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26/01/2023 | CJUE | N°C-403/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, SC NV Construct SRL contre Judeţul Timiş., 26/01/2023, C-403/21


 ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

26 janvier 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 267 TFUE – Notion de “juridiction nationale” – Critères – Indépendance et caractère obligatoire de la juridiction de l’organisme national concerné – Stabilité des membres de cet organisme – Directive 2014/24/UE – Procédures de passation des marchés publics – Article 58 – Critères de sélection – Possibilité d’inclure, dans ces critères, des obligations issues de réglementations spéciales applicables aux activités liées au

marché en cause et non prévues en tant que
critère de sélection dans les documents de marché – Article 63, paragraphe 1...

 ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

26 janvier 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 267 TFUE – Notion de “juridiction nationale” – Critères – Indépendance et caractère obligatoire de la juridiction de l’organisme national concerné – Stabilité des membres de cet organisme – Directive 2014/24/UE – Procédures de passation des marchés publics – Article 58 – Critères de sélection – Possibilité d’inclure, dans ces critères, des obligations issues de réglementations spéciales applicables aux activités liées au marché en cause et non prévues en tant que
critère de sélection dans les documents de marché – Article 63, paragraphe 1 – Soumissionnaire recourant aux capacités d’une autre entité pour satisfaire aux exigences du pouvoir adjudicateur – Impossibilité d’imposer le recours à la sous-traitance »

Dans l’affaire C‑403/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiliul Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor (Conseil national pour la résolution des contestations, Roumanie), par décision du 22 juin 2021, parvenue à la Cour le 29 juin 2021, dans la procédure

SC NV Construct SRL

contre

Judeţul Timiş,

en présence de :

SC Proiect – Construct Regiunea Transilvania SRL,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe, présidente de chambre, MM. M. Safjan, N. Piçarra, N. Jääskinen et M. Gavalec (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par M. P. Ondrůšek, Mme E. A. Stamate et M. G. Wils, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 58 et 63 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), ainsi que sur les principes de proportionnalité, de responsabilité et de transparence.

2 Cette demande a été introduite dans le cadre d’un litige opposant SC NV Construct SRL au Judeţul Timiş (département de Timiș, Roumanie) au sujet de la passation d’un marché public destiné à évaluer la faisabilité de la construction d’une route.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 89/665/CEE

3 Intitulé « Exigences en matière de procédures de recours », l’article 2 de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO 1989, L 395, p. 33), telle que modifiée par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007 (JO 2007, L 335, p. 31)
(ci-après la « directive 89/665 »), prévoit, à son paragraphe 9 :

« Lorsque les instances responsables des procédures de recours ne sont pas de nature juridictionnelle, leurs décisions sont toujours motivées par écrit. En outre, dans ce cas, des dispositions doivent être prises pour garantir les procédures par lesquelles toute mesure présumée illégale prise par l’instance de base ou tout manquement présumé dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés peuvent faire l’objet d’un recours juridictionnel ou d’un recours auprès d’une autre instance qui est une
juridiction au sens de l’article [267 TFUE] et qui est indépendante par rapport au pouvoir adjudicateur et à l’instance de base.

La nomination des membres de cette instance indépendante et la cessation de leur mandat sont soumises aux mêmes conditions que celles applicables aux juges en ce qui concerne l’autorité responsable de leur nomination, la durée de leur mandat et leur révocabilité. Au moins le président de cette instance indépendante a les mêmes qualifications juridiques et professionnelles qu’un juge. L’instance indépendante prend ses décisions à l’issue d’une procédure contradictoire, et ces décisions ont, par les
moyens déterminés par chaque État membre, des effets juridiques contraignants. »

La directive 2014/24

4 Intitulé « Principes de la passation de marchés », l’article 18 de la directive 2014/24 dispose, à son paragraphe 1 :

« Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent d’une manière transparente et proportionnée.

Un marché ne peut être conçu dans l’intention de le soustraire au champ d’application de la présente directive ou de limiter artificiellement la concurrence. La concurrence est considérée comme artificiellement limitée lorsqu’un marché est conçu dans l’intention de favoriser ou de défavoriser indûment certains opérateurs économiques. »

5 L’article 42 de cette directive se rapporte aux « [s]pécifications techniques ».

6 Intitulé « Critères de sélection », l’article 58 de ladite directive est libellé comme suit :

« 1.   Les critères de sélection peuvent avoir trait :

a) à l’aptitude à exercer l’activité professionnelle ;

b) à la capacité économique et financière ;

c) aux capacités techniques et professionnelles.

Les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent imposer comme conditions de participation aux opérateurs économiques que les critères visés aux paragraphes 2, 3 et 4. Ils limitent ces conditions à celles qui sont propres à garantir qu’un candidat ou un soumissionnaire dispose de la capacité juridique et financière ainsi que des compétences techniques et professionnelles nécessaires pour exécuter le marché à attribuer. Toutes les conditions sont liées et proportionnées à l’objet du marché.

2.   En ce qui concerne l’aptitude à exercer l’activité professionnelle, les pouvoirs adjudicateurs peuvent imposer aux opérateurs économiques d’être inscrits sur un registre professionnel ou sur un registre du commerce de leur État membre d’établissement, visé à l’annexe XI, ou de se conformer à toute autre exigence énoncée dans ladite annexe.

Dans les procédures de passation de marché de services, lorsque les opérateurs économiques ont besoin d’une autorisation spécifique ou doivent être membres d’une organisation spécifique pour pouvoir fournir dans leur pays d’origine le service concerné, le pouvoir adjudicateur peut leur demander de prouver qu’ils possèdent cette autorisation ou qu’ils appartiennent à cette organisation.

[...]

4.   En ce qui concerne les capacités techniques et professionnelles, les pouvoirs adjudicateurs peuvent imposer des conditions garantissant que les opérateurs économiques possèdent les ressources humaines et techniques et l’expérience nécessaires pour exécuter le marché en assurant un niveau de qualité approprié.

Les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger notamment que les opérateurs économiques disposent d’un niveau d’expérience suffisant, démontré par des références adéquates provenant de marchés exécutés antérieurement. [...]

[...]

5.   Les conditions de participation requises, qui peuvent être exprimées en tant que capacités minimales, ainsi que les moyens de preuve acceptables sont indiqués par les pouvoirs adjudicateurs dans l’avis de marché ou dans l’invitation à confirmer l’intérêt. »

7 Intitulé « Recours aux capacités d’autres entités », l’article 63 de la même directive prévoit, à son paragraphe 1 :

« Un opérateur économique peut, le cas échéant et pour un marché déterminé, avoir recours aux capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens qui l’unissent à ces entités, en ce qui concerne les critères relatifs à la capacité économique et financière énoncés à l’article 58, paragraphe 3, et les critères relatifs aux capacités techniques et professionnelles, visés à l’article 58, paragraphe 4. En ce qui concerne les critères relatifs aux titres d’études et professionnels
visés à l’annexe XII, partie II, point f), ou à l’expérience professionnelle pertinente, les opérateurs économiques ne peuvent toutefois avoir recours aux capacités d’autres entités que lorsque ces dernières exécuteront les travaux ou fourniront les services pour lesquels ces capacités sont requises. Si un opérateur économique souhaite recourir aux capacités d’autres entités, il apporte au pouvoir adjudicateur la preuve qu’il disposera des moyens nécessaires, par exemple, en produisant
l’engagement de ces entités à cet effet.

Le pouvoir adjudicateur vérifie, conformément aux articles 59, 60 et 61, si les entités aux capacités desquelles l’opérateur économique entend avoir recours remplissent les critères de sélection applicables et s’il existe des motifs d’exclusion en vertu de l’article 57. Le pouvoir adjudicateur exige que l’opérateur économique remplace une entité qui ne remplit pas un critère de sélection applicable ou à l’encontre de laquelle il existe des motifs d’exclusion obligatoires. Le pouvoir adjudicateur
peut exiger ou peut être obligé par l’État membre à exiger que l’opérateur économique remplace une entité à l’encontre de laquelle il existe des motifs d’exclusion non obligatoires.

Lorsqu’un opérateur économique a recours aux capacités d’autres entités en ce qui concerne des critères ayant trait à la capacité économique et financière, le pouvoir adjudicateur peut exiger que l’opérateur économique et les autres entités en question soient solidairement responsables de l’exécution du marché.

Dans les mêmes conditions, un groupement d’opérateurs économiques visé à l’article 19, paragraphe 2, peut avoir recours aux capacités de participants du groupement ou d’autres entités. »

8 Intitulé « Critères d’attribution du marché », l’article 67 de la directive 2014/24 dispose, à son paragraphe 3 :

« Les critères d’attribution sont réputés être liés à l’objet du marché public lorsqu’ils se rapportent aux travaux, fournitures ou services à fournir en vertu du marché à quelque égard que ce soit et à n’importe quel stade de leur cycle de vie, y compris les facteurs intervenant dans :

a) le processus spécifique de production, de fourniture ou de commercialisation desdits travaux, produits ou services ; ou

b) un processus spécifique lié à un autre stade de leur cycle de vie,

même lorsque ces facteurs ne font pas partie de leur contenu matériel. »

9 Intitulé « Conditions d’exécution du marché », l’article 70 de cette directive énonce :

« Les pouvoirs adjudicateurs peuvent prévoir des conditions particulières concernant l’exécution d’un marché pour autant qu’elles soient liées à l’objet du marché au sens de l’article 67, paragraphe 3, et indiquées dans l’appel à la concurrence ou dans les documents de marché. Ces conditions peuvent prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social ou à l’emploi. »

Le droit roumain

La loi no 101/2016

10 La Legea nr. 101/2016 privind remediile și căile de atac în materie de atribuire a contractelor de achiziție publică, a contractelor sectoriale și a contractelor de concesiune de lucrări și concesiune de servicii, precum și pentru organizarea și funcționarea Consiliului Național de Soluționare a Contestațiilor (loi no 101/2016 relative aux remèdes et aux voies de recours en matière de passation de marchés publics, de marchés sectoriels et de marchés de concessions de travaux et de concessions de
services ainsi qu’à l’organisation et au fonctionnement du Conseil national pour la résolution des contestations), du 19 mai 2016 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 393 du 23 mai 2016), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi no 101/2016 »), dispose, à son article 2, paragraphe 1 :

« Toute personne qui estime qu’un de ses droits ou intérêts légitimes a été lésé par l’acte d’un pouvoir adjudicateur ou par un défaut de statuer sur une demande dans le délai prévu par la loi peut demander l’annulation de l’acte, l’obligation du pouvoir adjudicateur d’émettre un acte ou de prendre des mesures correctives ou encore la reconnaissance du droit allégué ou de l’intérêt légitime, par voie administrative et juridictionnelle ou judiciaire. »

11 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de cette loi :

« En vue de la résolution de la contestation, la personne qui s’estime lésée peut s’adresser :

a) soit, par la voie administrative et juridictionnelle, au Conseil national pour la résolution des contestations ;

b) soit, par la voie judiciaire, à un tribunal. »

12 L’article 15, paragraphe 1, de ladite loi prévoit :

« La procédure de résolution des contestations respecte les principes de légalité, de célérité, du contradictoire, de garantie des droits de la défense, d’impartialité et d’indépendance de l’activité administrative et juridictionnelle. »

13 Selon l’article 28, paragraphe 1, de la même loi :

« La décision du Conseil est contraignante pour les parties à l’affaire. »

14 L’article 37 de la loi no 101/2016 dispose :

« 1.   Le Conseil national pour la résolution des contestations [...] est une instance indépendante ayant une activité administrative et juridictionnelle.

[...]

3.   Dans le cadre de son activité, le Conseil ne se soumet qu’à la loi et les séances de la formation plénière du Conseil sont légalement constituées en présence de la majorité de ses membres.

4.   S’agissant de ses décisions, le Conseil est indépendant et n’est subordonné à aucune autorité ou institution publique. »

15 Il ressort de l’article 44, paragraphe 4, de cette loi :

« Le Conseil exerce ses compétences dans le respect des principes d’indépendance et de stabilité de ses membres. »

16 Aux termes de l’article 45 de ladite loi :

« 1.   Les membres du Conseil sont sélectionnés sur concours, ils sont nommés en fonction par décision du Premier ministre, dans les conditions prévues par la loi.

2.   Les membres du Conseil sont sélectionnés sur la base de leur aptitude professionnelle et de leur honorabilité. Les candidats doivent avoir [effectué] des études universitaires, dix ans d’expérience professionnelle dans le domaine juridique, économique ou technique ainsi qu’une expérience d’au moins trois ans dans le domaine des marchés publics.

[...]

4.   Le président du Conseil soumet au Premier ministre les propositions de nomination des membres du Conseil, pour les candidats déclarés admis au concours. »

17 L’article 47 de la même loi prévoit, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1.   Il est interdit aux membres du Conseil :

a) d’exercer des activités commerciales, directement ou par des intermédiaires ;

b) d’être associés ou membres des organes de gestion, d’administration ou de contrôle des sociétés civiles, des sociétés régies par la Legea societăților nr. 31/1990 [(loi no 31/1990 sur les sociétés)], republiée, telle que modifiée et complétée, y compris les banques ou autres établissements de crédit, les compagnies d’assurance ou les sociétés financières, les compagnies nationales, les sociétés nationales ou les régies autonomes ;

c) d’être membres d’un groupement d’intérêt économique ;

d) d’être membres d’un parti politique et d’exercer des activités de nature politique ou de participer à de telles activités ;

e) d’exercer toute fonction/activité publique ou privée, à l’exception des fonctions didactiques dans l’enseignement supérieur et de la création littéraire-artistique ;

f) d’exercer toute autre activité professionnelle ou de conseil.

2.   Les membres du Conseil sont tenus de présenter des déclarations de patrimoine et d’intérêts [...]

3.   Les membres du Conseil ne sont pas autorisés à participer à la résolution d’une contestation s’ils se trouvent dans l’une des situations prévues ci-dessous, sous peine de nullité de la décision rendue :

a) lorsqu’eux-mêmes, leur conjoint, leurs ascendants ou descendants ont un intérêt à l’issue du litige ou lorsqu’ils sont conjoints, parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclus de l’une des parties ;

b) s’il y a eu une procédure pénale opposant ceux-ci à l’une des parties jusqu’à cinq ans avant la résolution de l’affaire ;

c) s’ils se sont prononcés publiquement sur la contestation sur laquelle ils statuent ;

d) s’il s’avère qu’ils ont reçu de l’une des parties des biens matériels ou des promesses de biens matériels ou d’autres avantages. »

18 L’article 48 bis de la loi no 101/2016 énonce :

« 1.   La constatation des fautes disciplinaires commises par les membres du Conseil est du ressort de la commission de discipline qui sera créée dans le cadre du Conseil.

2.   La commission de discipline est composée de trois membres, dont un est nommé par le président du Conseil, un est élu par les membres du Conseil à la majorité simple et un est un représentant de l’agence nationale des fonctionnaires publics.

3.   Sur proposition de la commission de discipline, les sanctions disciplinaires sont appliquées par le président du Conseil, à l’exception de la sanction de la destitution de la fonction publique, qui est appliquée par la personne qui a la compétence légale de nomination à ladite fonction. »

Le règlement intérieur du Consiliul Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor (Conseil national pour la résolution des contestations, Roumanie)

19 L’article 39, paragraphe 1, du règlement intérieur du Consiliul Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor (Conseil national pour la résolution des contestations) énonce les sanctions disciplinaires qui peuvent être appliquées lorsqu’un fonctionnaire commet une faute disciplinaire, conformément, notamment, à l’Ordonanța de urgență a Guvernului nr. 57/2019 privind Codul administrativ (ordonnance d’urgence du gouvernement no 57/2019 portant code administratif), du 3 juillet 2019 (Monitorul Oficial al
României, partie I, no 555 du 5 juillet 2019, ci‑après le « code administratif »).

Le code administratif

20 L’article 492 du code administratif, intitulé « La responsabilité administrative disciplinaire », dispose :

« 1.   La violation fautive, par les fonctionnaires publics, des devoirs correspondant à la fonction publique qu’ils occupent et des règles de conduite professionnelle et civique prévues par la loi constitue une faute disciplinaire et entraîne leur responsabilité administrative disciplinaire.

2.   Les faits suivants constituent des fautes disciplinaires :

a) le retard systématique dans l’exécution des travaux ;

b) les négligences répétées dans l’exécution des travaux ;

c) l’absence injustifiée du travail ;

d) le non‑respect des horaires de travail ;

e) les interventions ou l’insistance pour le traitement de demandes en dehors du cadre légal ;

f) le non‑respect du secret professionnel ou de la confidentialité des travaux ayant cette nature ;

g) les manifestations qui portent atteinte au prestige de l’autorité ou de l’institution publique dans laquelle le fonctionnaire public exerce son activité ;

h) l’exercice d’activités à caractère politique pendant les heures de travail ;

i) le refus injustifié d’exercer ses tâches professionnelles ;

j) le refus injustifié de se soumettre aux contrôles de médecine du travail et aux examens médicaux suivant les recommandations du médecin du travail, conformément aux dispositions de la loi ;

k) la violation des dispositions relatives aux devoirs et aux interdictions prévus par la loi pour les fonctionnaires publics, autres que celles relatives aux conflits d’intérêts et aux incompatibilités ;

l) la violation des dispositions relatives aux incompatibilités si le fonctionnaire public n’agit pas pour y mettre fin dans un délai de quinze jours civils à compter de la date de survenance du cas d’incompatibilité ;

m) la violation des dispositions relatives aux conflits d’intérêts ;

n) les autres faits prévus comme fautes disciplinaires dans les actes normatifs concernant la fonction publique et les fonctionnaires ou applicables à ceux-ci.

3.   Les sanctions disciplinaires sont :

[...]

f) la destitution de la fonction publique.

4.   Les fautes disciplinaires visées au paragraphe 2 sont passibles des sanctions disciplinaires suivantes :

a) l’une des sanctions disciplinaires visées au paragraphe 3, sous a) ou b), pour les fautes disciplinaires visées au paragraphe 2, sous a), b) et d) ;

b) l’une des sanctions disciplinaires visées au paragraphe 3, sous b) à f), pour les fautes disciplinaires visées au paragraphe 2, sous c) ;

c) l’une des sanctions disciplinaires visées au paragraphe 3, sous c) à f), pour les fautes disciplinaires visées au paragraphe 2, sous e) à h) ;

d) l’une des sanctions disciplinaires visées au paragraphe 3, pour les fautes disciplinaires visées au paragraphe 2, sous i) à k) et m) ;

e) la sanction disciplinaire visée au paragraphe 3, sous f), dans les conditions prévues à l’article 520, pour les fautes disciplinaires visées au paragraphe 2, sous l) ;

f) l’une des sanctions disciplinaires visées au paragraphe 3, pour les fautes disciplinaires visées au paragraphe 2, sous n).

[...]

6.   Lors de l’individualisation de la sanction disciplinaire, conformément aux dispositions du paragraphe 4, il est tenu compte des causes et de la gravité de la faute disciplinaire, des circonstances dans lesquelles elle a été commise, du degré de culpabilité et des conséquences de la faute, de la conduite générale du fonctionnaire pendant le service ainsi que de l’existence, parmi ses antécédents, d’autres sanctions disciplinaires qui n’ont pas été radiées dans les conditions prévues par le
présent code.

[...] »

21 Il ressort de l’article 568, paragraphe 2, de ce code :

« La responsabilité administrative disciplinaire est établie dans le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense et soumise au contrôle des tribunaux administratifs, dans les conditions prévues par la loi. »

La loi relative aux marchés publics

22 L’article 3 de la Legea nr. 98/2016 privind achiziţiile publice (loi no 98/2016 relative aux marchés publics), du 19 mai 2016 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 390 du 23 mai 2016, ci-après la « loi relative aux marchés publics »), dispose, à ses points w) et yy) :

« w) fournisseur – entité qui met à la disposition d’un contractant des produits, y compris des services d’installation ou de placement de ceux‑ci, le cas échéant, ou qui fournit des services à celui-ci, qui n’a pas la qualité de sous-traitant ;

[...]

yy) sous-traitant – tout opérateur économique qui n’est pas partie à un marché public et qui exécute et/ou fournit certaines parties ou éléments des travaux ou de la construction ou réalise des activités faisant partie de l’objet du marché public, en étant responsable, vis-à-vis du contractant, de l’organisation et du déroulement de toutes les étapes nécessaires à cette fin ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

23 Le 6 avril 2021, dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres ouverte organisée en vue de l’attribution d’un marché ayant pour objet l’« élaboration de la documentation technico-économique – phases étude de faisabilité et projet technique – concernant l’investissement : construction de la route départementale reliant l’aéroport international “Traian Vuia” de Timișoara à l’autoroute Al », le département de Timiș a, en sa qualité de pouvoir adjudicateur, classé NV Construct en quatrième position.

24 Le 16 avril 2021, cette dernière a saisi le Consiliul Național de Soluționare a Contestațiilor (Conseil national pour la résolution des contestations), qui est l’organisme de renvoi, en vue d’obtenir la disqualification des trois soumissionnaires classés devant elle, ainsi qu’une nouvelle appréciation de leurs offres.

25 NV Construct fait valoir, en substance, que ces trois soumissionnaires n’ont pas respecté des prescriptions qui ne figuraient pas dans les documents de marché, mais qui s’imposaient sur la base de lois spéciales régissant diverses activités qui devront être réalisées lors de l’exécution du marché ou qui sont susceptibles de l’être. Le pouvoir adjudicateur aurait ainsi dû vérifier que les soumissionnaires ou leurs sous-traitants étaient autorisés et agréés par l’Autoritatea Feroviară Română
(autorité ferroviaire roumaine, Roumanie). En outre, dès lors que l’adjudicataire entendait recourir aux capacités d’entités tierces pour exécuter le marché, il aurait nécessairement dû, afin de se conformer à l’article 3, paragraphe 1, sous yy), de la loi relative aux marchés publics, faire appel à des sous-traitants, à l’exclusion de toute autre forme de coopération. Enfin, il aurait fallu désigner un sous-traitant pour l’activité « Services en vue de l’établissement de la documentation aux
fins de l’avis et de l’approbation de [la mise en jachère] des terres expropriées et du changement de catégorie d’utilisation », même s’il n’est pas certain qu’il faudra recourir à ces services, puisque les documents de marché précisent que cette activité devra être réalisée « uniquement le cas échéant ».

26 Le pouvoir adjudicateur et l’adjudicataire soutiennent, pour leur part, que les documents de marché ne comportent aucune indication relative à la nécessité de mentionner dans l’offre exclusivement des opérateurs agréés par l’autorité ferroviaire roumaine et l’Asociația Națională a Evaluatorilor Autorizați din România (association nationale des évaluateurs agréés de Roumanie). En outre, selon le pouvoir adjudicateur, au moment de la soumission des offres, il est impossible de savoir s’il sera
nécessaire de recourir aux services d’élaboration de la documentation en vue de la mise en jachère des terres expropriées et d’élaborer une étude de pédologie. Telle serait la raison pour laquelle l’adjudicataire a indiqué, dans son offre, qu’il se chargerait, lui-même et « uniquement le cas échéant », d’établir cette documentation. Par ailleurs, le fait qu’il n’a pas mentionné d’emblée son intention de sous-traiter ces services ne soulèverait pas de difficulté, puisqu’il pourrait solliciter de
nouveaux sous-traitants après la signature du marché. De surcroît, des experts de l’association nationale des évaluateurs agréés auraient été désignés et auraient produit des déclarations de disponibilité.

27 À titre liminaire, l’organisme de renvoi relève que la valeur du marché de services à attribuer est estimée à 1970967 lei roumains (RON) (environ 421553 euros), de telle sorte qu’elle dépasse le seuil d’applicabilité de la directive 2014/24.

28 Cet organisme souligne que les juridictions roumaines sont divisées quant au point de savoir si un pouvoir adjudicateur peut exclure un opérateur économique dont l’offre ne respecte pas une obligation découlant de la réglementation applicable à une profession, sans même lui laisser la possibilité de rectifier son offre et alors que cette obligation n’était pas expressément mentionnée dans les documents du marché en cause.

29 La présente affaire offrirait, dès lors, l’occasion de clarifier la question de savoir, d’une part, si les réglementations spéciales relatives à chaque activité concernée par un marché, quelle que soit l’importance de ces activités dans ce marché, doivent être réputées compléter les documents de marché et, d’autre part, si les soumissionnaires doivent obligatoirement désigner dans leur offre, sous peine de la voir rejetée, les sous-traitants auxquels ils confieront les activités qui n’ont pas une
importance significative dans ledit marché.

30 Le Consiliul Național de Soluționare a Contestațiilor (Conseil national pour la résolution des contestations) relève qu’il découle notamment de l’arrêt du 2 juin 2016, Pizzo (C‑27/15, EU:C:2016:404), qu’un opérateur économique ne saurait être exclu de la procédure au motif qu’il n’a pas respecté des exigences non prévues dans les documents de marché.

31 Or, dans l’affaire au principal, les règles relatives aux activités de construction, de modernisation, d’entretien et de réparation de l’infrastructure ferroviaire, qui ne figuraient pas dans les documents de marché, ne s’imposeraient à l’adjudicataire qu’au stade de l’exécution du marché en cause. En outre, le nombre d’opérateurs économiques agréés pour certaines activités de ce marché serait limité. Partant, l’obligation de les désigner en tant que sous-traitants diminuerait drastiquement la
concurrence, tout en augmentant la charge administrative des participants à la procédure d’appel d’offres en cause au principal, ce qui pourrait être contraire au principe de proportionnalité. L’organisme de renvoi se demande, par conséquent, s’il est nécessaire d’exiger systématiquement des soumissionnaires qu’ils désignent leurs éventuels sous-traitants au moment de la soumission de l’offre, quels que soient l’importance des activités qui leur seront confiées dans ledit marché, le moment auquel
ces sous-traitants interviendront durant l’exécution du même marché, ou encore la probabilité qu’ils soient sollicités.

32 Par ailleurs, selon cet organisme, les documents de marché ne sauraient être complétés par certains critères dont le caractère contraignant résulterait de lois spéciales sans pertinence en matière de marchés publics. En effet, le fait de compléter automatiquement les documents de marché par de tels critères méconnaîtrait le principe de proportionnalité et remettrait en cause la marge d’appréciation que l’article 58, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2014/24 reconnaît au pouvoir
adjudicateur quant à la fixation des critères de sélection.

33 De même, dans le cadre de leurs recours éventuels, les opérateurs économiques lésés pourraient uniquement contester les documents de marché qu’ils estiment trop restrictifs, sans pouvoir soutenir que ceux-ci sont trop permissifs et qu’ils devraient inclure des critères supplémentaires de nature à restreindre l’accès d’autres opérateurs à la procédure en cause.

34 De surcroît, les opérateurs économiques moins bien classés ne sauraient remettre en cause une évaluation des offres effectuée conformément aux exigences énoncées dans les documents de marché. Au contraire, ils devraient démontrer que cette évaluation ne respecte pas ces documents, de sorte que le principe de transparence aurait été méconnu.

35 Enfin, imposer la sous‑traitance comme unique forme d’exercice d’une activité d’un marché enfreindrait la liberté contractuelle, le droit d’organisation des opérateurs économiques et l’article 63 de la directive 2014/24. En effet, dans la mesure où il découlerait de cet article 63 que la production d’un engagement suffit à démontrer le respect de critères de sélection, une simple déclaration de disponibilité devrait a fortiori suffire lorsque, s’agissant d’activités ayant une importance mineure
dans le marché, le respect de tels critères n’est pas exigé.

36 Dans ces conditions, le Consiliul Național de Soluționare a Contestațiilor (Conseil national pour la résolution des contestations) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 58 de la directive [2014/24], le principe de proportionnalité et le principe de responsabilité doivent-ils être interprétés en ce sens que le pouvoir adjudicateur a le droit d’établir les critères relatifs à la capacité technique, c’est‑à‑dire d’apprécier s’il y a lieu ou non d’inclure dans les documents de marché des critères relatifs à la capacité technique et professionnelle ainsi qu’à l’aptitude à exercer l’activité technique et professionnelle qui résulteraient de dispositions
de lois spéciales, pour des activités dans le cadre du marché n’ayant pas une importance significative ?

2) Les principes de transparence et de proportionnalité s’opposent-ils à ce que les documents de marché soient automatiquement complétés par des critères de qualification qui résulteraient de lois spéciales applicables à des activités liées au marché à attribuer[,] qui n’ont pas été prévus dans les documents de marché et que le pouvoir adjudicateur a entendu ne pas imposer aux opérateurs économiques ?

3) a) L’article 63 de la directive [2014/24] et le principe de proportionnalité s’opposent-ils à ce que soit exclu de la procédure un soumissionnaire qui n’a pas désigné d’opérateur en tant que sous-traitant afin de démontrer le respect de critères relatifs à la capacité technique et professionnelle ainsi qu’à l’aptitude à exercer l’activité technique et professionnelle qui résulteraient de dispositions de lois spéciales et qui n’ont pas été prévus dans les documents de marché, lorsque le
soumissionnaire concerné a choisi une autre modalité contractuelle d’intervention des spécialistes dans le marché, à savoir [un] contrat de fourniture/de prestation de services, ou a présenté [une] déclaration de disponibilité de leur part ?

b) L’opérateur économique a-t-il le droit d’établir son organisation et les relations contractuelles au sein du groupe et peut-il également faire intervenir des prestataires/fournisseurs dans le marché si le prestataire concerné ne fait pas partie des entités sur la capacité desquelles le soumissionnaire entend se fonder afin de démontrer le respect des critères pertinents ? »

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

37 À titre liminaire, il convient de vérifier si le Consiliul Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor (Conseil national pour la résolution des contestations) peut être qualifié de « juridiction nationale », au sens de l’article 267 TFUE.

38 En effet, bien que l’organisme de renvoi considère que cette qualité lui a été reconnue par la Cour dans l’ordonnance du 17 octobre 2018, Beny Alex (C‑353/18, non publiée, EU:C:2018:829), force est de constater que, dans cette ordonnance, la Cour s’est limitée à rejeter la demande de décision préjudicielle qui lui avait été adressée par cet organisme comme étant manifestement irrecevable, au sens de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, sans qualifier ledit organisme
de « juridiction nationale », au sens de l’article 267 TFUE.

39 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence constante de la Cour, pour apprécier si l’organisme de renvoi en cause possède le caractère d’une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, question qui relève uniquement du droit de l’Union, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels que l’origine légale de cet organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de sa procédure, l’application, par l’organisme, des règles de droit ainsi que son
indépendance (voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 1966, Vaassen-Göbbels, 61/65, EU:C:1966:39, p. 395, et du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, point 51).

40 Eu égard aux informations que le Consiliul Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor (Conseil national pour la résolution des contestations) a fourni à la Cour le 6 juillet 2022 en réponse à une demande que celle-ci lui a adressée le 16 mai 2022, il n’y a pas lieu de douter que cet organisme satisfait aux critères tenant à son origine légale, à sa permanence, à la nature contradictoire de sa procédure et à l’application, par ledit organisme, de règles de droit. En revanche, la question se pose de
savoir si le même organisme répond, d’une part, au critère du caractère obligatoire de sa juridiction et, d’autre part, à celui d’indépendance.

41 S’agissant, en premier lieu, du caractère obligatoire de la juridiction de l’organisme de renvoi, il résulte certes de l’article 4, paragraphe 1, de la loi no 101/2016, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, de cette loi, que toute personne qui estime qu’un de ses droits ou intérêts légitimes a été lésé par un acte ou une omission d’un pouvoir adjudicateur peut choisir de s’adresser soit, par la voie administrative et juridictionnelle, au Consiliul Naţional de Soluţionare a
Contestaţiilor (Conseil national pour la résolution des contestations), soit, par la voie judiciaire, à un tribunal doté d’une section de contentieux administratif. Il ressort du dossier dont dispose la Cour que le législateur roumain a ainsi choisi, en vue de transposer l’article 2, paragraphe 9, de la directive 89/665, telle que modifiée par la directive 2007/66, d’attribuer concurremment la compétence pour connaître de ce type de litiges à l’organisme de renvoi, d’une part, et aux tribunaux
disposant d’une section de contentieux administratif, d’autre part.

42 Cela étant, il convient de relever que les décisions du Consiliul Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor (Conseil national pour la résolution des contestations), dont la compétence ne dépend pas de l’accord des parties, sont contraignantes pour ces dernières (voir, par analogie, arrêt du 6 octobre 2015, Consorci Sanitari del Maresme, C‑203/14, EU:C:2015:664, point 23).

43 Dans ces conditions, le Consiliul Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor (Conseil national pour la résolution des contestations) satisfait au critère du caractère obligatoire de sa juridiction.

44 En second lieu, s’agissant du critère d’indépendance, le volet externe de ce principe d’indépendance des juridictions nationales requiert que l’organisme concerné exerce ses fonctions en toute autonomie, sans être soumis à un quelconque lien hiérarchique ou de subordination à l’égard de quiconque et sans recevoir d’ordres ou d’instructions de quelque origine que ce soit. À cet égard, il est crucial que soit garantie l’inamovibilité des membres de l’organisme concerné, de sorte que les cas de
révocation des membres de cet organisme soient déterminés par une réglementation particulière, au moyen de dispositions législatives expresses offrant des garanties dépassant celles prévues par les règles générales du droit administratif et du droit du travail s’appliquant en cas de révocation abusive (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, points 56 à 60).

45 Quant au volet interne du principe d’indépendance des juridictions nationales, il rejoint la notion d’« impartialité » et vise l’égale distance par rapport aux parties au litige et à leurs intérêts respectifs au regard de l’objet de celui-ci. Ainsi la notion d’« indépendance » implique-t-elle avant tout que l’organisme concerné ait la qualité de tiers par rapport à l’autorité qui a adopté la décision frappée d’un recours (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14,
EU:C:2020:17, points 61 et 62).

46 Ces garanties d’indépendance et d’impartialité postulent l’existence de règles, notamment en ce qui concerne la composition de l’organisme, la nomination, la durée des fonctions ainsi que les causes d’abstention, de récusation et de révocation de ses membres, qui permettent d’écarter tout doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de cet organisme à l’égard d’éléments extérieurs et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent (arrêt du 21 janvier 2020,
Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, point 63).

47 En l’occurrence, ainsi qu’il ressort des informations dont dispose la Cour, la loi no 101/2016 souligne, à plusieurs reprises, le volet externe de l’indépendance du Consiliul Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor (Conseil national pour la résolution des contestations). C’est ainsi que les paragraphes 1, 3 et 4 de l’article 37 de cette loi prévoient respectivement que ce conseil « est une instance indépendante ayant une activité administrative et juridictionnelle », qu’il « ne se soumet qu’à la
loi » et qu’il « est indépendant et n’est subordonné à aucune autorité ou institution publique ». Il ressort également de l’article 15, paragraphe 1, de ladite loi que la procédure de résolution des contestations respecte, notamment, le principe d’indépendance de l’activité administrative et juridictionnelle. L’article 44, paragraphe 4, de la même loi dispose, dans le même ordre d’idées, que le Consiliul Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor (Conseil national pour la résolution des
contestations) « exerce ses compétences dans le respect des principes d’indépendance et de stabilité de ses membres ».

48 S’agissant de la nomination des membres de cet organisme, il ressort de l’article 45 de la loi no 101/2016 que ces membres sont sélectionnés sur concours, sur la base de leur aptitude professionnelle et de leur honorabilité, parmi les candidats disposant d’une formation universitaire et d’une expérience professionnelle d’une durée de dix ans dans les domaines visés à cet article, ainsi que d’une expérience d’au moins trois ans dans le domaine des marchés publics. Ils sont nommés par décision du
Premier ministre, sur proposition du président dudit organisme, pour les candidats déclarés admis au concours.

49 Par ailleurs, il résulte de l’article 48 bis de la loi no 101/2016 que les fautes disciplinaires commises par les membres de l’organisme de renvoi ne peuvent être constatées que par une commission de discipline constituée en son sein. Sur proposition de cette commission, les sanctions disciplinaires sont appliquées par le président de cet organisme, sous réserve de la destitution de la fonction publique, qui ne peut être prononcée que par l’autorité de nomination des membres dudit organisme, à
savoir le Premier ministre roumain.

50 De surcroît, l’article 39, paragraphe 1, du règlement intérieur du Consiliul Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor (Conseil national pour la résolution des contestations) prévoit une échelle de sanctions proportionnées, conformément à l’article 492, paragraphe 6, du code administratif.

51 Enfin, le fait que cet article 39 renvoie au code administratif pour identifier les hypothèses dans lesquelles un membre du Consiliul Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor (Conseil national pour la résolution des contestations) encourt une sanction de révocation de la fonction publique est de nature à garantir la sécurité juridique.

52 Ainsi cette sanction peut-elle notamment être prononcée contre un membre du Consiliul Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor (Conseil national pour la résolution des contestations) qui serait dans l’impossibilité de justifier son absence au travail ou qui n’aurait pas respecté les règles relatives au secret professionnel ou aux conflits d’intérêts. De telles situations, visées à l’article 492, paragraphe 2, du code administratif, lu en combinaison avec le paragraphe 4 de cet article,
correspondent à des hypothèses exceptionnelles traduisant des motifs légitimes et impérieux justifiant l’adoption d’une telle sanction, dans le respect du principe de proportionnalité et des procédures appropriées (voir, par analogie, arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, points 59, 60 et 67). Partant, les membres du Consiliul Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor (Conseil national pour la résolution des contestations) jouissent, pendant la durée de leur mandat,
d’une garantie de stabilité à laquelle il ne peut être dérogé que pour des causes expressément énumérées par la loi (voir, par analogie, arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, point 70).

53 Il y a cependant lieu de préciser que le principe de stabilité dont bénéficient, en vertu de l’article 44, paragraphe 4, de la loi no 101/2016, les membres du Consiliul Național de Soluționare a Contestațiilor (Conseil national pour la résolution des contestations) doit être interprété conformément au critère d’indépendance tel que défini au point 44 du présent arrêt, auquel doit répondre tout organisme national pour pouvoir être qualifié de « juridiction nationale », au sens de
l’article 267 TFUE, afin de coïncider avec le principe d’inamovibilité.

54 Il convient, en outre, de relever que, dans la réponse visée au point 40 du présent arrêt, le Consiliul Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor (Conseil national pour la résolution des contestations) a souligné que ses membres sont soumis à des incompatibilités et à des interdictions analogues à celles imposées aux magistrats, et que la révocation de ces membres n’intervient qu’en cas de faute disciplinaire grave. Par ailleurs, dans l’hypothèse où une telle sanction est prononcée contre un
desdits membres, ce dernier dispose d’un droit de recours devant les tribunaux administratifs, en vertu de l’article 568, paragraphe 2, du code administratif.

55 L’organisme de renvoi a, par ailleurs, indiqué que, en pratique, aucun conseiller n’avait été révoqué depuis sa création en 2006.

56 Quant au volet interne du principe d’indépendance des « juridictions nationales », au sens de l’article 267 TFUE, il paraît garanti par l’article 47 de la loi no 101/2016, qui tend à éviter les situations susceptibles de donner lieu à des conflits d’intérêts. C’est ainsi que les membres du Consiliul Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor (Conseil national pour la résolution des contestations) ne doivent pas exercer d’activités commerciales, être membres de l’organe de décision d’un opérateur
économique, être impliqués dans des activités politiques, ou exercer une activité publique ou privée, à l’exception des fonctions didactiques dans l’enseignement supérieur. Ces incompatibilités sont d’ailleurs les mêmes que celles auxquelles les magistrats sont assujettis en vertu du droit roumain. Par ailleurs, les membres du Consiliul Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor (Conseil national pour la résolution des contestations) sont soumis à des règles concernant les causes de récusation,
prévues à l’article 47, paragraphe 3, de cette loi, en vertu desquelles ils ne sont pas autorisés à participer à la résolution d’une contestation, sous peine de nullité de la décision rendue, lorsqu’ils se trouvent dans l’une des situations énumérées à cette disposition.

57 De surcroît, il ressort de l’article 15, paragraphe 1, de ladite loi que la procédure de résolution des contestations devant l’organisme de renvoi respecte, notamment, les principes du contradictoire, de garantie des droits de la défense et d’impartialité.

58 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que le Consiliul Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor (Conseil national pour la résolution des contestations) peut être qualifié de « juridiction nationale », au sens de l’article 267 TFUE, et que, par conséquent, la présente demande de décision préjudicielle est recevable.

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

59 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 58 de la directive 2014/24, lu en combinaison avec les principes de proportionnalité et de transparence garantis à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive, doit être interprété en ce sens que le pouvoir adjudicateur a la faculté d’imposer comme critères de sélection des obligations issues de réglementations spéciales applicables à des activités qui sont susceptibles de devoir être
réalisées dans le cadre de l’exécution d’un marché public et qui n’ont pas une importance significative.

60 Étant le mieux placé pour évaluer ses propres besoins, le pouvoir adjudicateur s’est vu reconnaître par le législateur de l’Union européenne un large pouvoir d’appréciation, lors de la détermination des critères de sélection, ce dont témoigne notamment l’utilisation récurrente du verbe « pouvoir » à l’article 58 de la directive 2014/24. Ainsi bénéficie-t-il, conformément au paragraphe 1 de cet article, d’une certaine latitude pour définir les conditions de participation à une procédure de
passation de marché qu’il estime liées et proportionnées à l’objet du marché et propres à garantir qu’un candidat ou un soumissionnaire dispose de la capacité juridique et financière, ainsi que des compétences techniques et professionnelles nécessaires pour exécuter le marché à attribuer. Plus particulièrement, selon le paragraphe 4 dudit article, le pouvoir adjudicateur apprécie librement les conditions de participation qu’il estime propres, de son point de vue, à garantir notamment l’exécution
du marché à un niveau de qualité qu’il considère approprié (arrêt du 31 mars 2022, Smetna palata na Republika Bulgaria, C‑195/21, EU:C:2022:239, point 50).

61 Dans l’exercice de ce large pouvoir d’appréciation, le pouvoir adjudicateur peut décider d’inclure, parmi les critères de sélection mentionnés dans un avis de marché ou un cahier des charges, des obligations issues de réglementations spéciales applicables à des activités qui sont susceptibles de devoir être réalisées dans le cadre de l’exécution d’un marché public et qui n’ont pas une importance significative.

62 Inversement, le pouvoir adjudicateur peut tout aussi bien user de ce large pouvoir d’appréciation pour considérer qu’il n’y a pas lieu de faire figurer ces obligations parmi les critères de sélection. Un tel choix pourrait notamment s’expliquer par le fait que lesdites obligations ne revêtent pas une importance significative ou par le caractère éventuel de la réalisation des activités auxquelles les obligations en cause s’appliquent. Le pouvoir adjudicateur pourrait également préférer mentionner
les mêmes obligations au titre des conditions d’exécution du marché de façon à n’en imposer le respect qu’au seul adjudicataire (voir, par analogie, arrêt du 7 septembre 2021, Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras, C‑927/19, EU:C:2021:700, points 88 et 89).

63 En effet, la directive 2014/24 n’exclut pas que des prescriptions techniques puissent être appréhendées à la fois comme des critères de sélection ayant trait aux capacités techniques et professionnelles, comme des spécifications techniques et/ou comme des conditions d’exécution du marché, au sens, respectivement, de l’article 58, paragraphe 4, et des articles 42 et 70 de cette directive (arrêt du 7 septembre 2021, Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras, C‑927/19, EU:C:2021:700, point 84).
Réciproquement, un pouvoir adjudicateur peut décider d’opter pour une seule de ces qualifications.

64 À cet égard, un pouvoir adjudicateur peut, en vertu de l’article 70 de la directive 2014/24, prévoir des conditions particulières concernant l’exécution d’un marché pour autant qu’elles soient liées à l’objet du marché, au sens de l’article 67, paragraphe 3, de cette directive, et indiquées dans l’appel à la concurrence ou dans les documents de marché.

65 En outre, le fait de contraindre les soumissionnaires à satisfaire à toutes les conditions d’exécution du marché dès la présentation de leur offre constitue une exigence excessive qui risque de dissuader ces opérateurs de participer aux procédures de passation de marché et, ce faisant, méconnaît les principes de proportionnalité et de transparence garantis à l’article 18, paragraphe 1, de ladite directive (arrêt du 8 juillet 2021, Sanresa, C‑295/20, EU:C:2021:556, point 62).

66 Dès lors, il convient de répondre à la première question que l’article 58 de la directive 2014/24, lu en combinaison avec les principes de proportionnalité et de transparence garantis à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive, doit être interprété en ce sens que le pouvoir adjudicateur a la faculté d’imposer comme critères de sélection des obligations issues de réglementations spéciales applicables à des activités qui sont susceptibles de devoir être réalisées dans le cadre
de l’exécution d’un marché public et qui n’ont pas une importance significative.

Sur la deuxième question

67 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les principes de proportionnalité et de transparence garantis à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que les documents de marché soient automatiquement complétés par des critères de qualification résultant de réglementations spéciales applicables à des activités liées au marché à attribuer qui n’ont pas été prévus dans ces documents
et que le pouvoir adjudicateur n’a pas entendu imposer aux opérateurs économiques concernés.

68 Ainsi qu’il ressort de la réponse apportée à la première question, sous peine de vider de sa substance le large pouvoir d’appréciation dont dispose le pouvoir adjudicateur pour déterminer les critères de sélection qu’il entend imposer aux opérateurs économiques comme conditions de participation à une procédure de passation de marché, des obligations issues de réglementations spéciales applicables à des activités liées à un marché public à attribuer ne sauraient automatiquement s’ajouter en tant
que critères de sélection aux critères expressément mentionnés dans les documents de ce marché.

69 Aussi convient-il de répondre à la deuxième question que les principes de proportionnalité et de transparence garantis à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que les documents de marché soient automatiquement complétés par des critères de qualification résultant de réglementations spéciales applicables à des activités liées au marché à attribuer qui n’ont pas été prévus dans ces documents et que le pouvoir
adjudicateur n’a pas entendu imposer aux opérateurs économiques concernés.

Sur la troisième question, sous a)

70 Par sa troisième question, sous a), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 63, paragraphe 1, de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un soumissionnaire soit exclu d’une procédure de passation de marché au motif qu’il n’a pas désigné le sous-traitant auquel il entend confier l’exécution d’obligations résultant de réglementations spéciales applicables aux activités liées au marché en cause et non prévues dans les documents de marché,
lorsque ce soumissionnaire a précisé dans son offre qu’il exécuterait ces obligations en recourant aux capacités d’une autre entité sans toutefois être lié à cette dernière par un contrat de sous-traitance.

71 Ainsi qu’il ressort du point 62 du présent arrêt, si des obligations résultant de réglementations spéciales applicables aux activités liées au marché en cause et non prévues, en tant que critère de sélection, dans les documents de marché étaient qualifiées de condition d’exécution du marché et si l’adjudicataire n’y satisfaisait pas lors de l’attribution du marché, le non-respect de ces obligations n’aurait pas d’incidence sur la conformité de l’attribution du marché aux dispositions de la
directive 2014/24 (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2021, Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras, C‑927/19, EU:C:2021:700, point 89).

72 Dans l’hypothèse où les obligations qui découlent de réglementations spéciales applicables aux activités liées au marché en cause et qui ne sont pas prévues dans les documents de marché constitueraient effectivement des critères de sélection, au sens de l’article 58 de la directive 2014/24, il suffit de rappeler que l’article 63, paragraphe 1, de cette directive confère un droit pour tout opérateur économique d’avoir recours, pour un marché déterminé, aux capacités d’autres entités, quelle que
soit la nature juridique des liens qui l’unissent à ces entités, afin de satisfaire aux différentes catégories de critères de sélection énumérées à l’article 58, paragraphe 1, de ladite directive et concrétisées aux paragraphes 2 à 4 de cet article (voir, en ce sens, arrêts du 10 octobre 2013, Swm Costruzioni 2 et Mannocchi Luigino, C‑94/12, EU:C:2013:646, points 29 et 33, ainsi que du 7 septembre 2021, Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras, C‑927/19, EU:C:2021:700, point 150).

73 Par ailleurs, il ressort clairement de la dernière phrase de l’article 63, paragraphe 1, de la directive 2014/24 que, lorsqu’un opérateur économique souhaite recourir aux capacités d’autres entités, il suffit qu’il apporte au pouvoir adjudicateur la preuve qu’il disposera des moyens nécessaires, par exemple, en produisant l’engagement de ces entités à cet effet.

74 Par conséquent, il est manifeste que la sous-traitance ne constitue qu’une des modalités par lesquelles un opérateur économique peut recourir aux capacités d’autres entités et qu’elle ne saurait, dès lors, lui être imposée par le pouvoir adjudicateur.

75 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question, sous a), que l’article 63, paragraphe 1, de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un soumissionnaire soit exclu d’une procédure de passation de marché au motif qu’il n’a pas désigné le sous-traitant auquel il entend confier l’exécution d’obligations résultant de réglementations spéciales applicables aux activités liées au marché en cause et non prévues dans les
documents de marché, lorsque ce soumissionnaire a précisé dans son offre qu’il exécuterait ces obligations en recourant aux capacités d’une autre entité sans toutefois être lié à cette dernière par un contrat de sous‑traitance.

Sur la troisième question, sous b)

76 Par sa troisième question, sous b), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 63, paragraphe 1, de la directive 2014/24, lu en combinaison avec le principe de proportionnalité énoncé à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’un opérateur économique a le droit d’établir son organisation et les relations contractuelles au sein du groupe et s’il peut également faire intervenir des prestataires ou des fournisseurs dans un
marché si le prestataire concerné ne fait pas partie des entités sur la capacité desquelles le soumissionnaire entend se fonder afin de démontrer le respect des critères pertinents.

77 À cet égard, il importe de rappeler que, certes, selon la jurisprudence constante de la Cour, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence (voir, en ce sens, arrêts du 7 septembre 1999, Beck et Bergdorf, C‑355/97, EU:C:1999:391, point 22, ainsi que du 26 mars 2020,
Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 43).

78 Toutefois, il est également de jurisprudence constante que la procédure instituée à l’article 267 TFUE constitue un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution des litiges qu’elles sont appelées à trancher, de telle sorte que la justification du renvoi préjudiciel est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions
générales ou hypothétiques, mais le besoin objectif inhérent à la solution effective d’un litige (voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 1981, Foglia, 244/80, EU:C:1981:302, point 18, ainsi que du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 44).

79 Dans cette perspective et dès lors que la demande de décision préjudicielle sert de fondement à la procédure devant la Cour, il est indispensable que, dans cette demande, le juge national explicite, en particulier, le cadre factuel et réglementaire du litige au principal, tout particulièrement dans certains domaines caractérisés par des situations de fait et de droit complexes, tels que celui des marchés publics (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 1993, Telemarsicabruzzo e.a., C‑320/90
à C‑322/90, EU:C:1993:26, points 6 et 7, ainsi que ordonnance du 25 avril 2018, Secretaria Regional de Saúde dos Açores, C‑102/17, EU:C:2018:294, points 28 et 29).

80 Or, en l’occurrence, il y a lieu de constater que la décision de renvoi ne contient pas une description du cadre factuel et réglementaire du litige au principal suffisante pour permettre à la Cour de répondre utilement à la troisième question, sous b).

81 Par conséquent, cette troisième question, sous b), doit être déclarée irrecevable.

Sur les dépens

82 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 58 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, lu en combinaison avec les principes de proportionnalité et de transparence garantis à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive,

doit être interprété en ce sens que :

le pouvoir adjudicateur a la faculté d’imposer comme critères de sélection des obligations issues de réglementations spéciales applicables à des activités qui sont susceptibles de devoir être réalisées dans le cadre de l’exécution d’un marché public et qui n’ont pas une importance significative.

  2) Les principes de proportionnalité et de transparence garantis à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2014/24

doivent être interprétés en ce sens que :

ils s’opposent à ce que les documents de marché soient automatiquement complétés par des critères de qualification résultant de réglementations spéciales applicables à des activités liées au marché à attribuer qui n’ont pas été prévus dans ces documents et que le pouvoir adjudicateur n’a pas entendu imposer aux opérateurs économiques concernés.

  3) L’article 63, paragraphe 1, de la directive 2014/24

doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose à ce qu’un soumissionnaire soit exclu d’une procédure de passation de marché au motif qu’il n’a pas désigné le sous-traitant auquel il entend confier l’exécution d’obligations résultant de réglementations spéciales applicables aux activités liées au marché en cause et non prévues dans les documents de marché, lorsque ce soumissionnaire a précisé dans son offre qu’il exécuterait ces obligations en recourant aux capacités d’une autre entité sans toutefois être lié à cette dernière par
un contrat de sous‑traitance.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le roumain.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-403/21
Date de la décision : 26/01/2023
Type de recours : Recours préjudiciel - irrecevable, Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Consiliul Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor.

Renvoi préjudiciel – Article 267 TFUE – Notion de “juridiction nationale” – Critères – Indépendance et caractère obligatoire de la juridiction de l’organisme national concerné – Stabilité des membres de cet organisme – Directive 2014/24/UE – Procédures de passation des marchés publics – Article 58 – Critères de sélection – Possibilité d’inclure, dans ces critères, des obligations issues de réglementations spéciales applicables aux activités liées au marché en cause et non prévues en tant que critère de sélection dans les documents de marché – Article 63, paragraphe 1 – Soumissionnaire recourant aux capacités d’une autre entité pour satisfaire aux exigences du pouvoir adjudicateur – Impossibilité d’imposer le recours à la sous-traitance.

Droit d'établissement

Libre prestation des services

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : SC NV Construct SRL
Défendeurs : Judeţul Timiş.

Composition du Tribunal
Avocat général : Campos Sánchez-Bordona
Rapporteur ?: Gavalec

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:47

Source

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