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30/03/2023 | CJUE | N°C-612/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Gmina O. contre Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej., 30/03/2023, C-612/21


 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

30 mars 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 2, paragraphe 1, sous a) et c) – Livraison de biens et prestation de services effectuées à titre onéreux – Article 9, paragraphe 1 – Notions d’“assujetti” et d’“activité économique” – Commune organisant le développement des énergies renouvelables sur son territoire au bénéfice de ses résidents, propriétaires d’un bien immeuble, ayant manifesté le souhai

t d’être équipés de systèmes d’énergies
renouvelables – Participation de leur part s’élevant à 25 % des coûts subventionna...

 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

30 mars 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 2, paragraphe 1, sous a) et c) – Livraison de biens et prestation de services effectuées à titre onéreux – Article 9, paragraphe 1 – Notions d’“assujetti” et d’“activité économique” – Commune organisant le développement des énergies renouvelables sur son territoire au bénéfice de ses résidents, propriétaires d’un bien immeuble, ayant manifesté le souhait d’être équipés de systèmes d’énergies
renouvelables – Participation de leur part s’élevant à 25 % des coûts subventionnables, sans pouvoir excéder une valeur maximale convenue entre la commune et le propriétaire intéressé – Remboursement de la commune par une subvention de la voïvodie compétente à hauteur de 75 % des coûts subventionnables – Article 13, paragraphe 1 – Absence d’assujettissement des communes pour les activités ou les opérations accomplies en tant qu’autorités publiques »

Dans l’affaire C‑612/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), par décision du 16 avril 2021, parvenue à la Cour le 30 septembre 2021, dans la procédure

Gmina O.

contre

Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme M. L. Arastey Sahún, présidente de chambre, MM. N. Wahl (rapporteur) et J. Passer, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour la Gmina O., par M. J. Wyrzykowski, doradca podatkowy,

– pour le Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej, par M. B. Kołodziej, Mme D. Pach et M. T. Wojciechowski,

– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mmes A. Armenia et U. Małecka, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 10 novembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, de l’article 9, paragraphe 1, de l’article 13, paragraphe 1, et de l’article 73 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Gmina O. (commune d’O.), située en Pologne, au Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej (directeur de l’information nationale du Trésor, Pologne) au sujet d’un rescrit fiscal adressé à cette commune concernant l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de celle-ci à propos d’opérations consistant, pour ladite commune, à passer un contrat avec certains de ses habitants pour l’installation de systèmes d’énergies
renouvelables (ci-après les « SER ») sur leurs biens immobiliers, moyennant une contrepartie financière de la part de ces habitants.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 2, paragraphe 1, de la directive 2006/112 prévoit :

« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :

a) les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ;

[...]

c) les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ;

[...] »

4 L’article 9, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence. »

5 Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, de ladite directive :

« Les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, même lorsque, à l’occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.

Toutefois, lorsqu’ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance.

En tout état de cause, les organismes de droit public ont la qualité d’assujettis pour les activités figurant à l’annexe I et dans la mesure où celles-ci ne sont pas négligeables. »

6 L’article 73 de la directive 2006/112 est libellé comme suit :

« Pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. »

Le droit polonais

7 L’ustawa o podatku od towarów i usług (loi relative à la taxe sur les biens et les services), du 11 mars 2004 (Dz. U. de 2004, no 54, position 535), dans sa version applicable au litige au principal, vise à transposer dans le droit polonais la directive 2006/112.

8 L’article 29a, paragraphe 1, de cette loi, qui porte sur la base d’imposition, dispose :

« Sous réserve des paragraphes 2, 3 et 5, des articles 30a à 30c, de l’article 32, de l’article 119 ainsi que de l’article 120, paragraphes 4 et 5, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour la vente de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les dotations, les subventions et autres versements supplémentaires de même nature reçus par le fournisseur ou le prestataire, ayant une incidence
directe sur le prix des biens livrés ou des services fournis par l’assujetti. »

9 L’article 400a, paragraphe 1, de l’ustawa Prawo ochrony środowiska (loi relative à la protection de l’environnement), du 27 avril 2001 (Dz. U. de 2001, no 62, position 627), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit :

« Le financement de la protection de l’environnement et de la gestion de l’eau comprend :

[...]

21. les projets relatifs à la protection de la qualité de l’air ;

22. la promotion de l’utilisation des énergies renouvelables locales ainsi que l’introduction des vecteurs énergétiques plus respectueux de l’environnement ;

[...] »

10 L’article 403, paragraphe 2, de cette loi dispose :

« Les missions propres des communes comprennent le financement de la protection de l’environnement dans le cadre défini à l’article 400a, paragraphe 1, points 2, 5, 8, 9, 15, 16, 21 à 25, 29, 31, 32 et 38 à 42 pour un montant qui n’est pas inférieur au montant des recettes provenant des frais et pénalités, visées à l’article 402, paragraphes 4, 5 et 6, qui constituent des recettes communales, réduit de l’excédent cumulé au titre des recettes transmises aux fonds des voïvodies [...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

11 La commune d’O., qui dispose d’un numéro d’immatriculation à la TVA en Pologne, a conclu avec une communauté urbaine et deux autres communes, également situées en Pologne, un accord de partenariat en vue de la réalisation d’un projet visant à l’installation de SER sur le territoire de ces quatre collectivités territoriales (ci-après le « projet »).

12 Le projet s’inscrit dans le cadre du programme opérationnel régional de la voïvodie concernée pour la période 2014-2020 et est destiné à permettre la transition vers une économie à faible intensité de carbone. La communauté urbaine, en tant que chef de file du projet, a conclu, au nom des quatre collectivités territoriales intéressées, une convention relative au financement du projet avec cette voïvodie. Aux termes de cette convention, le chef de file du projet perçoit les subventions de la
voïvodie concernée, lesquelles ne couvrent qu’une partie des coûts subventionnables, après quoi il transfère à ses partenaires la part qui leur revient. La commune d’O. bénéficie, en ce qui la concerne, d’un financement à hauteur de 75 % du total des coûts subventionnables.

13 Chaque collectivité cocontractante règle séparément l’entreprise sélectionnée à l’issue de l’appel d’offres, cette dernière établissant donc des factures propres au marché afférent à chacune de ces collectivités.

14 Pour la part restant à sa charge, chaque collectivité cocontractante est libre de décider des modalités de son financement. La commune d’O. a décidé d’obtenir des propriétaires des biens immeubles qui bénéficieront, sur leur demande, des SER, une contribution s’élevant à 25 % des coûts subventionnables, sans toutefois pouvoir dépasser la valeur maximale convenue par contrat. Par ailleurs, il est stipulé au contrat type conclu par la commune d’O. avec les propriétaires concernés que tous les SER
installés resteront la propriété de celle-ci pendant la durée de validité du projet, c’est-à-dire pendant une période de cinq ans à compter de la date de réception du dernier paiement que la commune recevra au titre du remboursement de la quote-part qui lui revient des subventions versées par la voïvodie concernée. À l’issue de cette période, la propriété du SER est transférée au propriétaire du bien immeuble concerné.

15 C’est dans ce contexte que la commune d’O. a adressé au directeur de l’information nationale du Trésor une demande de rescrit fiscal, afin de savoir si la contribution acquittée par les propriétaires intéressés et la subvention reçue par elle de la voïvodie concernée devaient être exonérées de TVA.

16 Dans son rescrit fiscal du 7 août 2019, le directeur de l’information nationale du Trésor a considéré que la commune d’O. devait être qualifiée d’« assujettie à la TVA » dans le cadre des opérations en cause au principal.

17 La commune d’O. a contesté ce rescrit fiscal devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warszawie (tribunal administratif de voïvodie de Varsovie, Pologne). Par un jugement du 10 juillet 2020, ce dernier a rejeté le recours, jugeant que cette commune exerçait, dans le cadre des opérations en cause au principal, une activité économique et que celle-ci n’était pas exercée par la commune d’O. en tant qu’autorité publique.

18 La commune d’O. s’est pourvue en cassation contre ce jugement devant le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), la juridiction de renvoi.

19 En premier lieu, cette juridiction s’interroge sur les conséquences à tirer du fait que la commune d’O. est partie au contrat conclu avec l’entreprise ayant remporté l’appel d’offres et effectue les règlements des montants dus à celle-ci, dont elle reçoit une facture émise à son nom quant à l’exercice éventuel d’une activité économique par cette commune. En deuxième lieu, elle se demande, à supposer que cette dernière exerce effectivement une telle activité, si les opérations en cause au
principal sont réalisées dans le cadre d’un régime de droit public. En troisième lieu, en admettant qu’il s’agisse d’une activité économique qui n’est pas effectuée dans le cadre d’un tel régime, elle s’interroge sur la détermination de la base d’imposition de ces opérations.

20 C’est dans ces conditions que le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les dispositions de la directive [2006/112], et en particulier l’article 2, paragraphe 1, l’article 9, paragraphe 1, et l’article 13, paragraphe 1, de celle-ci, doivent-elles être interprétées en ce sens qu’une commune (une autorité publique) agit en tant qu’assujetti à la TVA lorsqu’elle met en œuvre un projet dont l’objectif est d’augmenter la part des sources d’énergies renouvelables, en s’engageant, en vertu d’un contrat de droit civil conclu avec les propriétaires de biens immeubles, à
réaliser et à installer des [SER] sur leur propriété et, à l’issue d’une certaine période, à transférer la propriété de ces systèmes aux propriétaires en question ?

2) En cas de réponse affirmative à la première question, convient-il d’inclure dans la base d’imposition, au sens de l’article 73 de cette directive, la subvention provenant de fonds européens reçue par la commune (l’autorité publique) pour la réalisation de projets concernant les sources d’énergies renouvelables ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

21 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1, l’article 9, paragraphe 1, et l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens que constitue une livraison de biens et une prestation de services soumises à la TVA le fait pour une commune de livrer et d’installer, par l’intermédiaire d’une entreprise, des SER au profit de ses résidents propriétaires ayant manifesté le souhait d’en être équipés,
lorsqu’une telle activité ne vise pas à l’obtention de recettes présentant un caractère de permanence et ne donne lieu, de la part de ces résidents, qu’à un paiement couvrant au plus un quart des coûts exposés, le solde étant financé par des fonds publics.

22 Il convient d’emblée de rappeler qu’il appartient à la juridiction de renvoi, seule compétente pour apprécier les faits, de déterminer la nature des opérations en cause au principal (arrêt du 13 janvier 2022, Termas Sulfurosas de Alcafache, C‑513/20, EU:C:2022:18, point 36).

23 Cela étant, il incombe néanmoins à la Cour de fournir à cette juridiction tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie (arrêt du 15 avril 2021, Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, C‑846/19, EU:C:2021:277, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

24 À cet égard, pour relever de la directive 2006/112, les activités accomplies par une commune dans le cadre de la promotion des énergies renouvelables doivent, premièrement, constituer une livraison ou une prestation de services que cette commune effectue à titre onéreux pour ses résidents, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a) et c), de cette directive, et, deuxièmement, avoir été effectuées dans le cadre d’une activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de ladite
directive, de telle sorte que ladite commune ait également agi en qualité d’assujettie.

Sur l’existence d’une livraison de biens et d’une prestation de services effectuées à titre onéreux

25 Selon une jurisprudence constante, pour que de telles opérations soient effectuées « à titre onéreux », au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a) et c), de la directive 2006/112, un lien direct doit exister entre la livraison de biens ou la prestation de services, d’une part, et une contrepartie réellement reçue par l’assujetti, d’autre part. Un tel lien direct est établi lorsqu’il existe entre l’auteur de la livraison de biens ou de la prestation de services, d’une part, et leur
bénéficiaire, d’autre part, un rapport juridique dans le cadre duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par l’auteur de ces opérations constituant la contre-valeur effective de la livraison ou du service fourni audit bénéficiaire (voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2021, Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, C‑846/19, EU:C:2021:277, point 36).

26 À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que, pour que ces opérations puissent être considérées comme effectuées « à titre onéreux », au sens de la directive 2006/112, il n’est pas nécessaire, ainsi qu’il découle également de l’article 73 de cette directive, que la contrepartie de la livraison de biens ou de la prestation de services soit obtenue directement de la part du destinataire de celles-ci, cette contrepartie pouvant également être obtenue d’un tiers (voir, en ce sens, arrêt du
15 avril 2021, Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, C‑846/19, EU:C:2021:277, point 40 ainsi que jurisprudence citée).

27 D’autre part, le fait que lesdites opérations soient effectuées à un prix supérieur ou inférieur au prix de revient, et, partant, à un prix supérieur ou inférieur au prix normal du marché, est sans pertinence s’agissant de la qualification d’opération à titre onéreux, une telle circonstance n’étant pas de nature à affecter le lien direct entre les opérations effectuées ou à effectuer et la contrepartie reçue ou à recevoir dont le montant est déterminé à l’avance et selon des critères bien établis
(voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2021, Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, C‑846/19, EU:C:2021:277, point 43 ainsi que jurisprudence citée).

28 En l’occurrence, il ressort des précisions apportées par la juridiction de renvoi que la commune d’O. charge l’entreprise ayant remporté l’appel d’offres de livrer et d’installer des SER sur les biens immeubles des propriétaires ayant manifesté leur intérêt pour participer à cette initiative. À cet égard, il y a lieu d’indiquer que le transfert de la propriété de tels systèmes constitue une livraison de biens, au sens de l’article 14 de la directive 2006/112, et que la mise à disposition de leur
utilisation correspond à une prestation de services, au sens de l’article 24, paragraphe 1, de cette directive.

29 Il n’est pas douteux que l’existence d’un contrat entre la commune d’O. et cette entreprise, portant sur la mise en place des SER et le transfert de la propriété de ces derniers à cette commune durant la durée du projet, permette de considérer que ladite entreprise effectue pour ladite commune une opération à titre onéreux, étant donné que, par ailleurs, la même commune reçoit à ce titre, de la même entreprise, une facture individuelle qu’elle acquitte seule. Cette opération, au regard des
considérations exposées au point précédent, comprend, pour partie, une livraison de biens à la commune d’O., à savoir les SER, dont cette dernière devient propriétaire, et, pour partie, une prestation de services consistant en l’installation de ces SER sur les biens immeubles des résidents concernés. L’avantage procuré à cette commune en contrepartie du paiement réside non seulement dans la propriété desdits SER, mais aussi dans l’amélioration de la qualité de vie de ses résidents dans leur
ensemble en raison d’un mode de production d’énergie plus respectueux de l’environnement.

30 Toutefois, il n’est pas exclu que les propriétaires des biens immeubles sur lesquels les SER ont été ou seront installés soient les bénéficiaires finaux de cette livraison de biens et de cette prestation de services, lesquelles auraient en ce cas été effectuées par la commune d’O. par l’entremise de l’entreprise sélectionnée à l’issue de l’appel d’offres, ce qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi de déterminer.

31 En effet, il est constant, d’une part, que ces résidents deviendront, en vertu du contrat passé entre chacun d’eux et cette commune, propriétaires des SER au terme du projet et qu’ils en bénéficient dès leur installation et, d’autre part, qu’ils contribuent, à hauteur, en principe, de 25 % des coûts subventionnables, sans toutefois que ce pourcentage puisse excéder un montant convenu audit contrat, au paiement de la livraison de ces SER et de leur installation, ainsi qu’il est mentionné au
point 14 du présent arrêt. À cet égard, ne sont pas dirimants, au vu de la jurisprudence citée aux points 25 à 27 du présent arrêt, le fait qu’un tiers, à savoir la voïvodie concernée, prenne à sa charge 75 % des frais éligibles au moyen d’une subvention versée à la commune d’O. ni le fait que la totalité des montants correspondants à ces pourcentages de 25 % et de 75 % soit moindre que le coût du marché, c’est-à-dire celui réellement exposé par cette commune au profit de l’entreprise ayant
remporté l’appel d’offres, étant donné que tant la contribution desdits résidents que la subvention de cette voïvodie ne portent que sur les coûts subventionnables et non sur les coûts effectifs dans leur entièreté.

32 Si, au regard de ces considérations, la juridiction de renvoi devait parvenir à la conclusion que la commune d’O. effectue à titre onéreux pour ses résidents, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a) et c), de la directive 2006/112, une livraison de biens et une prestation de services, il lui incomberait de déterminer si ces opérations sont accomplies dans le cadre d’une activité économique, étant donné que, selon la jurisprudence, une activité peut être qualifiée d’« activité économique »,
au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de cette directive, uniquement si elle correspond à l’une des opérations visées à l’article 2, paragraphe 1, de ladite directive (arrêt du 15 avril 2021, Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, C‑846/19, EU:C:2021:277, point 32 ainsi que jurisprudence citée).

Sur l’accomplissement d’une livraison de biens et d’une prestation de services dans le cadre d’une activité économique

33 D’emblée, il importe de rappeler que l’analyse du libellé de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112, tout en mettant en évidence l’étendue du champ d’application de la notion d’« activité économique », précise également le caractère objectif de celle-ci, en ce sens que l’activité est considérée en elle-même, indépendamment de ses buts ou de ses résultats [arrêt du 25 février 2021, Gmina Wrocław (Conversion du droit d’usufruit), C‑604/19, EU:C:2021:132, point 69 et jurisprudence
citée].

34 Une activité est ainsi, en général, qualifiée d’« économique » lorsqu’elle présente un caractère permanent et est effectuée contre une rémunération perçue par l’auteur de l’opération (arrêt du 15 avril 2021, Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, C‑846/19, EU:C:2021:277, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

35 Compte tenu de la difficulté d’élaborer une définition précise de l’activité économique, il convient d’analyser l’ensemble des conditions dans lesquelles celle-ci est réalisée (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2016, Gemeente Borsele et Staatssecretaris van Financiën, C‑520/14, EU:C:2016:334, point 29 ainsi que jurisprudence citée), en procédant à une appréciation au cas par cas, par référence à ce que serait le comportement type d’un entrepreneur actif dans le domaine concerné, c’est-à-dire, en
l’occurrence, un installateur de SER.

36 À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever que, tandis qu’un entrepreneur vise à retirer de son activité des recettes ayant un caractère de permanence (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, AJFP Sibiu et DGRFP Braşov, C‑655/19, EU:C:2021:40, points 27 à 29 ainsi que jurisprudence citée), la commune d’O. a indiqué, dans sa demande de rescrit fiscal, ainsi que cela ressort de la décision de renvoi, ne pas avoir l’intention de fournir de services d’installation de SER sur une base
régulière et ne pas employer ni envisager d’employer de travailleurs à cette fin, ce qui différencie la présente affaire de celles dans lesquelles les prestations communales revêtaient un caractère pérenne.

37 Deuxièmement, il ressort des éléments fournis par la juridiction de renvoi que la commune d’O. semble se borner à proposer à ses résidents propriétaires de biens immeubles susceptibles d’être intéressés par des SER, dans le cadre d’un programme régional destiné à permettre la transition vers une économie à faible intensité de carbone, de livrer et d’installer ces SER chez eux par l’intermédiaire d’une entreprise sélectionnée à l’issue d’un appel d’offres, moyennant une contribution de leur part
n’excédant pas 25 % des coûts subventionnables liés à cette livraison et à cette installation, alors que cette commune rémunère l’entreprise en question, pour ces mêmes livraison et installation, au prix du marché.

38 Or, la Cour a déjà eu l’occasion de juger que, lorsqu’une commune ne récupère, à travers les contributions qu’elle perçoit, qu’une faible partie des frais qu’elle a engagés, le solde étant financé par des fonds publics, une telle différence entre ces frais et les montants perçus en contrepartie des services offerts est de nature à suggérer que ces contributions doivent être assimilées davantage à une redevance qu’à une rémunération (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2016, Gemeente Borsele et
Staatssecretaris van Financiën, C‑520/14, EU:C:2016:334, point 33 et jurisprudence citée). Par conséquent, même en prenant en compte les paiements alloués à la commune d’O. par la voïvodie concernée, qui portent sur 75 % des coûts subventionnables, le total des sommes perçues des propriétaires concernés, d’une part, et de cette voïvodie, d’autre part, reste structurellement inférieur au total des coûts effectivement exposés par cette commune, ainsi que cela a été indiqué au point 31 du présent
arrêt, ce qui ne correspond pas à la démarche qu’aurait adoptée, le cas échéant, un installateur de SER, lequel se serait efforcé, par la fixation de ses prix, d’absorber ses coûts et de dégager une marge bénéficiaire. À l’inverse, ladite commune ne supporte que des risques de pertes, sans avoir de perspective de profit.

39 Troisièmement, il n’apparaît pas économiquement viable, pour un tel installateur de SER, de ne faire supporter aux bénéficiaires de ses livraisons de biens et de ses prestations de services qu’un quart, au plus, des coûts qu’il a exposés, tout en restant dans l’attente d’une compensation, par voie de subvention, de l’essentiel des trois quarts restants de ces coûts. Non seulement un tel mécanisme placerait sa trésorerie dans une situation structurellement déficitaire, mais, en outre, il ferait
peser sur lui une incertitude inhabituelle pour un assujetti, puisque la question de savoir si, et dans quelle mesure, un tiers remboursera une part aussi importante des coûts encourus reste effectivement ouverte jusqu’à la décision de ce tiers, postérieure aux opérations en cause.

40 Par conséquent, il n’apparaît pas, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que la commune d’O. accomplisse, en l’occurrence, une activité revêtant un caractère économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2006/112.

Sur l’absence d’assujettissement découlant de l’accomplissement d’opérations par un organisme de droit public en tant qu’autorité publique

41 La commune d’O. n’exerçant pas, au regard des considérations susmentionnées, une activité entrant dans le champ d’application de la directive 2006/112, il n’est pas nécessaire de déterminer si cette activité aurait également été exclue de ce champ d’application en application de l’article 13, paragraphe 1, de cette directive.

42 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 2, paragraphe 1, l’article 9, paragraphe 1, et l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens que ne constitue pas une livraison de biens et une prestation de services soumises à la TVA le fait pour une commune de livrer et d’installer, par l’intermédiaire d’une entreprise, des SER au profit de ses résidents propriétaires ayant manifesté le souhait d’en
être équipés, lorsqu’une telle activité ne vise pas à l’obtention de recettes présentant un caractère de permanence et ne donne lieu, de la part de ces résidents, qu’à un paiement couvrant au plus un quart des coûts exposés, le solde étant financé par des fonds publics.

Sur la seconde question

43 Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.

Sur les dépens

44 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

  L’article 2, paragraphe 1, l’article 9, paragraphe 1, et l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,

  doivent être interprétés en ce sens que :

  ne constitue pas une livraison de biens et une prestation de services soumises à la taxe sur la valeur ajoutée le fait pour une commune de livrer et d’installer, par l’intermédiaire d’une entreprise, des systèmes d’énergies renouvelables au profit de ses résidents propriétaires ayant manifesté le souhait d’en être équipés, lorsqu’une telle activité ne vise pas à l’obtention de recettes présentant un caractère de permanence et ne donne lieu, de la part de ces résidents, qu’à un paiement couvrant au
plus un quart des coûts exposés, le solde étant financé par des fonds publics.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le polonais.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : C-612/21
Date de la décision : 30/03/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny.

Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 2, paragraphe 1, sous a) et c) – Livraison de biens et prestation de services effectuées à titre onéreux – Article 9, paragraphe 1 – Notions d’“assujetti” et d’“activité économique” – Commune organisant le développement des énergies renouvelables sur son territoire au bénéfice de ses résidents, propriétaires d’un bien immeuble, ayant manifesté le souhait d’être équipés de systèmes d’énergies renouvelables – Participation de leur part s’élevant à 25 % des coûts subventionnables, sans pouvoir excéder une valeur maximale convenue entre la commune et le propriétaire intéressé – Remboursement de la commune par une subvention de la voïvodie compétente à hauteur de 75 % des coûts subventionnables – Article 13, paragraphe 1 – Absence d’assujettissement des communes pour les activités ou les opérations accomplies en tant qu’autorités publiques.

Taxe sur la valeur ajoutée

Fiscalité


Parties
Demandeurs : Gmina O.
Défendeurs : Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Wahl

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:279

Source

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