ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
7 novembre 2024 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Article 63, paragraphe 1, TFUE – Libre circulation des capitaux – Restrictions – Législation fiscale – Impôt sur les sociétés – Imposition des dividendes – Égalité de traitement entre les sociétés résidentes et non-résidentes – Législation nationale réservant aux sociétés résidentes la possibilité de déduire de leur bénéfice imposable afférent aux dividendes les charges correspondant à leurs engagements envers leurs clients dans le cadre de contrats d’assurance “en unités de
compte” et d’imputer entièrement l’imposition des dividendes sur l’impôt sur les sociétés »
Dans l’affaire C‑782/22,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Gerechtshof’s-Hertogenbosch (cour d’appel de Bois-le-Duc, Pays-Bas), par décision du 14 décembre 2022, parvenue à la Cour le 14 décembre 2022, dans la procédure
XX
contre
Inspecteur van de Belastingdienst
LA COUR (première chambre),
composée de M. T. von Danwitz, vice-président de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, M. A. Arabadjiev et Mme I. Ziemele (rapporteure), juges,
avocat général : M. P. Pikamäe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour XX, par M. R. A. van der Jagt, belastingadviseur,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et A. Hanje, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement espagnol, par M. I. Herranz Elizalde, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par MM. A. Ferrand et W. Roels, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 63, paragraphe 1, TFUE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant XX, une société établie au Royaume-Uni, à l’Inspecteur van de Belastingdienst (inspecteur du service des impôts, Pays-Bas) au sujet du remboursement de l’impôt sur les dividendes prélevé aux Pays-Bas sur les dividendes perçus par cette société pendant les années 2003 à 2010 (ci-après la « période en cause au principal »).
Le droit néerlandais
3 L’article 3.8 de la Wet inkomstenbelasting 2001 (loi relative à l’impôt sur les revenus de 2001), dans sa version applicable pendant la période en cause au principal, énonce:
« Le bénéfice d'une entreprise (bénéfice) est la somme des avantages communs qui sont tirés d’une entreprise quelles que soient sa dénomination et sa forme. »
4 L’article 3, paragraphe 1, de la Wet op de vennootschapsbelasting 1969 (loi relative à l’impôt sur les sociétés de 1969), dans sa version applicable pendant la période en cause au principal (ci-après la « loi IS 1969 »), lu en combinaison avec l’article 17 de cette loi, prévoit que les contribuables non-résidents ne sont soumis à l’impôt sur les sociétés aux Pays-Bas que dans la mesure où ils perçoivent des revenus dans cet État membre.
5 Conformément à l’article 7, paragraphes 1 et 2, de ladite loi, pour les contribuables résidents, l’impôt est prélevé en fonction de la base imposable qui est constituée par le bénéfice imposable réalisé au cours d’une année, diminué des pertes déductibles.
6 L’article 8, paragraphe 1, de la même loi dispose que le bénéfice est déterminé conformément notamment à l’article 3.8 de la loi relative à l’impôt sur les revenus de 2001, dans sa version applicable pendant la période en cause au principal.
7 L’article 25, paragraphe 1, de la loi IS 1969 prévoit que l’impôt sur les dividendes est considéré comme un prélèvement anticipé au titre de l’impôt sur les sociétés, sauf lorsque l’impôt sur les dividendes est prélevé sur des revenus ou des gains qui ne font pas partie du bénéfice imposable ou du revenu néerlandais perçu au cours de l’année.
8 L’article 1er, paragraphe 1 de la Wet op de dividendbelasting 1965 (loi relative à l’impôt sur les dividendes de 1965), dans sa version applicable pendant la période en cause au principal, prévoit qu’un impôt direct dénommé « impôt sur les dividendes » est perçu à charge de ceux qui, directement ou par l’intermédiaire de certificats, bénéficient du revenu d’actions ou de parts sociales de sociétés anonymes, de sociétés privées à responsabilité limitée, de sociétés en commandite ouverte et d’autres
sociétés dont le capital est réparti en tout ou en partie en actions ou parts sociales, établies aux Pays-Bas.
9 Conformément à l’article 2 de cette loi, l’impôt sur les dividendes est prélevé sur le revenu des actions ou parts visées à l’article 1er de ladite loi.
10 L’article 3, paragraphe 1, initio et sous a), de la même loi dispose que le revenu comprend les distributions directes ou indirectes de bénéfice, sous quelque désignation ou quelque forme que ce soit, y compris le bénéfice distribué à l’occasion de l’achat d’actions ou de parts, sauf placement temporaire, au-delà du capital moyen libéré sur les actions concernées.
11 L’article 5 de la loi relative à l’impôt sur les dividendes de 1965, dans sa version applicable pendant la période en cause au principal, prévoit que l’impôt sur les dividendes s’élève à 15 % du revenu.
Le litige au principal et la question préjudicielle
12 XX est enregistrée au Royaume-Uni en tant qu’entreprise d’assurances et conclut avec ses clients, qui sont principalement des organismes d’assurance‑pension institutionnels et des employeurs établis au Royaume-Uni, des contrats qualifiés de « contrats d’assurance en unités de compte ».
13 En vertu de ces contrats, XX investit les primes reçues de ses clients afin de générer un retour sur investissement, tandis que le risque d’assurance lié aux conventions de pension conclues entre les clients et des tiers est supporté par les clients. Les primes reçues des clients sont allouées à un ou plusieurs paniers de valeurs mobilières, liés à des unités de compte, et, en échange, des « unités » sont attribuées aux clients. Ces derniers se voient alors attribuer une valeur correspondant au
nombre de ces unités, multiplié par la valeur de l’unité au moment auquel ils ont droit à un versement. Ce moment correspond généralement à celui où ces clients sont tenus de verser des prestations de pension à leurs assurés. À l’exception de la détermination du profil de risque, les clients de XX n’ont pas d’influence sur le choix des titres dans lesquels ils investissent et ils ne disposent d’aucun droit sur ces titres, mais disposent uniquement d’un intérêt économique dérivé dans la valeur des
titres dans lesquels les unités sont investies.
14 La rémunération de XX pour les activités d’investissement proposées à ses clients correspond à un pourcentage de la valeur des actifs gérés pour ces clients et dépend en partie des retours sur investissement obtenus.
15 Pendant la période en cause au principal, les paniers comprenaient des actions de sociétés établies aux Pays-Bas. Les dividendes versés par ces sociétés ont été soumis dans cet État membre à l’impôt sur les dividendes à un taux de 15 %.
16 Au Royaume-Uni, XX est assujettie à l’impôt sur les bénéfices et ne peut pas y imputer l’impôt sur les dividendes qui a été prélevé par le Royaume des Pays-Bas.
17 La demande de XX visant le remboursement de l’impôt sur les dividendes relatif à la période en cause au principal pour les dividendes perçus aux Pays-Bas ainsi qu’une réclamation subséquente ayant été rejetées par l’administration fiscale, XX a saisi le rechtbank Zeeland-West-Brabant (tribunal de la Zélande et du Brabant occidental, Pays-Bas) qui, par jugement du 24 août 2020, a, à son tour, rejeté son recours comme étant non fondé.
18 XX a interjeté appel de ce jugement devant le Gerechtshof’s-Hertogenbosch (cour d’appel de Bois-le-Duc, Pays-Bas), qui est la juridiction de renvoi.
19 Cette dernière indique que, en ce qui concerne les dividendes perçus aux Pays-Bas, XX est confrontée à une différence de traitement fiscal par rapport aux contribuables résidents. En effet, les dividendes perçus par XX seraient soumis à un impôt de 15 % sur leur montant brut, alors qu’un contribuable résident qui perçoit les mêmes dividendes et exerce par ailleurs des activités comparables à celles de XX ne serait pas effectivement imposé sur ces dividendes.
20 En effet, bien que les contribuables résidents soient également soumis à l’impôt sur les dividendes, cet impôt constituerait pour eux, conformément à l’article 25, paragraphe 1, de la loi IS 1969, un prélèvement anticipé au titre de l’impôt sur les sociétés dont ils seront redevables. L’impôt sur les dividendes auquel sont soumis les contribuables résidents serait ainsi intégralement imputable sur l’impôt sur les sociétés dû et, si ce dernier impôt est inférieur à l’impôt sur les dividendes qui a
été prélevé, la différence leur serait remboursée.
21 La juridiction de renvoi relève que, si XX était établie aux Pays-Bas, l’impôt sur les sociétés ne serait prélevé que sur la rémunération qu’elle perçoit pour les services qu’elle fournit à ses clients. La base nette de l’impôt sur les sociétés au titre des dividendes perçus serait nulle, car lors de la détermination du bénéfice, il serait tenu compte, en tant que charges, de l’augmentation des engagements envers les clients au titre des contrats d’assurance en unités de compte.
22 Si la perception de dividendes en tant que telle n’affecte pas les différents postes du bilan de XX, ni à l’actif ni au passif, il existerait néanmoins un lien de causalité direct entre le rendement des investissements de XX et les variations de ses engagements envers les clients. Les dividendes étant des bénéfices distribués, il existerait un lien économique entre ces dividendes, qui feraient partie du rendement des investissements réalisés par XX, et les modifications du niveau de ses
engagements envers les clients. Compte tenu de ce lien, si XX était établie aux Pays-Bas, elle ne serait pas soumise à l’impôt sur les sociétés sur ces dividendes.
23 La juridiction de renvoi considère qu’une telle différence de traitement entre les résidents et non-résidents s’agissant des dividendes perçus aux Pays-Bas est susceptible de constituer une restriction à la libre circulation des capitaux au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE. En ce qui concerne le montant brut des dividendes, la situation de XX serait comparable à celle d’un contribuable résident qui perçoit les mêmes dividendes, puisque, dans les deux cas, le Royaume des Pays-Bas impose
ces dividendes.
24 Toutefois, dans la mesure où XX investit, notamment, dans des actions aux Pays-Bas afin de couvrir ses engagements envers ses clients dans le cadre de contrats en unités de compte et où, abstraction faite de la rémunération que XX perçoit pour la prestation de ses services et de coûts négligeables, les retours sur investissement obtenus entraînent une modification correspondante de la valeur de ses engagements envers les clients au titre de ces contrats, se pose la question de savoir si XX est
également comparable à un résident bénéficiaire de dividendes du point de vue des charges qu’entraîne cette augmentation des engagements envers ses clients.
25 La juridiction de renvoi considère, en substance, que la conformité au droit de l’Union du traitement fiscal des dividendes versés à XX ne peut pas être clairement déduite de la jurisprudence de la Cour.
26 Dans ces conditions, le Gerechtshof’s-Hertogenbosch (cour d’appel de Bois-le-Duc) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 63, paragraphe 1, TFUE s’oppose-t-il à une législation telle que celle en cause, en vertu de laquelle les dividendes distribués par des sociétés (cotées) établies aux Pays-Bas à une société établie dans un autre État membre qui a investi, notamment, dans des actions de ces sociétés (cotées) afin de couvrir des engagements de paiement dans le futur, sont soumis à une retenue à la source de 15 % sur leur montant brut, alors que la charge fiscale pesant sur les dividendes distribués à
une société établie aux Pays‑Bas, dans des circonstances pour le reste similaires, serait nulle parce que, dans le calcul de l’assiette de l’impôt sur les bénéfices auquel cette dernière société serait soumise, il est tenu compte des coûts engendrés par l’augmentation des engagements de paiement dans le futur de la société, qui correspond presque entièrement à la variation (positive) de la valeur de ses investissements, même si la perception de dividendes en tant que telle n’entraîne pas de
variation de la valeur de ces engagements ? »
Sur la question préjudicielle
27 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 63, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale, en vertu de laquelle les dividendes distribués par une société résidente à une société non-résidente, qui a investi dans les actions de la première société afin de couvrir des engagements de paiement dans le futur, font l’objet d’un impôt sur les dividendes de 15 % sur leur montant brut, tandis que les dividendes
distribués à une société résidente sont soumis à l’impôt sur les dividendes retenu à la source qui peut être intégralement imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par cette dernière société et donner lieu à un remboursement, conduisant à ce que la charge fiscale pesant sur ces dividendes soit nulle en raison de la prise en compte, dans le calcul de l’assiette de l’impôt sur les sociétés de cette dernière société, des coûts engendrés par l’augmentation de ses engagements de paiement dans le futur.
Sur l’existence d’une restriction prohibée par l’article 63, paragraphe 1, TFUE
28 Il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que les mesures interdites par l’article 63, paragraphe 1, TFUE, en tant que restrictions aux mouvements de capitaux, comprennent celles qui sont de nature à dissuader les non-résidents de procéder à des investissements dans un État membre ou à dissuader les résidents dudit État membre d’y procéder dans d’autres États (arrêts du 13 novembre 2019, College Pension Plan of British Columbia, C‑641/17, EU:C:2019:960, point 48, et du 29 juillet 2024,
Keva e.a., C‑39/23, EU:C:2024:648, point 40 ainsi que jurisprudence citée).
29 En particulier, le fait, pour un État membre, d’accorder aux dividendes versés aux sociétés non-résidentes un traitement moins favorable que celui qui est réservé aux dividendes versés à des sociétés résidentes est susceptible de dissuader les sociétés établies dans un État autre que cet État membre de procéder à des investissements dans ce même État membre et constitue, par conséquent, une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 63, paragraphe 1, TFUE
[voir, en ce sens, arrêts du 13 novembre 2019, College Pension Plan of British Columbia, C‑641/17, EU:C:2019:960, point 49 et jurisprudence citée, ainsi que du 7 avril 2022, Veronsaajien oikeudenvalvontayksikkö (Exonération des fonds d’investissement contractuels), C‑342/20, EU:C:2022:276, point 50].
30 Constitue un tel traitement moins favorable l’application aux dividendes versés à des sociétés non-résidentes d’une charge fiscale plus lourde que celle supportée par les sociétés résidentes au titre des mêmes dividendes. Il en va de même de l’exonération, totale ou substantielle, des dividendes versés à une société résidente, alors que les dividendes versés à une société non-résidente sont soumis à une retenue à la source définitive (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2019, College Pension
Plan of British Columbia, C‑641/17, EU:C:2019:960, point 50 et jurisprudence citée).
31 Lorsqu’un impôt sur les dividendes est retenu à la source par un État membre sur les dividendes distribués par des sociétés établies dans cet État membre, la Cour a déjà jugé que, aux fins d’apprécier si une législation dudit État membre est compatible avec l’article 63, paragraphe 1, TFUE, il incombe à la juridiction nationale concernée, qui est la seule à pouvoir connaître des faits dont elle est saisie, de vérifier si l’application d’une retenue à la source aux dividendes distribués à une
société non-résidente aboutit à ce que cette société supporte, en définitive, une charge fiscale plus lourde, dans le même État membre, que celle supportée par des résidents pour les mêmes dividendes (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Miljoen e.a., C‑10/14, C‑14/14 et C‑17/14, EU:C:2015:608, point 48).
32 Une telle vérification doit être effectuée au vu, d’une part, de l’impôt sur les dividendes dû par le contribuable non‑résident et, d’autre part, de l’impôt sur les dividendes et de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés dû par le contribuable résident et comprenant, dans sa base d’imposition, le revenu provenant des actions dont résultent les dividendes (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Miljoen e.a., C‑10/14, C‑14/14 et C‑17/14, EU:C:2015:608, point 74).
33 En l’occurrence, ainsi que le relève la juridiction de renvoi, en vertu de la législation néerlandaise en cause au principal, tant les dividendes distribués à une société non‑résidente que ceux distribués à une société résidente sont soumis à un impôt sur les dividendes.
34 En ce qui concerne une société non‑résidente qui bénéficie des dividendes, cette retenue est prélevée à titre définitif, de telle sorte que les dividendes sont soumis à un impôt de 15 % sur leur montant brut.
35 En revanche, pour la société résidente qui bénéficie des dividendes, il s’agit d’un prélèvement anticipé au titre de l’impôt sur les sociétés dont elle sera redevable et qui pourra être intégralement imputé sur celui-ci et donner lieu à un remboursement, dans l’hypothèse où l’impôt sur les dividendes excéderait l’impôt sur les sociétés dû par cette société.
36 Par conséquent, selon les explications de la juridiction de renvoi, la société résidente n’est effectivement pas imposée sur les dividendes perçus, dès lors que, lors de la détermination du bénéfice imposable au titre de l’impôt sur les sociétés, il est tenu compte, en tant que charges, de l’augmentation des engagements envers les clients au titre des contrats d’assurance en unités de compte, conduisant à ce que la base nette de l’impôt sur les sociétés au titre de ces dividendes soit nulle.
37 À cet égard, le gouvernement néerlandais conteste l’affirmation de la juridiction de renvoi selon laquelle la charge fiscale des dividendes distribués aux sociétés résidentes serait nulle et fait valoir que la charge représentée par l’impôt de 15% sur les dividendes bruts à laquelle sont soumis les dividendes versés aux sociétés non-résidentes doit être comparée à la charge fiscale résultant de l’impôt sur les sociétés qui s’élevait de 20 % à 34 % pendant la période en cause au principal sur les
dividendes nets, à laquelle seraient soumis les dividendes versés aux sociétés résidentes.
38 Il importe toutefois de rappeler que, en ce qui concerne l’interprétation des dispositions nationales, la Cour est en principe tenue de se fonder sur les qualifications résultant de la décision de renvoi. En effet, selon une jurisprudence constante, la Cour n’est pas compétente pour interpréter le droit interne d’un État membre (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2023, Deutsche Wohnen, C‑807/21, EU:C:2023:950, point 36 et jurisprudence citée).
39 Dès lors, il convient de se fonder sur la prémisse exposée par la juridiction de renvoi et considérer que, même lorsqu’une retenue est prélevée tant sur les dividendes versés aux sociétés résidentes que sur les dividendes versés aux sociétés non-résidentes, l’application du mécanisme d’imputation de l’impôt sur les dividendes sur l’impôt sur les sociétés dû par la société résidente, ainsi que du remboursement de cet impôt, dans le cas où l’impôt sur les sociétés dû est inférieur à l’impôt sur les
dividendes retenu, prévu par la législation néerlandaise en cause au principal, combinée aux modalités de calcul de la base imposable de la société résidente permettant la déduction des charges liées à l’augmentation des engagements envers les clients au titre des contrats d’assurance en unités de compte, conduit à ce que les dividendes versés aux sociétés résidentes se trouvent exonérés d’impôt.
40 Il en résulte que les dividendes versés aux sociétés non-résidentes subissent un traitement fiscal moins avantageux que celui réservé aux dividendes versés aux sociétés résidentes, dans la mesure où les premiers sont soumis à une imposition définitive de 15 %, tandis que les seconds sont, en définitive, exonérés d’impôt.
41 Un tel traitement désavantageux des dividendes par un État membre est susceptible de dissuader les sociétés non-résidentes de procéder à des investissements dans cet État membre et constitue, par conséquent, une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 63, paragraphe 1, TFUE.
42 Cela étant, en vertu de l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE, l’article 63 TFUE ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis.
43 Il résulte d’une jurisprudence constante que l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE, en tant qu’il constitue une dérogation au principe fondamental de la libre circulation des capitaux, doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Partant, cette disposition ne saurait être interprétée en ce sens que toute législation fiscale comportant une distinction entre les contribuables en fonction du lieu où ils résident ou de l’État dans lequel ils investissent leurs capitaux est automatiquement
compatible avec le traité FUE [arrêt du 7 avril 2022, Veronsaajien oikeudenvalvontayksikkö (Exonération des fonds d’investissement contractuels), C‑342/20, EU:C:2022:276, point 67 et jurisprudence citée].
44 En effet, les différences de traitement autorisées par l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE ne doivent constituer, selon le paragraphe 3 de ce même article, ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée. La Cour a jugé, dès lors, que de telles différences de traitement ne sauraient être autorisées que lorsqu’elles concernent des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou, dans le cas contraire, lorsqu’elles sont justifiées par une raison impérieuse
d’intérêt général [arrêt du 7 avril 2022, Veronsaajien oikeudenvalvontayksikkö (Exonération des fonds d’investissement contractuels), C‑342/20, EU:C:2022:276, point 68 et jurisprudence citée].
Sur l’existence de situations objectivement comparables
45 Il découle de la jurisprudence de la Cour, d’une part, que le caractère comparable ou non d’une situation transfrontalière à une situation interne doit être examiné en tenant compte de l’objectif poursuivi par la législation nationale en cause ainsi que de l’objet et du contenu de cette dernière et, d’autre part, que seuls les critères de distinction pertinents établis par cette législation doivent être pris en compte afin d’apprécier si la différence de traitement résultant d’une telle
législation reflète une différence de situation objective (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2024, Keva e.a., C‑39/23, EU:C:2024:648, point 51 et jurisprudence citée).
46 À cet égard, la juridiction de renvoi se demande si XX se trouve dans une situation comparable à celle d’une société résidente bénéficiaire de dividendes du point de vue des charges qu’entraîne l’augmentation des engagements envers les clients au titre des contrats d’assurance en unités de compte, laquelle augmentation est une conséquence de la réalisation de bénéfices par les sociétés dans les actions desquelles XX a investi.
47 Il importe de relever que cette juridiction ne précise pas l’objectif spécifique que poursuivrait la législation néerlandaise en cause au principal en permettant à la société résidente de déduire de la base imposable les charges qu’entraîne l’augmentation des engagements envers les clients d’une telle société ayant conclu des contrats tels que ceux en cause au principal, et se limite à relever que cette déduction est opérée au titre des frais encourus.
48 Il découle d’une jurisprudence constante de la Cour que, en ce qui concerne les dépenses, telles que les frais professionnels, directement liées à une activité ayant généré des revenus imposables dans un État membre, les résidents et les non‑résidents de ce dernier sont placés dans une situation comparable (voir, notamment, arrêts du 24 février 2015, Grünewald, C‑559/13, EU:C:2015:109, point 29 ; du 8 novembre 2012, Commission/Finlande, C‑342/10, EU:C:2012:688, point 37 ; du 17 septembre 2015,
Miljoen e.a., C‑10/14, C‑14/14 et C‑17/14, EU:C:2015:608, point 57, ainsi que du 13 novembre 2019, College Pension Plan of British Columbia, C‑641/17, EU:C:2019:960, point 74).
49 Conformément à la jurisprudence de la Cour, présentent un lien direct avec l’activité en question les dépenses occasionnées par cette activité et, donc, nécessaires pour l’exercice de celle‑ci (arrêts du 24 février 2015, Grünewald, C‑559/13, EU:C:2015:109, point 30 et jurisprudence citée ; du 13 juillet 2016, Brisal et KBC Finance Ireland, C‑18/15, EU:C:2016:549, point 46, ainsi que du 6 décembre 2018, Montag, C‑480/17, EU:C:2018:987, point 33).
50 La Cour a jugé que, s’agissant d’un revenu perçu sous la forme de dividendes, un tel lien direct n’existait que dans le cas des frais directement liés à la perception, en elle-même, des dividendes (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Miljoen e.a., C‑10/14, C‑14/14 et C‑17/14, EU:C:2015:608, points 58 et 59).
51 Ainsi, un tel lien n’existe pas en ce qui concerne la déduction du dividende inclus dans le prix d’acquisition des actions, une telle déduction visant à établir le prix d’acquisition réel de celles-ci, ni s’agissant des coûts de financement, ceux-ci se rapportant à la détention, en tant que telle, des actions qui sont à l’origine des dividendes (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Miljoen e.a., C‑10/14, C‑14/14 et C‑17/14, EU:C:2015:608, point 60).
52 Certes, l’augmentation des engagements envers les clients ne semble pas pouvoir être liée à la perception, en elle-même, des dividendes, au sens de la jurisprudence citée au point 50 du présent arrêt.
53 Toutefois, ce seul fait ne permet pas de conclure à l’absence de comparabilité des situations de bénéficiaires de dividendes résidents et non-résidents au regard de la législation néerlandaise en cause au principal.
54 En effet, aux points 55 et 81 de l’arrêt du 13 novembre 2019, College Pension Plan of British Columbia (C‑641/17, EU:C:2019:960), postérieur à l’arrêt du 17 septembre 2015, Miljoen e.a. (C‑10/14, C‑14/14 et C‑17/14, EU:C:2015:608), la Cour a jugé, en substance, qu’un fonds de pension non-résident, qui affecte les dividendes perçus au provisionnement des retraites qu’il devra verser dans le futur, de manière délibérée ou en application du droit en vigueur dans son État de résidence, se trouvait
dans une situation comparable à celle d’un fonds de pension résident au regard d’une réglementation nationale en vertu de laquelle, pour le calcul de l’impôt sur les sociétés, la perception de dividendes par un tel fonds de pension résident se traduit par une augmentation très faible de son résultat imposable, voire, dans certains cas, par l’absence d’augmentation dudit résultat. Le Cour a effectivement relevé, à ce point 55, qu’une telle perception avait pour effet d’augmenter à due proportion
les provisions techniques et que le résultat imposable du fonds de pension résident concerné augmentait uniquement dans l’hypothèse où les retours sur investissement extra-comptables n’étaient pas portés au crédit des différents contrats de ce dernier fonds de pension.
55 Aux points 79 et 80 de l’arrêt du 13 novembre 2019, College Pension Plan of British Columbia (C‑641/17, EU:C:2019:960), la Cour a en effet considéré, d’une part, qu’il existait, dans l’affaire ayant donné lieu à celui-ci, un lien de cause à effet entre la perception de dividendes, l’augmentation des provisions mathématiques et des autres postes du passif et la non-augmentation de la base imposable du fonds résident, et, d’autre part, qu’une telle réglementation nationale permettant une
exonération en totalité ou en quasi-totalité des dividendes versés à des fonds de pension résidents facilitait ainsi l’accumulation des capitaux de tels fonds, alors que tous les fonds de pension sont, en principe, tenus d’investir les primes d’assurance sur le marché des capitaux afin de générer des revenus sous la forme de dividendes qui leur permettent de faire face à leurs obligations futures au titre de contrats d’assurance.
56 La Cour a ainsi estimé que les obligations des fonds de pension, relatives à l’investissement des primes d’assurance et à l’affectation des dividendes perçus au provisionnement des retraites, peuvent fonder la comparabilité entre les fonds de pension résidents et non-résidents au regard d’une réglementation nationale qui, au moyen des modalités de calcul de la base d’imposition de l’impôt sur les sociétés, permet d’exonérer en totalité ou en quasi-totalité les dividendes perçus par un fonds de
pension résident, lorsqu’il existe un lien de cause à effet entre la perception des dividendes et les charges constituées par ces obligations et découlant de l’activité de tels fonds.
57 En l’occurrence, la juridiction de renvoi relève que, si une société, telle que XX, ne constitue pas un fonds de pension, son activité est néanmoins caractérisée par le fait que cette société investit, notamment dans des actions aux Pays-Bas, afin de couvrir ses engagements envers ses clients dans le cadre de contrats en unités de compte et que les retours sur investissement obtenus par ladite société entraînent une modification correspondante de la valeur de ses engagements envers les clients au
titre de ces contrats.
58 La juridiction de renvoi considère en outre qu’il existe un lien de causalité direct entre le rendement des investissements et les variations de ses engagements et que c’est précisément en raison de ce lien qu’une société résidente ne serait pas imposée sur ces dividendes au titre de l’impôt sur les sociétés, dès lors que ces derniers constituent des bénéfices distribués et qu’il existe un lien économique entre lesdits dividendes et la modification du niveau d’engagements envers les clients.
59 Or, s’il s’avère, compte tenu de la finalité spécifique des activités d’investissement, que la législation nationale reconnaît un tel lien direct entre les dividendes perçus par les sociétés résidentes et la modification du niveau d’engagements envers les clients de ces sociétés, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, il conviendrait de constater qu’une société non-résidente se trouve dans une situation objectivement comparable à celle d’une société résidente s’agissant des
dividendes de source néerlandaise, dès lors qu’une telle société non-résidente poursuit la même activité et que les dividendes perçus par celle-ci entraînent la modification du niveau d’engagements envers ses clients.
60 En outre, si un lien direct est reconnu par la législation nationale entre les dividendes perçus par les sociétés résidentes et la modification du niveau d’engagements envers les clients de ces sociétés, susceptible d’être déduit de la base d’imposition au titre de l’impôt sur les sociétés, il appartient à la juridiction de renvoi d’examiner si un tel mécanisme n’a pas pour objectif une exonération pure et simple de la taxation des dividendes distribués aux sociétés résidentes concluant des
contrats en unités de compte (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2012, Commission/Finlande, C‑342/10, EU:C:2012:688, point 42).
61 À cet égard, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, dès qu’un État membre assujettit, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, à l’impôt sur le revenu non seulement des contribuables résidents, mais également des contribuables non-résidents, pour les dividendes qu’ils perçoivent d’une société résidente, la situation desdits contribuables non-résidents se rapproche de celle des contribuables résidents (arrêts du 17 septembre 2015, Miljoen e.a., C‑10/14, C‑14/14
et C‑17/14, EU:C:2015:608, point 67, et du 13 novembre 2019, College Pension Plan of British Columbia, C‑641/17, EU:C:2019:960, point 66 ainsi que jurisprudence citée).
62 En effet, c’est le seul exercice, par ce même État membre, de sa compétence fiscale qui, indépendamment de toute imposition dans un autre État membre, engendre un risque d’imposition en chaîne ou de double imposition économique. En pareil cas, pour que les contribuables bénéficiaires non‑résidents ne soient pas confrontés à une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 63, paragraphe 1, TFUE, l’État membre de résidence de la société distributrice doit
veiller à ce que, par rapport au mécanisme prévu par son droit national afin de prévenir ou d’atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition économique, les contribuables non‑résidents soient soumis à un traitement équivalent à celui dont bénéficient les contribuables résidents (arrêt du 17 septembre 2015, Miljoen e.a., C‑10/14, C‑14/14 et C‑17/14, EU:C:2015:608, point 68 ainsi que jurisprudence citée).
63 Dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi constaterait qu’une société non-résidente se trouve dans une situation objectivement comparable à celle d’une société résidente, il conviendrait, conformément à la jurisprudence visée au point 44 du présent arrêt, d’examiner si la différence de traitement en cause au principal est susceptible, le cas échéant, d’être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général.
Sur l’existence d’une raison impérieuse d’intérêt général
64 À titre liminaire, il convient de relever que de telles raisons n’ont été évoquées ni dans la demande de décision préjudicielle ni par le gouvernement néerlandais. Dans ces conditions, il appartient, le cas échéant, à la juridiction de renvoi d’examiner une éventuelle justification au regard des objectifs poursuivis par la législation nationale en cause au principal.
65 Cela étant, dans ses observations écrites, le gouvernement allemand considère que, en l’occurrence, une éventuelle restriction à la libre circulation des capitaux serait justifiée par la nécessité de préserver tant la répartition des pouvoirs d’imposition entre les États membres que la cohérence du régime fiscal national. Afin de donner une réponse utile permettant à la juridiction de renvoi de trancher le litige dont elle est saisie, il convient d’examiner si ces raisons impérieuses d’intérêt
général peuvent justifier une telle restriction.
66 Le gouvernement allemand soutient, d’une part, que la non‑déductibilité des charges relatives à l’augmentation des engagements de paiement résultant de contrats de placement de cotisations d’assurance servirait à préserver la répartition des pouvoirs d’imposition convenue entre les États dès lors que l’on pourrait supposer que XX peut déduire, dans son État de résidence, les charges fiscales liées à l’augmentation des engagements envers ses clients en raison du lien avec l’activité de placement
des cotisations d’assurance pour le compte d’organismes de prévoyance vieillesse, et les rémunérations qui en découlent. Or, une déduction supplémentaire lors de l’imposition des revenus de dividendes aux Pays-Bas entraînerait, par conséquent, un double avantage fiscal, contraire à la répartition des pouvoirs d’imposition opérée.
67 D’autre part, il existerait une corrélation entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé, permettant de retenir la justification tirée de la nécessité de préserver la cohérence du régime fiscal de l’État membre concerné. En effet, les dépenses fiscales de XX résultant, le cas échéant, de l’augmentation des engagements envers les clients seraient directement liées aux rémunérations qu’elle a perçues pour le placement de cotisations
d’assurance et qui ne sont pas soumises à l’imposition aux Pays-Bas. L’exclusion de la déductibilité des dépenses éventuelles liées à l’augmentation des engagements envers les clients, dans le cadre de l’imposition des dividendes perçus par XX, suivrait ainsi une logique symétrique et constituerait le pendant de la non‑imposition des rémunérations issues du placement des cotisations d’assurance.
68 En premier lieu, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la préservation de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres est au nombre des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier une restriction à la liberté de circulation des capitaux, telle qu’une mesure nationale visant à prévenir des comportements de nature à compromettre le droit d’un État membre d’exercer sa compétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur son
territoire (arrêt du 16 juin 2022, ACC Silicones, C‑572/20, EU:C:2022:469, point 53 et jurisprudence citée).
69 Toutefois, un tel motif ne peut justifier l’imposition de sociétés non‑résidentes bénéficiaires de dividendes par un État membre qui a choisi de ne pas imposer les sociétés résidentes à l’égard de ce type de revenus (arrêt du 16 juin 2022, ACC Silicones, C‑572/20, EU:C:2022:469, point 54 et jurisprudence citée).
70 En l’occurrence, si le Royaume des Pays-Bas a fait le choix d’exercer sa compétence fiscale à l’égard de l’ensemble des dividendes perçus par les sociétés tant résidentes que non-résidentes, cet État membre a également décidé, ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, de neutraliser intégralement la charge de la retenue à la source frappant ces dividendes lorsque ces derniers sont versés à des sociétés résidentes. Dans ces conditions, la préservation de la répartition équilibrée du
pouvoir d’imposition entre les États membres ne saurait justifier l’imposition des sociétés établies dans d’autres États membres à l’égard de ce type de revenus (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2022, ACC Silicones, C‑572/20, EU:C:2022:469, point 55).
71 En deuxième lieu, pour autant que, dans le cadre de l’argument relatif à la répartition des pouvoirs d’imposition entre les États membres, le gouvernement allemand invoque en réalité la volonté de prévenir la double déduction des charges, il importe de relever qu’un État membre est fondé à vérifier que les charges grevant les dividendes, dont la déduction est ainsi demandée, ne puissent être considérées, dans un autre État membre, comme grevant d’autres revenus, tels que les revenus découlant de
la rémunération versée par les clients de la société pour les investissements effectués, et qu’ils ne soient, à ce titre, pas déduits desdits revenus dans cet autre État membre.
72 Toutefois, en se bornant à évoquer, sans autre précision, l’existence éventuelle d’un risque que, dans une situation telle que celle en cause au principal, les charges grevant les dividendes puissent être déduites une seconde fois dans l’État de résidence de la société bénéficiaire de ceux-ci, sans établir en quoi la mise en œuvre des dispositions de la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le
domaine des impôts directs et des taxes sur les primes d’assurance (JO 1977, L 336, p. 15), telle que modifiée par la directive 2004/106/CE du Conseil, du 16 novembre 2004 (JO 2004, L 359, p. 30), en vigueur pendant la période en cause au principal, n’aurait pas permis d’éviter ce risque, le gouvernement allemand ne permet pas à la Cour d’apprécier la portée de cet argument (voir, en ce sens, arrêts du 24 février 2015, Grünewald, C‑559/13, EU:C:2015:109, point 52, et du 13 juillet 2016, Brisal et
KBC Finance Ireland, C‑18/15, EU:C:2016:549, point 38).
73 En troisième lieu, s’agissant de l’argument tiré de la nécessité de préserver la cohérence du régime fiscal du Royaume des Pays-Bas, il convient de constater que celui-ci se fonde sur la prémisse selon laquelle les charges relatives à l’augmentation des engagements envers les clients n’ont pas de lien direct avec l’activité ayant généré des revenus imposables, sous forme de dividendes, dans cet État membre, mais se rapportent à la rémunération perçue par la société bénéficiaire des dividendes, de
la part de ses clients pour les investissements qu’elle a effectués pour eux. Or, dans le cas d’une société non-résidente, telle que XX, une telle rémunération n’est pas imposable aux Pays-Bas.
74 Toutefois, ainsi qu’il résulte du point 59 du présent arrêt, une société non-résidente ne se trouve dans une situation comparable à celle d’une société résidente quant à la prise en compte des charges relatives à l’augmentation des engagements envers les clients que pour autant que le régime fiscal de l’État membre de résidence de la société distribuant ces dividendes reconnaisse un lien direct entre lesdits dividendes et lesdites charges. Or, le Royaume des Pays-Bas dispose du pouvoir de taxer
les dividendes de source néerlandaise distribués aux sociétés tant résidentes que non-résidentes.
75 La nécessité de préserver la répartition des pouvoirs d’imposition entre les États membres, de prévenir la double prise en compte des charges et de préserver la cohérence du régime fiscal national ne sauraient, dès lors, être invoquées afin de justifier la restriction à la libre circulation des capitaux en cause au principal.
76 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 63, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale en vertu de laquelle les dividendes distribués par une société résidente à une société non-résidente, qui a investi dans les actions de la première société afin de couvrir des engagements de paiement dans le futur, font l’objet d’un impôt sur les dividendes de 15 % sur leur montant brut, tandis
que les dividendes distribués à une société résidente sont soumis à l’impôt sur les dividendes retenu à la source qui peut être intégralement imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par cette dernière société et donner lieu à un remboursement, conduisant à ce que la charge fiscale pesant sur ces dividendes soit nulle en raison de la prise en compte, dans le calcul de l’assiette de l’impôt sur les sociétés de cette dernière société, des coûts engendrés par l’augmentation de ses engagements de
paiement dans le futur.
Sur les dépens
77 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :
L’article 63, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale en vertu de laquelle les dividendes distribués par une société résidente à une société non-résidente, qui a investi dans les actions de la première société afin de couvrir des engagements de paiement dans le futur, font l’objet d’un impôt sur les dividendes de 15 % sur leur montant brut, tandis que les dividendes distribués à une société résidente sont soumis à l’impôt sur les dividendes
retenu à la source qui peut être intégralement imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par cette dernière société et donner lieu à un remboursement, conduisant à ce que la charge fiscale pesant sur ces dividendes soit nulle en raison de la prise en compte, dans le calcul de l’assiette de l’impôt sur les sociétés de cette dernière société, des coûts engendrés par l’augmentation de ses engagements de paiement dans le futur.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.