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15/11/2022 | CJUE | N°C-646/20

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Senatsverwaltung für Inneres und Sport, Standesamtsaufsicht contre TB., 15/11/2022, C-646/20


 ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

15 novembre 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Compétence, reconnaissance et exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale – Divorce – Règlement (CE) no 2201/2003 – Article 2, point 4, et article 21 – Notion de “décision” – Reconnaissance, dans un État membre, d’une dissolution de mariage convenue dans un accord entre les époux et prononcée par un officier de l’état civil d’un autre État membre – Critère p

ermettant de déterminer l’existence d’une
“décision” »

Dans l’affaire C‑646/20,

ayant pour objet une demande...

 ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

15 novembre 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Compétence, reconnaissance et exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale – Divorce – Règlement (CE) no 2201/2003 – Article 2, point 4, et article 21 – Notion de “décision” – Reconnaissance, dans un État membre, d’une dissolution de mariage convenue dans un accord entre les époux et prononcée par un officier de l’état civil d’un autre État membre – Critère permettant de déterminer l’existence d’une
“décision” »

Dans l’affaire C‑646/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par décision du 28 octobre 2020, parvenue à la Cour le 1er décembre 2020, dans la procédure

Senatsverwaltung für Inneres und Sport, Standesamtsaufsicht,

contre

TB,

en présence de :

Standesamt Mitte von Berlin,

RD,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. L. Bay Larsen, vice‑président, M. A. Arabadjiev, Mme A. Prechal, MM. E. Regan, M. Safjan (rapporteur) et Mme M. L. Arastey Sahún, présidents de chambre, MM. M. Ilešič, J.-C. Bonichot, S. Rodin, I. Jarukaitis, A. Kumin, M. Gavalec, Z. Csehi et Mme O. Spineanu-Matei, juges,

avocat général : M. A. M. Collins,

greffier : Mme M. Krausenböck, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 février 2022,

considérant les observations présentées :

– pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller, M. Hellmann et U. Kühne, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement estonien, par Mme N. Grünberg, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement français, par Mmes A. Daniel et A.‑L. Desjonquères, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme G. Natale, avvocato dello Stato,

– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna et Mme S. Żyrek, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. H. Leupold, M. Wilderspin et W. Wils, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 mai 2022,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000 (JO 2003, L 338, p. 1, ci‑après le « règlement Bruxelles II bis »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Senatsverwaltung für Inneres und Sport, Standesamtsaufsicht (ministère berlinois de l’Intérieur et des Sports, autorité de surveillance de l’état civil, Allemagne) (ci-après l’« autorité de surveillance de l’état civil ») à TB au sujet du refus, par cette autorité, d’autoriser la transcription, dans le registre des mariages allemand, du divorce de TB et de RD, intervenu par voie extrajudiciaire en Italie, en l’absence de
reconnaissance préalable de ce divorce par l’autorité judiciaire allemande compétente.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La convention de Bruxelles

3 L’article 25 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par les conventions successives relatives à l’adhésion des nouveaux États membres à cette convention (ci-après la « convention de Bruxelles »), dispose :

« On entend par décision, au sens de la présente convention, toute décision rendue par une juridiction d’un État contractant quelle que soit la dénomination qui lui est donnée, telle qu’arrêt, jugement, ordonnance ou mandat d’exécution, ainsi que la fixation par le greffier des frais du procès. »

Le règlement Bruxelles II bis

4 Les considérants 1, 2, 8, 21 et 22 du règlement Bruxelles II bis énonçaient :

« (1) La Communauté européenne s’est donné pour objectif de créer un espace de liberté, de sécurité et de justice au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes. À cette fin, la Communauté adopte, notamment, les mesures dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile nécessaires au bon fonctionnement du marché intérieur.

(2) Le Conseil européen de Tampere a approuvé le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires comme pierre angulaire de la création d’un véritable espace judiciaire [...]

[...]

(8) En ce qui concerne les décisions de divorce, de séparation de corps ou d’annulation du mariage, le présent règlement ne devrait s’appliquer qu’à la dissolution du lien matrimonial et ne devrait pas concerner des questions telles que les causes de divorce, les effets patrimoniaux du mariage ou autres mesures accessoires éventuelles.

[...]

(21) La reconnaissance et l’exécution des décisions rendues dans un État membre devraient reposer sur le principe de la confiance mutuelle et les motifs de non-reconnaissance devraient être réduits au minimum nécessaire.

(22) Les actes authentiques et les accords entre parties qui sont exécutoires dans un État membre devraient être assimilés à des “décisions” aux fins de l’application des règles de reconnaissance et d’exécution. »

5 L’article 1er de ce règlement était rédigé de la manière suivante :

« 1.   Le présent règlement s’applique, quelle que soit la nature de la juridiction, aux matières civiles relatives :

a) au divorce, à la séparation de corps et à l’annulation du mariage des époux ;

b) à l’attribution, à l’exercice, à la délégation, au retrait total ou partiel de la responsabilité parentale.

[...]

3.   Le présent règlement ne s’applique pas :

[...]

e) aux obligations alimentaires ;

[...] »

6 L’article 2 dudit règlement disposait :

« Aux fins du présent règlement on entend par :

1) “juridiction” toutes les autorités compétentes des États membres dans les matières relevant du champ d’application du présent règlement en vertu de l’article 1er ;

[...]

3) “État membre” tous les États membres à l’exception du Danemark ;

4) “décision” toute décision de divorce, de séparation de corps ou d’annulation d’un mariage, ainsi que toute décision concernant la responsabilité parentale rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la dénomination de la décision, y compris les termes “arrêt”, “jugement” ou “ordonnance” ;

[...] »

7 Sous le titre « Reconnaissance et exécution », le chapitre III du règlement Bruxelles II bis comprenait une section 1, intitulée « Reconnaissance », sous laquelle figuraient les articles 21 à 27 de ce règlement.

8 L’article 21 dudit règlement prévoyait :

« 1.   Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

2.   En particulier, et sans préjudice du paragraphe 3, aucune procédure n’est requise pour la mise à jour des actes d’état civil d’un État membre sur la base d’une décision rendue dans un autre État membre en matière de divorce, de séparation de corps ou d’annulation du mariage, qui n’est plus susceptible de recours selon la loi de cet État membre.

[...] »

9 Aux termes de l’article 22 du même règlement, intitulé « Motifs de non‑reconnaissance des décisions de divorce, de séparation de corps ou d’annulation du mariage » :

« Une décision rendue en matière de divorce, de séparation de corps ou d’annulation du mariage n’est pas reconnue :

a) si la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre requis ;

[...] »

10 L’article 25 du règlement Bruxelles II bis se lisait comme suit :

« La reconnaissance d’une décision ne peut être refusée au motif que la loi de l’État membre requis ne permet pas le divorce, la séparation de corps ou l’annulation du mariage sur la base de faits identiques. »

11 Sous la section 3, intitulée « Dispositions communes aux sections 1 et 2 », du chapitre III de ce règlement figurait notamment l’article 39 de celui-ci qui disposait :

« La juridiction ou l’autorité compétente de l’État membre d’origine délivre, à la requête de toute partie intéressée, un certificat en utilisant le formulaire dont le modèle figure à l’annexe I (décisions en matière matrimoniale) ou à l’annexe II (décisions en matière de responsabilité parentale). »

12 La section 5 de ce chapitre III, intitulée « Actes authentiques et accords », comportait uniquement l’article 46 dudit règlement qui était libellé de la manière suivante :

« Les actes authentiques reçus et exécutoires dans un État membre ainsi que les accords entre parties exécutoires dans l’État membre d’origine sont reconnus et rendus exécutoires dans les mêmes conditions que des décisions. »

Le règlement Bruxelles II ter

13 Conformément à son article 104, paragraphe 1, le règlement (UE) 2019/1111 du Conseil, du 25 juin 2019, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants (JO 2019, L 178, p. 1, et rectificatif JO 2020, L 347, p. 52, ci-après le « règlement Bruxelles II ter »), qui procède à une refonte du règlement Bruxelles II bis, a abrogé ce dernier à compter du 1er août 2022.
Cependant, en application de l’article 100, paragraphe 2, du règlement Bruxelles II ter, le règlement Bruxelles II bis continue à s’appliquer aux décisions rendues à la suite d’actions judiciaires intentées, aux actes authentiques dressés ou enregistrés et aux accords devenus exécutoires dans l’État membre dans lequel ils ont été conclus avant le 1er août 2022. Compte tenu de la date des faits relatifs au litige au principal, celui-ci est ainsi régi par le règlement Bruxelles II bis.

14 Le considérant 14 du règlement Bruxelles II ter énonce :

« Selon la jurisprudence de la Cour de justice, le terme “juridiction” doit être interprété au sens large pour couvrir également les autorités administratives ou d’autres autorités, tels les notaires, qui sont compétentes dans certaines matières matrimoniales ou de responsabilité parentale. Tout accord approuvé par la juridiction à l’issue d’un examen sur le fond mené conformément aux législations et procédures nationales devrait être reconnu ou exécuté comme une “décision”. D’autres accords qui
acquièrent un effet juridique contraignant dans l’État membre d’origine à la suite de l’intervention formelle d’une autorité publique ou d’une autre autorité notifiée à la Commission par un État membre devraient être exécutés dans les autres États membres conformément aux dispositions spécifiques du présent règlement relatives aux actes authentiques et accords. Le présent règlement ne devrait pas autoriser la libre circulation de simples accords privés. Cependant, les accords qui ne sont ni une
décision ni un acte authentique, mais qui ont été enregistrés par une autorité publique habilitée à le faire, devraient pouvoir circuler. Ces autorités publiques pourraient inclure les notaires enregistrant les accords, même s’ils exercent une profession libérale. »

15 L’article 30 de ce règlement prévoit :

« 1.   Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure spéciale.

2.   En particulier, et sans préjudice du paragraphe 3, aucune procédure spéciale n’est requise pour la mise à jour des registres de l’état civil d’un État membre sur la base d’une décision rendue dans un autre État membre en matière de divorce, de séparation de corps ou d’annulation du mariage, qui n’est plus susceptible de recours selon la loi de cet État membre.

[...] »

16 L’article 65 dudit règlement dispose :

« 1.   Les actes authentiques et les accords relatifs à la séparation de corps et au divorce qui ont un effet juridique contraignant dans l’État membre d’origine sont reconnus dans les autres États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure particulière. La section 1 du présent chapitre s’applique en conséquence, sauf dispositions contraires de la présente section.

2.   Les actes authentiques et les accords en matière de responsabilité parentale qui ont un effet juridique contraignant et qui sont exécutoires dans l’État membre d’origine sont reconnus et exécutés dans les autres États membres sans qu’une déclaration constatant leur force exécutoire soit nécessaire. Les sections 1 et 3 du présent chapitre s’appliquent en conséquence, sauf dispositions contraires de la présente section. »

Le droit allemand

17 L’article 97, paragraphe 1, seconde phrase, du Gesetz über das Verfahren in Familiensachen und in den Angelegenheiten der freiwilligen Gerichtsbarkeit (loi relative à la procédure en matière familiale et dans les affaires relevant de la juridiction gracieuse), du 17 décembre 2008 (BGBl. 2008 I, p. 2586), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « FamFG »), dispose que « [l]es dispositions figurant dans les actes de l’Union européenne ne sont pas affectées » par celles du
FamFG.

18 L’article 107 du FamFG, intitulé « Reconnaissance des décisions étrangères en matière matrimoniale », énonce, à son paragraphe 1 :

« Les décisions par lesquelles un mariage est annulé, invalidé ou dissous avec ou sans maintien du lien matrimonial à l’étranger ou par lesquelles l’existence d’un mariage entre les parties, ou son absence, est constatée ne sont reconnues que si l’autorité judiciaire compétente du Land a constaté que les conditions d’une reconnaissance sont remplies. Lorsque la décision a été rendue par une juridiction ou une autorité de l’État dont les deux époux possédaient la nationalité au moment de la
décision, la reconnaissance ne dépend pas d’une constatation de l’autorité judiciaire compétente du Land. »

19 L’article 3 du Personenstandsgesetz (loi sur l’état des personnes), du 19 février 2007 (BGBl. 2007 I, p. 122), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « PStG »), est intitulé « Registre de l’état des personnes ». Le paragraphe 1 de cet article est rédigé en ces termes :

« Dans son domaine de compétence, le service de l’état civil tient :

1) un registre des mariages (article 15),

[...] »

20 L’article 5 du PStG, intitulé « Mise à jour du registre de l’état des personnes », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les inscriptions au registre doivent être complétées et rectifiées conformément aux dispositions de la présente loi (mise à jour). »

21 Intitulé « Mise à jour », l’article 16 du PStG dispose, à son paragraphe 1 :

« Il est fait mention dans l’inscription relative au mariage des actes subséquents concernant

[...]

3) l’annulation du mariage ou le divorce,

[...] »

Le droit italien

22 Le decreto-legge no 132 – Misure urgenti di degiurisdizionalizzazione ed altri interventi per la definizione dell’arretrato in materia di processo civile » (décret-loi no 132 portant mesures urgentes de déjudiciarisation et autres interventions pour réduire le retard en matière de procès civil), du 12 septembre 2014 (GURI no 212, du 12 septembre 2014), converti en loi, avec modifications, par la loi no 162, du 10 novembre 2014 (GURI no 261, du 10 novembre 2014) (ci-après le « décret-loi
no 132/2014 »), dispose, aux deux premiers alinéas de son article 12 intitulé « Séparation par consentement mutuel, demande de dissolution ou de cessation des effets civils du mariage et modification des conditions de la séparation ou du divorce devant l’officier de l’état civil », que les époux, éventuellement assistés d’un avocat, peuvent notamment conclure, devant l’officier de l’état civil compétent, un accord de dissolution ou de cessation des effets civils du mariage, à condition que ces
époux n’aient pas d’enfants mineurs ni d’enfants majeurs incapables, gravement handicapés ou économiquement non indépendants.

23 L’article 12, paragraphe 3, du décret-loi no 132/2014 prévoit en outre que l’officier de l’état civil reçoit personnellement de chacune des parties la déclaration selon laquelle elles souhaitent dissoudre ou faire cesser les effets civils du mariage, selon les conditions convenues entre elles, que l’accord ne peut pas concerner la transmission de patrimoine, que l’acte contenant l’accord est complété et signé dès réception des déclarations des époux, que ledit accord remplace les décisions
judiciaires relatives, notamment, aux modalités de la dissolution et de la cessation des effets civils du mariage et que, lorsqu’il reçoit les déclarations des époux, l’officier de l’état civil invite ceux-ci à se présenter devant lui au plus tôt 30 jours à compter de la réception de ces déclarations en vue de confirmer l’accord, toute absence de comparution équivalant à une absence de confirmation de l’accord.

24 Une circulaire du Ministero della Giustizia (ministère de la Justice, Italie), du 22 mai 2018, relative au décret-loi no 132/2014 désigne l’officier de l’état civil comme étant l’autorité compétente, en Italie, pour émettre le certificat prévu à l’article 39 du règlement Bruxelles II bis.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

25 TB, de double nationalité allemande et italienne, a épousé RD, de nationalité italienne, le 20 septembre 2013 devant le Standesamt Mitte von Berlin (service de l’état civil de Berlin-Mitte, Allemagne). Ce mariage a été inscrit dans le registre des mariages de Berlin.

26 Le 30 mars 2017, TB et RD se sont présentés, pour la première fois, devant l’officier de l’état civil de Parme (Italie) aux fins d’entreprendre une procédure de divorce par voie extrajudiciaire sur le fondement de l’article 12 du décret-loi no 132/2014. Ils ont comparu une deuxième fois devant cet officier, le 11 mai 2017, pour confirmer leur déclaration. Au terme d’une troisième comparution, le 15 février 2018, TB et RD ont déclaré, en se référant à leur déclaration du 30 mars 2017, qu’ils
souhaitaient la dissolution de leur mariage, en précisant également qu’aucune procédure n’était pendante à ce sujet. Ces déclarations ayant encore été confirmées le 26 avril 2018 devant ledit officier, celui-ci a, le 2 juillet 2018, délivré à TB le certificat visé à l’article 39 du règlement Bruxelles II bis, attestant de son divorce d’avec RD avec effet au 15 février 2018.

27 TB a demandé au service de l’état civil de Berlin-Mitte d’inscrire ce divorce dans le registre des mariages de Berlin, conformément aux dispositions du PStG. Se demandant si cette inscription n’exigeait toutefois pas au préalable une reconnaissance en vertu de l’article 107 du FamFG, ce service a, par l’intermédiaire de l’autorité de surveillance de l’état civil, saisi l’Amtsgericht (tribunal de district, Allemagne) compétent de cette question.

28 Par ordonnance du 1er juillet 2019, cette juridiction a décidé que l’inscription du divorce par voie extrajudiciaire de TB et de RD dans le registre des mariages n’était possible qu’après une reconnaissance, en vertu de l’article 107, paragraphe 1, première phrase, du FamFG, par l’autorité judiciaire compétente du Land, en l’occurrence la Senatsverwaltung für Justiz, Verbraucherschutz und Antidiskriminierung (ministère berlinois de la Justice, de la Protection des consommateurs et de la Lutte
contre les discriminations, Allemagne) (ci-après le « ministère berlinois de la Justice »).

29 La demande de reconnaissance soumise par TB au ministère berlinois de la Justice a cependant été rejetée par ce dernier au motif qu’il ne s’agissait pas d’une décision nécessitant une reconnaissance. Le recours exercé par TB contre le rejet de cette demande est encore pendant devant le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne).

30 TB a par ailleurs introduit un recours contre l’ordonnance du 1er juillet 2019, lequel a été accueilli par le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin). Ce dernier a ainsi interdit au service de l’état civil de Berlin-Mitte de subordonner l’inscription du divorce de TB et de RD intervenu en Italie dans le registre des mariages à une reconnaissance préalable par le ministère berlinois de la Justice.

31 L’autorité de surveillance de l’état civil a saisi le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), la juridiction de renvoi, d’un pourvoi contre cette décision, en vue d’obtenir le rétablissement de l’ordonnance du 1er juillet 2019.

32 La juridiction de renvoi se demande si, au regard de la notion de « décision » visée à l’article 21 du règlement Bruxelles II bis, lu en combinaison avec l’article 2, point 4, de ce règlement, les règles prévues par ledit règlement en matière de reconnaissance des décisions de divorce trouvent à s’appliquer dans le cas d’un divorce résultant d’un accord conclu par les époux et prononcé par un officier de l’état civil d’un État membre conformément à la législation de ce dernier. Dans l’affirmative
et compte tenu du fait que ces règles ne sont pas affectées, en vertu de l’article 97, paragraphe 1, seconde phrase, du FamFG, par celles de la législation allemande, aucune procédure de reconnaissance ne serait nécessaire en Allemagne. Il conviendrait donc de déterminer si la notion de « décision », au sens de ces dispositions du règlement Bruxelles II bis, doit être interprétée comme ne visant que les actes qui émanent d’une juridiction ou d’une autorité exerçant des prérogatives de puissance
publique et qui ont un effet constitutif de droits ou bien si elle couvre également les actes juridiques privés relevant de la volonté autonome des parties, adoptés sans une telle participation avec effet constitutif d’une autorité étatique, ainsi qu’il en irait de la procédure prévue en Italie à l’article 12 du décret-loi no 132/2014.

33 La juridiction de renvoi estime que ni le libellé desdites dispositions ni les enseignements qui se dégagent de l’arrêt du 20 décembre 2017, Sahyouni (C‑372/16, EU:C:2017:988), ne permettent de trancher clairement cette question, même si une partie de la doctrine allemande retient une interprétation large de ce libellé qui permettrait de considérer que les règles prévues par le règlement Bruxelles II bis en matière de reconnaissance des décisions de divorce trouvent à s’appliquer aux divorces
intervenus au terme d’une procédure extrajudiciaire, tels que celui prévu par la réglementation italienne en cause au principal.

34 Alors que cette partie de la doctrine soutient qu’une telle interprétation est justifiée au regard de la finalité du règlement Bruxelles II bis qui consiste à veiller à une reconnaissance aisée en matière d’affaires matrimoniales dans l’Union, la juridiction de renvoi penche en faveur d’une interprétation inverse. Selon cette juridiction, le règlement Bruxelles II bis repose sur la prémisse selon laquelle seule une décision de divorce rendue par une autorité publique et à laquelle est attaché un
effet constitutif de droits permet de garantir la protection de l’époux « le plus faible » contre les désavantages liés au divorce, une telle autorité étant ainsi en mesure d’empêcher le divorce en exerçant sa compétence de contrôle. Or, tel ne serait pas le cas lorsque la base juridique de la dissolution du mariage tient dans la volonté autonome des époux exprimée dans un acte juridique privé et que la participation de l’autorité publique se limite à des fonctions de mise en garde, de
clarification, de preuve ou de conseil sans pouvoir de contrôle sur le fond.

35 La juridiction de renvoi ajoute qu’une telle approche est confortée, d’une part, par le fait que, lors de l’adoption du règlement Bruxelles II bis, aucune procédure de divorce par voie extrajudiciaire n’existait dans le droit des États membres de l’époque, si bien que le législateur de l’Union n’a pas pu prendre ce cas de figure en considération. D’autre part, il résulterait des dispositions du règlement Bruxelles II ter, lequel a abrogé et remplacé le règlement Bruxelles II bis depuis le1er août
2022, que le législateur de l’Union a entre-temps prévu des règles couvrant les divorces tels que celui prévu par la réglementation italienne en cause au principal, ce qui n’aurait pas été le cas sous l’empire du règlement Bruxelles II bis.

36 Dans le cas où la Cour devrait considérer qu’une « décision », au sens de l’article 21 du règlement Bruxelles II bis, lu en combinaison avec l’article 2, point 4, de ce règlement, fait défaut dans le cas de divorces tels que celui prévu par la réglementation italienne en cause au principal, la juridiction de renvoi souhaite savoir si la reconnaissance d’un tel divorce est néanmoins possible sur le fondement de l’article 46 dudit règlement. La juridiction de renvoi a tendance à exclure une telle
possibilité du fait que cette disposition, au contraire de la disposition correspondante prévue dans le règlement Bruxelles II ter, mentionne uniquement les actes authentiques et les accords entre parties « exécutoires », ce qui ne concernerait pas la matière du divorce, mais uniquement celle de la responsabilité parentale.

37 Toutefois, la juridiction de renvoi relève que, selon une partie de la doctrine allemande, l’article 46 du règlement Bruxelles II bis trouve à s’appliquer dans le cas de divorces tels que celui prévu par la réglementation italienne en cause au principal.

38 Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Une dissolution du mariage sur le fondement de l’article 12 du [décret-loi no 132/2014] est-elle une décision de divorce au sens du règlement Bruxelles II bis ?

2) En cas de réponse négative à la première question : une dissolution du mariage sur le fondement de l’article 12 du [décret‑loi no 132/2014] doit-elle être traitée en appliquant mutatis mutandis la disposition prévue pour les actes authentiques et les accords à l’article 46 du règlement Bruxelles II bis ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

39 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, point 4, du règlement Bruxelles II bis doit être interprété, notamment aux fins de l’application de l’article 21, paragraphe 1, de ce règlement, en ce sens qu’un acte de divorce établi par un officier de l’état civil d’un État membre, comportant un accord de divorce conclu par les époux et confirmé par ceux-ci devant cet officier en conformité avec les conditions prévues par la réglementation de cet État
membre, constitue une « décision », au sens de cet article 2, point 4.

40 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il découle tant des exigences de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte non seulement des termes de cette
disposition, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [arrêt du 31 mars 2022, Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl e.a. (Placement d’un demandeur d’asile dans un hôpital psychiatrique), C‑231/21, EU:C:2022:237, point 42 ainsi que jurisprudence citée].

41 Compte tenu du fait qu’aucune disposition du règlement Bruxelles II bis, notamment l’article 2, point 4, de celui-ci, ne comporte de renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer le sens et la portée du terme « décision » visé notamment tant à cette disposition qu’à l’article 21 de ce règlement, il convient de considérer que ce terme doit recevoir une interprétation autonome et uniforme en droit de l’Union, conformément à la méthodologie rappelée au point précédent.

42 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ressort aussi bien des dispositions combinées de l’article 67, paragraphes 1 et 4, et de l’article 81, paragraphes 1 et 2, TFUE que de celles, antérieures, de l’article 61, sous c), et de l’article 65, sous a), CE que, aux fins de constituer un espace de liberté, de sécurité et de justice, l’Union développe une coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, en assurant entre autres, notamment lorsque cela est
nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur, la reconnaissance mutuelle entre les États membres des décisions judiciaires et extrajudiciaires.

43 Dans ce cadre, tant le principe de confiance mutuelle entre les États membres que le principe de reconnaissance mutuelle des décisions, qui repose lui-même sur la confiance réciproque entre ces derniers, ont, dans le droit de l’Union, une importance fondamentale, étant donné qu’ils permettent la création et le maintien d’un espace sans frontières intérieures (arrêt du 9 mars 2017, Pula Parking, C‑551/15, EU:C:2017:193, point 51 et jurisprudence citée).

44 C’est dans ce contexte que le règlement Bruxelles II bis vise, ainsi qu’il ressort de ses considérants 1, 2 et 21, à faciliter entre autres, sur le fondement du principe de confiance mutuelle en tant que pierre angulaire de la création d’un véritable espace judiciaire, la reconnaissance des décisions rendues dans les États membres en matière de divorce, en réduisant au minimum nécessaire les motifs de non‑reconnaissance de telles décisions (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2019, Liberato,
C‑386/17, EU:C:2019:24, points 41 et 46 ainsi que jurisprudence citée).

45 Ainsi, l’article 21, paragraphes 1 et 2, du règlement Bruxelles II bis, lu en combinaison avec l’article 1er, paragraphe 1, sous a), et l’article 25 de ce règlement, prévoit notamment que, à moins que l’un des motifs de non-reconnaissance mentionnés exhaustivement à l’article 22 dudit règlement, lu à la lumière du considérant 21 de ce dernier, ne soit établi, les décisions rendues dans un État membre en matière de divorce doivent être reconnues dans les autres États membres sans qu’il soit
nécessaire de recourir à aucune procédure, étant précisé, d’une part, que, aux fins de la mise à jour des actes de l’état civil dans l’État membre requis, la décision ne doit plus être susceptible de recours selon la loi de l’État membre d’origine et, d’autre part, que la reconnaissance d’une décision ne peut notamment pas être refusée au motif que la loi de l’État membre requis ne permet pas le divorce sur la base de faits identiques.

46 S’agissant de la notion de « décision », au sens de l’article 2, point 4, du règlement Bruxelles II bis, il convient de relever que, en matière de divorce, celle-ci recouvre « toute décision de divorce [...] rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la dénomination de la décision, y compris les termes “arrêt”, “jugement” ou “ordonnance” ». La notion de « juridiction » est elle-même définie, au point 1 de cet article, comme l’ensemble des « autorités compétentes des États
membres dans les matières relevant du champ d’application du présent règlement en vertu de l’article 1er ». Il convient par ailleurs de préciser que, en vertu de l’article 2, point 3, du règlement Bruxelles II bis, l’expression « État membre » couvre l’ensemble des États membres de l’Union, à l’exception du Royaume de Danemark.

47 Dès lors, il résulte d’une lecture conjointe de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), et de l’article 2, points 1, 3 et 4, du règlement Bruxelles II bis que la notion de décision en matière de divorce vise toute décision de divorce, quelle que soit sa dénomination, qui est rendue par une autorité d’un État membre compétente, à l’exception des autorités du Royaume de Danemark.

48 Il ressort de cette définition donnée par le règlement Bruxelles II bis lui‑même que, ainsi que M. l’avocat général l’a indiqué en substance aux points 34 et 36 de ses conclusions, ce règlement est susceptible de couvrir les décisions de divorce intervenues au terme d’une procédure tant judiciaire qu’extrajudiciaire, pour autant que le droit des États membres confère également aux autorités extrajudiciaires des compétences en matière de divorce.

49 Il s’ensuit que toute décision rendue par de telles autorités extrajudiciaires compétentes en matière de divorce dans un État membre, à l’exception du Royaume de Danemark, doit, en vertu de l’article 21 du règlement Bruxelles II bis, être reconnue automatiquement dans les autres États membres, à l’exception du Royaume de Danemark, sans préjudice, d’une part, de l’application de l’article 22 de ce règlement en ce qui concerne les motifs de non‑reconnaissance et, d’autre part, du fait que, aux fins
de la mise à jour des actes de l’état civil dans l’État membre requis, la décision ne doit plus être susceptible de recours.

50 Il y a lieu de préciser que cette interprétation de la notion de « décision » ne saurait être infirmée par le fait qu’aucun État membre n’avait encore prévu dans sa législation, lors de l’élaboration et de l’adoption du règlement Bruxelles II bis, la possibilité, pour les époux, de divorcer par voie extrajudiciaire. En effet, ladite interprétation résulte directement des définitions larges et ouvertes des notions de « juridiction » et de « décision » visées respectivement aux points 1 et 4 de
l’article 2 de ce règlement.

51 En outre, la même interprétation est corroborée par l’objectif poursuivi par le règlement Bruxelles II bis, lequel tend, entre autres, ainsi qu’il ressort des points 42 à 44 du présent arrêt, à faciliter, sur le fondement du principe de confiance mutuelle sous-tendant la création d’un véritable espace judiciaire au niveau de l’Union, la reconnaissance des décisions rendues dans les États membres en matière, notamment, de divorce.

52 Ainsi qu’il ressort des éléments exposés par la juridiction de renvoi dans sa demande de décision préjudicielle et rappelés aux points 32 à 34 du présent arrêt, cette juridiction s’interroge toutefois encore sur le degré de contrôle que doit exercer l’autorité compétente en matière de divorce afin que l’acte de divorce qu’elle établit, notamment dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel, puisse être qualifié de « décision », au sens de l’article 2, point 4, du règlement Bruxelles II bis,
aux fins de l’application de l’article 21, paragraphe 1, de ce règlement.

53 À cet égard, il résulte de la jurisprudence de la Cour que le règlement Bruxelles II bis ne couvre que les divorces prononcés soit par une juridiction étatique, soit par une autorité publique ou sous son contrôle, ce qui exclut les simples divorces privés, tels que celui résultant d’une déclaration unilatérale d’un des époux devant un tribunal religieux (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Sahyouni, C‑372/16, EU:C:2017:988, points 39 à 43, 48 et 49).

54 Il peut être déduit de cette jurisprudence que toute autorité publique amenée à prendre une « décision », au sens de l’article 2, point 4, du règlement Bruxelles II bis, doit garder le contrôle du prononcé du divorce, ce qui implique, dans le cadre des divorces par consentement mutuel, qu’elle procède à un examen des conditions du divorce au regard du droit national ainsi que de la réalité et de la validité du consentement des époux à divorcer.

55 L’exigence d’un examen, au sens du point précédent, en tant qu’élément caractéristique de la notion de décision peut également être déduite de l’arrêt du 2 juin 1994, Solo Kleinmotoren (C‑414/92, EU:C:1994:221). Aux points 15 à 17 de cet arrêt, la Cour a jugé, s’agissant de l’article 25 de la convention de Bruxelles, rédigé en termes sensiblement identiques à ceux de l’article 2, point 4, du règlement Bruxelles II bis, à l’exception notable du fait que seules les décisions judiciaires sont visées
par cette disposition de ladite convention, que la notion de « décision » implique que la juridiction statue « de sa propre autorité sur des points litigieux entre les parties ».

56 Il est vrai que, ainsi que le gouvernement polonais l’a rappelé lors de l’audience, la Cour a jugé, dans ledit arrêt, qu’une transaction intervenue devant une juridiction d’un État membre et mettant fin au litige ne peut constituer une « décision », au sens de l’article 25 de la convention de Bruxelles. Toutefois, il ne saurait en être déduit par analogie que la qualification de « décision », au sens de l’article 2, point 4, du règlement Bruxelles II bis, devrait être systématiquement exclue dans
le cas où une autorité extrajudiciaire est habilitée à prononcer le divorce sur la base d’un accord conclu par les époux, à l’issue d’un examen des conditions fixées par les dispositions nationales en vigueur.

57 En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a indiqué en substance au point 50 de ses conclusions, la Cour a, dans l’arrêt du 2 juin 1994, Solo Kleinmotoren (C‑414/92, EU:C:1994:221), fondé sa décision sur le fait que les transactions concernées revêtaient un caractère essentiellement contractuel, la juridiction concernée se contentant ainsi de prendre acte de la transaction sans exercer un quelconque examen du contenu de cette transaction au regard des dispositions légales en vigueur.

58 Au demeurant, le règlement Bruxelles II ter, qui a procédé à une refonte du règlement Bruxelles II bis, énonce, à son considérant 14, que « [t]out accord approuvé par la juridiction à l’issue d’un examen sur le fond mené conformément aux législations et procédures nationales devrait être reconnu ou exécuté comme une “décision” ». Il ajoute que « [d]’autres accords qui acquièrent un effet juridique contraignant dans l’État membre d’origine à la suite de l’intervention formelle d’une autorité
publique ou d’une autre autorité notifiée à la Commission par un État membre devraient être exécutés dans les autres États membres conformément aux dispositions spécifiques du présent règlement relatives aux actes authentiques et accords. Le présent règlement ne devrait pas autoriser la libre circulation de simples accords privés. Cependant, les accords qui ne sont ni une décision ni un acte authentique, mais qui ont été enregistrés par une autorité publique habilitée à le faire, devraient
pouvoir circuler. Ces autorités publiques pourraient inclure les notaires enregistrant les accords, même s’ils exercent une profession libérale ».

59 Le législateur de l’Union a ainsi explicité, dans une perspective de continuité, le fait que des accords de divorce, qui ont été approuvés par une autorité judiciaire ou extrajudiciaire à l’issue d’un examen sur le fond mené conformément aux législations et aux procédures nationales, constituent des « décisions », au sens de l’article 2, point 4, du règlement Bruxelles II bis et des dispositions du règlement Bruxelles II ter venues se substituer à cette disposition, et que c’est précisément cet
examen sur le fond qui distingue ces décisions des actes authentiques et des accords, au sens de ces règlements.

60 Partant, dès lors qu’une autorité extrajudiciaire compétente approuve, après un examen sur le fond, un accord de divorce, celui-ci est reconnu en tant que « décision », conformément à l’article 21 du règlement Bruxelles II bis et à l’article 30 du règlement Bruxelles II ter, tandis que d’autres accords de divorce qui ont un effet juridique contraignant dans l’État membre d’origine sont reconnus, selon le cas, en tant qu’actes authentiques ou accords, conformément à l’article 46 du règlement
Bruxelles II bis et à l’article 65 du règlement Bruxelles II ter.

61 Dans ce contexte, il convient de relever que, comme la Commission l’a indiqué à juste titre lors de l’audience, il résulte de la genèse du considérant 14 et de l’article 65 du règlement Bruxelles II ter que, en adoptant ce règlement, le législateur de l’Union a visé non pas à innover et à introduire des règles nouvelles, mais uniquement à « clarifier », d’une part, la portée de la règle déjà inscrite à l’article 46 du règlement Bruxelles II bis et, d’autre part, le critère permettant de
distinguer la notion de « décision » de celles d’« acte authentique » et d’« accord entre parties », à savoir le critère relatif à l’examen sur le fond.

62 C’est à l’aune de l’ensemble de ces considérations qu’il convient de déterminer si, en l’occurrence, un acte de divorce établi par un officier de l’état civil d’un État membre, comportant un accord de divorce conclu par les époux et confirmé par ceux-ci devant cet officier en conformité avec les conditions prévues par la réglementation nationale de cet État membre, constitue une « décision », au sens de l’article 2, point 4, du règlement Bruxelles II bis, aux fins de l’application de
l’article 21, paragraphe 1, de ce règlement.

63 À cet égard, il résulte du dossier dont dispose la Cour que l’officier de l’état civil est, en Italie, une autorité légalement instituée qui, en vertu du droit de cet État membre, est compétente pour prononcer le divorce de manière juridiquement contraignante en actant, sous forme écrite, l’accord de divorce rédigé par les époux, après avoir effectué un examen au sens du point 54 du présent arrêt.

64 En effet, en vertu de l’article 12 du décret-loi no 132/2014, l’officier de l’état civil doit recueillir, personnellement et par deux fois, dans un intervalle d’au moins 30 jours, les déclarations de chaque époux, ce qui implique qu’il s’assure du caractère valable, libre et éclairé de leur consentement à divorcer.

65 Par ailleurs, conformément à cette disposition, cet officier procède à un examen du contenu de l’accord de divorce au regard des dispositions légales en vigueur, en ce qu’il s’assure de ce que cet accord porte uniquement sur la dissolution ou la cessation des effets civils du mariage, à l’exclusion de toute transmission de patrimoine, et de ce que les époux n’ont pas d’enfants mineurs ou d’enfants majeurs incapables, gravement handicapés ou économiquement non indépendants, de telle sorte que
l’accord ne porte pas sur de tels enfants.

66 Il ressort également de l’article 12 du décret-loi no 132/2014 que l’officier de l’état civil n’est pas habilité à prononcer le divorce si une ou plusieurs des conditions prévues à cette disposition ne sont pas remplies, notamment si cet officier a un doute sur le caractère libre et éclairé du consentement de l’un des époux à divorcer, si l’accord concerne la transmission de patrimoine ou bien encore si les époux ont des enfants autres que des enfants majeurs économiquement indépendants.

67 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 2, point 4, du règlement Bruxelles II bis doit être interprété, notamment aux fins de l’application de l’article 21, paragraphe 1, de ce règlement, en ce sens qu’un acte de divorce établi par un officier de l’état civil de l’État membre d’origine, comportant un accord de divorce conclu par les époux et confirmé par ceux-ci devant cet officier en conformité avec les conditions prévues par la
réglementation de cet État membre, constitue une « décision », au sens de cet article 2, point 4.

Sur la seconde question

68 Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a plus lieu de répondre à la seconde question.

Sur les dépens

69 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

  L’article 2, point 4, du règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000,

  doit être interprété, notamment aux fins de l’application de l’article 21, paragraphe 1, de ce règlement, en ce sens que :

  un acte de divorce établi par un officier de l’état civil de l’État membre d’origine, comportant un accord de divorce conclu par les époux et confirmé par ceux-ci devant cet officier en conformité avec les conditions prévues par la réglementation de cet État membre, constitue une « décision », au sens de cet article 2, point 4.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Grande chambre
Numéro d'arrêt : C-646/20
Date de la décision : 15/11/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof.

Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Compétence, reconnaissance et exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale – Divorce – Règlement (CE) no 2201/2003 – Article 2, point 4, et article 21 – Notion de “décision” – Reconnaissance, dans un État membre, d’une dissolution de mariage convenue dans un accord entre les époux et prononcée par un officier de l’état civil d’un autre État membre – Critère permettant de déterminer l’existence d’une “décision”.

Espace de liberté, de sécurité et de justice

Coopération judiciaire en matière civile


Parties
Demandeurs : Senatsverwaltung für Inneres und Sport, Standesamtsaufsicht
Défendeurs : TB.

Composition du Tribunal
Avocat général : Collins
Rapporteur ?: Safjan

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:879

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