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28/04/2022 | CJUE | N°C-612/20

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Happy Education SRL contre Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Cluj-Napoca et Administraţia Judeţeană a Finanţelor Publice Cluj., 28/04/2022, C-612/20


 ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

28 avril 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 132, paragraphe 1, sous i) – Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général – Exonérations liées à l’éducation de l’enfance ou de la jeunesse, à l’enseignement scolaire ou universitaire – Prestation de services éducationnels complémentaires au programme scolaire – Organisme de droit privé fournissant ces services à des fins commerciales »

Dans l

’affaire C‑612/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite pa...

 ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

28 avril 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 132, paragraphe 1, sous i) – Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général – Exonérations liées à l’éducation de l’enfance ou de la jeunesse, à l’enseignement scolaire ou universitaire – Prestation de services éducationnels complémentaires au programme scolaire – Organisme de droit privé fournissant ces services à des fins commerciales »

Dans l’affaire C‑612/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul Cluj (tribunal de grande instance de Cluj, Roumanie), par décision du 23 septembre 2020, parvenue à la Cour le 17 novembre 2020, dans la procédure

Happy Education SRL

contre

Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Cluj-Napoca,

Administraţia Judeţeană a Finanţelor Publice Cluj,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. S. Rodin (rapporteur), président de chambre, M. J.–C. Bonichot et Mme O. Spineanu–Matei, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour Happy Education SRL, par Me A. Manole, avocat,

– pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane et L.-E. Baţagoi, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mmes L. Lozano Palacios et A. Armenia, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 132, paragraphe 1, sous i), ainsi que des articles 133 et 134 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Happy Education SRL au Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice Cluj-Napoca (direction générale régionale des finances publiques de Cluj-Napoca, Roumanie) et à l’Administrația Județeană a Finanțelor Publice Cluj (administration départementale des finances publiques de Cluj, Roumanie) (ci-après, ensemble, les « autorités fiscales ») au sujet du refus des autorités fiscales d’exonérer de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) les
prestations d’enseignement complémentaires au programme scolaire fournies par Happy Education.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Le titre IX de la directive 2006/112, intitulé « Exonérations », comprend, notamment, un chapitre 2, relatif aux « [e]xonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général », dans lequel figure l’article 132 de cette directive, dont le paragraphe 1 est ainsi libellé :

« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

i) l’éducation de l’enfance ou de la jeunesse, l’enseignement scolaire ou universitaire, la formation ou le recyclage professionnel, ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectués par des organismes de droit public de même objet ou par d’autres organismes reconnus comme ayant des fins comparables par l’État membre concerné ;

[...] »

4 L’article 133 de cette directive prévoit :

« Les États membres peuvent subordonner, au cas par cas, l’octroi, à des organismes autres que ceux de droit public, de chacune des exonérations prévues à l’article 132, paragraphe 1, points b), g), h), i), l), m) et n) au respect de l’une ou plusieurs des conditions suivantes :

a) les organismes en question ne doivent pas avoir pour but la recherche systématique du profit, les bénéfices éventuels ne devant jamais être distribués mais devant être affectés au maintien ou à l’amélioration des prestations fournies ;

b) ces organismes doivent être gérés et administrés à titre essentiellement bénévole par des personnes n’ayant, par elles-mêmes ou par personnes interposées, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l’exploitation ;

c) ces organismes doivent pratiquer des prix homologués par les autorités publiques ou n’excédant pas de tels prix ou, pour les opérations non susceptibles d’homologation des prix, des prix inférieurs à ceux exigés pour des opérations analogues par des entreprises commerciales soumises à la TVA ;

d) les exonérations ne doivent pas être susceptibles de provoquer des distorsions de concurrence au détriment des entreprises commerciales assujetties à la TVA.

[...] »

Le droit roumain

5 L’article 292, intitulé « Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général et exonérations en faveur d’autres activités », de la Legea nr. 227/2015 privind Codul fiscal (loi no 227/2015, portant code des impôts), du 8 septembre 2015 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 688 du 10 septembre 2015) (ci-après le « code des impôts »), dispose, à son paragraphe 1 :

« Les opérations suivantes, d’intérêt général, sont exonérées de la taxe :

[...]

f) l’activité d’enseignement prévue par la loi de l’éducation nationale no 1/2011, telle que modifiée et complétée, la formation professionnelle des adultes ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à ces activités, effectuées par des établissements publics ou d’autres entités agréées. L’exonération est accordée dans les conditions prévues par les normes méthodologiques ;

[...] »

6 La Hotărârea Guvernului nr. 1/2016 pentru aprobarea normelor metodologice de aplicare a Legii nr. 227/2015 privind Codul fiscal (décision du gouvernement no 1/2016 pour l’approbation des normes méthodologiques d’application de la loi no 227/2015, portant code des impôts), du 6 janvier 2016 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 22 du 13 janvier 2016), énonce, au chapitre IX, intitulé « Opérations exonérées de la taxe », à la section 1, point 42 :

« 1. L’exonération prévue à l’article 292, paragraphe 1, point f), du code des impôts pour la formation professionnelle des adultes s’applique aux personnes autorisées à cet effet conformément à l’ordonnance du gouvernement no 129/2000 relative à la formation professionnelle des adultes, republiée, telle que modifiée et complétée ultérieurement, aux personnes habilitées pour la formation professionnelle du personnel aéronautique civil navigant prévu par la Legea nr. 223/2007 privind Statutul
personalului aeronautic civil navigant profesionist din aviaţia civilă din România (loi no 223/2007 portant statut du personnel aéronautique civil navigant professionnel de l’aviation civile roumaine), telle que modifiée et complétée, ainsi qu’à l’Agence nationale des fonctionnaires publics pour l’activité de perfectionnement professionnel. Sont également exonérés les services de formation professionnelle fournis par des fournisseurs de formation professionnelle sur la base des contrats de
partenariat conclus avec l’Agence nationale des fonctionnaires publics sur la base de l’article 23 de la Hotărârea Guvernului nr. 1066/2008 pentru aprobarea normelor privind formarea profesională a funcţionarilor publici (décision du gouvernement no 1066/2008 approuvant les règles relatives à la formation professionnelle des agents publics).

[...]

3. L’exonération prévue à l’article 292, paragraphe 1, point f), du code des impôts s’applique également aux livraisons de biens et aux prestations de services ayant un lien étroit avec des services éducatifs, telles que la vente de manuels scolaires, l’organisation de conférences liées à l’activité d’enseignement, effectuées par des établissements publics ou d’autres entités agréées pour les activités d’enseignement ou pour la formation professionnelle d’adultes, les prestations de services
d’examen en vue d’obtenir l’accès aux services éducatifs ou de formation professionnelle d’adultes.

[...] »

7 La Legea educației naționale nr. 1/2011 (loi sur l’éducation nationale no 1/2011), du 5 janvier 2011 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 18 du 10 janvier 2011, ci-après la « loi sur l’éducation nationale »), régit, conformément à son article 1er,la structure, les fonctions, l’organisation et le fonctionnement du système national d’enseignement public, privé et confessionnel.

8 L’article 58 de la loi sur l’éducation nationale, relatif au programme « École après l’école », est ainsi libellé :

« 1.   Les établissements d’enseignement peuvent, par décision du conseil d’administration, étendre leurs activités avec les élèves après les heures de cours, par des programmes “École après l’école”.

2.   En partenariat avec les autorités publiques locales et les associations de parents, le programme “École après l’école” offre des activités éducatives, récréatives, de loisirs, afin de renforcer les compétences acquises ou d’accélérer l’apprentissage, ainsi que des activités de remise à niveau. Lorsque cela est possible, le partenariat peut être conclu avec des organisations non gouvernementales possédant des compétences en la matière.

3.   Les programmes “École après l’école” sont organisés sur la base d’une méthodologie approuvée par arrêté du ministre de l’Éducation, de la Recherche, de la Jeunesse et du Sport.

4.   L’État peut financer le programme “École après l’école” pour les enfants et élèves faisant partie des groupes défavorisés, conformément à la loi. »

9 L’organisation du programme « École après l’école » est régie par la Metodologia de organizare a programului « Şcoala după şcoală », aprobată prin Ordinul ministrului educaţiei, cercetării, tineretului şi sportului nr. 5349 (méthodologie pour l’organisation du programme « Şcoala după şcoală », approuvée par ordre du ministre de l’éducation, de la recherche, de la jeunesse et du sport), du 7 septembre 2011 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 738 du 20 octobre 2011, ci-après la
« méthodologie d’organisation du programme “École après l’école” »).

10 La méthodologie d’organisation du programme « École après l’école » prévoit, à son article 2 :

« 1.   Le programme “École après l’école”, ci–après le “programme SDS”, est un programme complémentaire au programme scolaire obligatoire, qui offre des possibilités d’apprentissage formel et informel pour la consolidation des compétences, de remise à niveau et d’accélération de l’apprentissage par des activités éducatives, récréatives et de loisirs.

2.   Le programme SDS s’adresse tant aux élèves de l’enseignement primaire qu’aux élèves de l’enseignement secondaire.

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

11 Happy Education est une société commerciale roumaine qui fournit des services d’enseignement consistant en l’organisation d’activités complémentaires au programme scolaire, telles que des cours d’appui pour les devoirs, des programmes éducatifs, des cours de langues étrangères et d’art, des activités sportives, le ramassage scolaire des enfants à l’école et la fourniture de repas après les activités scolaires.

12 Ces activités correspondent à celles faisant partie du programme « Școala după școală » (« École après l’école »), tel qu’il est institué, notamment, par la méthodologie d’organisation du programme « École après l’école » (ci-après le « programme “École après l’école” »).

13 Les enfants qui y participent sont inscrits dans les différents établissements scolaires situés à Cluj-Napoca (Roumanie).

14 Dans le cadre de la classification des activités économiques nationales (CAEN), en vertu duquel toute société commerciale et personne physique autorisée en Roumanie est tenue de classer son objet social à des fins, notamment, statistiques, les activités de Happy Education relèvent du code CAEN 8559 – « Autres enseignements ».

15 À la suite d’un contrôle fiscal relatif à la TVA, portant sur la période comprise entre le 1er août 2016 et le 31 décembre 2017, le service de contrôle des autorités fiscales a constaté que, au mois de juillet 2016, le chiffre d’affaires de Happy Education avait dépassé le plafond du chiffre d’affaires en dessous duquel les petites entreprises bénéficient, selon le code des impôts, d’une exonération de la TVA. En conséquence, ces autorités ont considéré que Happy Education aurait dû s’identifier
à la TVA à partir du mois d’août 2016 et lui ont imposé le paiement d’un montant représentant la TVA pour la période visée.

16 Le 11 juin 2018, cette société a introduit une réclamation administrative contre cette décision d’imposition, faisant valoir, notamment, que les opérations qu’elle effectuait représentaient des prestations de services étroitement liées à l’activité d’enseignement prévue par la loi sur l’éducation nationale, de sorte qu’elles étaient exonérées de la TVA en vertu de l’article 292, paragraphe 1, sous f), du code des impôts. Les autorités fiscales ont relevé, en particulier, que Happy Education
n’était pas agréée pour fournir des services dans le cadre du programme « École après l’école » destiné aux élèves.

17 Par décision du 10 septembre 2018, le service du traitement des réclamations no 1 des autorités fiscales a rejeté cette réclamation administrative, au motif que les activités exercées par Happy Education ne faisaient pas partie du système national d’enseignement et n’étaient pas autorisées en vertu des normes méthodologiques d’application de l’article 292, paragraphe 1, sous f), du code des impôts.

18 Saisi d’un recours contre cette décision par Happy Education, le Tribunalul Cluj (tribunal de grande instance de Cluj, Roumanie) fait observer que l’objet social des activités exercées par celle-ci s’était vu attribuer, lors de la création de la société, le code CAEN 8559 – « Autres enseignements », raison pour laquelle cette société a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’obtenir d’avis supplémentaires pour que les services fournis dans le cadre de cet objet social soient classés dans la catégorie
des opérations exonérées de TVA, en application de l’article 292, paragraphe 1, sous f), du code des impôts.

19 La juridiction de renvoi affirme, toutefois, que, au regard du droit national, notamment de cette disposition, les prestations proposées par Happy Education ne sont pas exonérées, dans la mesure où celle-ci n’a pas prouvé la conclusion d’un partenariat avec un établissement d’enseignement en vue de la mise en œuvre d’un projet dans le cadre du programme « École après l’école ».

20 Cette juridiction estime, néanmoins, que Happy Education pourrait invoquer le bénéfice de l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112.

21 À cet égard, Happy Education fait valoir que les services qu’elle fournit aux élèves comprennent des activités de transmission de connaissances tant pratiques que théoriques, conformément au programme scolaire national, qui sont nécessaires pour approfondir les connaissances acquises par les élèves dans le cadre des cours dispensés dans les établissements d’enseignement. La finalité de ces activités serait donc non pas purement récréative, mais principalement axée sur la réalisation des devoirs
et la consolidation des connaissances acquises pendant les heures de cours suivies dans les établissements d’enseignement du système national.

22 La juridiction de renvoi en conclut que l’activité de Happy Education relève de la notion d’« enseignement scolaire ou universitaire », au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112.

23 Elle éprouve, en revanche, des doutes quant au fait que Happy Education remplisse les autres critères fixés à cette disposition, dans la mesure où il n’est pas certain qu’elle puisse être perçue en tant qu’« organisme reconnu comme ayant des fins comparables » aux organismes de droit public, au sens de ladite disposition, dès lors qu’elle ne détient que l’autorisation nécessaire pour l’exercice des activités éducatives identifiées par le code CAEN 8559, cette autorisation n’étant toutefois pas
considérée, en droit national, comme suffisante pour rendre un organisme éligible à l’exonération de la TVA.

24 Dans ces conditions, le Tribunalul Cluj (tribunal de grande instance de Cluj) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 132, paragraphe 1, sous i), ainsi que les articles 133 et 134 de la directive [2006/112] doivent-ils être interprétés en ce sens que les services d’éducation tels que ceux contenus dans le programme national “École après l’école” peuvent relever de la notion de “services étroitement liés à l’enseignement scolaire” lorsqu’ils sont fournis, dans des conditions telles que celles de l’affaire au principal, par un organisme privé, à des fins commerciales et en dehors d’un partenariat
conclu avec un établissement d’enseignement ?

2) En cas de réponse affirmative à la première question, la reconnaissance à la requérante de la qualité d’“organisme ayant des fins comparables”, au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive [2006/112], peut-elle découler des dispositions légales nationales relatives à l’autorisation des activités identifiées par le code CAEN 8559 – “Autres enseignements” par l’Office national du registre du commerce, ainsi que du caractère d’intérêt général des activités éducatives de type
“École après l’école”, qui ont pour but la prévention de l’abandon scolaire et des départs prématurés de l’école, l’augmentation des performances scolaires, la remise à niveau, l’accélération de l’apprentissage, le développement personnel et l’intégration sociale ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la seconde question

25 Par sa seconde question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que relève de la notion d’« organisme reconnu comme ayant des fins comparables » à celles d’un organisme de droit public d’éducation, au sens de cette disposition, une entité privée qui exerce des activités d’enseignement d’intérêt général consistant, notamment, en l’organisation
d’activités complémentaires au programme scolaire, telles que des cours d’appui pour les devoirs, des programmes éducatifs, des cours de langues étrangères et qui a obtenu une autorisation par l’Office national du registre du commerce national, sous la forme de l’attribution du code CAEN 8559 – « Autres enseignements », au sens de la classification des activités économiques nationales.

26 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 132 de la directive 2006/112 prévoit des exonérations qui, ainsi que l’indique l’intitulé du chapitre dont relève cet article, ont pour objectif de favoriser certaines activités d’intérêt général. Toutefois, ces exonérations concernent non pas toutes les activités d’intérêt général, mais seulement celles qui y sont énumérées et décrites de manière détaillée (arrêts du 4 mai 2017, Brockenhurst College, C‑699/15, EU:C:2017:344, point 22 et
jurisprudence citée, ainsi que du 14 mars 2019, A & G Fahrschul-Akademie, C‑449/17, EU:C:2019:202, point 17).

27 Selon la jurisprudence de la Cour, lesdites exonérations constituent des notions autonomes du droit de l’Union ayant pour objet d’éviter des divergences dans l’application du régime de la TVA d’un État membre à l’autre (arrêts du 26 octobre 2017, The English Bridge Union, C‑90/16, EU:C:2017:814, point 17 et jurisprudence citée, ainsi que du 21 octobre 2021, Dubrovin & Tröger – Aquatics, C‑373/19, EU:C:2021:873, point 21).

28 Les termes employés pour désigner les exonérations visées à l’article 132 de la directive 2006/112 sont d’interprétation stricte, étant donné que celles-ci constituent des dérogations au principe général, résultant de l’article 2 de cette directive, selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation réalisée à titre onéreux par un assujetti. Toutefois, cette règle d’interprétation stricte ne signifie pas que les termes utilisés pour définir les exonérations visées à cet article 132 doivent être
interprétés d’une manière qui priverait celles-ci de leurs effets (arrêts du 4 mai 2017, Brockenhurst College, C‑699/15, EU:C:2017:344, point 23 et jurisprudence citée, ainsi que du 21 octobre 2021, Dubrovin & Tröger – Aquatics, C‑373/19, EU:C:2021:873, point 22).

29 Il convient de relever, plus particulièrement, qu’il ressort du libellé de l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 que l’exonération qui est visée à cette disposition est subordonnée, essentiellement, à deux conditions cumulatives, à savoir, d’une part, celle relative à la nature du service fourni, qu’il s’agisse de prestations d’éducation de l’enfance ou de la jeunesse, d’enseignement scolaire ou universitaire, de formation ou du recyclage professionnel ou de prestations
« étroitement liées » à ces prestations, et, d’autre part, celle relative au prestataire du service fourni, que lesdites prestations soient réalisées « par des organismes de droit public […] ou par d’autres organismes reconnus comme ayant des fins comparables par l’État membre concerné » (voir, en ce sens, arrêts du 28 novembre 2013, MDDP, C‑319/12, EU:C:2013:778, point 35, ainsi que du 4 mai 2017, Brockenhurst College, C‑699/15, EU:C:2017:344, point 26).

30 S’agissant de la seconde de ces conditions, lorsqu’une entité ne constitue pas un organisme de droit public, au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112, comme cela semble être le cas d’Happy Education dans l’affaire au principal, ses prestations ne peuvent être exonérées de la TVA au titre de cette disposition que dans la mesure où elle relève de la notion d’« autres organismes reconnus comme ayant des fins comparables par l’État membre concerné », visée par la
seconde question préjudicielle.

31 À cet égard, il importe de souligner que la Cour a déjà jugé que, dans la mesure où l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 ne précise pas les conditions ou les modalités auxquelles ces fins comparables peuvent être reconnues, il appartient, en principe, au droit national de chaque État membre d’édicter les règles selon lesquelles une telle reconnaissance peut être accordée à de tels organismes. Les États membres disposent d’un pouvoir d’appréciation à cet égard (voir, en
ce sens, arrêts du 26 mai 2005, Kingscrest Associates et Montecello, C‑498/03, EU:C:2005:322, points 49 et 51, ainsi que du 28 novembre 2013, MDDP, C‑319/12, EU:C:2013:778, point 37).

32 En outre, il incombe aux juridictions nationales d’examiner si les États membres, en imposant de telles conditions, n’ont pas méconnu les limites de leur pouvoir d’appréciation en respectant les principes du droit de l’Union, en particulier le principe d’égalité de traitement, lequel se traduit, en matière de TVA, par le principe de neutralité fiscale (arrêt du 28 novembre 2013, MDDP, C‑319/12, EU:C:2013:778, point 38 et jurisprudence citée).

33 En l’occurrence, il ressort des informations fournies par la juridiction de renvoi que cette reconnaissance, en tant qu’organisme ayant des fins comparables à celles d’un organisme de droit public d’éducation, au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112, s’effectue, en droit roumain, pour ce qui est des entités privées, comme Happy Education, offrant des activités d’enseignement de type « École après l’école », principalement par la conclusion d’un partenariat avec
un établissement d’enseignement dans le cadre du programme « École après l’école », en conformité avec l’article 58 de la loi sur l’éducation nationale et la méthodologie d’organisation du programme « École après l’école ».

34 Or, il ressort des éléments présentés par la juridiction de renvoi que Happy Education n’a pas conclu un tel partenariat et ne dispose pas, dès lors, de la reconnaissance ou de l’agrément qui est requis à cet effet par le droit roumain.

35 Par conséquent, force est de constater que, sous réserve de l’examen évoqué au point 32 du présent arrêt, une telle entité ne saurait être considérée comme constituant un organisme reconnu comme ayant des fins comparables à celles d’un organisme de droit public d’éducation, au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112, dès lors qu’elle ne satisfait pas aux conditions établies à cette fin par les autorités nationales, sans qu’ait une incidence sur cette qualification
le fait qu’elle exercerait des activités d’enseignement d’intérêt général de type « École après l’école » ou qu’elle aurait obtenu une autorisation par l’Office national du registre du commerce, lors de son enregistrement dans ce registre, sous la forme de l’attribution du code CAEN 8559 – « Autres enseignements ».

36 En effet, s’agissant, plus particulièrement, de cette autorisation, il ressort des éléments présentés par la juridiction de renvoi qu’elle n’a pour objet que la reconnaissance, aux fins de l’enregistrement dans le registre du commerce national, de l’activité de la société comme relevant du code CAEN 8559 – « Autres enseignements », ne visant ainsi que la finalité commerciale légitime des activités exercées par cette société si bien que, ainsi que l’ont affirmé le gouvernement roumain et la
Commission européenne, une telle autorisation ne saurait équivaloir à la reconnaissance d’une société comme un organisme ayant des fins comparables à celles d’un organisme de droit public d’éducation.

37 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question que l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que ne relève pas de la notion d’« organisme reconnu comme ayant des fins comparables » à celles d’un organisme de droit public d’éducation, au sens de cette disposition, une entité privée qui exerce des activités d’enseignement d’intérêt général consistant, notamment, en l’organisation d’activités complémentaires au programme
scolaire, telles que des cours d’appui pour les devoirs, des programmes éducatifs, des cours de langues étrangères et qui a obtenu une autorisation par l’Office national du registre du commerce, sous la forme de l’attribution du code CAEN 8559 – « Autres enseignements », au sens de la classification des activités économiques nationales, lorsque cette entreprise ne satisfait pas, en tout état de cause, aux conditions prévues par le droit national pour pouvoir bénéficier de cette reconnaissance.

Sur la première question

38 Compte tenu de la réponse apportée à la seconde question et des conditions cumulatives de l’exonération visée à l’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112, rappelées au point 29 du présent arrêt, il n’y a pas lieu de répondre à la première question (voir, par analogie, arrêt du 14 mars 2019, A & G Fahrschul-Akademie, C‑449/17, EU:C:2019:202, point 31).

Sur les dépens

39 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

L’article 132, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que ne relève pas de la notion d’« organisme reconnu comme ayant des fins comparables » à celles d’un organisme de droit public d’éducation, au sens de cette disposition, une entité privée qui exerce des activités d’enseignement d’intérêt général consistant, notamment, en l’organisation d’activités
  complémentaires au programme scolaire, telles que des cours d’appui pour les devoirs, des programmes éducatifs, des cours de langues étrangères et qui a obtenu une autorisation par l’Office national du registre du commerce, sous la forme de l’attribution du code CAEN 8559 – « Autres enseignements », au sens de la classification des activités économiques nationales, lorsque cette entreprise ne satisfait pas, en tout état de cause, aux conditions prévues par le droit national pour pouvoir bénéficier
de cette reconnaissance.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le roumain.


Synthèse
Formation : Neuvième chambre
Numéro d'arrêt : C-612/20
Date de la décision : 28/04/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunalul Cluj.

Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 132, paragraphe 1, sous i) – Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général – Exonérations liées à l’éducation de l’enfance ou de la jeunesse, à l’enseignement scolaire ou universitaire – Prestation de services éducationnels complémentaires au programme scolaire – Organisme de droit privé fournissant ces services à des fins commerciales.

Fiscalité

Taxe sur la valeur ajoutée


Parties
Demandeurs : Happy Education SRL
Défendeurs : Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Cluj-Napoca et Administraţia Judeţeană a Finanţelor Publice Cluj.

Composition du Tribunal
Avocat général : Szpunar
Rapporteur ?: Rodin

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:314

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