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21/12/2023 | CJUE | N°C-397/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, LM., 21/12/2023, C-397/22


 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

21 décembre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2002/584/JAI – Mandat d’arrêt européen – Article 4 bis, paragraphe 1 – Procédure de remise entre États membres – Conditions d’exécution – Motifs de non-exécution facultative – Exceptions – Exécution obligatoire – Peine prononcée par défaut – Notion de “procès qui a mené à la décision” – Intéressé n’ayant comparu en personne ni en première inst

ance ni en appel – Réglementation nationale prévoyant une
interdiction absolue de remise de l’intéressé dans le cas d’une décision prono...

 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

21 décembre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2002/584/JAI – Mandat d’arrêt européen – Article 4 bis, paragraphe 1 – Procédure de remise entre États membres – Conditions d’exécution – Motifs de non-exécution facultative – Exceptions – Exécution obligatoire – Peine prononcée par défaut – Notion de “procès qui a mené à la décision” – Intéressé n’ayant comparu en personne ni en première instance ni en appel – Réglementation nationale prévoyant une
interdiction absolue de remise de l’intéressé dans le cas d’une décision prononcée par défaut – Obligation d’interprétation conforme »

Dans l’affaire C‑397/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne), par décision du 14 juin 2022, parvenue à la Cour le 15 juin 2022, dans la procédure relative à l’exécution du mandat d’arrêt européen émis contre

LM

en présence de :

Generalstaatsanwaltschaft Berlin,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. F. Biltgen (rapporteur), président de chambre, M. N. Wahl et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller, P. Busche, M. Hellmann et R. Kanitz, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mme S. Grünheid et M. H. Leupold, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre 2002/584 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre de la procédure relative à l’exécution, en Allemagne, du mandat d’arrêt européen émis contre un ressortissant polonais en vue de l’exécution, en Pologne, d’une peine privative de liberté.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 1er de la décision-cadre 2002/584, intitulé « Définition du mandat d’arrêt européen et obligation de l’exécuter », dispose :

« 1.   Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2.   Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

3.   La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [UE]. »

4 L’article 4 bis, paragraphe 1, de cette décision-cadre, intitulé « Décisions rendues à l’issue d’un procès auquel l’intéressé n’a pas comparu en personne », est libellé comme suit :

« L’autorité judiciaire d’exécution peut également refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, si l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision, sauf si le mandat d’arrêt européen indique que l’intéressé, conformément aux autres exigences procédurales définies dans la législation nationale de l’État membre d’émission :

a) en temps utile,

i) soit a été cité à personne et a ainsi été informé de la date et du lieu fixés pour le procès qui a mené à la décision, soit a été informé officiellement et effectivement par d’autres moyens de la date et du lieu fixés pour ce procès, de telle sorte qu’il a été établi de manière non équivoque qu’il a eu connaissance du procès prévu ;

et

ii) a été informé qu’une décision pouvait être rendue en cas de non-comparution ;

[...] »

Le droit allemand

5 L’article 83, paragraphe 1, point 3, du Gesetz über die internationale Rechtshilfe in Strafsachen (loi sur l’entraide judiciaire internationale en matière pénale), du 23 décembre 1982 (BGBl. 1982 I, p. 2071), dans sa version publiée le 27 juin 1994 (BGBl. 1994 I, p. 1537) (ci-après l’« IRG »), prévoit :

« L’extradition est exclue lorsque :

[...]

3. en cas de demande aux fins de l’exécution d’une peine, la personne condamnée n’a pas comparu en personne à l’audience au procès qui a mené à la condamnation [...] »

Le droit polonais

6 L’article 139, paragraphe 1, du Kodeks postępowania karnego (code de procédure pénale) prévoit, en substance, la possibilité d’effectuer une signification à l’adresse connue d’une personne qui n’a pas communiqué sa nouvelle adresse.

7 En vertu de l’article 75, paragraphe 1, du code de procédure pénale, la personne en cause est tenue de communiquer sa nouvelle adresse en cas de changement de domicile dans le cadre d’une procédure pénale.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

8 Le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne), qui est la juridiction de renvoi, a été saisi par les autorités polonaises d’une demande visant à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis le 26 juillet 2021 contre un ressortissant polonais par le Sąd Okręgowy w Poznaniu (tribunal régional de Poznań, Pologne). Ce mandat d’arrêt européen tend à l’arrestation et à la remise de l’intéressé à ces autorités aux fins de l’exécution d’une peine privative de liberté de six
mois prononcée par le Sąd Rejonowy w Pile (tribunal d’arrondissement de Piła, Pologne), par un jugement du 25 février 2020, dont 5 mois et 29 jours restent encore à être exécutés par celui-ci.

9 Par un arrêt du 16 juin 2020, le Sąd Okręgowy w Poznaniu (tribunal régional de Poznań, Pologne) a rejeté l’appel interjeté par l’intéressé contre ce jugement sans procéder à un examen sur le fond de l’affaire.

10 Il est constant que l’intéressé n’a pas comparu en personne à son procès ni en première instance ni en appel et n’a pas non plus été représenté par un avocat.

11 L’intéressé a réceptionné la citation à comparaître en première instance et les motifs du jugement de première instance à l’adresse qu’il avait indiquée aux autorités polonaises compétentes lors de son arrestation comme étant celle de sa résidence permanente. En revanche, la citation à comparaître en appel, envoyée à cette adresse, a été réceptionnée non pas par l’intéressé, qui avait interjeté appel, mais par la compagne de celui-ci, résidant également à ladite adresse. Les autorités polonaises
n’ont pas été en mesure de prouver que celle-ci l’avait effectivement remise à l’intéressé.

12 Le 25 août 2021, l’intéressé a été arrêté à Berlin (Allemagne) et été placé en détention provisoire sur le fondement du mandat d’arrêt européen en cause au principal. Il a alors déclaré ne pas consentir à une procédure de remise simplifiée aux autorités polonaises.

13 Le 1er septembre 2021, la juridiction de renvoi a ordonné le placement de l’intéressé en détention en vue de sa remise aux autorités polonaises.

14 Après avoir obtenu auprès de l’autorité judiciaire d’émission concernée des précisions sur les circonstances exactes dans lesquelles l’intéressé avait été convoqué, la Generalstaatsanwaltschaft Berlin (parquet général de Berlin, Allemagne) a libéré l’intéressé et a demandé à la juridiction de renvoi d’annuler le mandat d’arrêt émis aux fins de l’extradition et de déclarer illicite la remise de l’intéressé au motif que l’article 83, paragraphe 1, point 3, de l’IRG, qui transpose dans le droit
allemand l’article 4 bis de la décision-cadre 2002/584, ferait obstacle à une telle remise.

15 Par une ordonnance du 24 septembre 2021, la juridiction de renvoi a levé le mandat d’arrêt émis aux fins d’extradition de l’intéressé, qui avait déjà été remis en liberté. Bien qu’elle estimât que la condition de la double incrimination du fait, à laquelle une telle remise est subordonnée et qui consiste à vérifier que les faits reprochés constituent une infraction dans les deux États membres amenés à coopérer, était satisfaite en l’occurrence, elle a décidé de surseoir à statuer sur la demande
visant à déclarer illicite la remise de l’intéressé.

16 En premier lieu, la juridiction de renvoi se demande si la circonstance que la citation à comparaître en appel adressée à l’intéressé ait été réceptionnée par la compagne de celui-ci satisfait les exigences prévues à l’article 4 bis, paragraphe 1, sous a), i), de la décision-cadre 2002/584.

17 La juridiction de renvoi considère, en effet, que la jurisprudence de la Cour issue de l’arrêt du 24 mai 2016, Dworzecki (C‑108/16 PPU, EU:C:2016:346), selon laquelle la réception d’une citation à comparaître par un membre adulte du ménage de l’intéressé ne suffit que si le mandat d’arrêt européen émis permet de s’assurer que, et, le cas échéant, quand, cette personne adulte a effectivement remis cette citation à l’intéressé, serait trop restrictive. Selon la juridiction de renvoi, il convient
plutôt de présumer que, en règle générale, les membres adultes d’un même ménage se remettent les envois qui leur sont respectivement destinés et que les autorités répressives, ignorant les événements internes au ménage concerné, ne peuvent donc prouver que la citation à comparaître a été effectivement remise à l’intéressé. À défaut d’une telle présomption, l’obstacle à une telle remise que constitue une condamnation par défaut serait « insurmontable ».

18 La juridiction de renvoi estime ainsi que la preuve que l’intéressé a effectivement pris connaissance de la citation à comparaître qui lui avait été signifiée devrait être considérée comme établie lorsque cette citation a été remise à une personne adulte cohabitant avec l’intéressé, à moins que ce dernier ne démontre le contraire de façon plausible.

19 En deuxième lieu, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si la notion de « procès qui a mené à la décision », figurant à l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, doit être interprétée en ce sens qu’elle vise le procès qui a précédé la décision de première instance si l’appel interjeté par l’intéressé a été rejeté sans qu’un examen ait été effectué sur le fond.

20 La juridiction de renvoi rappelle la jurisprudence de la Cour issue de l’arrêt du 10 août 2017, Tupikas (C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628), selon laquelle, en cas de procédure pénale comportant plusieurs instances, cette notion vise le procès dans le cadre duquel il a été statué définitivement sur la culpabilité de l’intéressé ainsi que sur la condamnation de ce dernier à une peine à la suite d’un nouvel examen, en fait comme en droit, de l’affaire sur le fond, c’est-à-dire la dernière instance au
fond.

21 La juridiction de renvoi en déduit que, en l’occurrence, c’est la procédure devant la juridiction statuant en appel, à laquelle l’intéressé n’a pas participé, qui est déterminante aux fins de l’application de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 et que, dans la mesure où l’intéressé n’a pas comparu en personne dans le cadre de cette procédure, il convient de déclarer illicite sa remise et de refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen en cause au principal.

22 Toutefois, la juridiction de renvoi émet des doutes sur l’applicabilité de la jurisprudence issue de cet arrêt dans une situation telle que celle en cause au principal, où l’intéressé aurait tenu en échec sa convocation à l’audience dans le cadre de la procédure d’appel.

23 À cet égard, la juridiction de renvoi estime, d’une part, que ne relèvent de la notion de « procès », au sens de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, que les procédures ayant donné lieu à un examen de l’affaire sur le fond. Or, il existerait des divergences dans l’organisation de la procédure d’appel dans les différents États membres, notamment s’agissant de l’obligation, pour le juge national, de procéder, en cas d’absence de l’intéressé, à un tel examen.

24 D’autre part, la juridiction de renvoi considère que, si l’appel est rejeté sans qu’un examen soit effectué sur le fond, le jugement rendu en première instance acquiert l’autorité de la chose jugée et est donc exécutoire, ce qui impliquerait que la remise de l’intéressé est, en réalité, demandée aux fins de l’exécution de ce jugement. Elle en déduit que l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que la notion de « procès », au sens de cette
disposition, vise la décision à exécuter.

25 En troisième lieu, la juridiction de renvoi se demande si le principe de primauté du droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale, telle que l’article 83, paragraphe 1, point 3, de l’IRG, qui érige la condamnation par défaut en « obstacle absolu » à la remise d’une personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen alors que l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, que cette réglementation nationale transpose dans le droit allemand, ne prévoit à cet égard qu’un
motif facultatif de refus.

26 Selon la juridiction de renvoi, cette dernière disposition n’a pas été pleinement transposée dans le droit allemand dès lors que l’article 83, paragraphe 1, point 3, de l’IRG ne prévoit pas la possibilité pour une autorité judiciaire d’exécution d’exercer un pouvoir d’appréciation en cas de condamnation par défaut.

27 La juridiction de renvoi relève que, dans l’arrêt du 24 juin 2019, Popławski (C‑573/17, EU:C:2019:530, points 69, 72, 73 et 76), la Cour a jugé que, si l’application directe de la décision-cadre 2002/584 est exclue, cette dernière étant dépourvue d’effet direct, il n’en demeure pas moins qu’une autorité judiciaire d’exécution est tenue d’interpréter le droit national conformément à cette décision-cadre afin d’atteindre le résultat visé par celle-ci, une interprétation contra legem de ce droit
étant toutefois exclue.

28 La juridiction de renvoi considère qu’elle n’est pas en mesure d’interpréter l’article 83, paragraphe 1, point 3, de l’IRG en ce sens qu’il lui conférerait, dans le cadre de l’examen de l’obstacle à la remise de l’intéressé, une marge d’appréciation qui lui permettrait de déclarer licite cette remise en dépit des exceptions prévues aux paragraphes 2 à 4 de cet article. Elle estime que, en application de l’article 4 bis, paragraphe 1, sous a) à d), de la décision-cadre 2002/584 et de la marge
d’appréciation dont elle est censée disposer à cet égard, elle devrait pouvoir considérer que, au regard des circonstances de l’espèce, le droit d’être entendu de l’intéressé a été dûment respecté même s’il n’a pas comparu en personne dans le cadre de la procédure d’appel et que la remise de ce dernier est donc licite.

29 Dans ces conditions, le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Convient-il toujours d’interpréter l’article 4 bis, paragraphe 1, sous a), i), de la [décision-cadre 2002/584] en ce sens que, lorsque la citation à comparaître est signifiée par remise à une personne adulte cohabitant avec l’intéressé, il appartient à l’autorité judiciaire d’émission concernée d’apporter la preuve de ce que l’intéressé a effectivement reçu cette citation, ou convient-il d’interpréter cette disposition en ce sens que la signification entre les mains de cette personne adulte
établit que l’intéressé avait effectivement connaissance de ladite citation, à moins que ce dernier n’expose de façon plausible que tel n’est pas le cas et pourquoi ?

2) Convient-il d’interpréter la notion de « procès » utilisée à l’article 4 bis, paragraphe 1, de la [décision-cadre 2002/584] en ce sens que, dans le cas où il y a eu appel, elle vise le procès qui a précédé la décision de première instance si seule la personne poursuivie a interjeté appel et que cet appel a été rejeté sans qu’un examen ait été effectué sur le fond ?

3) Le fait que, à l’article 83, paragraphe 1, point 3, [de l’IRG], le législateur allemand a érigé la condamnation par défaut en obstacle absolu à la remise de l’intéressé alors que l’article 4 bis, paragraphe 1, de la [décision-cadre 2002/584] ne prévoit à cet égard qu’un motif facultatif de refus est-il compatible avec le principe de la primauté du droit de l’Union ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

30 Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 4 bis, paragraphe 1, sous a), i), de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une citation à comparaître est signifiée à l’intéressé par la remise de celle-ci à une personne adulte cohabitant avec lui, l’intéressé doit être considéré comme ayant eu effectivement connaissance de cette citation à comparaître, à moins que celui-ci ne démontre de façon plausible le contraire,
ou bien appartient-il à l’autorité judiciaire d’émission concernée d’apporter la preuve que l’intéressé a effectivement reçu ladite citation à comparaître.

31 À cet égard, la Cour a jugé que la circonstance qu’une citation à comparaître a été remise à une tierce personne qui s’engage à remettre cette citation à l’intéressé ne permet d’établir sans équivoque ni le fait que l’intéressé a effectivement reçu l’information relative à la date et au lieu de son procès ni, le cas échéant, le moment précis de cette réception (arrêt du 24 mai 2016, Dworzecki, C‑108/16 PPU, EU:C:2016:346, point 47).

32 Ainsi, ne satisfait pas à elle seule aux conditions énoncées à l’article 4 bis, paragraphe 1, sous a), i), de la décision-cadre 2002/584 une citation à comparaître qui a été signifiée non pas directement à l’intéressé, mais par la remise, à l’adresse de ce dernier, à une personne adulte appartenant au foyer concerné qui s’est engagée à la lui remettre, sans que le mandat d’arrêt européen émis permette de s’assurer que, et, le cas échéant, quand, cette personne a effectivement remis cette citation
à l’intéressé (arrêt du 24 mai 2016, Dworzecki, C‑108/16 PPU, EU:C:2016:346, point 54).

33 La juridiction de renvoi estime qu’il conviendrait de s’écarter de la jurisprudence issue de cet arrêt, qu’elle juge trop restrictive. Elle fait valoir qu’il faudrait plutôt instaurer une présomption, tirée de ce que la personne adulte appartenant au foyer de l’intéressé remette effectivement à ce dernier la citation à comparaître qui lui est adressée, laquelle pourrait être renversée si l’intéressé démontre que tel n’a, en réalité, pas été le cas. À défaut d’une telle présomption, l’obstacle à
la remise de l’intéressé que constitue une condamnation par défaut serait, selon elle, « insurmontable ».

34 Il convient de constater que cette présomption est contraire à l’objectif de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, qui est de protéger la personne citée à comparaître en veillant à ce qu’elle dispose de l’information relative à la date et au lieu de son procès. Or, la Cour a itérativement jugé que, pour atteindre cet objectif, il doit être établi de manière non équivoque que cette tierce personne a effectivement remis la citation à l’intéressé (arrêt du 24 mai 2016,
Dworzecki, C‑108/16 PPU, EU:C:2016:346, points 46 et 48).

35 En tout état de cause, la jurisprudence issue dudit arrêt ne saurait être considérée comme étant trop restrictive.

36 En effet, il ressort de cette jurisprudence qu’une citation à comparaître remise à une personne adulte appartenant au foyer de l’intéressé, qui s’est engagée à remettre cette citation à ce dernier, ne satisfait aux conditions énoncées à l’article 4 bis, paragraphe 1, sous a), i), de la décision-cadre 2002/584 que lorsque le mandat d’arrêt européen émis permet de s’assurer que, et, le cas échéant, quand, cette personne a effectivement remis cette citation à l’intéressé.

37 Ainsi, il incombe à une autorité judiciaire d’émission d’indiquer, dans le mandat d’arrêt européen émis, les éléments sur le fondement desquels elle a constaté que l’intéressé avait officiellement et effectivement reçu les informations relatives à la date et au lieu de son procès (arrêt du 24 mai 2016, Dworzecki, C‑108/16 PPU, EU:C:2016:346, points 46 et 49).

38 En outre, la Cour a admis que, lorsqu’une autorité judiciaire d’exécution s’assure que les conditions figurant à l’article 4 bis, paragraphe 1, sous a), de la décision-cadre 2002/584 sont réunies, elle peut également s’appuyer sur d’autres circonstances lui permettant de s’assurer que la remise de la citation à comparaître à l’intéressé n’implique pas une violation des droits de la défense de ce dernier, notamment le comportement dont a fait preuve l’intéressé. C’est en effet à ce stade de la
procédure de remise qu’une attention particulière peut être accordée à un éventuel défaut manifeste de diligence de l’intéressé, notamment lorsqu’il apparaît qu’il a cherché à échapper à la signification de l’information qui lui était adressée (arrêt du 24 mai 2016, Dworzecki, C‑108/16 PPU, EU:C:2016:346, points 50 et 51).

39 Il s’ensuit que la circonstance que l’intéressé n’ait pas réceptionné la citation à comparaître en personne ne constitue pas un « obstacle absolu » à l’exécution du mandat d’arrêt européen émis contre lui. Il ne saurait d’ailleurs être exclu qu’une autorité judiciaire d’exécution parvienne, sur la base des informations fournies par l’autorité judiciaire d’émission concernée dans le mandat d’arrêt européen émis contre l’intéressé, à la conclusion qu’une telle citation respecte, en tout état de
cause, les conditions prévues à l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 ou bien que, compte tenu des circonstances caractérisant l’affaire concernée, les droits de la défense de l’intéressé ont été, malgré cette circonstance, dûment respectés et que la remise de l’intéressé est donc licite.

40 Par conséquent, il convient de répondre à la première question que l’article 4 bis, paragraphe 1, sous a), i), de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une citation à comparaître est signifiée à l’intéressé par la remise de celle-ci à une personne adulte cohabitant avec lui, il appartient à l’autorité judiciaire d’émission concernée d’apporter la preuve que l’intéressé a effectivement reçu cette citation à comparaître.

Sur la deuxième question

41 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, doit être interprété en ce sens que la notion de « procès ayant mené à la décision » figurant à cette disposition vise le procès qui a mené à la décision de première instance lorsque l’appel interjeté par l’intéressé a été rejeté sans qu’un examen de l’affaire ait été effectué sur le fond.

42 Autrement dit, la juridiction de renvoi demande si, lorsque, comme en l’occurrence, l’intéressé n’a pas comparu dans le cadre de la procédure d’appel ayant abouti à un jugement confirmant la décision prononcée en première instance, sans que l’affaire ait été réexaminée sur le fond, cette procédure relève de la notion de « procès ayant mené à la décision », au sens de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584.

43 Il importe de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion de « procès qui a mené à la décision », au sens de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, doit être appréhendée comme une notion autonome du droit de l’Union et interprétée de manière uniforme sur le territoire de cette dernière, indépendamment des qualifications dans les États membres (voir, en ce sens, arrêts du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 67, et
du 22 décembre 2017, Ardic, C‑571/17 PPU, EU:C:2017:1026, point 63).

44 Cette notion doit être comprise comme désignant la procédure qui a conduit à la décision judiciaire ayant définitivement condamné la personne dont la remise est sollicitée dans le cadre de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen [arrêts du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 74, ainsi que du 23 mars 2023, Minister for Justice and Equality (Levée du sursis), C‑514/21 et C‑515/21, EU:C:2023:235, point 52].

45 C’est la décision judiciaire tranchant définitivement l’affaire sur le fond, en ce sens qu’elle n’est plus susceptible d’aucune voie de recours ordinaire, qui est déterminante pour l’intéressé, puisqu’elle affecte directement sa situation personnelle au regard de la déclaration de culpabilité ainsi que, le cas échéant, de la fixation de la peine privative de liberté qu’il aura à purger (arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 83).

46 Partant, c’est à ce stade de la procédure que la personne concernée doit pouvoir exercer pleinement ses droits de la défense aux fins de faire valoir, de manière effective, son point de vue et d’exercer ainsi une influence sur la décision finale qui est susceptible d’entraîner la privation de sa liberté individuelle. Le résultat auquel cette procédure aboutit est dépourvu de pertinence dans ce contexte (arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 84).

47 S’agissant, plus particulièrement, d’un cas de figure tel que celui en cause au principal, où le procès s’est déroulé au cours de deux instances successives, à savoir une première instance suivie d’une procédure d’appel, la Cour a jugé que c’est l’instance ayant conduit à la décision rendue en appel qui est seule pertinente aux fins de l’application de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, pour autant que cette instance a abouti à la décision qui n’est plus susceptible
d’un recours ordinaire et qui, partant, tranche définitivement l’affaire sur le fond (arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 90).

48 Il s’ensuit que l’élément déterminant aux fins de la qualification d’une procédure comme relevant de la notion de « procès ayant mené à la décision », au sens de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, est le fait que cette procédure a abouti à un jugement constituant une condamnation définitive et qui, par voie de conséquence, tranche l’affaire définitivement sur le fond.

49 Force est de constater qu’une procédure d’appel telle que celle en cause au principal, qui a donné lieu à un jugement confirmant la décision prononcée en première instance, sans qu’un examen de l’affaire ait été effectué sur le fond, relève de cette notion dès lors qu’elle tranche définitivement l’affaire concernée, ce qu’il appartiendra toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.

50 En effet, l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 vise à garantir un niveau de protection élevé et à permettre à l’autorité judiciaire d’exécution concernée de procéder à la remise de l’intéressé en dépit de son absence au procès qui a mené à sa condamnation, tout en respectant ses droits de la défense (arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 58).

51 Or, si une procédure d’appel, qui s’est déroulée en l’absence de l’intéressé, devait échapper au champ d’application de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, au motif qu’elle ne comporte pas un examen de l’affaire sur le fond, cela aurait pour conséquence que la procédure pertinente aux fins de l’application de cette disposition serait la procédure de première instance et que le respect des droits de la défense de l’intéressé ne pourrait être vérifié qu’au regard de cette
seule procédure.

52 Une telle situation ne saurait être admise, puisque, comme la Cour l’a jugé, lorsque deux instances sont prévues, la circonstance que l’intéressé a effectivement pu exercer ses droits de la défense en première instance ne permet pas de conclure que tel a été nécessairement le cas en appel, si cette instance s’est déroulée en son absence (voir, en ce sens, arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 80). En outre, la circonstance qu’une personne condamnée en première
instance interjette appel pour défendre ses droits ne saurait avoir pour effet de réduire la protection que la décision-cadre 2002/584 lui confère.

53 Par conséquent, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que la notion de « procès ayant mené à la décision », figurant à cette disposition, vise une procédure d’appel qui a donné lieu à un jugement confirmant la décision prononcée en première instance et tranchant ainsi définitivement l’affaire. La circonstance que cette procédure d’appel se soit déroulée sans qu’un examen de l’affaire ait été
effectué sur le fond n’est pas pertinente à cet égard.

Sur la troisième question

54 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si le principe de primauté du droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, transposant l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, qui exclut, de manière générale, la possibilité pour une autorité judiciaire d’exécution d’exécuter un mandat d’arrêt européen émis aux fins de l’exécution d’une peine lorsque l’intéressé n’a pas comparu en personne
dans le cadre du procès qui a mené à la décision concernée.

55 Il importe de rappeler, à cet égard, que la décision-cadre 2002/584 consacre, à son article 1er, paragraphe 2, la règle selon laquelle les États membres sont tenus d’exécuter tout mandat d’arrêt européen sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de cette décision-cadre. Sauf dans des circonstances exceptionnelles, les autorités judiciaires d’exécution ne peuvent donc refuser d’exécuter un tel mandat que dans les cas, exhaustivement énumérés, prévus par
ladite décision-cadre. L’exécution d’un mandat d’arrêt européen ne saurait être subordonnée qu’à l’une des conditions qui y sont limitativement énumérées. Par conséquent, alors que l’exécution d’un mandat d’arrêt européen constitue le principe, le refus d’exécution de celui-ci est conçu comme une exception qui doit faire l’objet d’une interprétation stricte (arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 50).

56 Ainsi, la décision-cadre 2002/584 énonce explicitement, d’une part, les motifs obligatoires (article 3 de cette décision-cadre) et, d’autre part, les motifs facultatifs (articles 4 et 4 bis de ladite décision-cadre) de non-exécution d’un mandat d’arrêt européen. En particulier, l’article 4 bis de la même décision-cadre limite la possibilité de refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen en énumérant, de façon précise et uniforme, les conditions dans lesquelles la reconnaissance et l’exécution
d’une décision rendue à l’issue d’un procès auquel la personne concernée n’a pas comparu en personne ne peuvent être refusées (arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 53).

57 Il ressort du libellé de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 que cette disposition prévoit un motif facultatif de non-exécution d’un mandat d’arrêt européen délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, si l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès qui a abouti à sa condamnation. Cette faculté est, néanmoins, assortie de quatre exceptions, énoncées, respectivement, aux points a) à d) de cette disposition, qui privent
l’autorité judiciaire d’exécution concernée de la possibilité de refuser l’exécution du mandat d’arrêt européen qui lui a été adressé (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2013, Melloni, C‑399/11, EU:C:2013:107, point 40).

58 Partant, une autorité judiciaire d’exécution dispose de la faculté de refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen délivré aux fins de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté si l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision concernée, sauf si ce mandat d’arrêt européen indique que les conditions énoncées, respectivement, aux points a) à d) de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 sont satisfaites (arrêt du
10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628 point 54).

59 Il s’ensuit qu’une autorité judiciaire d’exécution est tenue de procéder à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, nonobstant l’absence de l’intéressé au procès qui a mené à la décision concernée, lorsque l’existence de l’une des circonstances visées, respectivement, aux points a) à d) de l’article 4 bis, paragraphe 1, de cette décision-cadre est vérifiée (arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 55).

60 La Cour a eu l’occasion de préciser que, cet article 4 bis prévoyant un cas de non-exécution facultative d’un mandat d’arrêt européen, une autorité judiciaire d’exécution peut, en tout état de cause, même après avoir constaté que les circonstances visées au point précédent du présent arrêt ne couvrent pas la situation de la personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen, prendre en compte d’autres circonstances lui permettant de s’assurer que la remise de l’intéressé n’implique pas une
violation des droits de la défense de ce dernier (voir, en ce sens, arrêts du 10 août 2017, Zdziaszek, C‑271/17 PPU, EU:C:2017:629, point 107, ainsi que du 17 décembre 2020, Generalstaatsanwaltschaft Hamburg, C‑416/20 PPU, EU:C:2020:1042, point 51 et jurisprudence citée).

61 Dans le cadre d’une telle appréciation, une autorité judiciaire d’exécution pourra ainsi prendre en considération le comportement dont l’intéressé a fait preuve. C’est, en effet, à ce stade de la procédure de remise qu’une attention particulière pourrait être accordée, notamment, au fait que l’intéressé a cherché à échapper à la signification de l’information qui lui était adressée (arrêt du 17 décembre 2020, Generalstaatsanwaltschaft Hamburg, C‑416/20 PPU, EU:C:2020:1042, point 52 et
jurisprudence citée).

62 Il en découle que, lorsqu’elle vérifie que l’une des conditions prévues à l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 est satisfaite, une autorité judiciaire d’exécution ne saurait être empêchée de s’assurer du respect des droits de la défense de la personne concernée en prenant, à cet égard, dûment en considération l’ensemble des circonstances caractérisant l’affaire dont elle est saisie, y compris les informations dont elle peut disposer d’elle-même.

63 En l’occurrence, il découle des informations fournies par la juridiction de renvoi que la réglementation allemande en cause au principal oblige, de manière générale, l’autorité judiciaire d’exécution concernée à refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen en cas de condamnation par défaut. Cette réglementation ne laisse à cette autorité judiciaire d’exécution aucune marge d’appréciation aux fins de la vérification de l’existence de l’une des situations visées, respectivement, aux points a) à d)
de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, sur la base des circonstances de l’espèce, si les droits de la défense de l’intéressé peuvent être considérés comme ayant été respectés, et, partant, pour décider d’exécuter le mandat d’arrêt européen concerné.

64 Dans ces conditions, force est de constater qu’une telle réglementation nationale est contraire à l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584.

65 Il convient de rappeler que la Cour a dit pour droit que le principe de primauté du droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas à une juridiction nationale de laisser inappliquée une disposition du droit national incompatible avec des dispositions de la décision-cadre 2002/584, celle-ci étant dépourvue d’effet direct. Toutefois, les autorités des États membres, y compris les juridictions, sont tenues de procéder, dans toute la mesure du possible, à une interprétation
conforme de leur droit national qui leur permet d’assurer un résultat compatible avec la finalité poursuivie par cette décision-cadre (arrêt du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, point 109).

66 En effet, si les décisions-cadres ne peuvent produire d’effet direct, leur caractère contraignant entraîne néanmoins à l’égard des autorités nationales une obligation d’interprétation conforme de leur droit interne à partir de la date d’expiration du délai de transposition de ces décisions-cadres. En appliquant leur droit national, ces autorités sont donc tenues d’interpréter celui-ci, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de la décision-cadre concernée afin
d’atteindre le résultat visé par celle-ci, une interprétation contra legem du droit national étant toutefois exclue. Ainsi, le principe d’interprétation conforme requiert de prendre en considération l’ensemble du droit interne et de faire application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine efficacité de cette décision-cadre et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle–ci (arrêt du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530,
points 72 à 77).

67 Il s’ensuit qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi, en prenant en considération l’ensemble de son droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, d’interpréter la réglementation nationale en cause au principal, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de la décision-cadre 2002/584.

68 Par conséquent, il convient de répondre à la troisième question que l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale transposant cette disposition qui exclut, de manière générale, la possibilité pour une autorité judiciaire d’exécution d’exécuter un mandat d’arrêt européen émis aux fins de l’exécution d’une peine lorsque l’intéressé n’a pas comparu en personne dans le cadre du procès qui a mené à la décision concernée est
contraire à ladite disposition. Une juridiction nationale est tenue, en prenant en considération l’ensemble de son droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, d’interpréter cette réglementation nationale, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de cette décision-cadre.

Sur les dépens

69 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 4 bis, paragraphe 1, sous a), i), de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une citation à comparaître est signifiée à l’intéressé par la remise de celle-ci à une personne adulte cohabitant avec lui, il appartient à l’autorité judiciaire d’émission
concernée d’apporter la preuve que l’intéressé a effectivement reçu cette citation à comparaître.

  2) L’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299, doit être interprété en ce sens que la notion de « procès ayant mené à la décision », figurant à cette disposition, vise une procédure d’appel qui a donné lieu à un jugement confirmant la décision prononcée en première instance et tranchant ainsi définitivement l’affaire. La circonstance que cette procédure d’appel se soit déroulée sans qu’un examen de l’affaire ait été effectué sur
le fond n’est pas pertinente à cet égard.

  3) L’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299, doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale transposant cette disposition qui exclut, de manière générale, la possibilité pour une autorité judiciaire d’exécution d’exécuter un mandat d’arrêt européen émis aux fins de l’exécution d’une peine lorsque l’intéressé n’a pas comparu en personne dans le cadre du procès qui a mené à la décision concernée est contraire à
ladite disposition. Une juridiction nationale est tenue, en prenant en considération l’ensemble de son droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, d’interpréter cette réglementation nationale, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de cette décision-cadre.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : C-397/22
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Kammergericht Berlin.

Renvoi préjudiciel – Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2002/584/JAI – Mandat d’arrêt européen – Article 4 bis, paragraphe 1 – Procédure de remise entre États membres – Conditions d’exécution – Motifs de non-exécution facultative – Exceptions – Exécution obligatoire – Peine prononcée par défaut – Notion de “procès qui a mené à la décision” – Intéressé n’ayant comparu en personne ni en première instance ni en appel – Réglementation nationale prévoyant une interdiction absolue de remise de l’intéressé dans le cas d’une décision prononcée par défaut – Obligation d’interprétation conforme.

Coopération judiciaire en matière pénale

Coopération policière

Coopération judiciaire en matière civile

Espace de liberté, de sécurité et de justice


Parties
Demandeurs : LM.

Composition du Tribunal
Avocat général : Pikamäe
Rapporteur ?: Biltgen

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:1030

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