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20/04/2023 | CJUE | N°C-52/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, BF contre Versicherungsanstalt öffentlich Bediensteter, Eisenbahnen und Bergbau (BVAEB)., 20/04/2023, C-52/22


 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

20 avril 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Directive 2000/78/CE – Interdiction de discrimination fondée sur l’âge – Article 2, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a) – Article 6, paragraphe 1 – Pension de retraite – Réglementation nationale prévoyant un alignement progressif du régime de pension des fonctionnaires sur le régime de pension général – Première adaptation du montant de la pension intervenant

plus rapidement pour une catégorie de
fonctionnaires que pour une autre – Justifications »

Dans l’affaire C‑5...

 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

20 avril 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Directive 2000/78/CE – Interdiction de discrimination fondée sur l’âge – Article 2, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a) – Article 6, paragraphe 1 – Pension de retraite – Réglementation nationale prévoyant un alignement progressif du régime de pension des fonctionnaires sur le régime de pension général – Première adaptation du montant de la pension intervenant plus rapidement pour une catégorie de
fonctionnaires que pour une autre – Justifications »

Dans l’affaire C‑52/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche), par décision du 17 janvier 2022, parvenue à la Cour le 26 janvier 2022, dans la procédure

BF

contre

Versicherungsanstalt öffentlich Bediensteter, Eisenbahnen und Bergbau (BVAEB),

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), présidente de chambre, MM. N. Wahl et J. Passer, juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour BF, par M. M. Riedl, Rechtsanwalt,

– pour le gouvernement autrichien, par M. A. Posch, Mme J. Schmoll et M. F. Werni, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. B.-R. Killmann et D. Martin, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16), et des principes de sécurité juridique, de maintien des droits acquis et d’effectivité du droit de l’Union.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant BF à la Versicherungsanstalt öffentlich Bediensteter, Eisenbahnen und Bergbau (BVAEB) (caisse de maladie des fonctionnaires et agents des pouvoirs publics, chemins de fer et secteur minier, Autriche) au sujet du montant de la pension de retraite de BF.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 1er de la directive 2000/78, intitulé « Objet », prévoit :

« La présente directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, [le] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement. »

4 L’article 2 de cette directive, intitulé « Concept de discrimination », dispose :

« 1.   Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2.   Aux fins du paragraphe 1 :

a) une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er ;

b) une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que :

i) cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, [...]

[...] »

5 L’article 3 de ladite directive, intitulé « Champ d’application », énonce, à son paragraphe 1, sous c) :

« Dans les limites des compétences conférées à la Communauté [européenne], la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :

[...]

c) les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération ;

[...] »

6 Aux termes de l’article 6 de la même directive, intitulé « Justification des différences de traitement fondées sur l’âge » :

« 1.   Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

[...]

2.   Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que ne constitue pas une discrimination fondée sur l’âge la fixation, pour les régimes professionnels de sécurité sociale, d’âges d’adhésion ou d’admissibilité aux prestations de retraite ou d’invalidité, y compris la fixation, pour ces régimes, d’âges différents pour des travailleurs ou des groupes ou catégories de travailleurs et l’utilisation, dans le cadre de ces régimes, de critères d’âge dans les calculs actuariels,
à condition que cela ne se traduise pas par des discriminations fondées sur le sexe. »

7 L’article 9 de la directive 2000/78, intitulé « Défense des droits », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que des procédures judiciaires et/ou administratives, y compris, lorsqu’ils l’estiment approprié, des procédures de conciliation, visant à faire respecter les obligations découlant de la présente directive soient accessibles à toutes les personnes qui s’estiment lésées par le non-respect à leur égard du principe de l’égalité de traitement, même après que les relations dans lesquelles la discrimination est présumée s’être produite se sont terminées. »

Le droit autrichien

8 Le Pensionsharmonisierungsgesetz (loi sur l’harmonisation des pensions), du 15 décembre 2004 (BGBl. I, 142/2004), a introduit l’Allgemeines Pensionsgesetz (loi générale sur les pensions, ci-après l’« APG »), entrée en vigueur le 1er janvier 2005, prévoyant pour toutes les personnes nées après le 1er janvier 1955, y compris, en principe, les fonctionnaires fédéraux, un nouveau régime de pension uniforme.

9 Avant l’entrée en vigueur de l’APG, les fonctionnaires fédéraux étaient exclusivement soumis aux régimes de pension du Bundesgesetz über die Pensionsansprüche der Bundesbeamten, ihrer Hinterbliebenen und Angehörigen (Pensionsgesetz 1965) [loi fédérale relative aux droits à pension des fonctionnaires fédéraux, de leurs survivants et des membres de leur famille (loi relative aux pensions de 1965)], du 18 novembre 1965 (BGBl. 340/1965, ci-après le « PG de 1965 »).

10 L’article 41 du PG de 1965, tel que modifié par la loi du 15 décembre 2020 (BGBl. I, 135/2020) (ci-après le « PG de 2020 »), était libellé comme suit :

« 1.   Les modifications de la présente loi fédérale qui ne modifient ni le montant des prestations en vertu de cette même loi ni les conditions ouvrant droit à ces prestations s’appliquent également à l’égard des personnes qui, à la date de son entrée en vigueur, ont droit à des prestations mensuelles en espèces en vertu de cette même loi. Les modifications des règles de calcul ou des conditions ouvrant droit aux prestations ne s’appliquent à l’égard des personnes qui, à la date de son entrée en
vigueur, ont droit à des prestations en vertu de la présente loi fédérale, qu’en cas de disposition expresse en ce sens.

2.   Les pensions de retraite et les pensions de réversion dues en vertu de la présente loi fédérale, à l’exception de l’allocation complémentaire de niveau de vie prévue à l’article 26, doivent être ajustées au même moment et dans la même mesure que les pensions relevant du régime d’assurance pension légal,

(1) lorsque le droit à pension a déjà été constitué avant le 1er janvier de l’année concernée

(2) lorsqu’elles sont dérivées de pensions de retraite auxquelles un droit a été constitué avant le 1er janvier de l’année concernée.

Par dérogation à la première phrase, le premier ajustement d’une pension de retraite n’est effectué avec effet qu’à compter du 1er janvier de la deuxième année civile suivant l’ouverture du droit à la pension de retraite.

[...]

7.   La procédure d’ajustement des pensions prévue à l’article 744, paragraphes 1 et 2, de l’[Allgemeines Sozialversicherungsgesetz (loi générale relative à la sécurité sociale), du 9 septembre 1955 (BGBl. 189/1955, ci-après l’« ASVG »)] pour l’année civile 2021 doit être appliquée par analogie, étant entendu que le revenu global de pension d’une personne comprend la somme de toutes les pensions de retraite et de réversion dues en décembre 2020

– en vertu de la présente loi fédérale en raison d’un rapport de service de droit public avec l’État fédéral,

– [...]

et soumises à l’ajustement des pensions au 1er janvier 2021. Lors de l’ajustement des pensions des fonctionnaires des Länder auxquels s’applique la présente loi fédérale, il n’y a pas lieu de constituer un revenu global de pension. En cas d’augmentation en vertu de l’article 744, paragraphe 1, point 4, de l’ASVG, le montant global de l’augmentation doit intégralement être ajouté à la pension de retraite ou de réversion. Lorsqu’une personne perçoit deux ou plusieurs pensions de retraite ou de
réversion, l’article 744, paragraphe 3, de l’ASVG s’applique mutatis mutandis. »

11 L’article 41 du PG de 1965, tel que modifié par le Pensionsanpassungsgesetz 2022 (loi de 2022 relative à l’adaptation des pensions), du 13 décembre 2021 (BGBl. I, 210/2021) (ci-après le « PG de 2022 »), prévoit :

« 1.   Les modifications de la présente loi fédérale qui ne modifient ni le montant des prestations en vertu de cette même loi ni les conditions ouvrant droit à ces prestations s’appliquent également à l’égard des personnes qui, à la date de son entrée en vigueur, ont droit à des prestations mensuelles en espèces en vertu de cette même loi. Les modifications des règles de calcul ou des conditions ouvrant droit aux prestations ne s’appliquent à l’égard des personnes qui, à la date de son entrée en
vigueur, ont droit à des prestations en vertu de la présente loi fédérale, qu’en cas de disposition expresse en ce sens.

2.   Les pensions de retraite et les pensions de réversion dues en vertu de la présente loi fédérale, à l’exception de l’allocation complémentaire de niveau de vie prévue à l’article 26, doivent être adaptées au même moment et dans la même mesure que les pensions relevant du régime d’assurance pension légal,

(1) lorsque le droit à pension a déjà été constitué avant le 1er janvier de l’année concernée

(2) lorsqu’elles sont dérivées de pensions de retraite auxquelles un droit a été constitué avant le 1er janvier de l’année concernée.

Par dérogation à la première phrase, le premier ajustement d’une pension de retraite est effectué comme suit :

Les pensions de retraite dues à partir du premier jour du mois de l’année civile précédente indiqué dans la colonne de gauche sont multipliées à partir du 1er janvier par le pourcentage du coefficient d’ajustement indiqué dans la colonne de droite

1er janvier 100 %
[...] [...]

Pour les pensions de retraite dues à partir du 1er novembre ou du 1er décembre de l’année civile précédente, le premier ajustement intervient à compter du 1er janvier de la deuxième année civile suivant l’ouverture du droit à une pension de retraite. Ces pourcentages s’appliquent également lors du premier ajustement aux pensions de réversion dérivées de pensions de retraite qui n’ont pas encore été ajustées pour la première fois. Lors du premier ajustement des pensions de réversion dérivées des
fonctionnaires décédés alors qu’ils étaient en activité, le pourcentage applicable est celui qui aurait été applicable si le fonctionnaire avait été mis à la retraite le premier jour du mois suivant la date de son décès.

[...]

7.   La procédure d’ajustement des pensions prévue à l’article 744, paragraphes 1 et 2, de l’ASVG pour l’année civile 2021 doit être appliquée par analogie, étant entendu que le revenu global de pension d’une personne comprend la somme de toutes les pensions de retraite et de réversion dues en décembre 2020

– en vertu de la présente loi fédérale en raison d’un rapport de service de droit public avec l’État fédéral,

– [...]

et soumises à l’ajustement des pensions au 1er janvier 2021. Lors de l’ajustement des pensions des fonctionnaires des Länder auxquels s’applique la présente loi fédérale, il n’y a pas lieu de constituer un revenu global de pension. En cas d’augmentation en vertu de l’article 744, paragraphe 1, point 4, de l’ASVG, le montant global de l’augmentation doit intégralement être ajouté à la pension de retraite ou de réversion. Lorsqu’une personne perçoit deux ou plusieurs pensions de retraite ou de
réversion, l’article 744, paragraphe 3, de l’ASVG s’applique mutatis mutandis. »

12 L’article 99 du PG de 1965, tel que modifié par la loi du 17 juin 2015 (BGBl. I, 65/2015) (ci-après le « PG de 2015 »), prévoyait :

« 1.   La section XIII ne s’applique qu’aux fonctionnaires qui sont nés après le 31 décembre 1954 et avant le 1er janvier 1976, ont été recrutés dans la fonction publique fédérale avant le 1er janvier 2005 et se trouvent en service au 31 décembre 2004.

2.   Le fonctionnaire ne bénéficie de la pension de retraite ou de la pension de professeur de l’enseignement supérieur calculée conformément aux dispositions de la présente loi fédérale que dans la mesure correspondant au pourcentage, visé à l’article 7 ou à l’article 90, paragraphe 1, qui résulte de la durée totale de la carrière ouvrant droit à pension qu’il a accomplie jusqu’au 31 décembre 2004.

3.   Outre la pension de retraite ou la pension de professeur de l’enseignement supérieur, une pension est calculée pour le fonctionnaire en application des dispositions de l’APG et de l’article 6, paragraphe 3, ainsi que de l’article 15, paragraphe 2, de cette loi, telle qu’en vigueur au 31 décembre 2013. L’article 15 et l’article 16, paragraphe 5, de l’APG ne sont pas applicables. La pension au titre de l’APG est due à concurrence de la différence entre le pourcentage visé au paragraphe 2
et 100 %.

4.   Les périodes validées conformément à l’article 9 ne sont pas prises en compte pour l’application des paragraphes 2, 3 et 6. En ce qui concerne les périodes prises en compte, c’est l’époque effective à laquelle a été accomplie la période prise en compte qui est déterminante.

5.   La pension globale du fonctionnaire se compose de la pension de retraite ou de la pension de professeur de l’enseignement supérieur proportionnelle visée au paragraphe 2 et de la pension proportionnelle visée au paragraphe 3. »

13 Conformément à l’article 109, paragraphe 90, du PG de 2022, l’article 41, paragraphes 2 et 3, ainsi que l’article 99, paragraphes 3, 5 et 6, de la même loi entrent en vigueur le 1er janvier 2022.

14 L’article 108h de l’ASVG, tel que modifié par la loi du 22 octobre 2019 (BGBl. I, 98/2019), disposait, à son paragraphe 1 :

« Avec effet au 1er janvier de chaque année,

a) toutes les pensions servies par l’assurance pension pour lesquelles le jour de référence (article 223, paragraphe 2) est antérieur au 1er janvier de cette année,

[...]

sont multipliées par le coefficient d’ajustement. [...] »

15 L’article 108h de l’ASVG, tel que modifié par la loi du 28 janvier 2021 (BGBl. I, 28/2021), énonce :

« 1.   Avec effet au 1er janvier de chaque année,

a) toutes les pensions servies par l’assurance pension pour lesquelles le jour de référence (article 223, paragraphe 2) est antérieur au 1er janvier de cette année,

[...]

sont multipliées par le coefficient d’ajustement.

[...]

1a.   Par dérogation au paragraphe 1, le premier ajustement est effectué de telle manière que les pensions dont la date de référence (article 223, paragraphe 2) se situe durant le mois civil indiqué dans la colonne de gauche de l’année civile précédant l’ajustement, sont augmentées, à partir du 1er janvier, du pourcentage spécifié dans la colonne de droite du montant de l’augmentation qui résulterait de l’application du coefficient d’ajustement :

février 90 %
[...] [...]

Si la date de référence se situe en novembre ou en décembre de l’année civile précédant l’ajustement, le premier ajustement intervient à partir du 1er janvier de la deuxième année civile suivant la date de référence. [...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

16 BF, né au cours de l’année 1958, a été admis à la retraite de la fonction publique autrichienne le 1er juillet 2020.

17 Par décision du 2 décembre 2020, la BVAEB a fixé la pension de retraite de BF à un montant mensuel brut de 4455,43 euros. Ledit montant a été déterminé sur la base d’un calcul dit « parallèle », établi conformément aux dispositions de l’article 99 du PG de 2015, selon lequel une partie de la pension de retraite – pondérée par la répartition des périodes de service effectuées avant ou à partir de l’année 2005 – est servie au titre du PG de 1965, tandis que l’autre partie est servie au titre de
l’APG (ci-après le « calcul parallèle »).

18 Par courrier du 26 février 2021, BF a demandé à la BVAEB de recalculer le montant mensuel brut de sa pension de retraite à compter du 1er janvier 2021, au motif qu’il s’estimait défavorisé par rapport aux anciens fonctionnaires fédéraux percevant une pension fixée sur le seul fondement de l’APG, dont le montant a été adapté sans délai dès la première nouvelle année de perception, tandis que la pension de BF, fixée sur le fondement du calcul parallèle, ne serait adaptée qu’au 1er janvier de la
deuxième année suivant l’ouverture du droit à la pension de retraite, en l’occurrence le 1er janvier 2022.

19 Par décision du 19 mars 2021, la BVAEB a confirmé que la pension de retraite de BF devait être fixée à un montant mensuel brut de 4455,43 euros et que la première adaptation de ladite pension ne s’effectuerait qu’au 1er janvier 2022, conformément à l’article 41, paragraphe 2, du PG de 2020.

20 Par courrier du 6 avril 2021, BF a introduit un recours devant la juridiction de renvoi, le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche), contre cette décision de la BVAEB, en demandant que la première adaptation du montant de sa pension de retraite soit effectuée avec effet au 1er janvier 2021.

21 Devant cette juridiction, BF fait valoir, d’une part, que l’article 41, paragraphe 2, du PG de 2020, prévoyant que la première adaptation du montant de la pension ne s’effectue qu’à compter de la deuxième année civile suivant l’ouverture du droit à pension, est inconstitutionnel, dans la mesure où les pensions de retraite fixées en vertu de l’article 108h, paragraphe 1a, de l’ASVG, tel que modifié par la loi du 28 janvier 2021, font l’objet d’un ajustement sans délai dès la première nouvelle
année de perception. D’autre part, l’article 41, paragraphe 2, du PG de 2020 créerait une discrimination fondée sur l’âge, contraire au droit de l’Union, étant donné que l’adaptation du montant des pensions de retraite sur la base du calcul parallèle concernerait majoritairement les fonctionnaires fédéraux nés entre l’année 1955 et l’année 1975.

22 BF soutient également que l’article 41, paragraphe 2, du PG de 2022 a supprimé ladite discrimination pour le futur. Or, dans la mesure où ledit article ne prévoirait aucun effet rétroactif, la discrimination prétendument subie par les anciens fonctionnaires fédéraux, tels que BF, dont le montant de la pension de retraite est soumis au calcul parallèle, par rapport aux anciens fonctionnaires fédéraux percevant une pension de retraite fixée sur le seul fondement de l’APG, serait maintenue pour le
passé.

23 Selon la juridiction de renvoi, en ce qui concerne, en premier lieu, la situation qui préjudicierait les anciens fonctionnaires fédéraux dont le montant de la pension de retraite est soumis au calcul parallèle par rapport à ceux qui perçoivent une pension exclusivement au titre de l’APG, il convient d’avoir égard à la jurisprudence du Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche) concernant la comparabilité des régimes de retraite au titre, respectivement, du PG de 1965 et de l’APG. Par
ailleurs, elle considère, dans ce contexte, que la pension de retraite déterminée en vertu de l’article 99, paragraphe 5, du PG de 2015 devrait être assimilée à une « rémunération », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78.

24 S’agissant, en deuxième lieu, de l’argument de BF selon lequel, en application du calcul parallèle, une quote-part du montant de sa pension de retraite est servie au titre de l’APG, la juridiction de renvoi indique que cette quote-part est minime, celle-ci ne représentant qu’environ 9,2 % de ce montant.

25 En troisième lieu, cette juridiction rappelle que la marge de manœuvre du législateur national est relativement large en ce qui concerne la réglementation du statut, des rémunérations et des pensions des agents publics.

26 S’agissant, en quatrième lieu, de la modification législative que constitue l’adoption de l’article 41, paragraphe 2, du PG de 2022, la juridiction de renvoi se demande si ladite modification n’est pas contraire à l’obligation incombant aux États membres d’éliminer de manière immédiate et complète une discrimination constatée, ainsi qu’il ressortirait du point 24 de l’arrêt du 7 octobre 2019, Safeway (C‑171/18, ci-après l’ arrêt Safeway , EU:C:2019:839).

27 En cinquième et dernier lieu, la juridiction de renvoi est d’avis qu’une modification législative ayant un effet rétroactif dans le domaine des pensions pourrait entraîner des ajustements du montant de la pension de retraite des fonctionnaires fédéraux antérieurement discriminés et donc des débours importants à charge du budget de l’État fédéral. Partant, un tel effet rétroactif serait susceptible de compromettre l’équilibre financier du régime de pension concerné, et constituer ainsi une raison
impérieuse d’intérêt général, permettant au législateur autrichien de justifier qu’il ne soit pas procédé à une telle rétroactivité, de la même manière que la Cour l’aurait considéré au point 43 de l’arrêt Safeway.

28 Or, cette juridiction relève que le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que les États membres tiennent compte de considérations budgétaires parallèlement à des considérations d’ordre politique, social ou démographique, pour autant que, ce faisant, ils respectent, en particulier, le principe général de l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge. À cet égard, si des considérations d’ordre budgétaire pourraient être à la base des choix de politique sociale d’un État membre et influencer
la nature ou l’étendue des mesures qu’il souhaite adopter, de telles considérations ne sauraient constituer à elles seules un objectif légitime, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78. La juridiction de renvoi constate cependant que, en l’occurrence, des justifications d’importance comparable au risque d’atteinte grave à un régime de retraite, qui seraient susceptibles de constituer un tel impératif d’intérêt général, ne sont pas apparentes.

29 Dans ces conditions, le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 2, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), et l’article 6, paragraphe 1, de la directive [2000/78] ou les principes de sécurité juridique, de maintien des droits acquis et d’effectivité du droit de l’Union, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale – telle que celle en cause au principal – en vertu de laquelle le premier ajustement de la pension du groupe de fonctionnaires qui avaient droit à une pension [au titre du PG de 2020] à partir
du 1er décembre 2021 au plus tard n’intervient qu’à partir du 1er janvier de la deuxième année civile suivant l’ouverture du droit à pension, tandis qu’il est déjà procédé au premier ajustement de la pension de retraite du groupe des fonctionnaires qui n’ont eu ou n’auront droit à une pension qu’à compter du 1er janvier 2022 [au titre du PG de 2022], avec effet au 1er janvier de l’année civile suivant l’ouverture du droit à une pension [?] »

Sur la question préjudicielle

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

30 Le gouvernement autrichien conteste la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, au motif que celle-ci ne répond pas aux exigences découlant de l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour, la juridiction de renvoi n’ayant pas exposé de quelle manière la législation autrichienne en cause au principal entraînerait une discrimination directe fondée sur l’âge, en méconnaissance de l’article 2, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), et de l’article 6, paragraphe 1, de la
directive 2000/78.

31 Ladite juridiction se limiterait, d’une part, à faire état de la situation défavorable des fonctionnaires fédéraux par rapport à celle des bénéficiaires du régime général d’assurance-retraite ainsi qu’à la question de savoir si la législation nationale en cause au principal est contraire à l’obligation, incombant aux États membres, de mettre fin à une discrimination. Or, la demande de décision préjudicielle ne comporterait qu’une seule référence à une inégalité de traitement des « fonctionnaires
âgés », dans la partie de cette demande où elle reproduit les arguments de BF à ce propos.

32 D’autre part, la juridiction de renvoi n’exposerait nullement les motifs la conduisant à interroger la Cour sur la question de savoir si la législation nationale en cause au principal est compatible ou non avec les principes de sécurité juridique, de maintien des droits acquis et d’effectivité du droit de l’Union.

33 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes d’une jurisprudence constante, si les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence, il n’en demeure pas moins que la procédure instituée à l’article 267 TFUE constitue un instrument de coopération entre la Cour et les
juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution des litiges qu’elles sont appelées à trancher. La justification du renvoi préjudiciel est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un litige. Ainsi qu’il ressort des termes mêmes de l’article 267 TFUE, la décision préjudicielle
sollicitée doit être « nécessaire » pour permettre à la juridiction de renvoi de « rendre son jugement » dans l’affaire dont elle se trouve saisie. En outre, en vertu de l’article 94, sous c), du règlement de procédure, la juridiction de renvoi doit exposer de manière précise les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal (arrêt du 24 mars
2021, NAMA e.a., C‑771/19, EU:C:2021:232, point 23 ainsi que jurisprudence citée).

34 En l’occurrence, en exposant les doutes qu’elle éprouve quant à la conformité de l’article 41, paragraphe 2, du PG de 2022 à l’article 2, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78, ou aux principes de sécurité juridique, de maintien des droits acquis et d’effectivité du droit de l’Union, la juridiction de renvoi fait état des raisons qui l’ont conduite à interroger la Cour sur l’interprétation de ces dispositions et principes du droit de
l’Union.

35 Certes, ainsi que le relève à juste titre le gouvernement autrichien, ladite juridiction ne précise pas expressément le lien qu’elle établit entre les dispositions nationales en cause au principal et les principes de sécurité juridique, de maintien des droits acquis et d’effectivité du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation.

36 Toutefois, il découle de la décision de renvoi que la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’interprétation desdits principes au regard de l’arrêt Safeway et des enseignements qui en découlent en ce qui concerne l’obligation incombant aux États membres d’éliminer une discrimination de manière immédiate et complète.

37 Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il convient de constater que la demande de décision préjudicielle est recevable.

Sur le fond

38 Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes du droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question (voir, en ce sens, arrêt du
15 juillet 2021, Ministrstvo za obrambo, C‑742/19, EU:C:2021:597, point 31 et jurisprudence citée). En effet, la circonstance qu’une juridiction nationale a, sur un plan formel, formulé une question préjudicielle en se référant à certaines dispositions du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de
ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige [arrêt du 22 décembre 2022, Ministre de la Transition écologique et Premier ministre (Responsabilité de l’État pour la pollution de l’air), C‑61/21, EU:C:2022:1015, point 34 ainsi que jurisprudence citée].

39 Dès lors qu’il ne résulte pas de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi considère que seule une éventuelle discrimination directe, au sens du point a) de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2000/78, et non plus une discrimination indirecte, au sens du point b), de cette disposition, puisse être pertinente dans l’affaire au principal, il y a lieu de retenir que, par sa question, cette juridiction cherche à savoir, en substance, si l’article 2, paragraphe 1 et
paragraphe 2, sous a) et b), ainsi que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale prévoyant que, en vue d’un alignement progressif du régime de pension des fonctionnaires sur le régime de pension général, la première adaptation du montant de la pension de retraite d’une catégorie de fonctionnaires intervient à compter de la deuxième année civile suivant l’ouverture du droit à pension, tandis que, pour une
autre catégorie de fonctionnaires, ladite adaptation intervient dès la première année civile suivant l’ouverture dudit droit.

40 Afin de répondre à cette question, il importe de vérifier si la réglementation en cause au principal relève du champ d’application de la directive 2000/78 et, dans l’affirmative, si elle institue une différence de traitement fondée sur l’âge ainsi que, dans une telle hypothèse, si celle-ci est susceptible d’être justifiée au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78.

41 S’agissant, en premier lieu, de la question de savoir si la réglementation en cause au principal relève du champ d’application de la directive 2000/78, il ressort tant de l’intitulé et du préambule que du contenu et de la finalité de cette directive que celle-ci tend à établir un cadre général pour assurer à toute personne l’égalité de traitement « en matière d’emploi et de travail », en lui offrant une protection efficace contre les discriminations fondées sur l’un des motifs visés à son
article 1er, au nombre desquels figure l’âge (arrêt du 15 avril 2021, Olympiako Athlitiko Kentro Athinon, C‑511/19, EU:C:2021:274, point 22 et jurisprudence citée).

42 En outre, il ressort de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de cette directive que celle-ci s’applique, dans les limites des compétences conférées à l’Union européenne, « à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics », en ce qui concerne, notamment, « les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération ».

43 Or, la Cour a déjà eu l’occasion de rappeler, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel qui concernait également la pension de retraite des fonctionnaires fédéraux autrichiens versée au titre du PG de 1965, qu’une telle pension de retraite relève de la notion de « rémunération », au sens de l’article 157 TFUE, dans la mesure où, d’une part, son montant dépend des périodes de service et des périodes assimilables ainsi que du traitement que percevait le fonctionnaire fédéral concerné et, d’autre part,
cette pension constitue un futur paiement en espèces, versé par l’employeur à ses employés, en conséquence directe de la relation d’emploi de ces derniers. En effet, ladite pension est, en droit national, considérée comme une rémunération qui continue à être versée dans le cadre d’une relation de service qui se poursuit après l’admission du fonctionnaire au bénéfice des prestations de retraite (arrêt du 5 mai 2022, BVAEB, C‑405/20, EU:C:2022:347, point 30 et jurisprudence citée).

44 Ce constat ne saurait être remis en cause au motif que, en application du calcul parallèle, une quote-part du montant de la pension de retraite de BF lui est servie au titre de l’APG, cette quote-part étant minime, ainsi qu’il ressort du point 24 du présent arrêt.

45 Dès lors, la réglementation nationale en cause au principal relève du champ d’application de la directive 2000/78.

46 S’agissant, en deuxième lieu, de la question de savoir si cette réglementation entraîne une différence de traitement en fonction de l’âge en ce qui concerne l’emploi et le travail, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78, lu en combinaison avec l’article 1er de celle-ci, que, aux fins de cette directive, le principe de l’égalité de traitement proscrit toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l’âge. Le paragraphe 2, sous a), de
l’article 2 de ladite directive précise que, pour les besoins de l’application de son paragraphe 1, une discrimination directe se produit, entre autres, lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre se trouvant dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er de la même directive. En vertu de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78, une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une
pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’un âge donné, par rapport à d’autres personnes.

47 En l’occurrence, il importe de relever, dans un premier temps, que la réglementation nationale en cause au principal, à savoir l’article 41, paragraphe 2, du PG de 2022, ne semble pas entraîner de discrimination directe, dès lors qu’elle s’applique indépendamment de l’âge des fonctionnaires fédéraux concernés et ne se réfère qu’à la date à partir de laquelle un tel fonctionnaire peut faire valoir son droit à la pension de retraite.

48 Force est cependant de constater, dans un second temps, qu’il ressort de la décision de renvoi que, en vertu de l’article 41, paragraphe 2, dernière phrase, du PG de 2020, la première adaptation d’une pension de retraite ne doit intervenir qu’avec effet au 1er janvier de la deuxième année civile suivant l’ouverture du droit à la pension, alors qu’aux termes de l’article 41, paragraphe 2, du PG de 2022, les pensions de retraite de fonctionnaires fédéraux qui n’ont eu ou n’auront droit à une
pension qu’à compter du 1er janvier 2022 font l’objet d’une première adaptation, sur le fondement d’un calcul proportionnel, avec effet au 1er janvier de l’année civile suivant l’ouverture du droit à pension. Partant, en faisant référence à la date à partir de laquelle un fonctionnaire fédéral peut faire valoir son droit à la pension de retraite, ladite réglementation nationale peut être interprétée comme se fondant indirectement sur un critère lié à l’âge, dès lors que le bénéfice d’une pension
de retraite est généralement subordonné à l’accomplissement d’un certain nombre d’années de travail et à la condition d’avoir atteint un certain âge.

49 À cet égard, la Cour a jugé, d’une part, qu’une discrimination indirecte fondée sur l’âge ne peut être constatée que s’il est prouvé que, parmi l’ensemble des personnes visées par le champ d’application de la réglementation nationale qui en serait à l’origine, cette réglementation affecte négativement, et sans justification, une proportion significativement plus importante de personnes d’un âge donné par rapport à d’autres personnes [voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2020, YS (Pensions
d’entreprise de personnel cadre), C‑223/19, EU:C:2020:753, point 71].

50 D’autre part, le seul fait que les personnes n’ayant pas atteint un certain âge se sont vu appliquer un cadre juridique nouveau ne saurait donner lieu à une discrimination indirecte fondée sur l’âge au détriment des autres personnes, auxquelles l’ancien cadre juridique s’applique [arrêt du 24 septembre 2020, YS (Pensions d’entreprise de personnel cadre), C‑223/19, EU:C:2020:753, point 73 et jurisprudence citée].

51 De la même manière, une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, en ce qu’elle traite de manière différente la situation d’un fonctionnaire fédéral selon qu’il acquiert le droit à une pension de retraite avant le 1er janvier 2022 ou après cette date, ne semble pas non plus se fonder de manière indirecte sur l’âge des fonctionnaires concernés, dans la mesure où elle se base sur le seul moment objectif de la naissance de ce droit, ce qu’il appartient cependant à la
juridiction de renvoi de vérifier.

52 Par ailleurs, ainsi qu’il ressort des observations écrites du gouvernement autrichien, s’il est vrai que les fonctionnaires fédéraux prennent en principe leur retraite à l’âge de 65 ans, ils peuvent toutefois, à l’instar de BF, par dérogation et sous certaines conditions, être admis à la retraite plus tôt ou plus tard, ce qui semble indiquer que la distinction opérée par la réglementation nationale en cause au principal ne saurait entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’un âge
donné, par rapport à d’autres personnes, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78.

53 Dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi, qui est seule compétente pour interpréter la législation nationale applicable, conclurait, néanmoins, que la distinction opérée par ladite réglementation établit, de manière indirecte, une différence de traitement entre les fonctionnaires fédéraux concernés, sur la base d’un critère apparemment neutre, à savoir la date de l’ouverture du droit à la pension de retraite, il conviendrait d’examiner, en troisième lieu, si une telle différence de traitement
fondée sur l’âge serait justifiée au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78.

54 En vertu de cette disposition, les différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

55 À cet égard, la Cour a jugé à maintes reprises que les États membres disposent d’une large marge d’appréciation dans le choix non seulement de la poursuite d’un objectif déterminé parmi d’autres en matière de politique sociale et de l’emploi, mais également dans la définition des mesures susceptibles de le réaliser (arrêt du 15 avril 2021, Olympiako Athlitiko Kentro Athinon, C‑511/19, EU:C:2021:274, point 30 et jurisprudence citée).

56 D’une part, il ressort de la décision de renvoi que l’article 41, paragraphe 2, du PG de 2022 a pour objectif d’établir, à l’instar de l’ASVG, un calcul au prorata mensuel du premier ajustement de la pension à partir de l’année 2022, tout en tenant compte de manière équitable du temps écoulé entre le départ à la retraite et le premier ajustement, visant ainsi une assimilation des différents régimes d’adaptation des pensions de retraite, afin d’éviter qu’un écart trop important ne se creuse entre
les différents régimes de pension servis respectivement au titre du PG de 1965 et de l’APG.

57 D’autre part, il découle du dossier dont dispose la Cour que l’article 41, paragraphe 2, du PG de 2022 a pour objectif d’augmenter, face à l’actuelle dépréciation croissante de la monnaie et de l’augmentation du coût de la vie, le pouvoir d’achat des anciens fonctionnaires fédéraux dès le début de la première année civile suivant l’ouverture de leur droit à pension, en tenant compte équitablement de la période qui s’est écoulée entre ladite ouverture et le 1er janvier de l’année suivante. En
revanche, le maintien d’une « année de carence » pour les fonctionnaires fédéraux relevant de l’article 41, paragraphe 2, du PG de 2020 assurerait le financement durable du système national de pensions.

58 Si des considérations d’ordre budgétaire ne peuvent justifier une discrimination fondée sur l’âge, les finalités consistant à assurer le financement durable des pensions de retraite et à réduire l’écart entre les niveaux de pensions financées par l’État peuvent être considérées comme constituant des objectifs légitimes de politique sociale étrangers à toute discrimination fondée sur l’âge (voir, par analogie, arrêt du 5 mai 2022, BVAEB, C‑405/20, EU:C:2022:347, point 57 et jurisprudence citée).

59 Il s’ensuit que la réglementation nationale en cause au principal est susceptible de poursuivre des objectifs légitimes de politique sociale étrangers à toute discrimination fondée sur l’âge.

60 Quant à la question de savoir si cette réglementation répond aux exigences rappelées au point 54 du présent arrêt, notamment en ce qui concerne son caractère approprié et nécessaire, il ressort des informations dont dispose la Cour que l’article 41, paragraphe 2, du PG de 2022 a pour effet de compenser les inconvénients que les fonctionnaires fédéraux ayant pris leur retraite après le1er janvier 2022 doivent supporter en raison des réformes du régime des pensions et des niveaux de pensions moins
élevés par rapport aux fonctionnaires fédéraux qui ont pris leur retraite plus tôt, réduisant ainsi les écarts entre ces niveaux de pensions.

61 Il convient ainsi de conclure que l’assimilation des régimes d’adaptation de pensions de retraite, telle que visée à l’article 41, paragraphe 2, du PG de 2022, est susceptible de constituer un objectif légitime de politique de l’emploi et du marché du travail pouvant justifier, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78, pendant une période transitoire, la différence de traitement fondée sur l’âge entre les fonctionnaires fédéraux ayant pris leur retraite avant ou après le
1er janvier 2022, s’agissant de l’adaptation annuelle du montant de leur pension de retraite.

62 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 2, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a) et b), ainsi que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale prévoyant que, en vue d’un alignement progressif du régime de pension des fonctionnaires sur le régime de pension général, la première adaptation du montant de la pension de retraite
d’une catégorie de fonctionnaires intervient à compter de la deuxième année civile suivant l’ouverture du droit à pension, tandis que, pour une autre catégorie de fonctionnaires, ladite adaptation intervient dès la première année civile suivant l’ouverture dudit droit.

Sur les dépens

63 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

  L’article 2, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a) et b), ainsi que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail,

  doivent être interprétés en ce sens que :

  ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale prévoyant que, en vue d’un alignement progressif du régime de pension des fonctionnaires sur le régime de pension général, la première adaptation du montant de la pension de retraite d’une catégorie de fonctionnaires intervient à compter de la deuxième année civile suivant l’ouverture du droit à pension, tandis que, pour une autre catégorie de fonctionnaires, ladite adaptation intervient dès la première année civile suivant l’ouverture dudit
droit.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : C-52/22
Date de la décision : 20/04/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesverwaltungsgericht.

Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Directive 2000/78/CE – Interdiction de discrimination fondée sur l’âge – Article 2, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a) – Article 6, paragraphe 1 – Pension de retraite – Réglementation nationale prévoyant un alignement progressif du régime de pension des fonctionnaires sur le régime de pension général – Première adaptation du montant de la pension intervenant plus rapidement pour une catégorie de fonctionnaires que pour une autre – Justifications.

Politique sociale

Principes, objectifs et mission des traités


Parties
Demandeurs : BF
Défendeurs : Versicherungsanstalt öffentlich Bediensteter, Eisenbahnen und Bergbau (BVAEB).

Composition du Tribunal
Avocat général : Ćapeta
Rapporteur ?: Arastey Sahún

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:309

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