ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
5 décembre 2024 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Pratiques commerciales déloyales – Directive 2005/29/CE – Article 2, sous c), d) et i) – Article 3, paragraphe 1 – Champ d’application – Notion de “produit” – Offre conjointe consistant en une évaluation et un achat d’un bien »
Dans l’affaire C‑379/23,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Svea hovrätt, Patent- och marknadsöverdomstolen (cour d’appel siégeant à Stockholm en tant que cour d’appel de la propriété industrielle et du commerce, Suède), par décision du 13 juin 2023, parvenue à la Cour le 15 juin 2023, dans la procédure
Guldbrev AB
contre
Konsumentombudsmannen,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. I. Jarukaitis, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. E. Regan et Z. Csehi (rapporteur), juges,
avocat général : M. P. Pikamäe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour Guldbrev AB, par Mes D. Tornberg et M. Zeitlin, advokater,
– pour le Konsumentombudsmannen, par M. G. Wikström, processråd,
– pour la Commission européenne, par M. M. Björkland, Mme I. Rubene et M. N. Ruiz García, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 juin 2024,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, sous c), d) et i), ainsi que de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004
du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») (JO 2005, L 149, p. 22).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Guldbrev AB au Konsumentombudsmannen (médiateur chargé de la défense des consommateurs, Suède) (ci-après le « KO ») au sujet de la conformité au droit de l’Union et au droit national de certaines pratiques commerciales employées par Guldbrev concernant l’évaluation et l’achat d’or à des consommateurs.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Aux termes des considérants 6 à 8, 17 et 23 de la directive 2005/29 :
« (6) La présente directive a [...] pour objet de rapprocher les législations des États membres relatives aux pratiques commerciales déloyales, y compris la publicité déloyale, portant atteinte directement aux intérêts économiques des consommateurs et, par conséquent, indirectement aux intérêts économiques des concurrents légitimes. Conformément au principe de proportionnalité, la présente directive protège les consommateurs des conséquences de ces pratiques commerciales déloyales dès lors
qu’elles sont substantielles, tout en reconnaissant que, dans certains cas, ces conséquences sont négligeables. [...]
(7) La présente directive porte sur les pratiques commerciales qui visent directement à influencer les décisions commerciales des consommateurs à l’égard de produits. [...]
(8) La présente directive protège expressément les intérêts économiques des consommateurs contre les pratiques commerciales déloyales des entreprises à leur égard. [...]
[...]
(17) Afin d’apporter une plus grande sécurité juridique, il est souhaitable d’identifier les pratiques commerciales qui sont, en toutes circonstances, déloyales. L’annexe I contient donc la liste complète de toutes ces pratiques. Il s’agit des seules pratiques commerciales qui peuvent être considérées comme déloyales sans une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9. Cette liste ne peut être modifiée que par une révision de la directive.
[...]
(23) Étant donné que les objectifs de la présente directive, à savoir éliminer les entraves au fonctionnement du marché intérieur que constituent les législations nationales sur les pratiques commerciales déloyales et assurer un niveau commun élevé de protection des consommateurs, en rapprochant les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les pratiques commerciales déloyales, ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres
et peuvent donc être mieux réalisés au niveau [de l’Union], l’[Union] peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 du traité. Conformément au principe de proportionnalité tel qu’énoncé audit article, la présente directive n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs. »
4 L’article 1er de cette directive, intitulé « Objectif », dispose :
« L’objectif de la présente directive est de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en rapprochant les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte aux intérêts économiques des consommateurs. »
5 L’article 2 de ladite directive, intitulé « Définitions », est libellé comme suit :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
c) “produit” : tout bien ou service, y compris les biens immobiliers, les droits et les obligations ;
d) “pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs” (ci-après également dénommées “pratiques commerciales”) : toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs ;
[...]
i) “invitation à l’achat” : une communication commerciale indiquant les caractéristiques du produit et son prix de façon appropriée en fonction du moyen utilisé pour cette communication commerciale et permettant ainsi au consommateur de faire un achat ;
[...] »
6 L’article 3 de la même directive, intitulé « Champ d’application », prévoit, à son paragraphe 1 :
« La présente directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l’article 5, avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit. »
7 L’article 4 de la directive 2005/29, intitulé « Marché intérieur », est ainsi libellé :
« Les États membres ne restreignent ni la libre prestation de services, ni la libre circulation des marchandises pour des raisons relevant du domaine dans lequel la présente directive vise au rapprochement des dispositions en vigueur. »
8 Figurant au chapitre 2 de cette directive, intitulé « Pratiques commerciales déloyales », l’article 5 de celle-ci, lui-même intitulé « Interdiction des pratiques commerciales déloyales », prévoit l’interdiction des pratiques commerciales déloyales et énonce les critères permettant de déterminer si une pratique revêt un tel caractère déloyal. En particulier, il énonce, à son paragraphe 5 :
« L’annexe I contient la liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances. Cette liste unique s’applique dans tous les États membres et ne peut être modifiée qu’au travers d’une révision de la présente directive ».
9 L’article 11 de ladite directive, intitulé « Application de la législation », dispose, à son paragraphe 1, premier alinéa :
« Les États membres veillent à ce qu’il existe des moyens adéquats et efficaces pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales afin de faire respecter les dispositions de la présente directive dans l’intérêt des consommateurs. »
10 L’annexe I de la directive 2005/29, intitulée « Pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances », énonce :
« Pratiques commerciales trompeuses
[...]
5) Proposer l’achat de produits à un prix indiqué sans révéler les raisons plausibles que pourrait avoir le professionnel de penser qu’il ne pourra fournir lui-même, ou faire fournir par un autre professionnel, les produits en question ou des produits équivalents au prix indiqué, pendant une période et dans des quantités qui soient raisonnables compte tenu du produit, de l’ampleur de la publicité faite pour le produit et du prix proposé (publicité appât).
6) Proposer l’achat de produits à un prix indiqué, et ensuite :
[...]
c) en présenter un échantillon défectueux,
dans le but de faire la promotion d’un produit différent (amorcer et ferrer). »
Le droit suédois
11 L’article 5 du marknadsföringslagen (2008:486) [loi (2008:486) sur les pratiques commerciales, ci-après la « loi sur les pratiques commerciales »], lequel a transposé la directive 2005/29 dans l’ordre juridique suédois, dispose que « [t]oute mesure de promotion doit être conforme aux bonnes pratiques commerciales ».
12 L’article 6 de cette loi prévoit :
« Toute mesure de promotion contraire aux bonnes pratiques commerciales au sens de l’article 5 de la présente loi doit être considérée comme déloyale si elle affecte ou est susceptible d’affecter de manière significative l’aptitude de son destinataire à prendre une décision commerciale en connaissance de cause. »
13 L’article 8 de ladite loi est libellé comme suit :
« Une mesure de promotion trompeuse, au sens des dispositions des articles 9, 10 ou 12 à 17 de la présente loi, doit être considérée comme déloyale si elle affecte ou est susceptible d’affecter l’aptitude de son destinataire à prendre une décision commerciale en connaissance de cause.
Les mesures de promotion trompeuses visées aux points 1 à 23 de l’annexe I de la directive 2005/29 sont réputées déloyales en toutes circonstances. »
14 Aux termes de l’article 9 de la même loi :
« Toute mesure de promotion doit être conçue et présentée de manière à faire apparaître clairement qu’il s’agit d’une mesure de promotion.
Elle doit également faire apparaître clairement qui est responsable de la mesure de promotion. [...] »
15 L’article 10 de la loi sur les pratiques commerciales prévoit :
« Les mesures de promotion d’un professionnel ne peuvent contenir des allégations inexactes ou d’autres représentations trompeuses concernant ses activités ou celles d’un autre professionnel.
Le premier alinéa ci-dessus vise particulièrement des représentations portant sur :
L’existence du produit, sa nature, ses quantités, ses qualités et ses autres caractéristiques principales,
[...]
4) le prix du produit, le mode de calcul du prix, les avantages spécifiques quant au prix et les conditions de paiement,
[...]
Lorsqu’il promeut ses propres activités ou celles d’un autre professionnel, le professionnel ne peut pas omettre des informations substantielles. Constitue également une omission trompeuse le fait de dispenser les informations substantielles de manière peu claire, incompréhensible, ambiguë ou autrement non appropriée. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
16 Guldbrev, une société anonyme de droit suédois, a pour activité l’évaluation et l’achat d’or en ligne à des consommateurs. N’ayant pas de magasin physique, elle procède à l’évaluation de l’or envoyé par les consommateurs en fonction de sa teneur en carats et de son poids. En cas d’accord du consommateur sur le montant de la contrepartie financière proposée par la société, la transaction est réalisée.
17 Estimant que certaines mesures de promotion de Guldbrev sur ses sites Internet, sur les réseaux sociaux et dans des lettres envoyées à des consommateurs étaient trompeuses et déloyales, le KO a saisi le Patent- och marknadsdomstolen (Tribunal de la propriété industrielle et de commerce, Suède) afin qu’il soit fait interdiction à cette société de recourir à de telles mesures et qu’il lui soit enjoint de fournir certaines informations aux consommateurs.
18 À l’appui de cette demande, le KO a exposé, tout d’abord, que la promotion du prix de l’or constituait une publicité d’appât ainsi qu’un amorçage et un ferrage, contraire à plusieurs dispositions de l’annexe I de la directive 2005/29. Ensuite, ladite société omettrait d’identifier de façon suffisamment claire la publicité sur les sites Internet et de préciser qu’elle en est l’annonceur. Enfin, les prix maximaux indiqués par la même société seraient déraisonnables, imprévisibles ou impossibles à
obtenir en raison des exigences qu’elle impose aux consommateurs. Cela compromettrait l’aptitude des consommateurs à prendre une décision en connaissance de cause.
19 Guldbrev a contesté les demandes du KO, en faisant valoir, en substance, que les faits au principal ne comportaient aucun élément rendant applicables la directive 2005/29 ou la loi sur les pratiques commerciales, puisque les actions en question visaient des services d’achat. En tout état de cause, selon cette société, la promotion visée ne serait ni trompeuse ni déloyale, et le consommateur disposerait d’informations suffisantes sur la façon dont le prix est déterminé.
20 Par jugement du 25 mars 2022, le Patent- och marknadsdomstolen (Tribunal de la propriété industrielle et de commerce) a fait interdiction à Guldbrev, sous peine d’astreinte, de poursuivre ses activités promotionnelles et lui a ordonné d’assortir sa promotion de certaines informations. En effet, après avoir considéré que les activités de cette société relatives à l’évaluation et à l’achat d’or constituaient des pratiques commerciales relevant du champ d’application de la directive 2005/29, il a
jugé que certaines mesures de promotion ne répondaient pas aux exigences de la loi sur les pratiques commerciales, qui a transposé ladite directive dans l’ordre juridique suédois.
21 Guldbrev a interjeté appel de certaines parties de ce jugement devant le Svea hovrätt, Patent- och marknadsöverdomstolen (cour d’appel siégeant à Stockholm en tant que cour d’appel de la propriété industrielle et du commerce, Suède), la juridiction de renvoi.
22 À cet égard, cette juridiction souligne que la jurisprudence de la Cour relative à l’article 2, sous c) et d), ainsi qu’à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2005/29 permettrait de considérer que les mesures de promotion en cause au principal sont intrinsèquement susceptibles de constituer une pratique commerciale au sens de cette directive, à la condition qu’elles visent un produit au sens de celle-ci. Elle constate toutefois que la Cour ne s’est pas encore prononcée sur la question de
savoir si l’offre d’un professionnel telle que celle en cause au principal porte sur un produit, au sens de ladite directive. Or, une réponse à cette question permettrait de déterminer s’il y a lieu d’interpréter les dispositions du droit national à la lumière des règles de fond prévues par la même directive.
23 Dans ces conditions, le Svea hovrätt, Patent- och marknadsöverdomstolen (cour d’appel siégeant à Stockholm en tant que cour d’appel de la propriété industrielle et du commerce) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Dans une situation telle que celle en cause au principal, l’évaluation et l’achat d’or auprès d’un consommateur sont-ils un produit (produit combiné) au sens de l’article 2, sous c), d) et i), ainsi que de l’article 3, paragraphe 1, de la directive [2005/29] ?
2) En cas de réponse négative à la première question, l’évaluation d’or est-elle, dans une situation telle que celle en cause au principal, un produit au sens de la directive [2005/29] ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
24 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, sous c), d) et i), ainsi que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2005/29 doivent être interprétés en ce sens que le service d’évaluation d’un bien qu’un professionnel fournit à un consommateur avant l’achat de ce bien auprès de ce dernier, en subordonnant l’achat à l’acceptation du prix déterminé à la suite de l’évaluation, constitue, ensemble avec cet achat, un « produit », au sens de ces
dispositions.
25 À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi pose cette question afin de vérifier l’applicabilité de la directive 2005/29 dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, où un professionnel achète de l’or à un consommateur et, à cette fin, combine deux actes commerciaux dans une seule offre commerciale, à savoir le service d’évaluation de ce bien et l’achat dudit bien auprès du même
consommateur. En particulier, il ressort de la décision de renvoi que la requérante au principal est disposée à acheter de l’or auprès du consommateur uniquement lorsque celui-ci accepte le service d’évaluation qu’elle lui fournit afin de déterminer la qualité et le prix d’achat de l’or. Ce prix d’achat est ainsi déterminé au moment de l’évaluation et s’impose au consommateur si celui-ci souhaite que la transaction ait lieu.
26 Les actions reprochées à Guldbrev dans le cadre du litige au principal consistent, notamment, en certaines mesures de promotion du prix de l’or, lesquelles, selon le KO, constituent des « pratiques commerciales trompeuses », au sens de l’annexe I, point 5, et point 6, sous c), de la directive 2005/29. La juridiction de renvoi considère que ces mesures de promotion sont effectivement susceptibles de constituer des « pratiques commerciales », au sens de l’article 2, sous d), et de l’article 3,
paragraphe 1, de cette directive, et de relever, dès lors, du champ d’application de cette dernière, pour autant, toutefois, que le service d’évaluation de l’or et l’achat de celui-ci au prix ainsi évalué puissent être considérés comme formant ensemble un « produit », au sens de ces dernières dispositions.
27 À ce dernier égard, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2005/29 prévoit que celle-ci s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l’article 5 de cette directive, avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit. Si cet article 5 prévoit l’interdiction des pratiques commerciales déloyales et énonce les critères permettant de déterminer si une telle pratique revêt un tel caractère déloyal, le
point de savoir si des actions telles que les mesures de promotion en cause au principal peuvent recevoir cette qualification ne fait l’objet d’aucune des questions posées par la juridiction de renvoi.
28 S’agissant, en revanche, des autres dispositions visées par la juridiction de renvoi dans sa première question, l’article 2 de la directive 2005/29 définit, à ses points c), d) et i), respectivement, la notion de « produit » comme étant « tout bien ou service, y compris les biens immobiliers, les droits et les obligations », la notion de « pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs » comme étant « toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y
compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs », et la notion d’« invitation à l’achat » comme étant une « communication commerciale indiquant les caractéristiques du produit et son prix de façon appropriée en fonction du moyen utilisé pour cette communication commerciale et permettant ainsi au consommateur de faire un achat ».
29 Il s’ensuit que, afin d’être qualifiée de « pratique commerciale », au sens de l’article 2, sous d), et de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2005/29, et d’être ainsi susceptible de relever du champ d’application de celle-ci, une action doit être en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2019, Kirschstein, C‑393/17, EU:C:2019:563, point 41 et jurisprudence citée).
30 En l’occurrence, le service d’évaluation d’or constitue un produit fourni « aux consommateurs », au sens de ces dispositions, tandis que l’achat d’or équivaut à la vente d’un bien par un consommateur à un professionnel. Partant, des mesures de promotion qui sont en relation directe avec l’achat d’or, mais non pas avec l’évaluation de ce bien seraient effectivement susceptibles d’être considérées comme des « pratiques commerciales », au sens de l’article 2, sous d), et de l’article 3,
paragraphe 1, de la directive 2005/29, uniquement dans le cas envisagé par cette juridiction dans sa question, à savoir lorsque le service d’évaluation et l’achat peuvent être considérés, ensemble, comme constituant un « produit » fourni aux consommateurs, au sens de ces dispositions.
31 De surcroît, il y a lieu de relever que l’article 2, sous d), de la directive 2005/29 définit la notion de « pratique commerciale », en utilisant une formulation particulièrement large (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2009, VTB-VAB et Galatea, C‑261/07 et C‑299/07, EU:C:2009:244, point 49). À cet égard, le seul critère visé à cette disposition est tiré de ce que la pratique du professionnel doit se trouver en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un bien ou d’un
service au consommateur (arrêts du 19 septembre 2013, CHS Tour Services, C‑435/11, EU:C:2013:574, point 27, et du 16 avril 2015, UPC Magyarország, C‑388/13, EU:C:2015:225, point 35).
32 S’agissant, en particulier, des offres conjointes, fondées sur la conjonction d’au moins deux produits ou services distincts en une seule offre, la Cour a déjà jugé que celles-ci constituent des actes commerciaux s’inscrivant clairement dans le cadre de la stratégie commerciale d’un opérateur et visant directement à la promotion et à l’écoulement des ventes de celui-ci. Il s’ensuit qu’elles constituent bien des pratiques commerciales, au sens de l’article 2, sous d), de la directive 2005/29, et
relèvent, en conséquence, du champ d’application de celle-ci (arrêts du 23 avril 2009, VTB-VAB et Galatea, C‑261/07 et C‑299/07, EU:C:2009:244, point 50, ainsi que du 7 septembre 2016, Deroo-Blanquart, C‑310/15, EU:C:2016:633, point 28).
33 Or, dans la mesure où, en l’occurrence, le professionnel propose au consommateur un service d’évaluation de l’or, en le combinant avec l’achat de ce bien qu’il conditionne à l’acceptation du prix déterminé à la suite de l’évaluation, le professionnel ne peut se livrer à une pratique commerciale qu’au moyen d’une communication promouvant le service d’évaluation, au sens de la jurisprudence rappelée au point 29 du présent arrêt.
34 À ce dernier égard, il convient de rappeler que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du libellé de cette disposition, du contexte dans lequel elle s’insère et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 24 octobre 2024,
Kwantum Nederland et Kwantum België, C‑227/23, EU:C:2024:914, point 56 ainsi que jurisprudence citée).
35 S’agissant, en premier lieu, du libellé des dispositions en cause au principal, rien dans la définition de la notion de « produit », telle que rappelée au point 28 du présent arrêt, ne s’oppose à ce qu’une offre conjointe qui, comme en l’occurrence, se fonde sur la conjonction d’au moins deux produits ou services distincts en une seule offre fournie par un professionnel à un consommateur soit considérée comme relevant de cette notion. Quant aux autres dispositions, mentionnées à ce point 28, qui
incorporent la notion de « produit » dans les définitions qu’elles contiennent, leur libellé ne suggère pas non plus qu’une telle offre ne pourrait pas relever de ladite notion.
36 En ce qui concerne, en second lieu, le contexte des dispositions en cause au principal et les objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie, il y a lieu de relever que la Cour a jugé à plusieurs reprises que la directive 2005/29 se distingue par un champ d’application matériel particulièrement étendu (arrêt du 16 avril 2015, UPC Magyarország, C‑388/13, EU:C:2015:225, point 34 et jurisprudence citée).
37 Ce champ d’application particulièrement étendu permet d’assurer le plein effet de la directive 2005/29, en garantissant que, conformément à l’objectif consistant à assurer un niveau élevé de protection des consommateurs, énoncé à l’article 1er de cette directive, les pratiques commerciales déloyales soient, ainsi que l’exige l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive, combattues de manière efficace « dans l’intérêt des consommateurs » (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre
2013, Trento Sviluppo et Centrale Adriatica, C‑281/12, EU:C:2013:859, point 32).
38 En effet, l’objectif poursuivi par la directive 2005/29, consistant à protéger pleinement les consommateurs contre des pratiques commerciales déloyales, repose sur la circonstance que, par rapport à un professionnel, le consommateur se trouve dans une position d’infériorité, notamment en ce qui concerne le niveau d’information, en ce qu’il doit être réputé économiquement plus faible et juridiquement moins expérimenté que son cocontractant. Les dispositions de cette directive sont ainsi conçues
essentiellement dans l’optique du consommateur en tant que destinataire et victime de pratiques commerciales déloyales (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs, C‑59/12, EU:C:2013:634, points 35 et 36 ainsi que jurisprudence citée).
39 Dans ces conditions, le service d’évaluation d’or et l’achat de celui-ci, en raison du lien indissociable entre ceux-ci, tel qu’il ressort des considérations figurant au point 25 du présent arrêt, constituent ensemble un « produit », au sens de l’article 2, sous c), d) et i), ainsi que de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2005/29, de sorte que des actions telles que les mesures de promotion en cause au principal sont susceptibles d’être qualifiées de « pratiques commerciales », au sens
de l’article 2, sous d), et de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive et de relever, dès lors, du champ d’application de celle-ci.
40 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 2, sous c), d) et i), ainsi que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2005/29 doivent être interprétés en ce sens que le service d’évaluation d’un bien qu’un professionnel fournit à un consommateur avant l’achat de ce bien auprès de ce dernier, en subordonnant l’achat à l’acceptation du prix déterminé à la suite de l’évaluation, constitue, ensemble avec cet achat, un « produit », au sens
de ces dispositions, de sorte que les mesures en relation directe avec la promotion de ce produit aux consommateurs relèvent du champ d’application de cette directive.
Sur la seconde question
41 La seconde question n’est posée que dans l’hypothèse où la Cour répondrait par la négative à la première question. Or, ainsi qu’il a été conclu au point précédent, cette première question appelle une réponse affirmative.
42 Partant, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.
Sur les dépens
43 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :
L’article 2, sous c), d) et i), ainsi que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques
commerciales déloyales »),
doivent être interprétés en ce sens que :
le service d’évaluation d’un bien qu’un professionnel fournit à un consommateur avant l’achat de ce bien auprès de ce dernier, en subordonnant l’achat à l’acceptation du prix déterminé à la suite de l’évaluation, constitue, ensemble avec cet achat, un « produit », au sens de ces dispositions, de sorte que les mesures en relation directe avec la promotion de ce produit aux consommateurs relèvent du champ d’application de cette directive.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure : le suédois.