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07/11/2024 | CJUE | N°C-503/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Centro di Assistenza Doganale (Cad) Mellano Srl contre Agenzia delle Dogane e dei Monopoli - Agenzia delle Dogane - Direzione Interregionale per la Liguria et Ministero dell’Economia e delle Finanze., 07/11/2024, C-503/23


 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

7 novembre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Union douanière – Code des douanes de l’Union – Règlement (UE) no 952/2013 – Article 18 – Représentant en douane – Libre prestation des services – Directive 2006/123/CE – Articles 10 et 15 – Centres d’assistance douanière – Limitation territoriale de l’activité – Restriction – Justification »

Dans l’affaire C‑503/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE,

introduite par le Tribunale Amministrativo Regionale per il Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont, Italie), par décision du 26 ...

 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

7 novembre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Union douanière – Code des douanes de l’Union – Règlement (UE) no 952/2013 – Article 18 – Représentant en douane – Libre prestation des services – Directive 2006/123/CE – Articles 10 et 15 – Centres d’assistance douanière – Limitation territoriale de l’activité – Restriction – Justification »

Dans l’affaire C‑503/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale Amministrativo Regionale per il Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont, Italie), par décision du 26 juillet 2023, parvenue à la Cour le 7 août 2023, dans la procédure

Centro di Assistenza Doganale (Cad) Mellano Srl

contre

Agenzia delle Dogane e dei Monopoli – Agenzia delle Dogane – Direzione Interregionale per la Liguria,

Ministero dell’Economia e delle Finanze,

LA COUR (première chambre),

composée de M. T. von Danwitz, vice-président de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, M. A. Arabadjiev et Mme I. Ziemele (rapporteure), juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le Centro di Assistenza Doganale (Cad) Mellano Srl, par Me S. Mellano, avvocata,

– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. F. Meloncelli, avvocato dello Stato,

– pour la Commission européenne, par Mmes L. Armati et F. Moro, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 56 à 62 TFUE, de l’article 18 du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1, ci-après le « code des douanes »), ainsi que des articles 10 et 15 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant un centre d’assistance douanière (CAD), le Centro di Assistenza Doganale (Cad) Mellano Srl (ci-après le « Cad Mellano »), à l’Agenzia delle Dogane e dei Monopoli – Agenzia delle Dogane – Direzione Interregionale per la Liguria (Agence des douanes et des monopoles – agence des douanes – direction interrégionale pour la Ligurie, Italie) au sujet du refus de cette dernière d’autoriser le Cad Mellano à exercer ses activités en dehors du
ressort territorial du département douanier dans lequel il a son siège.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le code des douanes

3 Le considérant 21 du code des douanes énonce :

« Afin de faciliter le commerce, toute personne devrait pouvoir continuer à se faire représenter auprès des autorités douanières. Toutefois, il ne devrait plus être possible de réserver ce droit de représentation en vertu de la loi d’un État membre. En outre, un représentant en douane satisfaisant aux critères d’octroi du statut d’opérateur économique agréé pour les simplifications douanières devrait être autorisé à proposer ses services dans un État membre autre que celui dans lequel il est
établi. En règle générale, le représentant en douane devrait être établi sur le territoire douanier de l’Union [européenne]. Il devrait être dérogé à cette obligation lorsque le représentant en douane agit pour le compte de personnes qui ne sont pas tenues d’être établies sur le territoire douanier de l’Union ou dans d’autres cas justifiés. »

4 L’article 18 de ce code, intitulé « Représentant en douane », est rédigé comme suit :

« 1.   Toute personne peut désigner un représentant en douane.

Cette représentation peut être soit directe, auquel cas le représentant en douane agit au nom et pour le compte d’autrui, soit indirecte, auquel cas le représentant en douane agit en son nom propre, mais pour le compte d’autrui.

2.   Le représentant en douane est établi sur le territoire douanier de l’Union.

Sauf dispositions contraires, il est dérogé à cette exigence lorsque le représentant en douane agit pour le compte de personnes qui ne sont pas tenues d’être établies sur le territoire douanier de l’Union.

3.   Les États membres peuvent déterminer, conformément au droit de l’Union, les conditions dans lesquelles un représentant en douane peut fournir des services dans l’État membre dans lequel il est établi. Toutefois, sans préjudice de l’application de critères moins stricts par l’État membre concerné, un représentant en douane satisfaisant aux critères fixés à l’article 39, points a) à d), est autorisé à proposer ces services dans un État membre autre que celui dans lequel il est établi.

4.   Les États membres peuvent appliquer les conditions déterminées conformément à la première phrase du paragraphe 3 aux représentants en douane qui ne sont pas établis sur le territoire douanier de l’Union. »

5 L’article 39 dudit code précise :

« Les critères d’octroi du statut d’opérateur économique agréé sont les suivants :

a) l’absence d’infractions graves ou répétées à la législation douanière et aux dispositions fiscales, y compris l’absence d’infractions pénales graves liées à l’activité économique du demandeur ;

b) la démonstration par le demandeur qu’il exerce un niveau élevé de contrôle sur ses opérations et les mouvements de marchandises au moyen d’un système de gestion des écritures commerciales et, le cas échéant, des documents relatifs au transport, permettant d’exercer les contrôles douaniers nécessaires ;

c) la solvabilité financière, qui est considérée comme prouvée dès lors que le demandeur présente une situation financière satisfaisante lui permettant de s’acquitter de ses engagements, en tenant dûment compte des caractéristiques du type de l’activité économique concernée ;

d) en ce qui concerne l’autorisation visée à l’article 38, paragraphe 2, point a), le respect de normes pratiques en matière de compétence ou de qualifications professionnelles directement liées à l’activité exercée ; et

e) en ce qui concerne l’autorisation visée à l’article 38, paragraphe 2, point b), l’existence de normes de sécurité et de sûreté appropriées, qui sont considérées comme respectées dès lors que le demandeur prouve qu’il a pris les mesures appropriées pour assurer la sécurité et la sûreté de la chaîne d’approvisionnement internationale, y compris pour ce qui est de l’intégrité physique et des contrôles d’accès, des processus logistiques et de la manutention de types spécifiques de marchandises, de
son personnel et de ses partenaires commerciaux. »

La directive 2006/123

6 Les considérants 2, 5, 6, 29 et 40 de la directive 2006/123 énoncent :

« (2) Il est impératif d’avoir un marché des services concurrentiel pour favoriser la croissance économique et la création d’emplois dans l’Union européenne. À l’heure actuelle, un grand nombre d’obstacles empêchent, au sein du marché intérieur, les prestataires, notamment les petites et moyennes entreprises (PME), de se développer au-delà de leurs frontières nationales et de bénéficier pleinement du marché intérieur. La compétitivité mondiale des prestataires de l’Union européenne s’en trouve
affectée. Un marché libre obligeant les États membres à supprimer les obstacles à la circulation transfrontalière des services, tout en renforçant la transparence et l’information pour les consommateurs, offrirait un plus grand choix et de meilleurs services, à des prix plus bas, aux consommateurs.

[...]

(5) Il convient en conséquence d’éliminer les obstacles à la liberté d’établissement des prestataires dans les États membres et à la libre circulation des services entre États membres et de garantir aux destinataires et aux prestataires la sécurité juridique nécessaire à l’exercice effectif de ces deux libertés fondamentales du traité. Étant donné que les obstacles au marché intérieur des services affectent aussi bien les opérateurs qui souhaitent s’établir dans d’autres États membres que ceux qui
fournissent un service dans un autre État membre sans s’y établir, il convient de permettre au prestataire de développer ses activités de services au sein du marché intérieur soit en s’établissant dans un État membre, soit en faisant usage de la libre circulation des services. Les prestataires devraient être en mesure de choisir entre ces deux libertés, en fonction de leur stratégie de développement dans chaque État membre.

(6) La suppression de ces obstacles ne peut se faire uniquement par l’application directe des articles 43 et 49 du traité, étant donné que, d’une part, le traitement au cas par cas par des procédures d’infraction à l’encontre des États membres concernés serait, en particulier suite aux élargissements, extrêmement compliqué pour les institutions nationales et communautaires et que, d’autre part, la levée de nombreux obstacles nécessite une coordination préalable des systèmes juridiques nationaux, y
compris la mise en place d’une coopération administrative. Comme l’ont reconnu le Parlement européen et le Conseil [de l’Union européenne], un instrument législatif communautaire permet la mise en place d’un véritable marché intérieur des services.

[...]

(29) Compte tenu du fait que le traité prévoit des bases juridiques spécifiques en matière de fiscalité, et, compte tenu des instruments communautaires déjà adoptés dans ce domaine, il convient d’exclure le domaine de la fiscalité du champ d’application de la présente directive.

[...]

(40) La notion de “raisons impérieuses d’intérêt général” [...] couvre au moins les justifications suivantes : [...] la protection des consommateurs, [...] la lutte contre la fraude, [...] »

7 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2006/123 :

« La présente directive établit les dispositions générales permettant de faciliter l’exercice de la liberté d’établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services, tout en garantissant un niveau de qualité élevé pour les services. »

8 L’article 2 de cette directive dispose :

« 1.   La présente directive s’applique aux services fournis par les prestataires ayant leur établissement dans un État membre.

[...]

3.   La présente directive ne s’applique pas en matière fiscale. »

9 L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :

« Si les dispositions de la présente directive sont en conflit avec une disposition d’un autre acte communautaire régissant des aspects spécifiques de l’accès à une activité de services ou à son exercice dans des secteurs spécifiques ou pour des professions spécifiques, la disposition de l’autre acte communautaire prévaut et s’applique à ces secteurs ou professions spécifiques. [...] »

10 L’article 4 de la même directive, intitulé « Définitions », est rédigé comme suit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1) “service”, toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération, visée à l’article 50 du traité ;

[...]

6) “régime d’autorisation”, toute procédure qui a pour effet d’obliger un prestataire ou un destinataire à faire une démarche auprès d’une autorité compétente en vue d’obtenir un acte formel ou une décision implicite relative à l’accès à une activité de service ou à son exercice ;

7) “exigence”, toute obligation, interdiction, condition ou limite prévue dans les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres ou découlant de la jurisprudence, des pratiques administratives, des règles des ordres professionnels ou des règles collectives d’associations professionnelles ou autres organisations professionnelles adoptées dans l’exercice de leur autonomie juridique ; les normes issues de conventions collectives négociées par les partenaires sociaux
ne sont pas, en tant que telles, considérées comme des exigences au sens de la présente directive ;

8) “raisons impérieuses d’intérêt général”, des raisons reconnues comme telles par la jurisprudence de la Cour de justice, qui incluent les justifications suivantes : l’ordre public, la sécurité publique, la santé publique, la préservation de l’équilibre financier du système de sécurité sociale, la protection des consommateurs, des destinataires de services et des travailleurs, la loyauté des transactions commerciales, la lutte contre la fraude, la protection de l’environnement et de
l’environnement urbain, la santé des animaux, la propriété intellectuelle, la conservation du patrimoine national historique et artistique, des objectifs de politique sociale et des objectifs de politique culturelle ;

[...] »

11 L’article 10 de la directive 2006/123, intitulé « Conditions d’octroi de l’autorisation », indique :

« 1.   Les régimes d’autorisation doivent reposer sur des critères qui encadrent l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités compétentes afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire.

2.   Les critères visés au paragraphe 1 sont :

a) non discriminatoires ;

b) justifiés par une raison impérieuse d’intérêt général ;

c) proportionnels à cet objectif d’intérêt général ;

[...]

4.   L’autorisation doit permettre au prestataire d’avoir accès à l’activité de services ou de l’exercer sur l’ensemble du territoire national, y compris par la création d’agences, de succursales, de filiales ou de bureaux, sauf lorsqu’une autorisation propre à chaque implantation ou une limitation de l’autorisation à une partie spécifique du territoire national est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général.

[...] »

12 L’article 15 de cette directive précise :

« 1.   Les États membres examinent si leur système juridique prévoit les exigences visées au paragraphe 2 et veillent à ce que ces exigences soient compatibles avec les conditions visées au paragraphe 3. Les États membres adaptent leurs dispositions législatives, réglementaires ou administratives afin de les rendre compatibles avec ces conditions.

2.   Les États membres examinent si leur système juridique subordonne l’accès à une activité de service ou son exercice au respect de l’une des exigences non discriminatoires suivantes :

a) les limites quantitatives ou territoriales sous forme, notamment, de limites fixées en fonction de la population ou d’une distance géographique minimum entre prestataires ;

[...]

e) l’interdiction de disposer de plus d’un établissement sur le territoire d’un même État ;

[...]

3.   Les États membres vérifient que les exigences visées au paragraphe 2 remplissent les conditions suivantes :

a) non‑discrimination : les exigences ne sont pas directement ou indirectement discriminatoires en fonction de la nationalité ou, en ce qui concerne les sociétés, de l’emplacement de leur siège statutaire ;

b) nécessité : les exigences sont justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général ;

c) proportionnalité : les exigences doivent être propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi, ne pas aller au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif et d’autres mesures moins contraignantes ne doivent pas permettre d’atteindre le même résultat.

[...] »

Le droit italien

13 Le decreto-legge n. 417 – Disposizioni concernenti criteri di applicazione dell’imposta sul valore aggiunto, delle tasse per i contratti di trasferimento di titoli o valori e altre disposizioni tributarie urgenti (décret‑loi no 417, relatif aux dispositions concernant les critères d’application de la taxe sur la valeur ajoutée, des taxes pour les contrats de transfert de titres ou de valeurs et autres dispositions fiscales urgentes), du 30 décembre 1991 (GURI no 1, du 2 janvier 1992, p. 3),
converti en loi, après modifications, par la legge n. 66 (loi no 66), du 6 février 1992 (GURI no 33, du 10 février 1992, p. 4), dispose, à son article 7, paragraphes 1 septies et 1 octies :

« 1 septies. Les commissaires en douane visés au paragraphe 1 sexies peuvent constituer des sociétés de capitaux d’un capital minimal de 100 millions de lires [italiennes (ITL) (environ 51645 euros)], ayant pour objet social exclusif la prestation de services d’assistance douanière afin d’exécuter, conformément à l’autorisation du ministre des Finances, outre les tâches visées au paragraphe 1 sexies, les tâches suivantes :

a) recevoir ou émettre des déclarations en douane, certifier leur contenu après obtention et contrôle formel des documents commerciaux pertinents, y compris pour l’adoption des programmes et des critères de sélection en vue de l’examen total ou partiel des marchandises ;

b) certifier les données acquises et traitées conformément aux points a), b) et c) du paragraphe 1 sexies pour l’accomplissement des formalités découlant de la réglementation communautaire.

1 octies. L’administration fiscale a le pouvoir de demander aux sociétés autorisées à exercer des activités d’assistance douanière, y compris par dérogation à toute disposition statutaire ou réglementaire contraire, les données et éléments en leur possession. Un décret du ministre des Finances à adopter au plus tard le 31 juillet 1992 [...] fixe les dispositions nécessaires à la mise en œuvre du paragraphe 1 septies, y compris les dispositions concernant les sociétés prévues à ce même
paragraphe 1 septies et, en particulier, les critères et les modalités de leur inscription au registre prévu à cet effet, de la délivrance par le ministre des Finances de l’autorisation d’accomplir les tâches qui leur sont confiées, ainsi que les dispositions relatives aux contrôles et à la surveillance, y compris l’inspection, par l’administration fiscale [...] »

14 L’article 1er du decreto ministeriale n. 549 – Regolamento recante la costituzione dei centri di assistenza doganale (décret ministériel no 549 – Règlement portant constitution des centres d’assistance douanière), du 11 décembre 1992 (GURI no 17, du 22 janvier 1993, p. 16, ci-après le « décret ministériel no 549/1992 »), dispose :

« 1.   Les commissaires en douane inscrits depuis trois ans au moins au registre professionnel [...] et exerçant leur activité professionnelle en dehors d’une relation de travail salarié peuvent constituer des sociétés de capitaux, dénommées CAD [...] ayant pour objet social exclusif la prestation de services d’assistance douanière [...]

2.   Les [CAD] sont soumis à la surveillance, y compris l’inspection, de l’administration fiscale [...]

[...] »

15 Aux termes de l’article 2 de ce décret :

« 1.   L’autorisation du ministre des Finances, prévue à l’article 7, paragraphe 1 septies, de la loi [no 66] , est accordée aux sociétés visées à l’article 1er, paragraphe 1, après présentation au département des douanes et des impôts indirects des documents suivants : a) l’acte constitutif de la société avec indication des associés, accompagné des références de l’agrément avec validité illimitée ; b) les statuts de la société, établis selon le modèle approuvé en annexe du présent décret ; c) le
certificat d’immatriculation de la société à la chambre de commerce, de l’industrie, de l’artisanat et de l’agriculture ; d) la certification du conseil départemental compétent attestant que tous les associés sont inscrits depuis trois ans au moins au registre professionnel, qu’ils exercent une activité professionnelle en dehors d’une relation de travail salarié et qu’aucune des hypothèses donnant lieu à la suspension ou au retrait de leur agrément ne s’applique à eux, en vertu de l’article 53
ou 54 du [decreto del presidente della Repubblica n. 43 – Approvazione del testo unico delle disposizioni legislative in materia doganale (décret du président de la République no 43, portant adoption du texte unique des dispositions législatives en matière douanière), du 23 janvier 1973 (supplément ordinaire à la GURI no 80, du 28 mars 1973, ci-après le “décret no 43/1973”)].

2.   En outre, un document délivré par le département douanier compétent sur le territoire où se trouvent les bureaux du [CAD] doit être présenté, attestant, à la suite d’une visite d’inspection, qu’il existe effectivement un établissement doté de locaux et d’équipements appropriés pour l’exercice de l’activité d’assistance douanière, ainsi que d’un système d’enregistrement comptable et de conservation des dossiers. Tout établissement affecté ultérieurement à l’activité du [CAD] devra également
être notifié au département douanier compétent aux fins de la visite d’inspection requise.

[...] »

16 L’article 3 du décret ministériel no 549/1992 indique :

« 1.   Il est institué, auprès de la direction centrale des services douaniers du département des douanes et des impôts indirects, un registre spécifique auquel les sociétés visées à l’article 1er, paragraphe 1, devront obligatoirement s’inscrire après avoir obtenu l’autorisation préalable du ministre des Finances. L’inscription implique la mention des données d’identification, du numéro d’autorisation, du code d’identification fiscale et du numéro de [taxe sur la valeur ajoutée (TVA)] de la
société, ainsi que l’attribution d’un numéro d’ordre.

[...]

3.   Les sociétés autorisées visées à l’article 1er, paragraphe 1, exercent leur activité dans le ressort territorial du département douanier dans lequel elles ont leur siège et peuvent s’associer à des sociétés homologues ayant leur siège et autorisation d’exercer dans d’autres ressorts territoriaux relevant de différentes directions départementales et constituer des groupements européens d’intérêt économique, tels que prévus par le règlement (CEE) no 2137/1985 [du Conseil, du 25 juillet 1985,
relatif à l’institution d’un groupement européen d’intérêt économique (GEIE) (JO 1985, L 199, p. 1)], régis par le decreto legislativo [...] n. 240 [(décret législatif no 240), du 23 juillet 1991] ».

17 L’article 7, paragraphe 4, du décret ministériel no 549/1992 prévoit :

« La direction douanière de la circonscription peut ordonner des contrôles ou des vérifications sur l’activité exercée dans les bureaux ou autres lieux du [CAD] situés dans son ressort territorial. »

18 En vertu de l’article 8 de ce décret ministériel :

« 1.   Afin de s’assurer de la bonne tenue des registres par les [CAD], de la régularité des opérations effectuées et du respect des obligations prescrites, la surveillance, y compris l’inspection, à exercer sur les [CAD], consiste en un contrôle croisé, par sondage, entre les opérations résultant des registres, des écritures et de tout autre document détenu par les [CAD], et les actes des bureaux de douane et des utilisateurs ayant opéré dans ces [CAD]. Cette surveillance est effectuée au moins
une fois par an.

[...]

3.   Sans préjudice de toute autre obligation légale, si la surveillance fait apparaître des irrégularités dans des domaines relevant de la compétence d’un autre service financier ou d’une autre administration, des communications formelles seront adressées aux services concernés. »

19 L’article 3 de la legge n. 213 – Norme di adeguamento dell’attività degli spedizionieri doganali alle mutate esigenze dei traffici e dell’interscambio internazionale delle merci (loi no 213, relative aux dispositions adaptant l’activité des commissaires en douane à l’évolution des besoins dictés par les trafics et échanges internationaux de marchandises), du 25 juillet 2000 (GURI no 178, du 1er août 2000, p. 5), prévoit :

« [...]

4.   L’autorisation d’exercice délivrée aux CAD prévoit qu’ils sont admis aux procédures simplifiées de constatation prévues à l’article 76 du code des douanes communautaire établi par le règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992[, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1),] et aux articles 253 et suivants du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, [fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) no 2913/92 du
Conseil établissant le code des douanes communautaire (JO 1993, L 253, p. 1),] dans les conditions et selon les modalités qui y sont prévues.

5.   Dans le cadre de l’application des procédures simplifiées, les CAD peuvent présenter les marchandises non seulement dans les espaces et les lieux destinés aux opérations douanières visés à l’article 17 du [décret no 43/1973] mais aussi dans les lieux et entrepôts des personnes pour le compte desquelles ils opèrent en chaque cas et dans lesquels se trouvent les marchandises, pour autant que ces lieux ou entrepôts soient situés dans le ressort territorial du département douanier dans lequel
ils sont autorisés à opérer.

[...] »

20 L’article 47, paragraphe 3, du décret du no 43/1973, tel que modifié par l’article 82, paragraphe 1, sous b), du decreto legislativo n. 59 – Attuazione della direttiva 2006/123/CE relativa ai servizi nel mercato interno (décret législatif no 59, portant mise en œuvre de la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur), du 26 mars 2010 (supplément ordinaire à la GURI no 94, du 23 avril 2010), précise :

« La nomination en tant que commissaire en douane permet de présenter des déclarations douanières sur l’ensemble du territoire national. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

21 Le Cad Mellano est un CAD dont l’activité consiste à offrir à ses clients des services de représentation en douane. Il a été agréé à ce titre par la Direzione territoriale II per la Liguria, il Piemonte e la Valle d’Aosta (direction territoriale II pour la Ligurie, le Piémont et la Vallée d’Aoste, Italie) compétente pour le département où se situe son siège. Pour l’application des procédures simplifiées, le Cad Mellano dispose, dans ce département douanier, de locaux agréés lui permettant de
procéder aux opérations douanières sur des marchandises sans avoir à les faire passer en douane ou dans les locaux de l’importateur.

22 Au cours de l’année 2021, le Cad Mellano a conclu un contrat avec la société allemande ALFA portant sur l’émission de bordereaux douaniers d’importation et d’exportation du/vers le Royaume-Uni.

23 En vue de la réalisation des opérations d’importation et d’exportation des marchandises d’ALFA, le Cad Mellano a conclu un contrat avec la société BETA disposant d’un entrepôt dans la province de Vicence (Italie), en dehors du ressort du département douanier dans lequel le Cad Mellano a son siège. Ce dernier a, par conséquent, demandé aux autorités douanières compétentes l’agrément de ces locaux.

24 Le 20 octobre 2021, cette demande a été rejetée au motif que l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992 ne permet pas aux CAD d’exercer leur activité en dehors du département douanier dans lequel ils ont leur siège.

25 Le Cad Mellano a saisi le Tribunale Amministrativo Regionale per il Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont, Italie), qui est la juridiction de renvoi, d’un recours visant à l’annulation de ce rejet.

26 En premier lieu, cette juridiction émet des doutes sur la compatibilité de l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992 avec l’article 18, paragraphe 3, du code des douanes. En effet, en vertu de cette dernière disposition, dès lors qu’un représentant en douane satisfait aux critères prévus à l’article 39, sous a) à d), de ce code, celui‑ci devrait être autorisé à fournir ses services dans un État membre autre que celui dans lequel il est établi. A fortiori, un tel représentant
devrait pouvoir exercer ses activités sur l’ensemble du territoire de l’État membre dans lequel il est établi.

27 En deuxième lieu, l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992 pourrait être contraire à l’article 10, paragraphe 4, de la directive 2006/123. En effet, cette dernière disposition permet au prestataire autorisé d’accéder à l’activité de services ou de l’exercer sur l’ensemble du territoire national, « y compris par la création d’agences, de succursales, de filiales ou de bureaux », sauf dans les cas où la nécessité d’une limitation de l’autorisation à une partie déterminée du
territoire pour chaque établissement est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général. D’une part, il ne semblerait pas exister, dans l’affaire du litige au principal, de justification pour une telle limitation. D’autre part, la disposition nationale litigieuse aurait pour effet d’interdire aux CAD de disposer de plus d’un établissement sur le territoire national. Or, une telle interdiction ne serait ni nécessaire ni proportionnelle.

28 En troisième lieu, la limitation territoriale de l’exercice de l’activité des CAD pourrait être contraire aux articles 56 à 62 TFUE. En effet, ces CAD, qui opèrent sous la forme de sociétés de capitaux, se trouveraient dans une situation objectivement défavorable par rapport aux commissaires en douane qui, tout en exerçant la même activité que les CAD, ne seraient soumis à aucune limitation territoriale.

29 La juridiction de renvoi relève, dans ce contexte, que la restriction à la libre prestation des services des CAD établis en Italie qu’entraînerait l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992 est également susceptible d’avoir des effets transfrontaliers, dès lors que cette disposition est applicable aux prestataires établis dans d’autres États membres.

30 Dans ces conditions, le Tribunale Amministrativo Regionale per il Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 18 du [code des douanes], lu en combinaison avec le considérant 21 [de ce code], doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition (l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992) et à une pratique nationales en vertu desquelles l’habilitation à opérer des CAD [...] est limitée à un “lieu agréé” à l’intérieur du ressort territorial de la direction [douanière] régionale, interrégionale ou interprovinciale dans lequel ils ont leur siège, l’extension de
cette habilitation à l’ensemble du territoire national étant ainsi exclue ?

2) Les articles 10 et 15 de la directive [2006/123] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition (l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992) et à une pratique nationales en vertu desquelles l’habilitation à opérer des CAD [...] est limitée à un “lieu agréé” à l’intérieur du ressort territorial de la direction [douanière] régionale, interrégionale ou interprovinciale dans lequel ils ont leur siège, l’extension de cette habilitation à l’ensemble du
territoire national étant ainsi exclue et l’habilitation à opérer sur l’ensemble du territoire national étant réservée aux seuls commissaires en douane ?

3) Les articles 56 à 62 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition (l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992) et à une pratique nationales en vertu desquelles l’habilitation à opérer des CAD [...] est limitée à un “lieu agréé” à l’intérieur du ressort territorial de la direction [douanière] régionale, interrégionale ou interprovinciale dans lequel ils ont leur siège, l’extension de cette habilitation à l’ensemble du territoire national
étant ainsi exclue et l’habilitation à opérer sur l’ensemble du territoire national étant réservée aux seuls commissaires en douane ? »

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

31 Le gouvernement italien considère que les questions préjudicielles sont sans objet. Il serait, en effet, possible de retenir une interprétation de l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992 conforme au droit de l’Union, de sorte que la demande de décision préjudicielle serait inutile.

32 Il convient de rappeler que la procédure visée à l’article 267 TFUE est fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour. À cet égard, le juge national est seul compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national. Il appartient de même au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au
regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour [voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, U.I. (Représentant en douane indirect), C‑714/20, EU:C:2022:374, point 33 et jurisprudence citée].

33 Il s’ensuit que les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est ainsi possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec
la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2023, Legea, C‑686/21, EU:C:2023:357, point 25 et jurisprudence citée).

34 En l’occurrence, la juridiction de renvoi a exposé de manière suffisamment claire le contexte juridique et factuel ainsi que les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation de certaines dispositions du droit de l’Union qu’elle considère nécessaire pour être en mesure de rendre son jugement. Il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation sollicitée est sans rapport avec le litige au principal ou que le problème soulevé présente un caractère hypothétique.

35 Cette appréciation n’est pas remise en cause par l’argument avancé par le gouvernement italien. En effet, s’il est vrai que les juridictions nationales sont tenues d’interpréter le droit national, dans toute la mesure possible, de manière conforme aux exigences du droit de l’Union afin d’assurer la pleine efficacité de ce dernier, il n’en demeure pas moins que, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 267 TFUE, il appartient à la Cour d’interpréter les dispositions du droit de l’Union
visées par la décision de renvoi afin d’apporter l’ensemble des éléments permettant à la juridiction de renvoi d’apprécier la compatibilité du droit national avec ces dispositions. Or, par ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi demande précisément à la Cour des éléments d’interprétation du droit de l’Union permettant d’apprécier la compatibilité avec ce droit de certaines réglementations nationales, mais n’invite pas la Cour à se prononcer elle-même sur cette compatibilité.

36 Dans ces conditions, la demande de décision préjudicielle est recevable.

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

37 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 18, paragraphe 3, du code des douanes doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui limite l’exercice de l’activité des représentants en douane organisés sous la forme d’une société de capitaux ayant pour objet social exclusif la prestation de services d’assistance douanière au ressort du département douanier dans lequel cette société a son siège.

38 Conformément à une jurisprudence constante, il y a lieu d’interpréter les dispositions du droit de l’Union en tenant compte non seulement de leurs termes, mais également du contexte dans lequel celles-ci s’inscrivent et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie (arrêts du 15 juillet 2021, BEMH et CNCC, C‑325/20, EU:C:2021:611, point 18, et du 12 octobre 2023, INTER CONSULTING, C‑726/21, EU:C:2023:764, point 43 ainsi que jurisprudence citée).

39 Selon les termes de l’article 18, paragraphe 3, première phrase, du code des douanes, les États membres peuvent déterminer, conformément au droit de l’Union, les conditions dans lesquelles un représentant en douane peut fournir des services dans l’État membre dans lequel il est établi.

40 S’agissant de la fourniture de services par un représentant en douane établi dans un autre État membre, l’article 18, paragraphe 3, seconde phrase, de ce code prévoit que, sans préjudice de l’application de critères moins stricts par l’État membre concerné, un tel représentant est autorisé à proposer ces services dans un État membre autre que celui dans lequel il est établi, dès lors qu’il satisfait aux critères fixés à l’article 39, sous a) à d), dudit code.

41 Ainsi, en vertu de ces critères, un représentant en douane doit démontrer qu’il n’a pas commis d’infractions graves ou répétées à la législation douanière et aux dispositions fiscales, qu’il exerce un niveau élevé de contrôle sur ses opérations et les mouvements de marchandises au moyen d’un système de gestion des écritures commerciales, qu’il est financièrement solvable et qu’il présente une situation financière satisfaisante lui permettant de s’acquitter de ses engagements, en tenant dûment
compte des caractéristiques du type de l’activité économique concernée, et qu’il respecte les normes pratiques en matière de compétence ou de qualifications professionnelles directement liées à l’activité exercée.

42 Il résulte, par conséquent, de l’article 18, paragraphe 3, du code des douanes qu’un représentant en douane souhaitant proposer ses services dans un État membre autre que celui dans lequel il est établi est soumis aux conditions prévues à l’article 39, sous a) à d), de ce code, sans préjudice de l’application de critères moins stricts par l’État membre concerné. Ces conditions ne s’imposent pas, en revanche, au représentant en douane qui fournit ses services dans l’État membre dans lequel il est
établi, cet État pouvant déterminer les conditions de fourniture de ces services, sous réserve que celles-ci soient conformes au droit de l’Union.

43 En l’occurrence, l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992 énonce une condition applicable aux CAD, limitant leur activité au ressort territorial du département douanier dans lequel ils ont leur siège. La République italienne a, ce faisant, exercé la faculté que lui reconnaît l’article 18, paragraphe 3, première phrase, de ce code de déterminer les conditions dans lesquelles les représentants en douane organisés sous la forme de sociétés de capitaux établies sur le territoire
de cet État membre peuvent fournir des services sur ce territoire.

44 Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 18, paragraphe 3, du code des douanes doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui limite l’exercice de l’activité des représentants en douane organisés sous la forme d’une société de capitaux ayant pour objet social exclusif la prestation de services d’assistance douanière au ressort du département douanier dans lequel cette société a son siège, pour autant qu’une telle réglementation soit
conforme au droit de l’Union.

Sur les deuxième et troisième questions

45 Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 10 et 15 de la directive 2006/123 ainsi que les articles 56 à 62 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui limite l’exercice de l’activité des représentants en douane organisés sous la forme d’une société de capitaux ayant pour objet social exclusif la prestation de services d’assistance douanière au
ressort du département douanier dans lequel cette société a son siège.

46 Premièrement, il ressort du considérant 6 de la directive 2006/123 que la suppression des obstacles à la libre prestation des services ne peut se faire uniquement par l’application directe de l’article 56 TFUE en raison, notamment, de l’extrême complexité du traitement au cas par cas des obstacles à cette liberté (voir, en ce sens, arrêt du 26 juin 2019, Commission/Grèce, C‑729/17, EU:C:2019:534, point 53).

47 En effet, l’examen simultané d’une mesure nationale au regard des dispositions de la directive 2006/123 et de celles du traité FUE reviendrait à introduire un examen au cas par cas, au titre du droit primaire, et remettrait en cause l’harmonisation ciblée opérée par cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2018, X et Visser, C‑360/15 et C‑31/16, EU:C:2018:44, point 96).

48 Il s’ensuit que, lorsqu’une restriction à la libre prestation des services relève du champ d’application de la directive 2006/123, il n’y a pas lieu de l’examiner également au regard de l’article 56 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 26 juin 2019, Commission/Grèce, C‑729/17, EU:C:2019:534, point 54).

49 Deuxièmement, il convient, certes, de relever que l’affaire au principal concerne une situation purement interne, dans la mesure où ses circonstances se rapportent au refus adressé par l’administration italienne à une société italienne d’exercer son activité sur le territoire italien dans un département douanier autre que celui dans lequel cette société a son siège.

50 Néanmoins, une telle circonstance n’est pas de nature à exclure l’applicabilité des dispositions du chapitre III de la directive 2006/123 contenant les articles 10 et 15 de celle-ci, dans la mesure où les dispositions de ce chapitre III doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’appliquent également à une situation dont tous les éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (arrêt du 13 janvier 2022, Minister Sprawiedliwości, C‑55/20, EU:C:2022:6, point 89 et
jurisprudence citée). En effet, la pleine réalisation du marché intérieur des services requiert, avant tout, la suppression des obstacles que rencontrent les prestataires pour s’établir dans les États membres, que ce soit dans leur propre État membre ou dans un autre État membre, et qui sont susceptibles de porter atteinte à leur capacité de fournir des services à des destinataires se trouvant dans l’ensemble de l’Union (arrêt du 30 janvier 2018, X et Visser, C-360/15 et C-31/16, EU:C:2018:44,
point 105).

51 Partant, afin d’apporter une réponse aux questions de la juridiction de renvoi, il y a lieu d’interpréter les dispositions de la directive 2006/123, pour autant que celles-ci soient applicables aux faits de l’affaire au principal.

Sur le champ d’application de la directive 2006/123

52 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2006/123 prévoit que, si les dispositions de cette directive sont en conflit avec les dispositions d’un acte régissant des aspects spécifiques de l’accès à une activité de services ou à son exercice dans des secteurs spécifiques ou pour des professions spécifiques, les dispositions d’un tel acte prévalent.

53 Or, ainsi qu’il ressort des points 39 et 44 du présent arrêt, l’article 18, paragraphe 3, du code des douanes prévoit la faculté pour les États membres de déterminer les conditions dans lesquelles un représentant en douane peut fournir ses services dans l’État membre dans lequel il est établi, conformément au droit de l’Union, et ne s’oppose pas à la réglementation d’un État membre qui limite l’exercice de l’activité des représentants en douane au ressort du département douanier dans lequel ils
sont établis.

54 Il en résulte que le code des douanes ne contient pas, à cet égard, de normes entrant en conflit avec les dispositions de la directive 2006/123, de sorte que cette directive est susceptible de s’appliquer aux services fournis par les représentants en douane organisés sous la forme de sociétés de capitaux établies sur le territoire italien, soumis à la limitation territoriale prévue à l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992.

55 S’agissant de l’activité même des représentants en douane, l’article 2, paragraphe 1, et l’article 4 de la directive 2006/123 prévoient que celle‑ci s’applique à toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération par un prestataire établi dans un État membre, qu’il soit installé ou non de manière stable et continue dans l’État membre de destination, sous réserve des activités et domaines expressément exclus en vertu de l’article 2, paragraphes 2 et 3, de cette
directive (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2015, Trijber et Harmsen, C‑340/14 et C‑341/14, EU:C:2015:641, point 45).

56 Ainsi, l’article 2, paragraphe 2, de ladite directive exclut une série d’activités de son champ d’application. L’article 2, paragraphe 3, de la même directive précise en outre que celle-ci ne s’applique pas en matière fiscale.

57 En l’occurrence, ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, les représentants en douane organisés sous la forme de sociétés de capitaux établies sur le territoire italien, soumis à la limitation territoriale prévue à l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992, fournissent des services d’assistance pour l’accomplissement des formalités douanières en contrepartie d’une rémunération.

58 De tels services relèvent de l’objet même de la directive 2006/123, tel qu’il ressort de son article 2, paragraphe 1, dès lors que ces représentants en douane sont des prestataires fournissant leurs services dans l’État membre dans lequel ils sont établis. En outre, l’activité de représentant en douane correspond à la notion même de « services », telle que définie à l’article 4, point 1, de cette directive, en tant qu’il s’agit d’une activité économique non salariée, exercée normalement contre
rémunération.

59 En outre, les services fournis par lesdits représentants en douane ne relèvent manifestement pas des activités explicitement exclues du champ d’application de la directive 2006/123, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de ladite directive.

60 De surcroît, s’agissant de l’article 2, paragraphe 3, de la directive 2006/123, lequel prévoit que celle-ci « ne s’applique pas en matière fiscale », il ressort du considérant 29 de cette directive que l’exclusion du domaine de la fiscalité de son champ d’application s’explique notamment par le fait que le traité FUE prévoit des bases juridiques spécifiques en la matière.

61 À cet égard, ainsi que la Commission européenne l’a fait observer, il convient de distinguer le domaine de la fiscalité du domaine douanier, ce dernier constituant une compétence exclusive de l’Union en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous a), TFUE et étant régi par la législation douanière de l’Union, en particulier le code de douanes. En ce qui concerne les services fournis par les représentants en douane, l’article 18, paragraphe 3, de ce code renvoie aux législations nationales, tout en
exigeant que ces législations soient conformes au droit de l’Union, et donc également à la directive 2006/123. L’applicabilité en l’occurrence de cette directive n’est donc pas exclue en vertu de l’article 2, paragraphe 3, de celle-ci.

62 Dans ces conditions, l’activité des représentants en douane organisés sous la forme de sociétés de capitaux établies en Italie, soumis à la limitation territoriale prévue à l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992, relève du champ d’application de la directive 2006/123.

63 Une telle interprétation du champ d’application de la directive 2006/123 est corroborée par les objectifs de cette directive qui, ainsi qu’il ressort de son article 1er, lu en combinaison avec les considérants 2 et 5 de celle-ci, consistent à édicter des dispositions générales visant à éliminer les restrictions à la liberté d’établissement des prestataires dans les États membres et à la libre circulation des services entre ces derniers, afin de contribuer à la réalisation d’un marché intérieur
libre et concurrentiel (arrêt du 30 janvier 2018, X et Visser, C‑360/15 et C‑31/16, EU:C:2018:44, point 104 ainsi que jurisprudence citée).

64 Eu égard aux considérations qui précèdent, une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, en tant qu’elle régit l’exercice de l’activité des représentants en douane organisés sous la forme de sociétés de capitaux établies sur le territoire italien, relève du champ d’application de la directive 2006/123.

Sur les dispositions pertinentes de la directive 2006/123

65 Aux termes de la deuxième question préjudicielle, la juridiction de renvoi sollicite de la Cour l’interprétation des articles 10 et 15 de la directive 2006/123.

66 En vertu de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2006/123, qui relève de la section 1 du chapitre III de cette directive relative aux autorisations d’accès à une activité de services, les régimes d’autorisation doivent reposer sur des critères qui encadrent l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités compétentes afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire.

67 L’article 4, point 6, de la directive 2006/123 définit la notion de « régime d’autorisation », au sens notamment de l’article 10, paragraphe 1, de cette directive, comme toute procédure qui a pour effet d’obliger un prestataire ou un destinataire à faire une démarche auprès d’une autorité compétente en vue d’obtenir un acte formel ou une décision implicite relative à l’accès à une activité de service ou à son exercice.

68 L’article 15, paragraphes 1 et 2, de ladite directive qui relève de la section 2 du chapitre III de celle-ci, relative aux exigences interdites ou soumises à évaluation, indique les exigences auxquelles les États membres sont autorisés à subordonner l’accès à une activité de service ou son exercice, dans les conditions énoncées au paragraphe 3 de cet article 15.

69 La notion d’« exigence », mentionnée à l’article 15, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/123, est définie à l’article 4, point 7, de cette directive comme toute obligation, interdiction, condition ou limite prévue dans les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres ou découlant de la jurisprudence, des pratiques administratives, des règles des ordres professionnels ou des règles collectives d’associations professionnelles ou d’autres organisations
professionnelles adoptées dans l’exercice de leur autonomie juridique.

70 La Cour a jugé qu’un « régime d’autorisation », au sens de l’article 4, point 6, de la directive 2006/123, se distingue d’une « exigence », au sens de l’article 4, point 7, de cette directive, en ce qu’il implique une démarche de la part du prestataire de service ainsi qu’un acte formel par lequel les autorités compétentes autorisent l’activité de ce prestataire (arrêt du 22 septembre 2020, Cali Apartments, C‑724/18 et C‑727/18, EU:C:2020:743, point 49 ainsi que jurisprudence citée).

71 Il ressort de la demande de décision préjudicielle que, en vertu de l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992, les CAD ne peuvent bénéficier de l’agrément d’un lieu permettant l’accomplissement des formalités douanières sans présentation physique des marchandises à un bureau de douane que lorsque ce lieu se situe dans ce département douanier.

72 Or, eu égard aux caractéristiques de la limitation territoriale prévue à l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992, une telle condition doit être considérée comme relevant de la notion d’« exigence », au sens de l’article 15, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/123, telle que cette notion est définie à l’article 4, point 7, de cette directive. En effet, la réglementation nationale en cause au principal a pour effet de limiter l’exercice de l’activité des représentants en
douane organisés sous la forme d’une société de capitaux ayant pour objet social exclusif la prestation de services d’assistance douanière au département douanier dans lequel cette société a son siège.

Sur l’interprétation de l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la directive 2006/123

73 En vertu de l’article 15, paragraphe 2, sous a), de la directive 2006/123, les États membres examinent si leur système juridique subordonne l’accès à une activité de service ou son exercice au respect, notamment, d’une limite territoriale.

74 À cet égard, la Cour a déjà jugé qu’une limitation territoriale de l’autorisation d’exercice d’une activité de services constitue, en application de l’article 15 de cette directive, une restriction à la liberté d’établissement des prestataires de services (arrêt du 23 décembre 2015, Hiebler, C‑293/14, EU:C:2015:843, point 49).

75 En effet, l’article 15, paragraphe 2, sous a), de la directive 2006/123 qualifie expressément les « limites territoriales » à l’exercice d’une activité de services d’« exigences », au sens de l’article 4, point 7, de cette directive, lesquelles constituent des conditions qui affectent la liberté d’établissement des prestataires de services (arrêt du 23 décembre 2015, Hiebler, C‑293/14, EU:C:2015:843, point 51).

76 En l’occurrence, l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992 empêche les CAD de disposer d’un lieu agréé dans le ressort territorial d’un département douanier autre que celui dans lequel ils ont leur siège et impose, ainsi, une limitation territoriale à leur activité constitutive d’une restriction.

77 À cet égard, ainsi que l’ont relevé le Cad Mellano et la Commission, la circonstance que, en vertu de l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992, les CAD peuvent s’associer, sous la forme de groupements européens d’intérêt économique, à des sociétés homologues ayant leur siège dans d’autres départements douaniers afin d’y offrir leurs services n’est pas de nature à éliminer la restriction qui résulte de cette disposition, dès lors qu’il ne leur est pas permis de fournir leurs
services en dehors du département douanier dans lequel ils ont leur siège selon les modalités qu’ils ont choisies.

78 Pour être admise, une telle restriction doit remplir les conditions prévues à l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2006/123, à savoir qu’elle doit s’appliquer de manière non discriminatoire en fonction de la nationalité et qu’elle doit être nécessaire et proportionnée aux objectifs qu’elle poursuit (voir, en ce sens, arrêt du 23 décembre 2015, Hiebler, C‑293/14, EU:C:2015:843, points 56 à 70).

79 Dès lors, la restriction qui découle de l’exigence qu’impose l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992 peut être admise, au regard des conditions prescrites par l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2006/123, si cette restriction n’est pas directement ou indirectement discriminatoire en fonction de la nationalité ou, s’agissant de sociétés, de l’emplacement de leur siège statutaire, si elle est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général et si elle est propre à
garantir la réalisation de l’objectif poursuivi, sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre, sachant que d’autres mesures moins contraignantes ne doivent pas permettre d’atteindre le même résultat.

80 S’agissant, premièrement, du respect de la condition de non-discrimination telle que rappelée à l’article 15, paragraphe 3, sous a), de la directive 2006/123, il est constant que l’exigence prescrite par l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992 s’applique sans discrimination tenant à la nationalité ou à l’emplacement du siège statutaire, dès lors que cette exigence doit être satisfaite par tous les représentants en douane souhaitant avoir recours à la procédure simplifiée dite
« du lieu agréé », qu’ils soient établis en Italie ou dans un autre État membre.

81 En ce qui concerne, deuxièmement, le point de savoir si la mesure en cause au principal est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, au sens de l’article 15, paragraphe 3, sous b), de la directive 2006/123, le gouvernement italien invoque l’objectif de garantir l’efficacité des contrôles douaniers, en vue de prévenir la fraude douanière et de protéger les destinataires des services d’assistance douanière.

82 S’agissant de l’objectif tiré de l’efficacité des contrôles douaniers, afin de prévenir la fraude douanière et de protéger les destinataires des services d’assistance douanière, il convient de relever que, conformément à l’article 4, point 8, de la directive 2006/123, lu à la lumière du considérant 40 de celle-ci, la protection des destinataires de services et la lutte contre la fraude constituent des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier des restrictions à la liberté
d’établissement (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2023, CNAE e.a., C‑292/21, EU:C:2023:32 point 61).

83 S’agissant, troisièmement, de la question de savoir si la mesure en cause au principal respecte le principe de proportionnalité, comme l’exige l’article 15, paragraphe 3, sous c), de la directive 2006/123, il convient de vérifier si cette mesure est propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi, qu’elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre et qu’il n’existe pas de mesures moins attentatoires à la liberté en cause (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2023, CNAE
e.a., C‑292/21, EU:C:2023:32 point 62 ainsi que jurisprudence citée).

84 À cet égard, il convient encore de préciser que, conformément à une jurisprudence constante, une législation nationale n’est propre à garantir la réalisation de l’objectif recherché que si elle répond véritablement au souci d’atteindre celui-ci d’une manière cohérente et systématique [arrêt du 29 juillet 2019, Commission/Autriche (Ingénieurs civils, agents de brevets et vétérinaires), C‑209/18, EU:C:2019:632, point 94].

85 Il appartient en dernier ressort au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits du litige au principal, de déterminer si une mesure satisfait à cette condition. Toutefois, afin de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, la Cour peut lui donner des indications tirées du dossier de l’affaire au principal ainsi que des observations écrites dont elle dispose, de nature à permettre à cette juridiction de statuer (arrêt du 19 janvier 2023, CNAE e.a., C‑292/21,
EU:C:2023:32 point 63 ainsi que jurisprudence citée).

86 En ce qui concerne, en premier lieu, l’aptitude d’une mesure telle que celle prévue à l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992 à atteindre l’objectif visant à garantir l’efficacité des contrôles, il ressort des éléments fournis à la Cour que la limitation territoriale à laquelle sont soumis les CAD permet de maintenir un lien géographique entre le lieu où les CAD exercent leur activité et le département douanier dans le ressort duquel ils ont leur siège.

87 À cet égard, il convient de considérer que la proximité géographique du bureau de douane compétent ainsi que les informations dont il dispose en tant qu’autorité ayant procédé à l’agrément d’un lieu aux fins de l’accomplissement des procédures douanières peuvent, en principe, accroître l’efficacité des contrôles sur place, en permettant, ainsi que l’indique le gouvernement italien, de garantir un contrôle préventif et constant.

88 Cela étant, la réglementation nationale en cause au principal n’apparaît pas assurer que le bureau douanier territorialement compétent pour contrôler un CAD soit le bureau le plus proche du lieu agréé dans lequel ce CAD est habilité à opérer ses activités.

89 En outre, il ressort de la décision de renvoi que, en vertu de l’article 47, paragraphe 3, du décret no 43/1973, les commissaires en douane peuvent présenter des déclarations douanières sur l’ensemble du territoire italien. À cet égard, la juridiction de renvoi a précisé que, avant sa modification, cette disposition prévoyait pour les commissaires en douane une limitation territoriale identique à celle applicable aux CAD.

90 Eu égard à cette différence de traitement entre les commissaires en douane et les CAD, et sous réserve des vérifications auxquelles il incombe à la juridiction de renvoi de procéder, la limitation territoriale résultant de l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992, qui n’est applicable qu’aux CAD, n’apparaît pas propre à garantir la réalisation des objectifs poursuivis, faute de répondre véritablement au souci de les atteindre d’une manière cohérente et systématique.

91 Dans la mesure où le gouvernement italien relève, dans ce contexte, que les commissaires en douane ne peuvent pas bénéficier de la procédure douanière simplifiée « du lieu agréé », ceux-ci étant contraints d’effectuer les formalités douanières dans les locaux de leurs clients, il n’en demeure pas moins que l’avantage procuré par cette procédure réside dans le fait que les marchandises ne doivent pas être présentées physiquement dans les locaux des autorités douanières. Or, les commissaires en
douane paraissent également bénéficier d’un tel avantage puisqu’ils peuvent soumettre les marchandises aux formalités douanières à partir des locaux de leurs clients.

92 En second lieu, en ce qui concerne la question de savoir si la mesure en cause au principal va au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, en interdisant aux CAD d’avoir recours à des « lieux agréés » se trouvant dans le ressort territorial d’un département douanier autre que celui dans lequel ils ont leur siège, ceux-ci sont contraints, pour pouvoir utiliser de tels lieux, de déplacer leur siège dans ce département douanier ou de s’associer, sous la forme de groupements
européens d’intérêt économique, à des sociétés homologues ayant leur siège dans ledit département.

93 Or, ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, des mesures moins contraignantes que la limitation territoriale résultant de l’article 3, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992 sont susceptibles d’être envisagées pour garantir l’efficacité des contrôles douaniers, afin de prévenir la fraude douanière et de protéger les destinataires des services d’assistance douanière.

94 Ainsi, il appartient à la juridiction de renvoi d’examiner, notamment, si l’échange entre les bureaux douaniers des informations nécessaires aux contrôles des formalités douanières accomplies par les CAD, prévu à l’article 8, paragraphe 3, du décret ministériel no 549/1992, permettrait d’atteindre le même résultat que la mesure en cause au principal tout en constituant une mesure moins attentatoire à la libre prestation des services que la disposition en cause au principal.

95 Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui, en vue de garantir l’efficacité des contrôles douaniers, afin de prévenir la fraude douanière et de protéger les destinataires des services d’assistance douanière, limite l’exercice de l’activité des représentants en douane organisés sous la forme d’une société de capitaux ayant pour objet social exclusif la
prestation de services d’assistance douanière au ressort du département douanier dans lequel cette société a son siège, dans la mesure où une telle limitation territoriale n’est pas appliquée de façon cohérente et que l’objectif de garantir l’efficacité de ces contrôles pourrait être atteint par des mesures moins contraignantes.

Sur les dépens

96 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

  1) L’article 18, paragraphe 3, du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union,

doit être interprété en ce sens que :

il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui limite l’exercice de l’activité des représentants en douane organisés sous la forme d’une société de capitaux ayant pour objet social exclusif la prestation de services d’assistance douanière au ressort du département douanier dans lequel cette société a son siège, pour autant qu’une telle réglementation soit conforme au droit de l’Union.

  2) L’article 15, paragraphes 2 et 3, de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur,

doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose à une réglementation nationale qui, en vue de garantir l’efficacité des contrôles douaniers, afin de prévenir la fraude douanière et de protéger les destinataires des services d’assistance douanière, limite l’exercice de l’activité des représentants en douane organisés sous la forme d’une société de capitaux ayant pour objet social exclusif la prestation de services d’assistance douanière au ressort du département douanier dans lequel cette société a son siège, dans la mesure où une
telle limitation territoriale n’est pas appliquée de façon cohérente et que l’objectif de garantir l’efficacité de ces contrôles pourrait être atteint par des mesures moins contraignantes.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’italien.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-503/23
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Tribunale Amministrativo Regionale per il Piemonte.

Renvoi préjudiciel – Union douanière – Code des douanes de l’Union – Règlement (UE) no 952/2013 – Article 18 – Représentant en douane – Libre prestation des services – Directive 2006/123/CE – Articles 10 et 15 – Centres d’assistance douanière – Limitation territoriale de l’activité – Restriction – Justification.

Marché intérieur - Principes


Parties
Demandeurs : Centro di Assistenza Doganale (Cad) Mellano Srl
Défendeurs : Agenzia delle Dogane e dei Monopoli - Agenzia delle Dogane - Direzione Interregionale per la Liguria et Ministero dell’Economia e delle Finanze.

Composition du Tribunal
Avocat général : Ćapeta
Rapporteur ?: Ziemele

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:933

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