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18/04/2024 | CJUE | N°C-89/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Companhia União de Crédito Popular SA contre Autoridade Tributária e Aduaneira., 18/04/2024, C-89/23


 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

18 avril 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Champ d’application – Activité économique – Prestations de services – Article 135 – Exonérations en faveur d’autres activités – Opérations d’octroi de crédits – Vente aux enchères de biens mis en gage – Prestation unique – Prestations distinctes et indépendantes – Caractère principal ou accessoire d’une prestation »

Dans l’affaire C‑89/23,



ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Supremo Tribunal Administr...

 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

18 avril 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Champ d’application – Activité économique – Prestations de services – Article 135 – Exonérations en faveur d’autres activités – Opérations d’octroi de crédits – Vente aux enchères de biens mis en gage – Prestation unique – Prestations distinctes et indépendantes – Caractère principal ou accessoire d’une prestation »

Dans l’affaire C‑89/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême, Portugal), par décision du 25 janvier 2023, parvenue à la Cour le 16 février 2023, dans la procédure

Companhia União de Crédito Popular SA

contre

Autoridade Tributária e Aduaneira,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de chambre, M. N. Wahl et Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le gouvernement portugais, par Mme P. Barros da Costa, M. R. Campos Laires et Mme A. Rodrigues, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mme M. Afonso et M. M. Herold, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Companhia União de Crédito Popular SA (ci-après « CUCP ») à l’Autoridade Tributária e Aduaneira (autorité fiscale et douanière, Portugal) au sujet du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur des opérations relatives à la vente aux enchères de biens mis en garantie dans le cadre d’un prêt sur gage.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive TVA :

« À chaque opération, la TVA, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix. »

4 L’article 2, paragraphe 1, sous a) et c), de cette directive prévoit :

« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :

a) les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ;

[...]

c) les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ».

5 L’article 73 de ladite directive dispose :

« Pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. »

6 L’article 78 de la même directive énonce :

« Sont à comprendre dans la base d’imposition les éléments suivants :

a) les impôts, droits, prélèvements et taxes, à l’exception de la TVA elle-même ;

b) les frais accessoires, tels que les frais de commission, d’emballage, de transport et d’assurance demandés par le fournisseur à l’acquéreur ou au preneur.

Aux fins du premier alinéa, point b), les États membres peuvent considérer comme frais accessoires ceux faisant l’objet d’une convention séparée. »

7 Aux termes de l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA :

« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

b) l’octroi et la négociation de crédits ainsi que la gestion de crédits effectuée par celui qui les a octroyés ».

Le droit portugais

Le code civil

8 L’article 666, paragraphe 1, du Código Civil (code civil) prévoit :

« Le gage confère au créancier le droit au paiement de sa créance, ainsi que, le cas échéant, des intérêts, avec droit de préférence par rapport aux autres créanciers, moyennant la valeur d’un bien mobilier déterminé, ou la valeur de créances ou d’autres droits non soumis à hypothèque, appartenant au débiteur ou à un tiers. »

9 Aux termes de l’article 1142 de ce code :

« Le prêt est le contrat par lequel l’une des parties prête à l’autre de l’argent ou une autre chose fongible, la seconde partie étant tenue de restituer une chose de même nature et de même qualité. »

10 L’article 1150 dudit code énonce :

« Le prêteur peut résilier le contrat si l’emprunteur ne paie pas les intérêts à l’échéance. »

Le code de la TVA

11 L’article 1er, paragraphe 1, sous a), du Código do Imposto sobre o Valor Acrescentado (code de la taxe sur la valeur ajoutée), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après le « code de la TVA »), prévoit :

« Sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée :

a) Les transferts de biens et prestations de services effectués sur le territoire national, à titre onéreux, par un assujetti agissant en tant que tel ».

12 L’article 9, point 27, sous a) et b), de ce code dispose :

« Sont exonérées de la taxe :

[...]

27) Les opérations suivantes :

a) l’octroi et la négociation de crédits, sous quelque forme que ce soit, y compris les opérations d’escompte et de réescompte, ainsi que leur administration ou gestion par celui qui les a octroyés ;

b) la négociation et la constitution de garanties, cautions et autres garanties, ainsi que l’administration ou la gestion de garanties de crédit effectuées par la personne qui les a accordées ».

13 L’article 16 dudit code est libellé comme suit :

« 1) Sans préjudice des dispositions des paragraphes 2 et 10, la base d’imposition des transmissions de biens et prestations de services taxées correspond à la valeur de la contrepartie obtenue ou à obtenir de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers.

[...]

5) Sont à comprendre dans la base d’imposition des transmissions de biens et prestations de services taxées :

a) les impôts, droits, taxes et autres mesures fiscales, à l’exception de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même ;

b) les dépenses accessoires débitées, telles que celles relatives à des commissions, à l’emballage, au transport, aux assurances et à la publicité effectuées pour le compte du client.

[...] »

Le décret-loi no 365/99

14 L’article 1er, paragraphe 2, du Decreto-Lei n.o 365/99, estabelece o regime jurídico do acesso, do exercício e da fiscalização da actividade de prestamista (décret-loi no 365/99 établissant le régime juridique d’accès, d’exercice et de contrôle de l’activité de prêteur sur gage), du 17 septembre 1999, dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après le « décret-loi no 365/99 »), dispose :

« Est considéré comme activité de prêteur, l’exercice par une personne physique ou morale de l’activité de prêt sur gage. »

15 L’article 18, paragraphe 1, de ce décret-loi énonce :

« Le dégagement des biens mis en gage est subordonné au paiement préalable du principal, des intérêts et des commissions légales qui sont dues. »

16 Aux termes de l’article 20, paragraphe 1, dudit décret-loi :

« En cas de défaillance de plus de trois mois, la chose donnée en gage peut être vendue par voie d’offre sous pli fermé, par vente aux enchères ou par vente directe à des entités pour lesquelles la loi leur confère le droit d’acquérir certains biens. »

17 L’article 23 du même décret-loi prévoit :

« 1)   La vente aux enchères s’effectue au jour et à l’heure désignés dans les annonces de vente, en présence d’un représentant de l’administration civile.

2)   Les choses données en gage sont attribuées à l’intéressé qui a fait l’enchère la plus élevée et contre caution de la valeur respective.

3)   L’absence de toute proposition d’acquisition détermine que les choses en question sont reléguées à une autre vente aux enchères ou par lettre fermée. »

18 L’article 25 du décret-loi no 365/99 est libellé comme suit :

« Sur le prix d’adjudication s’applique un taux de 11 % à titre de commission de vente en faveur du prêteur. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

19 CUCP est une société de droit portugais qui exerce une activité de prêteur sur gage, consistant en l’octroi de prêts garantis par des biens meubles. Cette activité est exonérée de TVA en vertu de l’article 9, point 27, sous a), du code de la TVA, relatif aux opérations d’octroi et de négociation de crédits.

20 Lorsque les emprunteurs ne récupèrent pas les biens mis en gage ou sont en retard de plus de trois mois dans le remboursement du montant prêté ou le paiement des intérêts y afférents, CUCP procède à la vente aux enchères de ces biens. Elle perçoit, à cette occasion, une commission de vente, sur le fondement de l’article 25 du décret-loi no 365/99, qui est mise à la charge de l’emprunteur. Le montant de cette commission est, conformément à cette disposition, égal à 11 % du prix d’adjudication des
biens.

21 Dans le cadre d’un contrôle fiscal portant sur les années 2010 et 2011, l’autorité fiscale et douanière, d’une part, a constaté que CUCP n’avait pas soumis les commissions de vente à la TVA.

22 D’autre part, elle a considéré que ces commissions rémunéraient non pas une prestation accessoire au contrat de prêt sur gage mais une opération indépendante de l’octroi de ce prêt et qu’elles ne pouvaient donc pas bénéficier de l’exonération prévue à l’article 9, point 27, sous a), du code de la TVA.

23 Partant, l’autorité fiscale et douanière a taxé lesdites commissions au taux normal de la TVA et a procédé, en conséquence, aux rectifications du montant de TVA due par CUCP au titre des années 2010 et 2011, pour des montants respectifs de 107124,33 euros et de 201419,52 euros.

24 Le 6 mai 2013, elle a confirmé ces rectifications.

25 Par décisions du 30 mai 2014 et du 10 décembre 2014, l’autorité fiscale et douanière a rejeté, respectivement, le recours gracieux et le recours hiérarchique formés par CUCP, au motif notamment que la vente aux enchères des biens mis en gage constituait non pas un moyen de bénéficier, dans les meilleures conditions, de la prestation principale du prêteur, à savoir le prêt sur gage, mais une fin en soi. Cette vente, eu égard à la jurisprudence issue de l’arrêt du 21 février 2008, Part Service
(C‑425/06, EU:C:2008:108), ne saurait être considérée comme étant une prestation accessoire à cette prestation principale. En outre, ladite vente serait un simple mécanisme de recouvrement de créances auprès des emprunteurs, permettant au prêteur d’invoquer la garantie donnée lors de la conclusion du contrat de prêt sur gage, et ne ferait pas partie de ce contrat.

26 Le 30 avril 2015, CUCP a introduit un recours devant le Tribunal Administrativo e Fiscal do Porto (tribunal administratif et fiscal de Porto, Portugal), qui l’a rejeté. Par la suite, cette société a formé un pourvoi devant la juridiction de renvoi, le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême, Portugal).

27 Devant cette dernière juridiction, d’une part, CUCP fait valoir que l’organisation de la vente aux enchères ne saurait être dissociée du prêt sur gage, dont l’octroi est exonéré de la TVA. D’autre part, elle soutient que la commission de vente, dont le taux est fixé par le législateur, n’est pas la contrepartie d’une prestation de services mais revêt le caractère d’une redevance.

28 La juridiction de renvoi observe d’emblée que la commission de vente prévue à l’article 25 du décret-loi no 365/99 a pour objet d’indemniser le prêteur pour l’organisation et la réalisation des ventes des biens gagés dont il a la charge. Elle estime, par conséquent, que cette commission de vente, qui n’est pas la contrepartie d’une prestation de service public, n’a pas le caractère d’une redevance.

29 S’agissant de la question de savoir si la vente aux enchères revêt un caractère accessoire au contrat de prêt sur gage, cette juridiction considère, au regard de la jurisprudence issue de l’arrêt du 4 mars 2021, Frenetikexito (C‑581/19, EU:C:2021:167), que les services de ventes aux enchères de biens gagés ne font pas partie des services d’octroi de crédit et ne forment donc pas une opération unique avec ces derniers.

30 En effet, le service d’octroi de crédit pourrait être assuré sans aucune restriction même si un tiers se chargeait de la vente des biens gagés. En outre, le contrat de prêt sur gage ne dépendrait ni matériellement ni formellement de l’entité qui vend les biens gagés en cas d’inexécution de ce contrat.

31 La juridiction de renvoi relève cependant que, compte tenu du fait que la législation nationale réglemente la vente aux enchères des biens gagés et met l’organisation de cette vente à la charge du prêteur, il n’est pas exclu que cette activité puisse être qualifiée de prestation accessoire à l’octroi du prêt sur gage.

32 Dans ces conditions, le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Afin de déterminer si la commission de 11 % que [l’article 25 du décret-loi no 365/99] accorde au prêteur pour la vente des biens mis en gage peut bénéficier de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive [TVA] (auquel correspond l’article 9, point 27, sous a), du code de la [TVA]), la vente des biens mis en gage (articles 19 et suivants du décret-loi [no 365/99]), lorsque l’emprunteur cesse d’honorer ses paiements conformément à la loi, peut-elle être
considérée comme une prestation accessoire aux services fournis par le prêteur (l’activité de prêt sur gage) ? »

Sur la question préjudicielle

33 Par son unique question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que les prestations relatives à l’organisation d’une vente aux enchères de biens donnés en gage revêtent un caractère accessoire aux prestations principales relatives à l’octroi de crédit sur gage, au sens de cette disposition, de sorte qu’elles partagent le sort fiscal de ces prestations principales en matière de TVA.

34 Selon une jurisprudence constante, lorsqu’une opération est constituée par un faisceau d’éléments et d’actes, il y a lieu de prendre en considération toutes les circonstances dans lesquelles se déroule cette opération afin de déterminer si ladite opération donne lieu, aux fins de la TVA, à deux ou à plusieurs prestations distinctes ou à une prestation unique (voir, en ce sens, arrêt du 20 avril 2023, Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej, C‑282/22, EU:C:2023:312, point 27 et jurisprudence
citée).

35 En particulier, s’il découle de l’article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive TVA que chaque opération doit normalement être considérée comme distincte et indépendante, l’opération constituée d’une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la TVA. Il existe une prestation unique lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti au client sont si étroitement liés qu’ils
forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel (arrêt du 20 avril 2023, Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej, C‑282/22, EU:C:2023:312, point 28 et jurisprudence citée).

36 En outre, dans certaines circonstances, plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies isolément et ainsi donner lieu, séparément, à taxation ou à exonération, doivent être considérées comme une opération unique lorsqu’elles ne sont pas indépendantes (arrêt du 20 avril 2023, Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej, C‑282/22, EU:C:2023:312, point 29 et jurisprudence citée).

37 Tel est notamment le cas lorsqu’un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme constituant la prestation principale alors que, à l’inverse, d’autres éléments doivent être regardés comme une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale. À cet égard, un critère à prendre en considération est l’absence de finalité autonome de la prestation du point de vue du consommateur moyen. Ainsi, une prestation doit être considérée comme accessoire à une
prestation principale lorsqu’elle constitue pour la clientèle non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions de la prestation principale (voir, en ce sens, arrêts du 20 avril 2023, Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej, C‑282/22, EU:C:2023:312, point 30, et du 5 octobre 2023, Deco Proteste – Editores, C‑505/22, EU:C:2023:731, point 23 ainsi que jurisprudence citée).

38 Dans le cadre de la coopération instituée en vertu de l’article 267 TFUE, il appartient aux juridictions nationales de déterminer si, dans les circonstances de l’espèce particulière, la prestation concernée constitue une prestation unique et de porter toutes appréciations de fait définitives à cet égard (arrêt du 20 avril 2023, Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej, C‑282/22, EU:C:2023:312, point 31 et jurisprudence citée). Toutefois, il incombe à la Cour de fournir à ces juridictions tous les
éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elles sont saisies (arrêt du 17 décembre 2020, Franck, C‑801/19, EU:C:2020:1049, point 27 et jurisprudence citée).

39 L’affaire au principal porte sur la vente aux enchères de biens mis en gage dans le cadre d’un prêt sur gage, lorsque l’emprunteur concerné ne satisfait pas à ses obligations au titre du contrat de prêt pendant une période de plus de trois mois. La juridiction de renvoi considère que relèvent de l’expression « octroi et négociation de crédits », au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA, les prestations relatives à l’octroi de prêts garantis par des biens meubles gagés.
Même si elle estime que, dans l’affaire au principal, les prestations relatives à l’organisation de la vente aux enchères de biens gagés ne sauraient être considérées comme étant des prestations indissociables de la prestation d’octroi de prêts sur gage dans le cadre de laquelle ces biens servent de garantie et qu’elles ne forment donc pas une opération unique avec ces prêts aux fins de la TVA, cette juridiction nourrit cependant des doutes à cet égard puisque la législation nationale prévoit que
l’organisation de la vente aux enchères des biens gagés revient à la charge du prêteur.

40 En ce qui concerne l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA, il y a lieu de relever que l’octroi de crédit, au sens de cette disposition, consiste, notamment, en la mise à disposition d’un capital contre rémunération (arrêt du 6 octobre 2022, O. Fundusz Inwestycyjny Zamknięty reprezentowany przez O, C‑250/21, EU:C:2022:757, point 33 et jurisprudence citée).

41 En particulier, l’expression « octroi et négociation de crédits » figurant à ladite disposition doit être interprétée largement, de sorte que sa portée ne saurait être limitée aux seuls prêts et crédits octroyés par des organismes bancaires et financiers (arrêt du 17 décembre 2020, Franck, C‑801/19, EU:C:2020:1049, point 35 et jurisprudence citée).

42 À cet égard, il résulte de la jurisprudence que, si la rémunération pour la mise à disposition du capital dans le cadre de l’octroi du crédit est en principe assurée moyennant le versement d’intérêts, d’autres formes de contrepartie ne sauraient empêcher qu’une opération soit qualifiée d’octroi de crédit, au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA. En effet, la Cour a déjà jugé que constituait une opération financière s’apparentant à l’octroi d’un crédit et, partant,
exonérée de la TVA en vertu de cette disposition, le financement à l’avance de l’achat de marchandises en contrepartie d’une majoration du montant remboursé par le bénéficiaire de ce financement (arrêt du 6 octobre 2022, O. Fundusz Inwestycyjny Zamknięty reprezentowany przez O, C‑250/21, EU:C:2022:757, point 34 et jurisprudence citée).

43 Il convient cependant de rappeler, à cet égard, que les termes employés pour désigner les exonérations prévues à l’article 135, paragraphe 1, de la directive TVA sont d’interprétation stricte, étant donné que celles-ci constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (arrêt du 6 octobre 2022, O. Fundusz Inwestycyjny Zamknięty reprezentowany przez O, C‑250/21, EU:C:2022:757, point 31 et
jurisprudence citée).

44 À cet égard, et sous réserve des appréciations définitives qu’il appartient, conformément à la jurisprudence citée au point 38 du présent arrêt, à la juridiction de renvoi d’effectuer, il apparaît que la vente aux enchères des biens mis en gage, après l’écoulement d’un délai de trois mois pendant lequel l’emprunteur n’a pas satisfait à ses obligations contractuelles, d’une part, et l’octroi du prêt sur gage, d’autre part, constituent des prestations distinctes et indépendantes au regard de
l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA.

45 Premièrement, ces prestations ne dépendent ni matériellement ni formellement l’une de l’autre. Il ressort du dossier dont dispose la Cour que la prestation consistant en l’octroi de crédit pourrait être fournie de la même manière si la vente aux enchères des biens gagés en cause au principal était réalisée et organisée par un tiers.

46 Deuxièmement, la vente aux enchères du bien gagé ne saurait être qualifiée, ainsi que le relève la Commission européenne dans ses observations écrites, comme constituant l’aboutissement habituel de l’octroi du prêt sur gage. Au contraire, cette vente n’est réalisée que dans l’hypothèse où l’emprunteur manque aux obligations qui lui incombent en vertu du contrat de prêt sur gage. Par ailleurs, il ressort également du dossier dont dispose la Cour que l’emprunteur est en mesure, jusqu’au moment de
l’adjudication, de payer le principal et les intérêts y afférents pour récupérer le bien gagé. Partant, la vente aux enchères en cause au principal ne saurait être considérée comme étant indissociable de l’octroi du prêt sur gage.

47 Troisièmement, il apparaît que la vente aux enchères des biens mis en gage poursuit une finalité autonome par rapport à l’octroi du prêt sur gage. Certes, il relève de la nature même du contrat de prêt sur gage, réservant le droit au prêteur de matérialiser la garantie au moyen de la vente forcée du bien gagé, de récupérer le principal et les intérêts y afférents. Pourtant, une telle circonstance ne saurait être interprétée comme signifiant que la prestation de vente aux enchères revêt un
caractère accessoire à l’octroi du prêt sur gage. En effet, bien que cette vente vise le paiement du principal et des intérêts afférents à ce prêt, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, conformément à la jurisprudence citée au point 37 du présent arrêt, elle constitue non pas un simple moyen de bénéficier, dans des meilleures conditions, de la prestation relative à l’octroi dudit prêt, mais une fin en soi.

48 Quatrièmement, une telle appréciation du caractère distinct et indépendant des prestations relatives à l’organisation de la vente aux enchères des biens gagés est conforme à l’exigence d’interpréter, ainsi qu’il ressort du point 43 du présent arrêt, de manière stricte les termes employés pour désigner les exonérations prévues à l’article 135, paragraphe 1, de la directive TVA.

49 Cinquièmement, une telle appréciation ne saurait être remise en question par le fait que l’organisation de la vente aux enchères en cas de défaillance de l’emprunteur de plus de trois mois ainsi que l’octroi au prêteur d’une commission de vente pour un montant égal à 11 % du prix d’adjudication du bien sont, respectivement, prévus à l’article 20, paragraphe 1, et à l’article 25 du décret-loi no 365/99. Il apparaît en effet, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que cette
commission n’est pas la contrepartie, sous forme de redevance, d’un service public, mais a pour seul objet d’indemniser le prêteur pour la réalisation et l’organisation de la vente aux enchères des biens mis en gage.

50 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que les prestations relatives à l’organisation de ventes aux enchères de biens donnés en gage ne revêtent pas un caractère accessoire aux prestations principales relatives à l’octroi de crédits sur gage, au sens de cette disposition, de sorte qu’elles ne partagent pas le sort fiscal de ces prestations principales en matière de TVA.

Sur les dépens

51 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

  L’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,

  doit être interprété en ce sens que :

  les prestations relatives à l’organisation de ventes aux enchères de biens donnés en gage ne revêtent pas un caractère accessoire aux prestations principales relatives à l’octroi de crédits sur gage, au sens de cette disposition, de sorte qu’elles ne partagent pas le sort fiscal de ces prestations principales en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le portugais.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : C-89/23
Date de la décision : 18/04/2024
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Supremo Tribunal Administrativo.

Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Champ d’application – Activité économique – Prestations de services – Article 135 – Exonérations en faveur d’autres activités – Opérations d’octroi de crédits – Vente aux enchères de biens mis en gage – Prestation unique – Prestations distinctes et indépendantes – Caractère principal ou accessoire d’une prestation.

Taxe sur la valeur ajoutée

Fiscalité


Parties
Demandeurs : Companhia União de Crédito Popular SA
Défendeurs : Autoridade Tributária e Aduaneira.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Arastey Sahún

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:333

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