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27/04/2023 | CJUE | N°C-681/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Versicherungsanstalt öffentlich Bediensteter, Eisenbahnen und Bergbau (BVAEB) contre BB., 27/04/2023, C-681/21


 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

27 avril 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Directive 2000/78/CE – Interdiction de discrimination fondée sur l’âge – Pension de retraite – Réglementation nationale prévoyant, avec effet rétroactif, l’assimilation d’une catégorie de fonctionnaires antérieurement favorisée par la législation nationale portant sur les droits à pension de retraite à une catégorie de fonctionnaires antérieurement défavorisée par c

ette même législation »

Dans l’affaire C‑681/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle ...

 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

27 avril 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Directive 2000/78/CE – Interdiction de discrimination fondée sur l’âge – Pension de retraite – Réglementation nationale prévoyant, avec effet rétroactif, l’assimilation d’une catégorie de fonctionnaires antérieurement favorisée par la législation nationale portant sur les droits à pension de retraite à une catégorie de fonctionnaires antérieurement défavorisée par cette même législation »

Dans l’affaire C‑681/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche), par décision du 11 octobre 2021, parvenue à la Cour le 11 novembre 2021, dans la procédure

Versicherungsanstalt öffentlich Bediensteter, Eisenbahnen und Bergbau (BVAEB)

contre

BB,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), présidente de chambre, MM. N. Wahl et J. Passer, juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour BB, par Me M. Riedl, Rechtsanwalt,

– pour le gouvernement autrichien, par M. A. Posch, Mme J. Schmoll et M. F. Werni, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. B.-R. Killmann et D. Martin, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Versicherungsanstalt öffentlich Bediensteter, Eisenbahnen und Bergbau (BVAEB) (caisse de maladie des fonctionnaires et agents des pouvoirs publics, chemins de fer et secteur minier, Autriche) à BB au sujet de la fixation du montant de la pension de retraite de cette dernière.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 1er de la directive 2000/78, intitulé « Objet », prévoit :

« La présente directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, [le] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement. »

4 L’article 2 de cette directive, intitulé « Concept de discrimination », dispose :

« 1.   Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2.   Aux fins du paragraphe 1 :

a) une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er ;

b) une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que :

i) cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, [...]

[...] »

5 L’article 3 de ladite directive, intitulé « Champ d’application », énonce, à son paragraphe 1, sous c) :

« Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :

[...]

c) les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération ».

6 Aux termes de l’article 6 de la même directive, intitulé « Justification des différences de traitement fondées sur l’âge » :

« 1.   Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

[...]

2.   Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que ne constitue pas une discrimination fondée sur l’âge la fixation, pour les régimes professionnels de sécurité sociale, d’âges d’adhésion ou d’admissibilité aux prestations de retraite ou d’invalidité, y compris la fixation, pour ces régimes, d’âges différents pour des travailleurs ou des groupes ou catégories de travailleurs et l’utilisation, dans le cadre de ces régimes, de critères d’âge dans les calculs actuariels,
à condition que cela ne se traduise pas par des discriminations fondées sur le sexe. »

7 L’article 9 de la directive 2000/78, intitulé « Défense des droits », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que des procédures judiciaires et/ou administratives, y compris, lorsqu’ils l’estiment approprié, des procédures de conciliation, visant à faire respecter les obligations découlant de la présente directive soient accessibles à toutes les personnes qui s’estiment lésées par le non-respect à leur égard du principe de l’égalité de traitement, même après que les relations dans lesquelles la discrimination est présumée s’être produite se sont terminées. »

8 L’article 16 de cette directive, intitulé « Conformité », dispose :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires afin que :

a) soient supprimées les dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe de l’égalité de traitement ;

b) soient ou puissent être déclarées nulles et non avenues ou soient modifiées les dispositions contraires au principe de l’égalité de traitement qui figurent dans les contrats ou les conventions collectives, dans les règlements intérieurs des entreprises, ainsi que dans les statuts des professions indépendantes et des organisations de travailleurs et d’employeurs. »

Le droit autrichien

9 L’Allgemeines Pensionsgesetz (loi générale relative aux pensions), du 15 décembre 2004 (BGBl. I, 142/2004), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« APG »), s’applique aux fonctionnaires nés à compter du 1er janvier 1955.

10 L’article 39 du Bundesgesetz über die Pensionsansprüche der Bundesbeamten, ihrer Hinterbliebenen und Angehörigen (Pensionsgesetz 1965) [loi fédérale relative aux droits à pension des fonctionnaires fédéraux, de leurs survivants et des membres de leur famille (loi relative aux pensions de 1965)], du 18 novembre 1965 (BGBl. 340/1965) (ci-après le « PG de 1965 »), dans sa version issue de la loi du 30 décembre 2010 (BGBl. I, 111/2010) (ci-après le « PG de 2010 »), intitulé « Remboursement de
prestations indûment perçues », disposait, à son paragraphe 1 :

« Des prestations indûment perçues (excédents) doivent, dans la mesure où elles n’ont pas été perçues de bonne foi, être remboursées à l’État fédéral. »

11 L’article 41 du PG de 2010 était libellé comme suit :

« 1.   Les modifications de la présente loi fédérale qui ne modifient ni le montant des prestations en vertu de cette même loi ni les conditions ouvrant droit à ces prestations s’appliquent également à l’égard des personnes qui, à la date de son entrée en vigueur, ont droit à des prestations mensuelles en espèces en vertu de cette même loi. Les modifications des règles de calcul ou des conditions ouvrant droit aux prestations ne s’appliquent à l’égard des personnes qui, à la date de son entrée en
vigueur, ont droit à des prestations en vertu de la présente loi fédérale, qu’en cas de disposition expresse en ce sens.

2.   Les pensions de retraite et les pensions de réversion dues en vertu de la présente loi, à l’exception de l’allocation complémentaire de niveau de vie prévue à l’article 26, doivent être adaptées au même moment et dans la même mesure que les pensions relevant du régime d’assurance pension légal,

1) lorsque le droit à pension a déjà été constitué avant le 1er janvier de l’année concernée

2) lorsqu’elles sont dérivées de pensions de retraite auxquelles un droit a été constitué avant le 1er janvier de l’année concernée.

Par dérogation à la première phrase, la première adaptation d’une pension de retraite n’est effectuée avec effet qu’à compter du 1er janvier de la deuxième année civile suivant l’ouverture du droit à la pension de retraite.

3.   La méthode d’adaptation des pensions fixée à l’article 634, paragraphe 12, de l’[Allgemeines Sozialversicherungsgesetz (loi générale relative à la sécurité sociale), du 9 septembre 1955 (BGBl. 189/1955), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’“ASVG”)] pour l’année civile 2010 s’applique, pour les fonctionnaires nés avant le 1er janvier 1955 qui étaient en activité au 31 décembre 2006, lors des trois premières adaptations de leur pension de retraite, ou des pensions de
réversion qui en sont dérivées, sauf si, pour l’année civile considérée, une disposition dérogatoire à l’article 108h, paragraphe 1, de l’ASVG s’applique. »

12 L’article 41, paragraphe 3, du PG de 1965, tel que modifié par la 2. Dienstrechts-Novelle 2018 (deuxième loi de 2018 modifiant le droit de la fonction publique), du 22 décembre 2018 (BGBl. I, 102/2018) (ci-après le « PG de 2018 »), dispose :

« La méthode d’adaptation des pensions fixée à l’article 634, paragraphe 12, de l’ASVG pour l’année civile 2010 s’applique, pour les fonctionnaires nés avant le 1er janvier 1955 qui étaient en activité au 31 décembre 2006, ainsi que pour ceux auxquels l’article 99, paragraphe 6, est applicable, lors des trois premières adaptations de leur pension de retraite, ou des pensions de réversion qui en sont dérivées, sauf si, pour l’année civile considérée, une disposition dérogatoire à l’article 108h,
paragraphe 1, de l’ASVG s’applique. »

13 L’article 99 du PG de 1965, dans sa version issue de la loi du 27 décembre 2013 (BGBl. I, 210/2013) (ci-après le « PG de 2013 »), intitulé « Calcul parallèle », était libellé comme suit :

« 1.   La section XIII ne s’applique qu’aux fonctionnaires qui sont nés après le 31 décembre 1954 et avant le 1er janvier 1976, ont été recrutés dans la fonction publique fédérale avant le 1er janvier 2005 et se trouvent en service au 31 décembre 2004.

2.   Le fonctionnaire ne bénéficie de la pension d’ancienneté ou de la pension de professeur de troisième cycle calculée conformément aux dispositions de la présente loi fédérale que dans la mesure correspondant au pourcentage, visé à l’article 7 ou à l’article 90, paragraphe 1, qui résulte de la durée totale de la carrière ouvrant droit à pension qu’il a accomplie jusqu’au 31 décembre 2004.

3.   Outre la pension de retraite ou la pension de professeur de troisième cycle, une pension est calculée pour le fonctionnaire en application des dispositions de l’[APG] et de l’article 6, paragraphe 3, et de l’article 15, paragraphe 2, de cette loi, telle qu’en vigueur au 31 décembre 2013. L’article 15 et l’article 16, paragraphe 5, de l’[APG] ne sont pas applicables. La pension au titre de [cette loi] est due à concurrence de la différence entre le pourcentage visé au paragraphe 2 et 100 %.

4.   Les périodes validées conformément à l’article 9 ne sont pas prises en compte pour l’application des paragraphes 2, 3 et 6. En ce qui concerne les périodes prises en compte, c’est l’époque effective à laquelle a été accomplie la période prise en compte qui est déterminante.

5.   La pension totale du fonctionnaire se compose de la pension proportionnelle visée au paragraphe 2 et de la pension proportionnelle visée au paragraphe 3.

6.   Il n’y a pas lieu de procéder à un calcul parallèle si la durée totale de la carrière ouvrant droit à pension qui a été accomplie à compter du 1er janvier 2005 représente moins de 5 % de la carrière totale ouvrant droit à pension ou qu’elle est inférieure à 36 mois. Dans ce cas, la pension est calculée conformément aux dispositions de la présente loi fédérale, à l’exception de la présente section. »

14 L’article 634, paragraphe 12, de l’ASVG, dans sa version issue de la loi du 23 mai 2013 (BGBl. I, 81/2013), dispose :

« Par dérogation à l’article 108h, paragraphe 1, première phrase, le ministre fédéral des Affaires sociales et de la Protection des consommateurs procède, dans le règlement visé à l’article 108, paragraphe 5, pour les années civiles 2009 et 2010, à l’adaptation des pensions de sorte

1) à ce que les pensions qui ne dépassent pas 60 % de l’assiette des cotisations maximale visée à l’article 45 soient multipliées par le facteur 1,034 pour l’année civile 2009 et par le facteur d’adaptation pour l’année civile 2010, et

2) à ce que toutes les autres pensions soient augmentées d’un montant fixe égal à l’augmentation qui résulte de l’application, à 60 % de l’assiette des cotisations maximale visée à l’article 45, du facteur 1,034 pour l’année civile 2009 et du facteur d’adaptation pour l’année civile 2010. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

15 BB, née au cours de l’année 1946, a pris sa retraite de la fonction publique le 31 décembre 2011.

16 Par décision du 9 mai 2012, la BVAEB a fixé sa pension de retraite à un montant mensuel brut de 3079,57 euros.

17 Avec effet au 1er janvier 2014, la pension de retraite de BB a été adaptée et augmentée à un montant mensuel brut de 3128,84 euros, conformément à l’article 41, paragraphe 2, du PG de 2010.

18 Par courrier du 20 mai 2015, BB a contesté, auprès de la BVAEB, l’application de l’article 41, paragraphe 3, du PG de 2010 dans le cadre de l’augmentation du montant de sa pension de retraite au titre de l’année 2015, en demandant que soit constaté par décision le montant mensuel brut de la pension de retraite à laquelle elle avait droit à compter du 1er janvier 2015 et que lui soient versés les arriérés de retraite. À cet égard, BB a notamment fait valoir que l’application de cette disposition
était contraire à l’article 2 de la directive 2000/78, dans la mesure où elle désavantageait les fonctionnaires plus âgés (nés avant le 1er janvier 1955) par rapport aux fonctionnaires plus jeunes (nés à compter du 1er janvier 1955) en ce qui concerne l’augmentation du montant des pensions de retraite.

19 Par décision du 24 juin 2015, la BVAEB a fixé la pension de retraite de BB, sur la base de l’article 41, paragraphes 1, 2 et 3, du PG de 2010, à un montant mensuel brut de 3176,27 euros avec effet au 1er janvier 2015. À cet égard, elle a constaté l’absence de discrimination fondée sur l’âge, au sens de l’article 2 de la directive 2000/78, au motif que les fonctionnaires nés à compter du 1er janvier 1955 seraient soumis au système moins favorable du « calcul parallèle » prévu à l’article 99 du
PG de 2013, en vertu duquel la fixation du montant de leurs pensions de retraite s’opère, pour ce qui est des périodes d’assurance acquises avant l’année 2005, conformément au PG de 1965 et, pour ce qui est des périodes d’assurance acquises à partir de l’année 2005, au titre de l’APG, en tenant compte des périodes de service accomplies pour adapter ce montant en conséquence.

20 Par jugement du 19 août 2016, le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche) a rejeté le recours introduit par BB contre la décision de la BVAEB du 24 juin 2015, au motif que le plafonnement de l’adaptation des pensions prévu à l’article 41, paragraphe 3, du PG de 2010, qui ne s’applique qu’aux fonctionnaires nés avant le 1er janvier 1955, était conforme à la directive 2000/78. Le fait que les fonctionnaires nés à compter du 1er janvier 1955 soient soumis, lors de la
détermination de leur pension de retraite, à un calcul parallèle qui leur est moins favorable, justifierait la différence de traitement existante.

21 Par arrêt du 25 octobre 2017, à la suite du recours en Revision introduit par BB, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche) a annulé ledit jugement et a décidé de renvoyer l’affaire au Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral), au motif que l’article 41, paragraphe 3, du PG de 2010 constituait une discrimination directe fondée sur l’âge non justifiée pour les fonctionnaires nés avant le 1er janvier 1955, dans la mesure où le « calcul parallèle » ne s’appliquait pas
à tous les fonctionnaires nés après le 31 décembre 1954, notamment pas à ceux dont la durée totale des périodes ouvrant droit à pension acquises à partir du 1er janvier 2005 est égale à moins de 5 % de la durée de la carrière prise en considération aux fins de la retraite ou qu’elle est inférieure à 36 mois, conformément à l’article 99, paragraphe 6, du PG de 2013.

22 Le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative) a relevé que, en vertu de l’article 41, paragraphe 3, du PG de 2010 et de l’article 99, paragraphes 1 et 6, du PG de 2013, il existait trois catégories de fonctionnaires retraités, chacune soumise à un régime différent d’adaptation des pensions de retraite : la première catégorie, qui comprenait les fonctionnaires nés avant le 1er janvier 1955 dont l’adaptation des pensions devait être plafonnée au cours des trois premières années de perception,
conformément à l’article 41, paragraphe 3, du PG de 2010 ; la deuxième catégorie, qui comprenait les fonctionnaires nés à compter du 1er janvier 1955, pour lesquels il y avait lieu de procéder, conformément à l’article 99, paragraphe 1, du PG de 2013, à un calcul parallèle, et la troisième catégorie, qui comprenait les fonctionnaires également nés à compter du 1er janvier 1955, mais pour lesquels il n’y avait lieu de procéder ni à une adaptation plafonnée de la pension ni à un calcul parallèle,
en vertu de l’article 99, paragraphe 6, du PG de 2013 (ci-après la « troisième catégorie »).

23 Par jugement de substitution (Ersatzerkenntnis) du 9 octobre 2018, le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) a accueilli le recours de BB visé au point 20 du présent arrêt, en constatant qu’elle avait droit, à compter du 1er janvier 2015, à une pension de retraite d’un montant mensuel brut de 3182,03 euros ainsi qu’au versement des arriérés de pension correspondants, étant donné que l’article 2 de la directive 2000/78 s’opposait à l’application de l’article 41, paragraphe 3, du
PG de 2010 à la pension de retraite en cause au principal.

24 Le PG de 2018 a modifié l’article 41, paragraphe 3, du PG de 2010, avec effet rétroactif au 1er janvier 2011. En incluant les fonctionnaires auxquels s’applique l’article 99, paragraphe 6, du PG de 2013, de manière rétroactive, dans le champ d’application de l’article 41, paragraphe 3, du PG de 2018, cette nouvelle version du PG de 1965 visait à éliminer la troisième catégorie, en l’intégrant dans la première catégorie mentionnée au point 22 du présent arrêt, laquelle fait l’objet d’une
adaptation des pensions de retraite temporairement plafonnée.

25 Par décision du 30 avril 2019, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative) a rejeté comme étant irrecevable le recours en Revision introduit par la BVAEB contre le jugement de substitution (Ersatzerkenntnis) du Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) du 9 octobre 2018.

26 Par décision du 25 juillet 2019, la BVAEB a constaté, à la suite d’une nouvelle demande de BB introduite le 17 juillet 2019, que cette dernière avait droit à une pension de retraite d’un montant mensuel brut de 3176,27 euros à partir du 1er janvier 2015, de 3211,26 euros à partir du 1er janvier 2016, de 3236,95 euros à partir du 1er janvier 2017, de 3288,74 euros à partir du 1er janvier 2018, et de 3354,52 euros à partir du 1er janvier 2019, étant donné que l’article 41, paragraphe 3, du PG de
2018 aurait mis fin, avec effet rétroactif, à la situation discriminatoire constatée par le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative) dans son arrêt du 25 octobre 2017 mentionné au point 21 du présent arrêt. Conformément à cette disposition, l’adaptation plafonnée de la pension de retraite s’appliquerait également aux fonctionnaires relevant du champ d’application de l’article 99, paragraphe 6, du PG de 2013, qui avaient été auparavant exemptés de cette adaptation. Par ailleurs, la BVAEB a
considéré que BB devait rembourser à l’État un excédent de pension de retraite de 84,24 euros pour la période allant du mois de janvier au mois d’août 2019 ; en revanche, les pensions excédentaires perçues par BB au cours de la période antérieure au mois de décembre 2018 l’avaient été de bonne foi.

27 Par jugement du 23 juin 2020, le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral), de nouveau saisi par BB, a fait droit au recours introduit par celle-ci contre la décision visée au point précédent, au motif que l’article 41, paragraphe 3, du PG de 2018 était toujours contraire à l’article 2 de la directive 2000/78. En effet, la modification législative adoptée sur le fondement du PG de 2018 n’aurait pas modifié la situation des fonctionnaires nés avant le 1er janvier 1955, lesquels
continueraient d’être défavorisés, raison pour laquelle la discrimination fondée sur l’âge subsisterait. Eu égard à l’autorité de la chose jugée, cette juridiction a néanmoins rejeté ce recours en ce qui concernait l’année 2015. Elle a donc jugé que BB avait droit à une pension de retraite d’un montant mensuel brut de 3217,02 euros à partir du 1er janvier 2016, de 3242,76 euros à partir du 1er janvier 2017, de 3294,64 euros à partir du 1er janvier 2018, de 3360,53 euros à partir du 1er janvier
2019 et de 3421,02 euros à compter du 1er janvier 2020, lesquels montants ne constituaient pas des excédents.

28 Par la suite, la BVAEB a formé un recours en Revision contre ce jugement devant la juridiction de renvoi, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative).

29 Dans ce contexte, cette juridiction émet des doutes quant à la compatibilité, avec le principe de sécurité juridique, de l’article 41, paragraphe 3, du PG de 2018, au moyen duquel la catégorie de fonctionnaires antérieurement favorisée par la législation nationale, en ce qui concerne leurs droits à pension de retraite (ci-après la « catégorie antérieurement favorisée »), a été assimilée à la catégorie de fonctionnaires antérieurement défavorisée par cette même législation (ci-après la « catégorie
antérieurement défavorisée »).

30 Par ailleurs, cette juridiction se demande, d’une part, si cette disposition est conforme à l’obligation, découlant de la jurisprudence de la Cour, notamment de l’arrêt du 7 octobre 2019, Safeway (C‑171/18, EU:C:2019:839, points 34 et 41 ainsi que jurisprudence citée), de procéder à l’élimination immédiate et complète d’une discrimination constatée, ainsi qu’à l’interdiction de supprimer, pour le passé, les avantages dont bénéficiait la catégorie antérieurement favorisée. D’autre part, elle
s’interroge sur la possibilité de transposer cette jurisprudence à la situation en cause au principal.

31 La nécessité d’assurer la protection des droits acquis et de la confiance légitime à l’égard de la catégorie antérieurement favorisée découlerait de la jurisprudence de la Cour relative à la discrimination fondée sur l’âge, notamment de l’arrêt du 8 mai 2019, Leitner, (C‑396/17, EU:C:2019:375, point 49). Or, en l’occurrence, ce seraient précisément les droits acquis de la catégorie antérieurement favorisée qui ne seraient pas protégés par l’article 41, paragraphe 3, du PG de 2018.

32 La Cour aurait certes jugé, dans son arrêt du 28 janvier 2015, Starjakob (C‑417/13, EU:C:2015:38, point 49), qu’il n’y a pas impérativement lieu, dans tous les cas de discrimination fondée sur l’âge, d’accorder une compensation financière correspondant à la différence des montants des prestations selon qu’il existe ou non une discrimination. La juridiction de renvoi se demande cependant si cette jurisprudence est transposable à des circonstances telles que celles en cause au principal, dans la
mesure où, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, les droits acquis des fonctionnaires relevant de la catégorie antérieurement favorisée avaient été préservés, contrairement à la situation en cause dans l’affaire au principal.

33 En tout état de cause, la Cour ne se serait pas encore prononcée sur la question de savoir s’il est conforme au droit de l’Union qu’une modification d’une disposition nationale, assortie d’effets rétroactifs, place en définitive la catégorie antérieurement favorisée sur un pied d’égalité avec la catégorie antérieurement défavorisée, en supprimant l’élément qui a donné lieu à la différence de traitement de sorte que les personnes antérieurement discriminées en raison de l’âge n’aient aucun droit
financier.

34 Par ailleurs, la juridiction de renvoi observe que le droit à un recours effectif est garanti non seulement par l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne mais aussi par la directive 2000/78, dont l’article 9 dispose que les États membres veillent à ce que toute personne qui s’estime lésée par une discrimination puisse faire valoir ses droits. Or, le droit à un recours effectif serait privé de toute efficacité dans la mesure où serait considérée comme
étant conforme au droit de l’Union la modification d’une réglementation nationale permettant d’éliminer rétroactivement une discrimination fondée sur l’âge sans garantir aux personnes discriminées la possibilité de bénéficier d’une compensation financière correspondant au versement des droits pécuniaires qu’elles auraient obtenus en l’absence de la discrimination en question.

35 Dans ces conditions, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 2, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), et l’article 6, paragraphe 1, de la directive [2000/78], ainsi que les principes de sécurité juridique, de maintien des droits acquis et d’effectivité du droit de l’Union, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale – telle que celle en cause au principal – en vertu de laquelle, à la suite d’une adaptation des pensions, les fonctionnaires de la catégorie antérieurement favorisée ne bénéficient plus,
avec effet rétroactif, des montants de pension auxquels ils avaient droit, et qui, ainsi (suppression rétroactive de la catégorie antérieurement favorisée en la plaçant sur le même plan que la catégorie antérieurement désavantagée), a pour effet que la catégorie des fonctionnaires qui étaient antérieurement défavorisés ne bénéficient pas (plus), par suite de l’adaptation des pensions, des montants de pension auxquels ils auraient eu droit du fait de la discrimination fondée sur l’âge que les
tribunaux avaient déjà (itérativement) constatée en ne faisant pas application d’une disposition nationale contraire au droit de l’Union, afin de placer ces fonctionnaires désavantagés sur le même plan que ceux de la catégorie antérieurement favorisée ? »

La procédure devant la Cour

36 Par décision du président de la Cour du 5 juillet 2022, une demande d’information a été adressée à la juridiction de renvoi en invitant celle-ci à préciser, au regard de la teneur de la demande de décision préjudicielle, de quelle manière précise la réponse que la Cour apporterait à la question posée, en ce que cette dernière est fondée sur la prémisse d’une application rétroactive de la réglementation nationale en cause, serait utile à la résolution du litige au principal.

37 Par courrier du 2 septembre 2022, parvenu au greffe de la Cour le 8 septembre 2022, la juridiction de renvoi a répondu à cette demande d’information en réitérant, tout d’abord, l’exposé des raisons démontrant la pertinence de la demande de décision préjudicielle pour la solution du litige au principal. Elle a ensuite fait valoir, premièrement, qu’il lui incombe, dans le cadre du litige au principal, de déterminer si le montant des pensions de retraite que le Bundesverwaltungsgericht (tribunal
administratif fédéral) a fixé comme étant dû à BB au titre des années 2015 à 2018, d’une part, et à partir du 1er janvier 2019, d’autre part, est conforme à la législation nationale applicable, en tenant compte du droit de l’Union. Cette juridiction a souligné, deuxièmement, que le litige au principal porte ainsi, avant tout, sur la fixation du montant des pensions de retraite dû, et non pas sur le point de savoir s’il y aurait eu lieu ou non de réclamer la récupération d’éventuelles prestations
indûment perçues dans le passé. Elle a ainsi tenu à préciser, troisièmement, que, dans l’hypothèse où la Cour jugerait que le droit de l’Union ne s’oppose pas à une disposition nationale telle que l’article 41, paragraphe 3, du PG de 2018, le montant de la pension de retraite étant dû à BB serait trop élevé et, par conséquent, illégal, impliquant ainsi une adaptation de ladite pension. À cet égard, ladite juridiction a constaté, quatrièmement, qu’une telle adaptation s’effectuerait indépendamment
du point de savoir si BB devait éventuellement rembourser des prestations indûment perçues dans le passé ou si elle pouvait les conserver en invoquant sa bonne foi. Cinquièmement, la juridiction de renvoi a relevé que la question d’une éventuelle récupération des prestations indûment perçues ne se poserait que dans l’hypothèse où l’applicabilité de l’article 41, paragraphe 3, du PG de 2018 aurait été établie. Cette juridiction a conclu, sixièmement, que, même si l’effet rétroactif de la
réglementation en cause se matérialisait s’agissant de la période à partir du 1er janvier 2019, la compatibilité de ladite réglementation avec le droit de l’Union resterait décisive pour connaître la base juridique applicable permettant de fixer le montant ainsi que l’adaptation annuelle de la pension de retraite de BB tant pour le passé que pour le futur, indépendamment de l’éventuelle récupération des prestations indûment perçues.

Sur la question préjudicielle

38 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), ainsi que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale prévoyant, pour mettre fin à une discrimination fondée sur l’âge, l’assimilation, avec effet rétroactif, du régime de pension de retraite des fonctionnaires relevant de la catégorie antérieurement favorisée au régime de pension de
retraite des fonctionnaires relevant de la catégorie antérieurement défavorisée.

39 À titre liminaire, il y a lieu de relever qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle que la question posée par la juridiction de renvoi repose sur la prémisse selon laquelle, d’une part, l’article 41, paragraphe 3, du PG de 2010 constituait une discrimination directe fondée sur l’âge pour les fonctionnaires nés avant le 1er janvier 1955, et, d’autre part, l’adoption de l’article 41, paragraphe 3, du PG de 2018 par le législateur national visait à éliminer ladite discrimination fondée
sur l’âge. C’est uniquement à la lumière de cette prémisse que la Cour examinera la question posée.

40 En vue de répondre à cette question, il convient de rappeler d’emblée qu’il découle tant de l’intitulé et du préambule que du contenu et de la finalité de la directive 2000/78 que celle-ci tend à établir un cadre général pour assurer à toute personne l’égalité de traitement « en matière d’emploi et de travail », en lui offrant une protection efficace contre les discriminations fondées sur l’un des motifs visés à son article 1er, au nombre desquels figure l’âge [arrêt du 3 juin 2021, Ministero
della Giustizia (Notaires), C‑914/19, EU:C:2021:430, point 21 et jurisprudence citée].

41 En outre, il ressort de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de cette directive que celle-ci s’applique, dans les limites des compétences conférées à l’Union, « à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics », en ce qui concerne, notamment, « les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération ».

42 Par ailleurs, il y a lieu de souligner, ainsi qu’il ressort de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78, lu en combinaison avec l’article 1er de celle-ci, que, aux fins de cette directive, le principe de l’égalité de traitement impose notamment l’absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l’âge. Le paragraphe 2, sous a), de l’article 2 de ladite directive précise que, pour les besoins de l’application du paragraphe 1 de cet article 2, une discrimination directe se
produit, entre autres, lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre se trouvant dans une situation comparable sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er de la même directive.

43 Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2000/78, les États membres peuvent, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que
les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

44 À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, dès lors qu’une discrimination, contraire au droit de l’Union, a été constatée et aussi longtemps que des mesures rétablissant l’égalité de traitement n’ont pas été adoptées, le respect du principe d’égalité ne saurait être assuré que par l’octroi aux personnes de la catégorie défavorisée des mêmes avantages que ceux dont bénéficient les personnes de la catégorie privilégiée. Les personnes défavorisées
doivent ainsi être placées dans la même situation que les personnes bénéficiant de l’avantage concerné (arrêt du 22 janvier 2019, Cresco Investigation, C‑193/17, EU:C:2019:43, point 79 et jurisprudence citée).

45 Par conséquent, il serait contraire à l’objectif de l’égalisation des conditions de travail ainsi qu’au principe de sécurité juridique de permettre aux responsables du régime de pension concerné d’éliminer une discrimination en adoptant une mesure uniformisant, avec effet rétroactif, le régime des personnes antérieurement favorisées au niveau du régime des personnes antérieurement défavorisées. En effet, admettre une telle solution dispenserait ces responsables de l’obligation de procéder, après
la constatation de la discrimination, à l’élimination immédiate et complète de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2019, Safeway, C‑171/18, EU:C:2019:839, points 34 et 41 ainsi que jurisprudence citée).

46 Or, les considérations figurant au point précédent valent seulement si des mesures rétablissant l’égalité de traitement n’ont pas été adoptées par le législateur national (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, Leitner, C‑396/17, EU:C:2019:375, point 77 et jurisprudence citée).

47 En revanche, s’agissant de la période postérieure à l’adoption des mesures rétablissant l’égalité de traitement par le législateur compétent, la Cour a jugé que l’article 119 CE (devenu article 157 TFUE) ne s’oppose pas à ce que de telles mesures prévoient que les avantages des personnes antérieurement privilégiées soient réduits au niveau du régime des personnes antérieurement défavorisées (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2019, Safeway, C‑171/18, EU:C:2019:839, point 18 et jurisprudence
citée).

48 Les enseignements dudit arrêt ont vocation, contrairement à ce que soutient la Commission européenne dans ses observations écrites, à s’appliquer également dans le contexte de la directive 2000/78, dans une situation telle que celle du litige au principal, dans la mesure où celle-ci était caractérisée, pour la période antérieure à l’entrée en force du PG de 2018, par l’existence d’un système de référence valable, à savoir la troisième catégorie (voir, par analogie, arrêt du 22 janvier 2019,
Cresco Investigation, C‑193/17, EU:C:2019:43, point 81 et jurisprudence citée).

49 Il s’ensuit que le législateur national pouvait, au regard du droit de l’Union, à partir du moment où la mise en conformité législative est intervenue, en l’occurrence par l’adoption du PG de 2018, assimiler le régime de pension de retraite de fonctionnaires relevant de la catégorie antérieurement favorisée à celui de fonctionnaires relevant de la catégorie antérieurement défavorisée.

50 En effet, il y a lieu de considérer que, si les États membres, conformément à l’article 16 de la directive 2000/78, ont l’obligation de supprimer les dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe d’égalité de traitement, cet article ne leur impose toutefois pas d’adopter des mesures déterminées en cas de violation de l’interdiction de discrimination, mais leur laisse la liberté de choisir, parmi les différentes solutions propres à réaliser l’objectif qu’il
vise, celle qui leur paraît la mieux adaptée à cet effet, en fonction des situations qui peuvent se présenter (arrêt du 8 mai 2019, Leitner, C‑396/17, EU:C:2019:375, point 78 et jurisprudence citée).

51 Toutefois, il découle de la jurisprudence de la Cour que le principe de sécurité juridique s’oppose, en règle générale, à ce qu’un acte mettant en œuvre le droit de l’Union se voie accorder un effet rétroactif. À cet égard, il convient de rappeler que ledit principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige, notamment, que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets (arrêt du 13 février 2019, Human Operator,
C‑434/17, EU:C:2019:112, point 34 et jurisprudence citée). Partant, ce n’est qu’à titre exceptionnel qu’un acte mettant en œuvre le droit de l’Union peut se voir accorder un effet rétroactif, lorsqu’un impératif d’intérêt général l’exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2019, Safeway, C‑171/18, EU:C:2019:839, point 38 et jurisprudence citée).

52 S’agissant, en premier lieu, de l’exigence d’un impératif d’intérêt général, il y a lieu de relever qu’un risque d’atteinte grave à l’équilibre financier du régime de pension concerné peut constituer un tel impératif (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2019, Safeway, C‑171/18, EU:C:2019:839, point 43 et jurisprudence citée). Or, il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour qu’un tel impératif a été avancé pour justifier l’effet rétroactif de la réglementation nationale en cause au
principal. Si le gouvernement autrichien affirme, certes, dans ses observations écrites, que l’article 41, paragraphe 3, du PG de 2018 vise à garantir un juste équilibre entre les fonctionnaires plus âgés et les fonctionnaires plus jeunes dans le cadre de la répartition des charges censées assurer le financement à long terme du régime des pensions de retraite, il apparaît toutefois qu’une telle considération ne saurait suffire à justifier que l’assimilation rétroactive du régime de retraite des
fonctionnaires relevant de la catégorie antérieurement favorisée à celui des fonctionnaires relevant de la catégorie antérieurement défavorisée était nécessaire pour éviter une atteinte grave à l’équilibre financier du régime de pension concerné. L’observation faite par ce même gouvernement selon laquelle il ressortirait de la jurisprudence de la Cour que les finalités consistant à assurer le financement durable des pensions de retraite et à réduire l’écart entre les niveaux de pensions financées
par l’État pourraient être considérées, compte tenu de la large marge d’appréciation dont jouissent les États membres, comme constituant des objectifs légitimes de politique sociale, n’est pas susceptible, en l’absence d’autres éléments pertinents permettant de conclure à la présence de tels objectifs, d’établir que la mesure en question répondait effectivement à un tel impératif d’intérêt général. Il s’ensuit qu’une justification objective de la rétroactivité de cette mesure semble faire défaut,
ce qu’il appartient néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier.

53 S’agissant, en second lieu, du respect de la confiance légitime des intéressés, il importe de rappeler qu’il ressort de la décision de renvoi ainsi que de la réponse de la juridiction de renvoi apportée à la demande d’information de la Cour que, en vertu de l’article 39 du PG de 2010, seules « des prestations indûment perçues (excédents) doivent, dans la mesure où elles n’ont pas été perçues de bonne foi, être remboursées à l’État fédéral ». Il s’ensuit que, sous réserve des vérifications qu’il
appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes du litige dont elle est saisie, que la réglementation nationale en cause au principal est susceptible de respecter la confiance légitime des intéressés au moyen d’une éventuelle application de l’article 39 du PG de 2010.

54 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 2, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), ainsi que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent, en l’absence d’un impératif d’intérêt général, à une réglementation nationale prévoyant, pour mettre fin à une discrimination fondée sur l’âge, l’assimilation, avec effet rétroactif, du régime de pension de retraite d’une catégorie de
fonctionnaires antérieurement favorisée par la législation nationale portant sur les droits à pension de retraite à celui de la catégorie de fonctionnaires antérieurement défavorisée par cette même législation.

Sur les dépens

55 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

  L’article 2, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), ainsi que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail,

  doivent être interprétés en ce sens que :

  ils s’opposent, en l’absence d’un impératif d’intérêt général, à une réglementation nationale prévoyant, pour mettre fin à une discrimination fondée sur l’âge, l’assimilation, avec effet rétroactif, du régime de pension de retraite d’une catégorie de fonctionnaires antérieurement favorisée par la législation nationale portant sur les droits à pension de retraite à celui de la catégorie de fonctionnaires antérieurement défavorisée par cette même législation.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : C-681/21
Date de la décision : 27/04/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgerichtshof.

Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Directive 2000/78/CE – Interdiction de discrimination fondée sur l’âge – Pension de retraite – Réglementation nationale prévoyant, avec effet rétroactif, l’assimilation d’une catégorie de fonctionnaires antérieurement favorisée par la législation nationale portant sur les droits à pension de retraite à une catégorie de fonctionnaires antérieurement défavorisée par cette même législation.

Politique sociale


Parties
Demandeurs : Versicherungsanstalt öffentlich Bediensteter, Eisenbahnen und Bergbau (BVAEB)
Défendeurs : BB.

Composition du Tribunal
Avocat général : Ćapeta
Rapporteur ?: Arastey Sahún

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:349

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