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12/12/2024 | CJUE | N°C-331/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Dranken Van Eetvelde NV contre Belgische Staat., 12/12/2024, C-331/23


 ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

12 décembre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 205 – Responsabilité solidaire pour dettes fiscales d’un tiers – Conditions et portée de la responsabilité – Lutte contre la fraude à la TVA – Responsabilité solidaire pour le paiement de la TVA ne permettant pas une appréciation en fonction de la contribution de chaque assujetti dans la fraude fiscale – Principe de proportionnalité – Article 50 de la

charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne – Principe ne bis in idem – Critères d’applicati...

 ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

12 décembre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 205 – Responsabilité solidaire pour dettes fiscales d’un tiers – Conditions et portée de la responsabilité – Lutte contre la fraude à la TVA – Responsabilité solidaire pour le paiement de la TVA ne permettant pas une appréciation en fonction de la contribution de chaque assujetti dans la fraude fiscale – Principe de proportionnalité – Article 50 de la charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne – Principe ne bis in idem – Critères d’application – Faits afférents à différents exercices fiscaux poursuivis administrativement ou pénalement – Infraction continue avec unité d’intention – Absence d’identité des faits »

Dans l’affaire C‑331/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen, afdeling Gent (tribunal de première instance de Flandre-Orientale, division de Gand, Belgique), par décision du 22 mai 2023, parvenue à la Cour le 25 mai 2023, dans la procédure

Dranken Van Eetvelde NV

contre

Belgische Staat,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. C. Lycourgos (rapporteur), président de la troisième chambre, faisant fonction de président de la neuvième chambre, M. S. Rodin et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour Dranken Van Eetvelde NV, par Me H. Vandebergh, advocaat,

– pour le gouvernement belge, par MM. P. Cottin, A. De Brouwer et Mme C. Pochet, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. N. Cambien et M. Herold, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 5 septembre 2024,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 205 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »), des principes de proportionnalité et de neutralité fiscale ainsi que de l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Dranken Van Eetvelde NV au Belgische Staat, Federale Overheidsdienst Financiën (Service public fédéral Finances, Belgique) (ci-après le « SPF Finances »), au sujet de l’engagement de la responsabilité solidaire de Dranken Van Eetvelde aux fins du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 193 de la directive TVA énonce :

« La TVA est due par l’assujetti effectuant une livraison de biens ou une prestation de services imposable, sauf dans les cas où la taxe est due par une autre personne en application des articles 194 à 199 ter et de l’article 202. »

4 Les articles 194 à 200 et 202 à 204 de cette directive disposent, en substance, que d’autres personnes que l’assujetti effectuant une livraison de biens ou une prestation de services imposable peuvent, voire doivent, être considérées comme redevables de la TVA.

5 Aux termes de l’article 205 de ladite directive, « [d]ans les situations visées aux articles 193 à 200 et aux articles 202, 203 et 204, les États membres peuvent prévoir qu’une personne autre que le redevable est solidairement tenue d’acquitter la TVA ».

Le droit belge

6 L’article 51 bis, § 4, de la wet tot invoering van het Wetboek van de belasting over de toegevoegde waarde (loi créant le code de la taxe sur la valeur ajoutée), du 3 juillet 1969 (Belgisch Staatsblad,17 juillet 1969, p. 7046), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « code de la TVA »), dispose :

« § 4.   Tout assujetti est solidairement tenu d’acquitter la taxe avec la personne qui en est redevable en vertu de l’article 51, §§ 1er et 2, si, au moment où il a effectué une opération, il savait ou devait savoir que le non-paiement de la taxe, dans la chaîne des opérations, est commis ou sera commis dans l’intention d’éluder la taxe. »

7 L’article 70, paragraphes 1 et 2, du code de la TVA énonce :

« § 1.   Pour toute infraction à l’obligation d’acquitter la taxe, il est encouru une amende égale à deux fois la taxe éludée ou payée tardivement.

Cette amende est due individuellement par chacune des personnes qui, en vertu des articles 51, §§ 1er, 2 et 4, 51 bis, 52, 53, 53 ter, 53 nonies, 54, 55 et 58 ou des arrêtés pris en exécution de ces articles, sont tenues au paiement de la taxe.

[...]

§ 2.   Lorsque la facture ou le document en tenant lieu, dont l’émission ou l’établissement est prescrit par les articles 53, 53 decies et 54, ou par les arrêtés pris en exécution de ces articles, n’a pas été délivré ou qu’il contient des indications inexactes quant au numéro d’identification, au nom ou à l’adresse des parties intéressées à l’opération, à la nature ou à la quantité des biens livrés ou des services fournis, au prix ou à ses accessoires, il est encouru une amende égale à deux fois
la taxe due sur l’opération, avec un minimum de 50 euros.

Cette amende est due individuellement par le fournisseur et par son cocontractant. Elle n’est cependant pas applicable lorsque les irrégularités peuvent être considérées comme purement accidentelles, notamment eu égard au nombre et à l’importance des opérations non constatées par des documents réguliers, comparés au nombre et à l’importance des opérations qui ont fait l’objet de documents réguliers, ou lorsque le fournisseur n’avait pas de raison sérieuse de douter de la qualité de non-assujetti
du cocontractant.

Quand une personne encourt, pour une même infraction, à la fois l’amende prévue au § 1er et l’amende prévue au § 2, seule cette dernière est applicable. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

8 L’administration fiscale belge a procédé à une enquête fiscale auprès de Dranken Van Eetvelde, une société de droit belge active dans le commerce de gros et de détail de boissons, concernant l’application de la TVA pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2011. Elle a constaté un certain nombre d’infractions à la législation et à la réglementation en matière de TVA, qui ont été notifiées à cette société le 3 décembre 2018.

9 Dranken Van Eetvelde a ensuite fait l’objet d’une contrainte, émise le 10 décembre 2018 et déclarée exécutoire le 11 décembre 2018, par laquelle elle s’est vu imposer le paiement d’un rappel de TVA de 173512,56 euros (soit 141665,30 euros au titre de la responsabilité solidaire et 31847,26 euros au titre du remboursement de la TVA sur la base de notes de crédit émises à tort), d’une amende de 347000 euros (soit 173512,56 euros x 200 %) au titre de mentions erronées sur les factures émises, et
d’une amende de 283320 euros (soit 141665,30 euros x 200 %) au titre d’un non‑acquittement de la TVA.

10 Dans le procès-verbal établi par l’agent verbalisateur dans le cadre de cette enquête, il a été mentionné que Dranken Van Eetvelde avait déjà fait l’objet de contrôles, de taxations et de condamnations judiciaires antérieurs pour les mêmes infractions portant sur les périodes allant du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 et du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004. À cet égard, par jugements des 10 avril et 17 novembre 2008, il a été reconnu que cette société avait organisé un système d’émission
de fausses factures dans le cadre duquel les marchandises mentionnées sur ces factures étaient livrées non pas aux clients mentionnés sur lesdites factures, mais à des clients assujettis, exploitants de cafés, d’hôtels ou de restaurants. Ces procédures ont conduit à l’imposition d’amendes à ladite société, qui sont devenues définitives.

11 Le 21 décembre 2018, Dranken Van Eetvelde a formé, devant le rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen, afdeling Gent (tribunal de première instance de Flandre-Orientale, division de Gand, Belgique), qui est la juridiction de renvoi, une opposition à la contrainte du 10 décembre 2018.

12 Parallèlement, cette société a fait l’objet d’une procédure pénale pour des infractions commises durant les années 2012 à 2014. Par jugement du 18 juin 2019, le rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen, afdeling Dendermonde (tribunal de première instance de Flandre-Orientale, division de Termonde, Belgique), siégeant en matière pénale, a condamné ladite société à payer une amende de 20000 euros pour faux fiscaux et usage de faux commis pendant les années 2012 à 2014 en matière de TVA et
d’impôts sur le revenu, ainsi que pour non-déclaration des revenus à l’impôt des sociétés et non-déclaration de ventes et de la TVA due sur ces ventes, le tout avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire. Cet élément intentionnel a été retenu au motif que Dranken Van Eetvelde avait apporté une contribution substantielle et essentielle à un système de fraude, ce qui avait permis à ses clients professionnels de vendre des boissons « au noir ».

13 Dans le cadre de l’affaire dont la juridiction de renvoi est saisie, premièrement, Dranken Van Eetvelde fait valoir que, conformément à la jurisprudence de la Cour, nul ne peut être inconditionnellement tenu pour responsable de la fraude d’autrui. Une telle responsabilité sans faute excéderait les limites de ce qui est nécessaire pour préserver les droits du Trésor public et lutter contre la fraude fiscale. Il en résulterait une violation du principe de proportionnalité.

14 Or, la juridiction de renvoi indique que l’article 51 bis, § 4, du code de la TVA prévoit une telle responsabilité sans faute, de nature inconditionnelle, et pourrait donc être contraire au principe de proportionnalité et/ou de neutralité en matière de TVA. Ainsi, la réponse à la question de savoir si cette disposition est contraire à l’article 205 de la directive TVA, lu à la lumière de ces principes, serait importante pour pouvoir apprécier si Dranken Van Eetvelde est ou non tenue de payer la
TVA éludée.

15 Deuxièmement, cette juridiction souligne que l’application du principe ne bis in idem serait différente selon que ce principe concerne le domaine des impôts sur les revenus ou bien celui de la TVA. La question du cumul des sanctions administratives et pénales en lien avec une unité d’intention nécessiterait un examen au regard de ce principe, que l’article 50 de la Charte concrétise.

16 Dans ces conditions, le rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen, afdeling Gent (tribunal de première instance de Flandre-Orientale, division de Gand) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 51 bis, § 4 du [code de la TVA] viole-t-il l’article 205 de la [directive TVA], lu en combinaison avec le principe de proportionnalité, en ce que cette disposition prévoit une responsabilité sans faute intégrale et que le juge ne peut pas exercer un pouvoir d’appréciation en fonction de la contribution de chacun à la fraude fiscale ?

2) L’article 51 bis, § 4, du [code de la TVA] viole-t-il l’article 205 de la [directive TVA] relative au système commun de TVA, lu en combinaison avec le principe de neutralité de la TVA, si cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’elle impose une obligation solidaire d’acquitter la TVA à la place du débiteur légal, sans qu’il soit tenu compte de la déduction de la TVA à laquelle ce dernier peut procéder ?

3) L’article 50 de la [Charte] doit-il être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui permet un cumul des sanctions (administratives et pénales) de nature pénale résultant de procédures différentes, pour des faits matériellement identiques ayant cependant eu lieu au cours d’années successives (mais qui seraient, sur le plan pénal, considérés comme une infraction continue avec unité d’intention), et lorsque les faits font l’objet de poursuites administratives
pour une année et de poursuites pénales pour une autre année ? Convient-il de ne pas considérer ces faits comme indissociablement liés en raison du fait qu’ils se sont produits au cours d’années successives ?

4) L’article 50 de la [Charte] doit-il être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle une procédure d’imposition d’une amende administrative de nature pénale peut être engagée à l’égard d’une personne en raison de faits pour lesquels elle a déjà été définitivement condamnée au pénal, alors que les deux procédures sont totalement indépendantes l’une de l’autre, et que la seule garantie que la sévérité de l’ensemble des sanctions imposées
corresponde à la gravité de l’infraction en cause consiste dans le fait que le juge du fond fiscal peut procéder à un contrôle de proportionnalité au fond, tandis que la réglementation nationale ne prévoit aucune règle à cet égard, ni aucune règle permettant à l’autorité administrative de tenir compte de la sanction pénale déjà infligée ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

17 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 205 de la directive TVA, lu à la lumière du principe de proportionnalité, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale qui, en vue d’assurer la perception de la TVA, prévoit la responsabilité solidaire sans faute d’un assujetti autre que celui qui serait normalement redevable de cette taxe sans toutefois que le juge compétent puisse exercer un pouvoir d’appréciation en fonction de
la contribution des différentes personnes impliquées dans une fraude fiscale.

18 Aux termes de l’article 205 de la directive TVA, dans les situations visées aux articles 193 à 200 et 202 à 204 de cette directive, les États membres peuvent prévoir qu’une personne autre que le redevable est solidairement tenue d’acquitter la TVA.

19 Les articles 193 à 200 et 202 à 204 de la directive TVA font partie de la section 1 du chapitre 1 du titre XI de cette directive, intitulée « Redevables de la taxe envers le Trésor ». Ces articles déterminent les personnes redevables de la TVA. Si l’article 193 de ladite directive prévoit, comme règle de base, que la TVA est due par l’assujetti effectuant une livraison de biens ou une prestation de services imposable, il précise toutefois que d’autres personnes peuvent ou doivent être redevables
de cette taxe dans les situations visées aux articles 194 à 199 ter et 202 de la même directive.

20 Les dispositions de la section 1 du chapitre 1 du titre XI de la directive TVA, parmi lesquelles s’inscrit l’article 205 de cette directive, visent à identifier le redevable de la TVA en fonction de diverses situations. Ce faisant, ces dispositions ont pour but d’assurer au Trésor public une perception efficace de la TVA auprès de la personne la plus adéquate au regard de la situation envisagée (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2021, ALTI, C‑4/20, EU:C:2021:397, point 28).

21 L’article 205 de la directive TVA permet, en principe, aux États membres d’adopter, en vue d’une perception efficace de la TVA, des mesures en vertu desquelles une personne autre que celle qui est normalement redevable de cette taxe en vertu des articles 193 à 200 et 202 à 204 de cette directive est solidairement tenue d’acquitter ladite taxe (arrêt du 20 mai 2021, ALTI, C‑4/20, EU:C:2021:397, point 29).

22 Cet article 205 ne précisant cependant ni les personnes que les États membres peuvent désigner comme débitrices solidaires ni les situations dans lesquelles une telle désignation peut être effectuée, il appartient aux États membres de déterminer les conditions et modalités de mise en œuvre de la responsabilité solidaire prévue à cet article dans le respect, notamment, des principes de sécurité juridique et de proportionnalité (arrêt du 20 mai 2021, ALTI, C‑4/20, EU:C:2021:397, points 31 et 32
ainsi que jurisprudence citée).

23 S’agissant de ce dernier principe, à la lumière duquel la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’interprétation de l’article 205 de la directive TVA, s’il est légitime que les mesures adoptées par les États membres tendent à préserver le plus efficacement possible les droits du Trésor public, elles ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2021, ALTI, C‑4/20, EU:C:2021:397, point 33 et jurisprudence citée).

24 Dans ce contexte, l’exercice de la faculté reconnue aux États membres de désigner un débiteur solidaire autre que le redevable de la taxe afin d’assurer une perception efficace de cette dernière doit être justifié par la relation factuelle et/ou juridique existant entre les deux personnes concernées au regard des principes de sécurité juridique et de proportionnalité. Il appartient aux États membres de préciser les circonstances particulières dans lesquelles une personne telle que le destinataire
d’une opération imposable doit être tenue pour solidairement responsable du paiement de la taxe due par son cocontractant (arrêt du 20 mai 2021, ALTI, C‑4/20, EU:C:2021:397, point 34).

25 Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler que la lutte contre la fraude, l’évasion fiscale et les abus éventuels est un objectif reconnu et encouragé par la législation de l’Union concernant le système commun de TVA et que le principe d’interdiction d’abus de droit conduit à prohiber les montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, effectués à la seule fin d’obtention d’un avantage fiscal (arrêt du 20 mai 2021, ALTI, C‑4/20, EU:C:2021:397, point 35 et jurisprudence citée).

26 La Cour a ainsi dit pour droit que l’article 205 de la directive TVA permet à un État membre de tenir une personne pour solidairement redevable de la TVA lorsque, au moment de l’opération effectuée en sa faveur, elle savait ou aurait dû savoir que la taxe due sur cette opération ou une opération antérieure ou postérieure resterait impayée, ainsi que de se fonder sur des présomptions à cet égard, à condition que de telles présomptions ne soient pas formulées de manière telle qu’il deviendrait
pratiquement impossible ou excessivement difficile pour l’assujetti de les renverser par la preuve contraire et qu’un système de responsabilité sans faute, allant au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver les droits du Trésor public, serait ainsi établi. En effet, les opérateurs qui prennent toute mesure pouvant raisonnablement être exigée d’eux pour s’assurer que leurs opérations ne font pas partie d’une chaîne abusive ou frauduleuse doivent pouvoir se fier à la légalité de ces opérations
sans risquer d’être solidairement tenus d’acquitter cette taxe due par un autre assujetti (arrêt du 20 mai 2021, ALTI, C‑4/20, EU:C:2021:397, point 36 et jurisprudence citée).

27 En l’occurrence, premièrement, la juridiction de renvoi part de la prémisse que l’article 51 bis, § 4, du code de la TVA, en cause dans le litige au principal, prévoit une responsabilité « sans faute », qui pourrait, pour ce motif, être contraire au principe de proportionnalité. Or, cette juridiction est seule compétente pour constater et apprécier les faits de ce litige ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national (arrêt du 29 juillet 2024, protectus, C‑185/23, EU:C:2024:657,
point 36 et jurisprudence citée).

28 Toutefois, appelée à fournir à cette juridiction une réponse utile dans le cadre de la procédure de coopération instituée à l’article 267 TFUE, la Cour est compétente pour donner à ladite juridiction des indications tirées du dossier de l’affaire au principal ainsi que des observations écrites qui lui ont été soumises, de nature à permettre à la même juridiction de statuer (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2023, Nordic Info, C‑128/22, EU:C:2023:951, point 81 et jurisprudence citée).

29 Or, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, aux termes de l’article 51 bis, § 4, du code de la TVA, tout assujetti est solidairement tenu d’acquitter la taxe avec la personne qui en est redevable si, au moment où il a effectué une opération, « il savait ou devait savoir que le non-paiement de la taxe, dans la chaîne des opérations, est commis ou sera commis dans l’intention d’éluder la taxe ».

30 À cet égard, et sous réserve des vérifications qui incombent à la juridiction de renvoi, il y a lieu d’observer que, ainsi que l’indiquent le gouvernement belge et la Commission européenne dans leurs observations écrites, cette disposition n’impose pas une responsabilité solidaire « sans faute », qui serait contraire au principe de proportionnalité, au sens de la jurisprudence citée au point 26 du présent arrêt, dès lors que l’assujetti concerné ne devient solidairement responsable du paiement de
la TVA due avec la personne qui est redevable de celle-ci que s’il savait ou devait savoir qu’il participait à une fraude à la TVA.

31 Cela étant, il convient de relever que l’article 205 de la directive TVA, lu à la lumière du principe de proportionnalité, exige que la présomption sur laquelle s’appuie l’article 51 bis, § 4, du code de la TVA, afin de considérer un assujetti comme étant solidairement responsable du paiement de la TVA due avec la personne qui est redevable de celle-ci, puisse être réfragable, en ce sens qu’il ne soit pas pratiquement impossible ou excessivement difficile pour cet assujetti de renverser cette
présomption par la preuve contraire.

32 Afin de renverser ladite présomption, l’assujetti concerné doit avoir la faculté d’établir qu’il a pris toute mesure pouvant être raisonnablement exigée de lui pour s’assurer que les opérations qu’il réalise ne font pas partie du système frauduleux de fausses factures.

33 Deuxièmement, en ce qui concerne le fait que l’article 51 bis, § 4, du code de la TVA exige de l’assujetti qui est solidairement responsable le paiement de la totalité du montant de la TVA due, sans permettre au juge d’exercer un pouvoir d’appréciation en fonction de la contribution des différentes personnes impliquées dans la fraude fiscale, il convient de relever, d’une part, qu’il découle de la nature même d’une « responsabilité solidaire », telle que celle prévue à l’article 205 de la
directive TVA, que chaque personne solidairement responsable est tenue au paiement du montant total de la TVA due (voir, par analogie, arrêt du 18 mai 2017, Latvijas Dzelzceļš, C‑154/16, EU:C:2017:392, point 85).

34 D’autre part, cette interprétation de la notion de « responsabilité solidaire » est conforme à l’objectif poursuivi par l’article 205 de la directive TVA, qui, ainsi qu’il a été rappelé aux points 20 et 21 du présent arrêt, vise à assurer au Trésor public une perception efficace de la TVA auprès de la personne la plus adéquate au regard de la situation envisagée.

35 En effet, exiger une modulation de l’obligation, pour le responsable solidaire, de payer la TVA due, qui soit fonction de sa part de responsabilité, impliquerait, en particulier en cas de fraude, que le Trésor public et, le cas échéant, le juge compétent pour contrôler l’action de celui-ci déterminent au préalable les contributions respectives de toutes les personnes impliquées dans cette fraude. Or, outre que cette approche serait contraire au principe même de la responsabilité solidaire prévue
à l’article 205 de la directive TVA, une telle détermination pourrait s’avérer particulièrement difficile en cas de montages fiscaux frauduleux complexes, caractérisés par une grande opacité.

36 Il s’ensuit que l’article 205 de la directive TVA exige que l’assujetti solidairement responsable du paiement de la TVA puisse être tenu de payer seul la totalité du montant de celle-ci quel que soit le degré de participation de cet assujetti à la fraude fiscale.

37 Ainsi que l’indique, en substance, le gouvernement belge, cette interprétation est sans préjudice de l’application éventuelle des règles nationales de droit civil régissant la relation de l’assujetti solidairement tenu d’acquitter la TVA, au sens de l’article 51 bis, § 4, du code de la TVA, et de l’assujetti normalement redevable de cette taxe, qui, le cas échéant, permettraient à ce premier assujetti de se retourner contre ce second assujetti afin de répartir la charge économique totale selon la
contribution de chacun à la dette fiscale.

38 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 205 de la directive TVA, lu à la lumière du principe de proportionnalité, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition nationale qui, en vue d’assurer la perception de la TVA, prévoit la responsabilité solidaire sans faute d’un assujetti autre que celui qui serait normalement redevable de cette taxe sans toutefois que le juge compétent puisse exercer un pouvoir
d’appréciation en fonction de la contribution des différentes personnes impliquées dans une fraude fiscale, pour autant que cet assujetti ait la faculté d’établir qu’il a pris toute mesure pouvant raisonnablement être exigée de lui pour s’assurer que les opérations qu’il réalisait ne faisaient pas partie de cette fraude.

Sur la deuxième question

39 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 205 de la directive TVA, lu à la lumière du principe de neutralité fiscale, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale qui impose une obligation solidaire d’acquitter la TVA à un assujetti autre que celui qui serait normalement redevable de cette taxe, sans qu’il soit tenu compte du droit de ce dernier à la déduction de la TVA due ou acquittée en amont.

40 Le droit des assujettis de déduire de la TVA dont ils sont redevables la TVA due ou acquittée pour les biens acquis et les services reçus par eux en amont et utilisés pour les besoins d’une activité taxable constitue un principe fondamental du système commun de la TVA. Le droit à déduction prévu aux articles 167 et suivants de la directive TVA fait donc partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité dès lors que les exigences ou les conditions tant matérielles que
formelles auxquelles ce droit est subordonné sont respectées par les assujettis souhaitant l’exercer [arrêt du 24 novembre 2022, Finanzamt M (Étendue du droit à déduction de la TVA), C‑596/21, EU:C:2022:921, point 21].

41 En particulier, le régime des déductions vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit, par conséquent, la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles‑mêmes soumises à la TVA [arrêt du 24 novembre 2022, Finanzamt M (Étendue du
droit à déduction de la TVA), C‑596/21, EU:C:2022:921, point 22 et jurisprudence citée].

42 Cela étant, la lutte contre la fraude, l’évasion fiscale et les abus éventuels est un objectif reconnu et encouragé par la directive TVA, de sorte que les justiciables ne sauraient se prévaloir frauduleusement ou abusivement des normes du droit de l’Union. Il appartient donc aux autorités et aux juridictions nationales de refuser le bénéfice du droit à déduction s’il est établi, au vu d’éléments objectifs, que ce droit est invoqué frauduleusement ou abusivement [arrêt du 24 novembre 2022,
Finanzamt M (Étendue du droit à déduction de la TVA), C‑596/21, EU:C:2022:921, point 24 et jurisprudence citée].

43 Ainsi, le bénéfice du droit à déduction doit être refusé non seulement lorsqu’une fraude est commise par l’assujetti lui-même, mais également lorsqu’il est établi que l’assujetti, auquel les biens ou les services servant de base pour fonder le droit à déduction ont été livrés ou fournis, savait ou aurait dû savoir que, par l’acquisition de ces biens ou de ces services, il participait à, ou à tout le moins facilitait, une opération impliquée dans une fraude à la TVA. En effet, un tel assujetti
doit, pour les besoins de la directive TVA, être considéré comme participant à la fraude, indépendamment de la question de savoir s’il tire ou non un bénéfice de la revente des biens ou de l’utilisation des services dans le cadre des opérations taxées effectuées par lui en aval, cet assujetti, dans une telle situation, prêtant la main aux auteurs de cette fraude et devenant complice de celle-ci [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2022, Finanzamt M (Étendue du droit à déduction de la TVA),
C‑596/21, EU:C:2022:921, point 35 et jurisprudence citée].

44 En l’occurrence, il y a lieu de souligner que la deuxième question préjudicielle porte sur le point de savoir si l’assujetti, qui est solidairement tenu d’acquitter la TVA à la place du redevable de cette taxe, en vertu d’une disposition nationale mettant en œuvre l’article 205 de la directive TVA, a droit de tenir compte, pour la TVA dont il doit s’acquitter, du droit à déduction de la TVA à laquelle ce redevable de la TVA pourrait procéder. En outre, cette question ne vise que les cas où la
responsabilité solidaire du paiement de la TVA découle de l’article 51 bis, §4, du code de la TVA, qui concernent, par hypothèse, des cas de fraude à la TVA.

45 Or, dans de tels cas de fraude, conformément à la jurisprudence mentionnée aux points 42 et 43 du présent arrêt, le droit à déduction de la TVA doit être refusé à l’assujetti, redevable de la TVA. Par conséquent, dans la mesure où cet assujetti ne peut faire valoir aucun droit à déduction de cette taxe, un tel droit à déduction ne saurait, a fortiori, être transféré à l’assujetti qui est solidairement tenu d’acquitter ladite taxe en vertu de la disposition nationale transposant l’article 205 de
la directive TVA.

46 Il en est d’autant plus ainsi que, selon le libellé de l’article 51 bis, § 4, du code de la TVA, la responsabilité solidaire de l’assujetti autre que le redevable de la TVA n’est prévue que lorsque l’assujetti solidairement responsable avait aussi connaissance ou devait avoir connaissance que le non-paiement de la taxe, dans la chaîne des opérations, est commis ou sera commis dans l’intention d’éluder cette taxe.

47 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 205 de la directive TVA, lu à la lumière du principe de neutralité fiscale, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition nationale qui impose une obligation solidaire d’acquitter la TVA à un assujetti autre que celui qui serait normalement redevable de cette taxe, sans qu’il soit tenu compte du droit de ce dernier à la déduction de la TVA due ou acquittée en amont.

Sur la troisième question

48 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 50 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui permet un cumul de sanctions pénales et de sanctions administratives de nature pénale, résultant de procédures différentes, pour des faits de même nature ayant cependant eu lieu au cours d’exercices fiscaux successifs, qui font l’objet de poursuites administratives de nature pénale pour un exercice fiscal et de
poursuites pénales pour un autre exercice fiscal.

49 L’article 50 de la Charte dispose que « [n]ul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union [européenne] par un jugement pénal définitif conformément à la loi ». Ainsi, le principe ne bis in idem interdit un cumul tant de poursuites que de sanctions présentant une nature pénale au sens de cet article pour les mêmes faits et contre une même personne (arrêts du 20 mars 2018, Menci, C‑524/15, EU:C:2018:197,
point 25, et du 22 mars 2022, bpost, C‑117/20, EU:C:2022:202, point 24).

50 L’application du principe ne bis in idem est soumise à une double condition, à savoir, d’une part, qu’il y ait une décision antérieure définitive (condition « bis ») et, d’autre part, que les mêmes faits soient visés par la décision antérieure et par les poursuites ou les décisions postérieures (condition « idem ») (arrêt du 22 mars 2022, bpost, C‑117/20, EU:C:2022:202, point 28).

51 En ce qui concerne la condition « idem », selon une jurisprudence constante de la Cour, le critère pertinent afin d’apprécier l’existence d’une même infraction est celui de l’identité des faits matériels, compris comme l’existence d’un ensemble de circonstances concrètes indissociablement liées entre elles qui ont conduit à l’acquittement ou à la condamnation définitive de la personne concernée. Ainsi, l’article 50 de la Charte interdit d’infliger, pour des faits identiques, plusieurs sanctions
de nature pénale à l’issue de différentes procédures menées à ces fins (arrêts du 20 mars 2018, Menci, C‑524/15, EU:C:2018:197, point 35, et du 22 mars 2022, bpost, C‑117/20, EU:C:2022:202, point 33).

52 En outre, la qualification juridique, en droit national, des faits et l’intérêt juridique protégé ne sont pas pertinents aux fins de la constatation de l’existence d’une même infraction, dans la mesure où la portée de la protection conférée à l’article 50 de la Charte ne saurait varier d’un État membre à l’autre (arrêts du 20 mars 2018, Menci, C‑524/15, EU:C:2018:197, point 36, et du 22 mars 2022, bpost, C‑117/20, EU:C:2022:202, point 34).

53 La Cour a rappelé que la condition « idem » requiert que les faits matériels soient identiques. En revanche, le principe ne bis in idem n’a pas vocation à s’appliquer lorsque les faits en cause sont non pas identiques, mais seulement similaires. En effet, l’identité des faits matériels s’entend comme un ensemble de circonstances concrètes découlant d’événements qui sont, en substance, les mêmes, en ce qu’ils impliquent le même auteur et sont indissociablement liés entre eux dans le temps et dans
l’espace (arrêt du 22 mars 2022, bpost, C‑117/20, EU:C:2022:202, points 36 et 37).

54 En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que la sanction pénale imposée à Dranken Van Eetvelde, qui a fait suite à sa condamnation dans le cadre de la procédure pénale clôturée par le jugement du rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen, afdeling Dendermonde (tribunal de première instance de Flandre-Orientale, division de Termonde), du 18 juin 2019, concernait une fraude à la TVA commise lors des exercices fiscaux 2012 à 2014. Or, la juridiction de renvoi indique que
la procédure administrative en cause au principal, quand bien même devrait-elle être considérée comme étant de nature pénale, concerne une fraude à la TVA commise lors de l’exercice fiscal 2011. Ainsi, même s’il devait être considéré que, au cours de tous ces exercices fiscaux, cette société a participé à la mise en place d’un même système de fraude à la TVA, il n’en demeure pas moins que la procédure pénale et la procédure administrative concernent des périodes fiscales différentes.

55 Par ailleurs, l’indication de la juridiction de renvoi selon laquelle, en vertu du droit pénal national, les faits matériels constatés au cours des années 2011 à 2014 peuvent être considérés comme constitutifs d’une infraction continue avec unité d’intention n’a aucune pertinence aux fins de l’examen du respect de la condition « idem » en droit de l’Union.

56 Il s’ensuit que les faits relatifs à la procédure administrative en cause au principal et ceux ayant fait l’objet de la procédure pénale ne sont pas identiques, si bien que la condition « idem » fait défaut. Par conséquent, le principe ne bis in idem n’a pas vocation à s’appliquer dans la présente affaire.

57 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que l’article 50 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui permet un cumul de sanctions pénales et de sanctions administratives de nature pénale, résultant de procédures différentes, pour des faits de même nature ayant cependant eu lieu au cours d’exercices fiscaux successifs, qui font l’objet de poursuites administratives de nature pénale pour un
exercice fiscal et de poursuites pénales pour un autre exercice fiscal.

Sur la quatrième question

58 Eu égard à la réponse apportée à la troisième question, il n’y a pas lieu de répondre à la quatrième question.

Sur les dépens

59 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 205 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, lu à la lumière du principe de proportionnalité,

doit être interprété en ce sens que :

il ne s’oppose pas à une disposition nationale qui, en vue d’assurer la perception de la taxe sur la valeur ajoutée, prévoit la responsabilité solidaire sans faute d’un assujetti autre que celui qui serait normalement redevable de cette taxe sans toutefois que le juge compétent puisse exercer un pouvoir d’appréciation en fonction de la contribution des différentes personnes impliquées dans une fraude fiscale, pour autant que cet assujetti ait la faculté d’établir qu’il a pris toute mesure
pouvant raisonnablement être exigée de lui pour s’assurer que les opérations qu’il réalisait ne faisaient pas partie de cette fraude.

  2) L’article 205 de la directive 2006/112, lu à la lumière du principe de neutralité fiscale,

doit être interprété en ce sens que :

il ne s’oppose pas à une disposition nationale qui impose une obligation solidaire d’acquitter la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à un assujetti autre que celui qui serait normalement redevable de cette taxe, sans qu’il soit tenu compte du droit de ce dernier à la déduction de la TVA due ou acquittée en amont.

  3) L’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui permet un cumul de sanctions pénales et de sanctions administratives de nature pénale, résultant de procédures différentes, pour des faits de même nature ayant cependant eu lieu au cours d’exercices fiscaux successifs, qui font l’objet de poursuites administratives de nature pénale pour un exercice fiscal et de poursuites pénales pour
un autre exercice fiscal.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.


Synthèse
Formation : Neuvième chambre
Numéro d'arrêt : C-331/23
Date de la décision : 12/12/2024
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen Afdeling Gent.

Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 205 – Responsabilité solidaire pour dettes fiscales d’un tiers – Conditions et portée de la responsabilité – Lutte contre la fraude à la TVA – Responsabilité solidaire pour le paiement de la TVA ne permettant pas une appréciation en fonction de la contribution de chaque assujetti dans la fraude fiscale – Principe de proportionnalité – Article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Principe ne bis in idem – Critères d’application – Faits afférents à différents exercices fiscaux poursuivis administrativement ou pénalement – Infraction continue avec unité d’intention – Absence d’identité des faits.

Fiscalité

Taxe sur la valeur ajoutée


Parties
Demandeurs : Dranken Van Eetvelde NV
Défendeurs : Belgische Staat.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Lycourgos

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:1027

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