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18/04/2024 | CJUE | N°C-716/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, EP contre Préfet du Gers et Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE)., 18/04/2024, C-716/22


 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

18 avril 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Ressortissant du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord résidant dans un État membre – Articles 20 et 22 TFUE – Droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans l’État membre de résidence – Article 50 TUE – Accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique – Conséquences

du retrait d’un État membre de l’Union –
Radiation des listes électorales dans l’État membre de résidence – Article 39 d...

 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

18 avril 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Ressortissant du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord résidant dans un État membre – Articles 20 et 22 TFUE – Droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans l’État membre de résidence – Article 50 TUE – Accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique – Conséquences du retrait d’un État membre de l’Union –
Radiation des listes électorales dans l’État membre de résidence – Article 39 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Validité de la décision (UE) 2020/135 »

Dans l’affaire C‑716/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal judiciaire d’Auch (France), par décision du 15 novembre 2022, parvenue à la Cour le 23 novembre 2022, dans la procédure

EP

contre

Préfet du Gers,

Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE),

en présence de :

Commune de Thoux, représentée par le maire de Thoux,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Piçarra, président de chambre, MM. N. Jääskinen (rapporteur) et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. A. M. Collins,

greffier : Mme N. Mundhenke, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 novembre 2023,

considérant les observations présentées :

– pour EP, par Mes J.-N. Caubet-Hilloutou et J. Fouchet, avocats,

– pour le gouvernement français, par MM. B. Fodda, J. Illouz, E. Leclerc et Mme S. Royon, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane, O.-C. Ichim et A. Wellman, en qualité d’agents,

– pour le Conseil de l’Union européenne, par M. M. Bauer, Mme J. Ciantar et M. R. Meyer, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par M. H. Krämer, Mme E. Montaguti et M. A. Spina, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur la validité de la décision (UE) 2020/135 du Conseil, du 30 janvier 2020, relative à la conclusion de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 1), ainsi que sur l’interprétation de cette décision, de l’accord sur le retrait du Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté
européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 7), adopté le 17 octobre 2019 et entré en vigueur le 1er février 2020 (ci-après l’« accord de retrait »), de l’article 6, paragraphe 3, TUE, de l’article 1er de l’acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 20 septembre 1976 (JO 1976, L 278, p. 1), tel que modifié par la décision 2002/772/CE, Euratom du Conseil, du 25 juin 2002 et du
23 septembre 2002 (JO 2002, L 283, p. 1) (ci-après l’« acte électoral »), des articles 1er, 7, 11, 21, 39, 41 et 52 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que des arrêts du 12 septembre 2006, Espagne/Royaume-Uni (C‑145/04, EU:C:2006:543), et du 9 juin 2022, Préfet du Gers et Institut national de la statistique et des études économiques (C‑673/20, ci‑après l’« arrêt Préfet du Gers I », EU:C:2022:449).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant EP, une ressortissante du Royaume-Uni résidant, depuis l’année 1984, en France, au préfet du Gers (France) et à l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE, France) au sujet de la radiation d’EP des listes électorales en France et du refus de réinscription de celle-ci sur la liste électorale complémentaire concernée.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Les traités UE et FUE

3 L’article 6, paragraphe 3, TUE est libellé comme suit :

« Les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la [c]onvention européenne de sauvegarde des droits de l’[h]omme et des libertés fondamentales[, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »),] et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux. »

4 L’article 9 TUE dispose :

« [...] Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre. La citoyenneté de l’Union s’ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. »

5 L’article 50 TUE prévoit :

« 1.   Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union [européenne].

2.   L’État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l’Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union. Cet accord est négocié conformément à l’article 218, paragraphe 3, [TFUE]. Il est conclu au nom de l’Union par le Conseil [de l’Union européenne], statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement
européen.

3.   Les traités cessent d’être applicables à l’État concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l’État membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai.

[...] »

6 L’article 18, premier alinéa, TFUE énonce :

« Dans le domaine d’application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité. »

7 Aux termes de l’article 20 TFUE :

« 1.   Il est institué une citoyenneté de l’Union. Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre. La citoyenneté de l’Union s’ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas.

2.   Les citoyens de l’Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont entre autres :

[...]

b) le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen ainsi qu’aux élections municipales dans l’État membre où ils résident, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État ;

[...] »

8 L’article 22 TFUE prévoit :

« 1.   Tout citoyen de l’Union résidant dans un État membre dont il n’est pas ressortissant a le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales dans l’État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État. [...]

2.   [...] [T]out citoyen de l’Union résidant dans un État membre dont il n’est pas ressortissant a le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans l’État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État. [...] »

La Charte

9 L’article 39 de la Charte, intitulé « Droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen », dispose, à son paragraphe 1 :

« Tout citoyen de l’Union a le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans l’État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État. »

L’accord de retrait

10 L’accord de retrait a été approuvé au nom de l’Union et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA) par la décision 2020/135.

11 La première partie de cet accord, intitulée « Dispositions communes », comporte les articles 1er à 8 de celui-ci. Aux termes de l’article 2, sous c) et e), dudit accord :

« Aux fins du présent accord, on entend par :

[...]

c) “citoyen de l’Union”, toute personne ayant la nationalité d’un État membre ;

[...]

e) “période de transition”, la période prévue à l’[a]rticle 126 ».

12 La deuxième partie de l’accord de retrait, intitulée « Droits des citoyens », est composée des articles 9 à 39 de celui-ci. L’article 9, sous c) et d), de cet accord dispose :

« Aux fins de la présente partie, et sans préjudice du titre III, on entend par :

[...]

c) “État d’accueil” :

i) pour les citoyens de l’Union et les membres de leur famille, le Royaume-Uni, s’ils y ont exercé leur droit de séjour conformément au droit de l’Union avant la fin de la période de transition et continuent d’y résider par la suite ;

ii) pour les ressortissants du Royaume-Uni et les membres de leur famille, l’État membre dans lequel ils ont exercé leur droit de séjour conformément au droit de l’Union avant la fin de la période de transition et dans lequel ils continuent de résider par la suite ;

d) “État de travail” :

i) pour les citoyens de l’Union, le Royaume-Uni, s’ils y ont exercé une activité économique en tant que travailleurs frontaliers avant la fin de la période de transition et continuent de le faire par la suite ;

ii) pour les ressortissants du Royaume-Uni, un État membre dans lequel ils ont exercé une activité économique en tant que travailleurs frontaliers avant la fin de la période de transition et dans lequel ils continuent de le faire par la suite ».

13 L’article 10 dudit accord, intitulé « Champ d’application personnel », prévoit :

« 1.   Sans préjudice du titre III, la présente partie s’applique aux personnes suivantes :

a) les citoyens de l’Union qui ont exercé leur droit de résider au Royaume-Uni conformément au droit de l’Union avant la fin de la période de transition et qui continuent d’y résider par la suite ;

b) les ressortissants du Royaume-Uni qui ont exercé leur droit de résider dans un État membre conformément au droit de l’Union avant la fin de la période de transition et qui continuent d’y résider par la suite ;

[...] »

14 L’article 12 de l’accord de retrait, intitulé « Non-discrimination », énonce :

« Dans le champ d’application de la présente partie, et sans préjudice des dispositions particulières qu’elle prévoit, toute discrimination exercée en raison de la nationalité au sens de l’[a]rticle 18, premier alinéa, [TFUE] est interdite dans l’État d’accueil et dans l’État de travail à l’égard des personnes visées à l’[a]rticle 10 du présent accord. »

15 Les articles 13 à 39 de cet accord comportent les dispositions qui précisent le contenu des droits dont jouissent les personnes visées par la deuxième partie dudit accord.

16 L’article 126 du même accord, intitulé « Période de transition », dispose :

« Une période de transition ou de mise en œuvre est fixée, laquelle commence à la date d’entrée en vigueur du présent accord et se termine le 31 décembre 2020. »

17 L’article 127 de l’accord de retrait, intitulé « Portée des dispositions transitoires », prévoit :

« 1.   Sauf disposition contraire du présent accord, le droit de l’Union est applicable au Royaume-Uni et sur son territoire pendant la période de transition.

Toutefois, les dispositions suivantes des traités et des actes adoptés par les institutions, organes et organismes de l’Union ne sont pas applicables au Royaume-Uni et sur son territoire pendant la période de transition :

[...]

b) l’[a]rticle 11, paragraphe 4, [TUE], l’[a]rticle 20, paragraphe 2, [sous] b), l’[a]rticle 22 et l’[a]rticle 24, premier alinéa, [TFUE], les articles 39 et 40 de la [Charte], ainsi que les actes adoptés sur la base de ces dispositions.

[...]

6.   Sauf disposition contraire du présent accord, pendant la période de transition, toute référence aux États membres dans le droit de l’Union applicable en vertu du paragraphe 1, y compris dans sa mise en œuvre et son application par les États membres, s’entend comme incluant le Royaume-Uni. »

18 En vertu de l’article 185 de cet accord, ce dernier est entré en vigueur le 1er février 2020. Il ressort, par ailleurs, du quatrième alinéa de cet article que la deuxième partie dudit accord s’applique à compter de la fin de la période de transition.

L’acte électoral

19 Aux termes de l’article 1er de l’acte électoral :

«1.   Dans chaque État membre, les membres du Parlement européen sont élus au scrutin, de liste ou de vote unique transférable, de type proportionnel.

2.   Les États membres peuvent autoriser le scrutin de liste préférentiel selon des modalités qu’ils arrêtent.

3.   L’élection se déroule au suffrage universel direct, libre, et secret. »

20 Conformément à l’article 7, premier alinéa, de cet acte, sous réserve des dispositions de celui-ci, la procédure électorale est régie, dans chaque État membre, par les dispositions nationales.

Le droit français

21 L’article 2 de loi no 77‑729, du 7 juillet 1977, relative à l’élection des représentants au Parlement européen (JORF du 8 juillet 1977, p. 3579), telle que modifiée par la loi no 2018‑509, du 25 juin 2018 (JORF du 26 juin 2018, texte no 1) (ci-après la « loi no 77‑729 »), prévoit :

« L’élection des représentants au Parlement européen prévue par l’[acte électoral] rendu applicable en vertu de la loi no 77‑680 du 30 juin 1977 [autorisant l’approbation des dispositions annexées à la décision du Conseil des communautés européennes du 20 septembre 1976 et relatives à l’élection des représentants au Parlement européen (JORF du 1er juillet 1977, p. 3479)] est régie par le titre Ier du livre Ier du code électoral et par les dispositions des chapitres suivants. Le délai de deux mois
prévu au premier alinéa de l’article L. 118‑2 du même code est porté à quatre mois.

Toutefois, les électeurs français résidant dans un autre État de l’Union européenne ne participent pas au scrutin en France, ni à celui organisé dans les conditions prévues à l’article 23 de la présente loi, s’ils ont été admis à exercer leur droit de vote pour l’élection des représentants au Parlement européen de leur État de résidence. »

22 L’article 2‑1 de la loi no 77‑729 dispose :

« Les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne autre que la France résidant sur le territoire français peuvent participer à l’élection des représentants de la France au Parlement européen dans les mêmes conditions que les électeurs français, sous réserve des modalités particulières prévues, en ce qui les concerne, par la présente loi.

Les personnes visées au premier alinéa sont considérées comme résidant en France si elles y ont leur domicile réel ou si leur résidence y a un caractère continu. »

23 L’article 2‑2 de la loi no 77‑729 énonce :

« Pour exercer leur droit de vote, les personnes visées à l’article 2‑1 doivent être inscrites, à leur demande, sur une liste électorale complémentaire. Elles peuvent demander leur inscription si elles jouissent de leur capacité électorale dans leur État d’origine et si elles remplissent les conditions légales autres que la nationalité pour être électeurs et être inscrites sur une liste électorale en France. »

24 En vertu de l’article L 16, paragraphe III, 2°, du code électoral, tel que modifié par la loi no 2016‑1048, du 1er août 2016, rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales (JORF du 2 août 2016, texte no 3), l’INSEE est compétent pour radier du répertoire électoral unique les électeurs décédés et les électeurs qui n’ont plus le droit de vote.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

25 EP, ressortissante du Royaume-Uni, réside en France depuis 1984 et est mariée à un citoyen français. Elle n’a pas demandé ou obtenu la nationalité française.

26 À la suite de l’entrée en vigueur de l’accord de retrait, le 1er février 2020, EP a été radiée, avec effet à cette date, des listes électorales en France. Elle n’a ainsi pas été autorisée à participer aux élections municipales qui s’y sont déroulées le 15 mars 2020.

27 Le 6 octobre 2020, EP a déposé une demande visant à obtenir sa réinscription sur la liste électorale complémentaire à l’usage des citoyens non français de l’Union.

28 Par décision du 7 octobre 2020, le maire de la commune de Thoux (France) a rejeté cette demande.

29 Le 9 novembre 2020, EP a saisi le tribunal judiciaire d’Auch (France), qui est la juridiction de renvoi, afin de contester cette décision. Cette juridiction a saisi la Cour d’une demande de décision préjudicielle concernant le droit de vote et d’éligibilité des ressortissants du Royaume-Uni aux élections municipales et européennes organisées en France, à laquelle la Cour a répondu par l’arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers I (C‑673/20, EU:C:2022:449).

30 À la suite de cet arrêt, EP a demandé à la juridiction de renvoi de saisir de nouveau la Cour d’une demande de décision préjudicielle afin que celle-ci se prononce sur la question de la validité de l’accord de retrait dans le cadre spécifique des élections au Parlement européen.

31 EP admet qu’il résulte de l’arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers I (C‑673/20, EU:C:2022:449), que les ressortissants du Royaume-Uni ont perdu la citoyenneté européenne ainsi que le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales dans leur État membre de résidence.

32 Devant la juridiction de renvoi, EP fait valoir que la Cour n’a pas encore statué sur la question du droit de vote et d’éligibilité des ressortissants du Royaume-Uni aux élections au Parlement européen dans leur État membre de résidence et qu’il conviendrait, dans ce contexte, de prendre en considération l’arrêt de la Cour EDH du 18 février 1999, Matthews c. Royaume-Uni (CE:ECHR:1999:0218JUD002483394), ainsi que l’arrêt du 12 septembre 2006, Espagne/Royaume-Uni (C‑145/04, EU:C:2006:543).

33 Selon la juridiction de renvoi, il ressortirait de ces arrêts qu’une personne ayant une résidence stable sur le territoire de l’Union pourrait être considérée comme appartenant à un « corps législatif », en l’occurrence européen. Dans ce contexte, les mesures que les États peuvent adopter pour restreindre le droit de vote devraient être proportionnées à l’objectif poursuivi sans atteindre la substance même de ce droit et le priver de son effectivité. Or, l’application des dispositions de l’accord
de retrait au cas d’espèce porterait une atteinte disproportionnée au droit fondamental de vote d’EP.

34 Dans ces conditions, le tribunal judiciaire d’Auch a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) La décision [2020/135] n’est‑elle pas partiellement invalide en ce que [l’accord de retrait] méconnaît les articles 1er, 7, 11, 21, 39 et 41 de la [Charte], l’article 6[,paragraphe 3, TUE] et le principe de proportionnalité de l’article 52 de cette Charte, en tant qu’il ne comporte pas de stipulation permettant de conserver le droit de vote aux élections européennes pour les [ressortissants du Royaume-Uni], ayant exercé leur libre circulation et leur libre installation sur le territoire d’un
autre État membre, autorisant ou non la double nationalité, notamment pour ceux demeurant sur le territoire d’un autre État membre depuis plus de quinze ans soumis à la loi [du Royaume-Uni] dite “15 year rule”, aggravant ainsi la privation à tout droit de vote, pour des personnes n’ayant pas eu le droit de s’opposer par un vote à la perte de leur citoyenneté européenne et également pour ceux ayant prêté serment d’allégeance à la Couronne [du Royaume-Uni] ?

2) La décision [2020/135], [l’accord de retrait], l’article 1er de l’ [acte électoral], l’arrêt [du 12 septembre 2006, Espagne/Royaume-Uni (C‑145/04, EU:C:2006:543)], les articles 1er, 7, 11, 21, 39 et 41 de la [Charte], l’article 6[, paragraphe 3, TUE] et l’arrêt [du 9 juin 2022, Préfet du Gers I (C‑673/20, EU:C:2022:449)], doivent-ils être interprétés en tant qu’ils privent les anciens citoyens de l’Union ayant exercé leur droit à la libre circulation et à la libre installation sur le
territoire de l’Union européenne du droit de vote et d’éligibilité aux élections européennes dans un État membre, ainsi que plus particulièrement les anciens citoyens de l’Union européenne n’ayant plus le moindre droit de vote du fait de l’exercice de leur vie privée et familiale sur le territoire de l’Union depuis plus de quinze ans et n’ayant pu s’opposer par un vote au retrait de leur État membre de l’Union européenne entraînant la perte de leur citoyenneté européenne ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la seconde question

35 Par sa seconde question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’accord de retrait, lu à la lumière de la Charte, doit être interprété en ce sens que, depuis le retrait du Royaume-Uni de l’Union, le 1er février 2020, les ressortissants de cet État qui ont exercé leur droit de résider dans un État membre avant la fin de la période de transition, ne bénéficient plus d’un droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans
leur État membre de résidence.

36 À titre liminaire, il importe de préciser que, en l’occurrence, EP n’a la nationalité d’aucun État membre et que, dès lors, elle n’est pas citoyen de l’Union, au sens ni de l’article 9 TUE ni de l’article 2, sous c), de l’accord de retrait. Elle a, en revanche, exercé son droit de résider dans un État membre avant la fin de la période de transition allant, conformément à l’article 2, sous e), de cet accord, lu en combinaison avec l’article 126 de celui‑ci, du 1er février au 31 décembre 2020.

37 Or, la Cour a déjà jugé, au point 83 de son arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers I (C‑673/20, EU:C:2022:449), que les articles 9 et 50 TUE, ainsi que les articles 20 à 22 TFUE, lus en combinaison avec l’accord de retrait, doivent être interprétés en ce sens que, depuis le retrait du Royaume-Uni de l’Union, le 1er février 2020, les ressortissants de cet État qui ont exercé leur droit de résider dans un État membre avant la fin de cette période de transition, ne bénéficient plus du statut de
citoyen de l’Union ni, plus particulièrement, au titre de l’article 20, paragraphe 2, sous b), et de l’article 22 TFUE, du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales dans leur État membre de résidence, y compris lorsqu’ils sont également privés, en vertu du droit de l’État dont ils sont ressortissants, du droit de vote aux élections organisées par ce dernier État.

38 Il convient dès lors de déterminer si cette interprétation s’impose également s’agissant du droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen des ressortissants du Royaume-Uni, tel qu’EP, dans leur État membre de résidence.

39 À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que, conformément à l’article 9 TUE et à l’article 20 TFUE, la citoyenneté de l’Union requiert la possession de la nationalité d’un État membre (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers I, C‑673/20, EU:C:2022:449, points 46 à 48).

40 L’article 20, paragraphe 2, ainsi que les articles 21 et 22 TFUE attachent une série de droits au statut de citoyen de l’Union, qui, selon une jurisprudence constante, a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers I, C‑673/20, EU:C:2022:449, points 49 et 50 ainsi que jurisprudence citée).

41 Les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants bénéficient, notamment, en vertu de l’article 20, paragraphe 2, sous b), et de l’article 22, paragraphe 2, TFUE, du droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans leur État membre de résidence. L’article 39 de la Charte reconnaît également ce droit. Aucune de ces dispositions ne consacre, en revanche, ledit droit en faveur des ressortissants d’États tiers.

42 Or, comme la Cour l’a déjà jugé, la circonstance qu’un particulier ait, lorsque l’État dont il est ressortissant était un État membre, exercé son droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire d’un autre État membre n’est pas de nature à lui permettre de conserver le statut de citoyen de l’Union et l’ensemble des droits qui y sont attachés par le traité FUE si, à la suite du retrait de son État d’origine de l’Union, il ne possède plus la nationalité d’un État membre (arrêt du
9 juin 2022, Préfet du Gers I, C‑673/20, EU:C:2022:449, point 52).

43 Les traités de l’Union ayant cessé, en vertu de l’article 50, paragraphe 3, TUE, d’être applicables au Royaume-Uni à la date de l’entrée en vigueur de l’accord de retrait, à savoir le 1er février 2020, les ressortissants de cet État ont perdu, depuis cette date, le statut de citoyen de l’Union. En conséquence, ils ne bénéficient plus, au titre de l’article 20, paragraphe 2, sous b), et de l’article 22 TFUE, ni du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales dans leur État membre de
résidence (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers I, C‑673/20, EU:C:2022:449, points 55 et 58) ni du droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans cet État membre.

44 Compte tenu des interrogations de la juridiction de renvoi, il convient, d’une part, de préciser que cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance qu’un ressortissant du Royaume-Uni, tel qu’EP, est privé du droit de vote au Royaume-Uni en vertu d’une règle du droit de cet État selon laquelle un ressortissant de ce dernier qui réside depuis plus de quinze ans à l’étranger n’est plus en droit de participer aux élections dans ledit État.

45 En effet, cette règle relève d’un choix de droit électoral opéré par cet ancien État membre, désormais État tiers. En outre, la perte, par les ressortissants de celui-ci, du statut de citoyen de l’Union, et, par voie de conséquence, du droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans leur État membre de résidence est une conséquence automatique de la seule décision prise souverainement par le Royaume‑Uni de se retirer de l’Union, en vertu de l’article 50, paragraphe 1, TUE
et de devenir ainsi un État tiers à celle-ci. Dès lors, ni les autorités compétentes des États membres ni les juridictions de ceux‑ci ne sauraient être tenues de procéder à un examen individuel des conséquences de la perte du statut de citoyen de l’Union pour la personne concernée, au regard du principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers I, C‑673/20, EU:C:2022:449, points 59 à 62).

46 D’autre part, l’article 1er de l’acte électoral, lu en combinaison avec l’article 7 de celui-ci, ne fait que confirmer, à son paragraphe 1, que les membres du Parlement européen sont élus selon les modalités précisées à cet article 1er. Un ressortissant du Royaume-Uni, tel qu’EP, ne saurait dès lors, après le retrait de cet État de l’Union, bénéficier d’un droit de vote aux élections au Parlement européen dans son État membre de résidence sur le fondement dudit article 1er.

47 En second lieu, il importe de relever que, à l’instar du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers I (C‑673/20, EU:C:2022:449), l’accord de retrait ne contient aucune disposition conférant aux ressortissants du Royaume-Uni qui ont exercé leur droit de résider dans un État membre conformément au droit de l’Union avant la fin de la période de transition, un droit de vote et d’éligibilité aux élections
au Parlement européen dans leur État membre de résidence.

48 Par conséquent, les États membres n’étaient plus tenus, à compter du 1er février 2020, d’assimiler les ressortissants du Royaume-Uni aux ressortissants d’un État membre aux fins de l’application de l’article 20, paragraphe 2, sous b), et de l’article 22 TFUE ainsi que des articles 39 et 40 de la Charte, ni, partant, d’accorder aux ressortissants du Royaume-Uni résidant sur leur territoire le droit, reconnu par ces dispositions aux personnes ayant, en tant que ressortissantes d’un État membre, le
statut de citoyen de l’Union, de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen ainsi qu’aux élections municipales (arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers I, C‑673/20, EU:C:2022:449, point 71).

49 Cette interprétation de l’accord de retrait ne saurait être remise en cause ni par les diverses dispositions du droit primaire de l’Union ni par la jurisprudence mentionnées par la juridiction de renvoi.

50 À cet égard, il convient de préciser, d’emblée, que, si, comme le confirme l’article 6, paragraphe 3, TUE, les droits fondamentaux consacrés par la CEDH font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux et si l’article 52, paragraphe 3, de la Charte dispose que les droits contenus dans celle-ci correspondant à des droits garantis par la CEDH ont le même sens et la même portée que ceux que leur confère ladite convention, cette dernière ne constitue pas, tant que l’Union n’y a pas
adhéré, un instrument juridique formellement intégré à l’ordre juridique de l’Union (arrêt du 16 juillet 2020, Facebook Ireland et Schrems, C‑311/18, EU:C:2020:559, point 98 ainsi que jurisprudence citée).

51 Dans ces conditions, la Cour a jugé que l’interprétation du droit de l’Union ainsi que l’examen de la validité des actes de l’Union doivent être opérés au regard des droits fondamentaux garantis par la Charte (arrêt du 16 juillet 2020, Facebook Ireland et Schrems, C‑311/18, EU:C:2020:559, point 99 ainsi que jurisprudence citée).

52 Cela étant précisé, s’agissant, premièrement, de l’article 21 de la Charte consacrant le principe de non-discrimination, également prévu à l’article 18, premier alinéa, TFUE, il importe de rappeler que l’interdiction, énoncée à l’article 12 de l’accord de retrait, de toute discrimination exercée en raison de la nationalité, au sens de cet article 18, premier alinéa, dans l’État d’accueil, au sens de l’article 9, sous c), de cet accord, et dans l’État de travail, tel que défini à l’article 9,
sous d), de celui‑ci, à l’égard des personnes visées à l’article 10 dudit accord, concerne, selon les termes mêmes de cet article 12, la deuxième partie du même accord (arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers I, C‑673/20, EU:C:2022:449, point 76).

53 Or, force est de constater que, à l’instar du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales dans l’État membre de résidence des ressortissants du Royaume-Uni, visés à l’article 10, sous b), de l’accord de retrait, le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen de ces ressortissants n’entre pas dans le champ d’application de la deuxième partie de cet accord.

54 Ainsi, un ressortissant du Royaume-Uni, tel qu’EP, qui a exercé son droit de résider dans un État membre conformément au droit de l’Union avant la fin de la période de transition et qui continue d’y résider par la suite, ne saurait utilement se prévaloir de l’interdiction de discrimination mentionnée au point 52 du présent arrêt, ou encore de l’article 21 de la Charte, pour revendiquer le droit de vote et d’éligibilité au Parlement européen dans son État membre de résidence, dont il se trouve
privé à la suite de la décision souveraine du Royaume-Uni de se retirer de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers I, C‑673/20, EU:C:2022:449, point 77).

55 Par ailleurs, il importe encore de préciser que l’article 18, premier alinéa, TFUE n’a pas vocation à s’appliquer dans le cas d’une éventuelle différence de traitement entre les ressortissants des États membres et ceux des États tiers (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers I, C‑673/20, EU:C:2022:449, point 78 et jurisprudence citée).

56 Deuxièmement, en ce qui concerne l’article 39 de la Charte, il y a lieu d’observer que cet article compte parmi les dispositions du droit de l’Union qui ne s’appliquent pas aux ressortissants du Royaume-Uni, que ce soit pendant la période de transition ou par la suite (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers I, C‑673/20, EU:C:2022:449, points 70 et 75). Dès lors, ces ressortissants ne sauraient revendiquer un droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans
leur État membre de résidence sur le fondement d’une interprétation de l’accord de retrait à la lumière dudit article 39.

57 Troisièmement, quant aux articles 1er, 7, 11 et 41 de la Charte mentionnés par la juridiction de renvoi, il suffit de constater que, sous peine de méconnaître les termes mêmes de l’article 20, paragraphe 2, sous b), et de l’article 22, paragraphe 2, TFUE, de l’article 39 de la Charte ainsi que des dispositions de l’accord de retrait, un ressortissant du Royaume‑Uni, tel qu’EP, ne saurait non plus revendiquer, sur le fondement d’une interprétation de cet accord à la lumière de ces articles 1er, 7,
11 et 41, le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen organisées dans son État membre de résidence.

58 Quatrièmement et enfin, s’agissant de l’arrêt du 12 septembre 2006, Espagne/Royaume-Uni (C‑145/04, EU:C:2006:543), visé par la juridiction de renvoi, force est de relever que la jurisprudence issue de cet arrêt n’est pas transposable à une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal.

59 En effet, dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, la Cour était interrogée sur le point de savoir si un État membre pouvait, compte tenu de l’état du droit communautaire au moment des faits, octroyer le droit de vote aux élections au Parlement européen à des personnes qui n’étaient pas des citoyens de l’Union, mais qui résidaient sur son territoire.

60 C’est dans ce contexte que la Cour a jugé, au point 78 du même arrêt, que, « en l’état actuel du droit communautaire, la détermination des titulaires du droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen ressortit à la compétence de chaque État membre dans le respect du droit communautaire, et que les articles 189 CE, 190 CE, 17 CE et 19 CE ne s’opposent pas à ce que les États membres octroient ce droit de vote et d’éligibilité à des personnes déterminées ayant des liens étroits
avec eux, autres que leurs propres ressortissants ou que les citoyens de l’Union résidant sur leur territoire ».

61 À la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 septembre 2006, Espagne/Royaume-Uni (C‑145/04, EU:C:2006:543), la présente affaire porte non pas sur la question de savoir si les États membres peuvent accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen à des personnes qui ne sont pas des citoyens de l’Union, mais sur celle de savoir si ces États membres sont tenus d’accorder ce droit à des personnes qui ne sont plus des citoyens de l’Union, à savoir les
ressortissants du Royaume‑Uni résidant sur leur territoire, après le retrait de cet État de l’Union le 1er février 2020.

62 Eu égard aux motifs qui précédent, il convient de répondre à la seconde question que l’accord de retrait, lu à la lumière de la Charte, doit être interprété en ce sens que, depuis le retrait du Royaume-Uni de l’Union, le 1er février 2020, les ressortissants de cet État qui ont exercé leur droit de résider dans un État membre avant la fin de la période de transition, ne bénéficient plus d’un droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans leur État membre de résidence.

Sur la première question

63 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, au regard de l’article 6, paragraphe 3, TUE, des articles 1er, 7, 11, 21, 39 et 41 de la Charte ainsi que du principe de proportionnalité, la décision 2020/135 est entachée d’invalidité dans la mesure où l’accord de retrait ne confère pas aux ressortissants du Royaume-Uni qui ont exercé leur droit de résider dans un État membre avant la fin de la période de transition le droit de vote et d’éligibilité aux élections au
Parlement européen dans leur État membre de résidence.

64 À cet égard, en ce qui concerne, premièrement, l’examen de la validité de la décision 2020/135 au regard de l’article 6, paragraphe 3, TUE et des articles 1er, 7, 11, 21, 39 et 41 de la Charte, il a été relevé aux points 50 à 57 du présent arrêt qu’un ressortissant du Royaume-Uni, qui a exercé, avant la fin de la période de transition, son droit de résider dans un État membre conformément au droit de l’Union et qui continue d’y résider par la suite, ne peut pas se prévaloir, au titre de l’accord
de retrait et de ces articles de la Charte, du droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans son État membre de résidence.

65 Dans ces conditions, la décision 2020/135 ne saurait être considérée comme étant contraire auxdits articles de la Charte, en ce que l’accord de retrait qu’elle a approuvé ne confère pas aux ressortissants de cet ancien État membre, désormais État tiers, qui ont exercé leur droit de résider dans un État membre avant la fin de la période de transition, le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans leur État membre de résidence.

66 En ce qui concerne, deuxièmement, l’examen de la validité de la décision 2020/135 au regard du principe de proportionnalité, il importe de souligner qu’aucun élément du dossier dont dispose la Cour ne permet de considérer que l’Union, en tant que partie contractante de l’accord de retrait, aurait excédé les limites de son pouvoir d’appréciation dans la conduite des relations extérieures, en n’ayant pas exigé que, dans cet accord, un droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement
européen dans l’État membre de résidence soit prévu au bénéfice des ressortissants du Royaume-Uni ayant exercé leur droit de résider dans un État membre avant la fin de la période de transition.

67 À cet égard, les institutions de l’Union disposent d’une grande latitude de décision politique dans la conduite des relations extérieures. Dans l’exercice de leurs prérogatives dans ce domaine, ces institutions peuvent conclure des accords internationaux fondés, notamment, sur le principe de la réciprocité et des avantages mutuels (arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers I, C‑673/20, EU:C:2022:449, point 99 et jurisprudence citée).

68 Ainsi, celles‑ci ne sont pas tenues d’accorder, de manière unilatérale, aux ressortissants des pays tiers, des droits tels que le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans l’État membre de résidence, réservé, au demeurant, aux seuls citoyens de l’Union, au titre de l’article 20, paragraphe 2, sous b), de l’article 22 TFUE et de l’article 39 de la Charte (voir, par analogie, arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers I, C‑673/20, EU:C:2022:449, point 99).

69 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Conseil de l’Union européenne d’avoir, par la décision 2020/135, approuvé l’accord de retrait alors que ce dernier ne confère pas aux ressortissants du Royaume-Uni le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans leur État membre de résidence, que ce soit pendant la période de transition ou par la suite.

70 Troisièmement, s’agissant de la circonstance, évoquée par la juridiction de renvoi, que certains ressortissants du Royaume-Uni, tels qu’EP, sont privés de leur droit de vote au Royaume-Uni en application de la règle, visée au point 44 du présent arrêt, selon laquelle un ressortissant de cet État qui réside depuis plus de quinze ans à l’étranger n’est plus en droit de participer aux élections dans ledit État, il convient de relever que cette circonstance trouve sa seule origine dans une
disposition du droit d’un État tiers, et non dans le droit de l’Union. Dès lors, celle-ci n’est pas pertinente aux fins de l’appréciation de la validité de la décision 2020/135 (arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers I, C‑673/20, EU:C:2022:449, point 101).

71 Il s’ensuit que l’examen de la première question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de la décision 2020/135.

Sur les dépens

72 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

  1) L’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique, adopté le 17 octobre 2019 et entré en vigueur le 1er février 2020, lu à la lumière de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens que, depuis le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne, le 1er février 2020, les ressortissants de cet État qui ont exercé
leur droit de résider dans un État membre avant la fin de la période de transition, ne bénéficient plus d’un droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans leur État membre de résidence.

  2) L’examen de la première question préjudicielle n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de la décision (UE) 2020/135 du Conseil, du 30 janvier 2020, relative à la conclusion de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : C-716/22
Date de la décision : 18/04/2024
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le tribunal judiciaire d’Auch.

Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Ressortissant du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord résidant dans un État membre – Articles 20 et 22 TFUE – Droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans l’État membre de résidence – Article 50 TUE – Accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique – Conséquences du retrait d’un État membre de l’Union – Radiation des listes électorales dans l’État membre de résidence – Article 39 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Validité de la décision (UE) 2020/135.

Principes, objectifs et mission des traités

Charte des droits fondamentaux

Droits fondamentaux

Dispositions institutionnelles

Dispositions générales


Parties
Demandeurs : EP
Défendeurs : Préfet du Gers et Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Composition du Tribunal
Avocat général : Collins
Rapporteur ?: Jääskinen

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:339

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