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21/03/2023 | CJUE | N°C-100/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, QB contre Mercedes-Benz Group AG., 21/03/2023, C-100/21


 ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

21 mars 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Réception des véhicules à moteur – Directive 2007/46/CE – Article 18, paragraphe 1 – Article 26, paragraphe 1 – Article 46 – Règlement (CE) no 715/2007 – Article 5, paragraphe 2 – Véhicules à moteur – Moteur diesel – Émissions de polluants – Vanne pour le recyclage des gaz d’échappement (vanne EGR) – Réduction des émissions d’oxyde d’azote (NOx) limitée par une “fenêtre de températures” 

– Dispositif d’invalidation – Protection des intérêts d’un
acheteur individuel d’un véhicule équipé d’un dispositif d’invalidation illi...

 ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

21 mars 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Réception des véhicules à moteur – Directive 2007/46/CE – Article 18, paragraphe 1 – Article 26, paragraphe 1 – Article 46 – Règlement (CE) no 715/2007 – Article 5, paragraphe 2 – Véhicules à moteur – Moteur diesel – Émissions de polluants – Vanne pour le recyclage des gaz d’échappement (vanne EGR) – Réduction des émissions d’oxyde d’azote (NOx) limitée par une “fenêtre de températures” – Dispositif d’invalidation – Protection des intérêts d’un
acheteur individuel d’un véhicule équipé d’un dispositif d’invalidation illicite – Droit à réparation au titre de la responsabilité délictuelle du constructeur de ce véhicule – Mode de calcul de la réparation – Principe d’effectivité – Article 267 TFUE – Recevabilité – Saisine de la Cour par un juge unique »

Dans l’affaire C‑100/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landgericht Ravensburg (tribunal régional de Ravensbourg, Allemagne), par décision du 12 février 2021, parvenue à la Cour le 17 février 2021, dans la procédure

QB

contre

Mercedes-Benz Group AG, anciennement Daimler AG,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. L. Bay Larsen, vice‑président, M. A. Arabadjiev, Mmes A. Prechal, K. Jürimäe et M. P. G. Xuereb (rapporteur), présidents de chambre, MM. M. Ilešič, N. Piçarra, I. Jarukaitis, A. Kumin, N. Jääskinen, N. Wahl, Mme I. Ziemele, M. Z. Csehi et Mme O. Spineanu-Matei, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : Mme M. Krausenböck, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 mars 2022,

considérant les observations présentées :

– pour QB, par Mes P. Franz, N. Gellert, R. Ghaffari, R. Klinger, K. Meiser et A. Pacura, Rechtsanwälte,

– pour Mercedes-Benz Group AG, par Mes M. Ruttloff, U. Soltész, E. Wagner et N. Wimmer, Rechtsanwälte,

– pour le gouvernement allemand, par MM. J Möller et D. Klebs, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. M. Huttunen, M. Noll‑Ehlers et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 juin 2022,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 18, paragraphe 1, de l’article 26, paragraphe 1, et de l’article 46 de la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive-cadre) (JO 2007, L 263, p. 1), telle que modifiée par le règlement (CE) no 385/2009 de la
Commission, du 7 mai 2009 (JO 2009, L 118, p. 13) (ci-après la « directive-cadre »), lus en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) no 715/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2007, relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules (JO 2007, L 171, p. 1), ainsi que de l’article 267, deuxième alinéa, TFUE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant QB à Mercedes-Benz Group AG, anciennement Daimler AG, un constructeur automobile, au sujet du droit à réparation dont QB se prévaut et du calcul du montant de l’indemnité qui lui est éventuellement due en raison de l’acquisition d’un véhicule à moteur diesel équipé d’un logiciel réduisant le recyclage des gaz polluants de ce véhicule en fonction de la température extérieure non conforme aux prescriptions découlant du droit de
l’Union.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive-cadre

3 La directive-cadre a été abrogée par le règlement (UE) 2018/858 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018, relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, modifiant les règlements no 715/2007 et (CE) no 595/2009 et abrogeant la directive 2007/46 (JO 2018, L 151, p. 1), avec effet au 1er septembre 2020. Cependant, compte tenu de la date des
faits du litige au principal, cette directive-cadre demeure applicable à ce dernier.

4 Aux termes du considérant 3 de ladite directive-cadre :

« Les exigences techniques applicables aux systèmes, aux composants, aux entités techniques et aux véhicules devraient être harmonisées et définies dans des actes réglementaires. Ceux-ci devraient avoir pour objectif principal de garantir un niveau élevé de sécurité routière, de protection de la santé et de l’environnement, de rendement énergétique et de protection contre une utilisation non autorisée. »

5 L’article 1er de la même directive-cadre prévoyait :

« La présente directive établit un cadre harmonisé contenant les dispositions administratives et les exigences techniques à caractère général applicables à la réception de tous les véhicules neufs relevant de son champ d’application ainsi que des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules, en vue de faciliter leur immatriculation, leur vente et leur mise en service dans la Communauté.

[...]

Les exigences techniques spécifiques concernant la construction et le fonctionnement des véhicules sont fixées en application de la présente directive dans des actes réglementaires, dont la liste exhaustive figure à l’annexe IV. »

6 L’article 3 de la directive-cadre disposait, à ses points 5 et 36 :

« Aux fins de la présente directive et des actes réglementaires énumérés à l’annexe IV, sauf dispositions contraires y figurant, on entend par :

[...]

5. “réception CE par type” : l’acte par lequel un État membre certifie qu’un type de véhicule, de système, de composant ou d’entité technique satisfait aux dispositions administratives et aux exigences techniques applicables de la présente directive et des actes réglementaires énumérés à l’annexe IV ou à l’annexe XI ;

[...]

36. “certificat de conformité” : le document figurant à l’annexe IX, délivré par le constructeur afin de certifier qu’un véhicule appartenant à la série du type réceptionné en application de la présente directive satisfaisait à tous les actes réglementaires au moment de sa production ».

7 L’article 4 de cette directive-cadre était libellé comme suit :

« 1.   Les États membres veillent à ce que les constructeurs demandant une réception satisfassent aux obligations qui leur incombent en vertu de la présente directive.

2.   Les États membres ne réceptionnent que les véhicules, les systèmes, les composants ou les entités techniques conformes aux exigences de la présente directive.

3.   Les États membres n’immatriculent ou n’autorisent la vente ou la mise en service que pour des véhicules, des composants et des entités techniques conformes aux exigences de la présente directive.

[...] »

8 L’article 8, paragraphe 6, de ladite directive-cadre énonçait :

« L’autorité compétente en matière de réception informe sans tarder ses homologues des autres États membres de sa décision de refuser ou d’annuler la réception d’un véhicule, ainsi que des motifs de cette décision. »

9 Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, de la même directive-cadre :

« Le constructeur informe sans tarder l’État membre qui a accordé la réception CE par type de toute modification des informations consignées dans le dossier de réception. Cet État membre décide, conformément aux règles définies dans le présent chapitre, de la procédure à suivre. Si nécessaire, l’État membre peut décider, en consultant le constructeur, qu’une nouvelle réception CE par type doit être octroyée. »

10 L’article 18, paragraphe 1, de la directive-cadre disposait :

« Le constructeur délivre, en sa qualité de détenteur d’une réception CE par type d’un véhicule, un certificat de conformité pour accompagner chaque véhicule complet, incomplet ou complété qui est fabriqué conformément au type de véhicule réceptionné.

[...] »

11 L’article 26, paragraphe 1, de cette directive-cadre était libellé comme suit :

« Sans préjudice des dispositions des articles 29 et 30, les États membres n’immatriculent des véhicules et n’en permettent la vente ou la mise en service que si ces véhicules sont accompagnés d’un certificat de conformité en cours de validité délivré conformément à l’article 18.

[...] »

12 L’article 30, paragraphe 1, de ladite directive-cadre énonçait :

« Si un État membre ayant octroyé une réception CE par type constate que de nouveaux véhicules, systèmes, composants ou entités techniques accompagnés d’un certificat de conformité ou portant une marque de réception ne sont pas conformes au type qu’il a réceptionné, il prend les mesures nécessaires, y compris, le cas échéant, le retrait de la réception par type, pour faire en sorte que les véhicules, systèmes, composants ou, selon le cas, entités techniques produits soient mis en conformité avec
le type réceptionné. L’autorité compétente en matière de réception de cet État membre communique les mesures prises à ses homologues des autres États membres. »

13 L’article 46 de la même directive-cadre prévoyait :

« Les États membres déterminent les sanctions applicables en cas de non-respect des dispositions de la présente directive, en particulier des interdictions figurant à l’article 31 ou résultant de cet article, et des actes réglementaires énumérés à l’annexe IV, partie I, et prennent toutes les mesures nécessaires à leur mise en œuvre. Les sanctions fixées doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Les États membres notifient ces dispositions à la Commission [européenne], au plus tard
le 29 avril 2009, et ils notifient dans les meilleurs délais toute modification ultérieure de ces dispositions. »

14 L’annexe IX de la directive-cadre décrivait le contenu du certificat de conformité CE. Le point 0 de cette annexe énonçait :

« Le certificat de conformité constitue une déclaration délivrée par le constructeur du véhicule à l’acheteur en vue de garantir à celui-ci que le véhicule qu’il a acquis est conforme à la législation communautaire en vigueur au moment de sa production.

Le certificat de conformité permet également aux autorités compétentes des États membres d’immatriculer des véhicules sans exiger du demandeur qu’il fournisse des documents techniques supplémentaires.

[...] »

Le règlement no 715/2007

15 Aux termes des considérants 1, 5, 6 et 17 du règlement no 715/2007 :

« (1) [...] Les exigences techniques pour la réception des véhicules à moteur au regard des émissions devraient [...] être harmonisées pour éviter des exigences qui varient d’un État membre à un autre, et pour garantir un niveau élevé de protection de l’environnement.

[...]

(5) La réalisation des objectifs de l’Union européenne en termes de qualité de l’air exige des efforts continus de réduction des émissions des véhicules. [...]

(6) Il est notamment nécessaire de continuer à réduire considérablement les émissions d’oxyde d’azote [(NOx)] des véhicules diesels pour améliorer la qualité de l’air et respecter les valeurs limites en termes de pollution. [...]

[...]

(17) Une méthode normalisée de mesure de la consommation de carburant et des émissions de dioxyde de carbone des véhicules est nécessaire pour garantir qu’il ne se dresse aucun obstacle technique aux échanges entre États membres. En outre, il est aussi nécessaire de veiller à ce que les consommateurs et les usagers reçoivent une information objective et précise. »

16 L’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement prévoit :

« Le présent règlement établit des exigences techniques communes concernant la réception des véhicules à moteur (ci-après dénommés “véhicules”) et de leurs pièces de rechange, comme les dispositifs de rechange de maîtrise de la pollution, au regard de leurs émissions. »

17 L’article 3, point 10, dudit règlement dispose :

« Aux fins du présent règlement et de ses mesures d’exécution, les définitions suivantes s’appliquent :

[...]

10) “dispositif d’invalidation” signifie tout élément de conception qui détecte la température, la vitesse du véhicule, le régime du moteur en tours/minute, la transmission, une dépression ou tout autre paramètre aux fins d’activer, de moduler, de retarder ou de désactiver le fonctionnement de toute partie du système de contrôle des émissions, qui réduit l’efficacité du système de contrôle des émissions dans des conditions dont on peut raisonnablement attendre qu’elles se produisent lors du
fonctionnement et de l’utilisation normaux des véhicules ».

18 L’article 4, paragraphes 1 à 3, du même règlement énonce :

« 1.   Les constructeurs démontrent que tous les nouveaux véhicules vendus, immatriculés ou mis en service dans la Communauté ont été réceptionnés conformément au présent règlement et à ses mesures d’exécution. Ils démontrent aussi que tous les nouveaux dispositifs de rechange de maîtrise de la pollution qui nécessitent une réception et sont vendus ou mis en service dans la Communauté ont été réceptionnés conformément au présent règlement et à ses mesures d’exécution.

Ces obligations comportent le respect des limites d’émission visées à l’annexe I et les mesures d’exécution visées à l’article 5.

2.   Les constructeurs veillent à ce que les procédures de réception destinées à vérifier la conformité de la production, la durabilité des dispositifs de maîtrise de la pollution et la conformité en service soient respectées.

En outre, les mesures techniques adoptées par le constructeur doivent être telles qu’elles garantissent une limitation effective des émissions au tuyau arrière d’échappement et des émissions par évaporation, conformément au présent règlement, tout au long de la vie normale des véhicules, dans des conditions d’utilisation normales. [...]

[...]

3.   Les constructeurs indiquent les chiffres des émissions de dioxyde de carbone et de la consommation de carburant dans un document donné à l’acheteur du véhicule au moment de l’achat. »

19 L’article 5, paragraphes 1 et 2, du règlement no 715/2007 est libellé comme suit :

« 1.   Le constructeur équipe les véhicules de telle sorte que les composants susceptibles d’exercer un effet sur les émissions sont conçus, construits et montés de manière à permettre aux véhicules, en utilisation normale, de se conformer au présent règlement et à ses mesures d’exécution.

2.   L’utilisation de dispositifs d’invalidation qui réduisent l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions est interdite. Cette interdiction ne s’applique pas lorsque :

a) le besoin du dispositif se justifie en termes de protection du moteur contre des dégâts ou un accident et pour le fonctionnement en toute sécurité du véhicule ;

[...] »

20 Aux termes de l’article 13 de ce règlement :

« 1.   Les États membres établissent les dispositions sur les sanctions applicables aux infractions aux dispositions du présent règlement par les constructeurs et prennent toutes les mesures nécessaires pour garantir qu’elles sont mises en œuvre. Les sanctions prévues doivent être efficaces, proportionnées et dissuasives. [...]

2.   Les types d’infractions qui donnent lieu à des sanctions sont notamment :

[...]

d) l’utilisation de dispositifs d’invalidation ;

[...] »

Le droit allemand

21 L’article 823 du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil, ci-après le « BGB ») prévoit :

« 1.   Quiconque, agissant intentionnellement ou par négligence, porte atteinte de manière illicite à la vie, au corps, à la santé, à la liberté, à la propriété ou à tout autre droit d’autrui est tenu à l’égard de celui-ci de réparer le préjudice qui en est résulté.

2.   La même obligation vise celui qui contrevient à une loi visant à protéger autrui. Si, par le contenu de la loi, il est également possible de contrevenir à celle-ci sans commettre de faute, l’obligation de réparation n’intervient qu’en cas de faute. »

22 L’article 348 de la Zivilprozessordnung (code de procédure civile, ci‑après la « ZPO ») dispose :

« (1)   La chambre civile statue par l’intermédiaire de l’un de ses membres en tant que juge unique. [...]

[...]

(3)   Le juge unique renvoie le litige à la chambre civile afin que celle‑ci s’en ressaisisse, lorsque :

1. l’affaire présente des difficultés de fait ou de droit particulières ;

2. l’affaire présente une importance de principe, ou

3. les parties le demandent à l’unanimité.

La chambre se ressaisit du litige lorsque les conditions prévues à la première phrase, points 1 ou 2, sont réunies. Elle rend sa décision à cet égard par ordonnance. Un nouveau transfert au juge unique est exclu.

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

23 Le 20 mars 2014, QB a acheté auprès d’Auto Y GmbH, un véhicule automobile d’occasion de la marque Mercedes-Benz, modèle C 220 CDI, équipé d’un moteur diesel de génération Euro 5, avec un kilométrage de 28591 km, au prix de 29999 euros. Ce véhicule, mis sur le marché par le constructeur automobile Daimler, a été immatriculé pour la première fois le 15 mars 2013.

24 Ledit véhicule est équipé d’un logiciel de programmation du moteur réduisant le taux de recyclage des gaz d’échappement lorsque les températures extérieures se situent en-dessous d’un certain seuil, ce qui a pour conséquence une augmentation des émissions de NOx. Ainsi, ce recyclage n’est pleinement efficace que si la température extérieure ne descend pas en dessous de ce seuil (ci-après la « fenêtre de températures »). À cet égard, la température extérieure précise en dessous de laquelle la
réduction de ce taux de recyclage intervient et l’ampleur de cette réduction sont débattues entre les parties au principal.

25 QB a introduit un recours devant le Landgericht Ravensburg (tribunal régional de Ravensbourg, Allemagne), la juridiction de renvoi, tendant à la réparation du préjudice que Mercedes-Benz Group lui aurait causé en équipant le véhicule en cause de dispositifs d’invalidation, interdits en vertu de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007.

26 Devant cette juridiction, les parties au principal ont ainsi débattu du point de savoir si le véhicule en cause est équipé de tels dispositifs illicites, de l’étendue d’un éventuel droit à réparation de QB et de l’imputation éventuelle, sur le montant de la réparation, du bénéfice tiré par QB de l’utilisation de ce véhicule.

27 La juridiction de renvoi estime que la fenêtre de températures constitue un dispositif d’invalidation illicite, au sens de l’article 3, point 10, et de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007. En effet, le taux de recyclage des gaz d’échappement du véhicule en cause et, partant, l’efficacité du système de contrôle des émissions seraient déjà réduits à une température extérieure supérieure à 0 degré Celsius, alors que cette température fait partie des « conditions dont on peut
raisonnablement attendre qu’elles se produisent lors du fonctionnement et de l’utilisation normaux des véhicules », au sens de cet article 3, point 10.

28 Cette juridiction considère également que, à première vue, l’exception prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007 ne s’applique pas au litige au principal, dès lors que seuls les risques immédiats de dégâts qui génèrent un danger concret lors de la conduite du véhicule sont de nature à justifier l’utilisation d’un dispositif d’invalidation [arrêt du 17 décembre 2020, CLCV e.a. (Dispositif d’invalidation sur moteur diesel), C‑693/18, EU:C:2020:1040, point 114]. Or, elle
doute qu’une fenêtre de températures ayant pour objectif d’empêcher la formation de dépôts dans le moteur et ainsi d’en prévenir l’usure réponde aux conditions d’application strictes de cette exception.

29 Selon la juridiction de renvoi, QB pourrait se voir reconnaître un droit à réparation en application de l’article 823, paragraphe 2, du BGB, qui ne requiert qu’une simple négligence. Toutefois, cette disposition supposerait la violation d’une loi destinée à protéger autrui, ce qui, selon la jurisprudence du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), signifie que cette loi vise à protéger un particulier ou un groupe de personnes de la violation d’un intérêt juridique spécifique. À
cet égard, il suffirait que ladite loi ait été adoptée dans l’objectif de conférer une protection juridique à ce particulier ou à ce groupe de personnes, même si elle concerne principalement la protection d’un intérêt général. En outre, ladite disposition impliquerait que le danger contre lequel la même loi est censée conférer une protection se matérialise par un préjudice concret et que la personne ou les personnes concrètement lésées relèvent du champ d’application personnel de la loi en
question. Partant, la juridiction de renvoi se demande si l’article 18, paragraphe 1, l’article 26, paragraphe 1, et l’article 46 de la directive‑cadre ainsi que l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007 visent, outre la protection d’intérêts généraux, également celle des intérêts d’un particulier, acheteur d’un véhicule non conforme au droit de l’Union, notamment lorsque ce véhicule est équipé d’un dispositif d’invalidation interdit en vertu de cette dernière disposition.

30 Des interprétations divergentes existeraient sur ces questions dans la jurisprudence et la doctrine allemandes. Le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) considérerait que les actes de l’Union adoptés en vue de l’harmonisation des exigences techniques applicables aux véhicules visent principalement un niveau élevé de sécurité routière ainsi que de protection de la santé et de l’environnement. En outre, l’article 5 du règlement no 715/2007 ne viserait pas à protéger le droit à
l’autodétermination économique de l’acheteur individuel d’un véhicule.

31 Au contraire, plusieurs tribunaux régionaux estimeraient que l’article 18, paragraphe 1, l’article 26, paragraphe 1, et l’article 46 de la directive-cadre ainsi que l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007 ont également pour objet la protection individuelle de l’acheteur d’un véhicule. En effet, l’un des objectifs du certificat de conformité serait, conformément à l’annexe IX de la directive-cadre, que le constructeur d’un véhicule assure à l’acheteur de ce véhicule que celui-ci est
conforme aux dispositions légales applicables dans l’Union au moment de sa fabrication. Ce certificat aurait aussi pour objectif de faciliter la procédure administrative d’immatriculation et la libre circulation des marchandises au sein de l’Union.

32 Dans l’hypothèse où il serait considéré que les dispositions visées au point 29 du présent arrêt ne protègent que des intérêts juridiques généraux et non les intérêts particuliers des acheteurs, la juridiction de renvoi se demande, par ailleurs, si le principe d’effectivité pourrait exiger que toute faute, intentionnelle ou par négligence, commise par un constructeur automobile en mettant sur le marché des véhicules équipés d’un dispositif d’invalidation illicite en vertu de l’article 5 du
règlement no 715/2007 soit sanctionnée par la possibilité, pour l’acheteur concerné, de faire valoir un droit à réparation fondé sur la responsabilité délictuelle de ce constructeur.

33 À cet égard, selon le Landgericht Stuttgart (tribunal régional de Stuttgart, Allemagne), l’applicabilité de l’article 823, paragraphe 2, du BGB, est fondée sur le fait que, dans l’intérêt d’une application effective du droit de l’Union, il serait nécessaire d’assortir de sanctions de droit civil les dispositions pertinentes du droit de l’Union.

34 Dans l’hypothèse où QB pourrait bénéficier d’un droit à réparation au titre de l’article 823, paragraphe 2, du BGB, la juridiction de renvoi se demande s’il est nécessaire, pour donner un effet pratique aux dispositions du droit de l’Union applicables en l’occurrence, que le bénéfice tiré de l’utilisation du véhicule en cause ne soit pas imputé sur ce droit à réparation ou qu’il ne le soit que dans une mesure limitée. Cette question ferait également l’objet de points de vue divergents dans la
jurisprudence et la doctrine allemandes, en ce compris quant à l’influence que l’interdiction de l’enrichissement sans cause pourrait exercer sur une telle imputation.

35 À cet égard, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) considérerait, d’une part, que, compte tenu de l’interdiction de l’enrichissement sans cause prévue par le droit allemand en matière de réparation, la personne lésée ne peut pas être placée dans une situation plus favorable que celle dans laquelle elle se trouverait en l’absence de l’évènement préjudiciable et, d’autre part, que doivent être imputés sur le droit à réparation uniquement les bénéfices liés à cet évènement, sans décharger
de manière disproportionnée l’auteur du dommage. En revanche, plusieurs tribunaux régionaux estimeraient que le bénéfice tiré de l’utilisation d’un véhicule équipé d’un dispositif d’invalidation illicite peut être imputé sur le droit à réparation.

36 Enfin, la juridiction de renvoi, qui statue en formation de juge unique dans l’affaire au principal, relève que, en vertu de l’article 348, paragraphe 3, première phrase, points 1 et 2, de la ZPO, le juge unique initial est tenu de renvoyer le litige à la chambre civile afin que celle-ci s’en ressaisisse lorsque l’affaire présente des difficultés de fait ou de droit particulières ou qu’elle revêt une importance de principe. À cet égard, le juge unique ne disposerait d’aucun pouvoir
d’appréciation. Plus particulièrement, il ressortirait de la jurisprudence du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) que lorsqu’un juge unique saisit la Cour d’un renvoi préjudiciel sans avoir préalablement renvoyé le litige à la chambre civile afin qu’elle s’en ressaisisse, ce juge enfreint le principe constitutionnel du juge légal, prévu à l’article 101, paragraphe 1, deuxième phrase, du Grundgesetz (Loi fondamentale).

37 Or, la juridiction de renvoi est d’avis que l’article 267, deuxième alinéa, TFUE s’oppose à une telle obligation de renvoi à la chambre civile. Certes, par son arrêt du 13 décembre 2018, Rittinger e.a. (C‑492/17, EU:C:2018:1019), la Cour aurait jugé que la demande de décision préjudicielle d’un juge unique est recevable du point de vue du droit de l’Union, indépendamment du respect ou non des règles procédurales nationales. Toutefois, la Cour n’aurait pas examiné la question de savoir si cet
article 267, deuxième alinéa, s’oppose à une disposition nationale limitant la possibilité de la saisir d’une telle demande.

38 Dans ces conditions, le Landgericht Ravensburg (tribunal régional de Ravensbourg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 18, paragraphe 1, l’article 26, paragraphe 1, et l’article 46 de la [directive-cadre], lus en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, du [règlement no 715/2007], visent-ils également à protéger les intérêts des acheteurs individuels de véhicules à moteur ?

Dans l’affirmative :

2) Cela inclut-il l’intérêt d’un acheteur individuel d’un véhicule à ne pas acquérir un véhicule qui n’est pas conforme aux exigences du droit de l’Union, et en particulier à ne pas acquérir un véhicule qui est équipé d’un dispositif d’invalidation interdit conformément à l’article 5, paragraphe 2, du [règlement no 715/2007] ?

En cas de réponse négative à la première question :

3) Est-il incompatible avec le droit de l’Union qu’un acheteur qui acquiert involontairement un véhicule mis sur le marché par le constructeur avec un dispositif d’invalidation interdit conformément à l’article 5, paragraphe 2, du [règlement no 715/2007] n’ait le droit d’intenter une action civile en responsabilité délictuelle contre le constructeur, en particulier, également, une demande de remboursement du prix d’achat payé pour le véhicule simultanément à la remise et au transfert de propriété
du véhicule, que dans des circonstances exceptionnelles où le constructeur automobile a agi de manière intentionnelle ainsi que contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs ?

Dans l’affirmative :

4) Le droit de l’Union impose-t-il que l’acheteur d’un véhicule ait un droit à réparation fondé sur la responsabilité civile délictuelle du constructeur du véhicule dès lors que ledit constructeur a commis une faute (par négligence ou intentionnelle) en mettant sur le marché un véhicule équipé d’un dispositif d’invalidation interdit conformément à l’article 5, paragraphe 2, du [règlement no 715/2007] ?

Quelles que soient les réponses aux quatre premières questions :

5) Est-il incompatible avec le droit de l’Union que, en droit national, l’acheteur d’un véhicule doive se faire imputer le bénéfice tiré de l’utilisation effective du véhicule s’il demande au constructeur, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, le remboursement du prix d’achat d’un véhicule équipé d’un dispositif d’invalidation interdit conformément à l’article 5, paragraphe 2, du [règlement no 715/2007] simultanément à la remise et au transfert de propriété du véhicule ?

Dans la négative :

6) Est-il incompatible avec le droit de l’Union que ce bénéfice tiré de l’utilisation soit calculé sur la base du prix d’achat total du véhicule, sans opérer de déduction au titre de la moins-value résultant du montage d’un dispositif d’invalidation interdit et/ou de l’utilisation, non souhaitée par l’acheteur, d’un véhicule non conforme au droit de l’Union ?

Quelles que soient les réponses aux six premières questions :

7) L’article 348, paragraphe 3, [de la] ZPO, dans la mesure où cette disposition concerne l’adoption de décisions de renvoi au titre de l’article 267, deuxième alinéa, TFUE, est-il incompatible avec le pouvoir de procéder à des renvois préjudiciels dont disposent les juridictions nationales en vertu de l’article 267, deuxième alinéa, TFUE et, donc, inapplicable à l’adoption de décisions de renvoi ? »

Sur les demandes de réouverture de la phase orale de la procédure

39 À la suite de la présentation des conclusions de M. l’avocat général, le gouvernement allemand et Mercedes-Benz Group ont, par actes déposés au greffe de la Cour respectivement les 11 et 14 juillet 2022, demandé à ce que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure, en application de l’article 83 du règlement de procédure de la Cour.

40 À l’appui de sa demande, Mercedes-Benz Group soutient, en substance, que M. l’avocat général a considéré, à tort, au point 49 de ses conclusions, que la possession d’un véhicule qui ne respecte pas les dispositions du droit de l’Union en matière de protection de l’environnement, par des émissions de gaz polluants qui dépassent les valeurs limites fixées, cause un dommage moral à cet acheteur. En effet, l’existence d’un éventuel dommage moral n’aurait pas été soulevée par la juridiction nationale
et n’aurait pas été débattue entre les parties.

41 Dans sa demande, le gouvernement allemand fait valoir, en substance, d’une part, que les conclusions de M. l’avocat général reposent sur des éléments nouveaux, non encore débattus entre les parties, dans la mesure où elles se réfèrent à l’annexe IX de la directive-cadre et au point 0 de cette dernière. D’autre part, ce gouvernement conteste la validité de ce point 0.

42 Par ailleurs, ledit gouvernement fait état de son désaccord avec les conclusions de M. l’avocat général dans la mesure où celles-ci méconnaîtraient les rapports existant entre la directive-cadre et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation (JO 1999, L 171, p. 12). D’une part, il serait incompatible avec l’économie générale de cette dernière directive d’accorder au consommateur un droit à
réparation pour faute simple. D’autre part, un certificat de conformité, au sens de la directive-cadre, ne saurait être considéré comme étant équivalent à une garantie de constructeur.

43 À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure ne prévoient pas la possibilité, pour les intéressés visés à l’article 23 de ce statut, de présenter des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général (arrêt du 16 novembre 2021, Prokuratura Rejonowa w Mińsku Mazowieckim e.a., C‑748/19 à C‑754/19, EU:C:2021:931, point 30 ainsi que jurisprudence citée).

44 D’autre part, en vertu de l’article 252, second alinéa, TFUE, l’avocat général présente publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui, conformément au statut de la Cour de justice de l’Union européenne, requièrent son intervention. La Cour n’est liée ni par ces conclusions ni par la motivation au terme de laquelle l’avocat général parvient à celles‑ci. Par conséquent, le désaccord d’une partie intéressée avec les conclusions de
l’avocat général, quelles que soient les questions qu’il examine dans celles-ci, ne peut constituer en soi un motif justifiant la réouverture de la phase orale de la procédure (arrêt du 16 novembre 2021, Prokuratura Rejonowa w Mińsku Mazowieckim e.a., C‑748/19 à C‑754/19, EU:C:2021:931, point 31 ainsi que jurisprudence citée).

45 Certes, conformément à l’article 83 du règlement de procédure, la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée, ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les
intéressés.

46 Toutefois, en l’occurrence, la Cour relève qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer et que la présente affaire ne doit pas être tranchée sur la base d’arguments qui n’auraient pas été débattus entre les intéressés. Enfin, les deux demandes de réouverture de la phase orale de la procédure visées au point 39 du présent arrêt ne révèlent aucun fait nouveau de nature à pouvoir exercer une influence décisive sur la décision que la Cour est appelée à rendre dans cette affaire.

47 Dans ces conditions, la Cour considère, l’avocat général entendu, qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité

48 Par sa septième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 267, deuxième alinéa, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle un juge unique est tenu, notamment en raison de l’importance de principe d’une affaire dont il est saisi, de transmettre cette affaire à une chambre civile composée de trois juges et de renoncer à adresser lui-même une demande de décision préjudicielle à la Cour dans le cadre de ladite
affaire.

49 Mercedes-Benz Group fait valoir que cette question est irrecevable au motif que, dans le cadre d’une demande de décision préjudicielle introduite en vertu de l’article 267 TFUE, la Cour n’est pas compétente pour statuer sur la compatibilité du droit national avec le droit de l’Union.

50 Le gouvernement allemand soutient qu’une réponse de la Cour à ladite question n’est pas nécessaire pour que la juridiction de renvoi puisse se prononcer sur le litige au principal.

51 Selon la Commission, la question de savoir si le droit national permet ou non à un juge unique de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle n’est pas pertinente pour statuer sur ce litige, qui concerne l’existence d’un droit à réparation, allégué par l’acheteur d’un véhicule contre un constructeur automobile, en raison de la présence, dans ce véhicule, d’un dispositif d’invalidation interdit en vertu de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007. En outre, cette question
serait hypothétique, dès lors qu’il ressortirait de la décision de renvoi que le litige au principal n’a pas fait l’objet d’un recours au moment de la saisine de la Cour.

52 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il
pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 15 juillet 2021, The Department for Communities in Northern Ireland, C‑709/20, EU:C:2021:602, point 54 et jurisprudence citée).

53 Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit
nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [arrêt du 24 novembre 2020, Openbaar Ministerie (Faux en écritures), C‑510/19, EU:C:2020:953, point 26 et jurisprudence citée].

54 En l’occurrence, il y a lieu de constater que la septième question porte sur l’interprétation de l’article 267, deuxième alinéa, TFUE et que la juridiction de renvoi n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles l’interprétation de cette disposition est nécessaire pour lui permettre de trancher le litige dont elle est saisie. En effet, elle s’est contentée d’indiquer que la compétence du juge unique pour saisir la Cour de la présente demande de décision préjudicielle pourrait être contestée. En
revanche, elle ne précise pas quelle serait l’incidence sur la décision de renvoi ou, le cas échéant, sur la décision mettant fin à l’instance de l’éventuel vice de procédure découlant du fait qu’un juge unique a saisi la Cour à titre préjudiciel sans renvoyer l’affaire au principal à une formation de jugement collégiale. En particulier, il ne ressort pas de la décision de renvoi que celle-ci ait, à ce stade de la procédure, fait l’objet d’un recours dans le cadre duquel il serait allégué qu’elle
est entachée d’un tel vice.

55 Partant, la septième question doit être déclarée irrecevable.

Sur le fond

Observations liminaires

56 En premier lieu, il convient de rappeler que l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007 définit le « dispositif d’invalidation » comme étant « tout élément de conception qui détecte la température, la vitesse du véhicule, le régime du moteur en tours/minute, la transmission, une dépression ou tout autre paramètre aux fins d’activer, de moduler, de retarder ou de désactiver le fonctionnement de toute partie du système de contrôle des émissions, qui réduit l’efficacité du système de contrôle
des émissions dans des conditions dont on peut raisonnablement attendre qu’elles se produisent lors du fonctionnement et de l’utilisation normaux des véhicules ».

57 En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que le logiciel visé au point 24 du présent arrêt a établi une fenêtre de températures au moyen de laquelle le recyclage des gaz d’échappement n’est pleinement efficace que si la température extérieure ne descend pas en dessous d’un certain seuil. À cet égard, la juridiction de renvoi précise que le taux de recyclage des gaz d’échappement et, partant, l’efficacité du système de contrôle des émissions seraient déjà réduits à
partir d’une température extérieure supérieure à 0 degré Celsius, c’est‑à‑dire une température relevant des conditions dont on peut raisonnablement attendre qu’elles se produisent lors du fonctionnement et de l’utilisation normaux des véhicules, au sens de l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007.

58 En ce qui concerne une fenêtre de températures analogue à celle en cause au principal, la Cour a jugé que l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’un dispositif qui ne garantit le respect des valeurs limites d’émissions prévues par ledit règlement que lorsque la température extérieure se situe entre 15 et 33 degrés Celsius et que l’altitude de circulation est inférieure à 1000 mètres
constitue un « dispositif d’invalidation », au sens de cet article 3, point 10 (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2022, GSMB Invest, C‑128/20, EU:C:2022:570, point 47).

59 À cet égard, la juridiction de renvoi relève que la température extérieure précise en dessous de laquelle la réduction du taux de recyclage des gaz d’échappement intervient et l’ampleur de cette réduction sont débattues entre les parties au principal. Néanmoins, il importe de rappeler que, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le juge national est seul compétent pour constater et
apprécier les faits du litige au principal ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national (arrêt du 14 juillet 2022, GSMB Invest, C‑128/20, EU:C:2022:570, point 29 et jurisprudence citée). Il appartient donc à la juridiction de renvoi de décider, le cas échéant, si, au regard des précisions apportées dans la jurisprudence citée au point 58 du présent arrêt, le logiciel visé au point 24 de ce dernier constitue un « dispositif d’invalidation », au sens de l’article 3, point 10, du
règlement no 715/2007.

60 En second lieu, aux termes de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, l’utilisation de dispositifs d’invalidation qui réduisent l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions est interdite. Toutefois, cette interdiction connaît trois exceptions, dont celle, seule pertinente selon la juridiction de renvoi, figurant à cet article 5, paragraphe 2, sous a). Celle-ci concerne le cas où « le besoin du dispositif se justifie en termes de protection du moteur contre des dégâts ou un
accident et pour le fonctionnement en toute sécurité du véhicule ».

61 En tant qu’il énonce une exception à l’interdiction d’utilisation de dispositifs d’invalidation qui réduisent l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions, l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007 doit faire l’objet d’une interprétation stricte (arrêt du 14 juillet 2022, GSMB Invest, C‑128/20, EU:C:2022:570, point 50).

62 Il ressort du libellé même de cette disposition que, pour relever de l’exception qu’elle prévoit, le besoin d’un dispositif d’invalidation doit se justifier non seulement en termes de protection du moteur contre des dégâts ou un accident, mais aussi pour le fonctionnement en toute sécurité du véhicule. En effet, compte tenu de l’emploi, à ladite disposition, de la conjonction de coordination « et », celle-ci doit être interprétée en ce sens que les conditions qu’elle prévoit sont cumulatives
(arrêt du 14 juillet 2022, GSMB Invest, C‑128/20, EU:C:2022:570, point 61).

63 À cet égard, l’interdiction prévue à cet article 5, paragraphe 2, première phrase, serait vidée de sa substance et privée de tout effet utile si les constructeurs étaient autorisés à équiper les véhicules automobiles de tels dispositifs d’invalidation dans le seul but de prémunir le moteur de ces véhicules contre l’encrassement et le vieillissement [voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2020, CLCV e.a. (Dispositif d’invalidation sur moteur diesel), C‑693/18, EU:C:2020:1040, point 113].

64 Partant, un logiciel tel que celui en cause au principal, s’il doit être qualifié de dispositif d’invalidation, ne peut être justifié au titre de cette exception que pour autant qu’il soit établi que ce dispositif répond strictement au besoin d’éviter les risques immédiats de dégâts ou d’accident au moteur, occasionnés par un dysfonctionnement d’un composant du système de recyclage des gaz d’échappement, d’une gravité telle qu’ils génèrent un danger concret lors de la conduite du véhicule équipé
dudit dispositif (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2022, GSMB Invest, C‑128/20, EU:C:2022:570, point 62).

65 En outre, en ce qui concerne une fenêtre de températures analogue à celle en cause au principal, la Cour a jugé que, s’il est vrai que l’article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007 n’impose pas formellement d’autres conditions aux fins de l’application de l’exception prévue à cette disposition, il n’en demeure pas moins qu’un dispositif d’invalidation qui devrait, dans des conditions normales de circulation, fonctionner durant la majeure partie de l’année pour que le moteur soit
protégé contre des dégâts ou un accident et que le fonctionnement en toute sécurité du véhicule soit assuré irait manifestement à l’encontre de l’objectif poursuivi par ce règlement, auquel ladite disposition ne permet de déroger que dans des circonstances très spécifiques, et aboutirait à porter une atteinte disproportionnée au principe même de la limitation des émissions de NOx par les véhicules (arrêt du 14 juillet 2022, GSMB Invest, C‑128/20, EU:C:2022:570, point 63).

66 La Cour a ainsi conclu qu’un tel dispositif d’invalidation ne saurait être justifié au titre de cette disposition. En effet, admettre qu’un tel dispositif d’invalidation puisse relever de l’exception prévue à ladite disposition aboutirait à rendre cette exception applicable durant la majeure partie de l’année dans les conditions réelles de conduite prévalant sur le territoire de l’Union, de sorte que le principe de l’interdiction de tels dispositifs d’invalidation, établi audit article 5,
paragraphe 2, première phrase, pourrait, en pratique, être moins souvent appliqué que ladite exception (arrêt du 14 juillet 2022, GSMB Invest, C‑128/20, EU:C:2022:570, points 64 et 65).

67 Il revient à la juridiction de renvoi de procéder aux appréciations factuelles nécessaires aux fins de l’application des conditions rappelées aux points 60 à 66 du présent arrêt.

Sur les première et deuxième questions

68 Par ses première et deuxième questions, auxquelles il convient de répondre conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 18, paragraphe 1, l’article 26, paragraphe 1, et l’article 46 de la directive-cadre, lus en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, doivent être interprétés en ce sens qu’ils protègent, outre des intérêts généraux, les intérêts particuliers de l’acheteur individuel d’un véhicule à moteur vis-à-vis du constructeur de
celui-ci lorsque ce véhicule est équipé d’un dispositif d’invalidation interdit, au sens de cette dernière disposition.

69 Il ressort de la demande de décision préjudicielle que ces questions sont motivées par le fait que, selon cette juridiction, l’exercice, par l’acheteur individuel d’un véhicule automobile non conforme au droit de l’Union, du droit à réparation prévu à l’article 823, paragraphe 2, du BGB suppose la violation d’une loi destinée à protéger autrui.

70 S’agissant de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, il convient de rappeler que l’objectif poursuivi par ce règlement consiste, ainsi que cela ressort des considérants 1 et 6 de celui-ci, à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement et, plus spécifiquement, à réduire considérablement les émissions de NOx des véhicules à moteur diesel pour améliorer la qualité de l’air et respecter les valeurs limites en termes de pollution [arrêt du 14 juillet 2022, GSMB Invest,
C‑128/20, EU:C:2022:570, point 43 et jurisprudence citée]. L’interdiction, par l’article 5, paragraphe 2, première phrase, dudit règlement, de l’utilisation de dispositifs d’invalidation qui réduisent l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions vise précisément à limiter les émissions de gaz polluants et à contribuer ainsi à l’objectif de protection de l’environnement, poursuivi par le même règlement [voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2022, Deutsche Umwelthilfe (Réception des
véhicules à moteur), C‑873/19, EU:C:2022:857, point 57].

71 Il y a dès lors lieu de considérer que cette dernière disposition poursuit, tout comme le règlement dans lequel elle s’insère, un objectif général consistant à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement.

72 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 40 de ses conclusions, c’est dans la poursuite de cet objectif général que s’inscrit l’obligation pour les constructeurs, prévue à l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 715/2007, de fournir à l’acheteur du véhicule, au moment de l’achat de celui-ci, un document indiquant les chiffres des émissions de dioxyde de carbone et de la consommation de carburant. En effet, cette obligation vise, ainsi qu’il peut être déduit du considérant 17 de ce
règlement, à ce que les consommateurs et les usagers reçoivent une information objective et précise quant au caractère plus ou moins polluant des véhicules au moment d’effectuer leurs décisions d’achat.

73 Cela étant, en vue de répondre aux première et deuxième questions, il y a lieu de replacer le règlement no 715/2007 dans le contexte dans lequel il s’inscrit. À cet égard, l’article 5 de ce règlement doit être examiné non seulement au regard des différentes dispositions dudit règlement, mais également du cadre réglementaire de l’homologation des véhicules à moteur au sein de l’Union dans lequel le même règlement s’insère [voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2020, CLCV e.a. (Dispositif
d’invalidation sur moteur diesel), C‑693/18, EU:C:2020:1040, point 75].

74 L’article 3, point 5, de la directive-cadre définissait la « réception CE par type » d’un véhicule à moteur, tel que celui en cause au principal, comme étant l’« acte par lequel un État membre certifie qu’un type de véhicule, de système, de composant, ou d’entité technique satisfait aux dispositions administratives et aux exigences techniques applicables de [cette directive-cadre] et des actes réglementaires énumérés à l’annexe IV ou à l’annexe XI » de ladite directive-cadre. Cette annexe IV,
intitulée « Liste des actes règlementaires établissant les exigences applicables aux fins d’une réception CE par type de véhicules », visait, dans sa partie I, intitulée « Liste des actes réglementaires applicables aux fins d’une réception CE par type des véhicules produits en séries illimitées », le règlement no 715/2007 en ce qui concerne les « [é]missions des véhicules utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6)/ informations ».

75 Il convient de rappeler également que l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive-cadre énonçait que les États membres n’immatriculent ou n’autorisent la vente ou la mise en service que pour des véhicules conformes aux exigences de cette directive-cadre.

76 Enfin, l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 715/2007 prévoit que les constructeurs démontrent que tous les nouveaux véhicules vendus, immatriculés ou mis en service dans l’Union ont été réceptionnés conformément à ce règlement et à ses mesures d’exécution.

77 Il découle des dispositions visées aux points 74 à 76 du présent arrêt, d’une part, que les véhicules relevant du champ d’application de la directive-cadre doivent faire l’objet d’une réception par type et, d’autre part, que cette réception ne peut être octroyée que si le type de véhicule en question satisfait aux dispositions du règlement no 715/2007, notamment à celles relatives aux émissions, dont fait partie l’article 5 de ce règlement (arrêt du 14 juillet 2022, Porsche Inter Auto et
Volkswagen, C‑145/20, EU:C:2022:572, point 52).

78 Outre ces exigences relatives à la réception CE par type incombant aux constructeurs, ces derniers sont également tenus de délivrer à l’acheteur individuel d’un véhicule un certificat de conformité. En effet, l’article 18, paragraphe 1, de la directive-cadre disposait que les constructeurs délivrent, en leur qualité de détenteurs d’une réception CE par type d’un véhicule, un certificat de conformité pour accompagner chaque véhicule complet, incomplet ou complété qui était fabriqué conformément au
type de véhicule réceptionné.

79 Or, conformément à l’article 26, paragraphe 1, de cette directive-cadre, ce certificat est obligatoire aux fins de l’immatriculation et de la vente ou de la mise en service d’un véhicule. Cette obligation s’explique par la circonstance que ledit certificat, selon la définition qui en était donnée à l’article 3, point 36, de ladite directive-cadre, est « délivré par le constructeur afin de certifier qu’un véhicule appartenant à la série du type réceptionné en application de [la même
directive-cadre] satisfaisait à tous les actes réglementaires au moment de sa production ».

80 Par ailleurs, outre l’objectif de l’instauration et du fonctionnement d’un marché intérieur caractérisé par une concurrence loyale entre constructeurs poursuivi par l’article 46 de la directive-cadre, les sanctions visées à cet article doivent également garantir que l’acheteur d’un véhicule est en possession d’un certificat de conformité lui permettant, conformément à l’annexe IX de cette directive-cadre, de le faire immatriculer dans n’importe quel État membre sans devoir fournir des documents
techniques supplémentaires (arrêt du 4 octobre 2018, Commission/Allemagne, C‑668/16, EU:C:2018:802, point 87).

81 Lorsqu’il acquiert un véhicule appartenant à la série d’un type de véhicule réceptionné, et, partant, accompagné d’un certificat de conformité, un acheteur individuel peut ainsi raisonnablement s’attendre à ce que le règlement no 715/2007, et, notamment, l’article 5 de celui-ci, soit respecté s’agissant de ce véhicule (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2022, Porsche Inter Auto et Volkswagen, C‑145/20, EU:C:2022:572, point 54).

82 Par conséquent, il résulte des dispositions de la directive-cadre visées aux points 78 à 80 du présent arrêt que celle-ci établit un lien direct entre le constructeur automobile et l’acheteur individuel d’un véhicule à moteur visant à garantir à ce dernier que ce véhicule est conforme à la législation pertinente de l’Union. En particulier, dès lors que le constructeur d’un véhicule doit respecter les exigences découlant de l’article 5 du règlement no 715/2007 lors de la délivrance du certificat
de conformité à l’acheteur individuel de ce véhicule en vue de l’immatriculation et de la vente ou de la mise en service dudit véhicule, ce certificat permet de protéger cet acheteur contre le non-respect, par ce constructeur, de son obligation de mettre sur le marché des véhicules conformes à cette disposition.

83 Or, il n’est pas exclu qu’un type de véhicule, couvert par une réception CE par type, permettant à ce véhicule d’être utilisé sur route, puisse être, à l’origine, réceptionné par l’autorité compétente en matière de réception sans que la présence du logiciel visé au point 24 du présent arrêt lui ait été révélée. À cet égard, la directive-cadre envisage la situation dans laquelle l’illicéité d’un élément de conception d’un véhicule, au regard, par exemple, des exigences de l’article 5 du règlement
no 715/2007, n’est découverte qu’après cette réception. Ainsi, l’article 8, paragraphe 6, de cette directive-cadre prévoit que cette autorité peut annuler la réception d’un véhicule. En outre, il découle de l’article 13, paragraphe 1, première et troisième phrases, de ladite directive-cadre que, lorsqu’un constructeur informe un État membre ayant accordé la réception CE par type d’une modification des informations consignées dans le dossier de réception, cet État membre peut, si cela est
nécessaire, décider, en consultant le constructeur, qu’une nouvelle réception CE par type doit être octroyée (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2022, Porsche Inter Auto et Volkswagen, C‑145/20, EU:C:2022:572, point 56). Enfin, l’article 30, paragraphe 1, de la même directive-cadre prévoyait que, si un État membre ayant octroyé une réception CE par type constatait un défaut de conformité au type de véhicule qu’il avait réceptionné, il prenait les mesures nécessaires, y compris, le cas échéant,
le retrait de cette réception, pour faire en sorte que les véhicules produits soient mis en conformité avec ce type.

84 Par conséquent, l’illicéité d’un dispositif d’invalidation équipant un véhicule à moteur, découverte après la réception CE par type pour ce véhicule, est susceptible de remettre en cause la validité de cette réception et, par extension, celle du certificat de conformité censé certifier que ledit véhicule, appartenant à la série du type réceptionné, satisfaisait à tous les actes réglementaires au moment de sa production. Compte tenu de la règle énoncée à l’article 26, paragraphe 1, de la
directive-cadre, cette illicéité est ainsi de nature, notamment, à créer une incertitude quant à la possibilité d’immatriculer, de vendre ou de mettre en service le même véhicule et, à terme, à porter préjudice à l’acheteur d’un véhicule doté d’un dispositif d’invalidation illicite.

85 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que l’article 18, paragraphe 1, l’article 26, paragraphe 1, et l’article 46 de la directive-cadre, lus en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, doivent être interprétés en ce sens qu’ils protègent, outre des intérêts généraux, les intérêts particuliers de l’acheteur individuel d’un véhicule à moteur vis-à-vis du constructeur de celui-ci lorsque ce véhicule est
équipé d’un dispositif d’invalidation interdit, au sens de cette dernière disposition.

Sur les troisième et quatrième questions

86 Compte tenu de la réponse apportée aux première et deuxième questions, il n’y a pas lieu de répondre aux troisième et quatrième questions.

Sur les cinquième et sixième questions

87 Par ses cinquième et sixième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens que, dans le cadre de la réparation du dommage causé à l’acheteur d’un véhicule équipé d’un dispositif d’invalidation interdit, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, il s’oppose à ce que le bénéfice tiré de l’utilisation effective de ce véhicule soit imputé sur le remboursement du prix d’achat
dudit véhicule et, si tel n’est pas le cas, à ce que ce bénéfice soit calculé sur la base du prix d’achat total du même véhicule.

88 À cet égard, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort de la réponse aux première et deuxième questions, l’article 18, paragraphe 1, l’article 26, paragraphe 1, et l’article 46 de la directive-cadre, lus en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, protègent les intérêts particuliers de l’acheteur individuel d’un véhicule à moteur vis-à-vis du constructeur de celui-ci lorsque ce véhicule est équipé d’un dispositif d’invalidation interdit, au sens de cette
dernière disposition.

89 Ainsi, il ressort de ces dispositions qu’un acheteur individuel d’un véhicule à moteur dispose, vis-à-vis du constructeur de ce véhicule, d’un droit à ce que ledit véhicule ne soit pas équipé d’un dispositif d’invalidation interdit, au sens de l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement.

90 En outre, ainsi qu’il a déjà été relevé, en substance, au point 80 du présent arrêt, il appartient aux États membres, en vertu de l’article 46 de la directive-cadre, de déterminer les sanctions applicables en cas de non-respect des dispositions de celle-ci. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Par ailleurs, conformément à l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 715/2007, les États membres établissent les dispositions sur les sanctions applicables aux
infractions aux dispositions de ce règlement. Ces sanctions doivent être efficaces, proportionnées et dissuasives.

91 Dans ces conditions, il y a lieu de constater qu’il découle de l’article 18, paragraphe 1, de l’article 26, paragraphe 1, et de l’article 46 de la directive-cadre, lus en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, que les États membres sont tenus de prévoir que l’acheteur d’un véhicule à moteur équipé d’un dispositif d’invalidation interdit, au sens de l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement, bénéficie d’un droit à réparation de la part du constructeur de ce véhicule
lorsque ledit dispositif a causé un dommage à cet acheteur.

92 En l’absence de dispositions du droit de l’Union régissant les modalités d’obtention d’une réparation par les acheteurs concernés par l’acquisition d’un tel véhicule, il appartient à chaque État membre de déterminer ces modalités.

93 Cela étant, ne serait pas conforme au principe d’effectivité une législation nationale qui rend, en pratique, impossible ou excessivement difficile l’obtention, par l’acheteur d’un véhicule à moteur, d’une réparation adéquate pour des dommages qui lui ont été causés par la violation, par le constructeur de ce véhicule, de l’interdiction énoncée à l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007.

94 Sous cette réserve, il est opportun de rappeler que les juridictions nationales sont fondées à veiller à ce que la protection des droits garantis par l’ordre juridique de l’Union n’entraîne pas un enrichissement sans cause des ayants droit (arrêt du 25 mars 2021, Balgarska Narodna Banka, C‑501/18, EU:C:2021:249, point 125).

95 En l’occurrence, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si l’imputation du bénéfice tiré de l’utilisation effective du véhicule en cause assure une réparation adéquate à l’acheteur concerné, pour autant qu’il soit établi que ce dernier a subi un préjudice lié à l’installation, dans ce véhicule, d’un dispositif d’invalidation interdit, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007.

96 En conséquence, il y a lieu de répondre aux cinquième et sixième questions que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens que, en l’absence de dispositions de ce droit en la matière, il appartient au droit de l’État membre concerné de déterminer les règles portant sur la réparation du dommage effectivement causé à l’acheteur d’un véhicule équipé d’un dispositif d’invalidation interdit, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, pour autant que cette réparation soit
adéquate au préjudice subi.

Sur les dépens

97 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

  1) L’article 18, paragraphe 1, l’article 26, paragraphe 1, et l’article 46 de la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive-cadre), telle que modifiée par le règlement (CE) no 385/2009 de la Commission, du 7 mai 2009, lus en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, du règlement (CE)
no 715/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2007, relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils protègent, outre des intérêts généraux, les intérêts particuliers de l’acheteur individuel d’un véhicule à moteur vis-à-vis du constructeur de celui-ci lorsque ce véhicule est équipé d’un dispositif d’invalidation interdit, au sens de cette dernière disposition.

  2) Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens que, en l’absence de dispositions de ce droit en la matière, il appartient au droit de l’État membre concerné de déterminer les règles portant sur la réparation du dommage effectivement causé à l’acheteur d’un véhicule équipé d’un dispositif d’invalidation interdit, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007, pour autant que cette réparation soit adéquate au préjudice subi.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Grande chambre
Numéro d'arrêt : C-100/21
Date de la décision : 21/03/2023
Type de recours : Recours préjudiciel - irrecevable, Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Landgericht Ravensburg.

Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Réception des véhicules à moteur – Directive 2007/46/CE – Article 18, paragraphe 1 – Article 26, paragraphe 1 – Article 46 – Règlement (CE) no 715/2007 – Article 5, paragraphe 2 – Véhicules à moteur – Moteur diesel – Émissions de polluants – Vanne pour le recyclage des gaz d’échappement (vanne EGR) – Réduction des émissions d’oxyde d’azote (NOx) limitée par une “fenêtre de températures” – Dispositif d’invalidation – Protection des intérêts d’un acheteur individuel d’un véhicule équipé d’un dispositif d’invalidation illicite – Droit à réparation au titre de la responsabilité délictuelle du constructeur de ce véhicule – Mode de calcul de la réparation – Principe d’effectivité – Article 267 TFUE – Recevabilité – Saisine de la Cour par un juge unique.

Environnement

Transports

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : QB
Défendeurs : Mercedes-Benz Group AG.

Composition du Tribunal
Avocat général : Rantos
Rapporteur ?: Xuereb

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:229

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