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08/06/2023 | CJUE | N°C-49/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Austrian Airlines AG contre TW., 08/06/2023, C-49/22


 ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

8 juin 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Transports aériens – Règlement (CE) no 261/2004 – Article 5, paragraphe 1, sous a) – Annulation d’un vol – Article 8, paragraphe 1 – Obligation d’assistance – Notion de “réacheminement” – Indemnisation des passagers aériens en cas d’annulation d’un vol – Pandémie de Covid-19 – Vol de rapatriement organisé par un État membre dans le contexte d’une mission d’assistance consulaire – Vol effectué par le même transporteur aérien

effectif et à la même heure que le vol annulé – Frais
à la charge du passager excédant les coûts nets pour ce vol »

Dans l’a...

 ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

8 juin 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Transports aériens – Règlement (CE) no 261/2004 – Article 5, paragraphe 1, sous a) – Annulation d’un vol – Article 8, paragraphe 1 – Obligation d’assistance – Notion de “réacheminement” – Indemnisation des passagers aériens en cas d’annulation d’un vol – Pandémie de Covid-19 – Vol de rapatriement organisé par un État membre dans le contexte d’une mission d’assistance consulaire – Vol effectué par le même transporteur aérien effectif et à la même heure que le vol annulé – Frais
à la charge du passager excédant les coûts nets pour ce vol »

Dans l’affaire C‑49/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg, Autriche), par décision du 4 janvier 2022, parvenue à la Cour le 24 janvier 2022, dans la procédure

Austrian Airlines AG

contre

TW,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe (rapporteure), présidente de chambre, MM. M. Safjan, N. Piçarra, N. Jääskinen et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour Austrian Airlines AG, par Mes M. Brenner et M. Klemm, Rechtsanwälte,

– pour TW, par Mes F. Puschkarski, A. Skribe et P. Zwifelhofer, Rechtsanwälte,

– pour le gouvernement autrichien, par MM. G. Kunnert, A. Posch et Mme J. Schmoll, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller, P. Busche et M. Hellmann, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. G. Braun, G. Wilms et Mme N. Yerrell, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 mars 2023,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91 (JO 2004, L 46, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Austrian Airlines AG à TW au sujet du refus d’Austrian Airlines de rembourser à TW et à son épouse la somme que ceux-ci ont dû acquitter pour bénéficier d’un vol de rapatriement organisé par la République d’Autriche dans le cadre de ses fonctions consulaires, à la suite de l’annulation de leur vol par Austrian Airlines en raison de la pandémie de Covid-19.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 261/2004

3 Les considérants 1 et 4 du règlement no 261/2004 énoncent :

« (1) L’action de la Communauté dans le domaine des transports aériens devrait notamment viser à garantir un niveau élevé de protection des passagers. Il convient en outre de tenir pleinement compte des exigences de protection des consommateurs en général.

[...]

(4) La Communauté devrait, par conséquent, relever les normes de protection fixées par [le règlement (CEE) no 295/91 du Conseil, du 4 février 1991, établissant des règles communes relatives à un système de compensation pour refus d’embarquement dans les transports aériens réguliers (JO 1991, L 36, p. 5)], à la fois pour renforcer les droits des passagers et pour faire en sorte que les transporteurs aériens puissent exercer leurs activités dans des conditions équivalentes sur un marché
libéralisé. »

4 L’article 2 de ce règlement est intitulé « Définitions ». Le « transporteur aérien effectif » est défini, au point b) de cet article, comme étant « un transporteur aérien qui réalise ou a l’intention de réaliser un vol dans le cadre d’un contrat conclu avec un passager, ou au nom d’une autre personne, morale ou physique, qui a conclu un contrat avec ce passager ».

5 L’article 3 dudit règlement, intitulé « Champ d’application », dispose, à son paragraphe 3 :

« Le présent règlement ne s’applique pas aux passagers qui voyagent gratuitement ou à un tarif réduit non directement ou indirectement accessible au public. Toutefois, il s’applique aux passagers en possession d’un billet émis par un transporteur aérien ou un organisateur de voyages dans le cadre d’un programme de fidélisation ou d’autres programmes commerciaux. »

6 L’article 5 du même règlement, intitulé « Annulations », est libellé comme suit :

« 1.   En cas d’annulation d’un vol, les passagers concernés :

a) se voient offrir par le transporteur aérien effectif une assistance conformément à l’article 8 ;

[...]

c) ont droit à une indemnisation du transporteur aérien effectif conformément à l’article 7, à moins qu’ils soient informés de l’annulation du vol :

[...]

2.   Lorsque les passagers sont informés de l’annulation d’un vol, des renseignements leur sont fournis concernant d’autres transports possibles.

3.   Un transporteur aérien effectif n’est pas tenu de verser l’indemnisation prévue à l’article 7 s’il est en mesure de prouver que l’annulation est due à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises.

[...] »

7 L’article 7 du règlement no 261/2004, intitulé « Droit à indemnisation », prévoit une indemnisation standardisée des passagers dont le montant varie, notamment, en fonction de la distance du vol.

8 L’article 8 de ce règlement, intitulé « Assistance : droit au remboursement ou au réacheminement », prévoit :

« 1.   Lorsqu’il est fait référence au présent article, les passagers se voient proposer le choix entre :

a) – le remboursement du billet, dans un délai de sept jours, selon les modalités visées à l’article 7, paragraphe 3, au prix auquel il a été acheté, pour la ou les parties du voyage non effectuées et pour la ou les parties du voyage déjà effectuées et devenues inutiles par rapport à leur plan de voyage initial, ainsi que, le cas échéant,

– un vol retour vers leur point de départ initial dans les meilleurs délais ;

b) un réacheminement vers leur destination finale, dans des conditions de transport comparables et dans les meilleurs délais, ou

c) un réacheminement vers leur destination finale dans des conditions de transport comparables à une date ultérieure, à leur convenance, sous réserve de la disponibilité de sièges.

2.   Le paragraphe 1, point a), s’applique également aux passagers dont le vol fait partie d’un voyage à forfait hormis en ce qui concerne le droit au remboursement si un tel droit découle de la [directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) no 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE du Conseil (JO
2015, L 326, p. 1)].

[...] »

9 L’article 12 dudit règlement est intitulé « Indemnisation complémentaire ». Il prévoit, à son paragraphe 1 :

« Le présent règlement s’applique sans préjudice du droit d’un passager à une indemnisation complémentaire. L’indemnisation accordée en vertu du présent règlement peut être déduite d’une telle indemnisation. »

La directive (UE) 2015/637

10 Aux termes de l’article 9 de la directive (UE) 2015/637 du Conseil, du 20 avril 2015, établissant les mesures de coordination et de coopération nécessaires pour faciliter la protection consulaire des citoyens de l’Union non représentés dans des pays tiers et abrogeant la décision 95/553/CE (JO 2015, L 106, p. 1) :

« La protection consulaire visée à l’article 2 peut notamment comprendre des mesures d’assistance dans les situations suivantes :

[...]

e) besoin d’aide et de rapatriement en situation d’urgence ;

[...] »

Le droit autrichien

11 L’article 3, paragraphe 2, point 5, du Bundesgesetz über die Wahrnehmung konsularischer Aufgaben (Konsulargesetz) [loi fédérale relative à l’exercice des fonctions consulaires (loi consulaire)] (BGBl. I, 40/2019) (ci-après la « loi consulaire »), dispose :

« On entend par “protection consulaire” la partie des fonctions consulaires qui englobe l’assistance dans des situations de besoin de protection juridique et d’urgence. Cela comprend notamment des mesures d’assistance [...] en cas de besoin d’aide et de rapatriement en cas d’urgence. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12 Dans le cadre d’un voyage à forfait, TW et son épouse disposaient chacun d’une réservation confirmée pour le vol OS 17, du 7 mars 2020, au départ de l’aéroport de Vienne (Autriche) à destination de l’Île Maurice, ainsi que pour le vol OS 18, du 20 mars 2020, au départ de l’aéroport de l’Île Maurice à destination de Vienne. Ces deux vols devaient être opérés par Austrian Airlines.

13 Le vol OS 17 a été effectué. En revanche, le 18 mars 2020, Austrian Airlines a annulé le vol OS 18 à la suite des mesures prises par le gouvernement autrichien en raison de la pandémie de Covid-19.

14 Selon les indications fournies par le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg, Autriche), qui est la juridiction de renvoi, bien qu’Austrian Airlines disposât des coordonnées de TW et de son épouse, elle ne les a pas informés de cette annulation, ni des droits dont ils disposaient au titre de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 261/2004. Ce n’est que le 19 mars 2020 que ceux-ci ont été avertis, par l’organisateur de leur voyage, de l’annulation de leur vol retour ainsi
que de l’organisation d’un vol de rapatriement par le ministère des Affaires étrangères autrichien, prévu le 20 mars 2020, date à laquelle plus aucun vol régulier n’était effectué.

15 TW et son épouse se sont inscrits pour ce vol de rapatriement sur le site Internet du ministère des Affaires étrangères. À ce titre, chacun d’eux a dû verser une participation aux frais obligatoire d’un montant de 500 euros. Ce vol de rapatriement a été opéré par Austrian Airlines sous le numéro de vol OS 1024, à l’horaire initialement réservé pour le vol OS 18.

16 Par une action introduite devant le Bezirksgericht Schwechat (tribunal de district de Schwechat, Autriche) le 14 septembre 2020, TW, qui agit en son nom et en celui de son épouse, a demandé la condamnation d’Austrian Airlines à lui payer la somme de 1000 euros, majorée des intérêts, cette somme correspondant à la participation obligatoire que son épouse et lui-même avaient dû payer pour le vol de rapatriement.

17 À l’appui de cette action, TW a invoqué le fait qu’Austrian Airlines aurait non seulement omis d’offrir et d’organiser un réacheminement, mais aurait également facturé des frais pour le transport que TW aurait lui-même organisé, contrairement à ce que prévoirait l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004. Dans la mesure où Austrian Airlines aurait ainsi manqué aux obligations que lui impose le droit de l’Union, ce transporteur aérien serait responsable du préjudice que TW et son
épouse ont subi en étant contraints de trouver, à leurs frais, une solution de remplacement au vol retour annulé.

18 Le Bezirksgericht Schwechat (tribunal de district de Schwechat) ayant fait droit au principal de la demande de TW, Austrian Airlines a saisi la juridiction de renvoi d’un recours contre cette décision.

19 Dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi part du postulat que l’assistance au soutien et au rapatriement en cas d’urgence compte parmi les fonctions consulaires de la République d’Autriche. L’exercice de ces fonctions relèverait d’une activité souveraine de cet État membre au titre de l’article 3, paragraphe 2, point 5, de la loi consulaire. Austrian Airlines y aurait contribué en tant que partenaire contractuel de la République d’Autriche, sans avoir eu la moindre
influence sur la décision de cet État membre. Toutefois, cette juridiction estime que, si Austrian Airlines n’avait pas la possibilité de reprogrammer elle-même des passagers sur le vol de rapatriement, elle aurait pu procéder elle-même à leur inscription sur le site Internet du ministère des Affaires étrangères et leur rembourser leur participation aux frais obligatoire.

20 Selon ladite juridiction, l’issue du litige au principal dépend dès lors de l’interprétation qu’il convient de donner aux termes « offrir » et « réacheminement », lesquels figurent respectivement à l’article 5, paragraphe 1, sous a), et à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004.

21 C’est dans ces conditions que le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Convient-il d’interpréter l’article 5, paragraphe 1, sous a), et l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement [no 261/2004], en ce sens qu’un vol de rapatriement effectué dans le cadre de l’activité de puissance publique d’un État doit également être considéré comme un “réacheminement vers la destination finale, dans des conditions de transport comparables” devant être offert par le transporteur aérien effectif en cas d’annulation, lorsque le transporteur aérien effectif ne peut certes
pas justifier d’un droit au transport du passager, mais avait la possibilité d’inscrire le passager pour ce vol et d’en assumer les frais et lorsque c’est en fin de compte avec le même avion et aux mêmes horaires, prévus pour le vol initial annulé, que le transporteur aérien effectif effectue le vol en vertu d’un accord contractuel avec l’État ?

2) Convient-il d’interpréter l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 en ce sens qu’un passager qui s’inscrit lui-même pour un vol de rapatriement visé dans la [première question], et qui verse à ce titre à l’État une participation aux frais obligatoire, a contre le transporteur aérien [effectif] un droit au remboursement de ces frais qui découle directement du règlement no 261/2004, bien que ces frais ne constituent pas exclusivement le coût net du vol ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

22 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’un vol de rapatriement, organisé par un État membre dans le contexte d’une mesure d’assistance consulaire, à la suite de l’annulation d’un vol, constitue un « réacheminement vers la destination finale, dans des conditions de transport comparables », au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, qui doit être
offert par le transporteur aérien effectif au passager dont le vol a été annulé.

23 En vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement no 261/2004, le transporteur aérien effectif doit, en cas d’annulation d’un vol, offrir aux passagers concernés une assistance conformément à l’article 8 de ce règlement.

24 Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement, les passagers concernés ont le choix entre trois options : soit le remboursement du billet moyennant certaines conditions ainsi que, le cas échéant, l’organisation d’un vol retour vers leur point de départ initial dans les meilleurs délais, soit un réacheminement vers leur destination finale, dans des conditions de transport comparables et dans les meilleurs délais, soit, enfin, un réacheminement vers leur destination finale dans des
conditions de transport comparables à une date ultérieure, à leur convenance, sous réserve de la disponibilité de sièges.

25 La notion de « réacheminement » n’est pas définie par l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 ni par aucune autre de ses dispositions. Dans ces conditions, la détermination de la signification et de la portée de cette notion doit être établie conformément au sens habituel de celle-ci dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel elle est utilisée et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêt du 31 janvier
2013, McDonagh, C‑12/11, EU:C:2013:43, point 28).

26 En ce qui concerne, tout d’abord, le sens habituel de la notion de « réacheminement », celui-ci renvoie, de façon générale, à l’idée d’un itinéraire alternatif à celui initialement prévu, notamment en termes de trajet ou d’horaire, qui aboutit néanmoins à la même destination finale. Dans cette mesure, cette notion ne comporte aucune caractéristique particulière qui circonscrirait le « réacheminement » dans le cadre d’une offre commerciale.

27 Ensuite, ainsi qu’il ressort des considérants 1 et 4 du règlement no 261/2004, l’objectif principal poursuivi par ce dernier consiste à assurer un niveau élevé de protection des passagers (voir, en ce sens, arrêts du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA, C‑344/04, EU:C:2006:10, point 69, ainsi que du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a., C‑402/07 et C‑432/07, EU:C:2009:716, point 44).

28 Partant, offrir un « réacheminement », au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 261/2004, ne saurait se limiter, pour le transporteur aérien effectif concerné, à proposer au passager aérien de l’amener vers sa destination finale par le vol qui suit celui que ce transporteur aérien a annulé. Une telle offre peut comprendre d’autres vols, y compris ceux avec correspondances, opérés éventuellement par d’autres transporteurs aériens appartenant ou non à la même alliance aérienne et
arrivant à un horaire moins tardif que le vol qui suit le vol annulé (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2020, Transportes Aéreos Portugueses, C‑74/19, EU:C:2020:460, point 59).

29 Enfin, s’agissant du contexte dans lequel s’insère l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 261/2004, il convient néanmoins de relever, comme l’a constaté, en substance, M. l’avocat général aux points 23 et 24 de ses conclusions, que le règlement no 261/2004 est fondé sur l’article 80, paragraphe 2, CE, devenu l’article 100, paragraphe 2, TFUE, qui permet au législateur de l’Union européenne d’établir les dispositions appropriées notamment pour la navigation aérienne, dans le contexte de la
politique commune des transports. Il s’ensuit que le champ d’application de ce règlement ne saurait être étendu à des vols non commerciaux. Cette interprétation est confirmée, notamment, par le considérant 4 du règlement no 261/2004, qui fait expressément référence aux activités des transporteurs aériens sur un marché libéralisé, par l’article 2, sous b), de ce règlement, lequel définit la notion de « transporteur aérien effectif » par référence à un contrat conclu avec un passager, ainsi que par
l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement qui circonscrit le champ d’application personnel de celui-ci aux passagers qui voyagent à un tarif accessible au public.

30 Il résulte de ce qui précède que seuls des vols commerciaux sont susceptibles d’intervenir dans la mise en œuvre d’un tel réacheminement.

31 Or un vol de rapatriement ne revêt pas une nature commerciale, dans la mesure où son organisation s’inscrit, en principe, dans le contexte des mesures d’assistance consulaire d’un État, comme en attestent, en l’occurrence, l’article 3, paragraphe 2, point 5, de la loi consulaire, mais également, dans le droit de l’Union, l’article 9, sous e), de la directive 2015/637.

32 Il découle de cette circonstance, ainsi que l’a souligné M. l’avocat général aux points 34, 35 et 38 de ses conclusions, que les conditions d’un vol de rapatriement peuvent être significativement différentes de celles d’un vol commercial en ce qui concerne tant les conditions d’embarquement que les services à bord. Surtout, les transporteurs aériens effectifs ne sauraient offrir à leurs passagers un vol de rapatriement en tant que « réacheminement », au sens de l’article 8, paragraphe 1, du
règlement no 261/2004, dès lors qu’ils ne sont pas habilités à conférer à ces passagers un droit à être transportés sur ce vol.

33 Il découle des motifs qui précèdent que l’article 5, paragraphe 1, sous a), et l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004 doivent être interprétés en ce sens qu’un vol de rapatriement, organisé par un État membre dans le contexte d’une mesure d’assistance consulaire, à la suite de l’annulation d’un vol, ne constitue pas un « réacheminement vers la destination finale, dans des conditions de transport comparables », au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement,
qui doit être offert par le transporteur aérien effectif au passager dont le vol a été annulé.

Sur la seconde question

34 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’il confère à un passager qui, à la suite de l’annulation de son vol retour, a dû s’inscrire lui-même pour un vol de rapatriement organisé par un État membre dans le contexte d’une mesure d’assistance consulaire et verser à ce titre à cet État une participation aux frais obligatoire, un droit au remboursement de ces frais à la charge du
transporteur aérien effectif.

35 À titre liminaire, il convient de préciser qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’action de TW vise à ce qu’Austrian Airlines soit condamnée à l’indemniser du préjudice qu’il prétend avoir subi en ayant dû s’acquitter de 1 000 euros de participation aux frais obligatoire pour lui et son épouse, afin de pouvoir bénéficier de deux places sur le vol de rapatriement mentionné au point 15 du présent arrêt. Cette action, dans la mesure où elle vise un préjudice propre à TW, qui a
vocation à être apprécié individuellement et a posteriori, et qui trouve son origine dans l’annulation d’un vol pour lequel ce dernier et son épouse disposaient d’une réservation confirmée, tend à obtenir une indemnisation complémentaire, au sens de l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Rusu, C‑354/18, EU:C:2019:637, points 35 et 36).

36 Or s’il découle des termes mêmes de cette disposition que ce règlement s’applique sans préjudice du droit d’un passager à une indemnisation complémentaire, une telle indemnisation complémentaire doit toutefois être fondée sur le droit national ou le droit international (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Rusu, C‑354/18, EU:C:2019:637, points 35 et 36).

37 L’article 8, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 ne saurait donc être interprété en ce sens qu’un passager qui, à la suite de l’annulation de son vol retour, s’inscrit lui-même sur un vol de rapatriement organisé par un État membre dispose, sur le fondement dudit règlement, d’un droit au remboursement par le transporteur aérien effectif de la participation aux frais complémentaires qu’il a dû verser aux fins de son enregistrement sur ce vol.

38 Un tel passager est néanmoins fondé à faire valoir un droit à indemnisation sur la base des éléments énoncés aux articles 8 et 9 du règlement no 261/2004 lorsqu’un transporteur aérien effectif a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces articles (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2011, Sousa Rodríguez e.a., C‑83/10, EU:C:2011:652, points 43 et 44).

39 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 8 de ce règlement, intitulé « Assistance : droit au remboursement ou au réacheminement », énonce, à son paragraphe 1, que les passagers se voient proposer le choix entre trois possibilités, à savoir, en substance, premièrement, le remboursement du billet et, le cas échéant, un vol retour vers leur point de départ initial dans les meilleurs délais, deuxièmement, un réacheminement vers leur destination finale, dans des conditions de transport
comparables et dans les meilleurs délais, et, troisièmement, un réacheminement vers cette destination dans des conditions de transport comparables à une date ultérieure, à leur convenance, sous réserve de la disponibilité de sièges.

40 Cet article prévoit ainsi expressément, comme alternative au réacheminement, le remboursement du billet au prix auquel il a été acheté, pour la ou les parties du voyage non effectuées ou devenues inutiles par rapport au plan de voyage initial, sous réserve que ce billet ne puisse pas déjà être remboursé sur le fondement de la directive 2015/2302.

41 Partant, ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général aux points 62 et 63 de ses conclusions, lorsque le réacheminement s’avère impossible dans les meilleurs délais ou à une date ultérieure qui convient au passager concerné, le transporteur aérien effectif ne saurait être libéré de son obligation, découlant de l’article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement no 261/2004, de rembourser le billet pour la ou les parties du voyage non effectuées ou devenues inutiles par rapport au plan de
voyage initial, sous réserve que ce billet ne puisse pas déjà être remboursé sur le fondement de la directive 2015/2302. En effet, l’obligation d’offrir l’assistance prévue à l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement serait privée d’effet s’il n’était pas possible de la faire respecter, le cas échéant au moyen d’une action en remboursement introduite a posteriori.

42 Une telle obligation de remboursement est, par ailleurs, conforme à l’objectif principal poursuivi par le règlement no 261/2004 qui consiste, comme il est indiqué au point 27 du présent arrêt, à assurer un niveau élevé de protection des passagers.

43 En outre, l’obligation pour le transporteur aérien effectif de proposer aux passagers dont le vol a été annulé les différentes options visées à l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement présuppose qu’il fournisse à ces passagers l’intégralité de l’information relative aux droits découlant de cette disposition afin qu’ils puissent exercer efficacement leurs droits en cas d’annulation (voir, en ce sens, arrêts du 29 juillet 2019, Rusu, C‑354/18, EU:C:2019:637, points 53 et 54, ainsi que du
21 décembre 2021, Azurair e.a., C‑146/20, C‑188/20, C‑196/20 et C‑270/20, EU:C:2021:1038, points 99 et 100).

44 Ce droit des passagers de se voir offrir les informations nécessaires pour leur permettre de faire un choix efficace et informé exclut toute obligation de leur part de contribuer activement à la recherche des données que doit contenir la proposition du transporteur aérien effectif (arrêt du 29 juillet 2019, Rusu, C‑354/18, EU:C:2019:637, point 55). De la même manière, il appartient à ce dernier d’informer utilement les passagers aériens lorsqu’un réacheminement n’est pas possible.

45 À cet égard, il convient également de souligner que l’obligation d’assistance au titre de l’article 8 du règlement no 261/2004 s’impose au transporteur aérien effectif quel que soit l’événement qui a donné lieu à l’annulation du vol. En effet, même lorsque des circonstances exceptionnelles se produisent, l’article 5, paragraphe 3, de ce règlement exonère le transporteur aérien effectif uniquement de son obligation d’indemnisation au titre de l’article 7 dudit règlement (voir, par analogie, arrêt
du 31 janvier 2013, McDonagh, C‑12/11, EU:C:2013:43, point 31).

46 Le règlement no 261/2004 ne contient aucune indication permettant de considérer qu’il reconnaîtrait, au-delà des « circonstances extraordinaires » mentionnées à l’article 5, paragraphe 3, de ce règlement, une catégorie distincte d’événements « particulièrement extraordinaires », telle que la pandémie de Covid-19, qui aurait pour conséquence d’exonérer le transporteur aérien effectif de toutes ses obligations, y compris de celles découlant de l’article 8 dudit règlement (voir, par analogie, arrêt
du 31 janvier 2013, McDonagh, C‑12/11, EU:C:2013:43, point 30).

47 Une interprétation contraire aurait pour conséquence qu’un transporteur aérien effectif serait tenu de fournir l’assistance au titre de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 à des passagers qui se trouveraient, en raison d’une annulation d’un vol, dans une situation de désagrément limité, alors que des passagers, tels que le requérant au principal, qui se trouveraient dans un état de particulière vulnérabilité en raison de l’absence de tout vol commercial, en seraient privés (voir,
par analogie, arrêt du 31 janvier 2013, McDonagh, C‑12/11, EU:C:2013:43, point 33).

48 Un passager dont le vol a été annulé est donc fondé à obtenir une réparation par équivalent, à charge du transporteur aérien effectif, en cas de non-respect, par ce dernier, de son obligation d’assistance découlant de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 261/2004, y compris de son devoir d’information tel que défini aux points 43 et 44 du présent arrêt.

49 Ce passager peut ainsi se prévaloir, devant une juridiction nationale, du non-respect par un transporteur aérien effectif, d’une part, de son obligation de rembourser le billet au prix auquel il a été acheté, pour la ou les parties du voyage non effectuées ou devenues inutiles par rapport au plan de voyage initial, ainsi que, d’autre part, de son obligation d’assistance, y compris de son devoir d’information, au titre de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 261/2004, et ce afin d’obtenir
une indemnisation à la charge de ce transporteur aérien effectif (voir, par analogie, arrêt du 31 janvier 2013, McDonagh, C‑12/11, EU:C:2013:43, point 24). Cette indemnisation sera néanmoins limitée à ce qui, au vu des circonstances propres à chaque espèce, s’avère nécessaire, approprié et raisonnable pour pallier la défaillance dudit transporteur aérien effectif (voir, par analogie, arrêt du 22 avril 2021, Austrian Airlines, C‑826/19, EU:C:2021:318, point 73).

50 Il découle des motifs qui précèdent que l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’un passager qui, à la suite de l’annulation de son vol retour, s’inscrit lui-même pour un vol de rapatriement organisé par un État membre dans le contexte d’une mesure d’assistance consulaire, et qui est tenu de verser à ce titre à cet État une participation aux frais obligatoire, ne dispose pas d’un droit au remboursement de ces frais à la charge du transporteur aérien
effectif sur le fondement de ce règlement. En revanche, un tel passager peut se prévaloir, devant une juridiction nationale, du non-respect par le transporteur aérien effectif, d’une part, de son obligation de rembourser le billet au prix auquel il a été acheté, pour la ou les parties du voyage non effectuées ou devenues inutiles par rapport au plan de voyage initial, ainsi que, d’autre part, de son obligation d’assistance, y compris de son devoir d’information au titre de l’article 8,
paragraphe 1, dudit règlement, et ce afin d’obtenir une indemnisation à la charge de ce transporteur aérien effectif. Une telle indemnisation devra néanmoins être limitée à ce qui, au vu des circonstances propres à chaque espèce, s’avère nécessaire, approprié et raisonnable pour pallier la défaillance dudit transporteur aérien effectif.

Sur les dépens

51 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 5, paragraphe 1, sous a), et l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91,

doivent être interprétés en ce sens que :

un vol de rapatriement, organisé par un État membre dans le contexte d’une mesure d’assistance consulaire, à la suite de l’annulation d’un vol, ne constitue pas un « réacheminement vers la destination finale, dans des conditions de transport comparables », au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, qui doit être offert par le transporteur aérien effectif au passager dont le vol a été annulé.

  2) L’article 8, paragraphe 1, du règlement no 261/2004

doit être interprété en ce sens que :

un passager qui, à la suite de l’annulation de son vol retour, s’inscrit lui-même pour un vol de rapatriement organisé par un État membre dans le contexte d’une mesure d’assistance consulaire, et qui est tenu de verser à ce titre à cet État une participation aux frais obligatoire, ne dispose pas d’un droit au remboursement de ces frais à la charge du transporteur aérien effectif sur le fondement de ce règlement.

En revanche, un tel passager peut se prévaloir, devant une juridiction nationale, du non-respect par le transporteur aérien effectif, d’une part, de son obligation de rembourser le billet au prix auquel il a été acheté, pour la ou les parties du voyage non effectuées ou devenues inutiles par rapport au plan de voyage initial, ainsi que, d’autre part, de son obligation d’assistance, y compris de son devoir d’information au titre de l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement, et ce afin d’obtenir
une indemnisation à la charge de ce transporteur aérien effectif. Une telle indemnisation devra néanmoins être limitée à ce qui, au vu des circonstances propres à chaque espèce, s’avère nécessaire, approprié et raisonnable pour pallier la défaillance dudit transporteur aérien effectif.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-49/22
Date de la décision : 08/06/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Landesgericht Korneuburg.

Renvoi préjudiciel – Transports aériens – Règlement (CE) no 261/2004 – Article 5, paragraphe 1, sous a) – Annulation d’un vol – Article 8, paragraphe 1 – Obligation d’assistance – Notion de “réacheminement” – Indemnisation des passagers aériens en cas d’annulation d’un vol – Pandémie de Covid-19 – Vol de rapatriement organisé par un État membre dans le contexte d’une mission d’assistance consulaire – Vol effectué par le même transporteur aérien effectif et à la même heure que le vol annulé – Frais à la charge du passager excédant les coûts nets pour ce vol.

Transports


Parties
Demandeurs : Austrian Airlines AG
Défendeurs : TW.

Composition du Tribunal
Avocat général : Emiliou
Rapporteur ?: Jürimäe

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:454

Source

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