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28/04/2022 | CJUE | N°C-277/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Secrétariat général de l’Enseignement catholique ASBL (SeGEC) e.a. contre Institut des Comptes nationaux (ICN) et Banque nationale de Belgique., 28/04/2022, C-277/21


 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

28 avril 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 549/2013 – Système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne – Annexe A, point 20.15 – Contrôle exercé par un Institut des comptes nationaux sur des pouvoirs organisateurs des établissements d’enseignement constitués sous la forme d’institutions sans but lucratif – Établissements d’enseignement bénéficiant d’un financement public et d’une liberté d’enseignement garantie par la Constitution – Annex

e A, point 20.15, deuxième phrase –
Notion d’“intervention publique sous forme de réglementation générale s’appl...

 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

28 avril 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 549/2013 – Système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne – Annexe A, point 20.15 – Contrôle exercé par un Institut des comptes nationaux sur des pouvoirs organisateurs des établissements d’enseignement constitués sous la forme d’institutions sans but lucratif – Établissements d’enseignement bénéficiant d’un financement public et d’une liberté d’enseignement garantie par la Constitution – Annexe A, point 20.15, deuxième phrase –
Notion d’“intervention publique sous forme de réglementation générale s’appliquant à toutes les unités dans un même domaine d’activité” – Portée – Annexe A, point 20.15, première phrase – Annexe A, point 2.39, sous b), point 20.15, sous b), et point 20.309, sous h) – Notion de “réglementation excessive” – Portée »

Dans l’affaire C‑277/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (Belgique), par décision du 31 mars 2021, parvenue à la Cour le 29 avril 2021, dans la procédure

Secrétariat général de l’enseignement catholique ASBL (SeGEC) e.a.

contre

Institut des comptes nationaux (ICN),

Banque nationale de Belgique,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. I. Jarukaitis, président de chambre, MM. M. Ilešič et Z. Csehi (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le Secrétariat général de l’enseignement catholique ASBL (SeGEC) e.a., par Mes D. Renders et E. Gonthier, avocats,

– pour la Commission européenne, par Mme F. Blanc et M. T. Materne, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’annexe A, point 20.15, et point 20.309, sous h), du règlement (UE) no 549/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013, relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne (JO 2013, L 174, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Secrétariat général de l’enseignement catholique ASBL (SeGEC) et six autres associations sans but lucratif actives ans le secteur de l’enseignement en Belgique (ci-après ensemble les « associations en cause ») à l’Institut des comptes nationaux (ci-après l’« ICN ») et à la Banque nationale de Belgique au sujet du classement, par l’ICN, des associations en cause dans le secteur des administrations publiques, sous-secteur de
l’administration d’États fédérés, au titre du système européen des comptes 2010, instauré par le règlement no 549/2013 (ci-après le « SEC 2010 »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Les considérants 1 et 3 du règlement no 549/2013 sont libellés comme suit :

« (1) Des informations comparables, à jour et fiables sur la structure de l’économie et l’évolution de la situation économique de chaque État membre ou région sont nécessaires aux fins de l’élaboration des politiques de l’Union et du suivi des économies des États membres ainsi que de l’Union économique et monétaire (UEM).

[...]

(3) Les citoyens de l’Union ont besoin des comptes économiques, qui constituent un outil fondamental pour analyser la situation économique d’un État membre ou d’une région. Par souci de comparabilité, il convient que ces comptes soient élaborés sur la base de principes uniques et non diversement interprétables. Les informations devraient être fournies dans les meilleurs délais et être aussi précises et complètes que possible afin de garantir une transparence maximale dans tous les secteurs. »

4 L’annexe A de ce règlement, relative à la méthodologie du SEC 2010, comprend un chapitre 1, intitulé « Architecture générale et principes fondamentaux », dans lequel figurent les points 1.01, 1.19, 1.34 à 1.36 et 1.57 de cette annexe. Ces points énoncent :

« 1.01 Le [SEC 2010] est un cadre comptable, compatible au plan international, permettant de décrire de façon systématique et détaillée ce que l’on appelle une “économie totale” (c’est‑à‑dire une région, un pays ou un groupe de pays), ses composantes et ses relations avec d’autres économies totales.

[...]

1.19 Les données obtenues dans le cadre du [SEC 2010] sont essentielles pour la définition et le suivi des politiques économiques et sociales de l’[Union européenne] et de ses États membres.

[...]

1.34 Des comptes sectoriels sont établis en rattachant les unités aux secteurs, ce qui permet de présenter les opérations et les soldes comptables par secteur et ainsi de mettre en évidence de nombreuses valeurs clés pour la politique économique et la politique budgétaire. Les principaux secteurs sont les ménages, les administrations publiques, les sociétés (financières ou non financières), les institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM) et le reste du monde.

La distinction entre activité marchande et activité non marchande est importante. Une entité contrôlée par une administration publique, qui s’avère être une société “marchande”, sera classée en dehors du secteur des administrations publiques, dans le secteur des sociétés. De cette façon, les niveaux de déficit et de dette de la société ne seront pas comptabilisés dans le déficit et la dette des administrations publiques.

1.35 Il est essentiel de définir des critères clairs et solides pour rattacher les entités aux secteurs.

Le secteur public comprend toutes les unités institutionnelles résidentes de l’économie nationale qui sont contrôlées par les administrations publiques. Le secteur privé comprend toutes les autres unités résidentes.

Le tableau 1.1 présente les critères utilisés pour établir la distinction entre secteur public et secteur privé et, au sein du secteur public, entre le secteur des administrations publiques et celui des sociétés publiques ainsi que, dans le secteur privé, entre les ISBLSM et les sociétés privées.

Tableau 1.1

Critères Sous contrôle des administrations publiques Sous contrôle privé

(secteur public) (secteur privé)
Production non marchande Administrations publiques ISBLSM
Production marchande Sociétés publiques Sociétés privées

1.36 Le contrôle se définit comme la capacité de déterminer la politique générale ou la stratégie d’une unité institutionnelle. Une définition plus détaillée du contrôle est proposée aux points 2.35 à 2.39.

[...]

1.57 Par unité institutionnelle, il faut entendre une entité économique qui a capacité pour détenir des biens et des actifs, souscrire des engagements, exercer des activités économiques et réaliser, en son nom propre, des opérations avec d’autres unités. Dans le SEC 2010, les unités institutionnelles sont regroupées en cinq secteurs institutionnels nationaux qui s’excluent mutuellement, à savoir :

a) les sociétés non financières ;

b) les sociétés financières ;

c) les administrations publiques ;

d) les ménages ;

e) les [ISBLSM].

Ensemble, ces cinq secteurs constituent l’économie nationale totale. Chaque secteur est en outre subdivisé en plusieurs sous-secteurs. Le SEC 2010 permet l’établissement d’un ensemble complet de comptes de flux et de patrimoine pour chaque secteur, pour chaque sous-secteur ainsi que pour l’économie totale. Les unités non résidentes peuvent interagir avec ces cinq secteurs nationaux, et les interactions sont présentées entre les cinq secteurs nationaux et un sixième secteur institutionnel,
celui du “reste du monde”. »

5 Figurant dans le chapitre 2, intitulé « Les unités et leurs regroupements », de ladite annexe, les points 2.12, 2.39, 2.113 et 2.130 de celle-ci sont rédigés comme suit :

« 2.12 Définition : une unité institutionnelle est une entité économique caractérisée par une autonomie de décision dans l’exercice de sa fonction principale. Une unité résidente est considérée comme unité institutionnelle sur le territoire économique où elle possède son centre d’intérêt économique prépondérant si elle jouit de l’autonomie de décision et dispose d’une comptabilité complète, ou si elle est à même d’en établir une.

Pour jouir de l’autonomie de décision dans l’exercice de sa fonction principale, une entité doit :

a) être en droit de posséder en toute autonomie des biens et des actifs ; elle doit être en mesure d’échanger la propriété de biens ou d’actifs lors d’opérations réalisées avec d’autres unités institutionnelles ;

b) avoir la capacité de prendre des décisions économiques et d’exercer des activités économiques dont elle est tenue responsable en droit ;

c) avoir la capacité de souscrire des engagements, de contracter des dettes et d’autres obligations et de passer des contrats en son propre nom ;

d) avoir la capacité d’établir une comptabilité complète, c’est-à-dire un bilan de ses actifs et passifs, et des documents comptables où apparaît la totalité des opérations qu’elle a effectuées au cours de la période de référence des comptes.

[...]

2.39 Pour les institutions sans but lucratif dotées de la personnalité juridique, les cinq indicateurs à prendre en considération pour déterminer le contrôle sont les suivants :

a) nomination des responsables ;

b) attribution des compétences juridiques ;

c) accords contractuels ;

d) degré de financement ;

e) degré d’exposition aux risques de l’administration publique.

Comme pour les sociétés, un indicateur unique peut être suffisant pour établir un contrôle dans certains cas, alors que, dans d’autres, plusieurs indicateurs distincts peuvent indiquer ensemble un contrôle.

[...]

Administrations publiques (S.13)

[...]

2.113 Le secteur des administrations publiques est subdivisé en quatre sous-secteurs :

[...]

b) les administrations d’États fédérés (à l’exclusion des administrations de sécurité sociale) (S.1312) ;

[...]

[ISBLSM] (S.15)

[...]

2.130 [...] Les ISBLSM non marchandes contrôlées par des administrations publiques sont classées dans le secteur des administrations publiques (S.13).

[...] »

6 Le chapitre 3 de la même annexe comprend un point 3.31 rédigé comme suit :

« Parmi les autres producteurs privés, il convient d’isoler les ISBL.

Définition : une institution sans but lucratif (ISBL) est une personne morale (juridique ou sociale) dont l’action est destinée à produire des biens ou des services et à laquelle son statut interdit de procurer un revenu, un profit ou tout autre gain financier à l’unité qui l’a créée, la contrôle ou la finance. Lorsque ses activités de production génèrent des excédents, aucune autre unité institutionnelle ne peut se les approprier.

[...]

Si elle est un producteur non marchand, l’[ISBL] est classée dans le secteur des ISBLSM, à moins qu’elle ne soit contrôlée par des administrations publiques. Dans ce cas, elle est classée dans le secteur des administrations publiques.

[...] »

7 Dans le chapitre 20, intitulé « Les comptes des administrations publiques », de l’annexe A du règlement no 549/2013 figurent les points 20.05, 20.13, 20.15, 20.18, 20.29, 20.306, 20.309 et 20.310 de celle-ci qui se lisent comme suit :

« 20.05 Le secteur des administrations publiques (S.13) comprend toutes les unités d’administration publique et toutes les [ISBL] non marchandes qui se trouvent sous le contrôle d’unités d’administration publique. [...]

[...]

ISBL classées dans le secteur des administrations publiques

20.13 Les [ISBL] qui sont des producteurs non marchands et qui sont contrôlées par une unité d’administration publique sont des unités du secteur des administrations publiques.

[...]

20.15 Le contrôle d’une ISBL est défini comme le pouvoir de déterminer sa politique générale ou son programme. La seule intervention publique sous forme de réglementation générale s’appliquant à toutes les unités dans un même domaine d’activité n’est pas pertinente pour décider que l’administration publique exerce son contrôle sur une unité individuelle. Les cinq indicateurs de contrôle suivants doivent être pris en compte pour déterminer si une ISBL est sous contrôle public :

a) nomination des responsables ;

b) autres dispositions de l’instrument de base (obligations figurant dans les statuts de l’ISBL, par exemple) ;

c) accords contractuels ;

d) degré de financement ;

e) exposition aux risques.

Un indicateur unique peut être suffisant pour établir un contrôle. Cependant, si une ISBL principalement financée par une administration publique reste capable de déterminer, d’une manière significative, sa politique ou son programme en respectant les autres critères, elle ne serait pas alors considérée comme étant sous le contrôle de l’administration publique. Dans la plupart des cas, c’est un ensemble d’indicateurs qui indiquera l’existence d’un contrôle. Ce type de décision implique, par
nature, une part de jugement.

[...]

Contrôle public

20.18 Le contrôle exercé sur une entité correspond au pouvoir de déterminer sa politique générale ou son programme. [...]

[...]

Le test marchand/non marchand

20.29 [...]

La capacité à développer une activité marchande sera vérifiée en particulier par le critère quantitatif habituel (le critère des 50 %), reposant sur le ratio des ventes aux coûts de production (définis aux points 20.30 et 20.31). Pour être un producteur marchand, l’unité publique doit couvrir au moins 50 % de ses coûts par ses ventes au cours d’une période continue de plusieurs années.

[...]

20.306 Toutes les unités institutionnelles incluses dans le secteur public sont des unités résidentes contrôlées par les administrations publiques, soit directement, soit indirectement par des unités du secteur public agrégées. Le contrôle exercé sur une entité est défini comme le pouvoir de déterminer sa politique générale. Ce point est abordé plus en détail ci-après.

[...]

Contrôle du secteur public

20.309 Le contrôle d’une unité du secteur public résidente est défini comme le pouvoir de déterminer sa politique générale. Cela peut se faire au moyen des droits directs d’une seule unité du secteur public ou des droits collectifs de plusieurs d’entre elles. Les indicateurs de contrôle suivants sont pris en considération :

a) droit de nommer, de démettre de leurs fonctions ou de s’opposer à une proportion majoritaire de responsables, de membres d’un conseil d’administration, etc. Le droit de nommer, de démettre de leurs fonctions, d’approuver ou de s’opposer à une proportion majoritaire des membres des instances dirigeantes d’une entité est suffisant pour établir un contrôle. Ces droits peuvent être détenus directement par une seule unité du secteur public ou indirectement par des unités du secteur public
regroupées. Si la première série de nominations est contrôlée par le secteur public mais que les remplacements ultérieurs ne sont pas soumis à ce contrôle, l’entité reste dans le secteur public jusqu’à ce que la nomination de la majorité des dirigeants ne soit plus le résultat de nominations contrôlées ;

b) droit de nommer, de démettre de leurs fonctions ou de s’opposer aux membres les plus importants du personnel. Si le contrôle de la politique générale est effectivement déterminé par des membres influents du conseil d’administration, par exemple le directeur général, le président et le directeur financier, le pouvoir de nommer, de démettre de leurs fonctions ou de s’opposer à ces membres du personnel revêt encore plus d’importance ;

c) droit de nommer, de démettre de leurs fonctions ou de s’opposer à une proportion majoritaire de personnes occupant les postes liés aux principaux organes de l’entité. Si les tâches relatives aux éléments clés de la politique générale, comme la rémunération du personnel dirigeant ou la stratégie commerciale, sont déléguées à des sous-comités, le droit de nommer, de démettre ou de s’opposer aux dirigeants de ces sous-comités est déterminant pour l’établissement d’un contrôle ;

[...]

g) droits de contrôle résultant d’accords ou d’autorisations d’emprunter des fonds. Souvent, les bailleurs de fonds imposent des contrôles dans les conditions d’octroi des crédits. Si le secteur public impose des contrôles induits par le prêt de fonds ou dans le but de protéger son exposition au risque due à l’octroi d’une garantie, contrôles qui sont plus rigoureux que ceux auxquels est normalement soumise une entité du secteur privé par une banque, il s’agit d’un indicateur de contrôle.
Si une entité doit demander au secteur public l’autorisation d’emprunter des fonds, il s’agit également d’un indicateur de contrôle ;

h) contrôle exercé par l’intermédiaire d’une réglementation excessive. Lorsque la réglementation est assez stricte pour dicter dans les faits la politique générale de l’entreprise, il s’agit d’une forme de contrôle. Dans certains cas, les autorités publiques peuvent disposer d’un fort pouvoir d’intervention réglementaire, en particulier dans des domaines tels que les activités de monopoles et les services privatisés dans lesquels il existe un élément de service public. Il est possible
qu’une implication réglementaire existe dans des domaines importants, par exemple la fixation des prix, sans que l’entité cède le contrôle de sa politique générale. Le choix d’entrer dans un environnement strictement réglementé ou d’opérer dans un tel environnement indique également que l’entité n’est pas soumise à un contrôle ;

i) autres. L’exercice d’un contrôle peut aussi découler de pouvoirs ou de droits réglementaires figurant dans l’acte constitutif d’une entité, destinés par exemple à limiter les activités, les objectifs et les aspects opérationnels, à approuver les budgets ou à empêcher l’entité de modifier ses statuts, de se dissoudre, d’approuver des dividendes ou de mettre fin à sa relation avec le secteur public. Une entité qui est entièrement ou quasi entièrement financée par le secteur public est
considérée comme placée sous contrôle si les contrôles exercés sur ce flux de financement sont suffisamment restrictifs pour imposer une politique générale dans ce domaine.

20.310 Chaque cas de classement doit être examiné individuellement et tous ces indicateurs peuvent ne pas être pertinents selon les cas. En revanche, certains indicateurs tels que ceux visés au point 20.309 sous a), c) et d) sont suffisants à eux seuls pour établir l’existence d’un contrôle. Dans d’autres cas, plusieurs indicateurs séparés peuvent indiquer ensemble l’existence d’un contrôle. »

Le droit belge

8 L’article 24 de la Constitution dispose :

« § 1.   L’enseignement est libre ; toute mesure préventive est interdite ; la répression des délits n’est réglée que par la loi ou le décret.

La communauté assure le libre choix des parents.

La communauté organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves.

Les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu’à la fin de l’obligation scolaire, le choix entre l’enseignement d’une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle.

§ 2.   Si une communauté, en tant que pouvoir organisateur, veut déléguer des compétences à un ou plusieurs organes autonomes, elle ne le pourra que par décret adopté à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés.

§ 3.   Chacun a droit à l’enseignement dans le respect des libertés et droits fondamentaux. L’accès à l’enseignement est gratuit jusqu’à la fin de l’obligation scolaire.

Tous les élèves soumis à l’obligation scolaire ont droit, à charge de la communauté, à une éducation morale ou religieuse.

§ 4.   Tous les élèves ou étudiants, parents, membres du personnel et établissements d’enseignement sont égaux devant la loi ou le décret. La loi et le décret prennent en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, qui justifient un traitement approprié.

§ 5.   L’organisation, la reconnaissance ou le subventionnement de l’enseignement par la communauté sont réglés par la loi ou le décret. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9 Il ressort de la demande de décision préjudicielle que, en Belgique, la Constitution prévoit, depuis son édiction en 1831, le principe de la liberté de l’enseignement. L’organisation de l’enseignement maternel, primaire, secondaire et supérieur non universitaire a fait l’objet d’une réglementation nationale qui distingue les établissements d’enseignement relevant, d’une part, de l’« enseignement officiel », constitué du réseau d’écoles organisées par l’État, les provinces, les communes, les
associations de communes ou par toute personne de droit public, et, d’autre part, de l’« enseignement libre subventionné », confessionnel et non confessionnel, constitué du réseau d’écoles subventionnées par l’entité fédérée compétente, en l’occurrence la Communauté française, mais organisées par une personne morale de droit privé. Les associations en cause relèvent du réseau de l’enseignement libre subventionné et sont, respectivement, une fédération représentant des pouvoirs organisateurs de
l’enseignement catholique, une fédération regroupant des pouvoirs organisateurs de l’enseignement libre non confessionnel et cinq pouvoirs organisateurs d’établissements d’enseignement libre subventionné à caractère confessionnel.

10 En Belgique, l’ICN est chargé de compiler les données statistiques requises au titre du SEC 2010 et de classer, à cet effet, les différents acteurs économiques par secteurs, dans les catégories définies par le règlement no 549/2013, les principaux secteurs étant les ménages, les administrations publiques, les sociétés (financières et non financières), les ISBLSM et le reste du monde.

11 Par une décision du 28 mars 2018, le conseil d’administration de l’ICN a considéré que les associations en cause sont des « unités institutionnelles distinctes », au sens de l’annexe A, point 2.12, de ce règlement, qui sont contrôlées par les administrations publiques, plus spécifiquement par la Communauté française. Par conséquent, l’ICN a estimé que les pouvoirs organisateurs, en tant qu’unités non marchandes, devaient être classés dans le secteur des administrations publiques de niveau
régional (secteur S.1312), au sens de l’annexe A, point 2.113, sous b), dudit règlement. L’ICN a notamment précisé que le contrôle public, au sens du SEC 2010, des établissements d’enseignement libre subventionné serait établi dans la mesure notamment où l’activité d’enseignement est entièrement ou quasi entièrement financée par le secteur public et où ce financement est subordonné au le respect de normes réglementaires.

12 Le 14 juin 2018, les associations en cause ont saisi la juridiction de renvoi, à savoir le Conseil d’État (Belgique), d’un recours en annulation à l’encontre de cette décision de classement. Elles contestent notamment l’appréciation par l’ICN selon laquelle elles sont contrôlées par la Communauté française et considèrent que, en tant qu’ISBLSM, elles ont été classées à tort dans le secteur des administrations publiques.

13 La juridiction de renvoi indique, tout d’abord, que les pouvoirs organisateurs des établissements d’enseignement libre subventionné, qui ont pris la forme juridique d’associations sans but lucratif, peuvent être considérés comme des ISBL, au sens de l’annexe A du règlement no 549/2013, et que les associations en cause sont en désaccord avec l’ICN au sujet de l’interprétation de la notion de « contrôle public », au sens de cette annexe, la décision du 28 mars 2018 mettant, à cet égard, l’accent
sur trois des cinq indicateurs de contrôle qui sont visés au point 20.15 de celle-ci, à savoir le degré de financement, les « autres dispositions de l’instrument de base » et l’exposition aux risques.

14 Ensuite, cette juridiction considère que, bien que l’enseignement libre subventionné soit principalement financé par la Communauté française, soit une administration publique, le critère du financement ne permet toutefois pas à lui seul de constater l’existence d’un contrôle public sur une ISBL lorsque cette dernière demeure capable de déterminer, d’une manière significative, sa politique ou son programme. Par ailleurs, ladite juridiction, s’appuyant sur le point 77 de l’arrêt du 11 septembre
2019, FIG et FISE, (C‑612/17 et C‑613/17, EU:C:2019:705), est d’avis que la question du contrôle d’une ISBL par une administration publique ne saurait se rapporter au point de savoir si l’administration publique exerce une influence déterminante sur la gestion ou la capacité décisionnelle de l’unité institutionnelle en question, laquelle détiendrait, par définition, une pleine autonomie en la matière, mais viserait à déterminer si cette administration est en mesure, malgré l’existence d’une telle
autonomie, de diriger et d’exercer des formes de contrainte sur cette unité institutionnelle dans le cadre de la définition et de la réalisation mêmes de ses objectifs, de ses activités et de ses orientations stratégiques.

15 Enfin, selon la juridiction de renvoi, la décision de l’ICN de classer les pouvoirs organisateurs des établissements de l’enseignement libre subventionné dans le secteur des administrations publiques se fonde essentiellement sur les différentes obligations qui leur sont imposées pour pouvoir bénéficier du financement accordé par la Communauté française. Or, ces obligations devraient être analysées au regard de l’indicateur de contrôle prévu à l’annexe A, point 20.309, sous h), du règlement
no 549/2013, relatif au « contrôle exercé par l’intermédiaire d’une réglementation excessive ». En l’occurrence, toutefois, selon cette juridiction, si les différents éléments mis en avant par l’ICN font apparaître que l’activité des associations en cause est soumise à une réglementation nationale importante, il est toutefois difficile de qualifier celle-ci d’« excessive », au sens de cette disposition, en l’absence d’indications en ce sens dans la jurisprudence de la Cour. C’est en vue d’obtenir
des éclaircissements à ce sujet que ladite juridiction formule une première question préjudicielle.

16 Par ailleurs, la juridiction de renvoi s’interroge, dans le cadre de sa seconde question, quant à la portée de l’annexe A, point 20.15, du règlement no 549/2013 qui prévoit, en substance, à sa première phrase, que le contrôle d’une administration publique sur une ISBL est défini comme le pouvoir de déterminer sa politique générale ou son programme, mais qui prévoit, à sa deuxième phrase, que la seule intervention publique sous la forme d’une réglementation générale s’appliquant à toutes les
unités dans un même domaine d’activité n’est pas pertinente pour décider que cette administration exerce son contrôle sur une unité individuelle. En l’occurrence, la juridiction de renvoi indique que la décision de l’ICN se fonde également sur la circonstance que le régime juridique applicable au personnel de l’enseignement libre subventionné s’apparente au statut auquel est soumis le personnel de l’enseignement officiel, qui lui-même s’apparente au statut de la fonction publique. Il conviendrait
donc de déterminer si le « statut » applicable au personnel de l’enseignement libre subventionné peut être considéré comme une « réglementation générale s’appliquant à toutes les unités dans un même domaine d’activité ». Dans l’affirmative, en application du « critère négatif » établi à la deuxième phrase de cette disposition, il faudrait considérer que l’existence de ce « statut » n’est pas pertinente pour considérer que l’administration publique « exerce son contrôle sur une unité
institutionnelle ». Cependant, la juridiction de renvoi précise que, si le « même domaine d’activité » , au sens de cette deuxième phrase, est le domaine de l’enseignement lui-même, il faudrait avoir égard au fait que, nonobstant l’apparentement entre les deux régimes juridiques respectivement applicables aux deux catégories de personnel en cause, un certain nombre de règles nationales ne s’appliquent qu’au personnel de l’enseignement libre subventionné, sans pour autant être spécifiques à
chacune de ses « unités individuelles » que constitueraient les différents pouvoirs organisateurs.

17 Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’annexe A, point 20.309, sous h), du [règlement no 549/2013] doit-elle s’interpréter en ce sens qu’une réglementation par laquelle une administration publique compétente dans le domaine d’activité de l’enseignement :

– approuve les programmes d’études,

– réglemente tant la structure des études que les missions prioritaires et spécifiques, organise un contrôle des conditions d’inscription et de renvoi des élèves, des décisions des conseils de classe et de la participation financière, organise le regroupement des établissements scolaires au sein de réseaux structurés et requiert l’élaboration de projets éducatif, pédagogique et d’établissement ainsi que la remise [d’un] rapport d’activités,

– organise un contrôle et une inspection portant spécialement sur les branches enseignées, le niveau des études et l’application des lois linguistiques à l’exclusion des méthodes pédagogiques et

– impose par classe, section, degré ou autres subdivisions un nombre minimum d’élèves, sauf dérogation ministérielle,

doit être considérée comme “excessive” au sens de cette disposition, au point de dicter ou de lier, dans les faits, la politique générale ou le programme des unités du domaine d’activité concerné ?

2) L’annexe A, point 20.15, du même règlement doit-elle s’interpréter comme incluant dans la notion de réglementation générale des règles spécifiques constitutives d’un “statut”, applicables aux membres du personnel d’institutions sans but lucratif actives dans le domaine de l’enseignement qui font l’objet d’un financement par une administration publique ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

18 Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’annexe A, point 20.309, sous h), du règlement no 549/2013 doit être interprétée en ce sens que relève de la notion de « réglementation excessive » une réglementation nationale visant les ISBL actives dans le domaine de l’enseignement qui, tout en étant subventionnées par l’administration publique nationale compétente, bénéficient d’une liberté d’enseignement garantie par la Constitution, lorsque cette
réglementation confie à ladite administration la mission ou le droit :

– d’approuver les programmes d’études ;

– de réglementer tant la structure des études que les missions prioritaires et spécifiques, d’organiser un contrôle des conditions d’inscription et de renvoi des élèves, des décisions des conseils de classe et de la participation financière, d’organiser le regroupement des établissements scolaires au sein de réseaux structurés et de requérir l’élaboration de projets éducatif, pédagogique et d’établissement ainsi que la remise d’un rapport d’activités ;

– d’organiser un contrôle et une inspection portant spécialement sur les branches enseignées, le niveau des études et l’application des lois linguistiques à l’exclusion des méthodes pédagogiques, et

– d’imposer par classe, section, degré ou autres subdivisions un nombre minimum d’élèves, sauf dérogation ministérielle.

19 Il importe d’emblée de relever que, par cette question, la juridiction de renvoi invite, en substance, la Cour à examiner la portée et l’étendue de ces obligations auxquelles sont soumis les pouvoirs organisateurs de l’enseignement libre subventionné en vertu de la législation belge et à décider si celles-ci doivent être considérées comme « excessives » au point de dicter ou de lier, dans les faits, la politique générale ou le programme des unités du domaine d’activité concerné au regard des
critères et des indicateurs requis au titre du SEC 2010.

20 Ce faisant, la demande de la juridiction de renvoi à cet égard tend, en réalité, à ce que la Cour examine la législation nationale applicable au regard de l’étendue de l’influence exercée par la Communauté française dans le domaine d’activité de l’enseignement subventionné.

21 À ce titre, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, cette dernière n’a pas compétence pour interpréter le droit national et qu’il appartient au seul juge national de constater et d’apprécier les faits du litige au principal ainsi que de déterminer l’exacte portée des dispositions législatives,
réglementaires ou administratives nationales (arrêt du 4 mars 2020, Schenker, C‑655/18, EU:C:2020:157, point 19 et jurisprudence citée).

22 Toutefois, la Cour, appelée à fournir au juge national une réponse utile, est compétente pour lui donner des indications tirées du dossier de l’affaire au principal ainsi que des observations écrites et orales qui lui ont été soumises, de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer (arrêt du 3 octobre 2019, Fonds du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale, C‑632/18, EU:C:2019:833, point 49 et jurisprudence citée).

23 En l’occurrence, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, qu’il ressort des considérants 1 et 3 ainsi que de l’annexe A, points 1.01 et 1.19, du règlement no 549/2013 que le SEC 2010 établit un cadre de référence destiné, pour les besoins tant des citoyens de l’Union que de l’Union elle-même, à l’élaboration des comptes des États membres. Cette élaboration doit s’effectuer sur la base de principes uniques et non diversement interprétables, de manière à permettre l’obtention de résultats
comparables (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2019, FIG et FISE, C‑612/17 et C‑613/17, EU:C:2019:705, point 32).

24 Aux fins comptables du SEC 2010, toute unité institutionnelle, définie, en substance, à l’annexe A, points 1.57 et 2.12, du règlement no 549/2013 comme une entité économique caractérisée par une autonomie de décision dans l’exercice de sa fonction principale, doit être rattachée à l’un des six secteurs principaux identifiés à l’annexe A, point 1.34, de ce règlement, à savoir aux ménages, aux administrations publiques, aux sociétés financières, aux sociétés non financières, aux ISBLSM ou au reste
du monde (arrêt du 11 septembre 2019, FIG et FISE, C‑612/17 et C‑613/17, EU:C:2019:705, point 33).

25 Dans l’affaire au principal, les associations en cause constituent chacune une « unité institutionnelle », au sens de l’annexe A, points 1.57 et 2.12, du règlement no 549/2013. Si elles ne contestent pas leur classification, par la juridiction de renvoi, dans la catégorie des « ISBL non marchandes », au sens de l’annexe A, points 3.31 et 20.29, du règlement no 549/2013, il existe, en revanche, des divergences entre les parties au principal s’agissant de la question de savoir si les associations
en cause sont ou non contrôlées par une administration publique.

26 Dans l’affirmative, l’ISBL, en tant que producteur non marchand, sera classée dans le secteur des administrations publiques, tandis que, dans la négative, elle sera classée parmi les ISBLSM. Cette méthodologie de classification résulte notamment de la lecture combinée de l’annexe A, points 1.35, 2.130, 3.31, 20.05 et 20.13, du règlement no 549/2013 (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2019, FIG et FISE, C‑612/17 et C‑613/17, EU:C:2019:705, point 34).

27 La notion générale de « contrôle » est définie de manière similaire à l’annexe A, points 1.36, 20.15, 20.18, 20.306 et 20.309, du règlement no 549/2013 comme visant le pouvoir ou la capacité de déterminer la politique générale, la stratégie ou le programme d’une unité ou d’une entité. Le point 20.309 de cette annexe, qui relève de la partie du chapitre 20 de celle-ci consacrée au secteur public, dont font notamment partie les administrations publiques et les unités ou entités qu’elles contrôlent,
mentionne neuf indicateurs de contrôle généraux permettant de déterminer si une unité résidente peut être considérée comme étant contrôlée par une administration publique aux fins de sa classification dans le secteur public, étant entendu que, en vertu du point 20.310 de ladite annexe, certains de ces indicateurs peuvent ne pas être pertinents selon les cas (arrêt du 11 septembre 2019, FIG et FISE, C‑612/17 et C‑613/17, EU:C:2019:705, point 35).

28 L’annexe A, point 20.15, du règlement no 549/2013 concerne plus particulièrement la question du contrôle des ISBL par les administrations publiques et énonce cinq indicateurs de contrôle à prendre en compte pour déterminer si une ISBL est sous contrôle public. Ces cinq indicateurs sont également repris à l’annexe A, point 2.39, du règlement no 549/2013 avec quelques variations rédactionnelles en fonction des versions linguistiques. Il convient de considérer que, compte tenu du fait qu’ils
traitent de la même question et poursuivent le même objectif, à savoir préciser les indicateurs de contrôle applicables aux ISBL, les points 2.39 et 20.15 de cette annexe doivent, malgré ces variations rédactionnelles, s’interpréter mutuellement et être considérés comme formant une seule et même disposition (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2019, FIG et FISE, C‑612/17 et C‑613/17, EU:C:2019:705, point 37).

29 En outre, il y a lieu de constater que, dans la mesure où l’annexe A, point 20.309, du règlement no 549/2013 définit la notion de « contrôle » aux fins de déterminer les contours du secteur public en général et où la disposition unique des points 2.39 et 20.15 de cette annexe définit cette même notion aux fins de distinguer les ISBL qui relèvent du secteur public de celles qui n’en relèvent pas, ces deux définitions poursuivent également la même finalité et sont ainsi susceptibles de s’appliquer,
s’agissant des ISBL, aux mêmes entités. Il convient donc de considérer que ces deux dispositions sont complémentaires et, ainsi, de les appliquer conjointement et de manière harmonisée pour déterminer si une unité relève du secteur public ou du secteur privé et, partant, s’agissant d’une ISBL, si elle relève du secteur des administrations publiques, conformément aux dispositions combinées de l’annexe A, points 3.31 et 20.13, du règlement no 549/2013, ou bien si elle constitue une ISBLSM (arrêt du
11 septembre 2019, FIG et FISE, C‑612/17 et C‑613/17, EU:C:2019:705, point 38).

30 En l’occurrence, afin de déterminer si les associations en cause sont contrôlées par une administration publique, la juridiction de renvoi, en mettant l’accent sur le fait que le critère du financement ne permet pas à lui seul de constater l’existence d’un contrôle, a choisi d’interroger la Cour sur la seule interprétation de l’annexe A, point 20.309, sous h), du règlement no 549/2013 et sur la question de savoir si l’ensemble des droits et des missions que le législateur national a confiés à la
Communauté française doit être considéré comme un « contrôle exercé par l’intermédiaire d’une réglementation excessive », au sens de cette disposition.

31 Aux termes de cette dernière, « [l]orsque la réglementation est assez stricte pour dicter dans les faits la politique générale de l’entreprise, il s’agit d’une forme de contrôle ». La Cour a précisé que ladite disposition s’inscrit dans le cadre de l’indicateur de contrôle relatif à l’« attribution des compétences juridiques » ou aux « autres dispositions de l’instrument de base (obligations figurant dans les statuts de l’ISBL, par exemple) », visé respectivement à l’annexe A, point 2.39,
sous b), du règlement no 549/2013 et à l’annexe A, point 20.15, sous b), du règlement no 549/2013, dans la mesure où ledit indicateur correspond aux différents exemples mentionnés au point 20.309, sous a) à c) et g) à i), de cette annexe (arrêt du 11 septembre 2019, FIG et FISE, C‑612/17 et C‑613/17, EU:C:2019:705, point 64).

32 En outre, la Cour a jugé qu’il ressort de l’annexe A, point 20.309, sous h), du règlement no 549/2013 qu’une intervention réglementaire qui, indépendamment de son caractère général ou détaillé, serait assez intrusive pour déterminer, de facto, la politique générale ou le programme d’une unité, voire de l’ensemble des unités, d’un même domaine d’activité peut constituer un indice de contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2019, FIG et FISE, C‑612/17 et C‑613/17, EU:C:2019:705, point 48).

33 Il convient de souligner que la notion de « pouvoir de déterminer [la] politique générale ou [le] programme » d’une ISBL, au sens de l’annexe A, point 20.15, première phrase, du règlement no 549/2013, a été définie par la Cour comme visant la capacité d’une administration publique d’exercer de manière durable et permanente une influence réelle et substantielle sur la définition et la réalisation mêmes des objectifs de l’ISBL, de ses activités et de leurs aspects opérationnels ainsi que des
orientations stratégiques et des lignes directrices que l’ISBL entend poursuivre dans l’exercice de ces activités (arrêt du 11 septembre 2019, FIG et FISE, C‑612/17 et C‑613/17, EU:C:2019:705, point 90).

34 Or, compte tenu de la complémentarité des dispositions de l’annexe A, points 20.15 et 20.309, du règlement no 549/2013, soulignée aux points 28 et 29 du présent arrêt, cette interprétation de l’annexe A, point 20.15, première phrase, du règlement no 549/2013 doit, comme le fait valoir à juste titre la Commission européenne dans ses observations écrites, également s’appliquer, par analogie, à l’interprétation de l’annexe A, point 20.309, sous h), deuxième phrase, de ce règlement, qui prévoit que,
« [l]orsque la réglementation est assez stricte pour dicter dans les faits la politique générale de l’entreprise, il s’agit d’une forme de contrôle ».

35 Partant, il y a lieu de considérer que l’annexe A, point 20.309, sous h), du règlement no 549/2013, lue en combinaison avec les points 2.39, sous b), et 20.15, sous b), de ladite annexe, doit être interprétée en ce sens qu’une réglementation nationale visant les ISBL actives dans le domaine de l’enseignement qui, tout en étant subventionnées par l’administration publique nationale compétente, bénéficient d’une liberté d’enseignement garantie par la Constitution, doit être qualifiée
d’« excessive », au sens de cette annexe A, point 20.309, sous h), lorsque les missions et les droits que cette réglementation confie à ladite administration sont suffisamment intrusifs pour déterminer, dans les faits, la politique générale ou le programme des établissements d’enseignement concernés en permettant d’exercer de manière durable et permanente une influence réelle et substantielle sur la définition et la réalisation mêmes des objectifs de ces unités, de leurs activités et de leurs
aspects opérationnels ainsi que des orientations stratégiques et des lignes directrices que lesdites unités entendent poursuivre dans l’exercice de leurs activités.

36 Il appartiendra, dès lors, à la juridiction de renvoi, qui est la seule à avoir une connaissance directe du litige au principal, de procéder, au regard de l’ensemble des circonstances factuelles et juridiques pertinentes, aux vérifications nécessaires pour déterminer si les pouvoirs que détient la Communauté française à l’égard des associations en cause par l’intermédiaire de la réglementation nationale, sont assez intrusifs pour déterminer, dans les faits, la politique générale ou le programme
des associations en cause, notamment parce que cette administration se voit confier la définition des programmes ainsi que le contenu des cours et, partant, la définition des objectifs d’enseignement, ou bien si l’effet de ces pouvoirs se limite, comme le font valoir les associations en cause dans leurs observations écrites, à un simple contrôle s’exerçant a posteriori, dépourvu d’incidence déterminante sur la politique générale ou le programme scolaire ou académique, dans la mesure où elle ne
concernerait pas les contenus concrets d’enseignement qui donneraient pourtant lieu à l’octroi d’un certificat sanctionnant la réussite d’une année scolaire ou académique.

37 Cela étant et en tout état de cause, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’effectuer une appréciation d’ensemble des indicateurs, y compris l’indicateur relatif au degré de financement, étant précisé que cette appréciation implique par nature, conformément à l’annexe A, point 20.15, dernière phrase, du règlement no 549/2013, une « part de jugement » (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2019, FIG et FISE, C‑612/17 et C‑613/17, EU:C:2019:705, points 87 et 88). En effet, conformément à
l’annexe A, point 20.310, de ce règlement, chaque cas de classement doit être examiné individuellement et tous ces indicateurs peuvent ne pas être pertinents dans certains cas, tandis que, dans d’autres cas, plusieurs indicateurs, pris séparément, peuvent indiquer ensemble l’existence d’un contrôle. L’annexe A, point 2.39, dernière phrase, et point 20.15, sixième phrase, dudit règlement énoncent le même principe selon lequel, dans la plupart des hypothèses, c’est la vérification d’un ensemble
d’indicateurs qui est susceptible de démontrer l’existence d’un contrôle.

38 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’annexe A, point 20.309, sous h), du règlement no 549/2013, lue en combinaison avec le point 2.39, sous b), et le point 20.15, sous b), de cette annexe, doit être interprétée en ce sens que relève de la notion de « réglementation excessive » une réglementation nationale visant les ISBL actives dans le domaine de l’enseignement qui, tout en étant subventionnées par l’administration publique nationale
compétente, bénéficient d’une liberté d’enseignement garantie par la Constitution, lorsque cette réglementation confie à ladite administration la mission ou le droit :

– d’approuver les programmes d’études,

– de réglementer tant la structure des études que les missions prioritaires et spécifiques, d’organiser un contrôle des conditions d’inscription et de renvoi des élèves, des décisions des conseils de classe et de la participation financière, d’organiser le regroupement des établissements scolaires au sein de réseaux structurés et de requérir l’élaboration de projets éducatif, pédagogique et d’établissement ainsi que la remise d’un rapport d’activités ;

– d’organiser un contrôle et une inspection portant spécialement sur les branches enseignées, le niveau des études et l’application des lois linguistiques à l’exclusion des méthodes pédagogiques, et

– d’imposer par classe, section, degré ou autres subdivisions un nombre minimum d’élèves, sauf dérogation ministérielle,

pour autant que ces missions et droits soient suffisamment intrusifs pour déterminer, dans les faits, la politique générale ou le programme des ISBL concernées en permettant d’exercer de manière durable et permanente une influence réelle et substantielle sur la définition et la réalisation mêmes des objectifs de ces ISBL, de leurs activités et de leurs aspects opérationnels ainsi que des orientations stratégiques et des lignes directrices que lesdites ISBL entendent poursuivre dans l’exercice de
leurs activités, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur la seconde question

39 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’annexe A, point 20.15, deuxième phrase, du règlement no 549/2013 doit être interprétée en ce sens que relève de la notion de « réglementation générale s’appliquant à toutes les unités dans un même domaine d’activité » une réglementation nationale constitutive d’un régime juridique applicable aux seuls membres du personnel des ISBL actives dans le domaine de l’enseignement qui font l’objet d’un financement par une
administration publique.

40 À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a jugé que cette notion doit être interprétée en ce sens qu’elle recouvre toute intervention d’une unité du secteur public qui édicte ou applique une réglementation visant à soumettre indistinctement et uniformément l’ensemble des unités du domaine d’activité concerné à des règles globales, larges et abstraites ou à des orientations générales, sans qu’une telle réglementation soit susceptible, par sa nature ou son caractère notamment « excessif »,
au sens de l’annexe A, point 20.309, sous h), du règlement no 549/2013, de dicter, dans les faits, la politique générale ou le programme des unités du domaine d’activité concerné (arrêt du 11 septembre 2019, FIG et FISE, C‑612/17 et C‑613/17, EU:C:2019:705, point 54).

41 La Cour a également précisé que l’annexe A, point 20.15, deuxième phrase, du règlement no 549/2013, selon laquelle « [l]a seule intervention publique sous forme de réglementation générale s’appliquant à toutes les unités dans un même domaine d’activité n’est pas pertinente pour décider que l’administration publique exerce son contrôle sur une unité individuelle », vise à soustraire de la notion de « contrôle », au sens de cette disposition, toute intervention d’une unité du secteur public qui a
pour objet d’édicter ou d’appliquer une réglementation visant à soumettre indistinctement et uniformément l’ensemble des unités du domaine d’activité concerné à des règles globales, larges et abstraites ou à des orientations générales (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2019, FIG et FISE, C‑612/17 et C‑613/17, EU:C:2019:705, points 42 et 43).

42 En l’occurrence, il n’est pas contesté que le « statut » prévoit des règles spécifiques, applicables aux membres du personnel d’institutions actives dans le domaine de l’enseignement qui font l’objet d’un financement par une administration publique. En effet, ainsi que l’a indiqué à juste titre la Commission dans ses observations écrites, la réglementation qui s’applique aux établissements d’enseignement libre subventionné, y compris le « statut » applicable aux membres du personnel, ne
s’applique pas aux écoles privées qui ne reçoivent pas de financement de la Communauté française. De même, dans leurs observations écrites, les associations en cause ont relevé que « la norme en cause » n’est applicable qu’au personnel dont l’emploi est subventionné. La juridiction de renvoi, quant à elle, précise que, « [s]i le domaine d’activité considéré est l’enseignement lui-même, il faut constater que certaines règles décrétales ne s’appliquent qu’au personnel de l’enseignement libre
subventionné ».

43 Or, en l’occurrence, le domaine d’activité de l’enseignement libre subventionné ne peut pas être considéré comme un domaine d’activité distinct de celui de l’enseignement public ou de l’enseignement en général en Belgique. Il s’ensuit que les règles spécifiques constitutives d’un « statut » applicable aux seuls membres du personnel des établissements d’enseignement libre subventionné visent, par conséquent, non pas l’ensemble du domaine d’activité de l’enseignement, mais uniquement la partie de
celui-ci constitué du réseau libre subventionné. Partant, la réglementation en cause ne s’appliquant pas à toutes les unités relevant du même domaine d’activité, à savoir de l’enseignement, le « statut » ne saurait relever de la notion de « réglementation générale », au sens de l’annexe A, point 20.15, deuxième phrase, du règlement no 549/2013.

44 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question que l’annexe A, point 20.15, deuxième phrase, du règlement no 549/2013 doit être interprétée en ce sens que ne relève pas de la notion de « réglementation générale s’appliquant à toutes les unités dans un même domaine d’activité » une réglementation nationale constitutive d’un régime juridique applicable aux seuls membres du personnel des ISBL actives dans le domaine de l’enseignement qui font l’objet d’un
financement par une administration publique.

Sur les dépens

45 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

  1) L’annexe A, point 20.309, sous h), du règlement (UE) no 549/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013, relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne, lue en combinaison avec le point 2.39, sous b), et le point 20.15, sous b), de cette annexe, doit être interprétée en ce sens que relève de la notion de « réglementation excessive » une réglementation nationale visant les institutions sans but lucratif (ISBL) actives dans le domaine de
l’enseignement qui, tout en étant subventionnées par l’administration publique nationale compétente, bénéficient d’une liberté d’enseignement garantie par la Constitution, lorsque cette réglementation confie à ladite administration la mission ou le droit :

– d’approuver les programmes d’études,

– de réglementer tant la structure des études que les missions prioritaires et spécifiques, d’organiser un contrôle des conditions d’inscription et de renvoi des élèves, des décisions des conseils de classe et de la participation financière, d’organiser le regroupement des établissements scolaires au sein de réseaux structurés et de requérir l’élaboration de projets éducatif, pédagogique et d’établissement ainsi que la remise d’un rapport d’activités,

– d’organiser un contrôle et une inspection portant spécialement sur les branches enseignées, le niveau des études et l’application des lois linguistiques à l’exclusion des méthodes pédagogiques, et

– d’imposer par classe, section, degré ou autres subdivisions un nombre minimum d’élèves, sauf dérogation ministérielle,

pour autant que ces missions et droits soient suffisamment intrusifs pour déterminer, dans les faits, la politique générale ou le programme des ISBL concernées en permettant d’exercer de manière durable et permanente une influence réelle et substantielle sur la définition et la réalisation mêmes des objectifs de ces ISBL, de leurs activités et de leurs aspects opérationnels ainsi que des orientations stratégiques et des lignes directrices que lesdites ISBL entendent poursuivre dans l’exercice
de leurs activités, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

  2) L’annexe A, point 20.15, deuxième phrase, du règlement no 549/2013 doit être interprétée en ce sens que ne relève pas de la notion de « réglementation générale s’appliquant à toutes les unités dans un même domaine d’activité » une réglementation nationale constitutive d’un régime juridique applicable aux seuls membres du personnel des institutions sans but lucratif actives dans le domaine de l’enseignement qui font l’objet d’un financement par une administration publique.

Jarukaitis

Ilešič

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 avril 2022.
 
Le greffier

A. Calot Escobar

Le président de la Xème chambre

I. Jarukaitis

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( *1 ) Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-277/21
Date de la décision : 28/04/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Conseil d'État (Belgique).

Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 549/2013 – Système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne – Annexe A, point 20.15 – Contrôle exercé par un Institut des comptes nationaux sur des pouvoirs organisateurs des établissements d’enseignement constitués sous la forme d’institutions sans but lucratif – Établissements d’enseignement bénéficiant d’un financement public et d’une liberté d’enseignement garantie par la Constitution – Annexe A, point 20.15, deuxième phrase – Notion d’“intervention publique sous forme de réglementation générale s’appliquant à toutes les unités dans un même domaine d’activité” – Portée – Annexe A, point 20.15, première phrase – Annexe A, point 2.39, sous b), point 20.15, sous b), et point 20.309, sous h) – Notion de “réglementation excessive” – Portée.

Dispositions institutionnelles

Politique économique et monétaire

Dispositions générales


Parties
Demandeurs : Secrétariat général de l’Enseignement catholique ASBL (SeGEC) e.a.
Défendeurs : Institut des Comptes nationaux (ICN) et Banque nationale de Belgique.

Composition du Tribunal
Avocat général : Campos Sánchez-Bordona
Rapporteur ?: Csehi

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:318

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