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27/09/2023 | CJUE | N°C-58/23

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, Y.N. contre Republika Slovenija., 27/09/2023, C-58/23


 ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

27 septembre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Politique d’asile – Procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale – Directive 2013/32/UE – Articles 22 et 23 – Droit à l’assistance juridique et à la représentation – Article 46, paragraphe 4 – Délai de recours raisonnable – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

– Droit à un recours effectif devant un tribunal –
Rejet d’une demande de protection internationale comme étant manifest...

 ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

27 septembre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Politique d’asile – Procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale – Directive 2013/32/UE – Articles 22 et 23 – Droit à l’assistance juridique et à la représentation – Article 46, paragraphe 4 – Délai de recours raisonnable – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à un recours effectif devant un tribunal –
Rejet d’une demande de protection internationale comme étant manifestement non fondée, par procédure accélérée »

Dans l’affaire C‑58/23 [Abboudnam] ( i ),

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Upravno sodišče (Tribunal administratif, Slovénie), par décision du 31 janvier 2023, parvenue à la Cour le 6 février 2023, dans la procédure

Y.N.

contre

Republika Slovenija,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, MM. N. Piçarra (rapporteur) et N. Jääskinen, juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 46, paragraphe 4, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60), lu en combinaison avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Y.N. à la Republika Slovenija (République de Slovénie), au sujet de la décision du ministère de l’Intérieur de cette dernière (ci-après le « ministère de l’Intérieur ») de rejeter comme étant manifestement non fondée, par procédure accélérée, la demande de protection internationale présentée par Y.N. (ci-après la « décision en cause au principal »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Les considérants 20, 23, 25 et 50 de la directive 2013/32 énoncent :

« (20) Dans des circonstances bien définies, lorsqu’une demande est susceptible d’être infondée [...], les États membres devraient pouvoir accélérer la procédure d’examen, notamment en instaurant des délais plus courts, mais raisonnables, pour certaines étapes de la procédure, sans préjudice de la réalisation d’un examen approprié et exhaustif et de l’accès effectif du demandeur aux garanties et principes fondamentaux prévus par la présente directive.

[...]

(23) Dans le cadre des procédures de recours, les demandeurs devraient pouvoir bénéficier, sous réserve de certaines conditions, d’une assistance juridique et d’une représentation gratuites par des personnes compétentes pour assurer cette assistance et cette représentation en vertu du droit national. En outre, les demandeurs devraient, à tous les stades de la procédure, avoir le droit de consulter, à leurs frais, des conseils juridiques ou des conseillers reconnus en tant que tels ou autorisés à
cette fin en vertu du droit national.

[...]

(25) Afin de pouvoir déterminer correctement les personnes qui ont besoin d’une protection en tant que réfugiés au sens de l’article 1er de la [convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)], complétée et amendée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967,] ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, chaque demandeur devrait
avoir un accès effectif aux procédures, pouvoir coopérer et communiquer de façon appropriée avec les autorités compétentes afin de présenter les faits pertinents le concernant, et disposer de garanties de procédure suffisantes pour faire valoir sa demande à tous les stades de la procédure. Par ailleurs, la procédure d’examen de sa demande de protection internationale devrait, en principe, donner au demandeur au moins : [...] l’accès aux services d’un interprète pour présenter ses arguments
s’il est interrogé par les autorités, [...] la possibilité de consulter un conseil juridique ou tout autre conseiller, le droit d’être informé de sa situation juridique aux stades décisifs de la procédure, dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend, et, en cas de décision négative, le droit à un recours effectif devant une juridiction.

[...]

(50) Conformément à un principe fondamental du droit de l’Union, les décisions prises en ce qui concerne une demande de protection internationale [...] font l’objet d’un recours effectif devant une juridiction. »

4 L’article 12 de cette directive, intitulé « Garanties accordées aux demandeurs », dispose :

« 1.   En ce qui concerne les procédures prévues au chapitre III, les États membres veillent à ce que tous les demandeurs bénéficient des garanties suivantes :

[...]

b) ils bénéficient, en tant que de besoin, des services d’un interprète pour présenter leurs arguments aux autorités compétentes. Les États membres considèrent qu’il est nécessaire de fournir les services d’un interprète, au moins lorsque le demandeur doit être interrogé selon les modalités visées aux articles 14 à 17, et 34 et lorsqu’il n’est pas possible de garantir une communication adéquate sans ces services. Dans ce cas, ainsi que dans les autres cas où les autorités compétentes souhaitent
entendre le demandeur, ces services sont payés sur des fonds publics ;

[...]

2.   En ce qui concerne les procédures prévues au chapitre V, les États membres veillent à ce que tous les demandeurs bénéficient de garanties équivalentes à celles visées au paragraphe 1, points b) à e). »

5 L’article 20, paragraphe 1, de ladite directive prévoit que les États membres doivent veiller à ce que l’assistance juridique et la représentation gratuites soient accordées sur demande dans le cadre des procédures de recours visées à l’article 46 de celle-ci.

6 L’article 22, paragraphe 1, de la même directive garantit aux demandeurs la possibilité effective de consulter, à leurs frais, un conseil juridique ou un autre conseiller reconnu en tant que tel ou autorisé à cette fin en vertu du droit national, sur des questions touchant à leur demande de protection internationale, à toutes les étapes de la procédure, y compris à la suite d’une décision négative.

7 L’article 23, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2013/32 précise que ce conseil juridique ou cet autre conseiller doivent avoir « accès aux informations versées au dossier du demandeur sur la base duquel une décision est prise ou le sera ».

8 Intitulé « Droit à un recours effectif », l’article 46, paragraphes 1 et 4, de cette directive prévoit :

« 1.   Les États membres font en sorte que les demandeurs disposent d’un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants :

a) une décision concernant leur demande de protection internationale [...]

[...]

4.   Les États membres prévoient des délais raisonnables et énoncent les autres règles nécessaires pour que le demandeur puisse exercer son droit à un recours effectif en application du paragraphe 1. Les délais prévus ne rendent pas cet exercice impossible ou excessivement difficile. »

Le droit slovène

9 L’article 70, paragraphe 1, première phrase, du Zakon o mednarodni zaščiti (loi relative à la protection internationale), du 4 mars 2016 (Uradni list RS, no 16/17, ci-après le « ZMZ-1 »), fixe un délai de quinze jours, à compter de la notification d’une décision administrative d’un organe compétent, pour former un recours contre cette décision devant l’Upravno sodišče (Tribunal administratif, Slovénie). Lorsqu’une telle décision est adoptée par procédure accélérée, la deuxième phrase de cet
article 70, paragraphe 1, réduit ce délai à trois jours à compter de la notification de cette décision.

10 Il ressort de l’article 111, paragraphes 2 et 4, du Zakon o pravdnem postopku (loi portant code de procédure civile), du 15 mars 1999 (Uradni list RS, no 73/07), lu en combinaison avec l’article 22, paragraphe 1, du Zakon o upravnem sporu (loi relative au contentieux administratif), du 28 septembre 2006 (Uradni list RS, no 105/06), que, si un délai est fixé en jours, ce délai commence à courir le premier jour suivant celui de la notification ou de la communication de ladite décision. Si le
dernier jour dudit délai est un samedi, un dimanche, un jour férié ou un autre jour chômé prévu par la loi nationale, le même délai expire à la fin du premier jour ouvrable suivant.

Le litige au principal et la question préjudicielle

11 La décision en cause au principal, par laquelle le ministère de l’Intérieur a rejeté comme étant manifestement non fondée la demande de protection internationale présentée par Y.N., un ressortissant marocain, a été adoptée par procédure accélérée. Conformément à l’article 70, paragraphe 1, deuxième phrase, du ZMZ-1, le délai de recours contre une telle décision est réduit de quinze à trois jours à compter de la notification de cette décision.

12 Y.N. a saisi l’Upravno sodišče (Tribunal administratif), la juridiction de renvoi, d’un recours contre la décision en cause au principal, faisant valoir, d’une part, que, la notification de cette décision ayant eu lieu le 23 décembre 2022, la veille d’un week-end férié, le délai effectif de recours aurait été réduit à un jour ouvrable. D’autre part, alors qu’il ne parle que l’arabe, il n’aurait pas disposé d’un interprète et n’aurait ainsi pas été en mesure de communiquer utilement avec son
mandataire, leurs conversations se résumant à des échanges de messages courts (SMS) avec l’utilisation d’un traducteur électronique. Ces circonstances ne lui auraient pas permis de préparer utilement son recours, en violation de son droit à un recours juridictionnel effectif.

13 La juridiction de renvoi confirme que, en l’occurrence, le dernier jour du délai de recours, qui a commencé à courir le 24 décembre 2022, était le 26 décembre 2022, jour férié en Slovénie, si bien que ce délai avait expiré à la fin du premier jour ouvrable suivant, c’est-à-dire le 27 décembre 2022.

14 Cette juridiction relève, par ailleurs, que les circonstances de l’espèce diffèrent de celles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 septembre 2020, Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Rejet d’une demande ultérieure – Délai de recours) (C‑651/19, EU:C:2020:681), dans lequel la Cour a jugé que l’article 46 de la directive 2013/32, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, ne s’oppose pas à une réglementation nationale soumettant l’introduction d’un recours juridictionnel
contre une décision rejetant comme étant irrecevable une demande ultérieure de protection internationale à un délai de forclusion de dix jours, incluant les jours fériés et chômés, à compter de la notification d’une telle décision, à condition que les demandeurs de protection internationale puissent, dans un tel délai, exercer de manière effective les garanties et droits procéduraux que leur reconnaît la directive 2013/32.

15 Tout en admettant que le délai de recours contre une décision de rejet d’une demande de protection internationale manifestement non fondée peut être plus court que le délai de quinze jours prévu pour la procédure ordinaire, la juridiction de renvoi considère cependant que le délai de trois jours prévu dans le cadre de la procédure accélérée, est, de manière disproportionnée, moins favorable que celui prévu pour la procédure ordinaire.

16 Dans ces conditions, l’Upravno sodišče (Tribunal administratif) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 46, paragraphe 4, de la [directive 2013/32], lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle de procédure nationale, telle que l’article 70, paragraphe 1, deuxième phrase, du ZMZ-1, qui prévoit, pour l’introduction d’un recours contre une décision par laquelle l’autorité compétente rejette une demande comme manifestement non fondée dans le cadre d’une procédure accélérée, un délai de forclusion de trois jours, incluant
les jours fériés et chômés, à compter de la notification d’une telle décision, ce délai pouvant expirer à la fin du premier jour ouvrable suivant ? »

La procédure devant la Cour

Sur la demande de procédure préjudicielle d’urgence

17 Par acte séparé, déposé au greffe le 6 février 2023, la juridiction de renvoi a demandé un traitement de l’affaire par voie de procédure préjudicielle d’urgence, relevant, d’une part, que l’interprétation de l’article 46, paragraphe 4, de la directive 2013/32 dont elle a saisi la Cour aurait une incidence sur l’examen de recours similaires introduits devant elle et, d’autre part, que la question de droit soulevée en l’occurrence, dès lors qu’elle portait sur le droit à un recours juridictionnel
effectif, justifiait, par sa nature, une réponse dans les plus brefs délais.

18 Par une décision du 16 février 2023, la troisième chambre de la Cour, désignée conformément à l’article 108, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, a rejeté cette demande au motif que la condition tenant à l’urgence faisait défaut.

19 S’agissant du premier motif invoqué par la juridiction de renvoi, la troisième chambre de la Cour a relevé que le nombre important de personnes ou de situations juridiques potentiellement concernées par la décision qu’une juridiction de renvoi doit rendre après avoir saisi la Cour à titre préjudiciel n’est pas susceptible, en tant que tel, de constituer une circonstance exceptionnelle de nature à justifier l’application de la procédure préjudicielle d’urgence. Quant au second motif, tiré de ce
que toute demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation d’une disposition relative au droit à un recours juridictionnel effectif exigerait qu’une réponse soit fournie par la Cour avec célérité, cette chambre a considéré qu’un tel motif ne pouvait suffire, par lui-même, à justifier qu’une affaire fût soumise à la procédure d’urgence, étant donné que celle-ci constitue un instrument procédural destiné à répondre à une situation d’urgence extraordinaire.

20 La troisième chambre de la Cour a rappelé, par ailleurs, que le critère principal pour déterminer si la condition d’urgence est satisfaite est celui tenant à l’existence d’une privation de liberté du requérant au principal [arrêt du 12 janvier 2023, MV (Confusion des peines), C‑583/22 PPU, EU:C:2023:5, point 45] et a relevé qu’il ressortait du dossier dont dispose la Cour que ce requérant ne faisait l’objet d’aucune mesure de privation de liberté. Elle a également observé que, dans la mesure où,
en vertu du droit national, ledit requérant ne pouvait faire l’objet d’une expulsion tant que la décision statuant sur sa demande d’autorisation de séjour n’était pas devenue définitive, le risque d’éloignement vers un pays où il pourrait être exposé à la peine de mort, à la torture ou à d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants pouvait être écarté.

Sur la demande de procédure accélérée

21 La juridiction de renvoi a également formé une demande de traitement par procédure accélérée, au titre de l’article 105 du règlement de procédure, fondée sur des motifs identiques à ceux invoqués au soutien de sa demande de traitement par voie de procédure préjudicielle d’urgence, indiqués au point 17 de la présente ordonnance. Cette demande a été rejetée par une décision du président de la Cour du 1er mars 2023, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 19 de la présente ordonnance.

Sur la question préjudicielle

22 En vertu de l’article 99 du règlement de procédure, la Cour peut, notamment lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à une telle question ne laisse place à aucun doute raisonnable, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

23 Il a été décidé de faire application de cette disposition dans le cadre de la présente affaire.

24 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 46, paragraphe 4, de la directive 2013/32, lu à la lumière de l’article 47, premier alinéa, de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit un délai de trois jours, incluant les jours fériés et chômés, pour former un recours juridictionnel contre une décision rejetant comme étant manifestement non fondée une demande de protection internationale adoptée par
procédure accélérée.

25 L’article 46, paragraphes 1 et 4, de cette directive, lu à la lumière du considérant 50 de celle-ci, oblige les États membres à prévoir des délais raisonnables de recours et à énoncer les autres règles nécessaires pour que le demandeur de protection internationale puisse exercer son droit à un recours effectif devant un tribunal. Cette disposition précise également que ces délais ne peuvent rendre un tel exercice impossible ou excessivement difficile.

26 Les caractéristiques du recours prévu à l’article 46, paragraphe 4, de la directive 2013/32 doivent être déterminées en conformité avec l’article 47 de la Charte, aux termes duquel toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues à ce dernier article [arrêt du 9 septembre 2020, Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Rejet d’une demande ultérieure –
Délai de recours), C‑651/19, EU:C:2020:681, point 27]. L’article 46, paragraphe 4, de cette directive s’oppose ainsi à toute mesure nationale faisant obstacle à l’exercice effectif des voies de recours prévues au paragraphe 1 de cet article [voir, par analogie, arrêt du 22 juin 2023, K.B. et F.S. (Relevé d’office dans le domaine pénal), C‑660/21, EU:C:2023:498, point 37].

27 Il s’ensuit que, lorsque les États membres fixent des délais de recours en application d’une disposition du droit de l’Union telle cet article 46, paragraphe 4, ils sont tenus, conformément à l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, d’assurer le respect du droit à un recours effectif devant un tribunal, consacré à l’article 47 de la Charte, lequel est concrétisé audit article 46 [voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2019, Deutsche Umwelthilfe, C‑752/18, EU:C:2019:1114, point 34, et du 22 juin
2023, K.B. et F.S. (Relevé d’office dans le domaine pénal), C‑660/21, EU:C:2023:498, point 40].

28 De tels délais, ainsi qu’il ressort du considérant 20 de la directive 2013/32, doivent, dans tous les cas de figure, demeurer raisonnables et ne pas porter atteinte à la réalisation d’un examen approprié et exhaustif de la demande présentée ainsi qu’à l’exercice effectif, par le demandeur, des droits que cette directive leur reconnaît. En outre, ainsi qu’il est précisé au considérant 25 de ladite directive, chaque demandeur devrait avoir un accès effectif aux procédures, pouvoir coopérer et
communiquer de façon appropriée avec les autorités compétentes afin de présenter les faits pertinents le concernant, et disposer de droits procéduraux suffisants pour faire valoir sa demande à tous les stades de la procédure.

29 Par ailleurs, il résulte des dispositions combinées de l’article 12, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, de la directive 2013/32, que, en ce qui concerne les procédures de recours juridictionnel, tous les demandeurs doivent bénéficier, en tant que de besoin, des garanties équivalentes à celles prévues pour le traitement administratif des demandes de protection internationale, à savoir, notamment, des services d’un interprète pour présenter leurs arguments aux autorités compétentes.

30 De même, afin de permettre aux demandeurs d’exercer leur droit à un recours effectif devant un tribunal, l’article 22 de la directive 2013/32, lu en combinaison avec le considérant 23 de celle-ci, garantit à ces demandeurs le droit de bénéficier, à toutes les étapes de la procédure, d’une assistance juridique et d’une représentation, qui peuvent être gratuites conformément à l’article 20 de cette directive, y compris à la suite d’une décision négative. En outre, l’article 23 de ladite directive
garantit aux conseils desdits demandeurs l’accès aux informations versées au dossier sur la base duquel une décision est ou sera prise [arrêt du 9 septembre 2020, Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Rejet d’une demande ultérieure – Délai de recours), C‑651/19, EU:C:2020:681, point 62].

31 Il s’ensuit que, afin de respecter les exigences découlant de l’article 46, paragraphe 4, de la directive 2013/32, lu à la lumière de l’article 47, premier alinéa, de la Charte, un délai de recours ne saurait être considéré comme matériellement suffisant pour préparer et former un recours effectif devant un tribunal que pour autant que le demandeur soit à même d’exercer effectivement, dans un tel délai, les droits procéduraux mentionnés au point précédent de la présente ordonnance.

32 Or, il ressort de la demande de décision préjudicielle que, le ministère de l’Intérieur n’ayant pas mis d’interprète à la disposition du mandataire du requérant au principal dans le délai de recours en cause au principal, les conversations entre ces derniers se seraient résumées à des échanges de SMS avec l’utilisation d’un traducteur électronique. Il en ressort également que le ministère de l’Intérieur n’a donné aucune réponse à la demande d’accès aux informations versées au dossier du requérant
au principal, introduite par le mandataire de ce dernier, ce qui, selon la juridiction de renvoi, tenait au fait que la décision en cause au principal avait été notifiée à ce requérant peu avant un jour chômé.

33 Dans ces conditions, sous réserve des vérifications qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi d’effectuer, un délai de recours tel que celui en cause au principal, en ce qu’il est susceptible de priver, en pratique, un demandeur de son droit à des services d’un interprète pour présenter ses arguments aux autorités compétentes, garanti à l’article 12, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, de la directive 2013/32, de son droit à l’assistance juridique et à la représentation, garanti à
l’article 22 de cette directive, ainsi que de son droit d’accès aux informations versées au dossier, prévu à l’article 23 de ladite directive, ne garantit pas le droit à un recours effectif devant un tribunal prévu à l’article 47 de la Charte.

34 Eu égard aux motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 46, paragraphe 4, de la directive 2013/32, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale prévoyant un délai de trois jours, incluant les jours fériés et chômés, pour former un recours juridictionnel contre une décision rejetant comme étant manifestement non fondée une demande de protection internationale, rendue par procédure
accélérée, dès lors qu’un tel délai est susceptible de faire obstacle à l’exercice effectif des droits garantis à l’article 12, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, ainsi qu’aux articles 22 et 23 de cette directive.

Sur les dépens

35 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

  Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

  L’article 46, paragraphe 4, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, lu à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

  doit être interprété en ce sens que :

  il s’oppose à une réglementation nationale prévoyant un délai de trois jours, incluant les jours fériés et chômés, pour former un recours juridictionnel contre une décision rejetant comme étant manifestement non fondée une demande de protection internationale, rendue par procédure accélérée, dès lors qu’un tel délai est susceptible de faire obstacle à l’exercice effectif des droits garantis à l’article 12, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, ainsi qu’aux articles 22 et 23 de cette directive.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le slovène.

( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : C-58/23
Date de la décision : 27/09/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Upravno sodišče.

Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Politique d’asile – Procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale – Directive 2013/32/UE – Articles 22 et 23 – Droit à l’assistance juridique et à la représentation – Article 46, paragraphe 4 – Délai de recours raisonnable – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à un recours effectif devant un tribunal – Rejet d’une demande de protection internationale comme étant manifestement non fondée, par procédure accélérée.

Charte des droits fondamentaux

Politique d'asile

Droits fondamentaux

Contrôles aux frontières

Espace de liberté, de sécurité et de justice


Parties
Demandeurs : Y.N.
Défendeurs : Republika Slovenija.

Composition du Tribunal
Avocat général : Ćapeta
Rapporteur ?: Piçarra

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:748

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