La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2023 | CJUE | N°C-329/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Zamestnik izpalnitelen direktor na Darzhaven fond « Zemedelie » contre IW., 07/12/2023, C-329/22


 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

7 décembre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Agriculture – Financement par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Règlement (UE) no 1305/2013 – Soutien au développement rural – Article 29, paragraphe 3 – Agriculture biologique – Soutien financier à la production biologique en conversion – Notions de “période initiale” et de “période de conversion” – Règlement (CE) no 889/2008 – Apiculture biologique – Période minimale de conversion – Article 

38, paragraphe 3 – Règlement (CE) no 834/2007
– Article 17 – Conversion »

Dans l’affaire C‑329/22,

ayant pour objet un...

 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

7 décembre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Agriculture – Financement par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Règlement (UE) no 1305/2013 – Soutien au développement rural – Article 29, paragraphe 3 – Agriculture biologique – Soutien financier à la production biologique en conversion – Notions de “période initiale” et de “période de conversion” – Règlement (CE) no 889/2008 – Apiculture biologique – Période minimale de conversion – Article 38, paragraphe 3 – Règlement (CE) no 834/2007
– Article 17 – Conversion »

Dans l’affaire C‑329/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie), par décision du 27 avril 2022, parvenue à la Cour le 17 mai 2022, dans la procédure

Zamestnik izpalnitelen direktor na Darzhaven fond « Zemedelie »

contre

IW,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. Z. Csehi (rapporteur), président de chambre, MM. M. Ilešič et D. Gratsias, juges,

avocat général : M. A. M. Collins,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le Zamestnik izpalnitelen direktor na Darzhaven fond « Zemedelie », par Mme I. B. Zareva,

– pour IW, par Me D. Ormanov, advokat,

– pour la Commission européenne, par Mme G. Koleva et M. A. Sauka, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 29, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 487), ainsi que de l’article 36, paragraphe 1, de l’article 37, paragraphe 1, et de l’article 38 du règlement (CE)
no 889/2008 de la Commission, du 5 septembre 2008, portant modalités d’application du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l’étiquetage et les contrôles (JO 2008, L 250, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Zamestnik izpalnitelen direktor na Darzhaven fond « Zemedelie » (directeur exécutif adjoint du Fonds national agricole, Bulgarie) (ci-après le « directeur exécutif adjoint ») à IW, enregistré en tant qu’agriculteur, au sujet du refus d’une aide financière au titre de la mesure 11 « Agriculture biologique » du programme bulgare de développement rural pour la période 2014-2020 (ci-après la « mesure en question »), au motif que IW,
en tant que candidat à cette aide, n’avait pas respecté l’obligation de ne pas dépasser les périodes minimales de conversion vers l’agriculture biologique.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement (CE) no 834/2007

3 Le considérant 25 du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil, du 28 juin 2007, relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) no 2092/91 (JO 2007, L 189, p. 1), énonce :

« Il est [...] considéré comme approprié de limiter le recours au logo communautaire aux produits dont la totalité ou la quasi-totalité des ingrédients sont biologiques, de manière à ne pas induire les consommateurs en erreur quant à la nature biologique du produit dans son ensemble. Il ne devrait donc pas être permis d’y recourir pour l’étiquetage de produits en conversion [...] »

4 L’article 2 de ce règlement, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a) “production biologique”, l’utilisation du mode de production conforme aux règles fixées dans le présent règlement à tous les stades de la production, de la préparation et de la distribution ;

[...]

f) “production animale”, la production d’animaux terrestres domestiques ou domestiqués (y compris les insectes) ;

[...]

h) “conversion”, le passage de l’agriculture non biologique à l’agriculture biologique pendant une période donnée, au cours de laquelle les dispositions relatives au mode de production biologique ont été appliquées ;

[...] »

5 L’article 17 de ce règlement, intitulé « Conversion », énonce :

« 1.   Les règles suivantes s’appliquent aux exploitations qui commencent une activité de production biologique :

a) la période de conversion débute au plus tôt au moment où l’opérateur a déclaré son activité aux autorités compétentes et a assujetti son exploitation au système de contrôle, conformément à l’article 28, paragraphe 1 ;

b) l’ensemble des règles établies par le présent règlement s’appliquent durant la période de conversion ;

c) des périodes de conversion spécifiques sont définies par type de culture ou de production animale ;

[...]

f) lors de leur commercialisation, les animaux et les produits d’origine animale produits pendant la période de conversion visée au point c) ne comportent pas les indications visées aux articles 23 et 24, utilisées pour étiqueter les produits et faire de la publicité à leur sujet.

[...] »

Le règlement no 889/2008

6 Le considérant 23 du règlement no 889/2008 est libellé comme suit :

« La conversion à l’agriculture biologique demande une certaine période d’adaptation de tous les moyens mis en œuvre. Il convient de définir des périodes de conversion spécifiques pour les différents secteurs de production, en fonction de la production agricole antérieure. »

7 L’article 36 de ce règlement, intitulé « Végétaux et produits végétaux », qui figure au chapitre 5, intitulé « Règles de conversion », du titre II dudit règlement prévoit, à son paragraphe 1 :

« Pour que des végétaux et produits végétaux soient considérés comme biologiques, les règles de production visées aux articles 9, 10, 11 et 12 du règlement [no 834/2007] et au chapitre 1 du présent règlement, ainsi que, le cas échéant, les règles de production exceptionnelles prévues au chapitre 6 du présent règlement, doivent avoir été mises en œuvre sur les parcelles concernées pendant une période de conversion de deux ans au moins avant l’ensemencement ou, dans le cas des pâturages et des
fourrages pérennes, de deux ans au moins avant l’utilisation des produits comme aliments pour animaux provenant de l’agriculture biologique ou, dans le cas des cultures pérennes autres que les fourrages, de trois ans au moins avant la première récolte de produits biologiques. »

8 L’article 37 dudit règlement, intitulé « Règles de conversion particulières applicables aux terres liées à la production animale biologique », énonce, à son paragraphe 1 :

« Les règles de conversion visées à l’article 36 du présent règlement s’appliquent à la totalité de la surface de l’unité de production sur laquelle des aliments pour animaux sont produits. »

9 L’article 38 du même règlement, intitulé « Animaux et produits animaux », dispose :

« 1.   Lorsque des animaux non biologiques ont été introduits dans l’exploitation conformément à l’article 14, paragraphe 1, point a) ii), du règlement [no 834/2007] et à l’article 9 et/ou à l’article 42 du présent règlement, pour que les produits animaux puissent être vendus en tant que produits biologiques, les règles de production visées aux articles 9, 10, 11 et 14 du règlement [no 834/2007] ainsi qu’au titre II, chapitre 2, et, le cas échéant, à l’article 42 du présent règlement doivent avoir
été mises en œuvre au cours d’une période minimale de :

a) douze mois pour les équidés et les bovins (y compris les espèces Bubalus et Bison) destinés à la production de viande et, en tout état de cause, pendant les trois quarts de leur vie au moins ;

b) six mois pour les petits ruminants et les porcs ainsi que pour les animaux destinés à la production laitière ;

c) dix semaines pour les volailles de chair introduites avant l’âge de trois jours ;

d) six semaines pour les volailles destinées à la production d’œufs.

2.   Lorsque des animaux non biologiques sont présents dans l’exploitation au début de la période de conversion conformément à l’article 14, paragraphe 1, point a) iii), du règlement [no 834/2007], les produits qui en sont issus sont considérés comme biologiques s’il est procédé à la conversion simultanée de l’ensemble de l’unité de production, c’est-à-dire des animaux, des pâturages et/ou des terres utilisées pour l’alimentation des animaux. La période totale de conversion pour l’ensemble des
animaux existants et de leur descendance, des pâturages et/ou des terres utilisées pour l’alimentation des animaux peut être ramenée à 24 mois si les animaux sont essentiellement nourris avec des produits provenant de l’unité de production.

3.   Les produits apicoles ne peuvent être vendus avec une référence à la production biologique que si les règles applicables à cette production ont été respectées pendant au moins un an.

4.   La période de conversion des ruchers ne s’applique pas lorsque l’article 9, paragraphe 5, du présent règlement s’applique.

5.   Au cours de la période de conversion, la cire est remplacée par de la cire provenant de l’apiculture biologique. »

Le règlement no 1305/2013

10 Le considérant 23 du règlement no 1305/2013 prévoit :

« Les paiements en faveur des agriculteurs, liés au passage à l’agriculture biologique ou au maintien de celle-ci devraient encourager les agriculteurs à participer à ces régimes, et partant, à répondre à la demande croissante de la société concernant le recours à des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement et à des normes élevées en matière de bien-être des animaux. En vue d’accroître les synergies en termes de biodiversité, il y a lieu d’encourager les bénéfices découlant des
mesures liées à l’agriculture biologique [...] Afin d’éviter un retour massif des agriculteurs à l’agriculture conventionnelle, les deux mesures de conversion et de maintien devraient bénéficier d’un soutien. Les paiements devraient contribuer à couvrir les coûts supplémentaires et les pertes de revenus découlant des engagements contractés et ne porter que sur des engagements qui vont au-delà des exigences et normes obligatoires correspondantes. Les États membres devraient également veiller à ce
que les paiements accordés aux agriculteurs ne donnent pas lieu à un double financement à la fois au titre du présent règlement et du règlement (UE) no 1307/2013 [du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 608)].
Afin de garantir l’utilisation efficace des ressources du [Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader)], l’aide devrait être limitée aux agriculteurs actifs au sens de l’article 9 du règlement [no 1307/2013]. »

11 L’article 29 du règlement no 1305/2013, intitulé « Agriculture biologique », énonce :

« 1.   L’aide au titre de cette mesure est accordée, par hectare de surface agricole, aux agriculteurs ou groupements d’agriculteurs qui s’engagent, sur la base du volontariat, à maintenir des pratiques et méthodes de l’agriculture biologique telles qu’elles sont définies dans le règlement [no 834/2007] ou à adopter de telles pratiques et méthodes et qui sont des agriculteurs actifs au sens de l’article 9 du règlement [no 1307/2013].

[...]

3.   Les engagements au titre du présent article sont pris pour une période de cinq à sept ans. Lorsqu’une aide est accordée pour la conversion à l’agriculture biologique, les États membres peuvent fixer une période initiale plus courte correspondant à la période de conversion. Lorsque le soutien est accordé pour le maintien de l’agriculture biologique, les États membres peuvent prévoir dans leurs programmes de développement rural une prolongation annuelle après la fin de la période initiale.
Pour les nouveaux engagements concernant le maintien de l’agriculture biologique qui succèdent directement à l’engagement exécuté pendant la période initiale, les États membres peuvent fixer une période plus courte dans leurs programmes de développement rural.

[...] »

Le droit bulgare

12 L’article 11, paragraphe 5, de la Naredba no 4 za prilagane na myarka 11 « Biologichno zemedelie » ot Programata za razvitie na selskite rayoni za perioda 2014-2020 (arrêté no 4 relatif à la mise en œuvre de la mesure 11 « Agriculture biologique » du programme de développement rural 2014-2020), du 24 février 2015 (ci-après l’« arrêté no 4 ») prévoit :

« (5)   Les bénéficiaires de l’aide reçoivent les paiements visés au paragraphe 1 pour une période n’excédant pas les périodes minimales de conversion à la production biologique conformément à l’article 36, paragraphe 1, à l’article 37, paragraphe 1, et à l’article 38 du règlement [no 889/2008]. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13 IW a introduit une demande de soutien financier pour l’année 2016, pour la deuxième année consécutive, au titre du volet « Apiculture biologique » de la mesure en question. Cette demande a porté sur 150 colonies d’abeilles en conversion à l’apiculture biologique, les ruches étant situées dans le village de Belitsa (Bulgarie).

14 Le directeur exécutif adjoint a émis une lettre de notification au titre de la mesure en question pour l’année 2016, qui, en substance, rejetait cette demande.

15 IW a contesté cette lettre devant l’Administrativen sad Sliven (tribunal administratif de Sliven, Bulgarie), lequel a annulé ladite lettre et a renvoyé le dossier devant le directeur exécutif adjoint aux fins d’une nouvelle décision sur la demande de soutien financier de IW.

16 Après un nouvel examen de ladite demande, le directeur exécutif adjoint a émis une seconde lettre de notification au titre de la mesure en question pour l’année 2016, par laquelle, de nouveau, celui-ci refusait l’octroi du soutien demandé (ci-après la « seconde lettre de notification »). Cette lettre indiquait que, pour les colonies d’abeilles déclarées dans la demande de soutien pour l’année 2016, au titre de la mesure en question, l’année 2016 devait être considérée comme étant la deuxième
année depuis le dernier engagement de IW au titre du volet « Apiculture biologique », et que l’obligation de ne pas dépasser les périodes minimales de conversion prévue, en substance, à l’article 11, paragraphe 5, de l’arrêté no 4 n’avait pas été respectée.

17 IW a introduit un recours contre la seconde lettre de notification devant l’Administrativen sad Sliven (tribunal administratif de Sliven), qui a renvoyé l’affaire devant l’Administrativen sad Haskovo (tribunal administratif de Haskovo, Bulgarie).

18 Cette juridiction a annulé cette seconde lettre de notification et a renvoyé l’affaire au directeur exécutif adjoint aux fins d’une nouvelle décision.

19 Le directeur exécutif adjoint a formé un pourvoi en cassation contre le jugement de l’Administrativen sad Haskovo (tribunal administratif de Haskovo) devant le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie), qui est la juridiction de renvoi.

20 La juridiction de renvoi éprouve des doutes concernant l’interprétation de l’article 29, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement no 1305/2013 ainsi que de l’article 36, paragraphe 1, de l’article 37, paragraphe 1, et de l’article 38 du règlement no 889/2008, dont elle estime qu’elle est nécessaire pour trancher l’affaire dont elle est saisie.

21 Dans ces conditions, le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) La disposition de l’article 29, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement [no 1305/2013] doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une disposition nationale [telle que le paragraphe 5 (anciennement le paragraphe 4) de l’article 11 de l’arrêté no 4], qui limite la possibilité de bénéficier d’un soutien financier pour la conversion vers la production biologique à une période ne dépassant pas les périodes minimales de conversion visées à l’article 36, paragraphe 1, à
l’article 37, paragraphe 1, et à l’article 38 du règlement [no 889/2008] ?

2) En cas de réponse affirmative à la première question, la même disposition de l’article 29, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement no 1305/2013 doit-elle être interprétée en ce sens que les États membres ont la possibilité de fixer légalement une durée maximale pour l’octroi du soutien à la conversion à l’agriculture biologique, uniquement et exclusivement en fonction du type de production et non en fonction des spécificités de chaque cas particulier ?

3) Comment faut-il interpréter l’expression “[l]es États membres peuvent fixer une période initiale plus courte correspondant à la période de conversion” (article 29, paragraphe 3, [deuxième phrase], du règlement 1305/2013) ? Les termes “période initiale” et “période de conversion” qui y sont employés, sont-ils synonymes ou ont-ils des significations différentes ?

4) La phrase “[l]es États membres peuvent fixer une période initiale plus courte correspondant à la période de conversion”, citée à l’article 29, paragraphe 3, du règlement 1305/2013, doit-elle être interprétée en ce sens que l’intégralité de la mesure “Agriculture biologique” peut donner lieu à une demande et à un financement au titre d’une activité de “conversion” à l’agriculture biologique, pour une période plus courte que celle visée à l’article 29, paragraphe 3, première phrase, dudit
règlement, ou bien existe-t-il, dans le cadre de l’engagement général “Agriculture biologique”, une période initiale relative à une activité de conversion vers l’agriculture biologique ? »

Sur les questions préjudicielles

22 Par ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi sollicite l’interprétation de plusieurs dispositions du droit de l’Union, en particulier de l’article 29, paragraphe 3, du règlement no 1305/2013 ainsi que de l’article 36, paragraphe 1, de l’article 37, paragraphe 1, et de l’article 38 du règlement no 889/2008.

23 À titre liminaire, il importe de rappeler que, aux termes d’une jurisprudence constante, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence (arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 43 ainsi que jurisprudence
citée).

24 Toutefois, il est également de jurisprudence constante que la procédure instituée à l’article 267 TFUE constitue un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution des litiges qu’elles sont appelées à trancher. La justification du renvoi préjudiciel est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou
hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un litige (arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 44 ainsi que jurisprudence citée).

25 Comme il ressort des termes mêmes de l’article 267 TFUE, la décision préjudicielle sollicitée doit être « nécessaire » pour permettre à la juridiction de renvoi de « rendre son jugement » dans l’affaire dont elle se trouve saisie (arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 45 ainsi que jurisprudence citée).

26 Or, il est manifeste que l’article 36, paragraphe 1, et l’article 37, paragraphe 1, du règlement no 889/2008, tels que visés dans la première question préjudicielle, concernent les règles de conversion relatives respectivement, d’une part, aux végétaux et aux produits végétaux et, d’autre part, aux terres liées à la production animale biologique. Ainsi, ces dispositions n’apparaissent pas directement pertinentes aux fins d’apporter une solution au litige au principal, qui concerne une demande
d’aide financière pour la conversion de ruches à l’apiculture biologique.

27 Dès lors, la première question préjudicielle doit être déclarée irrecevable en ce qu’elle vise l’article 36, paragraphe 1, et l’article 37, paragraphe 1, du règlement no 889/2008.

28 L’article 38 de ce règlement apparaît quant à lui directement pertinent aux fins d’apporter une solution au litige au principal, dans la mesure où son paragraphe 3 fixe la période de conversion minimale pour les produits apicoles.

29 Par conséquent, il y a lieu de considérer que, par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 29, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement no 1305/2013 doit être interprété en ce sens que, premièrement, il ne s’oppose pas à une disposition nationale qui limite la possibilité de bénéficier d’un soutien financier pour la conversion de ruches à l’apiculture biologique à la période minimale de conversion visée à l’article 38,
paragraphe 3, du règlement no 889/2008, deuxièmement, les États membres peuvent fixer une durée maximale pour l’octroi d’un soutien à la conversion à l’agriculture biologique, uniquement et exclusivement en fonction du type de production et non en fonction des spécificités de chaque cas particulier, et, troisièmement, les États membres peuvent décider que la conversion à l’agriculture biologique peut donner lieu à un soutien pour une période plus courte que celle de cinq à sept ans prévue à
l’article 29, paragraphe 3, première phrase, du règlement no 1305/2013.

30 Conformément à une jurisprudence constante, pour interpréter une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 22 janvier 2020, Ursa Major Services, C‑814/18, EU:C:2020:27, point 49 et jurisprudence citée).

31 S’agissant du libellé de l’article 29, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement no 1305/2013, il y a lieu de rappeler que, selon cette disposition, « [l]orsqu’une aide est accordée pour la conversion à l’agriculture biologique, les États membres peuvent fixer une période initiale plus courte correspondant à la période de conversion ».

32 Tout d’abord, il y a lieu d’observer que la notion de « conversion » est définie à l’article 2, sous h), du règlement no 834/2007 comme le passage de l’agriculture non biologique à l’agriculture biologique pendant une période donnée, au cours de laquelle les dispositions relatives au mode de production biologique ont été appliquées.

33 L’article 17 du règlement no 834/2007, intitulé « Conversion », fixe les règles s’appliquant aux exploitations qui commencent une activité de production biologique, précisant, d’une part, à son paragraphe 1, sous a), que la « période de conversion » débute au plus tôt au moment où l’opérateur a déclaré son activité aux autorités compétentes et a assujetti son exploitation au système de contrôle, conformément à l’article 28, paragraphe 1, et, d’autre part, à son paragraphe 1, sous b), que
l’ensemble des règles établies par le même règlement s’appliquent durant la période de conversion.

34 Aux termes de l’article 17, paragraphe 1, sous c), de ce règlement, des périodes de conversion spécifiques sont définies par type de culture ou de production animale.

35 Il ressort de l’article 17, paragraphe 1, sous f), dudit règlement, lu en combinaison avec les articles 23 et 24 du même règlement, que, pendant la période de conversion, bien que les dispositions relatives au mode de production biologique s’appliquent, les agriculteurs ne sont pas autorisés à commercialiser les animaux et les produits d’origine animale produits pendant cette période en utilisant des termes dans l’étiquetage et la publicité faisant référence au mode de production biologique.

36 Le règlement no 889/2008, relatif aux modalités d’application du règlement no 834/2007, définit quant à lui, au chapitre 5, intitulé « Règles de conversion », de son titre II, des périodes de conversion spécifiques par type de culture ou de production animale.

37 L’article 38, paragraphe 3, du règlement no 889/2008, qui figure dans ce chapitre 5, dispose que les « produits apicoles ne peuvent être vendus avec une référence à la production biologique que si les règles applicables à cette production ont été respectées pendant au moins un an ».

38 Il ressort clairement du libellé de cette disposition que la période de conversion harmonisée qui y est prévue est une période minimale avant l’expiration de laquelle les produits apicoles ne peuvent être vendus avec une référence à la production biologique. Le cas spécifique dans lequel cette obligation de respecter une période minimale de conversion peut ne pas être appliquée est prévu au paragraphe 4 de l’article 38 de ce règlement.

39 Ensuite, concernant l’expression « période initiale », contenue à l’article 29, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement no 1305/2013, il convient de souligner que, si elle est utilisée à plusieurs reprises dans ce règlement, elle n’y est pas définie. Elle n’est pas non plus définie dans le règlement no 834/2007, ni dans le règlement no 889/2008. Dès lors, il y a lieu de l’interpréter en tenant compte de son sens habituel ainsi que du contexte dans lequel elle est généralement utilisée (voir,
par analogie, arrêts du 16 juillet 2009, Horvath, C‑428/07, EU:C:2009:458, point 34, ainsi que du 27 février 2014, van der Ham et van der Ham-Reijersen van Buuren, C‑396/12, EU:C:2014:98, point 32).

40 À cet égard, l’expression « période initiale » désigne usuellement une période de commencement. Or, la première phrase de l’article 29, paragraphe 3, du règlement no 1305/2013 dispose que « [l]es engagements au titre du présent article sont pris pour une période de cinq à sept ans ». Toutefois, la deuxième phrase de cette disposition prévoit que, lorsqu’ils accordent une aide pour la conversion à l’agriculture biologique, les États membres « peuvent » fixer une « période initiale plus courte
correspondant à la période de conversion ».

41 Il y a donc lieu de considérer que, eu égard au contexte de l’article 29, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement no 1305/2013, la notion de « période initiale » vise une période pendant laquelle les agriculteurs prennent les engagements au titre de cette disposition et qui peut être plus courte que la période de cinq à sept ans visée à la première phrase du même paragraphe.

42 Ces engagements sont, aux termes du paragraphe 1 de l’article 29 du règlement no 1305/2013, les engagements volontaires pris par les agriculteurs ou les groupements d’agriculteurs pour obtenir l’aide octroyée au titre de la mesure « Agriculture biologique ». Il s’agit des engagements à maintenir ou à adopter des pratiques et des méthodes de l’agriculture biologique telles qu’elles sont définies dans le règlement no 834/2007.

43 Il s’ensuit que les notions de « période initiale » et de « période de conversion », contenues à l’article 29, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement no 1305/2013, n’ont pas la même signification, dans la mesure où la « période initiale » vise la première prise d’engagements de la part du bénéficiaire d’un soutien octroyé au titre de cette disposition, alors que la seconde notion est définie à l’article 17 du règlement no 834/2007.

44 Il convient également de rappeler que les États membres mettent en œuvre le règlement no 1305/2013 par l’intermédiaire de leurs programmes de soutien au développement rural et que ce règlement leur laisse la possibilité d’adopter un ensemble de mesures visant à répondre aux priorités de l’Union européenne pour le développement rural. Chaque État membre devrait, ainsi, établir un programme national de développement rural couvrant tout son territoire, une série de programmes régionaux ou à la fois
un programme national et un ensemble de programmes régionaux, ces programmes mettant en œuvre une stratégie visant à répondre aux priorités de l’Union pour le développement rural. Il s’ensuit que le règlement no 1305/2013 laisse aux États membres une marge d’appréciation quant aux modalités de mise en œuvre des aides qu’il prévoit. Cette marge d’appréciation peut concerner l’aménagement des programmes de développement rural nationaux ainsi que la mise en œuvre des prescriptions de ce règlement
(voir arrêt du 1er décembre 2022, DELID, C‑409/21, EU:C:2022:946, points 25 à 27 et 29 ainsi que jurisprudence citée).

45 Par conséquent, il convient de considérer que, eu égard au libellé et au contexte de l’article 29, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement no 1305/2013, si les engagements au titre du maintien ou de l’adoption volontaire des pratiques et des méthodes de l’agriculture biologique sont pris pour cinq à sept ans, les États membres ont la faculté, lorsqu’une aide est accordée pour la conversion à l’agriculture biologique, de fixer une période initiale, pendant laquelle cet engagement est pris, qui
soit plus courte, à la condition de l’aligner sur la période de conversion pertinente rationae materiae, telle qu’harmonisée par le règlement no 889/2008. En l’occurrence, il s’agit de la période de conversion minimale d’un an prévue pour la conversion à l’apiculture biologique en vertu de l’article 38, paragraphe 3, du règlement no 889/2008.

46 Il ressort de ce qui précède que les États membres peuvent prévoir que la période minimale de conversion applicable, telle qu’harmonisée et prévue par le règlement no 889/2008, coïncide, sur leur territoire, avec une durée maximale pour l’octroi d’un soutien financier à la conversion à l’agriculture biologique.

47 S’agissant de la question de savoir, en substance, si les durées de conversion peuvent être déterminées uniquement en fonction du type de production et non en fonction de chaque cas particulier, il suffit de rappeler que l’État membre doit se conformer à l’article 17, paragraphe 1, sous c), du règlement no 834/2007, selon lequel des périodes de conversion spécifiques sont définies par type de culture ou de production animale, ainsi qu’au règlement no 889/2008, portant modalités d’application du
règlement no 834/2007, qui définit ces périodes de conversion spécifiques par type de culture ou de production animale, au chapitre 5 du titre II de ce règlement. Il ressort de l’article 38, paragraphe 3, du règlement no 889/2008 qu’existe une période de conversion spécifique pour les produits apicoles.

48 Il y a lieu de rappeler que ces règlements sont obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables dans tout État membre. Un État membre ne peut donc pas fixer de périodes de conversion différentes des périodes de conversion harmonisées telles que prévues dans le règlement no 889/2008.

49 Les considérations qui précèdent sont corroborées par les objectifs de la réglementation dans laquelle s’insère l’article 29, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement no 1305/2013.

50 En effet, selon le considérant 23 de ce règlement, afin d’éviter un retour massif des agriculteurs à l’agriculture conventionnelle, les deux mesures de conversion à l’agriculture biologique et de maintien de celle-ci devraient bénéficier d’un soutien. En outre, les paiements devraient contribuer à couvrir les coûts supplémentaires et les pertes de revenus découlant des engagements contractés et ne porter que sur des engagements qui vont au-delà des exigences et des normes obligatoires
correspondantes. Enfin, les États membres devraient également veiller à ce que les paiements accordés aux agriculteurs ne donnent pas lieu à un double financement à la fois au titre du règlement no 1305/2013 et du règlement no 1307/2013.

51 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 29, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement no 1305/2013 doit être interprété en ce sens que :

– il ne s’oppose pas à une disposition nationale qui limite la possibilité de bénéficier d’un soutien financier pour la conversion à l’apiculture biologique à la période minimale de conversion visée à l’article 38, paragraphe 3, du règlement no 889/2008 ;

– de cette manière, les États membres peuvent fixer une durée maximale pour l’octroi d’un soutien à la conversion à l’agriculture biologique, en s’alignant sur la période de conversion spécifique qui, conformément à l’article 17, paragraphe 1, sous c), du règlement no 834/2007, est définie par la réglementation de l’Union uniquement en fonction du type de culture ou de production animale ;

– les États membres peuvent ainsi décider que la conversion à l’agriculture biologique peut donner lieu à un soutien pour une période plus courte que celle de cinq à sept ans prévue à l’article 29, paragraphe 3, première phrase, du règlement no 1305/2013.

Sur les dépens

52 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

  L’article 29, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil,

  doit être interprété en ce sens que :

– il ne s’oppose pas à une disposition nationale qui limite la possibilité de bénéficier d’un soutien financier pour la conversion à l’apiculture biologique à la période minimale de conversion visée à l’article 38, paragraphe 3, du règlement (CE) no 889/2008 de la Commission, du 5 septembre 2008, portant modalités d’application du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique,
l’étiquetage et les contrôles ;

  – de cette manière, les États membres peuvent fixer une durée maximale pour l’octroi d’un soutien à la conversion à l’agriculture biologique, en s’alignant sur la période de conversion spécifique qui, conformément à l’article 17, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil, du 28 juin 2007, relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) no 2092/91, est définie par la réglementation de l’Union européenne uniquement
en fonction du type de culture ou de production animale ;

– les États membres peuvent ainsi décider que la conversion à l’agriculture biologique peut donner lieu à un soutien pour une période plus courte que celle de cinq à sept ans prévue à l’article 29, paragraphe 3, première phrase, du règlement no 1305/2013.

  Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-329/22
Date de la décision : 07/12/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Varhoven administrativen sad.

Renvoi préjudiciel – Agriculture – Financement par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Règlement (UE) no 1305/2013 – Soutien au développement rural – Article 29, paragraphe 3 – Agriculture biologique – Soutien financier à la production biologique en conversion – Notions de “période initiale” et de “période de conversion” – Règlement (CE) no 889/2008 – Apiculture biologique – Période minimale de conversion – Article 38, paragraphe 3 – Règlement (CE) no 834/2007 – Article 17 – Conversion.

Protection des consommateurs

Denrées alimentaires

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : Zamestnik izpalnitelen direktor na Darzhaven fond « Zemedelie »
Défendeurs : IW.

Composition du Tribunal
Avocat général : Collins
Rapporteur ?: Csehi

Origine de la décision
Date de l'import : 13/12/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:968

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award