ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
12 décembre 2024 ( *1 )
« Pourvoi – Fonction publique – Agents temporaires – Procédure disciplinaire – Statut des fonctionnaires de l’Union européenne – Annexe IX – Article 3 – Exécution des arrêts du Tribunal de la fonction publique et du Tribunal de l’Union européenne – Annulation des décisions de l’autorité investie du pouvoir de nomination – Pouvoir d’appréciation – Obligation de reprendre la procédure au point précis où l’illégalité est intervenue – Droits de la défense – Droit d’être entendu – Article 29 – Réparation
du préjudice subi »
Dans l’affaire C‑587/21 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 23 septembre 2021,
DD, représenté par Me N. Lorenz, Rechtsanwältin,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), représentée initialement par M. M. O’Flaherty, puis par Mme S. Rautio, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, Rechtsanwalt,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. I. Jarukaitis, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. E. Regan et Z. Csehi (rapporteur), juges,
avocat général : M. P. Pikamäe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 décembre 2023,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, DD demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 juillet 2021, DD/FRA (T‑632/19, ci-après l’ arrêt attaqué , EU:T:2021:434), par lequel celui-ci a rejeté son recours fondé sur l’article 270 TFUE et tendant, premièrement, à la réparation du préjudice moral que DD aurait prétendument subi, deuxièmement, à l’annulation de la décision du directeur de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), du 19 novembre 2018, rejetant sa demande
d’indemnités et, troisièmement, à l’annulation, si nécessaire, de la décision du 12 juin 2019, rejetant la réclamation dirigée contre la décision susmentionnée du 19 novembre 2018.
Le cadre juridique
2 Le titre VI du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») est intitulé « Du régime disciplinaire ». Sous ce titre VI figure l’article 86 du statut, aux termes duquel :
« 1. Tout manquement aux obligations auxquelles le fonctionnaire ou l’ancien fonctionnaire est tenu, au titre du présent statut, commis volontairement ou par négligence, l’expose à une sanction disciplinaire.
2. L’autorité investie du pouvoir de nomination [(ci-après l’“AIPN”)] ou l’Office européen de lutte antifraude [(OLAF)] peuvent ouvrir une enquête administrative, en vue de vérifier l’existence d’un manquement au sens du paragraphe 1, lorsque des éléments de preuve laissant présumer l’existence d’un manquement ont été portés à leur connaissance.
3. Les règles, procédures et sanctions disciplinaires, ainsi que les règles et procédures régissant les enquêtes administratives, sont établies à l’annexe IX. »
3 L’article 1er de l’annexe IX du statut, intitulée « Procédure disciplinaire », dispose :
« 1. Dès qu’une enquête de l’[OLAF] révèle la possibilité qu’un fonctionnaire ou un ancien fonctionnaire d’une institution est personnellement impliqué dans une affaire, ce dernier en est tenu informé pour autant que cette information ne nuise pas au déroulement de l’enquête. En toute circonstance, des conclusions se rapportant nommément à un fonctionnaire ne peuvent être tirées à l’issue de l’enquête sans que ce dernier ait été en mesure de présenter ses observations sur les faits le
concernant. Les conclusions font état de ces observations.
[...]
3. Si, à la suite d’une enquête de l’OLAF, aucune charge ne peut être retenue contre un fonctionnaire faisant l’objet d’allégations, l’enquête le concernant est classée sans suite par décision du directeur de l’[OLAF], qui en informe par écrit le fonctionnaire et son institution. Le fonctionnaire peut demander que cette décision figure dans son dossier personnel. »
4 L’article 2, paragraphe 1, de cette annexe IX prévoit :
« Les règles définies à l’article 1er de la présente annexe s’appliquent mutatis mutandis aux autres enquêtes administratives effectuées par l’[AIPN]. »
5 Aux termes de l’article 3 de ladite annexe IX :
« Sur la base du rapport d’enquête, après avoir communiqué au fonctionnaire concerné toutes les pièces du dossier et après l’avoir entendu, l’[AIPN] peut :
a) décider qu’aucune charge ne peut être retenue contre le fonctionnaire concerné, auquel cas ce dernier en est alors informé par écrit ; ou
b) décider, même en cas de manquement ou de manquement présumé aux obligations, qu’il convient de n’adopter aucune sanction disciplinaire et, le cas échéant, adresser au fonctionnaire une mise en garde ; ou
c) en cas de manquement aux obligations, conformément à l’article 86 du statut,
i) décider de l’ouverture de la procédure disciplinaire prévue à la section 4 de la présente annexe, ou
ii) décider de l’ouverture d’une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline. »
6 L’article 11 de la même annexe IX est libellé comme suit :
« L’[AIPN] peut décider de la sanction d’avertissement par écrit ou de blâme sans consultation du conseil. Le fonctionnaire concerné est préalablement entendu par l’[AIPN]. »
7 L’article 29 de l’annexe IX du statut dispose :
« Si aucune charge n’a été retenue contre l’intéressé en application de l’article 1er, paragraphe 3, et de l’article 22, paragraphe 2, de la présente annexe, ce dernier a droit, sur sa demande, à la réparation du préjudice subi par une publicité adéquate de la décision de l’[AIPN]. »
Les antécédents du litige
8 Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 17 de l’arrêt attaqué comme suit :
« 1 Le requérant, DD, a été recruté le 1er août 2000 par un organisme de l’Union européenne, l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes (EUMC), devenu [la FRA], en qualité d’agent temporaire au sens de l’article 2, sous a), du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes [...]. Engagé initialement sous contrat à durée déterminée, il a bénéficié d’un contrat à durée indéterminée à partir du 16 décembre 2006.
2 Durant l’année 2009, puis dans le cadre de l’exercice d’évaluation portant sur l’année 2011 et en particulier dans l’exercice d’une voie de recours prévue par les règles internes à la FRA contre le projet de rapport d’évaluation [...], le requérant a prétendu être victime d’une discrimination fondée sur sa race ou sur son appartenance ethnique.
3 Au regard des termes et du ton employés [par le requérant dans le cadre de l’exercice de cette voie de recours], le directeur de la FRA a ouvert une enquête administrative le 9 novembre 2012.
4 Au terme d’une audition qui s’est tenue le 20 février 2013 et qui avait pour objet d’entendre le requérant conformément aux articles 2 et 11 de l’annexe IX du [statut], applicable par analogie aux agents contractuels, le directeur de la FRA lui a infligé un blâme.
5 Finalement, par lettre du 13 juin 2013, le directeur de la FRA a informé le requérant de sa décision de résilier son contrat à durée indéterminée (ci-après la “décision de résiliation”).
6 Par arrêt du 8 octobre 2015, DD/FRA (F‑106/13 et F‑25/14, ci‑après l’arrêt d’annulation, EU:F:2015:118), le Tribunal de la fonction publique a annulé le blâme. Cette annulation était motivée par le fait que le droit du requérant d’être entendu avait été violé, en ce que le directeur de la FRA avait omis de lui communiquer les conclusions de l’enquête administrative préalablement à l’audition du 20 février 2013 et ne lui avait donc pas permis de préparer utilement sa défense (arrêt d’annulation,
point 63).
7 Dans le même arrêt, le Tribunal de la fonction publique a également annulé la décision de résiliation au motif que, préalablement à l’adoption de celle-ci, le directeur de la FRA n’avait pas expressément informé le requérant que, sur la base de divers incidents, il envisageait de résilier son contrat et qu’il ne l’avait pas invité à formuler toute observation à ce sujet (arrêt d’annulation, point 90).
8 Le Tribunal de la fonction publique a, en revanche, rejeté les conclusions indemnitaires du requérant tendant à obtenir la réparation du préjudice moral causé par l’enquête administrative pour trois motifs : premièrement, parce que le requérant ne pouvait légitimement prétendre que les griefs formulés à son égard n’étaient pas suffisamment définis pour que ladite enquête soit ouverte (arrêt d’annulation, point 74) ; deuxièmement, parce que la circonstance que l’enquête administrative avait été
conduite sans que la FRA ait préalablement adopté les dispositions générales d’exécution de l’article 2 de l’annexe IX du statut afin de définir le cadre procédural de l’enquête n’était pas de nature à entacher d’irrégularité ladite enquête (arrêt d’annulation, point 75), et troisièmement, parce que, si l’audition du requérant était intervenue sans qu’il ait pu préparer utilement sa défense, force était de constater que, dans sa requête, celui-ci s’était contenté d’évoquer l’existence d’un
stress et d’une anxiété au cours de l’enquête administrative, sans étayer davantage ses affirmations (arrêt d’annulation, point 76).
9 Le Tribunal de la fonction publique a également rejeté les conclusions indemnitaires du requérant tendant à la réparation du préjudice moral résultant du fait que le blâme aurait porté injustement atteinte à son intégrité, à sa dignité et à sa réputation au sein de la FRA. Le Tribunal de la fonction publique a notamment relevé à cet égard que, puisque l’annulation du blâme résultait de la méconnaissance du droit du requérant d’être entendu, il n’était pas exclu qu’une décision différente eût été
adoptée si celui-ci l’avait été. Par voie de conséquence, le Tribunal de la fonction publique a jugé que lesdites conclusions indemnitaires étaient prématurées, sauf à préjuger de l’exécution de l’arrêt d’annulation par la FRA (arrêt d’annulation, points 78 à 82).
10 Le Tribunal de la fonction publique a aussi rejeté les conclusions indemnitaires du requérant tendant à la réparation des préjudices matériel et moral causés par l’illégalité de la décision de résiliation. En ce qui concerne le préjudice moral, le Tribunal de la fonction publique a constaté que le requérant s’était contenté d’indiquer que cette décision lui avait causé un traumatisme psychologique et avait porté atteinte à sa réputation et à sa dignité, sans démontrer que ce préjudice ne
pouvait être intégralement réparé par l’arrêt d’annulation (point 107).
11 Le requérant a introduit un pourvoi contre l’arrêt d’annulation, qui a été rejeté par le Tribunal par l’[arrêt du 19 juillet 2017, DD/FRA (T‑742/15 P, EU:T:2017:528)].
12 Entre-temps, dès le 1er mars 2016, la FRA a réintégré le requérant dans ses fonctions et lui a versé le salaire qu’il n’avait pas reçu.
13 Par ailleurs, le requérant avait introduit, le 12 avril 2013, une réclamation auprès du Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) au motif que l’enquête administrative avait été conduite en méconnaissance du règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données
(JO 2001, L 8, p. 1). Le CEPD a suspendu l’examen de cette réclamation dans l’attente de l’arrêt d’annulation, puis de l’arrêt [du Tribunal du 19 juillet 2017, DD/FRA (T‑742/15 P, EU:T:2017:528).
14 Le 18 décembre 2017, le CEPD a considéré que, à défaut d’avoir établi un cadre légal suffisant pour l’ouverture et la conduite des enquêtes administratives, l’enquête concernant le requérant avait enfreint l’article 4, l’article 5, sous a), ainsi que les articles 11 et 12 du règlement no 45/2001 [...]. Ces conclusions sont devenues définitives le 16 mars 2018, à la suite du rejet par le CEPD de demandes de réexamen émanant de l’intéressé et de la FRA.
15 Le 19 juillet 2018, le requérant a introduit une demande, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, du statut, tendant au paiement d’une somme de 100000 euros au titre d’une réparation financière pour une série d’illégalités commise par la FRA (ci‑après la “demande d’indemnités”). Premièrement, le requérant y faisait valoir que l’enquête administrative avait été ouverte sans être fondée sur un soupçon suffisamment sérieux et étayé d’une preuve qu’il aurait accusé son supérieur de
discrimination raciale et que l’enquête avait plutôt été fondée sur une exagération et une manipulation. Deuxièmement, il soutenait que l’enquête administrative, la procédure disciplinaire, le blâme et la décision de résiliation constituaient une discrimination fondée sur ses origines ethniques. Troisièmement, le requérant exposait que l’ouverture et la conduite de l’enquête administrative avaient violé l’article 4, l’article 5, sous a), ainsi que les articles 11 et 12 du règlement no 45/2001.
Quatrièmement, il alléguait que le blâme et la décision de résiliation avaient été fondés sur une enquête administrative illégale qui contenait des propos offensants et diffamatoires. Cinquièmement, le requérant prétendait que la FRA avait proféré des propos offensants et diffamatoires, qu’elle avait méconnu son droit à la présomption d’innocence et qu’elle s’était rendue coupable d’une violation de son droit à la vie privée et à la protection de ses données personnelles durant l’enquête
administrative, durant la procédure disciplinaire, dans le blâme et dans la décision de résiliation, durant les procédures devant le Tribunal de la fonction publique, le Tribunal et la commission de contrôle budgétaire du Parlement européen, ainsi qu’en raison de la publication dans la presse d’articles concernant l’arrêt d’annulation. Selon le requérant, ces comportements, dans leur ensemble, auraient constitué un harcèlement moral. Sixièmement, il considérait que la FRA avait de la sorte
violé son devoir de sollicitude en ne prenant pas en considération tous les éléments qui auraient pu influencer ses décisions et son comportement et, en particulier, en ne l’informant pas dans les meilleurs délais des reproches qui lui étaient faits. Finalement, le requérant ajoutait que toutes ces illégalités lui avaient causé du stress, de l’anxiété, de l’incertitude et un sentiment d’abandon et d’indifférence. Humilié, il aurait également souffert de la condescendance et du mépris avec
lesquels il aurait été traité.
16 Le 19 novembre 2018, l’[AIPN] a rejeté la demande d’indemnités du requérant en faisant notamment valoir que l’arrêt d’annulation avait été exécuté puisqu’il avait été réintégré dans ses fonctions et que le blâme avait été retiré de son dossier personnel [(ci-après la “décision du 19 novembre 2018”)].
17 Le 14 février 2019, le requérant a introduit une réclamation que l’[AIPN] a rejetée le 12 juin suivant [(ci-après la “décision de rejet du 12 juin 2019”)]. Dans [cette] décision de rejet, l’[AIPN] a notamment indiqué que la FRA avait décidé de ne pas recommencer la procédure et que tous les actes se rapportant à l’enquête administrative avaient été effacés du dossier du requérant. »
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
9 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 septembre 2019, le requérant a introduit le recours visé au point 1 du présent arrêt.
10 Par son recours, le requérant demandait notamment au Tribunal de condamner la FRA à réparer les préjudices moraux causés par la procédure disciplinaire ayant conduit au blâme, par la décision de résiliation et par l’exécution incorrecte de l’arrêt d’annulation annulant ces deux décisions. À l’appui de sa demande, le requérant invoquait six chefs d’illégalité tirés des comportements illégaux de la FRA (ci-après, ensemble, les « comportements illégaux »), découlant :
– le premier, de ce que, après l’arrêt d’annulation, la FRA n’avait pas entendu le requérant et n’avait pas adopté une décision en application de l’article 3, sous a), de l’annexe IX du statut ;
– le deuxième, de l’ouverture irrégulière de l’enquête administrative et de la procédure disciplinaire initiale ;
– le troisième, de l’absence de réparation par la FRA de son préjudice moral résultant du blâme annulé par l’arrêt d’annulation ;
– le quatrième, de ce que la FRA n’aurait pas exécuté l’arrêt d’annulation et n’aurait pas mené la procédure disciplinaire dans un délai raisonnable et de manière diligente ;
– le cinquième, de ce que l’ouverture et la conduite de l’enquête administrative auraient violé le règlement no 45/2001, le statut et le droit au respect de la vie privée garanti par l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), et
– le sixième, de l’absence de réparation par la FRA du préjudice résultant de déclarations dépourvues de fondement, diffamatoires et offensantes, et ce en violation de l’autorité de la chose jugée de l’arrêt d’annulation, du droit à la présomption d’innocence et du devoir de sollicitude, ainsi que de l’obligation de s’abstenir de tout harcèlement moral.
11 En outre, dans la mesure où le requérant demandait la réparation du préjudice moral qu’il aurait subi en raison des comportements illégaux, il invoquait, à cette fin, plusieurs arguments concernant la réalité de ce préjudice ainsi que de l’existence d’un lien de causalité entre ce dernier et ces comportements.
12 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que les conditions relatives à l’engagement de la responsabilité de la FRA n’avaient pas été réunies en l’espèce. D’une part, il n’a retenu, comme étant fondé, aucun des chefs d’illégalité présentés par le requérant. D’autre part, le Tribunal a constaté que l’existence d’un préjudice moral et d’un lien de causalité entre celui-ci et les comportements illégaux n’avaient pas été établis par le requérant.
Les conclusions des parties au pourvoi
13 Le requérant demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– en conséquence, d’annuler la décision du 19 novembre 2018 et, si nécessaire, la décision de rejet du 12 juin 2019 ;
– de lui accorder la réparation du préjudice immatériel qu’il a subi, estimé ex æquo et bono à 100000 euros, et
– de condamner la FRA aux entiers dépens.
14 La FRA demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner le requérant aux entiers dépens.
Sur le pourvoi
15 À l’appui de son pourvoi, le requérant invoque huit moyens, tirés d’erreurs commises par le Tribunal, respectivement dans chacune des huit parties de l’arrêt attaqué, à savoir dans l’exposé des faits, dans l’examen des premier à sixième chefs d’illégalité ainsi que dans la partie relative à l’examen de l’existence d’un dommage actuel et d’un lien causal.
16 Par le deuxième moyen de pourvoi ainsi que la première branche du cinquième moyen, qu’il convient d’analyser d’emblée, le requérant fait valoir que le Tribunal a, d’une part, conclu à tort que, en l’espèce, l’article 3, sous a), de l’annexe IX du statut n’était pas applicable et, partant, que le respect des droits de la défense n’était pas de rigueur, et, d’autre part, fourni une motivation contradictoire à cet égard.
Sur les première et deuxième branches du deuxième moyen
Argumentation des parties
17 Par la première branche du deuxième moyen, le requérant reproche, en substance, au Tribunal d’avoir considéré à tort que l’annulation d’un acte n’obligeait pas les institutions et les organismes de l’Union à reprendre la procédure au point précis auquel l’illégalité est intervenue, ceux-ci disposant d’un large pouvoir d’appréciation pour décider des moyens à mettre en œuvre afin de tirer les conséquences d’un arrêt d’annulation. Il ressortirait en effet de l’arrêt du 5 septembre 2014, Éditions
Odile Jacob/Commission (T‑471/11, EU:T:2014:739), cité au point 45 de l’arrêt attaqué, que la procédure visant à remplacer un acte annulé doit être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue, l’annulation d’une décision n’affectant pas nécessairement les actes préparatoires.
18 Par la deuxième branche du deuxième moyen, le requérant fait grief au Tribunal d’avoir fait une application erronée de l’article 3, sous a), de l’annexe IX du statut, en jugeant que cet article ne s’applique pas lorsqu’une enquête administrative est retirée ou abandonnée dans des circonstances, comme celles de l’espèce, où la FRA a décidé de ne pas reprendre la procédure disciplinaire au stade qui avait vicié le blâme. Selon le requérant, l’article 3, sous a), de l’annexe IX du statut énumère de
manière exhaustive les options dont disposait la FRA après la production d’un rapport d’enquête administrative. En outre, l’objectif de cet article devrait être lu en combinaison avec l’article 29 de l’annexe IX du statut pour permettre la prise en compte des intérêts de la personne concernée, de sorte que le retrait d’un rapport d’enquête administrative sans aucune motivation et sans aucune publicité constituerait une violation de ces articles. Le requérant soutient que le Tribunal a créé une
distinction artificielle entre la clôture d’une enquête administrative et son retrait ou son abandon, ce qui prive d’une grande partie de leurs effets les articles 3 et 29 de l’annexe IX du statut.
19 La FRA conclut au rejet des première et deuxième branches du deuxième moyen.
20 Pour ce qui est de la première branche, cet organisme estime que celle‑ci est inopérante. À cet égard, la FRA avance que la jurisprudence citée au point 45 de l’arrêt attaqué ne signifie pas, contrairement à ce que le requérant prétend, que l’AIPN est tenue de reprendre une procédure disciplinaire qui s’avère entachée d’un vice de procédure. Elle ajoute que, en tout état de cause, le requérant n’a aucun intérêt légitime à soutenir que la FRA était tenue de reprendre la procédure disciplinaire
plutôt que de l’abandonner.
21 S’agissant de la deuxième branche, la FRA soutient qu’elle n’a pas abandonné le rapport d’enquête administrative, mais qu’elle s’est abstenue de reprendre la procédure d’enquête administrative à l’égard du requérant et a retiré de son dossier tous les actes antérieurs relatifs à cette enquête. L’article 266 TFUE régissant l’exécution des arrêts d’annulation ne ferait pas obstacle à ce qu’elle décide d’abandonner la procédure disciplinaire et le fait que l’article 3 de l’annexe IX du statut ne
mentionne pas une telle possibilité signifierait seulement que cette disposition n’est pas applicable.
Appréciation de la Cour
22 Il importe de rappeler qu’il résulte de l’article 266 TFUE que l’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé a l’obligation de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt ayant prononcé l’annulation de cet acte et, pour se conformer à cet arrêt ainsi que pour lui donner pleine exécution, de respecter non seulement son dispositif, mais également les motifs qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de
ce qui a été jugé dans ce dispositif (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a., C‑361/14 P, EU:C:2016:434, point 35 ainsi que jurisprudence citée).
23 En effet, ce sont ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme étant illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, EU:C:2003:125, point 29).
24 Dès lors que l’article 266 TFUE ne spécifie pas la nature des mesures qui doivent être prises par l’auteur de l’acte annulé afin de se conformer à cette obligation, il appartient à celui-ci d’identifier ces mesures, tout en disposant, dans le choix de celles-ci, d’un large pouvoir d’appréciation, pour autant qu’il se conforme au dispositif de l’arrêt qui a annulé cet acte et aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire (arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission, C‑619/20 P et C‑620/20 P,
EU:C:2022:722, point 102).
25 Plus particulièrement, la procédure visant à remplacer un acte annulé doit être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 1986, Conseil/Parlement, 34/86, EU:C:1986:291, point 47), l’annulation d’un acte n’affectant, en principe, pas la validité des mesures préparatoires de celui-ci, antérieures au stade où ce vice a été constaté (arrêt du 6 juillet 2017, Toshiba/Commission, C‑180/16 P, EU:C:2017:520, point 24).
26 C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu de vérifier si le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 45 à 49 de l’arrêt attaqué, que l’exécution de l’arrêt d’annulation n’impliquait que l’obligation, pour la FRA, de retirer le blâme du dossier personnel du requérant au motif que l’article 3 de l’annexe IX du statut n’était pas applicable en l’espèce.
27 À cet égard, il convient d’observer que, par l’arrêt d’annulation, le Tribunal de la fonction publique a annulé le blâme infligé au requérant au motif que son droit d’être entendu avait été violé, en ce que le directeur de la FRA s’était fondé sur les conclusions du rapport de l’enquête administrative pour ouvrir la procédure disciplinaire et adopter immédiatement la décision de lui infliger un blâme, en ayant omis de lui communiquer ces conclusions préalablement à l’audition du 20 février 2013
et ne lui avait donc pas permis de préparer utilement sa défense.
28 Partant, le Tribunal de la fonction publique a jugé que la décision de blâme avait été prise au terme d’une procédure irrégulière, en méconnaissance des exigences prévues aux articles 2, 3 et 11 de l’annexe IX du statut, consacrant, notamment, le droit d’être entendu du requérant.
29 Dans ces conditions, il est constant que le vice de procédure constaté par le Tribunal de la fonction publique dans l’arrêt d’annulation est intervenu au stade ultime d’une enquête administrative préalable et n’a donc pas affecté la procédure disciplinaire ab initio, notamment en ce qui concerne la validité du rapport d’enquête administrative.
30 Il importe de rappeler, d’une part, qu’une procédure disciplinaire au sens de l’annexe IX du statut comprend deux phases distinctes, la première constituée par l’enquête administrative à charge et à décharge, initiée par une décision de l’AIPN et clôturée, après que l’intéressé a été entendu sur les faits qui lui sont reprochés, par un rapport d’enquête, et la seconde constituée par la procédure disciplinaire proprement dite, initiée par l’AIPN sur la base dudit rapport d’enquête et qui suppose
que le fonctionnaire soit entendu avant qu’une sanction ne soit adoptée à son égard par celle-ci (arrêt du 14 octobre 2021, Bernaldo de Quirós/Commission, C‑583/19 P, EU:C:2021:844, point 56).
31 D’autre part, comme l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 50 de ses conclusions, l’annulation d’un acte mettant un terme à une procédure administrative comprenant différentes phases n’entraîne pas nécessairement l’annulation de toute la procédure précédant l’adoption de l’acte attaqué indépendamment des motifs, de fond ou de procédure, de l’arrêt d’annulation. L’auteur de l’acte doit ainsi se placer à la date à laquelle il avait adopté l’acte annulé pour adopter l’acte destiné à
le remplacer.
32 En l’espèce, il convient donc de constater, à l’instar de M. l’avocat général au point 56 de ses conclusions, que l’annulation du blâme n’ayant pas affecté les actes préparatoires qui ont précédé cette décision, la FRA devait reprendre la procédure disciplinaire à l’égard du requérant au point précis auquel l’illégalité constatée par l’arrêt d’annulation était intervenue, à savoir au moment de l’adoption de la décision concernant les suites à donner à l’enquête administrative.
33 Il ressort d’ailleurs du point 47 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a lui‑même rappelé que, à la suite de l’arrêt d’annulation, la FRA aurait pu à nouveau s’appuyer sur le rapport d’enquête administrative du 12 février 2013 pour reprendre la procédure disciplinaire à l’égard du requérant au stade où elle avait été viciée du fait d’une violation de ses droits de la défense, en respectant les exigences procédurales découlant de l’article 3 de l’annexe IX du statut.
34 En effet, si l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la conduite des enquêtes administratives, il n’en demeure pas moins qu’elle doit respecter ces exigences procédurales.
35 Par conséquent, les dispositions de l’annexe IX du statut, et notamment l’article 3 de cette annexe, conditionnent l’exercice, par l’AIPN, de son pouvoir d’appréciation des suites à donner à la première phase de la procédure disciplinaire, durant laquelle est menée l’enquête administrative impartiale à l’égard de la personne concernée.
36 Plus spécifiquement, l’article 3 de l’annexe IX du statut, qui vise à régir l’action de l’AIPN au terme de la phase d’enquête administrative, énumère, de manière limitative, les trois options dont dispose cette autorité sur la base du rapport d’enquête administrative. En effet, il ressort du libellé clair et non équivoque de cet article que, après avoir communiqué au fonctionnaire de l’Union concerné toutes les pièces du dossier et après l’avoir entendu, l’AIPN peut, premièrement, décider
qu’aucune charge ne peut être retenue contre ce fonctionnaire, auquel cas elle doit l’en informer par écrit. Deuxièmement, même en cas de manquement ou de manquement présumé aux obligations dont il s’agit, l’AIPN peut décider qu’il convient de n’adopter aucune sanction disciplinaire et, le cas échéant, elle peut adresser audit fonctionnaire une mise en garde uniquement. Troisièmement, en cas de manquement aux obligations auxquelles le fonctionnaire ou l’ancien fonctionnaire est tenu, au titre du
statut, commis volontairement ou par négligence, l’AIPN peut décider d’ouvrir une procédure disciplinaire et, le cas échéant, de saisir, à cet effet, le conseil de discipline.
37 En l’espèce, comme M. l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 55 et 56 de ses conclusions, à la suite de l’arrêt d’annulation, fondé sur une violation des droits de la défense du requérant au terme de la phase administrative de la procédure, la FRA se trouvait précisément dans cette phase de la procédure, c’est-à-dire, au moment où il lui appartenait d’opérer un choix entre ces trois options prévues limitativement à l’article 3 de l’annexe IX du statut.
38 Or, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 48 de l’arrêt attaqué, la FRA n’a opté pour aucune des trois possibilités prévues à cette disposition, mais a choisi une « autre solution », consistant à abandonner la procédure disciplinaire en retirant du dossier personnel du requérant tous les actes antérieurs relatifs à l’enquête administrative.
39 En jugeant, aux points 46, 48 et 49 de l’arrêt attaqué, que, ce faisant, la FRA a agi dans le respect de la jurisprudence rappelée au point 24 du présent arrêt et n’a pas violé l’article 3 de l’annexe IX du statut, pour le motif que cette disposition n’était pas applicable, dès lors que l’arrêt d’annulation imposait seulement à la FRA de retirer le blâme du dossier personnel du requérant, celui-ci étant censé n’avoir jamais existé, le Tribunal a commis une erreur de droit.
40 En effet, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, le pouvoir d’appréciation de la FRA, dans le cadre de l’exécution de l’arrêt d’annulation, ne lui permettait pas de se départir des trois options prévues limitativement à l’article 3 de l’annexe IX du statut, de sorte que, en décidant d’abandonner la procédure disciplinaire par le retrait du dossier personnel du requérant de tous les actes antérieurs relatifs à l’enquête administrative, cet organisme a violé cette disposition et outrepassé les
limites de son pouvoir d’appréciation, telles qu’elles découlent de la jurisprudence citée au point 25 du présent arrêt.
41 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 29 de l’annexe IX du statut, si aucune charge n’a été retenue contre l’intéressé, ce dernier a droit, le cas échéant, à la réparation du préjudice subi par une publicité adéquate de la décision de l’AIPN. Pour cette raison également, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal aux points 48 et 49 de l’arrêt attaqué, la FRA était tenue de reprendre, dans le respect de l’article 3 de l’annexe IX, la procédure disciplinaire à l’égard
du requérant et de constater, le cas échéant, qu’aucune charge ne devait être retenue contre lui, de manière à lui permettre de faire éventuellement valoir son droit à réparation.
42 En conséquence, il convient d’accueillir les première et deuxième branches du deuxième moyen du pourvoi.
Sur la troisième branche du deuxième moyen et la première branche du cinquième moyen
Argumentation des parties
43 Par la troisième branche du deuxième moyen et la première branche du cinquième moyen, le requérant conteste le bien-fondé de la conclusion du Tribunal selon laquelle, aux fins de l’exécution correcte de l’arrêt d’annulation, la FRA n’était pas tenue de l’auditionner avant d’adopter une nouvelle décision sur la suite de la procédure disciplinaire, conformément à l’article 3 de l’annexe IX du statut.
44 Par la troisième branche du deuxième moyen, le requérant fait valoir, en substance, que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit et méconnaît le principe de sécurité juridique en ce que le Tribunal, au point 49 de l’arrêt attaqué, a jugé que, en l’espèce, le respect des droits de la défense n’était « pas de rigueur », « puisque la FRA s’est rétractée de toute poursuite à l’encontre du requérant [...] et qu’elle n’a ainsi pas adopté d’acte l’affectant défavorablement au sens de
l’article 41 de la Charte ».
45 Par la première branche du cinquième moyen, le requérant reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit aux points 83 et 84 de l’arrêt attaqué en ne prenant pas en considération la circonstance que l’exécution correcte de l’arrêt d’annulation exigeait une audition avant de clore l’enquête administrative au motif qu’aucune charge ne pouvait être retenue contre lui, et qu’une telle audience n’a jamais eu lieu.
46 La FRA considère qu’elle n’a pas adopté de décision faisant grief au requérant, raison pour laquelle elle n’était pas tenue de l’entendre au préalable. Le requérant négligerait donc le contexte de l’exécution de l’arrêt d’annulation, qui a abouti à la réintégration du requérant. En outre, la FRA précise qu’elle n’a pas « décidé qu’aucune charge ne pouvait être retenue », comme l’exige l’article 3 de l’annexe IX du statut, mais a abandonné la procédure disciplinaire, c’est-à-dire sans prendre une
telle décision.
47 En outre, selon elle, en ce qui concerne la première branche du cinquième moyen, le requérant ne fait que renouveler ses arguments exposés dans le cadre de son premier moyen.
Appréciation de la Cour
48 Il convient de rappeler, premièrement, que l’article 266 TFUE impose à l’institution concernée d’éviter que tout acte destiné à remplacer l’acte annulé soit entaché des mêmes irrégularités que celles identifiées dans l’arrêt d’annulation (voir, en ce sens, arrêts du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, EU:C:2003:125, point 30, et du 29 avril 2004, IPK-München et Commission, C‑199/01 P et C‑200/01 P, EU:C:2004:249, point 83).
49 En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé aux points 27 et 28 du présent arrêt, le Tribunal de la fonction publique a jugé que, en omettant de communiquer au requérant les conclusions de l’enquête administrative préalablement à son audition le 20 février 2013, qui avait précisément pour objet de l’entendre au sujet desdites conclusions, et au cours de laquelle la FRA a décidé d’ouvrir la procédure disciplinaire, puis d’infliger une sanction à l’issue d’une seule et même audition, sans lui avoir
permis de préparer utilement sa défense, la FRA avait méconnu les obligations qui lui incombaient notamment en vertu de l’article 3 de l’annexe IX du statut.
50 En ce qui concerne, deuxièmement, le respect des droits de la défense, qui a pour corollaire le principe du contradictoire, il convient de souligner que le fonctionnaire à l’égard duquel une institution de l’Union a entamé une procédure administrative doit être mis en mesure, au cours de cette procédure, de faire valoir utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, des circonstances alléguées et des documents que cette institution entend utiliser contre lui à l’appui de
son allégation relative à l’existence d’une infraction aux dispositions du statut. Il résulte de ce qui précède que le droit d’être entendu poursuit un double objectif. D’une part, il sert à l’instruction du dossier et à l’établissement des faits le plus précisément et correctement possible et, d’autre part, il permet d’assurer une protection effective de l’intéressé (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2021, Bernaldo de Quirós/Commission, C‑583/19 P, EU:C:2021:844, points 63 et 64).
51 L’article 3 de l’annexe IX du statut consacre explicitement le droit d’être entendu du fonctionnaire concerné, afin de lui permettre de faire valoir utilement son point de vue sur l’établissement des faits effectué lors de l’enquête administrative avant que l’AIPN n’adopte, sur la base du rapport d’enquête, l’une des décisions énumérées à cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2021, Bernaldo de Quirós/Commission, C‑583/19 P, EU:C:2021:844, point 43).
52 En l’espèce, il est constant que le requérant n’a pas été entendu avant que la FRA ne prenne la décision d’abandonner la procédure et d’effacer tous les actes se rapportant à l’enquête administrative de son dossier, sans pour autant décider qu’aucune charge ne pouvait être retenue contre lui, comme l’exige l’article 3, sous a), de l’annexe IX du statut.
53 Or, il ressort de l’examen des première et deuxième branches du deuxième moyen du pourvoi que, pour exécuter l’arrêt d’annulation, la FRA aurait dû reprendre la procédure disciplinaire au point précis auquel l’illégalité était intervenue, en se conformant à l’article 3 de l’annexe IX du statut.
54 Il suffit donc de constater que, en jugeant, aux points 49 et 83 de l’arrêt attaqué, en substance, que la FRA, en ayant pris la décision d’abandonner la procédure disciplinaire en retirant du dossier personnel du requérant tous les actes antérieurs relatifs à l’enquête administrative, n’a pas adopté d’acte l’affectant défavorablement, au sens de l’article 41 de la Charte, si bien que le respect des droits de la défense n’était pas de rigueur, le Tribunal a commis une erreur de droit, puisqu’une
telle décision, prise en méconnaissance, ainsi qu’il ressort de l’examen des première et deuxième branches du deuxième moyen du pourvoi, de l’article 3 de l’annexe IX du statut, l’a privé du droit d’être entendu consacré explicitement à cette disposition avant l’adoption de l’une des décisions visées à celle-ci.
55 Il résulte de l’ensemble de ces considérations qu’il y a lieu d’accueillir la troisième branche du deuxième moyen.
Sur la quatrième branche du deuxième moyen
Argumentation des parties
56 Par la quatrième branche du deuxième moyen, le requérant soutient que l’arrêt attaqué est entaché d’une contradiction de motifs, dans la mesure où, d’une part, au point 49 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que l’article 3, sous a), de l’annexe IX du statut n’était pas applicable et, d’autre part, au point 76 de cet arrêt, il a affirmé le contraire.
57 La FRA est d’avis qu’il n’y a aucune contradiction entre le point 49 et le point 76 de l’arrêt attaqué, dès lors que, en l’espèce, l’AIPN compétente s’est abstenue de reprendre la procédure disciplinaire et a retiré du dossier personnel du requérant tous les actes antérieurs relatifs à l’enquête administrative.
Appréciation de la Cour
58 Il convient de rappeler que la question de savoir si la motivation d’un arrêt du Tribunal est contradictoire constitue une question de droit pouvant être invoquée dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 29 juillet 2010, Grèce/Commission, C‑54/09 P, EU:C:2010:451, point 87 ainsi que jurisprudence citée).
59 En l’espèce, le Tribunal a considéré, au point 76 de l’arrêt attaqué, dans le cadre de l’examen du troisième chef d’illégalité, tiré de ce que la FRA n’aurait pas réparé le préjudice moral résultant du blâme annulé par l’arrêt d’annulation, que la FRA a décidé d’abandonner les poursuites à l’égard du requérant en application de l’article 3, sous a), de l’annexe IX du statut. Par ailleurs, le Tribunal semble suggérer, audit point 76, que la solution choisie par la FRA, pour exécuter l’arrêt de
l’annulation, allait au-delà de ce qui était nécessaire pour se conformer aux exigences de l’article 3 de l’annexe IX du statut.
60 Toutefois, il ressort du point 48 de l’arrêt attaqué, auquel renvoie le point 76 de celui-ci, que, selon le Tribunal, la FRA a « opté pour une autre solution » que celles offertes par l’article 3 de l’annexe IX du statut, considérant, au point 49 de cet arrêt, que cette disposition, en particulier son point a), n’était pas applicable en l’espèce.
61 Partant, la motivation de l’arrêt attaqué est entachée de contradiction à cet égard.
62 Par voie de conséquence, il y a lieu d’accueillir la quatrième branche du deuxième moyen.
63 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens du pourvoi, qui ne sauraient entraîner une annulation plus étendue de l’arrêt attaqué, il y a lieu d’accueillir le deuxième moyen ainsi que la première branche du cinquième moyen de celui-ci et, en conséquence, d’annuler l’arrêt attaqué.
Sur le renvoi de l’affaire au Tribunal
64 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.
65 À cet égard, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il ressort du point 10 du présent arrêt, les conclusions indemnitaires du requérant tendent à la réparation du préjudice que celui-ci déclare avoir subi, du fait que la FRA n’aurait pas dûment exécuté l’arrêt d’annulation, ce qui serait caractérisé par les comportements illégaux.
66 Toutefois, cet aspect du litige implique l’examen de questions de fait complexes, sur la base d’éléments qui n’ont pas été appréciés par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, dès lors qu’il a considéré que la FRA avait correctement exécuté l’arrêt d’annulation et, partant, n’a pas analysé si la situation du requérant, qui avait été privé de la possibilité d’infirmer les allégations figurant dans le rapport d’enquête administrative et, notamment, d’obtenir que la FRA décide qu’aucune charge n’avait pu
être retenue contre lui, pourrait être à l’origine d’un préjudice subi par lui du fait d’un comportement fautif de la FRA.
67 Par conséquent, le litige n’étant pas en état d’être jugé, il y a lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal.
Sur les dépens
68 L’affaire étant renvoyée au Tribunal, il convient de réserver les dépens afférents à la présente procédure de pourvoi.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête :
1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 juillet 2021, DD/FRA (T‑632/19, EU:T:2021:434), est annulé.
2) L’affaire est renvoyée au Tribunal de l’Union européenne.
3) Les dépens sont réservés.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.