ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
12 décembre 2024 ( *1 )
« Pourvoi – Politique économique et monétaire – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Règlement (UE) no 1024/2013 – Missions spécifiques de surveillance confiées à la Banque centrale européenne (BCE) – Article 24 – Décision de retrait de l’agrément de l’établissement de crédit – Procédure de réexamen administratif – Décision abrogeant une décision antérieure – Recours en annulation – Persistance de l’intérêt à agir – Recours en indemnité – Irrecevabilité manifeste »
Dans l’affaire C‑181/22 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 9 mars 2022,
Nemea Bank plc, établie à San Ġiljan (Malte), représentée par Me A. Meriläinen, asianajaja,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Heikki Niemelä, demeurant à Ohain (Belgique),
Mika Lehto, demeurant à Espoo (Finlande),
Nemea plc, établie à San Ġiljan,
Nevestor SA, établie à Ohain,
parties demanderesses en première instance,
Banque centrale européenne (BCE), représentée par M. D. M. Brinkman, Mme C. Hernández Saseta et M. A. Witte, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
Commission européenne, représentée initialement par M. A. Nijenhuis et Mme A. Steiblytė, puis par Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,
partie intervenante en première instance,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. I. Jarukaitis (rapporteur) et E. Regan, juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 30 novembre 2023,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, Nemea Bank plc demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 20 décembre 2021, Niemelä e.a./BCE (T‑321/17, ci-après l’ ordonnance attaquée , EU:T:2021:942), par laquelle celui-ci a déclaré qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande en annulation de la décision ECB/SSM/2017 – 213800JENPXTUY75VSO/1 WHD-2017-0003 de la Banque centrale européenne (BCE), du 23 mars 2017, procédant au retrait de l’agrément pour l’accès aux activités d’établissement
de crédit de Nemea Bank (ci-après la « décision litigieuse »), et a rejeté comme étant manifestement irrecevable la demande tendant à obtenir réparation des préjudices prétendument subis en raison du retrait de cet agrément.
Le cadre juridique
Le règlement MSU
2 Aux termes du considérant 64 du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63, ci-après le « règlement MSU ») :
« La BCE devrait prévoir la possibilité pour des personnes physiques et morales de demander un réexamen des décisions arrêtées en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par le présent règlement et dont elles sont destinataires ou qui les concernent directement et individuellement. Ce réexamen devrait porter sur la conformité formelle et matérielle de ces décisions au présent règlement, tout en respectant le pouvoir d’appréciation laissé à la BCE pour ce qui est de juger de l’opportunité de
prendre ces décisions. À cet effet et pour des raisons de simplification de procédure, la BCE devrait mettre en place une commission administrative chargée de procéder à ces réexamens internes. Le Conseil des gouverneurs de la BCE devrait nommer comme membres de cette commission des personnalités d’une grande honorabilité. [...] La procédure fixée pour ce réexamen devrait prévoir que le conseil de surveillance réexamine, le cas échéant, son ancien projet de décision. »
3 L’article 4, paragraphe 1, sous a), de ce règlement dispose :
« Dans le cadre de l’article 6, la BCE est, conformément au paragraphe 3 du présent article, seule compétente pour exercer, à des fins de surveillance prudentielle, les missions suivantes à l’égard de tous les établissements de crédit établis dans les États membres participants :
a) agréer les établissements de crédit et retirer les agréments des établissements de crédit, sous réserve de l’article 14 ».
4 L’article 14, paragraphe 5, dudit règlement est libellé comme suit :
« Sous réserve du paragraphe 6, la BCE peut retirer l’agrément de sa propre initiative dans les cas prévus par le droit applicable de l’Union, après consultation de l’autorité compétente nationale de l’État membre participant où l’établissement de crédit est établi, ou sur proposition de cette autorité compétente nationale. Ces consultations visent, en particulier, à garantir qu’avant de décider de retirer un agrément, la BCE donne suffisamment de temps aux autorités nationales pour leur permettre
d’arrêter les mesures correctrices nécessaires, y compris d’éventuelles mesures de résolution, et qu’elle tient compte de celles-ci.
Lorsque l’autorité compétente nationale qui a proposé l’agrément conformément au paragraphe 1 estime que l’agrément doit être retiré en vertu du droit national, elle soumet une proposition en ce sens à la BCE. Dans ce cas, la BCE arrête une décision sur la proposition de retrait en tenant pleinement compte des motifs justifiant le retrait avancés par l’autorité compétente nationale. »
5 L’article 24 du même règlement prévoit :
« 1. La BCE met en place une commission administrative de réexamen [ci-après la “CAR”] chargée de procéder, à la suite d’une demande présentée conformément au paragraphe 5, à un réexamen administratif interne des décisions prises par la BCE dans l’exercice des compétences que lui confère le présent règlement. Ce réexamen administratif interne porte sur la conformité formelle et matérielle desdites décisions au présent règlement.
[...]
5. Toute personne physique ou morale peut, dans les cas visés au paragraphe 1, demander le réexamen d’une décision prise par la BCE en vertu du présent règlement, dont elle est le destinataire ou qui la concerne directement et individuellement. [...]
[...]
7. Après avoir statué sur la recevabilité de la demande de réexamen, la [CAR] émet un avis dans un délai raisonnable par rapport à l’urgence de l’affaire et au plus tard dans les deux mois à compter de la réception de la demande, et renvoie le dossier au conseil de surveillance en vue de l’élaboration d’un nouveau projet de décision. Le conseil de surveillance tient compte de l’avis de la [CAR] et soumet rapidement un nouveau projet de décision au conseil des gouverneurs. Le nouveau projet de
décision abroge la décision initiale, la remplace par une décision dont le contenu est identique, ou la remplace par une décision modifiée. Le nouveau projet de décision est réputé adopté à moins que le conseil des gouverneurs ne s’y oppose dans un délai maximal de dix jours ouvrables.
8. La demande de réexamen introduite en application du paragraphe 5 n’a pas d’effet suspensif. Cependant, le conseil des gouverneurs peut, sur proposition de la [CAR], suspendre l’application de la décision contestée s’il estime que les circonstances l’exigent.
[...]
11. Le présent article ne porte pas atteinte au droit de former un recours devant la [Cour de justice de l’Union européenne] conformément aux traités. »
Le règlement (UE) no 468/2014
6 Il résulte de l’article 2, point 8, du règlement (UE) no 468/2014 de la Banque centrale européenne, du 16 avril 2014, établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la Banque centrale européenne, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (le « règlement-cadre MSU ») (JO 2014, L 141, p. 1), qu’une « entité moins importante soumise à la surveillance prudentielle dans un État membre de la zone euro » est une entité « qui[,
notamment,] n’a pas le statut d’entité importante soumise à la surveillance prudentielle au sens de l’article 6, paragraphe 4, du règlement MSU ».
7 L’article 80 de ce règlement dispose :
« 1. Si l’autorité compétente nationale concernée considère qu’il convient que l’agrément d’un établissement de crédit fasse l’objet d’un retrait total ou partiel conformément au droit de l’Union ou au droit national applicable, y compris à la demande de l’établissement de crédit, elle soumet à la BCE un projet de décision prévoyant le retrait de l’agrément [...], ainsi que tout document justificatif pertinent.
2. L’autorité compétente nationale assure la coordination avec l’autorité nationale de résolution compétente pour les établissements de crédit [...] en ce qui concerne le projet de décision de retrait d’agrément. »
Les antécédents du litige
8 Les antécédents du litige, tels qu’ils sont présentés aux points 1 à 7 de l’ordonnance attaquée, peuvent être résumés comme suit.
9 Nemea Bank est un établissement de crédit de droit maltais, relevant de la notion d’« entité moins importante soumise à la surveillance prudentielle dans un État membre de la zone euro », au sens du règlement-cadre MSU, qui fournissait des services financiers en vertu d’une autorisation qui lui avait été accordée par l’autorité compétente nationale, à savoir l’Awtorità għas-Servizzi Finanzjarji ta’Malta (Autorité maltaise des services financiers, Malte) (ci-après la « MFSA »), et qui était soumis
à la surveillance prudentielle directe de celle-ci.
10 Nemea plc et Nevestor SA sont deux actionnaires directs de Nemea Bank. MM. H. Niemelä et M. Lehto sont membres du conseil de direction de Nemea Bank et bénéficiaires effectifs de celle-ci, au moyen des participations qu’ils détiennent dans Nemea et Nevestor.
11 Le 25 janvier 2017, après avoir consulté l’autorité nationale de résolution, la MFSA a soumis à la BCE, en application de l’article 80 du règlement-cadre MSU, un projet de décision de retrait de l’agrément octroyé à Nemea Bank pour l’accès à l’activité d’un établissement de crédit.
12 Le 13 mars 2017, le conseil de surveillance de la BCE a approuvé le projet de décision de retrait de l’agrément concerné et a imparti à Nemea Bank un délai de trois jours pour présenter ses observations sur ce projet.
13 Le 15 mars 2017, Nemea Bank a présenté ses observations.
14 Le 23 mars 2017, la BCE a adopté la décision litigieuse en application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement MSU.
Les faits postérieurs à la décision litigieuse
15 Le 22 avril 2017, la CAR a reçu une demande de réexamen de la décision litigieuse introduite par Nemea Bank et les autres parties demanderesses en première instance.
16 Le 19 juin 2017, la CAR a adopté un avis, par lequel elle proposait que cette décision soit remplacée par une décision identique. Le 30 juin 2017, le conseil des gouverneurs de la BCE, suivant cet avis et sur la base d’un projet du conseil de surveillance, a, conformément à l’article 24, paragraphe 7, du règlement MSU, adopté la décision ECB/SSM/2017 – 213800JENPXTUY75VS 07/2 (ci-après la « décision du 30 juin 2017 ») qui, comme il est indiqué dans son dispositif, a remplacé la décision
litigieuse.
Le recours devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée
17 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 mai 2017, Nemea Bank et les autres parties demanderesses en première instance ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse ainsi qu’à l’indemnisation des préjudices qu’elles ont prétendument subis du fait de l’adoption de cette décision. Au soutien de ce recours, elles ont invoqué six moyens.
18 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 25 octobre 2017, la BCE a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal. Par une ordonnance du 13 juillet 2018, le Tribunal a joint l’exception d’irrecevabilité au fond, sur le fondement de l’article 130, paragraphe 7, de son règlement de procédure.
19 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 octobre 2017, la Commission européenne a déposé une demande d’intervention au soutien des conclusions de la BCE, à laquelle il a été fait droit par une décision du 23 juillet 2018.
20 Par une mesure d’organisation de la procédure du 30 avril 2018, le Tribunal a adressé plusieurs questions aux parties afin, notamment, de déterminer si, à la suite de la nomination d’une personne compétente pour exercer l’essentiel des pouvoirs normalement dévolus aux organes de direction de Nemea Bank en ce qui concerne les activités spécifiques et les actifs de cette dernière, les parties demanderesses en première instance avaient le pouvoir d’introduire un recours en annulation contre une
décision de la BCE ainsi qu’un recours en indemnité tendant à la réparation du préjudice subi en conséquence d’une telle décision.
21 Le 1er avril 2019, le Tribunal a suspendu la procédure jusqu’au prononcé de l’arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a. (C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923), et a demandé aux parties, par une nouvelle mesure d’organisation de la procédure du 10 décembre 2019, de lui soumettre leurs observations sur les conclusions qu’il conviendrait, selon elles, de tirer de cet arrêt pour la solution du litige pendant devant lui.
22 Par d’autres mesures d’organisation de la procédure des 30 janvier et 23 décembre 2020 ainsi que du 19 janvier 2021, le Tribunal a interrogé les parties sur les développements de la procédure introduite devant le Tribunal dwar Servizzi Finanzjarji (tribunal des services financiers, Malte) afin de rétablir la représentation effective de Nemea Bank.
23 Par le point 1 du dispositif de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a décidé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande en annulation du fait de la disparition de son objet et de l’intérêt à agir des parties demanderesses en première instance. Il a, par le point 2 de ce dispositif, rejeté la demande en indemnité comme étant manifestement irrecevable. Il a, au point 3 dudit dispositif, condamné les parties demanderesses en première instance et la BCE à supporter leurs propres dépens en ce
qui concerne la demande en annulation. Il a, au point 4 du même dispositif, condamné les parties demanderesses en première instance à supporter leurs propres dépens et ceux de la BCE relatifs à la demande en indemnité. Il a, enfin, par le point 5 du dispositif de l’ordonnance attaquée, condamné la Commission à supporter ses propres dépens.
Les conclusions des parties au pourvoi
24 Nemea Bank demande à la Cour :
– d’annuler l’ordonnance attaquée ;
– de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, celle-ci devant être attribuée à une chambre composée d’autres juges que ceux ayant constitué la chambre par laquelle l’ordonnance attaquée a été prise, et
– de condamner la BCE aux dépens.
25 La BCE demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.
26 La Commission demande également à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.
Sur la demande de réouverture de la procédure orale
27 Par acte déposé au greffe de la Cour le 27 novembre 2024, Nemea Bank a demandé que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 83 du règlement de procédure de la Cour.
28 À l’appui de sa demande, elle indique, en substance, qu’elle souhaite soumettre des arguments concernant les arrêts du 8 février 2024, Pilatus Bank/BCE (C‑750/21 P, EU:C:2024:124) et Pilatus Bank/BCE (C‑256/22 P, EU:C:2024:125), qui n’ont pas été débattus entre les parties.
29 À cet égard, il convient de relever que, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner l’ouverture ou la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour.
30 Toutefois, en l’espèce, la Cour considère qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer et que les éléments invoqués par Nemea Bank au soutien de sa demande de réouverture de la phase orale de la procédure ne constituent pas des faits nouveaux de nature à pouvoir exercer une influence sur la décision qu’elle est ainsi appelée à rendre.
31 Dans ces conditions, la Cour considère, l’avocate générale entendue, qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.
Sur le pourvoi
32 À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque cinq moyens. Les trois premiers moyens, qui sont dirigés contre la décision du Tribunal déclarant qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande en annulation, sont respectivement tirés d’une violation de l’article 263, premier alinéa, TFUE, de violations des formes substantielles et de l’absence de prise en compte de la violation des droits de la requérante au titre de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
(ci-après la « Charte »). Les deux derniers moyens, dirigés contre la décision du Tribunal rejetant comme étant manifestement irrecevable la demande en indemnité, sont tirés de l’absence de prise en compte, par le Tribunal, de la violation des droits de la requérante consacrés respectivement à l’article 41 de la Charte et à l’article 340 TFUE.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
33 Par son premier moyen, qui vise les points 29 à 55 de l’ordonnance attaquée, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur sa demande en annulation, au motif qu’elle avait perdu son intérêt à agir contre la décision litigieuse. Le Tribunal aurait ainsi manqué à son obligation découlant de l’article 263 TFUE de contrôler la légalité des actes de la BCE destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers et à
son obligation d’assurer la protection des droits légaux et fondamentaux de la requérante.
34 La requérante soutient, en outre, que l’effet ex tunc reconnu par le Tribunal à la décision du 30 juin 2017 est contraire à l’article 263 TFUE, dès lors qu’il la prive de son droit de faire examiner la décision litigieuse par les juridictions de l’Union. Un tel effet serait purement fictif, car, même si la décision litigieuse avait été annulée à cette dernière date, la situation dans laquelle se trouvait la requérante avant ce retrait ne serait pas rétablie. L’effet réel de la décision du 30 juin
2017 ne pourrait être qu’ex nunc, et il en irait de même en ce qui concerne l’effet d’un éventuel rétablissement de l’agrément concerné. En effet, la situation de la requérante serait demeurée inchangée pendant la période comprise entre l’adoption de la décision litigieuse et l’adoption de la décision du 30 juin 2017 en ce qui concerne cet agrément. La décision litigieuse aurait donc continué de produire ses effets juridiques à l’égard de la requérante de manière inchangée et ininterrompue,
depuis son adoption, de sorte que son annulation pourrait avoir des conséquences juridiques et procurer des avantages pour celle‑ci.
35 La BCE soutient que le Tribunal a constaté à bon droit que le recours en annulation dirigé contre la décision litigieuse était devenu sans objet. Elle fait valoir, à cet égard, que cette constatation ne méconnaît pas les droits que l’article 263 TFUE confère à la requérante, dès lors que, après la substitution de la décision du 30 juin 2017 à la décision litigieuse, un recours en annulation contre la décision du 30 juin 2017 était recevable dans le délai imparti par cette disposition. Un tel
recours aurait constitué une voie de recours effective, au sens de l’article 47 de la Charte. L’exigence de persistance de l’intérêt à agir, consacrée par une jurisprudence constante du Tribunal, ne serait pas non plus contraire à l’article 263 TFUE.
36 Par ailleurs, après la substitution de la décision du 30 juin 2017 à la décision litigieuse, il ne serait plus possible de former un recours en annulation contre cette dernière décision. Un tel recours serait, en effet, dépourvu d’objet, la décision litigieuse ayant été abrogée et ses effets préjudiciables éventuels étant désormais imputables à la décision du 30 juin 2017, contre laquelle la requérante n’aurait pas formé de recours et qui serait donc devenue définitive. Ainsi, même en cas
d’annulation de la décision litigieuse, l’agrément de la requérante demeurerait retiré par la décision du 30 juin 2017, de sorte qu’une telle annulation ne saurait lui procurer aucun bénéfice. Cette circonstance ne priverait cependant pas la requérante de la faculté que lui offre le droit de l’Union d’introduire un recours en indemnité relatif au retrait de son agrément sans être tenue de déposer au préalable un recours en annulation.
Appréciation de la Cour
37 Il ressort du dossier soumis à la Cour que Nemea Bank est un établissement de crédit de droit maltais ayant la qualité d’« entité moins importante soumise à la surveillance prudentielle dans un État membre de la zone euro », au sens du règlement-cadre MSU. Le 23 mars 2017, à la demande de l’autorité compétente nationale, à savoir la MFSA, la BCE a adopté la décision litigieuse par laquelle elle a retiré l’agrément octroyé à Nemea Bank pour l’accès à l’activité d’un établissement de crédit. Le
22 avril 2017, Nemea Bank a, ensemble avec les autres parties demanderesses en première instance, introduit, auprès de la CAR, une demande de réexamen administratif de la décision litigieuse, en vertu de l’article 24, paragraphe 5, du règlement MSU. La BCE a pris, à l’issue de ce réexamen, la décision du 30 juin 2017, qui a abrogé et remplacé la décision litigieuse et dont le contenu est identique à celle‑ci.
38 Le 22 mai 2017, au cours de la procédure de réexamen administratif, Nemea Bank et les autres parties demanderesses en première instance ont également introduit un recours contre la décision litigieuse devant le Tribunal, par lequel elles demandaient l’annulation de cette décision et la réparation des préjudices qu’elles prétendaient avoir subis du fait de cette décision. Elles n’ont cependant pas introduit de recours contre la décision du 30 juin 2017 devant le Tribunal dans les formes
prescrites.
39 Le Tribunal a jugé, en substance, aux points 41, 45, 47 et 52 de l’ordonnance attaquée, que l’article 24, paragraphe 7, du règlement MSU établit une obligation pour la BCE de faire rétroagir la décision adoptée à l’issue de la procédure de réexamen administratif au moment de la prise d’effet de la décision initiale et que le remplacement de cette dernière décision par une décision identique ou modifiée entraîne sa disparition définitive de l’ordre juridique. Il a considéré que la décision du
30 juin 2017 avait abrogé et remplacé la décision litigieuse à partir de la date à laquelle cette dernière a été adoptée, à savoir le 23 mars 2017, de sorte que les parties requérantes en première instance avaient perdu tout intérêt à en obtenir l’annulation, et en a déduit que leur recours en annulation était devenu sans objet.
40 À cet égard, il est vrai, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 35 de l’ordonnance attaquée, que, selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit, en outre, perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de
procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêts du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 42, et du 21 janvier 2021, Leino-Sandberg/Parlement, C‑761/18 P, EU:C:2021:52, point 32 ainsi que jurisprudence citée).
41 Toutefois, la Cour a reconnu que l’intérêt à agir d’un requérant ne disparaît pas nécessairement en raison du fait que l’acte attaqué par ce dernier a cessé de produire des effets en cours d’instance. En effet, un requérant peut conserver un intérêt à obtenir une déclaration d’illégalité de cet acte pour la période au cours de laquelle il était applicable et a produit ses effets, une telle déclaration conservant à tout le moins un intérêt en tant que fondement d’un recours éventuel en
responsabilité (arrêts du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 62, et du 6 mai 2021, Bayer CropScience et Bayer/Commission, C‑499/18 P, EU:C:2021:367, point 40 ainsi que jurisprudence citée).
42 En outre, la persistance de l’intérêt à agir d’un requérant doit être appréciée in concreto, en tenant compte, notamment, des conséquences de l’illégalité alléguée et de la nature du préjudice prétendument subi (arrêts du 30 avril 2020, Izba Gospodarcza Producentów i Operatorów Urządzeń Rozrywkowych/Commission, C‑560/18 P, EU:C:2020:330, point 41, et du 7 septembre 2023, Versobank/BCE, C‑803/21 P, EU:C:2023:630, point 160 ainsi que jurisprudence citée).
43 À cet égard, il ressort, certes, du libellé de l’article 24, paragraphe 7, du règlement MSU que, lorsque la BCE considère, à l’issue d’une procédure de réexamen administratif, qu’il n’y a pas lieu de modifier la décision faisant l’objet de ce réexamen, elle abroge cette décision et la remplace par une décision dont le contenu est identique. Il ne saurait, toutefois, en être déduit qu’une telle abrogation suivie d’un tel remplacement a un effet rétroactif comparable à celui d’une annulation d’un
acte d’une institution de l’Union européenne par une juridiction de l’Union.
44 En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, l’abrogation d’un acte d’une institution de l’Union n’est pas une reconnaissance de son illégalité et produit un effet ex nunc, à la différence d’un arrêt en annulation en vertu duquel l’acte annulé est éliminé rétroactivement de l’ordre juridique de l’Union et est censé n’avoir jamais existé (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 68). Or, la circonstance que cette
abrogation ait été suivie du remplacement de l’acte initial par un nouvel acte ne saurait conférer à ce dernier un effet rétroactif.
45 Dès lors, ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale au point 72 de ses conclusions, il résulte de l’article 24, paragraphe 7, du règlement MSU que la décision initiale n’est pas éliminée rétroactivement de l’ordre juridique de l’Union par l’adoption de la seconde décision qui l’abroge et la remplace et dont le contenu est identique. En effet, dès lors que la décision initiale avait pour effet de retirer l’agrément d’un établissement de crédit, cette seconde décision a eu pour conséquence de
prolonger les effets de la décision initiale, sans faire disparaître ceux déjà produits par celle-ci.
46 En l’espèce, ainsi que le fait valoir, à juste titre, la requérante, c’est la décision litigieuse qui a eu pour effet de lui retirer l’agrément qui lui avait été octroyé pour l’accès à l’activité d’un établissement de crédit. C’est donc cette décision qui a eu les éventuelles conséquences préjudiciables dont elle fait état.
47 En outre, la demande de réexamen d’une décision initiale étant en principe, conformément à l’article 24, paragraphe 8, du règlement MSU, dépourvue d’effet suspensif, la décision litigieuse a continué de produire ses effets jusqu’au moment où la décision du 30 juin 2017 a sorti ses effets, à savoir lors de sa notification à la requérante. Ce n’est donc qu’à compter de cette notification que cette dernière décision a abrogé et remplacé la décision litigieuse, ainsi qu’il ressort des termes mêmes du
dispositif de la décision du 30 juin 2017.
48 C’est donc de manière erronée que le Tribunal a, en substance, constaté, aux points 41, 42 et 47 de l’ordonnance attaquée, que la décision du 30 juin 2017 avait remplacé la décision litigieuse avec effet rétroactif, à compter de la date d’adoption de cette dernière décision.
49 Il résulte de ce qui précède que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 53 et 55 de l’ordonnance attaquée, que la décision litigieuse avait été remplacée avec effet rétroactif et que le recours tendant à l’annulation de cette décision n’avait plus d’objet.
50 Par conséquent, il convient d’accueillir le premier moyen du pourvoi et d’annuler les points 1 et 3 du dispositif de l’ordonnance attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deuxième et troisième moyens du pourvoi.
Sur les quatrième et cinquième moyens
Argumentation des parties
51 Par ses quatrième et cinquième moyens, qui visent les points 56 à 63 de l’ordonnance attaquée et qu’il convient d’examiner ensemble, la requérante fait valoir que, en considérant la demande en indemnité comme étant irrecevable, le Tribunal n’a pas pris en compte la violation, par la BCE, de ses droits consacrés à l’article 41 de la Charte ainsi qu’à l’article 340 TFUE et visant la réparation par l’Union des dommages causés par les institutions ou par leurs agents dans l’exercice de leurs
fonctions. Le Tribunal l’aurait ainsi privée de ses droits, en dépit de l’important préjudice que lui auraient causé la BCE et ses agents. Le Tribunal aurait, en effet, utilisé sa décision de ne pas statuer sur la demande en annulation pour fonder son analyse de la demande en indemnité, afin de permettre à la BCE de s’exonérer de la responsabilité de ses actes.
52 En outre, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en ignorant le lien qui existerait entre le fondement de la demande en annulation et le fondement de la demande en indemnité, la demande en indemnité ne pouvant être examinée en faisant abstraction du fondement de la demande en annulation.
53 De plus, l’affirmation du Tribunal, figurant au point 60 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle la demande en indemnité est énoncée de manière trop abstraite et ne contient pas de moyens ou d’arguments ni de résumé de ces derniers serait erronée, puisque la demande en annulation qui servirait de fondement à la demande en indemnité contiendrait tous ces éléments.
54 La requérante soutient, en outre, que, si le Tribunal n’avait pas décidé, à tort, qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande en annulation et s’il avait admis le lien entre cette dernière et la demande en indemnité, il aurait constaté qu’un certain nombre d’irrégularités avaient vicié la procédure d’adoption de la décision litigieuse, lesquelles suffisaient, à elles seules, à fonder cette dernière demande. Elle invoque, à cet égard, l’absence de représentation effective de Nemea Bank
lors de cette procédure, le défaut de motivation de la décision litigieuse et le comportement illégal de la BCE lors de la procédure de réexamen administratif de cette décision par la CAR.
55 Par ailleurs, la requérante soutient que le comportement de la BCE, et, en particulier, le retrait de l’agrément qui lui avait été octroyé pour l’accès à l’activité d’un établissement de crédit, est la cause directe du préjudice qu’elle a subi, ce qu’elle aurait démontré. Le montant de ce préjudice, qu’elle évalue à 100 millions d’euros, ne couvrirait toutefois ni la perte par Nemea Bank de sa réputation, de ses relations commerciales et de son activité ni la diminution de ses revenus, mais
couvrirait uniquement la perte directe de valeur de cette banque due au comportement de la BCE.
56 La requérante fait également valoir que, en critiquant les carences de la requête en première instance, le Tribunal a omis de prendre en considération le fait qu’elles ont été causées par l’absence d’accès de la requérante à une représentation effective et aux preuves, dans la mesure où elle n’a pas pu disposer de ses ressources et n’a pas eu accès au dossier de la BCE.
57 La BCE et la Commission concluent au rejet de ces deux moyens.
Appréciation de la Cour
58 S’agissant, premièrement, de l’argumentation de la requérante, résumée aux points 51 à 53 du présent arrêt, selon laquelle, en substance, le Tribunal l’aurait privée de ses droits consacrés aux articles 41 et 47 de la Charte ainsi qu’aux articles 263 et 340 TFUE, en utilisant sa décision de non-lieu à statuer sur la demande en annulation pour fonder son analyse de la demande en indemnité et en ne prenant pas en considération le lien entre ces deux demandes, et ce afin de permettre à la BCE de
s’exonérer de la responsabilité de ses actes prétendument dommageables, il convient de relever que le Tribunal a cité, aux points 59 à 61 de l’ordonnance attaquée, la jurisprudence pertinente concernant les conditions de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union et l’exigence, découlant de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal, conformément à l’article 53, premier alinéa, du même
statut, selon laquelle la requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire de ces moyens. Il a ensuite constaté, à juste titre, au point 62 de cette ordonnance, que les parties demanderesses en première instance n’avaient pas étayé à suffisance de droit les comportements de la BCE dont devait découler l’illégalité permettant d’engager la responsabilité de l’Union ni le lien de causalité entre les dommages allégués et les effets que la
décision litigieuse aurait éventuellement pu produire.
59 Il s’ensuit que le fondement du rejet de la demande en indemnité en cause est non pas la décision du Tribunal de ne pas statuer sur la demande en annulation, mais le caractère lacunaire de cette demande indemnitaire.
60 Or, il ressort d’une jurisprudence constante qu’il incombe à la partie mettant en cause la responsabilité non contractuelle de l’Union d’apporter des preuves concluantes tant de l’existence et de l’étendue du préjudice qu’elle invoque que de l’existence d’un lien suffisamment direct de cause à effet entre le comportement de l’institution en question et le dommage allégué (arrêt du 3 mai 2018, EUIPO/European Dynamics Luxembourg e.a., C‑376/16 P, EU:C:2018:299, point 92 ainsi que jurisprudence
citée).
61 En l’espèce, il apparaît que la requête en première instance ne répondait manifestement pas aux exigences posées par cette jurisprudence, dès lors qu’elle se limitait à conclure à la condamnation de la BCE à indemniser les parties demanderesses en première instance à hauteur de 10 millions d’euros, majorés d’intérêts, au titre des dommages prétendument causés par la décision litigieuse, somme que ces parties ont d’ailleurs porté à 100 millions d’euros dans le cadre de leur réplique en première
instance. Cependant, aucun argument précisant le lien de causalité entre le comportement prétendument illicite de la BCE et le préjudice invoqué ainsi que la réalité de ces dommages n’avait été avancé et aucune preuve à cet égard n’avait été présentée.
62 C’est donc sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, aux points 62 et 63 de l’ordonnance attaquée, que la demande en indemnité était manifestement irrecevable en raison des carences de celle-ci.
63 Au demeurant, la requérante n’explique pas en quoi la décision du Tribunal l’aurait privée de ses droits de demander la réparation des dommages éventuels causés par la BCE. Elle conserve, en principe, le droit d’introduire une nouvelle demande en indemnité remédiant aux carences relevées par le Tribunal dans l’ordonnance attaquée, dans les conditions prévues à l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53,
premier alinéa, de ce statut, selon lequel les actions contre l’Union en matière de responsabilité non contractuelle se prescrivent par cinq ans à compter de la survenance du fait qui y donne lieu, cette prescription étant interrompue, notamment, par la requête formée devant la Cour de justice.
64 En ce qui concerne, deuxièmement, l’argumentation de la requérante, rappelée au point 55 du présent arrêt, selon laquelle, d’une part, le comportement de la BCE serait la cause directe de la perte de valeur de Nemea Bank et, d’autre part, le montant de 100 millions d’euros couvrirait uniquement une partie des dommages subis par la requérante, il convient de constater que, par cette argumentation, la requérante n’invoque aucune erreur de droit éventuellement commise par le Tribunal, mais se limite
à réitérer les considérations de nature factuelle soulevées dans le cadre du recours en première instance.
65 Or, conformément à une jurisprudence constante, il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Il s’ensuit que l’appréciation des faits ne constitue
pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt du 11 janvier 2024, Wizz Air Hungary/Commission, C‑440/22 P, EU:C:2024:26, points 57 et 58 ainsi que jurisprudence citée).
66 Troisièmement, s’agissant de l’argumentation de la requérante, rappelée au point 56 du présent arrêt, selon laquelle, en critiquant les carences de la requête en première instance, le Tribunal a omis de prendre en considération le fait qu’elles auraient été causées par l’absence d’accès de la requérante à une représentation effective et aux preuves, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du point 62 du présent arrêt, le Tribunal a constaté à bon droit que la demande en indemnité était
manifestement irrecevable en raison de son caractère lacunaire. En effet, il ressort de la requête en première instance que la requérante n’avait fourni aucun des éléments requis pour engager la responsabilité non contractuelle de l’Union et n’avait pas expliqué en quoi spécifiquement la prétendue absence d’accès aux ressources institutionnelles et aux preuves aurait pu l’empêcher de présenter, avec le niveau de clarté et de précision requis, son argumentation concernant l’existence de ces
éléments, au vu, en particulier, du fait que, d’une part, elle était représentée par un avocat et, d’autre part, elle n’avait pas introduit à cette fin de demande d’aide juridictionnelle.
67 Par conséquent, il convient de rejeter les quatrième et cinquième moyens comme étant, en partie, manifestement irrecevables et, en partie, non fondés.
68 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler les points 1 et 3 du dispositif de l’ordonnance attaquée.
Sur le recours devant le Tribunal
69 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cette dernière, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.
70 Tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, le Tribunal ayant considéré qu’il n’y avait plus lieu de statuer sans avoir examiné la recevabilité de la demande en annulation ni le fond du litige, celui-ci n’est pas en état d’être jugé et il y a lieu, partant, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur cette demande.
71 Par ailleurs, la demande de la requérante de voir l’affaire renvoyée devant une chambre du Tribunal composée d’autres juges que ceux ayant constitué la chambre qui a rendu l’ordonnance attaquée doit être rejetée. En effet, le règlement de procédure de la Cour ne prévoit pas la possibilité pour celle-ci, à l’issue de l’examen d’un pourvoi, de donner des instructions au Tribunal en ce qui concerne la composition de la chambre à laquelle l’affaire sera attribuée après son renvoi devant celui‑ci par
la Cour. Il appartiendra, le cas échéant, au président du Tribunal, en application de l’article 192, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, de décider de l’éventuelle attribution de l’affaire à une autre chambre siégeant avec le même nombre de juges.
Sur les dépens
72 L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens afférents au présent pourvoi.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête :
1) Les points 1 et 3 du dispositif de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 20 décembre 2021, Niemelä e.a./BCE (T‑321/17, EU:T:2021:942), sont annulés.
2) Le pourvoi est rejeté pour le surplus.
3) L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne pour qu’il soit statué sur la demande en annulation de Nemea Bank plc.
4) Les dépens sont réservés.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.