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08/06/2023 | CJUE | N°C-545/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Azienda Nazionale Autonoma Strade SpA (ANAS) contre Ministero delle Infrastrutture e dei Trasporti., 08/06/2023, C-545/21


 ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

8 juin 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fonds structurels de l’Union européenne – Règlement (CE) no 1083/2006 – Article 2, point 7 – Notion d’“irrégularité” – Article 98, paragraphes 1 et 2 – Corrections financières par les États membres en rapport avec les irrégularités détectées – Critères applicables – Directive 2004/18/CE – Article 45, paragraphe 2, premier alinéa, sous d) – Notion de “faute professionnelle grave” »

Dans l’affaire C‑545/21,


ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale pe...

 ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

8 juin 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fonds structurels de l’Union européenne – Règlement (CE) no 1083/2006 – Article 2, point 7 – Notion d’“irrégularité” – Article 98, paragraphes 1 et 2 – Corrections financières par les États membres en rapport avec les irrégularités détectées – Critères applicables – Directive 2004/18/CE – Article 45, paragraphe 2, premier alinéa, sous d) – Notion de “faute professionnelle grave” »

Dans l’affaire C‑545/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie), par décision du 4 août 2021, parvenue à la Cour le 31 août 2021, dans la procédure

Azienda Nazionale Autonoma Strade SpA (ANAS)

contre

Ministero delle Infrastrutture e dei Trasporti,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe, présidente de chambre, MM. M. Safjan, N. Piçarra (rapporteur), N. Jääskinen et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour Azienda Nazionale Autonoma Strade SpA (ANAS), par Mes R. Bifulco, P. Pittori et E. Scotti, avvocati,

– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. D. Di Giorgio, avvocato dello Stato,

– pour la Commission européenne, par Mme F. Moro, MM. P. Rossi et G. Wils, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 décembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er de la convention établie sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne, relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, signée à Bruxelles le 26 juillet 1995 et annexée à l’acte du Conseil du 26 juillet 1995 (JO 1995, C 316, p. 48, ci-après la « convention PIF »), de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) no 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif
à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO 1995, L 312, p. 1), de l’article 70, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999 (JO 2006, L 210, p. 25), de l’article 27, sous c), du règlement (CE) no 1828/2006 de la Commission, du 8 décembre 2006, établissant
les modalités d’exécution du règlement no 1083/2006, et du règlement (CE) no 1080/2006 du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds européen de développement régional (JO 2006, L 371, p. 1), de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2017, relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal (JO 2017, L 198, p. 29), et de l’article 45, paragraphe 2,
premier alinéa, sous d), de la directive 2004/18/CE du Parlement et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114).

2 Cette demande a été introduite dans le cadre d’un litige opposant l’Azienda Nazionale Autonoma Autostrade SpA (ANAS) au Ministero delle Infrastrutture e dei Trasporti (ministère des Infrastructures et des Transports, Italie) au sujet de la légalité d’une décision de ce dernier déterminant le recouvrement des sommes versées à l’ANAS en exécution d’un programme opérationnel comprenant un marché aux fins de la réalisation de travaux routiers, cofinancés par le Fonds européen de développement régional
(FEDER), approuvé par la décision C(2007) 6318 de la Commission, du 7 décembre 2007, modifiée en dernier lieu par la décision C(2016) 6409 de la Commission, du 13 octobre 2016.

Le droit de l’Union

Le règlement no 2988/95

3 L’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 2988/95 dispose :

« Est constitutive d’une irrégularité toute violation d’une disposition du droit communautaire résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés [européennes] ou à des budgets gérés par celles‑ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue. »

4 L’article 4 de ce règlement est ainsi libellé :

« 1.   Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l’avantage indûment obtenu :

– par l’obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus,

[...]

2.   L’application des mesures visées au paragraphe 1 est limitée au retrait de l’avantage obtenu augmenté, si cela est prévu, d’intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire.

3.   Les actes pour lesquels il est établi qu’ils ont pour but d’obtenir un avantage contraire aux objectifs du droit communautaire applicable en l’espèce, en créant artificiellement les conditions requises pour l’obtention de cet avantage, ont pour conséquence, selon le cas, soit la non‑obtention de l’avantage, soit son retrait.

4.   Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions. »

5 L’article 5 dudit règlement énumère les sanctions administratives qui peuvent être appliquées en raison d’irrégularités intentionnelles ou causées par négligence.

Le règlement no 1083/2006

6 Le règlement no 1083/2006 a été abrogé avec effet au 1er janvier 2014 par le règlement (UE) no 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion, au Fonds européen agricole pour le développement rural et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, portant dispositions générales applicables au Fonds européen de développement régional,
au Fonds social européen, au Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et abrogeant le règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 320). Néanmoins, compte tenu de la date des faits en cause, le litige au principal demeure régit par le règlement no 1083/2006. L’article 2, points 4 et 7, de ce règlement prévoyait :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

4) “bénéficiaire” : un opérateur, un organisme ou une entreprise, public ou privé, chargé de lancer ou de lancer et mettre en œuvre des opérations. [...]

[...]

7) “irrégularité” : toute violation d’une disposition du droit communautaire résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général de l’Union européenne par l’imputation au budget général d’une dépense indue ».

7 L’article 60, sous a), de ce règlement chargeait l’autorité de gestion « de veiller à ce que les opérations soient sélectionnées en vue d’un financement selon les critères applicables au programme opérationnel et qu’elles soient conformes, pendant toute la durée de leur exécution, aux règles communautaires et nationales applicables ».

8 L’article 98 dudit règlement, intitulé « Corrections financières par les États membres », disposait :

« 1.   Il incombe en premier lieu aux États membres de rechercher les irrégularités, d’agir lorsque est constaté un changement important affectant la nature ou les conditions de mise en œuvre ou de contrôle des opérations ou des programmes opérationnels, et de procéder aux corrections financières nécessaires.

2.   Les États membres procèdent aux corrections financières requises en rapport avec les irrégularités individuelles ou systémiques détectées dans les opérations ou les programmes opérationnels. Les corrections auxquelles procèdent les États membres consistent à annuler tout ou partie de la participation publique pour le programme opérationnel. Les États membres tiennent compte de la nature et de la gravité des irrégularités et de la perte financière qui en résulte pour le Fonds.

[...] »

Le règlement no 1828/2006

9 L’article 27, sous a), du règlement no 1828/2006 définit un « opérateur économique » comme étant « toute personne physique ou morale ainsi que les autres entités qui participent à la mise en œuvre de l’intervention des Fonds, à l’exception d’un État membre dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique ». Son point c) définit un « soupçon de fraude » comme « une irrégularité donnant lieu à l’engagement d’une procédure administrative ou judiciaire au niveau national afin de déterminer
l’existence d’un comportement intentionnel, en particulier d’une fraude telle que visée à l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la [convention PIF]. »

La directive 2004/18

10 L’article 2 de la directive 2004/18, intitulé « Principes de la passation de marchés », prévoit :

« Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité, de manière non discriminatoire et agissent avec transparence. »

11 L’article 45, paragraphe 2, premier alinéa, sous d), de cette directive est ainsi libellé :

« Peut être exclu de la participation au marché, tout opérateur économique :

[...]

d) qui, en matière professionnelle, a commis une faute grave constatée par tout moyen dont les pouvoirs adjudicateurs pourront justifier ».

Les orientations de 2013

12 L’article 2 de la décision C(2013) 9527 final de la Commission, du 19 décembre 2013, relative à l’établissement et à l’approbation des orientations pour la détermination des corrections financières à appliquer par la Commission aux dépenses financées par l’Union dans le cadre de la gestion partagée, en cas de non-respect des règles en matière de marchés publics (ci-après les « orientations de 2013 »), dispose que cette institution « applique les orientations établies à l’annexe lorsqu’elle
effectue des corrections financières liées aux irrégularités détectées après la date d’adoption de la présente décision ».

13 Le point 1.3 de l’annexe des orientations de 2013 indique :

« Les présentes orientations définissent une série de corrections (5 %, 10 %, 25 % et 100 %), qui sont appliquées aux dépenses liées à un marché. Elles tiennent compte de la gravité de l’irrégularité et du principe de proportionnalité. Ces taux de correction sont appliqués lorsqu’il n’est pas possible de quantifier précisément les incidences financières pour le marché concerné.

La gravité d’une irrégularité liée au non‑respect des règles relatives aux marchés publics et l’incidence financière connexe pour le budget de l’Union sont évaluées en tenant compte des facteurs suivants : niveau de concurrence, transparence et égalité de traitement. Lorsque le non‑respect en cause a un effet dissuasif sur les soumissionnaires potentiels ou que le non‑respect entraîne l’attribution d’un marché à un soumissionnaire autre que celui qui aurait dû obtenir le marché, cela indique
nettement que l’irrégularité est grave.

[...]

Une correction financière de 100 % peut être appliquée dans les cas les plus graves, lorsque l’irrégularité favorise un ou plusieurs soumissionnaires/candidats ou que l’irrégularité se rapporte à une fraude, telle qu’établie par une autorité judiciaire ou administrative compétente. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

14 Par la décision C(2007) 6318, du 7 décembre 2007, la Commission européenne a approuvé le programme opérationnel national « Réseaux et Mobilité » 2007‑2013. L’ANAS, en tant que bénéficiaire de ce programme, au sens de l’article 2, point 4, du règlement no 1083/2006, s’est vu accorder un financement pour la réalisation, notamment, d’un projet de travaux de modernisation d’une route.

15 À cette fin, l’ANAS, en sa qualité de pouvoir adjudicateur, a lancé une procédure restreinte d’appel d’offres, en annonçant que le marché public de travaux serait attribué en application du critère de l’offre économiquement la plus avantageuse. À l’issue de cette procédure, par décision du 8 août 2012, ce marché a été attribué à un groupement temporaire d’entreprises, parmi lesquelles figurait Aleandri SpA. L’ouvrage a été achevé et la route ouverte au trafic.

16 Le ministère des Infrastructures et des Transports, après avoir eu connaissance d’une enquête pénale mettant en lumière un potentiel système de corruption impliquant des fonctionnaires de l’ANAS, a ordonné, par décision du 10 juin 2020, le recouvrement des sommes déjà versées à celle-ci, au titre dudit programme. Il a aussi déclaré que le solde non encore versé n’était pas dû, au motif que l’attribution du marché en cause devait être considérée comme étant entachée d’une irrégularité de nature
frauduleuse, au sens de l’article 2, point 7, du règlement no 1083/2006 ainsi que des articles 4 et 5 du règlement no 2988/95.

17 Cette décision est fondée notamment sur la mise en accusation de trois fonctionnaires de l’ANAS, dont deux étaient membres de la commission d’appel d’offres, qui comptait cinq membres. Il leur est reproché d’avoir accepté des sommes d’argent de la part d’Aleandri, en échange d’actes de favoritisme au cours de la procédure d’appel d’offres. Des poursuites pénales pour des actes de corruption sont toujours en cours contre le représentant légal d’Aleandri et cette société, en tant que telle.

18 L’ANAS a formé un recours en annulation contre ladite décision devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie), qui est la juridiction de renvoi. Elle affirme n’avoir fait l’objet d’aucune condamnation et qu’aucun comportement fautif des membres de la commission d’appel d’offres ne lui est opposable. En outre, il n’existerait aucun lien entre l’irrégularité ou la fraude présumée et les dépenses engagées, les travaux financés par
le budget général de l’Union ayant été effectivement et correctement réalisés. Il n’aurait pas été prouvé non plus qu’Aleandri aurait obtenu illégalement le marché public en cause.

19 La juridiction de renvoi souligne que la seule irrégularité commise au cours de la procédure d’appel d’offres en cause au principal, et dont la preuve est partiellement acquise, réside dans le comportement du représentant légal d’Aleandri, visant à influencer l’issue de cette procédure et relevant du crime de corruption active. Cette juridiction précise cependant que la procédure pénale à l’égard de ce représentant est toujours en cours. En ce qui concerne l’ANAS, sa dirigeante aurait demandé à
deux fonctionnaires, siégeant dans la commission d’appel d’offres, dont l’un avait la qualité de président, de favoriser Aleandri. Toutefois, la procédure pénale n’aurait pas permis d’établir si ces fonctionnaires avaient effectivement favorisé ce soumissionnaire ni si, en l’absence d’une telle intervention, le marché aurait été attribué à un concurrent d’Aleandri.

20 La juridiction de renvoi considère ainsi que, en dépit de suspicions, elle n’est pas en mesure de juger, même à titre incident, que le marché a été attribué de manière illégale à Aleandri, en raison du comportement du représentant de cette société, et que le déroulement de la procédure d’appel d’offres l’empêche de conclure que le projet technique porté par Aleandri ne méritait pas la note obtenue, ou que la commission d’appel d’offres a appliqué d’autres critères que ceux mentionnés dans l’avis
de marché. Cette juridiction précise que l’appel d’offres lancé au cours de l’année 2012 était régi par le décret législatif no 163/2006, dont l’article 38, paragraphe 1, sous c) et f), ne prévoyait aucune clause d’exclusion à l’égard d’un opérateur économique qui aurait tenté d’influencer l’issue d’une telle procédure.

21 Dans ces conditions, le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 70, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1083/2006, l’article 27, sous c), du règlement no 1828/2006, l’article 1er de la [convention PIF], l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 2988/95 et l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive 2017/1371 doivent‑ils être interprétés en ce sens que les comportements qui, en théorie, sont susceptibles de favoriser un opérateur économique au cours d’une procédure d’attribution relèvent toujours de la notion d’“irrégularité” ou de
“fraude” et constituent dès lors un fondement juridique justifiant le retrait de la contribution, même lorsque la réalité de ce comportement ou son caractère déterminant dans le choix du bénéficiaire n’ont pas été pleinement démontrés ?

2) L’article 45, paragraphe 2, sous d), de la directive [2004/18] s’oppose‑t‑il à une disposition, telle que l’article 38, paragraphe 1, sous f), du décret législatif no 163/2006, qui ne permet pas d’exclure de la procédure d’adjudication l’opérateur économique qui a tenté d’influencer le processus décisionnel du pouvoir adjudicateur, en particulier lorsque cette tentative a consisté à corrompre les membres de la commission d’appel d’offres ?

3) En cas de réponse affirmative à l’une ou l’autre des questions précédentes ou aux deux, les dispositions mentionnées ci‑dessus doivent‑elles être interprétées en ce sens qu’elles imposent toujours à l’État membre de retirer les contributions et à la Commission de procéder à une correction financière de 100 %, alors même que ces contributions ont été affectées aux fins auxquelles elles étaient destinées, pour des travaux éligibles au financement européen et effectivement réalisés ?

4) En cas de réponse négative à la troisième question, c’est‑à‑dire s’il ne s’impose pas de retirer la contribution ou de procéder à une correction financière de 100 %, les règles visées à la première question et le principe de proportionnalité permettent‑ils de décider le retrait de la contribution et de déterminer la correction financière en tenant compte du préjudice économique effectivement causé au budget général de l’Union européenne ? En particulier, dans une situation telle qu’en
l’espèce, les “implications financières”, au sens de l’article [99], paragraphe 3, du règlement no 1083/2006, peuvent-elles être établies forfaitairement, par application des critères mentionnés dans le tableau figurant sous le titre 2 de [l’annexe des orientations de 2013] ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

22 À titre liminaire, il importe, premièrement, de rappeler que, afin de répondre utilement à la juridiction de renvoi, la Cour peut être amenée à interpréter des dispositions du droit de l’Union auxquelles la juridiction nationale n’a pas fait référence dans l’énoncé de ses questions, en extrayant notamment de la motivation de la décision de renvoi les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 1990, SARPP,
C‑241/89, EU:C:1990:459, point 8 ; du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania, C‑74/16, EU:C:2017:496, point 36, et du 2 mars 2023, Åklagarmyndigheten, C‑666/21, EU:C:2023:149, point 22).

23 Il importe, deuxièmement, de constater que la demande de décision préjudicielle ne comporte aucun élément permettant de tenir pour acquise l’existence d’une fraude. En effet, dès lors que des poursuites pénales sont toujours en cours afin d’apprécier si les faits en cause au principal peuvent être qualifiés d’« actes de corruption », ceux-ci ne peuvent constituer, à ce stade, qu’un « soupçon de fraude », au sens de l’article 27, sous c), du règlement no 1828/2006, à savoir une irrégularité ayant
donné lieu à l’engagement d’une procédure administrative ou judiciaire au niveau national afin de déterminer l’existence d’un comportement intentionnel.

24 Troisièmement, dans la mesure où la juridiction de renvoi doit apprécier la légalité de la décision de recouvrement des sommes versées à l’ANAS, en tant que « bénéficiaire », au sens de l’article 2, point 4, du règlement no 1083/2006, du programme cofinancé par le FEDER, il importe d’interpréter l’article 2, point 7, de ce règlement, portant sur la notion d’« irrégularité » sur laquelle est notamment fondée cette décision.

25 Une telle notion, comme l’a relevé M. l’avocat général, au point 18 de ses conclusions, englobe celle, plus restreinte, de « soupçon de fraude », visée à l’article 27, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1828/2006.

26 Il convient, par conséquent, de considérer que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion d’« irrégularité », au sens de l’article 2, point 7, du règlement no 1083/2006, doit être interprétée en ce sens qu’elle couvre des comportements susceptibles d’être qualifiés d’« actes de corruption » pratiqués dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public ayant pour objet la réalisation de travaux cofinancés par un fonds structurel de l’Union, et
pour lesquels une procédure administrative ou judiciaire a été engagée, y compris lorsqu’il n’est pas prouvé que ces comportements ont eu une réelle incidence sur la procédure de sélection du soumissionnaire et qu’aucune atteinte effective au budget de l’Union n’a été constatée.

27 La notion d’« irrégularité » est définie à l’article 2, point 7, du règlement no 1083/2006, et, en des termes similaires, notamment à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 2988/95, comme toute violation d’une disposition du droit de l’Union résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général de l’Union par l’imputation à ce budget d’une dépense indue.

28 Dès lors que cette notion fait partie d’un régime visant à garantir la bonne gestion des fonds de l’Union et la protection des intérêts financiers de cette dernière, elle doit être interprétée de manière uniforme et large conformément à l’objectif poursuivi par le règlement no 1083/2006, consistant à garantir l’utilisation régulière et efficace des fonds afin de protéger les intérêts financiers de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2020, Elme Messer Metalurgs, C‑743/18,
EU:C:2020:767, points 59 et 63 ainsi que jurisprudence citée).

29 L’existence d’une « irrégularité », au sens de l’article 2, point 7, du règlement no 1083/2006, suppose la réunion de trois éléments, à savoir une violation du droit de l’Union, un acte ou une omission d’un opérateur économique à l’origine de cette violation et un préjudice, actuel ou potentiel, porté au budget de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2020, Elme Messer Metalurgs, C‑743/18, EU:C:2020:767, point 51).

30 En ce qui concerne la première condition, sont visées les violations non seulement des dispositions du droit de l’Union en tant que telles, mais aussi des dispositions du droit national qui sont applicables aux opérations soutenues par les fonds structurels de l’Union et contribuent, de la sorte, à assurer la mise en œuvre du droit de l’Union relatif à la gestion des projets financés par ces fonds. Ainsi, en vertu de l’article 60, sous a), du règlement no 1083/2006, l’autorité de gestion
compétente est tenue de veiller à ce que les opérations sélectionnées en vue d’un financement soient conformes, pendant toute la durée de leur exécution, à la fois aux règles de l’Union et aux règles nationales applicables (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2020, Elme Messer Metalurgs, C‑743/18, EU:C:2020:767, points 52 et 53 ainsi que jurisprudence citée).

31 L’Union n’a donc vocation à financer, par l’intermédiaire de ses fonds, que des actions menées en pleine conformité notamment avec les principes et les règles de passation de marchés publics (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 2016, Wrocław – Miasto na prawach powiatu, C‑406/14, EU:C:2016:562, point 43, et du 6 décembre 2017, Compania Naţională de Administrare a Infrastructurii Rutiere, C‑408/16, EU:C:2017:940, point 57), en particulier avec le principe d’égalité de traitement entre les
soumissionnaires et le principe de transparence, garantis à l’article 2 de la directive 2004/18.

32 Le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires exige que les opérateurs économiques intéressés par un marché public disposent des mêmes chances dans la formulation de leurs offres et puissent connaître exactement les contraintes de la procédure et être assurés en fait que les mêmes exigences valent pour tous les concurrents (arrêt du 14 décembre 2016, Connexxion Taxi Services, C‑171/15, EU:C:2016:948, point 39 et jurisprudence citée). En outre, les soumissionnaires doivent se
trouver sur un pied d’égalité aussi bien au moment où ils préparent leurs offres qu’au moment où celles-ci sont évaluées par le pouvoir adjudicateur (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2008, Michaniki, C‑213/07, EU:C:2008:731, point 45 et jurisprudence citée).

33 Le principe de transparence a essentiellement pour but de garantir l’absence de risque de favoritisme et d’arbitraire de la part du pouvoir adjudicateur (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, Irgita, C‑285/18, EU:C:2019:829, point 55).

34 Or, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’opérer, il ressort des éléments dont dispose la Cour que, dans l’affaire au principal, compte tenu des accusations d’actes de corruption visant à influencer le processus décisionnel d’attribution du marché public en cause, il ne peut être exclu que certains membres de la commission d’appel d’offres d’ANAS aient favorisé un des soumissionnaires et discriminé ses concurrents, méconnaissant ainsi les principes de
transparence et d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, garantis à l’article 2 de la directive 2004/18.

35 En ce qui concerne la deuxième condition nécessaire à la caractérisation d’une « irrégularité », au sens de l’article 2, point 7, du règlement no 1083/2006, à savoir qu’une telle irrégularité trouve son origine dans un acte ou une omission d’un opérateur économique, l’article 27, sous a), du règlement no 1828/2006, établissant les modalités d’exécution du règlement no 1083/2006, définit un « opérateur économique » comme étant toute personne physique ou morale ainsi que les autres entités
participant à la mise en œuvre de l’intervention des fonds, à l’exception des États membres dans l’exercice de leurs prérogatives de puissance publique.

36 Au regard de cette définition, il ne fait guère de doute que l’ANAS, en sa qualité de « bénéficiaire », au sens de l’article 2, point 4, du règlement no 1083/2006, du fonds concerné, qui a organisé, en tant que pouvoir adjudicateur, la procédure de passation du marché public en cause au principal, constitue un opérateur économique.

37 À cet égard, il convient de préciser que, afin qu’un acte ou une omission, constitutifs d’une violation du droit de l’Union ou du droit national applicable, puissent être considérés comme une « irrégularité », au sens de l’article 2, point 7, du règlement no 1083/2006, aucune intentionnalité ou négligence dans le chef de l’opérateur économique impliqué ne doit être démontrée (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2020, Elme Messer Metalurgs, C‑743/18, EU:C:2020:767, point 65).

38 En ce qui concerne la troisième condition nécessaire à la caractérisation d’une « irrégularité », au sens de cet article 2, point 7, à savoir que la violation du droit de l’Union ou du droit national par un opérateur économique a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général de l’Union, il importe de souligner, ainsi que cela ressort notamment des termes « aurait pour effet de », que cette condition n’impose pas de démontrer l’existence d’une incidence financière précise sur le
budget de l’Union. En effet, un manquement aux règles applicables constitue une irrégularité, au sens de cette disposition, pour autant que la possibilité que ce manquement ait eu une incidence sur le budget du fonds concerné ne puisse pas être écartée (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2017, Compania Naţională de Administrare a Infrastructurii Rutiere, C‑408/16, EU:C:2017:940, points 60 et 61 ainsi que jurisprudence citée).

39 Ainsi, il y a lieu de constater que des comportements susceptibles d’être qualifiés d’« actes de corruption pratiqués dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public » sont susceptibles, par leur nature même, d’influencer l’attribution de ce marché. Par conséquent, il ne peut être exclu que ces comportements puissent avoir une incidence sur le budget du fonds en cause.

40 Eu égard aux motifs qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 2, point 7, du règlement no 1083/2006 doit être interprété en ce sens que la notion d’« irrégularité », au sens de cette disposition, couvre des comportements susceptibles d’être qualifiés d’« actes de corruption » pratiqués dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public ayant pour objet la réalisation de travaux cofinancés par un fonds structurel de l’Union, et pour lesquels une
procédure administrative ou judiciaire a été engagée, y compris lorsqu’il n’est pas prouvé que ces comportements ont eu une incidence réelle sur la procédure de sélection du soumissionnaire et qu’aucune atteinte effective au budget de l’Union n’a été constatée.

Sur les troisième et quatrième questions

41 Par ses troisième et quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble et en deuxième lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 98, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1083/2006 doit être interprété en ce sens que, en cas d’irrégularité, telle que définie à l’article 2, point 7, de ce règlement, les États membres sont tenus d’appliquer automatiquement un taux de correction financière de 100 % ou s’il leur appartient, afin de déterminer la correction financière
applicable, de procéder à une appréciation au cas par cas, au regard, notamment, du principe de proportionnalité.

42 En vertu de l’article 98, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006, qui porte spécifiquement sur les corrections financières effectuées par les États membres, c’est à ceux-ci qu’il échoit, en premier lieu, de rechercher les irrégularités, d’agir lorsque est constaté un changement important affectant la nature ou les conditions de mise en œuvre ou de contrôle des opérations ou des programmes opérationnels et de procéder aux corrections financières nécessaires. Le paragraphe 2 de cet article
précise, d’une part, que les États membres doivent procéder à ces corrections en rapport avec les irrégularités individuelles ou systémiques détectées dans ces opérations ou programmes opérationnels et, d’autre part, que lesdites corrections consistent à annuler tout ou partie de la participation publique pour le programme opérationnel, en tenant compte de la nature et de la gravité des irrégularités ainsi que de la perte financière qui en résulte pour le fonds.

43 Ces critères sont une expression du principe de proportionnalité qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union (arrêts du 18 novembre 1987, Maizena e.a., 137/85, EU:C:1987:493, point 15 ; du 10 juillet 2003, Commission/BCE, C‑11/00, EU:C:2003:395, point 156, ainsi que du 11 janvier 2017, Espagne/Conseil, C‑128/15, EU:C:2017:3, point 71).

44 Il en résulte qu’une interprétation de l’article 98, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1083/2006 en ce sens qu’il impose systématiquement aux États membres, lorsqu’une irrégularité, au sens de l’article 2, point 7, de ce règlement, est constatée, de retirer l’intégralité du financement approuvé et de recouvrer les montants déjà versés, y compris lorsque ce financement a été utilisé aux fins prévues et pour des travaux éligibles au financement européen et effectivement réalisés, outre qu’elle ne
trouve aucun appui dans le libellé de ces dispositions, reviendrait, de surcroît, à instaurer automatiquement un taux de correction financière de 100 %, en violation des critères établis au paragraphe 2 de cet article 98 et du principe de proportionnalité.

45 Dans ce contexte, les orientations de 2013, mentionnées par la juridiction de renvoi, qui définissent le barème des taux de correction financière applicables en vertu, notamment, de l’article 99 du règlement no 1083/2006, lequel se rapporte aux critères applicables aux corrections financières effectuées par la Commission, peuvent être prises en considération afin de concrétiser les critères énoncés à l’article 98, paragraphe 2, de ce règlement, en d’autres termes, les critères applicables aux
corrections financières effectuées par les États membres. En effet, si ces orientations ne lient pas les États membres, il leur est toutefois recommandé, au point 1.1 de celles-ci, « de respecter les mêmes critères et taux lorsqu’ils corrigent [notamment, au titre de l’article 98 dudit règlement] des irrégularités décelées par leurs propres services ».

46 Il ressort du point 1.3, premier alinéa, desdites orientations, relatif « aux critères à prendre en considération pour décider du taux de correction à appliquer », que, lorsqu’il n’est pas possible de quantifier précisément les incidences financières pour le marché concerné, l’application d’un taux de correction de 5 %, de 10 %, de 25 % ou de 100 % doit tenir compte de la gravité de l’irrégularité et du principe de proportionnalité.

47 Conformément à ce point 1.3, deuxième alinéa, une irrégularité est considérée comme étant grave lorsque le non-respect du droit applicable à un marché public, notamment les principes de transparence et d’égalité de traitement, entraîne l’attribution d’un marché à un soumissionnaire autre que celui qui aurait dû obtenir ce marché. En outre, il ressort notamment du dernier alinéa dudit point 1.3 que, lorsque l’irrégularité favorise un ou plusieurs soumissionnaires, la correction financière de 100 %
peut être appliquée.

48 En l’occurrence, la juridiction de renvoi constate que l’irrégularité détectée dans le cadre de la procédure de passation du marché public en cause a donné lieu à l’engagement de procédures administratives et judiciaires au niveau national, afin de déterminer l’existence d’un comportement frauduleux, relevant du crime de corruption. Or, sous réserve des appréciations devant être effectuées à cet égard par la juridiction de renvoi, en vertu de l’article 27, paragraphe 1, sous c), du règlement
no 1828/2006, une telle irrégularité est susceptible de relever de la notion de « soupçon de fraude » et d’être ainsi qualifiée de « grave », conformément au point 1.3, deuxième alinéa, des orientations de 2013.

49 Eu égard aux motifs qui précèdent, il convient de répondre aux troisième et quatrième questions que l’article 98, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1083/2006 doit être interprété en ce sens que, en cas d’« irrégularité », telle que définie à l’article 2, point 7, de ce règlement, il impose aux États membres, afin de déterminer la correction financière applicable, de procéder à une appréciation au cas par cas, dans le respect du principe de proportionnalité, en tenant notamment compte de la
nature et de la gravité des irrégularités constatées ainsi que de leur incidence financière pour le fonds concerné.

Sur la deuxième question

50 Par sa deuxième question, qu’il convient d’examiner en dernier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 45, paragraphe 2, premier alinéa, sous d), de la directive 2004/18 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale ne permettant pas d’exclure d’une procédure de passation d’un marché public un opérateur économique qui a tenté d’influencer le résultat de cette procédure, notamment, par des actes de corruption active à l’égard des membres
de la commission d’appel d’offres.

51 L’article 45, paragraphe 2, premier alinéa, sous d), de la directive 2004/18 permet d’exclure de la participation à un marché public tout opérateur économique qui, en matière professionnelle, a commis une faute grave, constatée par tout moyen dont les pouvoirs adjudicateurs pourront justifier.

52 La notion de « faute grave » en matière professionnelle doit être comprise comme se référant normalement à tout comportement d’un opérateur économique qui dénote une intention fautive ou une négligence d’une certaine gravité de sa part. Une telle faute peut être constatée sans qu’un jugement ayant autorité de chose jugée soit exigé (arrêt du 13 décembre 2012, Forposta et ABC Direct Contact, C‑465/11, EU:C:2012:801, points 27, 28 et 30).

53 Toutefois, pour que cette faute puisse impliquer l’exclusion de l’opérateur économique qui l’a commise de la procédure de passation d’un marché public, elle doit nécessairement être constatée avant la clôture de cette procédure (voir, par analogie, arrêt du 20 décembre 2017, Impresa di Costruzioni Ing. E. Mantovani et Guerrato, C‑178/16, EU:C:2017:1000, point 38).

54 Or, en l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’ANAS n’a été alertée sur l’existence potentielle d’un système de corruption impliquant certains de ses fonctionnaires qu’au moment de l’ouverture, plusieurs années après l’attribution du marché public en cause au principal, d’enquêtes pénales portant sur la procédure de passation de ce marché public. Ignorant ainsi que le représentant légal d’Aleandri avait pu se livrer à des actes de corruption auprès de certains de
ses fonctionnaires, l’ANAS n’était pas en mesure de reprocher une faute professionnelle grave pour ce comportement et, partant, d’exclure de la procédure en cause le groupement temporaire d’entreprises auquel cette entreprise appartenait.

55 Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner la question de savoir si l’article 45, paragraphe 2, premier alinéa, sous d), de la directive 2004/18 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale ne permettant pas d’exclure d’une procédure de passation d’un marché public un opérateur économique qui a tenté d’influencer le résultat de cette procédure, notamment, par des actes de corruption active à l’égard des membres de la commission d’appel d’offres.

Sur les dépens

56 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 2, point 7, du règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999,

doit être interprété en ce sens que :

la notion d’« irrégularité », au sens de cette disposition, couvre des comportements susceptibles d’être qualifiés d’« actes de corruption » pratiqués dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public ayant pour objet la réalisation de travaux cofinancés par un fonds structurel de l’Union européenne, et pour lesquels une procédure administrative ou judiciaire a été engagée, y compris lorsqu’il n’est pas prouvé que ces comportements ont eu une incidence réelle sur la procédure de
sélection du soumissionnaire et qu’aucune atteinte effective au budget de l’Union n’a été constatée.

  2) L’article 98, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1083/2006

doit être interprété en ce sens que :

en cas d’« irrégularité », telle que définie à l’article 2, point 7, de ce règlement, il impose aux États membres, afin de déterminer la correction financière applicable, de procéder à une appréciation au cas par cas, dans le respect du principe de proportionnalité, en tenant notamment compte de la nature et de la gravité des irrégularités constatées ainsi que de leur incidence financière pour le fonds concerné.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’italien.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-545/21
Date de la décision : 08/06/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio.

Renvoi préjudiciel – Fonds structurels de l’Union européenne – Règlement (CE) no 1083/2006 – Article 2, point 7 – Notion d’“irrégularité” – Article 98, paragraphes 1 et 2 – Corrections financières par les États membres en rapport avec les irrégularités détectées – Critères applicables – Directive 2004/18/CE – Article 45, paragraphe 2, premier alinéa, sous d) – Notion de “faute professionnelle grave”.

Coopération judiciaire en matière pénale

Ressources propres

Cohésion économique, sociale et territoriale

Fonds de cohésion

Rapprochement des législations

Espace de liberté, de sécurité et de justice

Droit d'établissement

Fonds européen de développement régional (FEDER)

Libre prestation des services

Dispositions financières


Parties
Demandeurs : Azienda Nazionale Autonoma Strade SpA (ANAS)
Défendeurs : Ministero delle Infrastrutture e dei Trasporti.

Composition du Tribunal
Avocat général : Rantos
Rapporteur ?: Piçarra

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:451

Source

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