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07/04/2022 | CJUE | N°C-489/20

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, UB contre Kauno teritorinė muitinė., 07/04/2022, C-489/20


 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

7 avril 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Code des douanes de l’Union – Extinction de la dette douanière – Marchandises introduites illégalement sur le territoire douanier de l’Union – Saisie et confiscation – Directive 2008/118/CE – Droits d’accise – Directive 2006/112/CE – Taxe sur la valeur ajoutée – Fait générateur – Exigibilité »

Dans l’affaire C‑489/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduit

e par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), par décision du 30 septembre 2020, pa...

 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

7 avril 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Code des douanes de l’Union – Extinction de la dette douanière – Marchandises introduites illégalement sur le territoire douanier de l’Union – Saisie et confiscation – Directive 2008/118/CE – Droits d’accise – Directive 2006/112/CE – Taxe sur la valeur ajoutée – Fait générateur – Exigibilité »

Dans l’affaire C‑489/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), par décision du 30 septembre 2020, parvenue à la Cour le 2 octobre 2020, dans la procédure

UB

contre

Kauno teritorinė muitinė

en présence de :

Muitinės departamentas prie Lietuvos Respublikos Finansų ministerijos

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de la première chambre, faisant fonction de président de la deuxième chambre, Mme I. Ziemele, MM. T. von Danwitz (rapporteur), P. G. Xuereb et A. Kumin, juges,

avocat général : M. E. Tanchev,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le gouvernement lituanien, par M. K. Dieninis ainsi que par Mme V. Kazlauskaitė-Švenčionienė, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Albenzio, avvocato dello Stato,

– pour la Commission européenne, par Mmes F. Clotuche-Duvieusart et J. Jokubauskaitė, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 octobre 2021,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 124, paragraphe 1, sous e), du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1, ci-après le « code des douanes de l’Union »), de l’article 2, sous b), et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE (JO
2009, L 9, p. 12), ainsi que de l’article 2, paragraphe 1, sous d), et de l’article 70 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2 Cette demande s’inscrit dans le cadre d’un litige qui oppose UB, partie requérante au principal, au Kauno teritorinė muitinė (service régional des douanes de Kaunas, Lituanie) et au Muitinės departamentas prie Finansų ministerijos (département des douanes du ministère des Finances, Lituanie) au sujet d’une décision de ce service régional des douanes, portant fixation du montant des droits d’accise et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à la charge d’UB, à la suite de l’introduction illégale de
cigarettes sur le territoire lituanien depuis la Biélorussie.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le code des douanes de l’Union

3 Aux termes de l’article 42, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union :

« Chaque État membre prévoit des sanctions en cas d’infraction à la législation douanière. Ces sanctions sont effectives, proportionnées et dissuasives. »

4 L’article 79 de ce code, intitulé « Dette douanière née en raison d’une inobservation », dispose :

« 1.   Une dette douanière naît à l’importation, dans la mesure où les marchandises sont passibles de droits à l’importation, par suite de l’inobservation :

a) soit d’une des obligations définies dans la législation douanière applicable à l’introduction de marchandises non Union dans le territoire douanier de l’Union, à leur soustraction à la surveillance douanière, ou à la circulation, à la transformation, au stockage, au dépôt temporaire, à l’admission temporaire ou à la disposition de ces marchandises dans ce territoire ;

[...] »

5 L’article 124 dudit code, intitulé « Extinction », prévoit :

« 1.   Sans préjudice des dispositions applicables au non-recouvrement du montant des droits à l’importation ou à l’exportation correspondant à une dette douanière en cas d’insolvabilité du débiteur constatée par voie judiciaire, la dette douanière à l’importation ou à l’exportation s’éteint de l’une des manières suivantes :

[...]

e) lorsque des marchandises passibles de droits à l’importation ou à l’exportation sont saisies et simultanément ou ultérieurement confisquées.

[...]

2.   Dans les cas visés au paragraphe 1, [sous] e), la dette douanière est cependant considérée, pour les besoins des sanctions applicables aux infractions douanières, comme n’étant pas éteinte lorsque le droit d’un État membre prévoit que les droits à l’importation ou à l’exportation ou l’existence d’une dette douanière servent de base à la détermination de sanctions.

[...] »

6 Aux termes de son article 286, paragraphe 1, ledit code abroge le règlement (CE) no 450/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, établissant le code des douanes communautaire (code des douanes modernisé) (JO 2008, L 145, p. 1), qui avait lui-même abrogé le règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1).

Le règlement no 450/2008

7 Le règlement no 450/2008 prévoyait, à son article 86, intitulé « Extinction » :

« 1.   Sans préjudice de l’article 68 et des dispositions applicables au non-recouvrement du montant des droits à l’importation ou à l’exportation correspondant à une dette douanière en cas d’insolvabilité du débiteur constatée par voie judiciaire, la dette douanière à l’importation ou à l’exportation s’éteint de l’une des manières suivantes :

[...]

e) lorsque des marchandises passibles de droits à l’importation ou à l’exportation sont saisies et simultanément ou ultérieurement confisquées ;

[...] »

Le règlement no 2913/92

8 Le règlement no 2913/92 prévoyait, à son article 202 :

« 1.   Fait naître une dette douanière à l’importation :

a) l’introduction irrégulière dans le territoire douanier de la Communauté [européenne] d’une marchandise passible de droits à l’importation ou

b) s’agissant d’une telle marchandise se trouvant dans une zone franche ou en entrepôt franc, son introduction irrégulière dans une autre partie de ce territoire.

Au sens du présent article, on entend par introduction irrégulière, toute introduction en violation des articles 38 à 41 et article 177 deuxième tiret.

2.   La dette douanière naît au moment de l’introduction irrégulière.

[...] »

9 L’article 233 de ce règlement, intitulé « Extinction de la dette douanière », disposait :

« Sans préjudice des dispositions en vigueur relatives à la prescription de la dette douanière, ainsi qu’au non-recouvrement du montant de la dette douanière dans le cas d’insolvabilité du débiteur constatée par voie judiciaire, la dette douanière s’éteint :

[...]

d) lorsque des marchandises pour lesquelles une dette douanière est née conformément à l’article 202 sont saisies lors de l’introduction irrégulière et simultanément ou ultérieurement confisquées.

[...] »

La directive 2008/118

10 Conformément à l’article 2, sous b), de la directive 2008/118 :

« Les produits soumis à accise sont soumis aux droits d’accise au moment :

[...]

b) de leur importation sur le territoire de la Communauté. »

11 L’article 7, paragraphes 1 et 2, de cette directive prévoit :

« 1.   Les droits d’accise deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation et dans l’État membre où celle-ci s’effectue.

2.   Aux fins de la présente directive, on entend par “mise à la consommation” :

[...]

d) l’importation, y compris l’importation irrégulière, de produits soumis à accise, sauf si les produits soumis à accise sont placés, immédiatement après leur importation, sous un régime de suspension de droits. »

La directive TVA

12 L’article 2, paragraphe 1, sous d), de la directive TVA dispose :

« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :

[...]

d) les importations de biens. »

13 Aux termes de l’article 70 de cette directive, « [l]e fait générateur intervient et la taxe devient exigible au moment où l’importation de biens est effectuée ».

14 En vertu de l’article 71, paragraphe 1, second alinéa, de ladite directive, « lorsque les biens importés sont soumis à des droits de douane, à des prélèvements agricoles ou à des taxes d’effet équivalent établies dans le cadre d’une politique commune, le fait générateur intervient et la taxe devient exigible au moment où interviennent le fait générateur et l’exigibilité de ces droits ».

Le droit lituanien

15 L’article 93 du Lietuvos Respublikos mokesčių administravimo įstatymas (loi de la République de Lituanie sur l’administration de la fiscalité), du 13 avril 2004 (Žin., 2004, no 63-2243), intitulé « Extinction de l’obligation fiscale », prévoyait, à son paragraphe 2, point 3, que, « s’agissant des droits administrés par l’administration douanière, l’obligation fiscale s’éteint [...] également [...] si les marchandises de contrebande sont saisies lors de leur introduction irrégulière et
simultanément ou ultérieurement confisquées ».

16 Cette disposition a été abrogée avec effet au 1er janvier 2017 et remplacée par les dispositions suivantes :

– l’article 20, paragraphe 2, du Lietuvos Respublikos akcizų įstatymas (loi de la République de Lituanie relative aux accises), du 30 octobre 2001 (Žin., 2001, no 98-3482), dans sa version issue de la loi no XII 2696, du 3 novembre 2016 (TAR, 2016, no 2016-26860), aux termes duquel « l’obligation de payer les droits d’accise à l’administration des douanes s’éteint, mutatis mutandis, dans les cas prévus à l’article 124, paragraphe 1, sous d) à g), du code des douanes de l’Union » ;

– l’article 121, paragraphe 2, du Lietuvos Respublikos pridėtinės vertės mokesčio įstatymas (loi de la République de Lituanie relative à la taxe sur la valeur ajoutée), du 5 mars 2002 (Žin., 2002, no 35-1271), dans sa version issue de la loi no XII 2697, du 3 novembre 2016 (TAR, 2016, no 2016-26861), aux termes duquel « l’obligation de payer la TVA à l’importation à l’administration des douanes s’éteint, mutatis mutandis, dans les cas prévus à l’article 124, paragraphe 1, sous d) à g), du code
des douanes de l’Union ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

17 UB, le requérant au principal, agissant en groupe avec d’autres personnes, a organisé l’introduction illégale (contrebande) de produits soumis à accise sur le territoire lituanien depuis la Biélorussie. Le 22 septembre 2016, dans un endroit isolé, 6000 paquets de cigarettes (ci-après les « marchandises concernées ») ont été jetés par-dessus la frontière et récupérés. À la même date, le véhicule transportant les marchandises concernées sur le territoire lituanien a été arrêté par des
gardes-frontières, lesquels ont procédé à la saisie de ces marchandises.

18 Par l’ordonnance pénale du 23 janvier 2017, le Vilniaus apygardos teismas (tribunal régional de Vilnius) a reconnu UB coupable d’une infraction pénale, l’a condamné à une amende de 16947 euros, a prononcé la confiscation des marchandises concernées et a ordonné la destruction de ces dernières.

19 Eu égard à cette ordonnance pénale, le service régional des douanes de Kaunas a constaté qu’UB était débiteur, in solidum avec des tiers, d’une dette fiscale de 10237 euros, au titre des droits d’accise, et de 2679 euros, au titre de la TVA à l’importation, les intérêts de retard ayant été respectivement fixés à 1674 et à 438 euros. S’agissant, en revanche, des droits de douane, ce service régional des douanes n’a pas calculé, ni inscrit au rôle, le montant de ceux-ci, parce qu’il a estimé que la
dette douanière était éteinte, en vertu de l’article 124, paragraphe 1, sous e), du code des douanes de l’Union.

20 Saisi d’une réclamation déposée par UB, le département des douanes du ministère des Finances a confirmé la décision du service régional des douanes de Kaunas, par la décision du 9 mai 2018.

21 UB a introduit un recours devant le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius). UB a fait valoir en substance que, la dette douanière étant éteinte pour le motif prévu à l’article 124, paragraphe 1, sous e), du code des douanes de l’Union, son obligation de verser l’accise et la TVA à l’importation devait également être considérée comme éteinte.

22 Par jugement du 30 octobre 2018, le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius) a rejeté ce recours comme étant dénué de tout fondement en droit. Cette juridiction a notamment estimé que le code des douanes de l’Union ne régissait pas les causes d’extinction de l’obligation de payer l’accise et/ou la TVA à l’importation.

23 UB a interjeté appel de ce jugement devant le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), à savoir la juridiction de renvoi.

24 La juridiction de renvoi s’interroge, d’une part, sur le point de savoir si une saisie et une confiscation telles que celles en cause dans le litige au principal constituent une cause d’extinction de la dette douanière au titre de l’article 124, paragraphe 1, sous e), du code des douanes de l’Union. Elle observe que le libellé de cette disposition diffère de celui de l’article 233, premier alinéa, sous d), du règlement no 2913/92, lequel prévoyait expressément que la saisie des marchandises de
contrebande devait intervenir « lors de l’introduction irrégulière » de celles-ci pour que la dette douanière soit considérée comme étant éteinte. Il serait dès lors possible de juger que, aux termes du code des douanes de l’Union, le moment auquel la saisie intervient est désormais dénué de pertinence et que la dette douanière s’éteint même si les marchandises de contrebande sont saisies alors qu’elles ont déjà été introduites sur le territoire douanier de l’Union, à savoir en dehors de la zone
où le premier bureau de douane situé à l’intérieur de ce territoire se trouve.

25 D’autre part, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’incidence de l’extinction de la dette douanière sur l’obligation de verser l’accise et la TVA à l’importation. La juridiction de renvoi observe à cet égard que, si la jurisprudence de la Cour, y compris l’arrêt du 29 avril 2010, Dansk Transport og Logistik (C‑230/08, EU:C:2010:231), semble présupposer l’existence d’un « parallélisme » entre l’extinction de la dette douanière, d’une part, et celle des autres obligations fiscales telles que
celles de payer l’accise et la TVA à l’importation, d’autre part, ni la directive 2008/118 ni la directive TVA ne comportent de dispositions prévoyant une extinction de ces obligations en cas d’introduction illégale suivie d’une saisie et d’une confiscation des marchandises.

26 C’est dans ce contexte que le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Convient-il d’interpréter l’article 124, paragraphe 1, sous e), du [code des douanes de l’Union], en ce sens que la dette douanière s’éteint lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, des marchandises de contrebande sont saisies, et ultérieurement confisquées, alors qu’elles ont déjà été introduites, illégalement, dans le territoire douanier de l’Union (mises à la consommation) ?

2) En cas de réponse affirmative à la première question, convient-il d’interpréter l’article 2, sous b), et l’article 7, paragraphe 1, de la [directive 2008/118] ainsi que l’article 2, paragraphe 1, sous d), et l’article 70 de la [directive TVA], en ce sens que l’obligation de payer l’accise et/ou la TVA ne s’éteint pas dans le cas où, comme dans la présente affaire, des marchandises de contrebande sont saisies, et ultérieurement confisquées, alors qu’elles ont déjà été introduites, illégalement,
dans le territoire douanier de l’Union (mises à la consommation), même si la dette douanière s’éteint pour la cause prévue à l’article 124, paragraphe 1, sous e), du [code des douanes de l’Union] ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

27 Par sa première question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si l’article 124, paragraphe 1, sous e), du code des douanes de l’Union doit être interprété en ce sens que la dette douanière s’éteint lorsque des marchandises sont saisies et ultérieurement confisquées, alors qu’elles ont déjà été introduites illégalement sur le territoire douanier de l’Union.

28 À titre liminaire, il importe de rappeler que, afin d’interpréter une disposition du droit de l’Union, il convient non seulement de se référer aux termes de celle-ci, mais également de tenir compte de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie ainsi que de prendre en considération, notamment, la genèse de cette réglementation (arrêt du 5 avril 2022, C‑140/20, Commissioner of An Garda Síochána, EU:C:2022:258, point 32).

29 S’agissant du libellé de l’article 124, paragraphe 1, sous e), du code des douanes de l’Union, cette disposition prévoit que, sans préjudice des dispositions applicables au non-recouvrement du montant des droits à l’importation ou à l’exportation correspondant à une dette douanière en cas d’insolvabilité du débiteur constatée par voie judiciaire, une dette douanière à l’importation ou à l’exportation s’éteint notamment lorsque des marchandises de contrebande passibles de droits à l’importation ou
à l’exportation sont saisies et simultanément ou ultérieurement confisquées.

30 Par conséquent, le libellé de cette disposition ne fait pas référence au moment auquel la saisie des marchandises intervient en tant que condition de l’extinction de la dette douanière.

31 À cet égard, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 30, 34 et 35 de ses conclusions, le libellé de cette disposition, laquelle a succédé à l’article 86, paragraphe 1, sous e), du règlement no 450/2008, se distingue de celui de l’article 233, premier alinéa, sous d), du règlement no 2913/92, lequel faisait expressément référence à une saisie « lors de l’introduction irrégulière » de marchandises sur le territoire douanier de l’Union.

32 Dans le cadre du régime institué à l’article 233, premier alinéa, sous d), du règlement no 2913/92, afin d’entraîner l’extinction de la dette douanière, la saisie de marchandises introduites sur le territoire douanier de la Communauté devait intervenir avant que celles-ci n’aient dépassé le premier bureau de douane situé à l’intérieur de ce territoire (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2010, Dansk Transport og Logistik, C‑230/08, EU:C:2010:231, point 50).

33 Lorsqu’il a adopté l’article 86, paragraphe 1, sous e), du règlement no 450/2008, puis l’article 124, paragraphe 1, sous e), du code des douanes de l’Union, le législateur de l’Union a opéré le choix de ne plus subordonner l’extinction de la dette douanière à la condition que la saisie intervienne concomitamment à l’introduction des marchandises sur le territoire douanier de l’Union.

34 Partant, le fait que la saisie et la confiscation ultérieure ont eu lieu après l’introduction illégale de marchandises sur le territoire douanier de l’Union est sans incidence sur l’applicabilité de l’article 124, paragraphe 1, sous e), du code des douanes de l’Union, de telle sorte qu’il y a lieu de considérer la dette douanière qui y est afférente comme étant éteinte également dans ce cas de figure.

35 Cette interprétation de l’article 124, paragraphe 1, sous e), du code des douanes de l’Union est conforme aux objectifs poursuivis par ce code, y compris, notamment, l’instauration d’un niveau adéquat de sanctions effectives, dissuasives et proportionnées sur l’ensemble du marché intérieur, aux fins de la protection des intérêts financiers de l’Union, au sens des considérants 11 et 23 dudit code.

36 Il convient de préciser à cet égard que l’extinction de la dette douanière ne fait aucunement obstacle à l’imposition des sanctions afférentes au non-respect de la législation douanière.

37 En effet, en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union, chaque État membre est tenu de prévoir des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives en cas d’infraction à la législation douanière et, aux termes de l’article 124, paragraphe 2, de ce code, la dette douanière est considérée, pour les besoins des sanctions applicables aux infractions douanières, comme n’étant pas éteinte lorsque le droit d’un État membre prévoit que les droits à l’importation ou à
l’exportation ou l’existence d’une dette douanière servent de base à la détermination de sanctions.

38 Ainsi, l’extinction de la dette douanière prévue à l’article 124, paragraphe 1, sous e), dudit code en cas de saisie et de confiscation de marchandises après leur introduction illégale sur le territoire douanier de l’Union ne saurait empêcher l’application de sanctions, ni porter atteinte à l’effet dissuasif de ces dernières.

39 Par conséquent, il convient de répondre à la première question que l’article 124, paragraphe 1, sous e), du code des douanes de l’Union doit être interprété en ce sens que la dette douanière s’éteint lorsque des marchandises sont saisies et ultérieurement confisquées, alors qu’elles ont déjà été introduites illégalement sur le territoire douanier de l’Union.

Sur la seconde question

40 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance, si l’article 2, sous b), et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/118 ainsi que l’article 2, paragraphe 1, sous d), et l’article 70 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que l’extinction de la dette douanière pour la cause prévue à l’article 124, paragraphe 1, sous e), du code des douanes de l’Union entraîne l’extinction de la dette liée, respectivement, aux droits d’accise et à la TVA
pour les marchandises introduites illégalement sur le territoire douanier de l’Union.

41 S’agissant de l’obligation d’acquitter les droits d’accise, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 2, sous b), de la directive 2008/118, les produits soumis à accise sont soumis aux droits d’accise au moment de leur introduction sur le territoire de l’Union. Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, les droits d’accise deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation et dans l’État membre où celle-ci s’effectue. L’article 7, paragraphe 2, sous d), de
ladite directive prévoit que la notion de « mise à la consommation » inclut l’importation, y compris l’importation irrégulière, de produits soumis à accise sauf si ceux-ci sont placés, immédiatement après leur importation, sous un régime de suspension de droits.

42 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 42 de ses conclusions, la directive 2008/118 ne comporte pas de disposition portant extinction de l’obligation d’acquitter les droits d’accise en cas d’extinction de la dette douanière afférente aux marchandises de contrebande pour la cause visée à l’article 124, paragraphe 1, sous e), du code des douanes de l’Union. Il s’ensuit que, une fois devenue exigible, l’accise sur de telles marchandises reste due.

43 Cette appréciation est corroborée par le fait que, lorsque des marchandises importées de façon irrégulière sont saisies et confisquées par les autorités après avoir quitté le premier bureau de douane situé à l’intérieur du territoire de l’Union, il y a lieu de considérer que celles-ci ont été importées dans l’Union, de telle sorte que le fait générateur de l’accise est intervenu à leur égard (voir, par analogie, arrêt du 29 avril 2010, Dansk Transport og Logistik, C‑230/08, EU:C:2010:231,
point 74).

44 En outre, les marchandises ayant fait l’objet d’une telle importation irrégulière sont considérées comme mises à la consommation, de telle sorte que leur placement ultérieur sous un régime d’entrepôt douanier, à la suite de leur saisie et de leur confiscation, n’a aucune incidence sur l’exigibilité de l’accise (voir, par analogie, arrêt du 29 avril 2010, Dansk Transport og Logistik, C‑230/08, EU:C:2010:231, point 81).

45 En l’occurrence, dès lors que les marchandises concernées ont été saisies et confisquées après avoir été mises à la consommation, au sens de l’article 7, paragraphe 2, sous d), de la directive 2008/118, les droits d’accise restent exigibles, l’extinction de la dette douanière correspondante étant sans incidence à cet égard.

46 S’agissant de l’obligation d’acquitter la TVA, il convient de constater que, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous d), de la directive TVA, les importations de biens sont soumises à la TVA. Aux termes de l’article 70 de cette directive, le fait générateur intervient et la taxe devient exigible au moment où l’importation de biens est effectuée.

47 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la TVA à l’importation et les droits de douane présentent des traits essentiels comparables en ce qu’ils prennent naissance du fait de l’importation dans l’Union et de l’introduction consécutive des marchandises dans le circuit économique des États membres. Ce parallélisme est confirmé par le fait que l’article 71, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA autorise les États membres à lier le fait générateur et
l’exigibilité de la TVA à l’importation à ceux des droits de douane [arrêt du 3 mars 2021, Hauptzollamt Münster (Lieu de naissance de la TVA), C‑7/20, EU:C:2021:161, point 29 et jurisprudence citée].

48 Ainsi, une dette de TVA peut s’ajouter à la dette douanière si le comportement illicite qui a engendré cette dernière permettait de présumer que les marchandises concernées sont entrées dans le circuit économique de l’Union et ont pu faire l’objet de consommation, déclenchant ainsi le fait générateur de la TVA [arrêt du 3 mars 2021, Hauptzollamt Münster (Lieu de naissance de la TVA), C‑7/20, EU:C:2021:161, point 30 et jurisprudence citée].

49 La directive TVA ne comporte pas de disposition portant extinction de l’obligation d’acquitter la taxe en cas d’extinction de la dette douanière afférente aux marchandises de contrebande pour la cause visée à l’article 124, paragraphe 1, sous e), du code des douanes de l’Union. Il s’ensuit que, une fois devenue exigible, la TVA sur de telles marchandises reste due.

50 Cette appréciation est corroborée par le fait que, lorsque des marchandises ont été saisies et confisquées après avoir quitté le premier bureau de douane situé à l’intérieur du territoire douanier de l’Union, le fait générateur de la TVA a déjà eu lieu et la TVA est de ce fait devenue exigible (voir, par analogie, arrêt du 29 avril 2010, Dansk Transport og Logistik, C‑230/08, EU:C:2010:231, point 94).

51 En l’occurrence, dès lors que les marchandises concernées ont été saisies et confisquées après leur importation, au sens de l’article 70 de la directive TVA, la TVA reste exigible, l’extinction de la dette douanière correspondante étant sans incidence à cet égard.

52 Par conséquent, il convient de répondre à la seconde question que l’article 2, sous b), et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/118 ainsi que l’article 2, paragraphe 1, sous d), et l’article 70 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que l’extinction de la dette douanière pour la cause prévue à l’article 124, paragraphe 1, sous e), du code des douanes de l’Union n’entraîne pas l’extinction de la dette liée, respectivement, aux droits d’accise et à la TVA pour les
marchandises introduites illégalement sur le territoire douanier de l’Union.

Sur les dépens

53 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 124, paragraphe 1, sous e), du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union, doit être interprété en ce sens que la dette douanière s’éteint lorsque des marchandises sont saisies et ultérieurement confisquées, alors qu’elles ont déjà été introduites illégalement sur le territoire douanier de l’Union européenne.

  2) L’article 2, sous b), et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE, ainsi que l’article 2, paragraphe 1, sous d), et l’article 70 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens que l’extinction de la dette douanière pour la cause prévue à l’article 124, paragraphe 1,
sous e), du règlement no 952/2013 n’entraîne pas l’extinction de la dette liée, respectivement, aux droits d’accise et à la taxe sur la valeur ajoutée pour les marchandises introduites illégalement sur le territoire douanier de l’Union européenne.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le lituanien.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-489/20
Date de la décision : 07/04/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas.

Renvoi préjudiciel – Code des douanes de l’Union – Extinction de la dette douanière – Marchandises introduites illégalement sur le territoire douanier de l’Union – Saisie et confiscation – Directive 2008/118/CE – Droits d’accise – Directive 2006/112/CE – Taxe sur la valeur ajoutée – Fait générateur – Exigibilité.

Taxe sur la valeur ajoutée

Union douanière

Fiscalité

Libre circulation des marchandises

Droits d'accise


Parties
Demandeurs : UB
Défendeurs : Kauno teritorinė muitinė.

Composition du Tribunal
Avocat général : Tanchev
Rapporteur ?: von Danwitz

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:277

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