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09/03/2023 | CJUE | N°C-375/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Sdruzhenie « Za Zemyata – dostap do pravosadie » e.a. contre Izpalnitelen director na Izpalnitelna agentsia po okolna sreda et « TETS Maritsa iztok 2 » EAD., 09/03/2023, C-375/21


 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

9 mars 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Qualité de l’air ambiant – Directive 2008/50/CE – Articles 13 et 23 – Valeurs limites pour la protection de la santé humaine – Dépassement – Plan relatif à la qualité de l’air – Directive 2010/75/UE – Prévention et réduction intégrées de la pollution – Actualisation d’une autorisation d’exploiter une centrale thermique – Valeurs limites d’émission – Article 15, paragraphe 4 – Demande de dérogation fixant des

valeurs limites d’émission moins strictes – Pollution
importante – Article 18 – Respect des normes de qualité environnementale – ...

 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

9 mars 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Qualité de l’air ambiant – Directive 2008/50/CE – Articles 13 et 23 – Valeurs limites pour la protection de la santé humaine – Dépassement – Plan relatif à la qualité de l’air – Directive 2010/75/UE – Prévention et réduction intégrées de la pollution – Actualisation d’une autorisation d’exploiter une centrale thermique – Valeurs limites d’émission – Article 15, paragraphe 4 – Demande de dérogation fixant des valeurs limites d’émission moins strictes – Pollution
importante – Article 18 – Respect des normes de qualité environnementale – Obligations de l’autorité compétente »

Dans l’affaire C‑375/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie), par décision du 1er juin 2021, parvenue à la Cour le 17 juin 2021, dans la procédure

Sdruzhenie « Za Zemyata – dostap do pravosadie »,

« Тhe Green Тank – grazhdansko sdruzhenie s nestopanska tsel » – République hellénique,

NS

contre

Izpalnitelen director na Izpalnitelna agentsia po okolna sreda,

« TETS Maritsa iztok 2 » EAD,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, Mme M. L. Arastey Sahún, MM. F. Biltgen, N. Wahl et J. Passer (rapporteur), juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour Sdruzhenie « Za Zemyata – dostap do pravosadie », représentée par Mes A. M. Kodzhabashev, R. I. Stoilova, advokati, et M. F. Logue, solicitor,

– pour « TETS Maritsa iztok 2 » EAD, par M. Z. D. Dinchev,

– pour le gouvernement bulgare, par Mmes T. Mitova et L. Zaharieva, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Palatiello, avvocato dello Stato,

– pour la Commission européenne, par Mme V. Bozhilova, M. M. Noll-Ehlers et Mme C. Valero, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 22 septembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 3, TUE, des articles 13 et 23 de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (JO 2008, L 152, p. 1), ainsi que de l’article 15, paragraphe 4, et de l’article 18 de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction
intégrées de la pollution) (JO 2010, L 334, p. 17).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Sdruzhenie « Za Zemyata – dostap do pravosadie », une association bulgare, « The Green Tank – grazhdansko sdruzhenie s nestopanska tsel » – République hellénique, une association civile grecque à but non lucratif, et NS, un ressortissant grec, au directeur exécutif de l’Izpalnitelna agentsya po okolna sreda (Agence exécutive de l’environnement, Bulgarie) (ci-après le « directeur exécutif ») et à « TETS Maritsa iztok 2 » EAD, un
exploitant d’une centrale thermique, au sujet de la mise à jour, par le directeur exécutif, de l’autorisation concernant TETS Maritsa iztok 2, une centrale thermique bulgare, et relative à l’exploitation d’une installation de combustion destinée à produire de l’électricité, d’une installation de production d’hydrogène ainsi que d’une décharge de déchets inertes, de déchets de construction, et de déchets dangereux et non dangereux.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2008/50

3 Le considérant 18 de la directive 2008/50 énonce :

« Des plans relatifs à la qualité de l’air devraient être établis pour les zones et agglomérations dans lesquelles les concentrations de polluants dans l’air ambiant dépassent les valeurs cibles ou valeurs limites de qualité de l’air applicables, augmentées, le cas échéant, des marges de dépassement temporaire applicables. Les polluants atmosphériques sont produits par de multiples sources et activités. Pour assurer la cohérence entre les différentes politiques, ces plans relatifs à la qualité de
l’air devraient si possible être cohérents et coordonnés avec les plans et programmes établis en application de la directive 2001/80/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2001 relative à la limitation des émissions de certains polluants dans l’atmosphère en provenance des grandes installations de combustion [(JO 2001, L 309, p. 1)], de la directive 2001/81/CE [du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2001 fixant des plafonds d’émission nationaux pour certains polluants
atmosphériques (JO 2001, L 309, p. 22),] et de la directive 2002/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002 relative à l’évaluation et à la gestion du bruit dans l’environnement [(JO 2002, L 189, p. 12)]. Il convient également de prendre dûment en considération les objectifs de qualité de l’air ambiant prévus par la présente directive, lorsque des autorisations sont accordées à des activités industrielles conformément à la directive 2008/1/CE du Parlement européen et du Conseil du
15 janvier 2008 relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution [(JO 2008, L 24, p. 8)]. »

4 L’article 1er de la directive 2008/50, intitulé « Objet », prévoit :

« La présente directive établit des mesures visant :

1) à définir et à fixer des objectifs concernant la qualité de l’air ambiant, afin d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs pour la santé humaine et pour l’environnement dans son ensemble ;

[...] »

5 L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », énonce :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

5) “valeur limite”: un niveau fixé sur la base des connaissances scientifiques, dans le but d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs sur la santé humaine et/ou l’environnement dans son ensemble, à atteindre dans un délai donné et à ne pas dépasser une fois atteint ;

[...]

9) “valeur cible”: un niveau fixé dans le but d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs sur la santé humaine et/ou l’environnement dans son ensemble, à atteindre dans la mesure du possible sur une période donnée ;

[...] »

6 L’article 13 de ladite directive, intitulé « Valeurs limites et seuils d’alerte pour la protection de la santé humaine », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’ensemble de leurs zones et agglomérations, les niveaux d’anhydride sulfureux [ou dioxyde de soufre (SO2)], de PM10, de plomb et de monoxyde de carbone dans l’air ambiant ne dépassent pas les valeurs limites fixées à l’annexe XI.

En ce qui concerne le dioxyde d’azote et le benzène, les valeurs limites indiquées à l’annexe XI ne peuvent pas être dépassées à partir des dates indiquées à ladite annexe.

Le respect de ces exigences est évalué conformément à l’annexe III.

Les marges de dépassement indiquées à l’annexe XI s’appliquent conformément à l’article 22, paragraphe 3, et à l’article 23, paragraphe 1. »

7 L’article 23 de la même directive, intitulé « Plans relatifs à la qualité de l’air », énonce, à son paragraphe 1 :

« Lorsque, dans une zone ou agglomération donnée, les niveaux de polluants dans l’air ambiant dépassent toute valeur limite ou toute valeur cible, majorée dans chaque cas de toute marge de dépassement, les États membres veillent à ce que des plans relatifs à la qualité de l’air soient établis pour cette zone ou agglomération afin d’atteindre la valeur limite ou la valeur cible correspondante indiquée aux annexes XI et XIV.

En cas de dépassement de ces valeurs limites après le délai prévu pour leur application, les plans relatifs à la qualité de l’air prévoient des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible. [...]

[...] »

La directive 2010/75

8 L’article 3 de la directive 2010/75, intitulé « Définitions », énonce :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

2. “pollution” : l’introduction directe ou indirecte, par l’activité humaine, de substances, de vibrations, de chaleur ou de bruit dans l’air, l’eau ou le sol, susceptibles de porter atteinte à la santé humaine ou à la qualité de l’environnement, d’entraîner des détériorations des biens matériels, une détérioration ou une entrave à l’agrément de l’environnement ou à d’autres utilisations légitimes de ce dernier ;

[...]

6. “norme de qualité environnementale” : la série d’exigences devant être satisfaites à un moment donné par un environnement donné ou une partie spécifique de celui-ci, telles que spécifiées dans le droit de l’Union ;

[...] »

9 L’article 14 de cette directive, intitulé « Conditions d’autorisation », dispose :

« 1.   Les États membres s’assurent que l’autorisation prévoit toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect des articles 11 et 18.

[...]

2.   Aux fins du paragraphe 1, point a), les valeurs limites peuvent être complétées ou remplacées par des paramètres ou des mesures techniques équivalents garantissant un niveau équivalent de protection de l’environnement.

[...]

4.   Sans préjudice de l’article 18, l’autorité compétente peut fixer des conditions d’autorisation plus sévères que celles pouvant être atteintes par l’utilisation des meilleures techniques disponibles [(MTD)] telles que décrites dans les conclusions sur les MTD. Les États membres peuvent établir des règles en vertu desquelles l’autorité compétente peut fixer des conditions plus strictes.

[...] »

10 En vertu de l’article 15 de ladite directive, intitulé « Valeurs limites d’émission, paramètres et mesures techniques équivalents » :

« 1.   Les valeurs limites d’émission des substances polluantes sont applicables au point de rejet des émissions à la sortie de l’installation, et toute dilution intervenant avant ce point n’est pas prise en compte lors de la détermination de ces valeurs.

[...]

2.   Sans préjudice de l’article 18, les valeurs limites d’émission et les paramètres et mesures techniques équivalents visés à l’article 14, paragraphes 1 et 2, sont fondés sur les [MTD], sans prescrire l’utilisation d’une technique ou d’une technologie spécifique.

3.   L’autorité compétente fixe des valeurs limites d’émission garantissant que les émissions, dans des conditions d’exploitation normales, n’excèdent pas les niveaux d’émission associés aux [MTD] telles que décrites dans les décisions concernant les conclusions sur les MTD visées à l’article 13, paragraphe 5 :

a) soit en fixant des valeurs limites d’émission qui n’excèdent pas les niveaux d’émission associés aux [MTD]. Ces valeurs limites d’émission sont exprimées pour les mêmes périodes, ou pour des périodes plus courtes, et pour les mêmes conditions de référence que lesdits niveaux d’émission associés aux [MTD] ;

b) soit en fixant des valeurs limites d’émission différentes de celles visées au point a) en termes de valeurs, de périodes et de conditions de référence.

En cas d’application du point b), l’autorité compétente évalue, au moins une fois par an, les résultats de la surveillance des émissions afin de garantir que les émissions, dans des conditions d’exploitation normales, n’ont pas excédé les niveaux d’émission associés aux [MTD].

4.   Par dérogation au paragraphe 3 et sans préjudice de l’article 18, l’autorité compétente peut, dans des cas particuliers, fixer des valeurs limites d’émission moins strictes. Une telle dérogation ne s’applique que si une évaluation montre que l’obtention des niveaux d’émission associés aux [MTD], conformément aux indications figurant dans les conclusions sur les MTD, entraînerait une hausse des coûts disproportionnée au regard des avantages pour l’environnement, en raison :

a) de l’implantation géographique de l’installation concernée ou des conditions locales de l’environnement ; ou

b) des caractéristiques techniques de l’installation concernée.

L’autorité compétente fournit, en annexe aux conditions d’autorisation, les raisons de l’application du premier alinéa, y compris le résultat de l’évaluation et la justification des conditions imposées.

Les valeurs limites d’émission établies en vertu du premier alinéa n’excèdent toutefois pas les valeurs limites d’émission fixées dans les annexes de la présente directive, suivant le cas.

En tout état de cause, l’autorité compétente veille à ce qu’aucune pollution importante ne soit provoquée et que soit atteint un niveau élevé de protection de l’environnement dans son ensemble.

[...]

L’autorité compétente réévalue l’application du premier alinéa lors de chaque réexamen des conditions d’autorisation en application de l’article 21.

[...] »

11 L’article 18 de la même directive, intitulé « Normes de qualité environnementale », dispose :

« Si une norme de qualité environnementale requiert des conditions plus sévères que celles pouvant être atteintes par l’utilisation des [MTD], des mesures supplémentaires sont ajoutées dans l’autorisation, sans préjudice d’autres mesures pouvant être prises pour respecter les normes de qualité environnementale. »

12 L’article 31 de la directive 2010/75, intitulé « Taux de désulfuration », énonce :

« 1.   Dans le cas des installations de combustion utilisant des combustibles solides produits dans le pays qui ne peuvent respecter les valeurs limites d’émission pour le dioxyde de soufre, visées à l’article 30, paragraphes 2 et 3, en raison des caractéristiques desdits combustibles, les États membres peuvent appliquer en lieu et place les taux minimaux de désulfuration fixés à l’annexe V, partie 5, conformément aux règles en matière de respect de ces taux énoncées à la partie 6 de cette annexe
et moyennant la validation préalable, par l’autorité compétente, du rapport technique visé à l’article 72, paragraphe 4, point a).

2.   Les États membres peuvent appliquer aux installations de combustion utilisant des combustibles solides produits dans le pays, avec coïncinération de déchets, qui ne peuvent pas respecter les valeurs limites d’émission de dioxyde de soufre (Cprocédé) visées à l’annexe VI, partie 4, point 3.1) ou point 3.2), en raison des caractéristiques du combustible solide produit dans le pays, au lieu desdites valeurs, les taux minimaux de désulfuration fixés à l’annexe V, partie 5, conformément aux
critères visés à l’annexe V, partie 6. Si les États membres choisissent d’appliquer le présent alinéa, la valeur Cdéchets visée à l’annexe VI, partie 4, point 1), est égale à 0 mg/Nm3.

3.   La Commission examine, le 31 décembre 2019 au plus tard, la possibilité d’appliquer les taux minimaux de désulfuration fixés à l’annexe V, partie 5, compte tenu notamment des [MTD] et des bénéfices résultant de la réduction des émissions de dioxyde de soufre. »

Décision d’exécution (UE) 2017/1442 de la Commission

13 La décision d’exécution (UE) 2017/1442 de la Commission, du 31 juillet 2017, établissant les conclusions sur les meilleures techniques disponibles (MTD), au titre de la directive 2010/75 pour les grandes installations de combustion (JO 2017, L 212, p. 1), impose, notamment, les niveaux d’émissions associés à ces MTD en ce qui concerne les émissions de dioxyde de soufre.

Le droit bulgare

La loi relative à la pureté de l’air ambiant

14 L’article 6, paragraphe 1, du Zakon za chistotata na atmosferniya vazduh (loi relative à la pureté de l’air ambiant), du 28 mai 1996 (DV no 45, du 28 mai 1996), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi relative à la pureté de l’air ambiant »), dispose :

« (1)   Le ministre de l’Environnement et des Eaux et le ministre de la Santé adoptent en commun des décrets fixant des niveaux limites de substances nocives (polluants) dans l’air ambiant et des niveaux limites de retombées de substances nocives (polluants). »

15 L’article 9 de la section I de la loi relative à la pureté de l’air ambiant, intitulée « Émissions de sources fixes », qui figure au chapitre 3 de celle-ci, intitulé « Limitation des émissions », est libellé comme suit :

« (1)   Le ministre de l’Environnement et des Eaux et les ministres intéressés concernés adoptent en commun des décrets fixant des valeurs limites d’émissions de substances nocives (polluants) dans l’air ambiant par des installations et des activités sources d’émissions fixes.

(2)   Les valeurs limites d’émission sont élaborées en vue d’assurer la qualité de l’air ambiant correspondant aux niveaux limites de substances nocives (polluants) visés à l’article 6.

(3)   Les valeurs limites d’émission sont contraignantes pour toutes les installations et activités, sauf dans les cas de figure visés à l’article 3, paragraphe 2 et l’article 10a.

(4)   Les valeurs limites d’émission sont élaborées sur la base :

1. des conclusions sur les [MTD], adoptées par décision de la Commission européenne, au sens du point 42c des dispositions complémentaires du Zakon za opazvane na okolnata sreda (loi relative à la protection de l’environnement)[ (DV no 91, du 25 septembre 2002), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi relative à la protection de l’environnement »)] ;

2. des dernières évolutions de la technique et des technologies, des découvertes scientifiques et des résultats de l’utilisation pratique de ces découvertes.

(5)   En fonction des conditions régnant sur le territoire d’une commune donnée, il est possible de fixer des valeurs limites d’émission des installations et des activités dans des communes, des arrondissements ou des agglomérations données, plus strictes que celles fixées dans les décrets visés au paragraphe 1 et aux articles 9a à 9d.

[...] »

16 L’article 27 de la loi relative à la pureté de l’air ambiant prévoit :

« (1)   Dans les cas où, dans un arrondissement donné, la quantité totale des émissions conduit à un dépassement des normes en matière de substances nocives (polluants) dans l’air ambiant et des normes en matière de retombées, les maires des communes élaborent et mettent en œuvre des programmes pour diminuer les niveaux des polluants et pour respecter les normes établies, au sens de l’article 6. Les programmes sont adoptés par les conseils municipaux.

[...]

(4)   Les programmes visés au paragraphe 1 comprennent également : les objectifs, les mesures, les étapes et les délais dans lesquels ils doivent être atteints ; les organisations et les institutions responsables de leur mise en œuvre, les moyens pour assurer cette mise en œuvre, le système de rapport et de contrôle de l’exécution, ainsi que le système d’évaluation des résultats.

(5)   Dans les cas où les niveaux d’un ou de plusieurs polluants dépassent les normes établies et où le délai de respect de ces normes est écoulé, les programmes visés au paragraphe 1 comportent des mesures adéquates, destinées à faire en sorte que la durée du dépassement soit la plus courte possible.

(6)   La réalisation des mesures des programmes visés au paragraphe 1 doit conduire chaque année à une baisse du nombre de dépassements des normes en matière de substances nocives et des niveaux annuels moyens de polluants dans les cas où ils sont supérieurs aux normes fixées en matière de qualité de l’air ambiant enregistrés aux points de contrôle, qui font partie du système national de suivi de l’environnement sur le territoire de la commune.

[...] »

La loi relative à la protection de l’environnement

17 L’article 123 de la loi relative à la protection de l’environnement dispose :

« (1) L’autorisation intégrée, au sens de l’article 117, comprend :

1.   [...] les valeurs limites d’émission des substances visées à l’annexe 8 et d’autres substances polluantes susceptibles d’être rejetées en quantités importantes par l’installation concernée :

a) lors de la définition des valeurs limites d’émission, les propriétés des substances et leur potentiel de transfert de pollution d’un milieu à l’autre sont pris en considération ;

b) les valeurs limites d’émission peuvent être complétées ou remplacées par des paramètres équivalents ou des mesures techniques équivalentes, assurant un niveau équivalent de protection de l’environnement ;

[...]

4.   les conditions correspondantes de surveillance des émissions :

[...]

(2) L’autorité compétente, au sens de l’article 120, paragraphe 1, définit les conditions d’autorisation en prenant en considération les conclusions sur les MTD.

[...]

(11) [...] Dans l’autorisation intégrée, l’autorité compétente, au sens de l’article 120, paragraphe 1, prévoit, si nécessaire, des mesures supplémentaires de mise en conformité avec les normes de qualité environnementale qui sont plus strictes que celles pouvant être atteintes en appliquant les MTD. Cela est sans préjudice de l’effet de mesures prévues pour atteindre la conformité avec d’autres normes de qualité environnementale. [...] »

18 L’article 123a de la loi relative à la protection de l’environnement énonce :

« [...] (1)   Les valeurs limites d’émission visées à l’article 123, paragraphe 1, point 1, dans des conditions normales d’exploitation :

1. ne dépassent pas les niveaux d’émission fixés dans les conclusions sur les MTD établies par décision de la Commission européenne ; ces valeurs limites d’émission concernent des périodes identiques ou plus courtes et les mêmes conditions de référence que les niveaux d’émission fixés dans les décisions, ou

2. sont différentes des niveaux visés au point 1, mais garantissent le respect des niveaux d’émission fixés dans les conclusions sur les MTD établies par décision de la Commission européenne.

(2)   Le respect, au sens du paragraphe 1, point 2, est garanti grâce à une surveillance des émissions et à une évaluation des résultats par l’autorité de contrôle au moins une fois par an.

(3)   [...] L’autorité compétente, au sens de l’article 120, paragraphe 1, peut fixer des valeurs limites d’émission moins strictes que celles visées au paragraphe 1, lorsqu’une évaluation montre que l’obtention des niveaux d’émission associés aux MTD, conformément aux indications figurant dans les conclusions sur les MTD adoptées par une décision de la Commission européenne, entraînerait une hausse des coûts disproportionnée au regard des avantages pour l’environnement, en raison :

1. de la situation géographique de l’installation, ou

2. des caractéristiques de l’environnement dans la zone du site, ou

3. des caractéristiques techniques de l’installation.

(4)   Dans les cas de figure visés au paragraphe 3, les valeurs limites d’émission ne doivent pas entraîner une pollution importante de l’environnement et doivent permettre d’atteindre un niveau élevé de protection de l’environnement. »

19 Les dispositions complémentaires de la loi relative à la protection de l’environnement définissent les notions de « valeur limite d’émission », de « normes de qualité environnementale », d’« autorisation intégrée » et de « MTD ».

Le règlement relatif aux conditions et aux modalités d’octroi d’autorisations intégrées

20 L’article 2 du Naredba za usloviyata i reda za izdavane na kompleksni razreshitelni (règlement relatif aux conditions et aux modalités d’octroi d’autorisations intégrées), du 2 octobre 2009 (DV no 80, du 9 octobre 2009), dans sa version applicable au litige au principal, énonce les conditions d’octroi d’une autorisation intégrée.

Le règlement relatif aux valeurs limites d’émission de dioxyde de soufre, d’oxydes d’azote et de particules rejetées dans l’atmosphère par de grandes installations de combustion

21 L’article 12 du Naredba za normite za dopustimi emisii na seren dioksid, azotni oksidi i prah, izpuskani v atmosferata ot golemi gorivni instalatsii (règlement relatif aux valeurs limites d’émission de dioxyde de soufre, d’oxydes d’azote et de particules rejetées dans l’atmosphère par de grandes installations de combustion), du 28 décembre 2012 (DV no 2, du 8 janvier 2013), dans sa version applicable au litige au principal, dispose :

« (1) Lorsque, dans une installation de combustion, est brûlé un combustible solide indigène qui, en raison de ses caractéristiques, ne permet pas de respecter la valeur limite d’émission de dioxyde de soufre définie à l’article 5, il est possible d’appliquer les taux minimaux de désulfurisation définis dans la partie 5 de l’annexe no 1, conformément aux règles énoncées dans la partie 6 de l’annexe no 1.

(2) L’application de la dérogation prévue au paragraphe 1 peut être autorisée sur la base d’une justification technique de l’impossibilité de respecter les valeurs limites d’émission définies à l’article 5, présentée par l’exploitant avant l’octroi/le réexamen de l’autorisation intégrée et approuvée par le ministre de l’Environnement et des Eaux ou par un fonctionnaire mandaté par celui-ci.

(3) Aux fins du rapport annuel présenté à la Commission européenne, les exploitants d’installations de combustion présentent au ministre de l’Environnement et des Eaux, avant le 31 mars, des informations concernant l’année précédente relatives :

1. au contenu en soufre du combustible utilisé et au taux de désulfurisation atteint, en tant que valeurs mensuelles moyennes par cheminée ou par chaudière, pour les installations auxquelles s’applique le paragraphe 1 [...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

22 TETS Maritsa iztok 2 est la plus grande des quatre centrales thermiques situées dans le complexe énergétique de Maritsa iztok en Bulgarie, avec une puissance installée totale de 1602 mégawatts (MW). Elle a été construite sur le territoire de la commune de Radnevo (Bulgarie), à environ 24,5 km à vol d’oiseau de la municipalité de Galabovo (Bulgarie) et est constituée de huit générateurs équipés d’installations d’épuration du soufre.

23 Par sa décision du 21 décembre 2018, le directeur exécutif a mis à jour l’autorisation intégrée délivrée en 2005 à TETS Maritsa iztok 2 pour l’exploitation des installations susmentionnées (ci-après la « décision litigieuse »). Cette décision a été prise sur le fondement de la loi relative à la protection de l’environnement adoptée aux fins de la transposition de la directive 2010/75, lue en combinaison avec la décision d’exécution 2017/1442.

24 Le directeur exécutif a considéré que les valeurs limites d’émission de dioxyde de soufre (SO2) et de mercure pouvaient être remplacées par des paramètres ou des mesures techniques équivalents fournissant un niveau équivalent de protection de l’environnement. S’agissant du SO2, il a ainsi autorisé une dérogation en fixant un taux de désulfuration en vertu de l’article 123, paragraphe 1, point 1, sous b), de la loi relative à la protection de l’environnement, lu en combinaison avec l’article 12 du
règlement du 28 décembre 2012, dans sa version applicable au litige au principal, et de l’article 31 de la directive 2010/75.

25 Toutefois, le taux de désulfuration ainsi autorisé a été fixé, en considération des dispositions de l’article 123a, paragraphe 3, de la loi relative à la protection de l’environnement, de manière dérogatoire, à des niveaux de 97 et de 97,5 %. Ces niveaux de désulfuration qui ne permettent en effet pas de garantir le niveau d’émission maximal associé aux MTD de 320 mg/Nm3 pour le SO2 normalement requis, mais qui sont de nature à conduire à des émissions de SO2 de 570 mg/Nm3, ont été ainsi fixés
dans la mesure où un niveau de désulfuration plus élevé aurait requis, de la part de l’opérateur concerné, des investissements considérables et, partant, une hausse des coûts jugée disproportionnée, au sens de cette disposition.

26 Le recours introduit par Sdruzhenie « Za Zemyata – dostap do pravosadie » contre la décision litigieuse a été rejeté par un jugement de l’Administrativen sad Stara Zagora (tribunal administratif de Stara Zagora, Bulgarie), du 28 août 2020.

27 Cette juridiction a considéré que, contrairement à ce que Sdruzhenie « Za Zemyata dostap do pravosadie » soutenait, il n’y avait pas lieu d’examiner et d’évaluer l’importance de la mise à jour du plan de gestion de la qualité de l’air ambiant dans la municipalité de Galabovo, mis au point pour les polluants : Particules fines (PM10) et dioxyde de soufre (SO2) 2019-2023, adoptée par le conseil municipal de Galabovo le 30 novembre 2018 en application de l’article 23 de la directive 2008/50. Ladite
juridiction a estimé que la procédure détaillée d’octroi et de mise à jour des autorisations intégrées, définie dans le règlement du 2 octobre 2009, dans sa version applicable au litige au principal, n’exigeait pas qu’un tel plan fût établi comme condition préalable à la mise à jour d’une autorisation intégrée, de telle sorte que le directeur exécutif n’était pas tenu de se conformer au contenu de ce plan.

28 En conséquence, la même juridiction a jugé que, conformément à l’article 123, paragraphe 1, sous b), de la loi relative à la protection de l’environnement, les normes des émissions admissibles pouvaient être complétées ou remplacées par des paramètres ou des mesures techniques équivalents garantissant un niveau équivalent de protection de l’environnement. Elle a également considéré, en se référant, notamment, à cet égard, à l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2010/75, dont les
dispositions ont été transposées à l’article 123a, paragraphes 3 et 4, de cette loi, que la dérogation relative à l’abaissement du taux de désulfuration requis pour atteindre les valeurs d’émission de SO2 normalement applicables avait pu être valablement accordée sur la base desdites dispositions et de l’article 31 de cette directive.

29 Sdruzhenie « Za Zemyata – dostap do pravosadie », « The Green Tank – grazhdansko sdruzhenie s nestopanska tsel » – République hellénique et NS se sont pourvus en cassation devant la juridiction de renvoi.

30 Cette dernière juridiction souligne, notamment, que le plan de la municipalité de Galabovo mentionné au point 27 du présent arrêt comporte une mesure à long terme de réduction de la pollution au SO2 intitulée « Mise en œuvre de projets de reconstruction des installations de désulfurisation pour atteindre un niveau minimal de désulfurisation de 98 % et interdiction du fonctionnement de chaudières sans installations de désulfurisation performantes ou en état de non-fonctionnement ». Elle relève, à
cet égard, que les taux réduits de désulfurisation autorisés par le directeur exécutif dans la décision litigieuse ne sont pas conformes à ce taux minimal de désulfurisation de 98 %.

31 Ladite dernière juridiction indique également qu’il est établi que, sur le territoire de la municipalité de Galabovo, les valeurs moyennes journalières et horaires de SO2 autorisées sont systématiquement dépassées, ce qui aurait notamment conduit à l’adoption et à la mise à jour du plan susmentionné et donné lieu à l’introduction d’une procédure en manquement dans l’affaire Commission/Bulgarie (C‑730/19) pendante devant la Cour.

32 Par ailleurs, il ressortirait de ce plan que, dans cette municipalité, les concentrations horaires moyennes de SO2 proviennent de diverses autres sources industrielles et domestiques dont l’interaction concourrait ainsi notamment aux dépassements susmentionnés.

33 Se poserait ainsi la question de savoir dans quelle mesure le directeur exécutif aurait pu être tenu, lors de l’adoption de la décision litigieuse, de tenir compte des différents éléments mentionnés aux points 30 à 32 du présent arrêt.

34 C’est dans ces conditions que le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Convient-il d’interpréter l’article 4, paragraphe 3, TUE, lu en combinaison avec l’article 18 de la directive [2010/75] et les articles 13 et 23 de la directive [2008/50] en ce sens que, lors de l’examen d’une demande de dérogation au titre de l’article 15, paragraphe 4, de la directive [2010/75], l’autorité compétente doit évaluer si l’octroi d’une dérogation est susceptible de compromettre le respect des normes de qualité environnementale en prenant en considération toutes les données
scientifiques pertinentes relatives à la pollution, y compris les mesures prévues dans le plan d’amélioration de la qualité de l’air ambiant d’une zone ou agglomération donnée élaboré conformément à l’article 23 de la directive [2008/50] ?

2) Convient-il d’interpréter l’article 4, paragraphe 3, TUE, lu en combinaison avec l’article 18 de la directive [2010/75] et les articles 13 et 23 de la directive [2008/50], en ce sens que, lors de l’examen d’une demande de dérogation au titre de l’article 15, paragraphe 4, de la directive [2010/75], l’autorité compétente doit s’abstenir de fixer des valeurs limites moins strictes d’émissions de polluants dans l’air émanant d’une installation, si cette dérogation est contraire aux mesures
prévues dans le plan d’amélioration de la qualité de l’air ambiant d’une zone ou agglomération donnée élaboré conformément à l’article 23 de la directive [2008/50], et peut compromettre l’objectif de réduire autant que possible la durée des dépassements des normes de qualité de l’air ?

3) Convient-il d’interpréter l’article 4, paragraphe 3, TUE, lu en combinaison avec l’article 18 de la directive [2010/75] et l’article 13 de la directive [2008/50], en ce sens que, lors de l’examen d’une demande de dérogation au titre de l’article 15, paragraphe 4, de la directive [2010/75], l’autorité compétente doit apprécier, en prenant en considération toutes les données scientifiques pertinentes relatives à la pollution, y compris l’effet cumulé avec celui d’autres sources du polluant en
cause, si le fait de fixer des valeurs limites d’émissions de polluants de l’air émanant d’une installation moins strictes contribue au dépassement des normes de qualité de l’air applicables, définies conformément à l’article 13 de la directive [2008/50] dans une zone ou une agglomération donnée, et, à supposer qu’il en soit ainsi, si elle doit s’abstenir d’accorder une dérogation qui compromettrait le respect des normes de qualité environnementale ? »

Sur les questions préjudicielles

35 À titre liminaire, il y a lieu de relever, d’une part, que bien que les questions posées à la Cour portent, notamment, sur l’article 4, paragraphe 3, TUE, les motifs de la décision de renvoi ne comportent aucune explication quant à la nécessité d’une interprétation de cette disposition du traité UE aux fins de la décision que la juridiction de renvoi est appelée à rendre dans la procédure au principal, le point conclusif de la décision de renvoi précédant la formulation de ces questions faisant
référence au demeurant lui-même à la nécessité d’interroger la Cour sur l’interprétation des seules dispositions concernées des directives 2008/50 et 2010/75.

36 Dans ces conditions, il n’apparaît pas nécessaire d’aborder l’interprétation de l’article 4, paragraphe 3, TUE aux fins de répondre aux interrogations soulevées par la juridiction de renvoi dans la présente affaire.

37 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que, par les questions posées, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2010/75, lu en combinaison avec l’article 18 de celle-ci ainsi qu’avec les articles 13 et 23 de la directive 2008/50, doit être interprété en ce sens que, lors de l’examen d’une demande de dérogation au titre de cet article 15, paragraphe 4, l’autorité compétente doit, en
tenant compte de toutes les données scientifiques pertinentes relatives à la pollution, y compris l’effet cumulé avec d’autres sources du polluant en cause, ainsi que des mesures prévues dans le plan pertinent relatif à la qualité de l’air établi pour la zone ou l’agglomération concernées conformément à l’article 23 de la directive 2008/50, refuser une telle dérogation lorsque celle-ci est de nature à contribuer au dépassement des normes de qualité de l’air définies en vertu de l’article 13 de la
directive 2008/50 ou à contrevenir aux mesures que comporte ce plan visant à assurer le respect de ces normes et à limiter la période de dépassement de celles-ci à une durée aussi courte que possible.

38 S’agissant de la directive 2008/50, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 1er, point 1, de celle-ci, cette directive établit des mesures visant à définir et à fixer des objectifs concernant la qualité de l’air ambiant, afin d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs pour la santé humaine et pour l’environnement dans son ensemble. Dans ce cadre, l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive prévoit que les États membres veillent à ce que, dans l’ensemble
de leurs zones et de leurs agglomérations, les niveaux, notamment, de SO2 dans l’air ambiant ne dépassent pas les valeurs limites fixées à l’annexe XI de ladite directive [arrêt du 12 mai 2022, Commission/Bulgarie (Valeurs limites – SO2), C‑730/19, non publié, EU:C:2022:382, point 62].

39 Par ailleurs, ainsi que la Cour l’a relevé, l’article 23 de la directive 2008/50 instaure un lien direct entre, d’une part, le dépassement des valeurs limites fixées pour le SO2 par les dispositions combinées de l’article 13, paragraphe 1, et de l’annexe XI de cette directive ainsi que, d’autre part, l’établissement de plans relatifs à la qualité de l’air [arrêt du 12 mai 2022, Commission/Bulgarie (Valeurs limites – SO2), C‑730/19, non publié, EU:C:2022:382, point 129 et jurisprudence citée]. En
effet, ainsi qu’il ressort de l’article 23, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/50, le constat de l’existence d’un tel dépassement dans une zone ou une agglomération donnée doit conduire à l’adoption d’un tel plan.

40 S’agissant de l’établissement de ces plans, la Cour a également précisé qu’il résulte de l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2008/50 que, si les États membres disposent d’une certaine marge de manœuvre pour la détermination des mesures à adopter, celles-ci doivent, en tout état de cause, faire en sorte que la période de dépassement des valeurs limites fixées pour le polluant concerné soit la plus courte possible [arrêt du 12 mai 2022, Commission/Bulgarie (Valeurs
limites – SO2), C‑730/19, non publié, EU:C:2022:382, point 132 et jurisprudence citée].

41 Or, en l’occurrence, il convient de relever que la Cour a récemment constaté que, depuis l’année 2007, dans la zone BG 0006 (sud-est de la Bulgarie), où se trouvent la commune de Galabovo et TETS Maritsa-iztok 2, la République de Bulgarie avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 13 et 23 de la directive 2008/50 en raison du dépassement des valeurs limites de la qualité de l’air pour le SO2 et de l’insuffisance des plans relatifs à la qualité de l’air [arrêt du 12 mai
2022, Commission/Bulgarie (Valeurs limites – SO2), C‑730/19, non publié, EU:C:2022:382, points 21, 23, 29 et 149].

42 Quant aux liens susceptibles d’exister entre la directive 2008/50 et la directive 2010/75, il importe de souligner, d’emblée, que le considérant 18 de la directive 2008/50 indique expressément qu’il convient de prendre dûment en considération les objectifs de qualité de l’air ambiant prévus par cette dernière directive lorsque des autorisations sont accordées à des activités industrielles conformément à la directive 2008/1, laquelle a entre-temps été remplacée par la directive 2010/75 ayant opéré
une refonte de diverses directives jusqu’alors applicables en la matière.

43 S’agissant de la directive 2010/75, il convient de rappeler que la fixation concrète de valeurs limites d’émission applicables à une installation telle que la centrale en cause au principal est régie par cette directive, en particulier l’article 15, paragraphe 3, de celle-ci, selon lequel l’autorité compétente fixe les valeurs limites d’émission garantissant que les émissions, dans des conditions d’exploitation normales, n’excèdent pas les niveaux d’émission associés aux MTD telles que décrites
dans les décisions concernant les conclusions sur les MTD visées à l’article 13, paragraphe 5, de cette directive.

44 Par dérogation à l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2010/75, l’article 15, paragraphe 4, de celle-ci autorise l’autorité compétente à fixer des valeurs limites d’émission moins strictes, si l’obtention des niveaux d’émission associés aux MTD entraîne une hausse des coûts disproportionnée au regard des avantages pour l’environnement en raison de la localisation de cette installation ou de ses caractéristiques techniques.

45 Toutefois, il ressort de cet article 15, paragraphe 4, qu’une telle dérogation ne peut être octroyée que dans le respect des autres conditions imposées par cette disposition et que la possibilité d’un tel octroi est, en outre, sans préjudice de l’article 18 de la directive 2010/75.

46 Ainsi, en premier lieu, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 15, paragraphe 4, quatrième alinéa, de la directive 2010/75, l’autorité compétente veille en tout état de cause à ce qu’aucune « pollution importante » ne soit provoquée par l’octroi d’une dérogation et à ce qu’un « niveau élevé de protection de l’environnement » soit atteint « dans son ensemble ».

47 La dérogation prévue à l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2010/75 n’a donc pas vocation à s’appliquer dans tous les cas de figure où le respect des valeurs limites générales d’émission entraîne des coûts disproportionnés pour l’exploitant d’une installation. En effet, une telle dérogation ne peut être accordée que si des valeurs limites d’émission moins strictes n’entraînent pas de « pollution importante » et que, malgré cette dérogation, un « niveau élevé de protection de
l’environnement dans son ensemble » est atteint.

48 S’agissant, premièrement, de la condition relative à l’absence de pollution importante, il y a lieu de relever que, eu égard, d’une part, à la définition de la notion de « pollution » figurant à l’article 3, point 2, de la directive 2010/75, qui vise notamment l’introduction dans l’air de substances susceptibles de porter atteinte à la santé humaine ou à la qualité de l’environnement et, d’autre part, au contenu de la directive 2008/50 ayant fixé les valeurs limites de qualité de l’air pour le
SO2, toute introduction de cette substance dans l’air constitue une pollution, au sens de l’article 15, paragraphe 4, quatrième alinéa, de la directive 2010/75.

49 Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 41 du présent arrêt, il est constant que les valeurs limites de qualité de l’air prévues par la directive 2008/50 pour le SO2 doivent être considérées comme dépassées dans la zone d’influence de la centrale en cause au principal.

50 Or, ainsi que Mme l’avocate générale l’a exposé au point 57 de ses conclusions, un tel dépassement des valeurs limites de qualité de l’air pour le SO2 ne saurait être considéré comme une pollution négligeable, mais doit nécessairement être tenu pour une « pollution importante », au sens de l’article 15, paragraphe 4, quatrième alinéa, de la directive 2010/75, eu égard tant aux objectifs poursuivis par la directive 2008/50 rappelés au point 38 du présent arrêt qu’à la circonstance, en outre, que,
en ce qui concerne le SO2, le législateur de l’Union européenne n’a pas prévu la possibilité d’une prorogation de la date à laquelle les valeurs limites relatives à la qualité de l’air doivent être respectées.

51 En ce qui concerne, deuxièmement, la limitation de l’octroi de la dérogation prévue à l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2010/75 par l’exigence de garantir un « niveau élevé de protection de l’environnement dans son ensemble », il y a lieu d’observer que les règles établies par la directive 2008/50 sont la concrétisation des obligations de l’Union en matière de protection de l’environnement et de la santé publique, qui découlent, notamment, de l’article 3, paragraphe 3, TUE et de
l’article 191, paragraphes 1 et 2, TFUE, selon lesquels la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de l’Union, et est fondée, notamment, sur les principes de précaution et d’action préventive (arrêt du 26 juin 2019, Craeynest e.a., C‑723/17, EU:C:2019:533, point 33 ainsi que jurisprudence citée).

52 Partant, une dérogation ne saurait être octroyée sur le fondement de l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2010/75 si celle-ci est de nature à contribuer au dépassement de valeurs limites relatives à la qualité de l’air fixées par la directive 2008/50 pour le SO2.

53 À cet égard, il convient, en outre, de préciser que, en vertu du principe de précaution, si des incertitudes subsistent sur le point de savoir si des valeurs limites d’émission moins strictes entraînent ou n’entraînent pas une « pollution importante », au sens de l’article 15, paragraphe 4, quatrième alinéa, de la directive 2010/75, une dérogation ne peut être accordée (voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2019, Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola, C‑674/17, EU:C:2019:851, point 66).

54 Dans ce même contexte, l’octroi d’une dérogation au titre de l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2010/75 requiert une appréciation globale tenant compte de toutes les sources de polluants et de leur effet cumulé de façon à garantir que, même si une dérogation est octroyée pour l’une des sources, la somme de leurs émissions n’entraînera aucun dépassement des valeurs limites relatives à la qualité de l’air telles que définies par la directive 2008/50.

55 En deuxième lieu, il convient de rappeler que la dérogation prévue à l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2010/75 est sans préjudice de l’application de l’article 18 de cette directive. Cet article 18 prévoit que, si une norme de qualité environnementale requiert des conditions plus sévères que celles pouvant être atteintes par l’utilisation des MTD, des mesures supplémentaires sont ajoutées dans l’autorisation, sans préjudice d’autres mesures pouvant être prises pour respecter les normes
de qualité environnementale.

56 L’article 3, point 6, de la directive 2010/75 définit la notion de « norme de qualité environnementale » comme la série d’exigences devant être satisfaites à un moment donné par un environnement donné ou une partie spécifique de celui-ci, telles que spécifiées dans le droit de l’Union.

57 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, de telles normes ont trait à des exigences concrètes de caractère qualitatif, relatives aux concentrations en substances polluantes, devant être satisfaites à un moment donné par le milieu particulier concerné (voir, en ce sens, arrêt du 26 mai 2011, Stichting Natuur en Milieu e.a., C‑165/09 à C‑167/09, EU:C:2011:348, point 62).

58 Il y a également lieu de rappeler que, ainsi que cela est souligné au point 42 du présent arrêt, le considérant 18 de la directive 2008/50 indique expressément qu’il convient de prendre dûment en considération les objectifs de qualité de l’air ambiant prévus par cette directive, lorsque des autorisations sont accordées à des activités industrielles telles que celles couvertes par la directive 2010/75.

59 Eu égard à ce qui précède et ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé aux points 82 et suivants de ses conclusions, il y a lieu de considérer que les valeurs limites de qualité de l’air prévues pour certains polluants à l’article 13 et à l’annexe XI de la directive 2008/50 constituent de telles « normes de qualité environnementale », au sens de l’article 18 de la directive 2010/75.

60 En effet, les valeurs limites relatives à la qualité de l’air doivent, en principe, être respectées à tout moment et en tout lieu de l’Union [voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2020, Commission/Roumanie (Dépassement des valeurs limites pour les PM10), C‑638/18, non publié, EU:C:2020:334, points 73 et 74, et du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, points 96 et 97].

61 Or, le fait que la définition des « normes de qualité environnementale » fasse référence à une série d’exigences ne devant être satisfaites qu’« à un moment donné » n’exclut pas que les valeurs limites relatives à la qualité de l’air, qui doivent être respectées en permanence, soient comprises dans cette définition. En effet, si ladite définition permet l’inclusion d’exigences qui n’ont pas à être respectées de façon permanente, des exigences de nature permanente sont a fortiori des « normes de
qualité environnementale », au sens de la même définition, car elles sont valables à tout moment.

62 L’article 18 de la directive 2010/75 confirme ainsi l’interprétation de l’article 15, paragraphe 4, de cette directive selon laquelle l’autorité compétente doit apprécier si le fait de fixer des valeurs limites d’émission moins strictes pour les polluants atmosphériques émanant d’une installation donnée contribuerait au dépassement des valeurs limites de qualité de l’air fixées en ce qui concerne les concentrations de telles sources de pollution dans la zone ou l’agglomération concernée
conformément à l’article 13 de la directive 2008/50 et, à supposer qu’il en soit ainsi, s’abstenir d’accorder une dérogation qui compromettrait le respect des normes de qualité environnementale.

63 En troisième lieu, il importe encore de préciser que, lorsque les valeurs limites de qualité de l’air sont dépassées dans la zone d’influence d’une installation donnée, l’octroi éventuel d’une telle dérogation aux valeurs limites d’émission ne saurait intervenir que dans le respect des prescriptions des plans relatifs à la qualité de l’air, au sens de l’article 23 de la directive 2008/50, ayant dû être établis dans un tel contexte de dépassement.

64 En effet, premièrement, eu égard à ce qui est rappelé au point 40 du présent arrêt et ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé au point 67 de ses conclusions, si les États membres sont libres d’organiser les compétences de leurs autorités en prévoyant que le plan relatif à la qualité de l’air concerné résulte de différents actes adoptés par différentes autorités, ils doivent, toutefois, s’assurer que ces actes respectent, dans leur ensemble, les prescriptions de l’article 23 de la
directive 2008/50 et atteignent, en commun, l’objectif du respect des valeurs limites de la qualité de l’air.

65 Deuxièmement, ainsi qu’il ressort des points 46 à 50 du présent arrêt, une dérogation aux valeurs limites d’émission ne peut être octroyée en vertu de l’article 15, paragraphe 4, quatrième alinéa, de la directive 2010/75, lorsque celle-ci est de nature à contribuer à une « pollution importante », au sens de cette disposition et, notamment, à un dépassement des valeurs limites de qualité de l’air pour le SO2 instituées en vertu de la directive 2008/50. Or, les exigences fixées par les plans
relatifs à la qualité de l’air visent précisément à lutter contre de tels dépassements en faisant en sorte que la période de dépassement soit la plus courte possible.

66 Partant, l’autorité compétente pour octroyer une telle dérogation doit également s’abstenir de fixer des valeurs limites d’émission moins strictes pour les polluants provenant d’une installation dès lors qu’une telle dérogation serait contraire aux mesures établies dans le plan relatif à la qualité de l’air adopté dans la zone ou l’agglomération concernée conformément à l’article 23 de la directive 2008/50, notamment celles prescrivant, comme en l’occurrence, le respect de taux de désulfuration,
et compromettrait la réalisation de l’objectif consistant à veiller à ce que la période de dépassement des valeurs limites soit la plus courte possible.

67 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 15, paragraphe 4 de la directive 2010/75, lu en combinaison avec l’article 18 de celle-ci ainsi qu’avec les articles 13 et 23 de la directive 2008/50, doit être interprété en ce sens que, lors de l’examen d’une demande de dérogation au titre de cet article 15, paragraphe 4, l’autorité compétente doit, en tenant compte de toutes les données scientifiques pertinentes relatives à la
pollution, y compris l’effet cumulé avec d’autres sources du polluant en cause, ainsi que des mesures prévues dans le plan pertinent relatif à la qualité de l’air établi pour la zone ou l’agglomération concernées conformément à l’article 23 de la directive 2008/50, refuser une telle dérogation lorsque celle-ci est de nature à contribuer au dépassement des normes de qualité de l’air définies en vertu de l’article 13 de la directive 2008/50 ou à contrevenir aux mesures que comporte ce plan visant à
assurer le respect de ces normes et à limiter la période de dépassement de celles-ci à une durée aussi courte que possible.

Sur les dépens

68 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

  L’article 15, paragraphe 4, de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution), lu en combinaison avec l’article 18 de celle-ci ainsi qu’avec les articles 13 et 23 de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe,

  doit être interprété en ce sens que :

  lors de l’examen d’une demande de dérogation au titre de cet article 15, paragraphe 4, l’autorité compétente doit, en tenant compte de toutes les données scientifiques pertinentes relatives à la pollution, y compris l’effet cumulé avec d’autres sources du polluant en cause, ainsi que des mesures prévues dans le plan pertinent relatif à la qualité de l’air établi pour la zone ou l’agglomération concernées conformément à l’article 23 de la directive 2008/50, refuser une telle dérogation lorsque
celle-ci est de nature à contribuer au dépassement des normes de qualité de l’air définies en vertu de l’article 13 de la directive 2008/50 ou à contrevenir aux mesures que comporte ce plan visant à assurer le respect de ces normes et à limiter la période de dépassement de celles-ci à une durée aussi courte que possible.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-375/21
Date de la décision : 09/03/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Varhoven administrativen sad.

Renvoi préjudiciel – Environnement – Qualité de l’air ambiant – Directive 2008/50/CE – Articles 13 et 23 – Valeurs limites pour la protection de la santé humaine – Dépassement – Plan relatif à la qualité de l’air – Directive 2010/75/UE – Prévention et réduction intégrées de la pollution – Actualisation d’une autorisation d’exploiter une centrale thermique – Valeurs limites d’émission – Article 15, paragraphe 4 – Demande de dérogation fixant des valeurs limites d’émission moins strictes – Pollution importante – Article 18 – Respect des normes de qualité environnementale – Obligations de l’autorité compétente.

Principes, objectifs et mission des traités

Environnement


Parties
Demandeurs : Sdruzhenie « Za Zemyata – dostap do pravosadie » e.a.
Défendeurs : Izpalnitelen director na Izpalnitelna agentsia po okolna sreda et « TETS Maritsa iztok 2 » EAD.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Passer

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:173

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