ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
5 décembre 2024 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Union douanière – Naissance et recouvrement de la dette douanière – Règlement (UE) no 952/2013 – Recouvrement des droits antidumping relatifs à des importations en provenance de Chine – Perception d’intérêts de retard en vertu du règlement no 952/2013 – Réglementation nationale prévoyant l’imposition d’une pénalité de retard en plus d’intérêts de retard »
Dans l’affaire C‑506/23,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie), par décision du 16 décembre 2022, parvenue à la Cour le 8 août 2023, dans la procédure
Network One Distribution SRL
contre
Agenţia Naţională de Administrare Fiscală – Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Bucureşti,
Agenţia Naţională de Administrare Fiscală – Direcţia Generală de Administrare a Marilor Contribuabili,
Autoritatea Vamală Română – Direcţia Regională Vamală Bucureşti,
Ministerul Finanţelor – Direcţia Generală de Soluţionare a Contestaţiilor,
LA COUR (huitième chambre),
composée de M. N. Jääskinen (rapporteur), président de la neuvième chambre, faisant fonction de président de la huitième chambre, MM. D. Gratsias et M. Gavalec, juges,
avocat général : Mme T. Ćapeta,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane, R. I. Haţieganu et A. Wellman, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mmes F. Moro, M. Salyková et E. A. Stamate, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 114 du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1, ci-après le « code des douanes »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Network One Distribution SRL (ci-après « Network One »), une société commerciale assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en Roumanie, à l’Agenția Națională de Administrare Fiscală – Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice București (Agence nationale de l’administration fiscale – direction générale régionale des finances publiques de Bucarest, Roumanie), à l’Agenția Națională de Administrare Fiscală – Direcția
Generală de Administrare a Marilor Contribuabili (Agence nationale de l’administration fiscale – direction générale pour l’administration des grands contribuables, Roumanie), à l’Autoritatea Vamală Română – Direcția Regională Vamală București (Autorité douanière roumaine – direction régionale des douanes de Bucarest, Roumanie) et au Ministerul Finanțelor – Direcția Generală de Soluționare a Contestațiilor (ministère des Finances – direction générale du traitement des réclamations, Roumanie) au
sujet de l’imposition à Network One, au motif qu’elle ne s’est pas acquittée d’un droit antidumping dans le délai imparti, du paiement d’intérêts de retard ainsi que de pénalités de retard.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Le règlement (CE, Euratom) no 2988/95
3 Le titre II du règlement (CE, Euratom) no 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO 1995, L 312, p. 1), intitulé « Mesures et sanctions administratives », comprend l’article 4 de celui-ci, qui dispose :
« 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l’avantage indûment obtenu :
— par l’obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus,
[...]
2. L’application des mesures visées au paragraphe 1 est limitée au retrait de l’avantage obtenu augmenté, si cela est prévu, d’intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire.
[...]
4. Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions. »
4 L’article 5 de ce règlement dispose :
« 1. Les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence peuvent conduire aux sanctions administratives suivantes :
[...]
b) le paiement d’un montant excédant les sommes indûment perçues ou éludées, augmentées, le cas échéant, d’intérêts ; ce montant complémentaire, déterminé selon un pourcentage à fixer dans les réglementations spécifiques, ne peut dépasser le niveau strictement nécessaire pour lui donner un caractère dissuasif ;
[...]
g) d’autres sanctions à caractère exclusivement économique, de nature et de portée équivalentes, prévues dans les réglementations sectorielles adoptées par le Conseil [de l’Union européenne] en fonction des nécessités propres au secteur concerné et dans le respect des compétences d’exécution conférées à la Commission [européenne] par le Conseil.
2. Sans préjudice des dispositions des réglementations sectorielles existant au moment de l’entrée en vigueur du présent règlement, les autres irrégularités ne peuvent donner lieu qu’aux sanctions non assimilables à une sanction pénale prévues au paragraphe 1, pour autant que de telles sanctions soient indispensables à l’application correcte de la réglementation. »
Le règlement (UE) no 502/2013
5 L’article 1er du règlement (UE) no 502/2013 du Conseil, du 29 mai 2013, modifiant le règlement d’exécution (UE) no 990/2011 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de bicyclettes originaires de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen intermédiaire au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1225/2009 (JO 2013, L 153, p. 17), disposait, à ses paragraphes 1 et 4 :
« 1. Il est institué un droit antidumping définitif sur les importations de bicyclettes et autres cycles (y compris les triporteurs, mais à l’exclusion des monocycles), sans moteur, relevant des codes NC 87120030 et ex87120070 (codes TARIC 8712007091 et 8712007099), originaires de la République populaire de Chine.
[...]
4. Sauf indication contraire, les dispositions en vigueur en matière de droits de douane sont applicables. »
Le code des douanes
6 L’article 42 du code des douanes, intitulé « Application de sanctions », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. Chaque État membre prévoit des sanctions en cas d’infraction à la législation douanière. Ces sanctions sont effectives, proportionnées et dissuasives.
2. Lorsque des sanctions administratives sont appliquées, elles peuvent l’être, notamment, sous l’une ou les deux formes suivantes :
a) une charge pécuniaire imposée par les autorités douanières, y compris, le cas échéant, un règlement en lieu et place d’une sanction pénale ;
b) le retrait, la suspension ou la modification de toute autorisation dont la personne concernée est titulaire. »
7 L’article 114 de ce code, intitulé « Intérêt de retard », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. Un intérêt de retard est perçu en plus du montant des droits à l’importation ou à l’exportation pour la période comprise entre l’expiration du délai fixé et la date de paiement.
Pour un État membre dont la monnaie est l’euro, le taux de l’intérêt de retard est égal au taux, publié au Journal officiel de l’Union européenne, série C, que la Banque centrale européenne a appliqué à ses opérations principales de refinancement le premier jour du mois de l’échéance, majoré de deux points de pourcentage.
Pour un État membre dont la monnaie n’est pas l’euro, le taux de l’intérêt de retard est égal au taux appliqué le premier jour du mois en question par la banque centrale nationale pour ses opérations principales de refinancement, majoré de deux points de pourcentage, ou, pour les États membres pour lesquels le taux de la banque centrale nationale n’est pas disponible, le taux le plus équivalent appliqué le premier jour du mois en question sur le marché monétaire, majoré de deux points de
pourcentage.
2. Lorsque la dette douanière a pris naissance sur la base des articles 79 ou 82, ou que la notification de la dette douanière résulte d’un contrôle a posteriori, un intérêt de retard est perçu en plus du montant des droits à l’importation ou à l’exportation, à partir de la date de naissance de la dette jusqu’à la date de sa notification.
Le taux de cet intérêt est fixé conformément au paragraphe 1. »
Le droit roumain
8 L’article 1er de la legea nr. 207/2015 privind Codul de procedură fiscală (loi no 207/2015 portant code de procédure fiscale), du 20 juillet 2015 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 547 du 23 juillet 2015) (ci-après le « code de procédure fiscale »), dispose, à ses points 20 et 33 :
« 20. intérêts – dette fiscale accessoire qui représente l’équivalent du préjudice causé au titulaire de la créance fiscale principale par le débiteur qui n’a pas payé la dette fiscale principale à l’échéance.
[...]
33. pénalité de retard – dette fiscale accessoire qui représente la sanction du débiteur qui n’a pas payé la dette fiscale principale à l’échéance. »
9 L’article 173, paragraphe 1, de ce code prévoit :
« Les intérêts et les pénalités de retard sont dus après la date d’échéance du paiement par le débiteur de la dette fiscale principale. »
10 L’article 174, paragraphes 1 et 5, dudit code dispose :
« 1. Les intérêts sont calculés pour chaque jour de retard, à compter du jour suivant immédiatement la date d’échéance et jusqu’à la date de règlement du montant dû comprise.
[...]
5. Le taux d’intérêt est de 0,02 % pour chaque jour de retard. »
11 L’article 176 du même code dispose, à ses paragraphes 1 à 3 :
« 1. Les pénalités de retard sont calculées pour chaque jour de retard, à compter du jour suivant immédiatement la date d’échéance et jusqu’à la date de règlement du montant dû comprise. L’article 174, paragraphes 2 à 4, et l’article 175 s’appliquent mutatis mutandis.
2. Le taux de la pénalité de retard est de 0,01 % pour chaque jour de retard.
3. La pénalité de retard ne libère pas de l’obligation de payer des intérêts. »
Le litige au principal et la question préjudicielle
12 Entre le 18 mars 2016 et le 28 septembre 2017, Network One a importé en Roumanie des bicyclettes traditionnelles, des bicyclettes électriques et des pièces de rechange, pour lesquelles elle a effectué différentes déclarations de mise en libre pratique auprès des autorités douanières roumaines au cours de la période allant du 30 mars 2016 au 28 septembre 2017. Ces déclarations indiquaient que la Thaïlande était le pays d’origine des marchandises importées.
13 À l’issue d’un contrôle douanier portant sur l’origine réelle de ces marchandises, effectué le 30 juillet 2018, la Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice București – Direcția Regională Vamală București (direction générale régionale des finances publiques de Bucarest – direction régionale des douanes de Bucarest) a conclu que lesdites marchandises étaient originaires de Chine et non de Thaïlande.
14 Le 25 septembre 2019, cette autorité a adopté un procès-verbal de contrôle ainsi qu’une décision de régularisation de la situation (ci-après la « décision de régularisation »), desquels il ressort qu’un droit antidumping a été imposé à Network One au titre du règlement no 502/2013, d’un montant de 1739090 lei roumains (RON) (environ 366896 euros). En outre, ladite autorité a constaté que Network One était redevable d’une dette fiscale accessoire constituée, d’une part, d’intérêts de retard
afférents au droit antidumping pour un montant total de 183209 RON (environ 38652 euros), au titre de l’article 114 du code des douanes, et, d’autre part, de pénalités de retard pour un montant total de 158312 RON (environ 33399 euros), au titre de l’article 176 du code de procédure fiscale.
15 Le 7 octobre 2019, Network One a réglé les montants correspondant au droit antidumping prévu par le règlement no 502/2013 et aux pénalités.
16 Cette société a par la suite introduit une réclamation contre ledit procès-verbal de contrôle et la décision de régularisation, qui a été rejetée par décision administrative du 25 juin 2020 de la Direcția Generală de Administrare a Marilor Contribuabili – Serviciul soluționare contestații (direction générale pour l’administration des grands contribuables – service du traitement des réclamations, Roumanie).
17 Le 7 décembre 2020, Network One a saisi le Tribunalul București (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie) d’un recours contre cette décision ainsi que la décision de régularisation. À cet égard, cette société a notamment soutenu que l’article 114 du code des douanes avait fusionné les intérêts et les pénalités en un taux unique et a contesté l’application supplémentaire des pénalités prévues par le code de procédure fiscale, dès lors que, selon elle, ces pénalités étaient liées à une
même dette fiscale principale. À cet égard, Network One a fait valoir que cette pratique violait ledit article 114 du code des douanes, en ce qu’elle aboutissait à augmenter de manière injustifiée les pénalités infligées. Ce recours a été rejeté par un jugement du 6 avril 2021.
18 Network One a saisi la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest, Roumanie), qui est la juridiction de renvoi, d’un recours contre ce jugement.
19 Cette juridiction s’interroge sur le point de savoir si l’article 114 du code des douanes permet à une autorité douanière nationale d’exiger, d’un débiteur qui ne s’est pas acquitté d’une dette douanière dans le délai requis, le paiement, en sus des intérêts de retard, de pénalités de retard en vertu du droit national.
20 À cet égard, la juridiction de renvoi relève, en premier lieu, que le code de procédure fiscale, qui s’applique en complément du code des douanes, permet d’imposer, à la charge du contribuable ne s’étant pas acquitté d’une dette fiscale dans le délai prévu, des intérêts de retard et des pénalités de retard dont les objectifs respectifs sont différents. En effet, alors que ces intérêts assureraient la réparation du préjudice causé au budget étatique par un débiteur qui ne s’est pas acquitté de la
dette fiscale à l’échéance, lesdites pénalités constitueraient en revanche une sanction prononcée contre ce débiteur. De tels objectifs distincts rendraient possible, comme en l’occurrence, l’imposition cumulative des intérêts de retard et d’une pénalité de retard.
21 En deuxième lieu, cette juridiction rappelle que, conformément à la jurisprudence de la Cour, lorsqu’une réglementation de l’Union ne prévoit pas de sanctions spécifiques en cas de violation de ses dispositions ou renvoie, sur ce point, aux dispositions nationales, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit de l’Union.
22 Or, si le règlement no 502/2013 ne prévoit aucune sanction en cas de violation de ses dispositions, il dispose, à son article 1er, paragraphe 4, que, en principe, les dispositions en matière de droits de douane sont applicables, ce qui aurait permis, en l’occurrence, l’application de l’article 114 du code des douanes. C’est d’ailleurs précisément au titre de cet article que les autorités douanières auraient imposé des « pénalités de retard » en sus du droit antidumping à compter de la date de
naissance de la dette douanière et jusqu’à la date de notification de celle-ci.
23 En troisième lieu, la juridiction de renvoi estime que ses doutes quant à la possibilité d’imposer cumulativement, en vertu de l’article 114 du code des douanes, des intérêts de retard et des pénalités de retard, lorsqu’une dette douanière n’est pas acquittée dans le délai imparti, ne sont pas dissipés par la jurisprudence de la Cour concernant le règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), lequel a été abrogé et
remplacé par le code des douanes.
24 Dans ces conditions, la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Le droit de l’Union, en particulier l’article 114 du [code des douanes], doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une pratique administrative en vertu de laquelle, dans des circonstances telles que celles au principal, au regard du montant du droit antidumping, un contribuable se voit imposer, en sus de la pénalité de retard prévue à l’article 114 de ce [code], une pénalité de retard distincte prévue par le droit national (le code de procédure fiscale) [?] »
Sur la question préjudicielle
25 Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 114 du code des douanes doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une pratique administrative nationale en vertu de laquelle une pénalité de retard, prévue par la législation nationale, peut être imposée en sus des intérêts de retard prévus par cet article.
26 En premier lieu, il convient de relever que la juridiction de renvoi se réfère, dans le libellé de sa question préjudicielle, à une « pénalité de retard » qui serait prévue à l’article 114 du code des douanes et non pas à des « intérêts de retard ». Cependant, même si la version en langue roumaine de cet article mentionne à plusieurs reprises l’expression « pénalité de retard » (« penalitățile de întârziere »), il ressort expressément de l’intitulé de celui-ci (« Dobânda la arierate ») que la
mesure qu’il prévoit est la perception d’un « intérêt de retard » et non l’application d’une pénalité.
27 À cet égard, conformément à une jurisprudence constante, la formulation utilisée dans certaines versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. En effet, la nécessité d’une application et, dès lors, d’une interprétation uniformes d’un acte de l’Union exclut que celui-ci soit considéré isolément dans l’une de ses
versions, mais exige que la disposition en cause soit interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément, à la lumière, notamment, des versions établies dans toutes les langues [arrêt du 21 mars 2024, CBR (Hémianopsie), C‑703/22, EU:C:2024:261, point 34 et jurisprudence citée].
28 Or, d’une part, en ce qui concerne l’économie générale et la finalité du code des douanes, il y a lieu d’observer que celui-ci n’a pas pour objet de prévoir de sanction ou de pénalité en cas d’infraction à la législation douanière. Il ressort en effet de l’article 42, paragraphe 1, de ce code que c’est aux États membres qu’il appartient de prévoir de telles sanctions.
29 D’autre part et en tout état de cause, dans de nombreuses versions linguistiques, l’article 114 du code des douanes se réfère à la notion d’« intérêt de retard » plutôt qu’à celle de « pénalité de retard », telles que, notamment, dans les versions en langues espagnole (« Intereses de demora »), allemande (« Verzugszinsen »), anglaise (« Interest on arrears »), française (« Intérêts de retard »), italienne (« Interesse di mora »), néerlandaise (« Vertragingsrente »), polonaise (« Odsetki za
zwłokę »), portugaise (« Juros de mora »), finnoise (« Viivästyskorko ») ou suédoise (« Dröjsmålsränta ») de cet article.
30 Au regard de ce qui précède, il ne saurait être inféré de la mention de l’expression « pénalité de retard » dans la version en langue roumaine de l’article 114 du code des douanes que la mesure prévue à cet article est l’application d’une pénalité de retard, plutôt que la perception d’un intérêt de retard.
31 En deuxième lieu, il convient de rappeler que la Cour a considéré, concernant l’article 232, paragraphe 1, du règlement no 2913/92, lequel établissait le code des douanes communautaire qui a été abrogé et remplacé par le code des douanes, que « [l]es intérêts de retard visent [...] à pallier les conséquences découlant du dépassement du délai de paiement et, notamment, à éviter que le débiteur de la dette douanière ne tire indûment avantage du fait que les montants dus au titre de cette dette
demeurent à sa disposition au-delà du délai fixé pour l’acquittement de celle-ci » (arrêt du 31 mars 2011, Aurubis Balgaria, C‑546/09, EU:C:2011:199, point 29).
32 Ainsi, les intérêts de retard visent à pallier les conséquences découlant du dépassement d’un délai de paiement et à compenser les avantages que l’opérateur économique tire indûment du retard pris pour s’acquitter d’une dette fiscale, et non à sanctionner un tel retard.
33 En outre, ainsi qu’il a été rappelé au point 28 du présent arrêt, le paragraphe 1 de l’article 42 du code des douanes prévoit, en substance, qu’il revient aux États membres de sanctionner les infractions à la législation douanière et que les sanctions infligées doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Le paragraphe 2 de cet article précise d’ailleurs que ces sanctions peuvent notamment, comme en l’occurrence, prendre la forme d’une charge pécuniaire imposée par les autorités
douanières.
34 À cet égard, la Cour a d’ailleurs rappelé que, en l’absence d’harmonisation de la législation de l’Union dans le domaine des sanctions applicables en cas d’inobservation des conditions prévues par un régime institué par la législation douanière, les États membres sont compétents pour choisir les sanctions qui leur semblent appropriées. Ils sont toutefois tenus d’exercer leur compétence dans le respect du droit de l’Union et de ses principes généraux et, par conséquent, dans le respect du principe
de proportionnalité (arrêt du 4 mars 2020, Schenker, C‑655/18, EU:C:2020:157, point 42 et jurisprudence citée).
35 En particulier, la Cour a précisé que les mesures administratives ou répressives permises par une législation nationale ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par cette législation et, en outre, ne doivent pas être démesurées par rapport auxdits objectifs (arrêt du 4 mars 2020, Schenker, C‑655/18, EU:C:2020:157, point 43 et jurisprudence citée).
36 Par ailleurs, l’article 4 du règlement no 2988/95 énonce, en substance, qu’une irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l’avantage indûment obtenu et que ce retrait peut être augmenté d’intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire. Il précise que les mesures qu’il prévoit ne sont pas considérées comme des sanctions. En revanche, l’article 5 de ce règlement dispose que les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence peuvent conduire à des sanctions
administratives, à savoir, notamment, le paiement d’un montant excédant les sommes indûment perçues ou éludées, augmentées, le cas échéant, d’intérêts.
37 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les pénalités de retard prévues par l’article 176 du code de procédure fiscale représentent une sanction pécuniaire infligée au débiteur qui ne s’est pas acquitté d’une dette fiscale à l’échéance prévue.
38 Ainsi, au regard de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de considérer qu’une telle sanction prévue par le droit national n’est pas, par principe, incompatible avec le droit de l’Union, sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer quant à la proportionnalité de cette sanction.
39 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 114 du code des douanes doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une pratique administrative nationale en vertu de laquelle une pénalité de retard, prévue par la législation nationale, peut être imposée en sus des intérêts de retard prévus par cet article.
Sur les dépens
40 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :
L’article 114 du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union,
doit être interprété en ce sens que :
il ne s’oppose pas à une pratique administrative nationale en vertu de laquelle une pénalité de retard, prévue par la législation nationale, peut être imposée en sus des intérêts de retard prévus à cet article.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le roumain.