les situations visées par cette disposition, des produits soumis à accise doivent être considérés comme « expédiés ou transportés dans un autre État membre directement ou indirectement par le vendeur ou pour le compte de celui-ci », de telle sorte que ce vendeur est redevable des droits d’accise dans cet autre État membre, lorsqu’il agit de manière à guider le choix de l’acheteur quant à la société chargée de l’expédition et/ou du transport de ces produits en suggérant et en facilitant le
recours à certaines sociétés pouvant en être chargées.

  Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure : le finnois.

( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-596/23
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Helsingin hallinto-oikeus.

Renvoi préjudiciel – Droits d’accise – Directive 2008/118/CE – Article 36, paragraphe 1 – Achat en ligne de produits soumis à accise dans un autre État membre – Transport par un transporteur recommandé par le vendeur – Réglementation nationale considérant le vendeur comme étant redevable des droits d’accise exigibles dans l’État membre de destination.

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : B UG
Défendeurs : Veronsaajien oikeudenvalvontayksikkö.

Composition du Tribunal
Avocat général : Pikamäe
Rapporteur ?: Rodin

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:1044

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award