La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2023 | CJUE | N°C-747/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, PAO Severstal et Novolipetsk Steel PJSC (NLMK) contre Commission européenne., 08/06/2023, C-747/21


 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

8 juin 2023 ( *1 )

« Pourvoi – Dumping – Règlement d’exécution (UE) 2016/1328 – Importations de certains produits plats laminés à froid en acier originaires de la République populaire de Chine et de la Fédération de Russie – Droit antidumping définitif – Règlement (CE) no 1225/2009 – Article 18, paragraphe 1 – Informations nécessaires – Absence – Article 9, paragraphe 4 – “Règle du droit moindre” – Prix indicatif – Marge bénéficiaire de l’industrie de l’Union europé

enne – Établissement – Choix de l’année
représentative la plus récente – Article 2, paragraphe 9 – Construction du prix à l’expor...

 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

8 juin 2023 ( *1 )

« Pourvoi – Dumping – Règlement d’exécution (UE) 2016/1328 – Importations de certains produits plats laminés à froid en acier originaires de la République populaire de Chine et de la Fédération de Russie – Droit antidumping définitif – Règlement (CE) no 1225/2009 – Article 18, paragraphe 1 – Informations nécessaires – Absence – Article 9, paragraphe 4 – “Règle du droit moindre” – Prix indicatif – Marge bénéficiaire de l’industrie de l’Union européenne – Établissement – Choix de l’année
représentative la plus récente – Article 2, paragraphe 9 – Construction du prix à l’exportation – Préjudice causé à l’industrie de l’Union – Application par analogie – Calcul de la marge de sous-cotation – Motivation »

Dans les affaires jointes C‑747/21 P et C‑748/21 P,

ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits le 3 décembre 2021,

PAO Severstal, établie à Cherepovets (Russie) (C‑747/21 P),

Novolipetsk Steel PJSC (NLMK), établie à Lipetsk (Russie) (C‑748/21 P),

représentées par Me M. Krestiyanova, avocate, et Me N. Tuominen, avocată,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée initialement par Mme K. Blanck et M. J.‑F. Brakeland, puis par M. J.‑F. Brakeland, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Eurofer, Association européenne de l’acier, ASBL, établie à Luxembourg (Luxembourg),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme M. L. Arastey Sahún, présidente de chambre, Mme A. Prechal (rapporteure), présidente de la deuxième chambre, et M. N. Wahl, juge,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 janvier 2023,

rend le présent

Arrêt

1 Par leurs pourvois, PAO Severstal (C‑747/21 P) et Novolipetsk Steel PJSC (NLMK) (C‑748/21 P) demandent l’annulation, respectivement, des arrêts du Tribunal de l’Union européenne du 22 septembre 2021, Severstal/Commission (T‑753/16, non publié, ci-après l’« arrêt Severstal/Commission (T‑753/16) », EU:T:2021:612), et du 22 septembre 2021, NLMK/Commission (T‑752/16, non publié, ci-après l’« arrêt NLMK/Commission (T‑752/16) », EU:T:2021:611) (ci-après, ensemble, les « arrêts attaqués »), par lesquels
cette juridiction a rejeté, respectivement, le recours de Severstal et le recours de NLMK tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2016/1328 de la Commission, du 29 juillet 2016, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains produits plats laminés à froid en acier originaires de la République populaire de Chine et de la Fédération de Russie (JO 2016, L 210, p. 1, ci-après le « règlement
litigieux »), dans la mesure où ce règlement les concernait.

Le cadre juridique

2 Nonobstant l’entrée en vigueur, avant la date de l’adoption du règlement litigieux, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21), qui a abrogé et remplacé le règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays
non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51), tel que modifié par le règlement (UE) no 37/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 janvier 2014 (JO 2014, L 18, p. 1) (ci-après le « règlement de base »), les règles de droit matériel prévues par le règlement de base demeuraient applicables à la détermination du dumping et du préjudice en cause dans les présentes affaires jointes, dès lors que l’enquête relative au dumping et au préjudice à l’origine de l’adoption du
règlement litigieux a porté sur la période comprise entre le 1er avril 2014 et le 31 mars 2015. Toutefois, ces règles ayant le même contenu que celles, correspondantes, prévues par le règlement 2016/1036, l’application ou l’invocation de ces dernières au cours des procédures ayant donné lieu aux présents pourvois est sans conséquence.

3 L’article 2, paragraphe 9, du règlement de base prévoyait :

« Lorsqu’il n’y a pas de prix à l’exportation ou lorsqu’il apparaît que le prix à l’exportation n’est pas fiable en raison de l’existence d’une association ou d’un arrangement de compensation entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers, le prix à l’exportation peut être construit sur la base du prix auquel les produits importés sont revendus pour la première fois à un acheteur indépendant ou, si les produits ne sont pas revendus à un acheteur indépendant ou ne sont pas revendus dans l’état où
ils ont été importés, sur toute autre base raisonnable.

Dans de tels cas, des ajustements sont opérés pour tenir compte de tous les frais, y compris les droits et les taxes, intervenus entre l’importation et la revente et d’une marge bénéficiaire, afin d’établir un prix à l’exportation fiable au niveau frontière [de l’Union].

Les coûts au titre desquels un ajustement est opéré incluent ceux normalement supportés par un importateur, mais payés par toute partie ayant ses activités à l’intérieur ou à l’extérieur de [l’Union] et paraissant être associée à ou avoir conclu un arrangement de compensation avec l’importateur ou l’exportateur, et notamment les éléments suivants : transport habituel, assurance, manutention, déchargement et coûts accessoires ; droits de douane, droits antidumping et autres taxes payables dans le
pays importateur du fait de l’importation ou de la vente des marchandises, ainsi qu’une marge raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et le bénéfice. »

4 L’article 9, paragraphe 4, de ce règlement disposait :

« Lorsqu’il ressort de la constatation définitive des faits qu’il y a dumping et préjudice en résultant et que l’intérêt de l’Union [européenne] nécessite une action conformément à l’article 21, un droit antidumping définitif est imposé par la Commission [européenne], statuant conformément à la procédure d’examen visée à l’article 15, paragraphe 3. Lorsque des droits provisoires sont en vigueur, la Commission lance cette procédure au plus tard un mois avant l’expiration de ces droits. Le montant
du droit antidumping n’excède pas la marge de dumping établie et devrait être inférieur à cette marge, si ce droit moindre suffit à éliminer le préjudice causé à l’industrie de l’Union. »

5 L’article 18, paragraphe 1, dudit règlement énonçait :

« Lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans les délais prévus par le présent règlement ou fait obstacle de façon significative à l’enquête, des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, peuvent être établies sur la base des données disponibles. S’il est constaté qu’une partie intéressée a fourni un renseignement faux ou trompeur, ce renseignement n’est pas pris en considération et il peut être fait usage des données
disponibles. [...] »

Les antécédents des litiges

6 Les antécédents des litiges, tels qu’ils sont présentés dans les arrêts attaqués, peuvent être résumés comme suit aux fins du présent arrêt.

7 Severstal et NLMK sont des sociétés de droit russe actives sur le marché de la fabrication et de la distribution de produits sidérurgiques, et notamment, de produits plats laminés à froid en acier.

8 Le 14 mai 2015, à la suite d’une plainte déposée par Eurofer, Association européenne de l’acier, ASBL, la Commission a publié un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de certains produits plats laminés à froid en acier originaires de la République populaire de Chine et de la Fédération de Russie (JO 2015, C 161, p. 9).

9 L’enquête relative au dumping et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er avril 2014 et le 31 mars 2015. L’examen des évolutions pertinentes aux fins de l’évaluation du préjudice a couvert la période allant du 1er janvier 2011 au 31 mars 2015 (ci-après la « période considérée »).

10 À la suite du dépôt, par Severstal et par NLMK, de leurs réponses au questionnaire antidumping ainsi que de visites de vérification sur place effectuées par la Commission dans des locaux de ces entreprises et dans ceux de négociants liés à ces dernières, la Commission a informé lesdites entreprises, par lettres du 30 octobre 2015, de son intention d’appliquer l’article 18 du règlement de base, au motif qu’elles n’avaient pas fourni, dans ces réponses, les informations nécessaires dans les délais
prévus et qu’elles avaient entravé le bon déroulement de l’enquête en ne fournissant pas la documentation demandée au début de la visite de vérification.

11 Par lettres séparées du 13 novembre 2015, Severstal et NLMK se sont opposées à une application de cet article et ont exprimé leur volonté de continuer à coopérer.

12 Le 29 juillet 2016, la Commission a adopté le règlement litigieux, dont l’article 1er prévoyait, d’une part, qu’un droit antidumping définitif était institué sur les importations de produits plats laminés, en fer ou en aciers non alliés, ou autres aciers alliés, à l’exclusion de l’acier inoxydable, de toutes largeurs, laminés à froid, non plaqués ni revêtus, simplement laminés à froid relevant de certains codes NC (ci-après le « produit concerné »), originaires de la République populaire de Chine
ainsi que de la Fédération de Russie, et, d’autre part, que le taux de ce droit s’établissait à 34 % concernant les importations de Severstal et à 36,1 % concernant les importations de NLMK.

Les procédures devant le Tribunal et les arrêts attaqués

13 Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 28 octobre 2016, Severstal et NLMK ont demandé l’annulation du règlement litigieux.

14 Par deux ordonnances du 31 mai 2017, le président de la deuxième chambre a admis l’intervention d’Eurofer, au soutien des conclusions de la Commission, dans chacune des procédures engagées par Severstal et NLMK.

15 À l’appui de leurs recours, Severstal et NLMK ont soulevé, respectivement, six et cinq moyens. Seules les appréciations, par le Tribunal, des premier et sixième moyens soulevés par Severstal dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Severstal/Commission (T‑753/16) ainsi que des deuxième et cinquième moyens soulevés par NLMK dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16) sont pertinentes pour les présents pourvois.

16 Par ces premier et deuxième moyens, Severstal et NLMK ont, en substance, fait grief à la Commission d’avoir violé l’article 18 du règlement de base, l’article 6.8 de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103), l’annexe II de cet accord et le principe de proportionnalité ainsi que d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’elles n’avaient pas coopéré pleinement, de telle
sorte que les données disponibles devaient être prises en compte. Par les arrêts attaqués, le Tribunal a rejeté ces moyens en confirmant, en substance, que tant Severstal que NLMK n’avaient pas fourni toutes les informations fiables et nécessaires à l’enquête de la Commission, de telle sorte que cette dernière pouvait appliquer l’article 18 du règlement de base sans commettre d’erreur.

17 Par les sixième et cinquième moyens visés au point 15 du présent arrêt, Severstal et NLMK ont, en substance, fait grief à la Commission d’avoir violé l’article 2, paragraphe 9, ainsi que l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base et commis des erreurs manifestes d’appréciation lors de la détermination du niveau d’élimination du préjudice. Elles avancent, en particulier, que la Commission a fixé une marge bénéficiaire déraisonnable et excessive pour l’industrie de l’Union et qu’elle a commis
une erreur en appliquant par analogie l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base aux fins du calcul de la marge de préjudice. Par les arrêts attaqués, le Tribunal a rejeté ces moyens en considérant que la Commission avait établi le niveau d’élimination du préjudice sans commettre d’erreur.

Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

18 Par son pourvoi dans l’affaire C‑747/21 P, Severstal demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt Severstal/Commission (T‑753/16) ;

– de statuer définitivement sur le litige si celui-ci est en état d’être jugé ;

– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue de nouveau, et

– de condamner la Commission aux dépens de la procédure devant la Cour ainsi qu’à ceux de la procédure devant le Tribunal.

19 Par son pourvoi dans l’affaire C‑748/21 P, NLMK demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16) ;

– de statuer définitivement sur le litige si celui-ci est en état d’être jugé ;

– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue de nouveau, et

– de condamner la Commission aux dépens de la procédure devant la Cour ainsi qu’à ceux de la procéduredevant le Tribunal.

20 La Commission demande à la Cour de rejeter ces deux pourvois comme étant non fondés et de condamner Severstal et NLMK aux dépens.

21 Le 21 septembre 2022, le président de la Cour a invité les parties à prendre position sur la jonction éventuelle des affaires C‑747/21 P et C‑748/21 P aux fins de la suite de la procédure et de l’arrêt.

22 Par lettres du 22 septembre 2022, la Commission a informé la Cour qu’elle n’avait pas d’objection à la jonction de ces affaires. Par lettre du 28 septembre 2022, Severstal a indiqué à la Cour qu’elle marquait son accord avec cette jonction. Par lettre du même jour, NLMK s’est opposée à ladite jonction pour la suite de la procédure sans avancer de motifs à cet égard.

23 Par décision de la Cour du 18 octobre 2022, prise en application de l’article 54 du règlement de procédure de la Cour, les affaires C‑747/21 P et C‑748/21 P ont été jointes aux fins de la suite de la procédure et de l’arrêt.

24 Par lettre du 24 octobre 2022, les parties ont été invitées à répondre à certaines questions de la Cour au titre de mesure d’organisation de la procédure. La Commission a répondu à ces questions le 24 novembre 2022. Severstal et NLMK y ont répondu le 1er décembre 2022.

Sur les pourvois

25 À l’appui de leurs pourvois, Severstal et NLMK invoquent trois moyens tirés, en substance, le premier, d’erreurs de droit dans l’interprétation de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, d’une dénaturation des éléments de preuve et de constatations de fait matériellement inexactes, le deuxième, d’erreurs de droit dans l’application et l’interprétation de l’article 9, paragraphe 4, de ce règlement ainsi que, le troisième, d’erreurs de droit dans l’application et l’interprétation de
l’article 2, paragraphe 9, dudit règlement.

26 Dès lors que ces moyens, soulevés tant par Severstal que par NLMK, se recoupent dans une très large mesure, ils seront examinés conjointement.

Sur les premiers moyens

Argumentation des parties

27 En premier lieu, les requérantes soutiennent que le Tribunal a interprété d’une manière erronée l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base en appréciant l’application de cette disposition, par la Commission, dans le règlement litigieux sans se prononcer au préalable sur la question de savoir si le produit concerné était un produit fini ou un produit semi-fini. Or, les critères de contrôle de l’application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base dépendraient de la réponse à cette
question. En outre, le Tribunal n’aurait pas motivé son choix de qualifier les produits en cause de semi-finis et aurait, à tort, limité son contrôle sur les enquêtes de la Commission. Pour ces motifs, Severstal et NLMK contestent respectivement les points 32, 56, 58 et 68 de l’arrêt Severstal/Commission (T-753/16) ainsi que les points 33, 50, 56, 79, 80 et 163 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16).

28 En second lieu, les requérantes allèguent que le Tribunal a dénaturé des éléments de preuve et procédé à des constatations de fait matériellement inexactes dans les arrêts attaqués.

29 En particulier, Severstal conteste les points 70, 72, 80, 81, 83, 84, 90 à 94, 97 et 102 de l’arrêt Severstal/Commission (T-753/16) en avançant les arguments suivants :

– l’appréciation, aux points 70 et 81 de cet arrêt, selon laquelle la Commission n’a pas pu vérifier si les coûts totaux d’achat des matières premières étaient reflétés avec exactitude dans les comptes de Severstal est matériellement inexacte au regard du contenu de l’annexe F‑14b de sa réponse au questionnaire antidumping et de la pièce de vérification no 11 ;

– l’appréciation, au point 72 dudit arrêt, selon laquelle Severstal n’avait pas déclaré ses coûts de fabrication dans l’annexe F‑14 A de cette réponse conformément à la classification des coûts dans les différents numéros de contrôle des produits (ci-après les « NCP ») adoptés par la Commission est matériellement inexacte, dès lors que ce point indique que, lors de la visite de vérification sur place, Severstal avait fourni un rapprochement entre sa propre classification et la structure NCP
demandée par la Commission ;

– l’appréciation, aux points 80 et 89 du même arrêt, selon laquelle Severstal n’avait pas établi qu’elle n’était pas en possession des données nécessaires serait erronée, dès lors qu’elle a démontré que le coût des matières premières n’était pas « affecté » par son système de comptabilisation informatisé interne SAP ERP (ci-après le « système SAP ») au produit concerné, mais qu’il était « agrégé » à chaque étape de la production pour chaque code de production individuel, et

– l’appréciation, aux points 90 à 93 de l’arrêt Severstal/Commission (T-753/16), selon laquelle Severstal a adopté deux clés de répartition différentes pour les coûts des matières premières est matériellement inexacte au regard de sa réponse à la lettre de la Commission du 10 septembre 2015 l’invitant à pallier certaines lacunes et de la pièce no 16 produite par Severstal lors de la vérification sur place.

30 NLMK conteste les points 54 à 57, 68, 77 à 79 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16), au motif que le Tribunal y aurait dénaturé des éléments de preuve ou procédé à des constatations de fait matériellement inexactes concernant les pièces nos 23, 25, 28 et 34.

31 En particulier, NLMK allègue que les appréciations du Tribunal, figurant aux points 55, 68 et 123 de cet arrêt, dénaturent les faits exposés dans la pièce no 34. Ainsi, contrairement à ce qu’il ressortirait de ces points, cette pièce aurait le même contenu que celui de la pièce no 23, qui a été reçue et vérifiée lors de la visite sur place et qui indiquerait les quantités ainsi que les coûts totaux de produits non finis transférés. Partant, à cet égard, il n’aurait pas pu être considéré que cette
pièce no 34 contenait de nouvelles informations ni qu’elle avait été présentée tardivement. En outre, la Commission aurait utilisé ladite pièce no 34 uniquement pour déterminer les quantités et les montants totaux et non pour l’usage pour lequel elle avait été demandée, à savoir pour ventiler les informations par codes. Une telle utilisation aurait conduit la Commission à commettre une erreur dans l’appréciation du rapprochement des calculs et à la conclusion absurde selon laquelle NLMK vendait
plus qu’elle ne produisait.

32 NLMK conteste également les points 81 et 116 dudit arrêt au motif que, contrairement à l’appréciation du Tribunal figurant à ces points, elle a fourni des informations adéquates, complètes et vérifiables. Selon NLMK, l’examen des informations fournies dans les pièces nos 23 et 34 permettait de constater que les rapprochements qu’elle avait effectués étaient étayés par les preuves du système SAP, qui a été vérifié au cours de visites sur place, que les explications étaient logiques et non
contradictoires et qu’elles reflétaient la structure comptable complexe d’une aciérie intégrée. La Commission n’aurait pas compris qu’une déduction supplémentaire des coûts sans quantités (qui étaient déjà déduits auparavant) était nécessaire pour ajuster le coût de fabrication des déchets réutilisables, c’est-à-dire de la ferraille, à leur valeur marchande, à laquelle cette ferraille est mise dans la production. Une telle incompréhension serait à l’origine de la conclusion erronée selon
laquelle, premièrement, elle vendait plus qu’elle ne produisait et, deuxièmement, toutes les données étaient peu fiables.

33 La Commission estime que les premiers moyens sont irrecevables en ce qu’ils visent à obtenir un réexamen des faits par la Cour et non fondés pour le surplus.

Appréciation de la Cour

34 En premier lieu, en ce que les requérantes font grief au Tribunal d’avoir procédé à une interprétation erronée de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base au motif qu’il n’aurait ni examiné ni motivé la qualification du produit concerné de fini ou de semi-fini avant d’apprécier l’application, par la Commission, de cette disposition dans le règlement litigieux, alors que les critères de vérification des informations nécessaires visées à ladite disposition différeraient en fonction de cette
qualification, il y a lieu de rejeter les objections de la Commission relatives à la recevabilité de ce grief. En effet, contrairement à ce qu’avance la Commission, ledit grief soulève une question de droit et non de fait, dès lors qu’il porte sur les critères régissant l’application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base.

35 En ce qui concerne le bien-fondé du même grief, il convient de rappeler que cette disposition confère à la Commission la possibilité d’établir ses conclusions en matière de dumping et de préjudice sur la base des données disponibles lorsqu’une partie intéressée ne coopère pas à l’enquête antidumping en refusant l’accès aux informations nécessaires ou en ne les fournissant pas dans les délais prévus par ce règlement ou en faisant obstacle de façon significative à cette enquête.

36 Il ressort de la jurisprudence de la Cour que la notion d’« informations nécessaires » visée à ladite disposition correspond aux renseignements détenus par les parties intéressées qui permettent à la Commission de mener à bien ses enquêtes antidumping en établissant des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, points 47 à 49 et 57].

37 Par ailleurs, la Cour a précisé que l’appréciation permettant de déterminer si un élément d’information donné constitue ou non une « information nécessaire », au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, doit être effectuée compte tenu des circonstances spécifiques de chaque enquête, et non dans l’abstrait [arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, point 49].

38 Il s’ensuit que cette appréciation doit se faire au cas par cas, compte tenu du fait que de telles informations doivent permettre à la Commission de mener à bien ses enquêtes antidumping.

39 Ainsi, le critère pertinent afin d’apprécier si une information détenue par une partie intéressée est nécessaire, au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, est le même quelles que soient les circonstances spécifiques de chaque enquête. En effet, dans tous les cas, il s’agit de déterminer si cette information est de nature à permettre à la Commission d’établir les conclusions qui s’imposent dans le cadre de l’enquête antidumping en cause. Le caractère fini ou semi-fini du
produit concerné ne saurait donc affecter le critère d’appréciation pour l’application de cette disposition.

40 En outre, pour autant que les requérantes invoquent des violations par le Tribunal de son obligation de motivation, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d’un arrêt doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (arrêt du 13 décembre 2018, Union européenne/Kendrion, C‑150/17 P,
EU:C:2018:1014, point 80 et jurisprudence citée).

41 Or, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, il ressort de la lecture des points 46 à 102 de l’arrêt Severstal/Commission (T‑753/16) et des points 38 à 91 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16) que le Tribunal a exposé à suffisance les raisons pour lesquelles il a considéré que l’application, par la Commission, de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base à Severstal et à NLMK dans la procédure ayant donné lieu à l’adoption du règlement litigieux devait être entérinée. Cet exposé
permet aux requérantes de connaître la justification de la décision du Tribunal et à la Cour d’exercer son contrôle.

42 Partant, il y a lieu de rejeter comme étant non fondé le grief des requérantes selon lequel le Tribunal aurait interprété d’une manière erronée l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, au motif qu’il n’a ni examiné ni motivé la qualification du produit concerné de semi-fini avant d’apprécier l’application, par la Commission, de cette disposition aux requérantes dans le règlement litigieux.

43 En deuxième lieu, en ce que Severstal invoque le contrôle juridictionnel du pouvoir d’appréciation de la Commission et considère que, en l’espèce, le Tribunal n’a pas correctement interprété et appliqué l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base en réduisant de manière excessive la portée de son contrôle sur l’enquête de la Commission, force est de constater que Severstal n’expose pas à suffisance la prétendue erreur de droit que le Tribunal aurait commise. Partant, ce grief doit être
écarté comme étant irrecevable.

44 En troisième lieu, en ce que les requérantes font grief au Tribunal d’avoir dénaturé certains éléments de preuve et d’avoir procédé à des constatations de fait qui sont matériellement inexactes, il convient de rappeler que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit.

45 En cas de pourvoi, la Cour n’est donc pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été
soumis (arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 30 et jurisprudence citée).

46 Le Tribunal exerce une telle compétence exclusive sous réserve de l’inexactitude matérielle des constatations de fait qu’il opère et de la dénaturation des éléments de preuve produits devant lui. En effet, dans le cadre d’un pourvoi, le pouvoir de contrôle de la Cour s’étend, s’agissant de la constatation des faits, à l’inexactitude matérielle de ces constatations résultant des pièces du dossier et, s’agissant de l’appréciation des faits, à la dénaturation, par le Tribunal, de ces éléments de
preuve (voir, en ce sens, arrêts du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer, C‑2/01 P et C‑3/01 P, EU:C:2004:2, point 47, ainsi que du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 31 et jurisprudence citée).

47 Il importe également de rappeler que, lorsqu’une partie requérante allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, elle doit, en application de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, indiquer de manière précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le
Tribunal à cette dénaturation. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu’une dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 10 novembre 2022, Commission/Valencia Club de Fútbol, C‑211/20 P, EU:C:2022:862, point 55 et jurisprudence citée). Il en va de même s’agissant des inexactitudes matérielles des constatations de fait alléguées par une partie requérante.

48 Dans l’affaire C‑747/21 P, Severstal allègue, premièrement, que le Tribunal a procédé à une constatation de fait matériellement inexacte aux points 70 et 81 de l’arrêt Severstal/Commission (T‑753/16), en relevant que la Commission n’avait pas pu vérifier si les coûts totaux d’achat des matières premières étaient reflétés avec exactitude dans ses comptes et s’ils étaient effectivement inclus dans le coût de fabrication du produit concerné, dès lors que l’annexe F‑14b de sa réponse au questionnaire
antidumping, intitulée « Feuille de coûts initiaux », et la pièce de vérification no 11, référencée dans la liste des pièces de la Commission sous le titre « Rapprochement des coûts ordinaires avec le système SAP », démontraient le coût total de ces matières premières.

49 À cet égard, il y a lieu d’observer qu’il ressort des points 70 et 81 de l’arrêt Severstal/Commission (T-753/16) que l’appréciation du Tribunal repose sur le fait qu’il est constant que les coûts déclarés comprenaient uniquement les coûts relatifs aux « ventes » du produit concerné, et non également ceux des produits destinés à un usage captif. Or, il ne ressort pas de manière manifeste de cette annexe F‑14b que les coûts des produits captifs étaient inclus et que, partant, ceux-ci ont pu être
vérifiés. Quant à la pièce de vérification no 11, prétendument référencée dans la liste des pièces de la Commission sous le titre « Rapprochement des coûts ordinaires avec le système SAP », Severstal ne la produit pas ni n’apporte de précision quant à cette liste. En outre, cette pièce n’apparaît pas dans les descriptions des annexes des écritures des parties dans l’affaire T‑753/16. Dès lors, Severstal reste en défaut de démontrer qu’il était manifeste que les coûts repris dans ladite pièce
incluaient les coûts des produits captifs.

50 Deuxièmement, en ce que Severstal avance que la constatation opérée par le Tribunal au point 72 de l’arrêt Severstal/Commission (T-753/16), selon laquelle elle n’avait pas déclaré ses coûts de fabrication dans l’annexe F‑14 A de la réponse au questionnaire antidumping conformément à la classification des coûts dans les différents NCP adoptés par la Commission, est matériellement inexacte, au motif que, à ce point, il est indiqué que, lors de la visite de vérification sur place, Severstal avait
fourni un rapprochement entre sa propre classification et la structure NCP demandée par la Commission, il y a lieu d’observer que Severstal procède à une citation tronquée dudit point. En effet, ce dernier précise que les informations fournies lors de cette visite « se sont toutefois limitées, ainsi que la requérante l’a confirmé lors de l’audience, aux coûts de fabrication des produits “vendus”, à l’exclusion des coûts de fabrication relatifs aux produits transformés dans l’entreprise ». Il
s’ensuit que Severstal n’avait effectivement pas déclaré tous ses coûts de fabrication conformément à la classification des coûts dans les différents NCP adoptés par la Commission et qu’il n’est pas démontré que les constatations figurant au point 72 de l’arrêt Severstal/Commission (T-753/16) soient matériellement inexactes.

51 Troisièmement, en ce que Severstal conteste l’appréciation, aux points 80 et 89 de cet arrêt, selon laquelle elle n’a pas établi qu’elle n’était pas en possession des données nécessaires, il convient de rejeter une telle contestation, dès lors que Severstal n’expose pas à suffisance les inexactitudes matérielles en cause ou les éléments de preuve qui auraient été dénaturés par le Tribunal à cet égard.

52 Quatrièmement, en ce que Severstal conteste les appréciations figurant aux points 90 à 93 dudit arrêt, au motif que le Tribunal a jugé à tort qu’elle avait adopté deux clés de répartition différentes concernant les coûts des matières premières et qu’il a illégalement validé des ajustements de ses coûts de fabrication du produit concerné, il y a lieu de constater que Severstal demande en réalité une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve, sans indiquer de manière suffisamment
précise les inexactitudes matérielles ou les dénaturations reprochées au Tribunal ni démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit celui-ci à commettre ces dénaturations. Une telle contestation est, dès lors, irrecevable.

53 Enfin, cinquièmement, en ce que Severstal conteste les points 94, 97 et 102 du même arrêt, force est de constater qu’elle n’expose pas les motifs pour lesquels les appréciations figurant à ces points seraient erronées en droit, de telle sorte qu’une telle contestation est également irrecevable.

54 Dans l’affaire C‑748/21 P, NLMK considère que, aux points 55, 68 et 123 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16), le Tribunal a dénaturé des éléments de preuve en considérant, en substance, qu’elle n’avait pas fourni d’informations relatives à la quantité et au coût totaux de fabrication du produit concerné tant fini que semi-fini, alors que ces informations figurent dans les pièces nos 23 et 34, qui ont été soumises à la Commission lors de la vérification sur place.

55 À cet égard, il convient d’observer que, ainsi qu’il ressort du point 54 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16), NLMK n’a pas contesté ne pas avoir déclaré la totalité du volume de production du produit concerné dans sa réponse au questionnaire antidumping. Comme la Commission l’expose sans être contredite, elle est arrivée à une telle constatation après que la pièce no 23 a été produite lors de la visite de vérification sur place, afin de vérifier la déduction de coûts pour la variation des
stocks de produits en cours de fabrication qui s’est avérée concerner des produits semi-finis dont le volume n’avait pas été repris dans cette réponse. À la suite de cette constatation, la Commission a demandé à NLMK de lui fournir les données de coût, par type de produit, pour le produit semi-fini faisant l’objet de l’enquête. En réponse à cette demande, NLMK a fourni, à la fin de cette visite, la pièce no 34. Les contenus des pièces nos 23 et 34 se recoupent en partie en ce que ces pièces
contiennent toutes les deux des données sur la quantité et le coût totaux de fabrication du produit concerné tant fini que semi-fini. Elles se différencient cependant en ce que la pièce no 34 contient également des données de coût et de quantité par type de produit semi-fini.

56 Le Tribunal ne dénature cependant pas ces pièces lorsqu’il juge, premièrement, au point 68 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16), que la pièce no 34 a été produite tardivement, qu’elle n’a pas pu être vérifiée après la visite sur place et qu’elle n’était pas une simple ventilation par code de production des informations fournies dans la pièce no 23, mais a été présentée dans un contexte différent afin de réconcilier les déductions de coût pour les variations des stocks dues aux produits en cours
de fabrication, telles que déclarées dans sa réponse au questionnaire antidumping, deuxièmement, au point 55 de cet arrêt, que les informations contenues dans la pièce no 34 n’ont pas remédié à la lacune de NLMK qui n’avait pas déclaré la totalité de la production et de la capacité pour la totalité du produit concerné, mais ont permis à la Commission d’établir l’incohérence des données de production déclarées par NLMK, car elles établissaient que celle-ci déclarait une quantité vendue globalement
supérieure à ce que la production rendait possible, compte tenu des variations de stocks, des rejets et des déchets tels qu’elle les avait déclarés, ainsi que, troisièmement, au point 123 dudit arrêt, que NLMK n’avait pas pu étayer ses arguments selon lesquels il convenait de prendre en compte ses données sur les quantités vendues par les informations déjà contenues dans cette réponse, ni par celles figurant dans les pièces recueillies sur place.

57 En effet, de telles appréciations du Tribunal portent sur la valeur probante des pièces nos 23 et 34, compte tenu de la vérification, par la Commission, des données contenues dans celles-ci, à la suite de leur production au cours de la procédure administrative ayant donné lieu à l’adoption du règlement litigieux. Or, ces appréciations sont des appréciations factuelles qui, sous réserve de leur dénaturation, ne relèvent pas du contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

58 De même, NLMK avance, à tort, que, aux points 81 et 116 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16), le Tribunal a dénaturé les informations qu’elle a fournies dans le cadre de la double déduction des déchets et des rejets en considérant que ces informations n’étaient pas fiables. En effet, par ses arguments, NLMK se limite à remettre en cause l’appréciation des éléments de fait opérée par le Tribunal, sans établir l’existence d’une quelconque dénaturation ni de constatations de fait matériellement
inexactes.

59 Enfin, en ce que NLMK invoque, à l’appui de ses griefs, les pièces nos 25 et 28, force est de constater qu’elle n’expose pas pour quels motifs le contenu de ces pièces aurait été dénaturé.

60 Au vu de ce qui précède, les griefs des requérantes tirés d’une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal et de l’inexactitude matérielle de constatations de fait opérées par celui-ci doivent être écartés.

61 Par conséquent, les premiers moyens doivent être rejetés.

Sur les deuxièmes moyens des pourvois

Argumentation des parties

62 Severstal et NLMK soutiennent que, respectivement aux points 243 à 257 de l’arrêt Severstal/Commission (T-753/16) et aux points 209 à 223 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16), le Tribunal a commis des erreurs lors de l’interprétation et du contrôle de l’application, par la Commission, de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base ainsi qu’en ne répondant pas à leurs arguments. En outre, elles estiment que le Tribunal a manqué à son devoir de motivation compte tenu des arguments qu’elles
avaient avancés à cet égard.

63 En particulier, les requérantes font grief au Tribunal d’avoir confirmé que la Commission pouvait, en raison de la crise financière mondiale, retenir l’année 2008 comme étant l’année représentative la plus récente pour l’établissement de la marge bénéficiaire cible de l’industrie de l’Union aux fins de l’application de cet l’article 9, paragraphe 4, alors que cette année ne faisait pas partie de la période considérée. En l’espèce, ladite année serait trop éloignée pour pouvoir être considérée
comme telle et son choix résulterait d’une application erronée dudit article 9, paragraphe 4.

64 En outre, les requérantes considèrent que le Tribunal a méconnu le principe de la protection de la confiance légitime en jugeant que la Commission n’était pas liée par la période considérée pour définir l’année représentative la plus récente aux fins de l’établissement de la marge bénéficiaire en cause.

65 Par ailleurs, le choix de l’année 2008 pour déterminer cette marge bénéficiaire serait, en raison de la crise financière, incompatible avec les appréciations figurant aux points 151 et 152 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16) ainsi qu’aux points 185 et 186 de l’arrêt Severstal/Commission (T-753/16). En effet, à ces points, le Tribunal aurait refusé de répondre aux arguments des requérantes portant sur la prise en compte de cette crise lors de l’appréciation des coûts de production de l’industrie
de l’Union pour l’appréciation du préjudice causé à l’industrie de l’Union. Ainsi, le Tribunal aurait arbitrairement confirmé l’approche de la Commission selon laquelle ladite crise est à prendre en compte lors de l’établissement de la marge bénéficiaire cible de l’industrie de l’Union aux fins de l’application de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base, mais non pas lors de l’appréciation de ce préjudice. Or, cette marge bénéficiaire ne correspondrait pas à celle qui serait souhaitable
pour assurer la survie de l’industrie de l’Union et/ou une rémunération adéquate du capital après la survenance d’un événement extérieur, tel qu’une crise financière mondiale.

66 À titre principal, les requérantes avancent que la crise financière peut être un élément à prendre en compte dans le calcul dudit préjudice, de sorte que les importations en provenance des pays concernés ne sauraient être le seul facteur pertinent à l’origine du préjudice subi par l’industrie de l’Union. En ne répondant pas à ces arguments, le Tribunal aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et violé son obligation de motivation.

67 À titre subsidiaire, elles allèguent que, si la crise financière ne constitue pas un facteur pertinent à prendre en compte pour apprécier le lien de causalité entre ce préjudice et ces importations, le Tribunal aurait dû constater que la Commission ne pouvait pas choisir l’année 2008 en tant qu’année de référence pour calculer la marge bénéficiaire de l’industrie de l’Union.

68 La Commission considère que les deuxièmes moyens sont inopérants en ce qu’ils portent sur les points 151 et 152 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16) ainsi que sur les points 185 et 186 de l’arrêt Severstal/Commission (T-753/16) et non fondés pour le surplus.

Appréciation de la Cour

69 Par leurs deuxièmes moyens, les requérantes font valoir, en substance, que le Tribunal, d’une part, a commis des erreurs de droit lors de l’interprétation et de l’application de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base et, d’autre part, a violé le principe de protection de la confiance légitime ainsi que son obligation de motivation en retenant non pas une année faisant partie de la période considérée, mais l’année 2008 comme étant l’année représentative la plus récente aux fins de
l’établissement de la marge bénéficiaire cible de l’industrie de l’Union.

70 En premier lieu, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, dans le cadre du pourvoi, la compétence de la Cour est, en principe, limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les juges du fond (arrêt du 12 septembre 2017, Anagnostakis/Commission, C‑589/15 P, EU:C:2017:663, point 55 et jurisprudence citée). Or, l’argument des requérantes selon lequel le principe de la protection de la confiance légitime a été violé en raison du
choix de l’année 2008 comme étant l’année représentative la plus récente aux fins de l’établissement de la marge bénéficiaire cible de l’industrie de l’Union a été avancé pour la première fois au stade du pourvoi. Partant, cet argument est irrecevable.

71 En deuxième lieu, doivent être déclarés inopérants les arguments des requérantes tirés du refus, par le Tribunal, de prendre en compte les effets de la crise financière lors de l’appréciation du préjudice subi par l’industrie de l’Union et du lien de causalité entre ce dernier et les importations en cause, tel qu’il ressortirait des points 151 et 152 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16) ainsi que des points 185 et 186 de l’arrêt Severstal/Commission (T-753/16). En effet, le Tribunal a apprécié
ce préjudice et ce lien de causalité lors de son examen des troisième et quatrième moyens soulevés par NLMK dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16) ainsi que des quatrième et cinquième moyens soulevés par Severstal dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Severstal/Commission (T‑753/16). L’examen de ces moyens par le Tribunal ne fait toutefois pas l’objet des présents pourvois. Par conséquent, les arguments des requérantes dirigés contre ces
points des arrêts attaqués, indépendamment de leur bien-fondé, ne pourraient en aucun cas entraîner l’annulation de ces arrêts. Pour les mêmes motifs, les griefs des requérantes tirés de l’absence de motivation par le Tribunal du rejet de leurs arguments portant sur les effets de la crise financière sur l’appréciation dudit préjudice et dudit lien de causalité doivent également être déclarés inopérants.

72 En troisième lieu, s’agissant des allégations des requérantes selon lesquelles le Tribunal aurait commis des erreurs de droit lors de l’interprétation et de l’application de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base, il y a lieu de rappeler que la dernière phrase de cette disposition énonce la « règle du droit moindre » selon laquelle le montant du droit antidumping doit être inférieur à la marge de dumping établie si ce droit moindre suffit à éliminer le préjudice causé à l’industrie de
l’Union.

73 Ainsi, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 52 de ses conclusions, cette règle a pour objectif d’éviter que le droit antidumping imposé excède ce qui est nécessaire pour éliminer le préjudice causé à cette industrie par les importations faisant l’objet d’un dumping. Une telle règle est justifiée au regard de la nature et de la finalité des droits antidumping qui ne constituent ni des sanctions ni des mesures compensatoires destinées à réparer des dommages subis, mais des mesures de
défense contre la concurrence déloyale résultant d’importations faisant l’objet de dumping (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil, C‑458/98 P, EU:C:2000:531, point 91). Ces droits ne visent qu’à empêcher ou à rendre économiquement inintéressantes les importations faisant l’objet d’un dumping et ainsi à remédier à un déséquilibre sur le marché national, causé par ce dumping.

74 Il ressort du considérant 175 et de l’article 1er du règlement litigieux que la Commission a fait application de ladite règle pour fixer les taux du droit antidumping définitif à 34 % en ce qui concerne les importations du produit concerné par Severstal et à 36,1 % en ce qui concerne les importations du produit concerné par NLMK. Pour calculer ces taux, la Commission a eu recours à la méthode dite de la « sous-cotation des prix indicatifs ». En vertu de cette méthode, la marge de préjudice est
calculée en comparant le prix des importations faisant l’objet d’un dumping à un prix de vente indicatif de l’industrie de l’Union. Ce dernier prix correspond au prix que cette industrie pouvait raisonnablement escompter pratiquer sur le marché de l’Union en l’absence de ces importations. Pour établir un tel prix hypothétique, un bénéfice cible est ajouté au coût de production de l’industrie de l’Union. Ce bénéfice cible correspond à la marge bénéficiaire que l’industrie de l’Union pouvait
raisonnablement escompter dans des conditions normales de marché.

75 En application de ladite méthode, la Commission a pris en compte la marge bénéficiaire de l’industrie de l’Union appliquée au cours de l’année 2008. Selon la Commission, en l’espèce, cette année était l’année représentative la plus récente aux fins de l’établissement du bénéfice cible de l’industrie de l’Union, dès lors qu’il ressortait de son enquête que, premièrement, durant toute la période considérée, il existait des volumes significatifs d’importations à faible prix ayant eu des conséquences
négatives sur la rentabilité de l’industrie de l’Union et, deuxièmement, les années 2009 et 2010 ne pouvaient être considérées comme reflétant des conditions de concurrence normales compte tenu de la crise financière (voir, en ce sens, points 154 à 157 du règlement litigieux). Aux points 217 à 223 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16) et aux points 251 à 257 de l’arrêt Severstal/Commission (T-753/16), le Tribunal a entériné une telle approche de la Commission.

76 Au vu des arguments des requérantes, il convient, tout d’abord, de relever que, en l’absence de méthode prévue par le règlement de base pour calculer la marge de préjudice visée par la règle du droit moindre, la Commission dispose d’une large marge d’appréciation quant au choix d’une telle méthode de calcul. La Commission reste toutefois tenue d’exercer cette marge d’appréciation dans le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives et en
s’assurant que son choix aboutisse à des résultats vraisemblables.

77 En choisissant, en l’espèce, une méthode fondée sur des prix indicatifs, la Commission n’a pas outrepassé ladite marge d’appréciation. En effet, ainsi que l’a relevé à juste titre le Tribunal au point 214 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16) et au point 248 de l’arrêt Severstal/Commission (T-753/16), l’utilisation d’un prix indicatif au lieu du prix réel des ventes de l’industrie de l’Union pour déterminer la marge de préjudice permet de tenir compte de la pression à la baisse qu’exercent les
importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix de vente de l’industrie de l’Union. Or, la prise en compte de cette pression contribue au caractère vraisemblable des résultats obtenus en utilisant cette méthode.

78 Ensuite, en ce que les requérantes estiment que le Tribunal a interprété d’une manière erronée l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base en choisissant une année ne faisant pas partie de la période considérée au titre d’année représentative la plus récente pour établir le bénéfice cible de l’industrie de l’Union, il y a lieu de relever que, ainsi que le Tribunal l’a jugé, en substance, au point 218 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16) et au point 252 de l’arrêt Severstal/Commission
(T-753/16), à défaut de méthode prévue par le règlement de base aux fins de la détermination de la marge bénéficiaire cible, la Commission jouit également d’une marge d’appréciation pour déterminer cette dernière.

79 En outre, il importe de constater que l’objectif de la définition de la marge bénéficiaire cible de l’industrie de l’Union consiste à refléter, de la manière la plus plausible possible, le bénéfice qui aurait été celui de cette industrie dans des conditions de marché ordinaires afin de déterminer les droits antidumping devant être imposés, conformément à la nature et à la finalité de ces droits énoncées au point 73 du présent arrêt, sans excéder ce qui est nécessaire pour remédier à un
déséquilibre causé par les importations faisant l’objet d’un dumping sur le marché de l’Union.

80 Par conséquent, ainsi que M. l’avocat général l’a indiqué, en substance, au point 55 de ses conclusions, les données de l’année représentative la plus récente pour la détermination du bénéfice indicatif ne doivent pas provenir de la période considérée si ces données ne permettent pas de donner une image adéquate de ce qui est nécessaire pour rétablir une concurrence loyale au cours de la période postérieure à l’enquête. Comme le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 28 octobre 1999, EFMA/Conseil
(T‑210/95, EU:T:1999:273, point 60), auquel il s’est à juste titre référé aux points 215 et 218 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16) ainsi qu’aux points 249 et 252 de l’arrêt Severstal/Commission (T-753/16), la marge bénéficiaire devant être retenue pour le calcul du prix indicatif doit correspondre à la marge bénéficiaire que l’industrie de l’Union pourrait raisonnablement escompter dans des conditions normales de concurrence, en l’absence d’importations faisant l’objet de dumping, dès lors que
le choix d’une telle marge bénéficiaire contribue à ce que l’imposition des droits antidumping rétablisse une concurrence loyale au cours de la période postérieure à l’enquête.

81 Partant, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en interprétant la règle du droit moindre énoncée à l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base comme permettant à la Commission, en application de la méthode de la sous-cotation des prix indicatifs, de prendre en compte une année ne faisant pas partie de la période considérée au titre d’année représentative la plus récente pour établir le bénéfice cible de l’industrie de l’Union, afin de garantir que ce bénéfice corresponde à celui que
l’industrie de l’Union pourrait raisonnablement escompter dans des conditions normales de concurrence, en l’absence d’importations faisant l’objet d’un dumping.

82 Par ailleurs, dès lors que les appréciations factuelles selon lesquelles, premièrement, il y a eu des volumes significatifs d’importations à faibles prix en provenance des pays concernés durant toute la période considérée, deuxièmement, la crise économique mondiale a durement frappé le secteur à partir de l’année 2009 et, troisièmement, les années 2005 à 2008 étaient marquées par une forte concurrence sans pour autant avoir été caractérisées par des conditions de marché exceptionnellement
favorables, ne sont pas contestées, le Tribunal pouvait, aux points 219 à 222 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16) et aux points 253 à 256 de l’arrêt Severstal/Commission (T-753/16), sur la base de ces appréciations, qualifier l’année 2008 d’année représentative la plus récente sans commettre d’erreur de droit dans l’application de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base.

83 Enfin, en ce que les requérantes font grief au Tribunal de ne pas avoir dûment motivé les arrêts attaqués en ce qui concerne les raisons pour lesquelles il a rejeté leurs griefs tirés d’une interprétation ou d’une application erronées de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été exposé au point 40 du présent arrêt, l’obligation de motivation requiert que l’arrêt en cause fasse apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du
Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel. Or, les points 217 à 223 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16) et les points 251 à 257 de l’arrêt Severstal/Commission (T‑753/16) exposent à suffisance les raisons pour lesquelles le Tribunal a rejeté les griefs des requérantes portant sur le choix, par la Commission, de l’année représentative la plus récente pour la détermination du bénéfice
cible aux fins de l’application de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base.

84 Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, les deuxièmes moyens doivent être rejetés.

Sur les troisièmes moyens des pourvois

Argumentation des parties

85 Les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en validant l’approche retenue par la Commission dans le règlement litigieux, selon laquelle l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base pouvait être appliqué, par analogie, pour déterminer le prix à l’exportation de revendeurs liés au producteur-exportateur lors de l’appréciation du préjudice causé à l’industrie de l’Union. À cet égard, Severstal invoque les appréciations du Tribunal figurant aux points 260 à 272 de
l’arrêt Severstal/Commission (T-753/16) et NLMK celles figurant aux points 226 à 239 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16).

86 Selon les requérantes, le prix à l’exportation à prendre en compte pour apprécier une sous-cotation des prix par des sociétés liées au producteur-exportateur est le prix à l’exportation CAF (coût, assurance et fret), tel qu’il est réellement facturé à la frontière de l’Union au premier client indépendant, sans que, sur le fondement d’une application par analogie de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, ce prix soit ajusté en tenant compte de frais de vente, de dépenses administratives
et d’autres frais généraux (frais VGA) ainsi que d’un bénéfice raisonnable. En effet, ledit prix refléterait la concurrence des prix entre les importations en cause et le produit similaire de l’industrie de l’Union. En revanche, un tel ajustement conduirait à l’établissement d’une marge de préjudice artificielle et impliquerait une comparaison entre des prix des importations et des prix de l’Union ne se situant pas au même niveau commercial.

87 À l’appui de leur argument, les requérantes invoquent les arrêts du Tribunal du 30 novembre 2011, Transnational Company  Kazchrome  et ENRC Marketing/Conseil et Commission (T‑107/08, EU:T:2011:704), du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T‑301/16, EU:T:2019:234), ainsi que du 2 avril 2020, Hansol Paper/Commission (T‑383/17, non publié, EU:T:2020:139), et les conclusions de l’avocat général Pikamäe dans l’affaire Commission/Hansol Paper (C‑260/20 P, EU:C:2022:13).

88 Par ailleurs, les requérantes font valoir que le Tribunal a manqué à son obligation de motivation en ne tenant pas compte de l’arrêt du 2 avril 2020, Hansol Paper/Commission (T‑383/17, non publié, EU:T:2020:139), qu’elles avaient invoqué au cours de la procédure devant celui-ci.

89 La Commission estime que les troisièmes moyens doivent être rejetés comme étant non fondés.

Appréciation de la Cour

90 En premier lieu, en ce que les requérantes estiment que le Tribunal a commis une erreur de droit en validant l’application, par analogie, de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base effectuée par la Commission afin de déterminer le prix à l’exportation de revendeurs liés au producteur-exportateur lors de l’appréciation du préjudice causé à l’industrie de l’Union, il convient de relever que, par son arrêt du 12 mai 2022, Commission/Hansol Paper (C‑260/20 P, EU:C:2022:370), la Cour a jugé
qu’une telle application par analogie ne constituait pas une erreur de droit.

91 En effet, la Cour a considéré que l’examen de l’existence d’une sous-cotation des prix étant une question économiquement complexe pour laquelle le règlement de base n’impose aucune méthode particulière, la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation à cet égard, de telle sorte que l’application, par analogie, de la méthode de construction de prix visée à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base afin d’examiner une sous-cotation de prix peut être envisagée pour autant que cette
méthode s’inscrive dans le cadre juridique prévu par ce règlement et ne conduise pas à un résultat manifestement erroné (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, Commission/Hansol Paper, C‑260/20 P, EU:C:2022:370, point 99).

92 Partant, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, aux points 233 et 234 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16) ainsi qu’aux points 266 et 267 de l’arrêt Severstal/Commission (T-753/16), que la Commission a pu considérer, dans le cadre de ce large pouvoir d’appréciation, que, aux fins du calcul de la marge de sous-cotation des prix indicatifs, il y avait lieu, en présence de ventes réalisées par l’intermédiaire d’importateurs liés, de déterminer un prix à l’exportation en
appliquant par analogie l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, dès lors qu’elle avait relevé à bon escient, d’une part, que cette disposition était la seule de ce règlement à fournir des orientations pour le calcul d’un prix à l’exportation fiable lorsque les ventes à l’exportation avaient lieu par l’intermédiaire d’importateurs liés et, d’autre part, que ladite disposition reflétait le principe de non-fiabilité des prix de transfert, qui est susceptible d’être appliqué tant à la
détermination de la marge de préjudice qu’au calcul de la marge de dumping.

93 Par ailleurs, la Cour a précisé qu’il découle d’une lecture conjointe de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base que le préjudice doit être apprécié lors de la « mise en libre pratique dans l’Union » du produit faisant l’objet d’un dumping, de telle sorte que le calcul de la sous-cotation doit, en principe, se faire au niveau des importations faisant l’objet d’un dumping. Elle en a déduit qu’il était loisible à la Commission, en vue de garantir une
comparaison objective des prix au niveau de la première mise en libre pratique du produit considéré dans l’Union, de construire ce prix CAF « frontière de l’Union » en déduisant des frais VGA et une marge bénéficiaire du prix de revente de ce produit à des clients indépendants (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, Commission/Hansol Paper, C‑260/20 P, EU:C:2022:370, points 102 et 105).

94 Le Tribunal n’a dès lors pas commis d’erreur de droit en considérant, aux points 236 et 237 de l’arrêt NLMK/Commission (T‑752/16) ainsi qu’aux points 269 et 270 de l’arrêt Severstal/Commission (T-753/16), premièrement, qu’il est justifié de fonder, en l’espèce, l’évaluation du caractère suffisant d’un taux de droit moindre, aux fins de l’élimination du préjudice causé par les importations, sur le prix à l’exportation « frontière de l’Union », qui est considéré d’un niveau comparable au prix
« départ de l’usine » de l’Union, à savoir le prix de vente indicatif de l’industrie de l’Union au premier client indépendant diminué des différents coûts qui sont intervenus depuis la sortie de l’usine, tels que les coûts de transports ou d’assurance, pour aboutir au niveau du prix du produit concerné à la sortie de l’usine et, deuxièmement, que l’utilisation en l’espèce du stade commercial « frontière de l’Union », plutôt que de celui de la revente au premier acheteur indépendant, comme point
de référence aux fins du calcul de la marge de préjudice, peut se justifier tant au regard de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement de base qu’au regard de l’article 3, paragraphe 3, de ce règlement.

95 Les appréciations qui précèdent ne sont pas remises en cause par la réponse des requérantes à une question de la Cour, posée au titre d’une mesure d’organisation de la procédure, quant aux conséquences qu’il convenait de tirer de l’arrêt du 12 mai 2022, Commission/Hansol Paper (C‑260/20 P, EU:C:2022:370), pour l’appréciation de leurs troisièmes moyens.

96 En effet, dans cette réponse, les requérantes estiment, en substance, que les faits à l’origine des litiges en cause dans les présentes affaires jointes diffèrent de ceux qui étaient à l’origine du litige en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, ce qui justifierait que la solution retenue dans ce dernier ne soit pas appliquée dans le cas d’espèce. En particulier, la Commission aurait considéré à tort que les négociants liés aux requérantes agissaient en tant qu’importateurs, de sorte
que le Tribunal aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en validant l’application par analogie de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base en l’espèce. Toutefois, un tel argument remet en cause une appréciation factuelle du Tribunal. Or, ainsi qu’il ressort des points 44 à 46 du présent arrêt, une telle appréciation n’est pas soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve. Aucune dénaturation n’ayant été
alléguée, cet argument doit être rejeté comme étant irrecevable.

97 En second lieu, en ce que les requérantes allèguent que le Tribunal a manqué à son obligation de motivation au motif qu’il n’a pas pris en compte les appréciations figurant dans son arrêt du 2 avril 2020, Hansol Paper/Commission (T‑383/17, non publié, EU:T:2020:139), il convient de rappeler que la Cour a itérativement jugé que l’obligation pour le Tribunal de motiver ses décisions ne saurait être interprétée comme impliquant que celui‑ci est tenu de répondre dans le détail à chaque argument
invoqué par le requérant (arrêt du 15 avril 2010, Gualtieri/Commission, C‑485/08 P, EU:C:2010:188, point 41 et jurisprudence citée). Une telle appréciation n’est, en outre, pas remise en cause par la circonstance que le Tribunal a lui-même interrogé les parties sur l’incidence éventuelle de l’arrêt du 2 avril 2020, Hansol Paper/Commission (T‑383/17, non publié, EU:T:2020:139). Par conséquent, le grief des requérantes tiré d’un défaut de motivation doit également être rejeté.

98 Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter également les troisièmes moyens et, partant, les pourvois dans leur intégralité.

Sur les dépens

99 Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

100 En l’espèce, la Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens et ces dernières ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens afférents à leur pourvoi respectif.

  Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :

  1) Les pourvois sont rejetés.

  2) PAO Severstal est condamnée aux dépens dans l’affaire C‑747/21 P.

  3) Novolipetsk Steel PJSC (NLMK) est condamnée aux dépens dans l’affaire C‑748/21 P.

  Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : C-747/21
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Pourvoi
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Dumping – Règlement d’exécution (UE) 2016/1328 – Importations de certains produits plats laminés à froid en acier originaires de la République populaire de Chine et de la Fédération de Russie – Droit antidumping définitif – Règlement (CE) no 1225/2009 – Article 18, paragraphe 1 – Informations nécessaires – Absence – Article 9, paragraphe 4 – “Règle du droit moindre” – Prix indicatif – Marge bénéficiaire de l’industrie de l’Union européenne – Établissement – Choix de l’année représentative la plus récente – Article 2, paragraphe 9 – Construction du prix à l’exportation – Préjudice causé à l’industrie de l’Union – Application par analogie – Calcul de la marge de sous-cotation – Motivation.

Politique commerciale

Relations extérieures

Dumping


Parties
Demandeurs : PAO Severstal et Novolipetsk Steel PJSC (NLMK)
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Emiliou
Rapporteur ?: Prechal

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:459

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award