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22/12/2022 | CJUE | N°C-491/20

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, W.Ż. e.a. contre A. S. e.a., 22/12/2022, C-491/20


 ORDONNANCE DE LA COUR (deuxième chambre)

22 décembre 2022 ( *1 )

[Texte rectifié par ordonnance du 2 mars 2023]

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Article 267 TFUE – Nécessité d’une interprétation du droit de l’Union pour que la juridiction de renvoi puisse rendre son jugement – Absence – Irrecevabilité manifeste »

Dans les affaires jointes C‑491/20 à C‑496/20, C‑506/20, C‑509/20 et C‑511/20,

ayant pour objet des demandes de décision pr

judicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Sąd Najwyższy (Izba Pracy i Ubezpieczeń Społecznych) [Cour suprême (ch...

 ORDONNANCE DE LA COUR (deuxième chambre)

22 décembre 2022 ( *1 )

[Texte rectifié par ordonnance du 2 mars 2023]

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Article 267 TFUE – Nécessité d’une interprétation du droit de l’Union pour que la juridiction de renvoi puisse rendre son jugement – Absence – Irrecevabilité manifeste »

Dans les affaires jointes C‑491/20 à C‑496/20, C‑506/20, C‑509/20 et C‑511/20,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Sąd Najwyższy (Izba Pracy i Ubezpieczeń Społecznych) [Cour suprême (chambre du travail et des assurances sociales), Pologne], par décisions du 15 juillet 2020, parvenues à la Cour le 24 septembre 2020 (C‑491/20), le 25 septembre 2020 (C‑492/20), le 28 septembre 2020 (C‑493/20), le 2 octobre 2020 (C‑494/20 et C‑495/20), le 6 octobre 2020 (C‑496/20), le 9 octobre 2020 (C‑506/20), le 22 septembre
2020 (C‑509/20) et le 13 octobre 2020 (C‑511/20), dans les procédures

W. Ż.

contre

A. S.,

Sąd Najwyższy,

en présence de :

Prokurator Generalny (C‑491/20),

et

W. Ż.

contre

K. Z.,

Skarb Państwa – Sąd Najwyższy,

en présence de :

Prokurator Generalny (C‑492/20),

et

P. J.

contre

A. T.,

R. W.,

Sąd Najwyższy,

en présence de :

Prokurator Generalny (C‑493/20),

et

K. M.

contre

T. P.,

Skarb Państwa – Sąd Najwyższy,

en présence de :

Prokurator Generalny (C‑494/20),

et

T. M.

contre

T. D.,

M. D.,

P. K.,

J. L.,

M. L.,

O. N.,

G. Z.,

A. S.,

Skarb Państwa – Sąd Najwyższy,

en présence de :

[Tel que rectifié par ordonnance du 2 mars 2023] Prokurator Generalny (C‑495/20),

et

M. F.

contre

T. P.,

en présence de :

Prokurator Generalny (C‑496/20),

et

T. B.

contre

T. D.,

M. D.,

P. K.,

J. L.,

M. L.,

O. N.,

G. Z.,

A. S.,

Skarb Państwa – Sąd Najwyższy,

en présence de :

Prokurator Generalny (C‑506/20),

et

M. F.

contre

J. M.,

en présence de :

Prokurator Generalny,

Rzecznik Praw Obywatelskich (C‑509/20),

et

B. S.

contre

T. D.,

M. D.,

P. K.,

J. L.,

M. L.,

O. N.,

Skarb Państwa – Sąd Najwyższy,

en présence de :

Prokurator Generalny (C‑511/20),

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal (rapporteure), présidente de chambre, Mme M. L. Arastey Sahún, MM. F. Biltgen, N. Wahl et J. Passer, juges,

avocat général : M. A. M. Collins,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour W. Ż., par Mes S. Gregorczyk – Abram, M. Pietrzak et M. Wawrykiewicz, adwokaci,

– pour A. S., par lui-même,

– pour K. Z., par lui-même,

– pour P. J., par Mes S. Gregorczyk – Abram et M. Wawrykiewicz, adwokaci,

– pour A. T., par lui-même,

– pour K. M., par Me M. Jabłoński, adwokat,

– pour T. P., par lui-même,

– pour T. M., T. B. et B. S., par Me M. Gajdus, adwokat,

– pour M. F., par Me W. Popiołek, radca prawny,

– pour P. K., par lui-même,

– pour le Sąd Najwyższy, par Mme M. Manowska,

– pour le Prokurator Generalny, par MM. R. Hernand et M. Pasionek,

– pour le Rzecznik Praw Obywatelskich, par MM. M. Taborowski et M. Wróblewski,

– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mme K. Herrmann et M. P. J. O. Van Nuffel, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 2, de l’article 4, paragraphes 2 et 3, de l’article 6, paragraphe 3, et de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, de l’article 267 TFUE ainsi que de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant W. Ż. (C‑491/20 et C‑492/20), P. J. (C‑493/20), K. M. (C‑494/20), T. M. (C‑495/20), M. F. (C‑496/20 et C‑509/20), T. B. (C‑506/20) et B. S. (C‑511/20) à A. S. (C‑491/20), à K. Z. (C‑492/20), à A. T. et à R. W. (C‑493/20), à T. P. (C‑494/20 et C‑496/20), à T. D., à M. D., à P. K., à J. L., à M. L. et à O. N. (C‑495/20, C‑506/20 et C‑511/20), à G. Z. et à A. S. (C‑495/20 et C‑506/20), à J. M. (C‑509/20) ainsi qu’au Sąd Najwyższy (Cour
suprême, Pologne) (C‑491/20 et C‑493/20) et au Skarb Państwa – Sąd Najwyższy (Trésor public – Cour suprême, Pologne) (C‑492/20, C‑494/20, C‑495/20, C‑506/20 et C‑511/20) au sujet de demandes tendant à ce que soit constatée l’inexistence d’une relation de travail entre diverses personnes exerçant les fonctions de juge au sein du Sąd Najwyższy (Cour suprême), d’une part, et cette juridiction, d’autre part.

Le cadre juridique national

La Constitution

3 L’article 144, paragraphes 2 et 3, de la Konstytucja Rzeczypospolitej Polskiej (Constitution de la République de Pologne, ci-après la « Constitution ») est libellé comme suit :

« 2.   Pour être valables, les actes officiels du président de la République doivent être contresignés par le président du Conseil des ministres qui engage ainsi sa responsabilité devant le Sejm [(Diète, Pologne)].

3.   Les dispositions du paragraphe 2 ne sont pas applicables dans les cas suivants :

[...]

17) la nomination des juges ;

[...] »

4 En vertu de l’article 179 de la Constitution, les juges sont nommés par le président de la République sur proposition de la Krajowa Rada Sądownictwa (Conseil national de la magistrature, Pologne) (ci-après la « KRS ») pour une durée indéterminée.

Le code de procédure civile

5 L’article 189 du Kodeks postępowania cywilnego (code de procédure civile) énonce :

« Une partie requérante peut introduire devant le tribunal une demande en constatation de l’existence ou de l’inexistence d’un rapport juridique ou d’un droit, pour autant qu’elle ait un intérêt légitime à agir. »

La loi sur la Cour suprême

6 L’ustawa o Sądzie Najwyższym (loi sur la Cour suprême), du 8 décembre 2017 (Dz. U. de 2018, position 5), est entrée en vigueur le 3 avril 2018. Elle a notamment institué au sein du Sąd Najwyższy (Cour suprême) deux nouvelles chambres, à savoir, d’une part, l’Izba Dyscyplinarna (chambre disciplinaire) et, d’autre part, l’Izba Kontroli Nadzwyczajnej i Spraw Publicznych Sądu Nawyższego (chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques).

7 Aux termes de l’article 27, paragraphe 1, de la loi sur la Cour suprême :

« Relèvent de la compétence de la chambre disciplinaire :

1) les affaires disciplinaires :

a) concernant les juges du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)],

b) examinées par le [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] en rapport avec des procédures disciplinaires menées en vertu des lois suivantes :

[...]

– loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun [...],

[...]

[...]

2) les affaires en matière de droit du travail et des assurances sociales concernant les juges du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] ;

[...] »

8 L’article 73, paragraphe 1, de la loi sur la Cour suprême dispose :

« Les juridictions disciplinaires dans les affaires disciplinaires concernant des juges du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] sont :

1) en première instance : le [Sąd Najwyższy (Cour suprême)], en formation de deux juges de la chambre disciplinaire et d’un juré du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] ;

2) en degré d’appel : le [Sąd Najwyższy (Cour suprême)], en formation de trois juges de la chambre disciplinaire et de deux jurés du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)]. »

9 La loi sur la Cour suprême a été modifiée à diverses reprises, notamment, par l’ustawa o zmianie ustawy – Prawo o ustroju sądów powszechnych, ustawy o Sądzie Najwyższym oraz niektórych innych ustaw (loi modifiant la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun, la loi sur la Cour suprême et certaines autres lois), du 20 décembre 2019 (Dz. U. de 2020, position 190).

10 L’article 26, paragraphe 2, de la loi sur la Cour suprême, telle que modifiée par la loi du 20 décembre 2019, dispose :

« La chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques est compétente pour connaître des demandes ou déclarations concernant la récusation d’un juge ou la désignation de la juridiction devant laquelle une procédure doit être menée, y compris les griefs tirés de l’absence d’indépendance de la juridiction ou du juge. La juridiction saisie de l’affaire envoie immédiatement une demande au président de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques afin que celle-ci soit
traitée conformément aux règles fixées par des dispositions distinctes. [...] »

11 L’article 29, paragraphes 2 et 3, de la loi sur la Cour suprême, telle que modifiée par la loi du 20 décembre 2019, énonce :

« 2.   Dans le cadre des activités du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] ou de ses organes, il n’est pas permis de remettre en cause la légitimité des [juridictions], des organes constitutionnels de l’État ou des organes de contrôle et de protection du droit.

3.   Le [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] ou un autre organe du pouvoir ne peut pas constater ni apprécier la légalité de la nomination d’un juge ou du pouvoir d’exercer des missions en matière d’administration de la justice qui découle de cette nomination. »

La loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun

12 L’article 110 de l’ustawa – Prawo o ustroju sądów powszechnych (loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun), du 27 juillet 2001, telle que modifiée (Dz. U. de 2018, position 23), prévoit :

« 1.   Dans les affaires disciplinaires relatives à des juges, sont appelées à statuer :

1) en première instance :

a) les juridictions disciplinaires près les juridictions d’appel, en formation de trois juges ;

[...]

3.   Le tribunal disciplinaire dans le ressort duquel le juge faisant l’objet de la procédure disciplinaire exerce sa charge n’est pas admis à connaître des affaires visées au paragraphe 1, point 1), sous a). La juridiction disciplinaire compétente pour connaître de l’affaire est désignée par le président du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] dirigeant les travaux de la chambre disciplinaire à la demande de l’agent disciplinaire.

[...] »

La loi sur la KRS

13 La KRS est régie par l’ustawa o Krajowej Radzie Sądownictwa (loi sur le Conseil national de la magistrature), du 12 mai 2011 (Dz. U. de 2011, no 126, position 714), telle que modifiée, notamment, par l’ustawa o zmianie ustawy o Krajowej Radzie Sądownictwa oraz niektórych innych ustaw (loi portant modifications de la loi sur le Conseil national de la magistrature et de certaines autres lois), du 8 décembre 2017 (Dz. U. de 2018, position 3), et par l’ustawa o zmianie ustawy – Prawo o ustroju sądów
powszechnych oraz niektórych innych ustaw (loi portant modifications de la loi sur l’organisation des juridictions de droit commun et de certaines autres lois), du 20 juillet 2018 (Dz. U. de 2018, position 1443) (ci-après la « loi sur la KRS »).

14 L’article 37, paragraphe 1, de la loi sur la KRS dispose :

« Si plusieurs candidats ont postulé pour un poste de juge, [la KRS] examine et évalue conjointement toutes les candidatures déposées. Dans cette situation, [la KRS] adopte une résolution comprenant ses décisions quant à la présentation d’une proposition de nomination au poste de juge, à l’égard de tous les candidats. »

15 Aux termes de l’article 43, paragraphe 2, de cette loi :

« Si tous les participants à la procédure n’ont pas attaqué la résolution visée à l’article 37, paragraphe 1, celle-ci devient définitive pour la partie comprenant la décision de non-présentation de la proposition de nomination aux fonctions de juge des participants qui n’ont pas introduit de recours, sous réserve des dispositions de l’article 44, paragraphe 1 ter. »

16 L’article 44 de ladite loi énonçait :

« 1.   Un participant à la procédure peut former un recours devant le [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] en raison de l’illégalité de la résolution [de la KRS], à moins que des prescriptions distinctes n’en disposent autrement. [...]

1bis.   Dans les affaires individuelles concernant une nomination à la fonction de juge au [Sąd Najwyższy (Cour suprême)], les recours sont portés devant le [Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne)]. Dans ces affaires, il n’est pas possible de former un recours devant le [Sąd Najwyższy (Cour suprême)]. Le recours devant le [Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative)] ne peut pas être fondé sur un moyen tiré d’une évaluation inappropriée du respect, par
les candidats, des critères pris en compte lors de la prise de décision quant à la présentation de la proposition de nomination au poste de juge au [Sąd Najwyższy (Cour suprême)].

1ter.   Si tous les participants à la procédure n’ont pas attaqué la résolution visée à l’article 37, paragraphe 1, dans les affaires individuelles concernant la nomination à la fonction de juge au [Sąd Najwyższy (Cour suprême)], ladite résolution devient définitive, pour la partie comprenant la décision de présentation de la proposition de nomination au poste de juge au [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] ainsi que pour la partie comprenant la décision de non-présentation d’une proposition de
nomination au poste de juge de cette même Cour, s’agissant des participants à la procédure qui n’ont pas formé de recours.

[...]

4.   Dans les affaires individuelles concernant la nomination à la fonction de juge au [Sąd Najwyższy (Cour suprême)], l’annulation, par le [Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative)], de la résolution [de la KRS] portant non-présentation de la proposition de nomination au poste de juge au [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] équivaut à l’admission de la candidature du participant à la procédure qui a introduit le recours, pour un poste vacant de juge au sein du [Sąd Najwyższy (Cour
suprême)], poste pour lequel, à la date du prononcé de la décision du [Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative)], la procédure devant [la KRS] n’a pas pris fin ou, en cas de défaut d’une telle procédure, pour le prochain poste vacant de juge au sein du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] faisant l’objet d’une publication. »

17 Le paragraphe 1 bis de l’article 44 de la loi sur la KRS a été introduit dans cet article par la loi du 8 décembre 2017 portant modifications de la loi sur le Conseil national de la magistrature et de certaines autres lois, entrée en vigueur le 17 janvier 2018, et les paragraphes 1 ter et 4 y ont été introduits par la loi du 20 juillet 2018 portant modifications de la loi sur l’organisation des juridictions de droit commun et de certaines autres lois, entrée en vigueur le 27 juillet 2018. Avant
l’introduction de ces modifications, les recours visés audit paragraphe 1 bis devaient être formés devant le [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] conformément au paragraphe 1 de cet article 44.

18 Par un arrêt du 25 mars 2019, le Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle, Pologne) a déclaré l’article 44, paragraphe 1 bis, de la loi sur la KRS incompatible avec l’article 184 de la Constitution, aux motifs, en substance, que la compétence conférée au Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) par ledit paragraphe 1 bis n’était justifiée au regard ni de la nature des affaires concernées, ni des caractéristiques organisationnelles de ladite juridiction, ni de la procédure
appliquée par cette dernière. Dans cet arrêt, le Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) a également indiqué que cette déclaration d’inconstitutionnalité « entraîne nécessairement la clôture de toutes les procédures juridictionnelles pendantes fondées sur la disposition abrogée ».

19 Par la suite, l’article 44 de la loi sur la KRS a été modifié par l’ustawa o zmianie ustawy o Krajowej Radzie Sądownictwa oraz ustawy ‐ Prawo o ustroju sądów administracyjnych (loi portant modifications de la loi sur le Conseil national de la magistrature et de la loi portant organisation du contentieux administratif), du 26 avril 2019 (Dz. U. de 2019, position 914), qui est entrée en vigueur le 23 mai 2019. Le paragraphe 1 de cet article 44, tel que modifié, est désormais libellé comme suit :

« Un participant à la procédure peut former un recours devant le [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] en invoquant l’illégalité de la résolution [de la KRS], à moins que des prescriptions distinctes n’en disposent autrement. Il n’est pas possible de former un recours dans les affaires individuelles se rapportant à la nomination aux fonctions de juge au [Sąd Najwyższy (Cour suprême)]. »

20 Par ailleurs, l’article 3 de cette loi du 26 avril 2019 prévoit que « [l]es recours contestant les résolutions [de la KRS] dans des affaires individuelles relatives à la nomination aux fonctions de juge [au Sąd Najwyższy (Cour suprême)], introduits et non jugés avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi, font l’objet de plein droit d’un non-lieu à statuer ».

Les litiges au principal

L’affaire C‑509/20

21 Le litige au principal dans l’affaire C‑509/20 a déjà donné lieu à un précédent renvoi préjudiciel ayant conduit à l’arrêt du 22 mars 2022, Prokurator Generalny e.a. (Chambre disciplinaire de la Cour suprême – Nomination) (C‑508/19, EU:C:2022:201, ci-après l’« arrêt Prokurator Generalny »).

22 M. F., qui exerce la fonction de juge au Sąd Rejonowy w P. (tribunal d’arrondissement de P., Pologne), a saisi le Sąd Najwyższy (Cour suprême), sur le fondement de l’article 189 du code de procédure civile, d’un recours tendant à ce que soit constatée l’inexistence d’une relation de travail entre J. M. et le Sąd Najwyższy (Cour suprême) en raison d’irrégularités ayant prétendument affecté la nomination de J. M. aux fonctions de juge au sein de la chambre disciplinaire de cette dernière
juridiction (ci-après la « chambre disciplinaire »). Ce recours a été formé par M. F. après que J. M., agissant en sa qualité de président de la chambre disciplinaire, a adopté, sur la base de l’article 110, paragraphe 3, de la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun, telle que modifiée, une ordonnance désignant le Sąd Dyscyplinarny przy Sądzie Apelacyjnym w X (tribunal disciplinaire près la cour d’appel de X, Pologne) comme juridiction disciplinaire compétente pour
connaître d’une procédure disciplinaire initiée contre M. F. en raison de prétendues lenteurs dans les procédures diligentées par celle-ci et de prétendus retards dans la rédaction des motifs de ses décisions.

23 À l’appui de ce recours, M. F. fait valoir que l’ineffectivité de la nomination de J. M. au poste de juge du Sąd Najwyższy (Cour suprême) résulte de ce que la remise à l’intéressé de son acte de nomination par le président de la République est intervenue alors que la résolution de la KRS ayant proposé la nomination de J. M. à ce poste faisait l’objet d’un recours devant le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative), introduit sur le fondement de l’article 44, paragraphe 1 bis, de
la loi sur la KRS, par un candidat non proposé à la nomination en vertu de ladite résolution. En outre, la procédure de sélection visant à pourvoir ce poste aurait été menée à la suite d’une communication du président de la République non revêtue du contreseing ministériel requis en vertu de l’article 144 de la Constitution.

24 M. F. a également demandé que toutes les personnes nommées juges au sein de la chambre disciplinaire soient récusées et que l’Izba Pracy i Ubezpieczeń Społecznych (chambre du travail et des assurances sociales) du Sąd Najwyższy (Cour suprême) (ci-après la « chambre du travail et des assurances sociales ») soit désignée aux fins de statuer sur son recours en lieu et place de la chambre disciplinaire normalement compétente pour en connaître en vertu de l’article 27, paragraphe 1, point 2, de la loi
sur la Cour suprême. M. F. a, enfin, sollicité que soit ordonnée, à titre conservatoire et pendant toute la durée de la procédure au principal, la suspension de la procédure disciplinaire engagée à son égard.

Les affaires C‑494/20 et C‑496/20

25 La configuration des litiges au principal dans les affaires C‑494/20 et C‑496/20 est quasi identique à celle du litige au principal dans l’affaire C‑509/20.

26 En effet, par leurs recours respectifs, K. M., juge au Sąd Okręgowy w K. (tribunal régional de K., Pologne), d’une part, et M. F., d’autre part, demandent à ce que soit constatée l’inexistence d’une relation de travail entre T. P., successeur de J. M. dans la fonction de président de la chambre disciplinaire, et le Sąd Najwyższy (Cour suprême), en raison d’irrégularités prétendues dans la nomination de l’intéressé analogues à celles mentionnées au point 23 de la présente ordonnance.

27 Par ailleurs, ces recours au principal font, eux aussi, suite à l’adoption, par T. P., d’ordonnances ayant désigné les juridictions disciplinaires appelées à connaître de procédures disciplinaires initiées contre K. M. et M. F., en raison, pour le premier, de déclarations publiques relatives à une procédure disciplinaire en cours et remettant en cause l’indépendance et la légalité des actes de la KRS et le caractère constitutionnel et apolitique de la chambre disciplinaire, et, pour la seconde,
de prétendues violations de dispositions du droit de l’Union ressortant de ses décisions juridictionnelles.

28 Enfin, dans le cadre desdits recours au principal, K. M. et M. F. ont formulé des demandes de mesures provisoires et d’organisation de la procédure analogues à celles visées au point 24 de la présente ordonnance. K. M. a, en outre, sollicité qu’il soit, à titre conservatoire, fait interdiction au défendeur au principal de continuer à exercer ses fonctions de juge au Sąd Najwyższy (Cour suprême) et enjoint à ladite juridiction d’écarter l’intéressé de toute activité juridictionnelle.

L’affaire C‑493/20

29 Par son recours au principal, P. J., juge au Sąd Rejonowy w O. (tribunal d’arrondissement de O., Pologne), vise à entendre constater l’inexistence de relations de travail entre A. T. et R. W., d’une part, et le Sąd Najwyższy (Cour suprême), d’autre part, du fait d’irrégularités prétendues dans leurs nominations en qualité de juges à la chambre disciplinaire analogues à celles mentionnées au point 23 de la présente ordonnance.

30 L’introduction de ce recours fait suite à une décision par laquelle une formation de trois juges de la chambre disciplinaire dans laquelle siégeaient A. T. et R. W a, dans le contexte d’une procédure disciplinaire menée à l’égard de P. J., confirmé la suspension temporaire des fonctions de ce dernier durant ladite procédure, tout en réduisant de 40 % sa rémunération pour la durée de cette suspension. Ladite décision aurait notamment été adoptée au motif que P. J. avait adopté, sans base
juridique, une décision sommant le chef du secrétariat du Sejm (Diète) de produire les listes des citoyens et des juges ayant soutenu des candidatures aux postes de membres de la nouvelle KRS.

31 Dans le cadre de son recours au principal, P. J. a également formulé des demandes d’organisation de la procédure et de mesures provisoires analogues à celles visées au point 28 de la présente ordonnance, parmi lesquelles une demande visant à obtenir la suspension de la procédure disciplinaire mentionnée au point précédent.

L’affaire C‑492/20

32 Par son recours au principal, W. Ż., juge au Sąd Okręgowy w K. (tribunal régional de K.), demande à ce que soit constatée l’inexistence de la relation de travail entre K. Z. et le Sąd Najwyższy (Cour suprême) en raison d’irrégularités analogues à celles mentionnées au point 23 de la présente ordonnance ayant prétendument affecté la nomination de l’intéressé aux fonctions de juge au sein de l’Izba Cywilna (chambre civile) de ladite juridiction (ci-après la « chambre civile »).

33 Dans le cadre de ce recours, W. Ż. se prévaut de ce qu’il fait actuellement l’objet d’une procédure disciplinaire pour avoir, dans une interview, remis en cause la régularité de la nomination de K. Z. et de ce qu’un constat de l’inexistence de la relation de travail de ce dernier serait de nature à lui permettre d’étayer le bien-fondé de la position qu’il a ainsi exprimée. La juridiction de renvoi se réfère également au fait que K. Z. aurait, en tant que premier président faisant fonction du Sąd
Najwyższy (Cour suprême), adopté un décret à l’effet de rapporter un décret de son prédécesseur et de réattribuer à la chambre disciplinaire la charge de conserver les pièces des dossiers disciplinaires ouverts contre des juges et d’assurer la gestion administrative de ces dossiers.

34 Enfin, W. Ż. a formulé des demandes de mesures provisoires et d’organisation de la procédure analogues à celles visées au point 28 de la présente ordonnance et tendant, ainsi, notamment, à obtenir une suspension de la procédure disciplinaire ouverte contre lui. Il a également demandé qu’il soit procédé à l’administration des éléments de preuve relatifs à l’interview mentionnée au point précédent.

L’affaire C‑491/20

35 Par son recours au principal, le même W. Ż. demande à ce que soit constatée l’inexistence de la relation de travail entre A. S. et le Sąd Najwyższy (Cour suprême) en raison d’irrégularités, analogues à celles mentionnées au point 23 de la présente ordonnance, ayant prétendument affecté la nomination de l’intéressé aux fonctions de juge au sein de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de ladite juridiction (ci-après la « chambre de contrôle extraordinaire et des affaires
publiques »).

36 Ledit recours a été introduit après que A. S., statuant en formation à juge unique de ladite chambre, a adopté une ordonnance rejetant un recours dans le cadre duquel W. Ż. contestait une décision l’ayant muté sans son consentement, alors que, au moment de l’adoption de ladite ordonnance, la chambre civile se trouvait saisie d’une demande tendant notamment à obtenir la récusation de tous les autres juges composant la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques normalement
compétente pour connaître du recours en question.

37 Dans le cadre dudit recours au principal, W. Ż. a également formulé des demandes d’organisation de la procédure et de mesures provisoires analogues à celles visées au point 28 de la présente ordonnance.

L’affaire C‑495/20

38 [Tel que rectifié par ordonnance du 2 mars 2023] Par son recours au principal, T. M., juge au Sąd Rejonowy w B. (tribunal d’arrondissement de B., Pologne), demande à ce que soit constatée l’inexistence de la relation de travail entre T. D., M. D., P. K., J. L., M. L., O. N, G. Z et A. S., d’une part, et le Sąd Najwyższy (Cour suprême), d’autre part, en raison d’irrégularités, analogues à celles mentionnées au point 23 de la présente ordonnance, ayant prétendument affecté la nomination des
intéressés aux fonctions de juge au sein de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques.

39 Ledit recours a été introduit après que ladite chambre a rejeté une demande de récusation des membres de celle-ci formulée par T. M. dans le cadre d’une procédure introduite par ce dernier contre des décisions de la KRS relatives, d’une part, à la « constatation d’un non-lieu à statuer concernant l’exclusion d’un membre de la KRS de l’examen de l’affaire » et, d’autre part, « au recours contre la répartition des affaires ».

40 Dans le cadre dudit recours au principal, T. M. a formulé des demandes d’organisation de la procédure et de mesures provisoires analogues à celles visées au point 28 de la présente ordonnance et tendant, notamment, à ce que la procédure à laquelle il est partie devant la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques soit suspendue.

Les affaires C‑506/20 et C‑511/20

41 Par leurs recours respectifs au principal dans les affaires C‑506/20 et C‑511/20, T. B. et B. S., tous deux juges au Sąd Rejonowy w S. (tribunal d’arrondissement de S., Pologne), demandent, le premier, à ce que soit constatée l’inexistence des relations de travail de l’ensemble des juges de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques visés au point 38 de la présente ordonnance et, le second, à ce que soit constatée une telle inexistence en ce qui concerne six de ces mêmes
juges. Les motifs invoqués par les requérants au principal à l’appui de ces recours sont tirés d’irrégularités, analogues à celles mentionnées au point 23 de la présente ordonnance, ayant prétendument affecté la nomination des intéressés aux fonctions de juge au sein de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques.

42 S’agissant de leur intérêt à agir, ces requérants au principal se prévalent du fait que, ayant déposé leur candidature à un poste de juge au sein de la chambre disciplinaire, ils n’ont, ni l’un ni l’autre, été proposés à cette nomination par la KRS, et de la circonstance que les recours qu’ils ont respectivement introduits contre la résolution de cet organe ayant proposé d’autres candidats à ladite nomination devront, en principe, être examinés par la chambre de contrôle extraordinaire et des
affaires publiques et, potentiellement donc, par les juges défendeurs au principal.

43 Dans le cadre de leurs recours au principal, T. B. et B. S. ont formulé des demandes d’organisation de la procédure et de mesures provisoires en substance analogues à celles visées au point 28 de la présente ordonnance, mesures incluant, notamment, la suspension des procédures qu’ils ont introduites devant la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques.

Les questions préjudicielles

44 Ainsi qu’il ressort des décisions de renvoi, les diverses formations de la chambre du travail et des assurances sociales devant lesquelles les présents recours au principal sont pendants ont, dans un premier temps, décidé de suspendre l’examen de ceux-ci jusqu’à ce que la Cour se soit prononcée dans l’affaire C‑508/19, Prokurator Generalny e.a. (Chambre disciplinaire de la Cour suprême – Nomination).

45 [Tel que rectifié par ordonnance du 2 mars 2023] Toutefois, en considération de plusieurs circonstances survenues postérieurement à ces décisions de suspension, lesdites formations de jugement ont, par la suite, décidé de procéder aux présents renvois préjudiciels. Ces circonstances tiennent, premièrement, à l’existence tant d’une demande formulée par le président de la chambre disciplinaire du 6 mai 2020 visant à obtenir la transmission de la plupart des dossiers afférents aux affaires au
principal que d’un dépôt, par le procureur, les 7 et 8 juillet 2020, de conclusions visant à obtenir un renvoi de l’ensemble desdites affaires à cette chambre. Deuxièmement, les formations de renvoi se réfèrent à l’introduction récente, par la loi du 20 décembre 2019, dans la loi sur la Cour suprême, d’un nouvel article 29, paragraphes 2 et 3, interdisant au Sąd Najwyższy (Cour suprême) toute remise en cause de la légitimité des juridictions ou toute appréciation de la légalité de la nomination
des juges ou de leur pouvoir d’exercer des missions en matière d’administration de la justice. Troisièmement, ces formations de jugement font état d’une lettre du président de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques du 8 juillet 2020 dans laquelle celui-ci aurait indiqué que, eu égard au nouvel article 26, paragraphe 2, première phrase, de la loi sur la Cour suprême, disposition elle aussi récemment introduite dans ladite loi par la loi du 20 décembre 2019, c’est cette
dernière chambre qui serait compétente pour se prononcer sur le point de savoir si les recours au principal relèvent de la compétence de la chambre disciplinaire ou de celle de la chambre du travail et des assurances sociales à laquelle appartiennent les diverses formations de jugement actuellement saisies desdits recours.

46 C’est dans ces conditions que le Sąd Najwyższy (Izba Pracy i Ubezpieczeń Społecznych) [Cour suprême (chambre du travail et des assurances sociales), Pologne] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour, dans chacune des présentes affaires, les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 279 TFUE et l’article 160, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour de justice, lus en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, et l’article 19, paragraphe 1, TUE ainsi qu’avec le point 1, premier et deuxième tirets, du dispositif de l’ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne (C‑791/19 R, EU:C:2020:277), doivent-ils être compris en ce sens que le président de la chambre disciplinaire [du Sąd Najwyższy (Cour suprême)] [ou, d’après les termes de la question telle
que posée dans l’affaire C‑492/20, « le Procureur »] ne peut pas, jusqu’au prononcé de l’arrêt dans l’affaire C‑791/19, demander la transmission du dossier d’une affaire portant sur la constatation de l’inexistence d’une relation de travail d’un juge [du Sąd Najwyższy (Cour suprême)] en raison de la suspension de l’application de l’article 3, point 5, de l’article 27 et de l’article 73, paragraphe 1, de [la loi sur la Cour suprême] ?

2) L’article 2 et l’article 4, paragraphe 2, TUE, lus en combinaison avec l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, ainsi que le droit à un tribunal doivent-ils être interprétés en ce sens que :

a) une juridiction nationale est tenue de s’abstenir d’appliquer l’interdiction de « remise en cause de la légitimité des juridictions » et « d’établir ou d’apprécier la légalité de la nomination d’un juge ou du pouvoir d’exercer des missions en matière d’administration de la justice qui découlent de cette nomination », telle que prévue à l’article 29, paragraphes 2 et 3, de la loi sur la Cour suprême, dès lors que le respect par l’Union de l’identité constitutionnelle des États membres
n’habilite pas le législateur national à prévoir des solutions qui portent atteinte aux valeurs et aux principes fondamentaux de l’Union ?

b) l’identité constitutionnelle d’un État membre ne saurait exclure le droit à un tribunal indépendant établi par la loi, lorsque la procédure de nomination précédant la remise de l’acte de nomination a été entachée des vices décrits dans les questions préjudicielles déférées dans les affaires C‑487/19 et C‑508/19 et que le contrôle judicaire préalable de cette procédure est exclu de manière intentionnelle et manifestement contraire à la constitution nationale ?

3) L’article 2 et l’article 4, paragraphe 2, TUE, lus en combinaison avec l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, ainsi que le droit à un tribunal et l’article 267 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens que le contenu de la notion d’identité constitutionnelle d’un État membre en ce qui concerne le droit à un tribunal peut être établi de manière contraignante pour une juridiction de dernière instance d’un État membre uniquement dans le cadre du dialogue établi entre la Cour et cette
juridiction ou d’autres juridictions nationales [par exemple, le Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle)] par le recours à la procédure préjudicielle ?

4) L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE [lu en combinaison avec l’article 267 TFUE – cette précision ne figure que dans les demandes de décision préjudicielle dans les affaires C‑494/20, C‑506/20, C‑509/20 et C‑511/20] ainsi que le droit à un tribunal établi préalablement par la loi doivent-ils être interprétés en ce sens qu’une juridiction de dernière instance d’un État membre rejette une demande de transmission du dossier dans une affaire [dans laquelle elle a saisi la Cour d’une
question préjudicielle – cette précision ne figure que dans les demandes de décision préjudicielle dans les affaires C‑491/20 et C‑509/20] si cette demande a été faite par une personne nommée à un poste de juge sur la base de dispositions nationales et dans des circonstances entraînant l’établissement d’une juridiction qui ne remplit pas les exigences d’autonomie et d’indépendance et qui n’est pas un tribunal établi par la loi, sans devoir épuiser au préalable la procédure dont il est question
dans la question préjudicielle posée dans l’affaire C‑508/19 ou dans l’arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982) ? »

47 Ensuite, dans les décisions de renvoi afférentes aux affaires C‑491/20 à C‑495/20, C‑506/20 et C‑511/20, une cinquième question a été formulée comme suit :

« 5) L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 2 et l’article 4, paragraphe 3, TUE ainsi qu’avec le droit à un tribunal, doit-il être interprété en ce sens qu’une juridiction nationale statuant sur la constatation d’inexistence d’une relation de travail d’un juge d’une juridiction nationale, découlant de vices fondamentaux entachant la procédure de nomination, est tenue d’ordonner des mesures provisoires et d’interdire à la partie défenderesse dans une telle
affaire de statuer dans toutes les autres affaires relevant du droit de l’Union sous peine de rendre sans effet les actes ou les décisions adoptés par un tel juge, et d’enjoindre aux autres organes de s’abstenir d’attribuer à cette partie défenderesse des affaires ou de la désigner dans des formations de jugement ? »

48 Enfin, dans l’ensemble des présentes affaires jointes, à l’exception de l’affaire C‑509/20, la juridiction de renvoi a, indiquant agir « en application de l’article 267 TFUE, lu en combinaison avec le point 27 des recommandations a' l’attention des juridictions nationales, relatives a' l’introduction de procédures préjudicielles [(JO 2019, C 380, p. 1)] », posé les quatre dernières questions suivantes, lesquelles reproduisent, à l’identique, les termes de quatre questions déjà précédemment
adressées à la Cour dans le cadre de l’affaire C‑508/19, Prokurator Generalny e.a. (Chambre disciplinaire de la Cour suprême – Nomination) :

« 6) L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, l’article 2, l’article 4, paragraphe 3, et l’article 6, paragraphe 3, TUE, lus en combinaison avec l’article 47 de la [Charte] et l’article 267, troisième alinéa, TFUE, doivent-ils être interprétés en ce sens que, dans le cadre d’une procédure en constatation d’inexistence d’une relation de travail, une juridiction de dernière instance d’un État membre peut constater que n’a pas la qualité de juge le destinataire d’un acte qui, nommant celui-ci aux
fonctions de juge dans cette juridiction, a été adopté sur la base de dispositions contraires au principe de la protection juridictionnelle effective ou d’une manière incompatible avec ledit principe, lorsqu’il est fait intentionnellement obstacle à l’examen de cette question avant la remise dudit acte ?

7) L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, l’article 2, l’article 4, paragraphe 3, TUE et l’article 47 de la [Charte], lus en combinaison avec l’article 267 TFUE, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’il y a violation du principe de la protection juridictionnelle effective lorsqu’un acte de nomination aux fonctions de juge est délivré après que la juridiction nationale a adressé une question préjudicielle en interprétation du droit de l’Union, à la réponse de laquelle est subordonnée
l’appréciation de la compatibilité avec le droit de l’Union des dispositions nationales dont l’application ont permis la remise dudit acte ?

8) L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, l’article 2, l’article 4, paragraphe 3, et l’article 6, paragraphe 3, TUE ainsi que l’article 47 de la [Charte] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’il y a violation du principe de la protection juridictionnelle effective du fait de l’absence de garantie du droit au juge, lorsqu’un acte de nomination aux fonctions de juge est délivré à la suite d’une procédure de nomination effectuée en violation flagrante des dispositions légales dudit État
régissant la nomination des juges ?

9) L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, l’article 2, l’article 4, paragraphe 3, TUE et l’article 47 de la [Charte], lus en combinaison avec l’article 267, troisième alinéa, TFUE, doivent‑ils être interprétés en ce sens qu’il y a violation du principe de la protection juridictionnelle effective lorsque le législateur national crée, dans une juridiction de dernière instance d’un État membre, une entité organisationnelle qui ne constitue pas une juridiction au sens du droit de l’Union ? »

La procédure devant la Cour

Sur les demandes d’application de la procédure accélérée

49 La juridiction de renvoi a demandé que les première et cinquième questions préjudicielles soient soumises à une procédure accélérée en vertu de l’article 105 du règlement de procédure. À l’appui de cette demande, elle a fait valoir que l’application de cette procédure accélérée se justifiait, s’agissant de la première question, eu égard à la nécessité de dissiper les doutes existant quant au champ d’application matériel de l’ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne (C‑791/19 R,
EU:C:2020:277), et, s’agissant de la cinquième question, par la nécessité de garantir le fonctionnement d’un système judiciaire national satisfaisant aux exigences du droit de l’Union.

50 L’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit que, à la demande de la juridiction de renvoi ou, à titre exceptionnel, d’office, le président de la Cour peut décider, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, de soumettre un renvoi préjudiciel à une procédure accélérée lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais.

51 Il importe de rappeler qu’une telle procédure accélérée constitue un instrument procédural destiné à répondre à une situation d’urgence extraordinaire (arrêt du 21 décembre 2021, Randstad Italia, C‑497/20, EU:C:2021:1037, point 37 et jurisprudence citée).

52 En l’occurrence, le président de la Cour a décidé, par décisions des 12 et 30 octobre 2020 ainsi que du 13 novembre 2020, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, qu’il n’y avait pas lieu de faire droit aux demandes visées au point 49 de la présente ordonnance.

53 À cet égard, il y a lieu de rappeler d’emblée que, dans l’affaire C‑508/19, Prokurator Generalny e.a. (Chambre disciplinaire de la Cour suprême – Nomination), ayant trait au même litige au principal que l’affaire C‑509/20 et dans laquelle des questions préjudicielles identiques aux sixième à neuvième questions posées dans les présentes affaires jointes avaient été adressées à la Cour, le président de la Cour a, par décision du 20 août 2019, déjà rejeté une précédente demande de procédure
accélérée formulée par la juridiction de renvoi. Dans cette mesure, les motifs d’un tel rejet, exposés aux points 39 à 43 de l’arrêt Prokurator Generalny, trouvent également à s’appliquer en ce qui concerne les demandes de procédure accélérée formulées dans les présentes affaires jointes.

54 Par ailleurs, et à supposer même qu’une procédure accélérée puisse être enclenchée à l’égard de certaines seulement des questions préjudicielles dont se trouve saisie la Cour, ainsi que le demande la juridiction de renvoi en l’occurrence, force est de constater qu’il n’apparaît pas en quoi une réponse à la première question revêtirait un caractère d’urgence particulière, cette juridiction n’ayant au demeurant aucunement motivé sa demande sous cet angle.

55 S’agissant de la cinquième question, il convient, premièrement, de rappeler que le fait qu’une demande de décision préjudicielle soit formulée dans le cadre d’une procédure nationale permettant l’adoption de mesures provisoires n’est pas, à lui seul, de nature à établir que la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais (arrêt Prokurator Generalny, point 40 et jurisprudence citée). Deuxièmement, il y a lieu de relever que les demandes de mesures provisoires auxquelles a trait
cette cinquième question étaient déjà pendantes de longue date devant la juridiction de renvoi, en particulier devant les formations de jugement de ladite juridiction, ayant, dans un premier temps, suspendu l’examen des affaires au principal dans l’attente de l’arrêt qui serait rendu dans l’affaire C‑508/19, Prokurator Generalny e.a. (Chambre disciplinaire de la Cour suprême – Nomination), ce qui ne contribue guère à étayer l’existence d’une situation d’urgence extraordinaire propre à justifier
une procédure accélérée aux fins de répondre à ladite question.

Sur la jonction

56 Par décision du président de la Cour du 16 novembre 2020, les affaires C‑491/20 à C‑496/20, C‑506/20, C‑509/20 et C‑511/20 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de la décision à intervenir.

Sur le retrait partiel des questions préjudicielles

57 Après que la Cour, dans l’arrêt Prokurator Generalny, a déclaré irrecevable la demande de décision préjudicielle dont elle était saisie dans l’affaire C‑508/19, la juridiction de renvoi a été interrogée sur le point de savoir si elle entendait maintenir les présents renvois préjudiciels.

58 En réponse, la juridiction de renvoi a informé la Cour, le 27 avril 2022, qu’elle avait décidé de procéder au retrait des première, huitième et neuvième questions préjudicielles et de maintenir les six autres questions. Les ordonnances exposant les motifs de cette décision ont été adoptées par la juridiction de renvoi le 23 mai 2022 et communiquées à la Cour le même jour.

59 Il ressort desdits motifs que la juridiction de renvoi considère que la nécessité de répondre aux deuxième à quatrième questions demeure entière, et ce même dans l’hypothèse où la Cour apporterait des réponses négatives aux sixième et septième questions ou déclarerait celles-ci irrecevables ainsi qu’elle l’a fait dans l’arrêt Prokurator Generalny. En effet, la quatrième question serait relative à des difficultés d’ordre procédural que doit trancher la juridiction de renvoi quant à une
transmission éventuelle des affaires au principal à la chambre disciplinaire ou à la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques. Pour leur part, les deuxième et troisième questions présenteraient un rapport étroit avec la quatrième question et des réponses à ces deuxième et troisième questions seraient d’autant plus nécessaires que le Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle) a récemment initié une jurisprudence limitant le champ d’application du principe de primauté du
droit de l’Union.

60 Quant à la cinquième question, la juridiction de renvoi indique que celle-ci ne pourrait être regardée comme étant sans objet que dans l’éventualité où les sixième et septième questions recevraient des réponses négatives ou seraient déclarées irrecevables par la Cour.

61 Enfin, la juridiction de renvoi souligne que les sixième et septième questions portent sur le point de savoir si le droit de l’Union exige l’existence, en droit interne, d’une voie de recours spécifique de protection des droits que les particuliers tirent de ce droit, telle que celle envisagée dans le cadre des affaires au principal.

62 Or, d’une part, et contrairement à ce que la Cour a considéré dans l’arrêt Prokurator Generalny, la procédure en constatation d’inexistence de la relation de travail du juge défendeur au principal dans l’affaire C‑508/19 n’aurait pas revêtu un caractère accessoire par rapport à la procédure disciplinaire par ailleurs diligentée contre le juge demandeur au principal dans cette affaire, ces deux procédures étant en effet autonomes et l’intérêt de la partie requérante dans une procédure en
constatation d’inexistence n’étant d’ailleurs apprécié qu’après que la voie juridictionnelle ainsi enclenchée a été considérée comme recevable. En outre, dans plusieurs des présentes affaires au principal, il n’existerait pas de procédure parallèle en cours analogue à celle ainsi identifiée dans l’arrêt Prokurator Generalny.

63 D’autre part, la prise en compte du système national de l’ensemble des voies de recours dont disposent les particuliers évoquée dans cet arrêt devrait conduire à consacrer l’action en constatation d’inexistence en cause, laquelle constituerait, en effet, la seule voie permettant d’assurer le respect des garanties découlant de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte, compte tenu de l’absence de tout recours de droit interne permettant de remettre directement
en question le mandat d’un juge une fois celui-ci irrégulièrement nommé par le président de la République.

64 La juridiction de renvoi évoque, en outre, la circonstance que les juges qui respectent les enseignements découlant de la jurisprudence de la Cour en matière d’État de droit s’exposent désormais à des représailles tant disciplinaires que pénales ainsi qu’en témoigneraient divers exemples concrets dont elle fait état. Elle relève, par ailleurs, que les dossiers nationaux dans les affaires C‑487/19 et C‑508/19 renvoyés par la Cour aux juridictions de renvoi dans ces affaires ont été conservés par
le nouveau premier président du Sąd Najwyższy (Cour suprême) et non transmis auxdites juridictions et que la composition de ces dernières aurait entre-temps été remaniée, de sorte qu’elles seraient désormais composées majoritairement de juges nommés dans le cadre de procédures affectées de défauts analogues à ceux en cause dans ladite affaire C‑487/19.

65 Enfin, et s’agissant des circonstances propres aux affaires C‑494/20, C‑496/20, C‑508/19 et C‑509/20, la juridiction de renvoi considère qu’il y a également lieu de tenir compte de ce que c’est la chambre disciplinaire qui, in fine, sera appelée à contrôler la régularité de la désignation, par le président de ladite chambre, des juridictions disciplinaires compétentes pour connaître des procédures disciplinaires parallèlement menées à l’encontre des requérants au principal.

Sur la recevabilité

66 En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsqu’elle est manifestement incompétente pour connaître d’une affaire ou lorsqu’une demande est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut, à tout moment, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

67 Il convient de faire application de cette disposition en l’occurrence. En effet, eu égard aux enseignements découlant de l’arrêt Prokurator Generalny, l’irrecevabilité des présentes demandes de décision préjudicielle ne laisse désormais place à aucun doute (voir, par analogie, ordonnance du 6 octobre 2020, Prokuratura Rejonowa w Słubicach, C‑623/18, non publiée, EU:C:2020:800, point 23).

Sur les sixième et septième questions

68 En ce qui concerne les sixième et septième questions préjudicielles, il y a lieu de souligner, d’emblée, d’une part, que celles-ci sont libellées en des termes identiques à ceux des deux premières questions soulevées dans la demande de décision préjudicielle dont la Cour a constaté l’irrecevabilité dans l’arrêt Prokurator Generalny et, d’autre part, que ladite demande préjudicielle avait été adressée à la Cour dans le cadre de la même affaire au principal que celle ayant, par la suite, donné lieu
au renvoi préjudiciel dans l’une des présentes affaires jointes, à savoir l’affaire C‑509/20.

69 Dans ce contexte, il convient de relever que, au point 60 de l’arrêt Prokurator Generalny, la Cour a rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle la procédure instituée à l’article 267 TFUE constitue un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution des litiges qu’elles sont appelées à trancher et que la justification du renvoi
préjudiciel tient non pas dans la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais dans le besoin inhérent à la solution effective d’un litige. De même, au point 62 de cet arrêt, la Cour a également rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle il ressort à la fois des termes et de l’économie de l’article 267 TFUE que la procédure préjudicielle présuppose, notamment, qu’un litige soit effectivement pendant devant les juridictions nationales, dans le
cadre duquel elles sont appelées à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt préjudiciel.

70 S’agissant de l’action civile en constatation d’inexistence de la relation de travail d’un juge pendante au principal dans l’affaire C‑508/19, après avoir rappelé, au point 66 de l’arrêt Prokurator Generalny, que, pour autant qu’un tel type d’action visant à obtenir une décision à caractère déclaratoire est autorisé par le droit national et qu’une juridiction de renvoi a jugé recevable l’action dont elle se trouve saisie sur le fondement de ce droit, il n’appartenait pas à la Cour de remettre en
cause cette appréciation, la Cour a, cependant, constaté, au point 67 de cet arrêt, que tel n’était précisément pas le cas en l’occurrence.

71 En effet, la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑508/19, saisie d’une action de cette nature, a relevé qu’elle ne disposait pas, en vertu du droit national applicable, de la compétence lui permettant de se prononcer sur la régularité de l’acte par lequel une personne a été nommée juge et que la recevabilité d’une telle action ne pouvait davantage être établie sur le fondement de ce droit national. Or, la juridiction de renvoi, dans les présentes affaires jointes, qui se trouve saisie d’actions
analogues, ne dispose pas davantage d’une telle compétence.

72 Rappelant, de même, aux points 68 et 69 de l’arrêt Prokurator Generalny, sa jurisprudence constante selon laquelle, en principe, la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE suppose que la juridiction de renvoi soit compétente pour statuer sur le litige au principal, afin que celui-ci ne soit pas considéré comme purement hypothétique, et qu’il ne peut en aller différemment que dans certaines circonstances exceptionnelles, la Cour a exposé, aux
points 70 et suivants de cet arrêt, les raisons pour lesquelles une telle exception ne pouvait prévaloir en l’occurrence.

73 À cet égard, la Cour a, en premier lieu, et ainsi qu’il ressort du point 70 de l’arrêt Prokurator Generalny, lu à la lumière des points 63 à 65 de celui-ci, souligné qu’il ressortait des énonciations de la décision de renvoi dans l’affaire ayant conduit à cet arrêt que, bien que visant formellement la constatation de l’inexistence d’une relation de travail entre le défendeur au principal et le Sąd Najwyższy (Cour suprême), à laquelle la requérante au principal était au demeurant totalement
étrangère, l’action introduite par cette dernière visait, en définitive, à remettre en cause la validité de la nomination de ce défendeur à son poste de juge du Sąd Najwyższy (Cour suprême). La Cour a également fait observer que, ce faisant, ladite requérante visait, en réalité, à voir résolue une question juridique se posant dans le cadre de la procédure disciplinaire alors ouverte contre elle devant une autre juridiction nationale et portant sur l’effectivité de l’acte par lequel cette dernière
avait été désignée, à savoir une procédure juridictionnelle distincte de celle initiée au principal et dont la même requérante demandait d’ailleurs à la juridiction de renvoi d’ordonner la suspension à titre conservatoire.

74 Or, des constats analogues s’imposent dans l’ensemble des litiges au principal ayant donné lieu aux présents renvois préjudiciels.

75 En effet, tout d’abord, il en va de la sorte en ce qui concerne l’affaire C‑509/20 qui, comme précédemment relevé, a trait au même litige au principal que celui à propos duquel a été rendu l’arrêt Prokurator Generalny. Il en va également ainsi pour ce qui est des litiges au principal dans les affaires C‑494/20 et C‑496/20 qui, ainsi qu’il ressort des points 25 à 28 de la présente ordonnance, présentent une configuration en tous points analogue à celle caractérisant le litige au principal dans les
affaires C‑508/19 et C‑509/20.

76 [Tel que rectifié par ordonnance du 2 mars 2023] Tel est, par ailleurs, également le cas, s’agissant des autres litiges au principal dans les présentes affaires jointes. En effet, ainsi qu’il résulte des énonciations des décisions de renvoi et des descriptions figurant aux points 29 à 43 de la présente ordonnance, bien que poursuivant formellement la constatation de l’inexistence des relations de travail entre les défendeurs au principal dans chacun de ces litiges et le Sąd Najwyższy (Cour
suprême), les actions introduites par les différents requérants au principal dans les affaires C‑491/20 à C‑493/20, C‑495/20, C‑506/20 et C‑511/20 visent, en définitive, à remettre en cause la validité de la nomination desdits défendeurs à leur poste de juge du Sąd Najwyższy (Cour suprême) et à voir, de la sorte, résolues des questions juridiques se posant dans le cadre d’autres procédures auxquelles ces requérants au principal sont parties devant d’autres juridictions. Il convient, d’ailleurs,
de faire observer que la quasi-totalité desdits requérants au principal ont également demandé à la juridiction de renvoi dans les présentes affaires d’ordonner la suspension, à titre conservatoire, de ces autres procédures juridictionnelles distinctes auxquelles ils sont ainsi parties.

77 Ainsi, et par analogie avec ce que la Cour a relevé au point 71 de l’arrêt Prokurator Generalny en ce qui concerne les questions identiques posées à la Cour dans l’affaire C‑508/19, les sixième et septième questions adressées à celle-ci dans les affaires C‑491/20, C‑492/20 à C‑496/20, C‑506/20 et C‑511/20 ont intrinsèquement trait à des litiges autres que ceux au principal et dont ces derniers ne constituent en réalité que l’accessoire, en ce sens que ces questions visent, en substance, à
permettre d’apprécier si certaines irrégularités prétendues ayant affecté la nomination des juges défendeurs au principal ont pour conséquence qu’ils n’étaient pas ou ne seront pas fondés à adopter des actes dans le cadre de ces autres litiges. De manière analogue, lesdites questions visent, dans le contexte spécifique caractérisant l’affaire C‑492/20, à permettre d’apprécier si une assertion dénonçant de telles irrégularités est susceptible de pouvoir être qualifiée d’infraction disciplinaire
dans le cadre du litige disciplinaire auquel le requérant au principal dans ladite affaire est, par ailleurs, partie.

78 Dans ces conditions, et ainsi que l’a également souligné la Cour audit point 71 de l’arrêt Prokurator Generalny, celle-ci serait contrainte, aux fins d’apprécier pleinement la portée des mêmes questions préjudicielles et d’apporter à celles-ci des réponses idoines, d’avoir égard aux éléments pertinents caractérisant ces autres procédures juridictionnelles plutôt que de s’en tenir à la configuration des présents litiges au principal, comme l’exige pourtant l’article 267 TFUE.

79 En deuxième lieu, la Cour a relevé, au point 72 de l’arrêt Prokurator Generalny, que, à défaut de disposer d’un droit d’action directe contre la nomination, en tant que président de la chambre disciplinaire, du défendeur dans l’affaire au principal ayant donné lieu audit arrêt ou contre l’acte de ce dernier désignant la juridiction disciplinaire en charge de l’examen du litige disciplinaire initié à l’encontre de la requérante dans cette affaire au principal, cette dernière aurait pu soulever,
devant ladite juridiction, une contestation tirée de l’éventuelle méconnaissance, découlant dudit acte, de son droit à ce que le même litige soit jugé par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi.

80 Au point 73 de l’arrêt Prokurator Generalny, la Cour a, en outre, souligné, à cet égard, qu’elle avait déjà jugé que les dispositions nationales confiant ainsi au président de la chambre disciplinaire le pouvoir discrétionnaire de désigner le tribunal disciplinaire territorialement compétent pour connaître des procédures disciplinaires à charge des juges des juridictions de droit commun méconnaissaient l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE [arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Pologne
(Régime disciplinaire des juges), C‑791/19, EU:C:2021:596, point 176]. Elle a, de même, relevé, au point 74 de l’arrêt Prokurator Generalny, que, eu égard à l’effet direct dont est revêtue ladite disposition en ce qu’elle pose l’exigence que les juridictions appelées à interpréter et à appliquer le doit de l’Union soient indépendantes, impartiales et préalablement établies par la loi, le principe de primauté du droit de l’Union imposait à une juridiction disciplinaire ainsi désignée de laisser
inappliquées de telles dispositions nationales et, partant, de se déclarer incompétente pour connaître du litige qui lui est ainsi soumis.

81 Quant à la circonstance, invoquée par la juridiction de renvoi et mentionnée au point 65 de la présente ordonnance, selon laquelle c’est à la chambre disciplinaire qu’il appartiendra, in fine, de contrôler la régularité de la désignation, par le président de ladite chambre, des juridictions disciplinaires compétentes pour connaître des procédures disciplinaires en cause, il importe de relever que, postérieurement à l’introduction des présentes demandes de décision préjudicielle, la Cour a
notamment jugé que, en ne garantissant pas l’indépendance et l’impartialité de la chambre disciplinaire qui est appelée à juger, en degré d’appel, les affaires disciplinaires concernant les juges des juridictions de droit commun, la République de Pologne avait manqué aux obligations qui lui incombent au titre de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE [arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges), C‑791/19, EU:C:2021:596, point 113].

82 [Tel que rectifié par ordonnance du 2 mars 2023] Or, pour les raisons déjà évoquées au point 75 de la présente ordonnance, les considérations énoncées aux points 79 à 81 de cette ordonnance valent, à l’identique, dans le contexte des présentes affaires C‑494/20, C‑496/20 et C‑509/20.

83 Par ailleurs, des considérations analogues peuvent, mutatis mutandis, être formulées en ce qui concerne les autres litiges au principal dans les présentes affaires jointes.

84 Il apparaît ainsi, tout d’abord, que le requérant au principal dans l’affaire C‑492/20 eut été à même d’articuler son argumentation tirée de prétendus vices ayant affecté la nomination du juge défendeur au principal au regard de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE directement devant la juridiction disciplinaire ayant été saisie de la procédure disciplinaire menée contre lui, aux fins de contester le caractère prétendument infractionnel des propos visés au point 33 de la présente
ordonnance qu’il a tenus en relation avec les circonstances dans lesquelles est intervenue ladite nomination.

85 Ensuite, s’agissant de l’affaire C‑493/20, il y a lieu de relever que le requérant au principal dans ladite affaire doit, lui aussi, bénéficier de la possibilité de se prévaloir de l’ineffectivité éventuelle de la décision conservatoire adoptée par la chambre disciplinaire à son endroit en invoquant la contrariété de ladite décision avec l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, et ce, notamment, tant dans le cadre de la procédure disciplinaire toujours en cours à son endroit qu’à l’égard
de toutes autres autorités nationales qui seraient appelées à donner suite à ladite décision.

86 Quant à l’affaire C‑491/20, il importe de rappeler que, s’agissant de la procédure introduite par W. Ż. aux fins de contester la mesure de mutation dont il avait fait l’objet et ayant donné lieu à l’ordonnance émanant du juge A. S. dont il est question au point 36 de la présente ordonnance, la chambre civile, saisie d’une demande de récusation dans le contexte de ladite procédure, a saisi la Cour d’une demande de décision préjudicielle, laquelle a, entre-temps, donné lieu à l’arrêt du 6 octobre
2021, W. Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, EU:C:2021:798).

87 Or, dans ledit arrêt, et ainsi qu’il ressort du dispositif de celui-ci, la Cour a dit pour droit que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et le principe de primauté du droit de l’Union doivent être interprétés en ce sens qu’une juridiction nationale saisie d’une demande de récusation se greffant sur un recours par lequel un juge en fonction au sein d’une juridiction susceptible d’interpréter et d’appliquer le droit de l’Union conteste une décision l’ayant muté sans son consentement
doit, lorsqu’une telle conséquence est indispensable au regard de la situation procédurale en cause pour garantir la primauté du droit de l’Union, tenir pour non avenue une ordonnance par laquelle une instance, statuant en dernier degré et en formation à juge unique, a rejeté ledit recours, s’il ressort de l’ensemble des conditions et des circonstances dans lesquelles s’est déroulé le processus de nomination de ce juge unique que cette nomination est intervenue en violation manifeste de règles
fondamentales faisant partie intégrante de l’établissement et du fonctionnement du système judiciaire concerné et que l’intégrité du résultat auquel a conduit ledit processus est mise en péril en semant des doutes légitimes, dans l’esprit des justiciables, quant à l’indépendance et à l’impartialité du juge concerné, de telle sorte que ladite ordonnance ne peut être considérée comme émanant d’un tribunal indépendant et impartial, préalablement établi par la loi, au sens dudit article 19,
paragraphe 1, second alinéa, TUE.

88 Pour ce qui est, enfin, des affaires C‑495/20, C‑506/20 et C‑511/20, et de l’objectif poursuivi par les requérants dans les affaires au principal et visant, en substance, à obtenir que les juges de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques ne puissent se prononcer sur les recours qu’ils ont, par ailleurs, introduit devant le Sąd Najwyższy (Cour suprême) et dont il est question aux points 38 à 43 de la présente ordonnance, c’est, là encore, dans le cadre de la procédure
afférente auxdits recours et devant la juridiction saisie de ceux-ci qu’ils doivent pouvoir formuler tous arguments tirés d’une méconnaissance éventuelle des dispositions du droit de l’Union concernées.

89 Au demeurant, il importe encore de relever que, eu égard à l’effet direct dont bénéficie l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, déjà rappelé au point 80 de la présente ordonnance, et aux conséquences s’attachant, de ce fait, au principe de primauté du droit de l’Union à l’égard de toutes les autorités de chaque État membre, il n’apparaît pas en quoi des décisions qui seraient rendues dans les présentes affaires au principal à l’effet de constater l’inexistence d’une relation de travail
dans le chef des défendeurs au principal pourraient s’avérer de nature à conduire, s’agissant des demandeurs au principal dans les mêmes affaires, à un résultat différent de celui, le cas échéant, susceptible de résulter directement dudit article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, dans l’ensemble des contextes procéduraux nationaux parallèles visés aux points 82 à 88 de la présente ordonnance.

90 En troisième lieu, la Cour a relevé, au point 75 de l’arrêt Prokurator Generalny, qu’il ressortait des explications contenues dans la décision de renvoi dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, toutes explications auxquelles la juridiction de renvoi dans les présentes affaires jointes a indiqué souscrire pleinement, ainsi que du libellé même de la première question préjudicielle posée dans l’affaire C‑508/19 et réitérée, en tant que sixième question, dans les présentes affaires jointes, que
les interrogations formulées par la juridiction de renvoi sont notamment liées au fait que l’ordonnancement juridique national aurait été délibérément remanié par le législateur polonais pour empêcher, désormais, que le processus de nomination des juges au Sąd Najwyższy (Cour suprême) puisse faire l’objet d’un contrôle juridictionnel effectif.

91 Or, à cet égard, s’agissant des modifications législatives ainsi critiquées par la juridiction de renvoi et ayant successivement affecté l’article 44 de la loi sur la KRS, la Cour a en substance relevé, ainsi qu’il ressort des points 77 à 81 de l’arrêt Prokurator Generalny, que celles-ci avaient, entre-temps, donné lieu à l’arrêt du 2 mars 2021, A. B. e.a. (Nomination des juges à la Cour suprême – Recours) (C‑824/18, EU:C:2021:153). La Cour a, notamment, rappelé, à cet égard, les termes du
dispositif dudit arrêt ayant précisé à quelles conditions la juridiction de renvoi ayant saisi la Cour dans ladite affaire serait fondée à tenir lesdites modifications législatives pour contraires à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et/ou à l’article 267 TFUE et, en conséquence, à en écarter l’application, eu égard au principe de primauté.

92 Dans ce contexte, la Cour a souligné, au point 80 de l’arrêt Prokurator Generalny, qu’elle avait jugé, aux points 129 et 156 de l’arrêt du 2 mars 2021, A. B. e.a. (Nomination des juges à la Cour suprême – Recours) (C‑824/18, EU:C:2021:153), que de telles violations de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE peuvent survenir dans des circonstances dans lesquelles, notamment, les conditions dans lesquelles interviennent soudainement la suppression des voies de recours juridictionnel existant
jusqu’alors en ce qui concerne le processus de nomination des juges ou l’anéantissement de l’effectivité de telles voies de recours apparaissent de nature à pouvoir engendrer, dans l’esprit des justiciables, des doutes de nature systémique en ce qui concerne l’indépendance et l’impartialité des juges nommés au terme de ce processus.

93 Par ailleurs, au point 81 de l’arrêt Prokurator Generalny, la Cour a également rappelé que, aux points 129 et 156 de l’arrêt du 2 mars 2021, A. B. e.a. (Nomination des juges à la Cour suprême – Recours) (C‑824/18, EU:C:2021:153), elle avait expressément indiqué que, en tant que telle, l’absence éventuelle de la possibilité d’exercer un recours juridictionnel dans le contexte d’un tel processus de nomination peut, dans certains cas, ne pas s’avérer problématique au regard des exigences découlant
du droit de l’Union, en particulier de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE.

94 À ce point 81, la Cour a alors constaté, à ce dernier égard, qu’une action telle que celle au principal dans l’affaire Prokurator Generalny visait, en substance, à obtenir une forme d’invalidation erga omnes de la nomination du défendeur au principal aux fonctions de juge du Sąd Najwyższy (Cour suprême), alors même que le droit national n’autorise pas et n’a jamais autorisé l’ensemble des justiciables à contester la nomination des juges au moyen d’une action directe en annulation ou en
invalidation d’une telle nomination.

95 Or, les mêmes rappels et constats s’imposent également en ce qui concerne l’ensemble des affaires au principal.

96 Eu égard à l’ensemble des éléments ainsi mis en exergue dans l’arrêt Prokurator Generalny et venant d’être rappelés et au fait que la fonction confiée à la Cour par l’article 267 TFUE consiste à fournir à toute juridiction de l’Union les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui lui sont nécessaires pour la solution de litiges réels qui lui sont soumis en tenant notamment compte, dans ce contexte, du système de l’ensemble des voies de recours juridictionnel dont disposent les
particuliers, la Cour a finalement considéré, au point 82 de cet arrêt, que les questions adressées à la Cour dans le renvoi préjudiciel dont elle se trouvait saisie excédaient le cadre de la mission juridictionnelle qui incombe à cette dernière en vertu dudit article 267 TFUE.

97 Or, les éléments évoqués par la juridiction de renvoi et mentionnés au point 64 de la présente ordonnance ne sont pas de nature à affecter l’ensemble des développements qui viennent d’être exposés et la conclusion réitérée au point précédent de la présente ordonnance.

98 Il découle de tout ce qui précède que les sixième et septième questions préjudicielles doivent être déclarées manifestement irrecevables.

Sur la cinquième question

99 Eu égard à ce qui précède, l’irrecevabilité de la cinquième question préjudicielle s’impose, à son tour, de manière manifeste, la juridiction de renvoi ayant, au demeurant, elle-même souligné, ainsi qu’il ressort du point 60 de la présente ordonnance, que cette question deviendrait sans objet si les sixième et septième questions devaient être déclarées irrecevables.

100 En effet, la cinquième question a trait à la possibilité, elle-même non autorisée par le droit national, d’adopter des mesures conservatoires à l’effet d’interdire aux défendeurs dans certaines des affaires au principal de continuer à exercer leurs fonctions de juge au Sąd Najwyższy (Cour suprême) et d’enjoindre à ladite juridiction d’écarter les intéressés de toute activité juridictionnelle, dans l’attente de décisions au fond par lesquelles la juridiction de renvoi dans lesdites affaires sera,
en conséquence des réponses attendues de la Cour aux sixième et septième questions, éventuellement autorisée à constater l’inexistence de relations de travail entre lesdits juges et le Sąd Najwyższy (Cour suprême) en vertu du droit de l’Union. Dans ces conditions, dès lors que ces sixième et septième questions ont été déclarées irrecevables et qu’il n’y a, en conséquence, pas été répondu au fond, il ne saurait être considéré qu’une réponse à la cinquième question est nécessaire aux fins de la
solution des litiges au principal.

Sur la quatrième question

101 La quatrième question doit également être tenue pour manifestement irrecevable.

102 À cet égard, il convient de relever que les termes mêmes dans lesquels a été formulée cette quatrième question, tels que reproduits au point 46 de la présente ordonnance, en rendent la compréhension extrêmement difficile, sans que les motifs des décisions de renvoi permettent davantage d’en saisir la portée exacte, certaines assertions complexes contenues dans celles-ci et ayant notamment trait aux liens de subsidiarité qui existeraient entre la deuxième question et la quatrième question
compliquant encore cette compréhension. En conséquence, il est malaisé de délimiter le problème exact et concret d’interprétation de dispositions du droit de l’Union qui pourrait se poser dans les litiges au principal en relation avec cette quatrième question.

103 En particulier, il n’apparaît pas en quoi les conditions dans lesquelles est intervenue la nomination des deux présidents respectifs de la chambre disciplinaire et de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques en tant que juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême) pourraient, du simple fait que ceux-ci ont formulé les demandes de transfert des dossiers en cause, être susceptibles de porter atteinte au droit des requérants au principal à ce que leur cause soit entendue par une
juridiction indépendante. En effet, seules les conditions de nomination des juges éventuellement appelés à statuer au sein de l’une des deux chambres ainsi concernées apparaissent, le cas échéant, de nature à pouvoir conduire à une telle atteinte.

104 Il n’apparaît pas davantage en quoi les demandes de transfert des affaires au principal qui auraient ainsi été formulées seraient de nature à requérir, de la part de la juridiction de renvoi, une décision autre que celle que celle-ci est, en tout état de cause, appelée à devoir prendre, indépendamment de l’existence d’une telle « demande », quant à un éventuel transfert desdites affaires à l’une ou l’autre des chambres concernées dicté par la circonstance que celles-ci seraient compétentes pour
en connaître ou, au contraire, quant à un éventuel refus d’un tel transfert aux motifs, par exemple, qu’une telle chambre ne constituerait pas une juridiction indépendante.

105 Or, il importe de rappeler, à ces divers égards, que, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, il est indispensable que le juge national donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont il demande l’interprétation et sur le lien qu’il établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige en cause (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2016, Safe Interenvíos, C‑235/14, EU:C:2016:154, point 115 et jurisprudence
citée). À cet égard, les informations fournies et les questions posées dans les décisions de renvoi doivent non seulement permettre à la Cour de donner des réponses utiles, mais également de donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres parties intéressées la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et il incombe à la Cour de veiller à ce que cette possibilité soit sauvegardée (voir, en ce sens,
ordonnance du 12 mai 2016, Security Service e.a., C‑692/15 à C‑694/15, EU:C:2016:344, point 21 ainsi que jurisprudence citée).

Sur les deuxième et troisième questions

106 Enfin, les deuxième et troisième questions revêtent, elles aussi, un caractère manifestement irrecevable.

107 À cet égard, il y a lieu de rappeler que lesdites questions sont afférentes aux interdictions de remettre en cause la légitimité des juridictions ou d’établir ou d’apprécier la légalité de la nomination d’un juge ou de son pouvoir d’exercer des missions en matière d’administration de la justice, découlant de l’article 29, paragraphes 2 et 3, de la loi sur la Cour suprême.

108 Or, ainsi qu’il ressort des explications fournies par la juridiction de renvoi, lesdites questions ont été posées par celle-ci dans la mesure où de telles dispositions nationales auraient pu faire obstacle, d’une part, à ce que ladite juridiction constate l’inexistence de relations de travail entre les défendeurs au principal et le Sąd Najwyższy (Cour suprême) dans l’hypothèse où les réponses apportées par la Cour aux sixième et septième questions auraient été de nature à l’habiliter à procéder
à de tels constats et, d’autre part, à ce que les formations de jugement du Sąd Najwyższy (Cour suprême) qui ont introduit les présentes demandes de décision préjudicielle refusent de procéder au transfert des litiges au principal à d’autres chambres de cette juridiction, alors même qu’un tel refus s’imposerait au vu des réponses apportées par la Cour à la première ou à la quatrième question.

109 Dans ces conditions, il suffit de constater que, compte tenu de l’irrecevabilité des quatrième, sixième et septième questions et du retrait de la première question, d’éventuelles réponses aux deuxième et troisième questions seraient dépourvues de toute pertinence aux fins de la solution des litiges au principal.

110 Eu égard à tout ce qui précède, les présentes demandes de décision préjudicielle doivent être déclarées manifestement irrecevables.

111 [Tel que rectifié par ordonnance du 2 mars 2023] Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de A. S. visant à ce qu’il soit procédé à une audition de témoin en application de l’article 67 du règlement de procédure de la Cour, ladite demande étant en effet devenue sans objet (voir, par analogie, ordonnance du 6 octobre 2020, Prokuratura Rejonowa w Słubicach, C‑623/18, non publiée, EU:C:2020:800, point 37).

Sur les dépens

112 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) ordonne :

  Les demandes de décision préjudicielle présentées par le Sąd Najwyższy (Izba Pracy i Ubezpieczeń Społecznych) [Cour suprême (chambre du travail et des assurances sociales), Pologne], par décisions du 15 juillet 2020, sont irrecevables.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le polonais.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-491/20
Date de la décision : 22/12/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demandes de décision préjudicielle, introduites par le Sąd Najwyższy.

Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Article 267 TFUE – Nécessité d’une interprétation du droit de l’Union pour que la juridiction de renvoi puisse rendre son jugement – Absence – Irrecevabilité manifeste.

Principes, objectifs et mission des traités

Dispositions institutionnelles

Charte des droits fondamentaux

Droits fondamentaux


Parties
Demandeurs : W.Ż. e.a.
Défendeurs : A. S. e.a.

Composition du Tribunal
Avocat général : Collins
Rapporteur ?: Prechal

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:1046

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