ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
24 février 2022 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Transports aériens – Règlement (CE) no 261/2004 – Article 3, paragraphe 1 – Champ d’application – Vol avec correspondance au départ et à destination d’un pays tiers – Réservation unique auprès d’un transporteur aérien communautaire – Correspondance sur le territoire d’un État membre – Article 5, paragraphe 1, sous c), iii), et article 7 – Vol de réacheminement retardé – Prise en compte de l’heure d’arrivée effective aux fins de l’indemnisation »
Dans l’affaire C‑451/20,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg, Autriche), par décision du 25 août 2020, parvenue à la Cour le 23 septembre 2020, dans la procédure
Airhelp Ltd
contre
Austrian Airlines AG,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de Mme K. Jürimäe, présidente de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, MM. S. Rodin (rapporteur) et N. Piçarra, juges,
avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour Airhelp Ltd, par Me E. Stanonik-Palkovits, Rechtsanwältin,
– pour Austrian Airlines AG, par Me M. Klemm, Rechtsanwalt,
– pour le gouvernement autrichien, par Mme J. Schmoll et M. G. Kunnert, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement danois, par Mme M. Wolff ainsi que par MM. J. Nymann-Lindegren et M. Jespersen, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par MM. G. Braun et K. Simonsson, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 octobre 2021,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de l’article 5, paragraphe 1, sous c), iii), et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91 (JO 2004, L 46, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Airhelp Ltd à Austrian Airlines AG au sujet du refus de cette dernière d’indemniser NT, un passager aérien aux droits duquel vient Airhelp, en raison de l’annulation de son vol.
Le cadre juridique
3 L’article 2, sous h), du règlement no 261/2004, intitulé « Définitions », dispose :
« Aux fins du présent règlement, on entend par :
[...]
h) “destination finale”, la destination figurant sur le billet présenté au comptoir d’enregistrement, ou, dans le cas des vols avec correspondances, la destination du dernier vol ; les vols avec correspondances disponibles comme solution de remplacement ne sont pas pris en compte si l’heure d’arrivée initialement prévue est respectée ;
[...] »
4 L’article 3 de ce règlement, intitulé « Champ d’application », prévoit, à ses paragraphes 1 et 5 :
« 1. Le présent règlement s’applique :
a) aux passagers au départ d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité ;
b) aux passagers au départ d’un aéroport situé dans un pays tiers et à destination d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité, à moins que ces passagers ne bénéficient de prestations ou d’une indemnisation et d’une assistance dans ce pays tiers, si le transporteur aérien effectif qui réalise le vol est un transporteur communautaire.
[...]
5. Le présent règlement s’applique à tout transporteur aérien effectif assurant le transport des passagers visés aux paragraphes 1 et 2. Lorsqu’un transporteur aérien effectif qui n’a pas conclu de contrat avec le passager remplit des obligations découlant du présent règlement, il est réputé agir au nom de la personne qui a conclu le contrat avec le passager concerné. »
5 L’article 5 dudit règlement, intitulé « Annulations », énonce, à son paragraphe 1, sous c), iii) :
« En cas d’annulation d’un vol, les passagers concernés :
[...]
c) ont droit à une indemnisation du transporteur aérien effectif conformément à l’article 7, à moins qu’ils soient informés de l’annulation du vol :
[...]
iii) moins de sept jours avant l’heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt une heure avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de deux heures après l’heure prévue d’arrivée. »
6 L’article 7 du même règlement, intitulé « Droit à indemnisation », prévoit, à ses paragraphes 1, 2 et 4 :
« 1. Lorsqu’il est fait référence au présent article, les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à :
a) 250 euros pour tous les vols de 1500 kilomètres ou moins ;
b) 400 euros pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1500 à 3500 kilomètres ;
c) 600 euros pour tous les vols qui ne relèvent pas des points a) ou b).
Pour déterminer la distance à prendre en considération, il est tenu compte de la dernière destination où le passager arrivera après l’heure prévue du fait du refus d’embarquement ou de l’annulation.
2. Lorsque, en application de l’article 8, un passager se voit proposer un réacheminement vers sa destination finale sur un autre vol dont l’heure d’arrivée ne dépasse pas l’heure d’arrivée prévue du vol initialement réservé :
a) de deux heures pour tous les vols de 1500 kilomètres ou moins, ou
b) de trois heures pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1500 à 3500 kilomètres, ou
c) de quatre heures pour tous les vols ne relevant pas des points a) ou b),
le transporteur aérien effectif peut réduire de 50 % le montant de l’indemnisation prévue au paragraphe 1.
[...]
4. Les distances indiquées aux paragraphes 1 et 2 sont mesurées selon la méthode de la route orthodromique. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
7 NT disposait d’une réservation pour un vol avec correspondance devant relier Chişinău (Moldavie) à Bangkok (Thaïlande), via Vienne (Autriche). Il était prévu que le transporteur aérien opérerait les deux vols composant ce vol avec correspondance ayant donné lieu à une réservation unique. Le premier de ceux-ci reliait Chişinău à Vienne, avec un départ et une arrivée prévus le 29 mai 2019 respectivement à 15 h 55 et à 16 h 40. Le second segment de vol reliait ensuite Vienne à Bangkok, avec un départ
et une arrivée prévus, respectivement, le 29 mai 2019 à 23 h 20 et le 30 mai 2019 à 14 h 20. Selon la méthode de calcul de la route orthodromique, la distance entre Chişinău et Bangkok est de plus de 3500 km.
8 Le vol de Chişinău à Vienne a été annulé moins de sept jours avant le départ prévu. Par conséquent, Austrian Airlines a modifié la réservation de NT en le transférant sur un autre vol, portant le numéro TK 68 et reliant Istanbul (Turquie) à Bangkok, avec un départ et une arrivée prévus le 30 mai 2019, respectivement à 1 h 25 et à 15 h 00. Il ressort de la demande de décision préjudicielle qu’il n’a pas été possible de déterminer de quelle manière et à quelle heure NT avait été acheminé de Chişinău
à Istanbul. Le vol reliant Istanbul à Bangkok a atteint cette dernière destination à 16 h 47, soit avec un retard d’1 heure et 47 minutes par rapport à l’horaire prévu de ce vol de réacheminement.
9 Dans l’hypothèse où le vol reliant Istanbul à Bangkok n’aurait pas été retardé, NT serait arrivé à sa destination finale, Bangkok, 40 minutes plus tard que s’il avait pu voyager conformément à sa planification initiale via Vienne. Cependant, dès lors que ce vol Istanbul-Bangkok a subi un retard d’1 heure et 47 minutes, NT est, en réalité, parvenu à sa destination finale avec un retard de 2 heures et 27 minutes par rapport à l’heure d’arrivée prévue du vol avec correspondance initialement réservé.
10 NT a cédé à Airhelp le droit dont il disposait à l’égard de Austrian Airlines au titre de l’article 7 du règlement no 261/2004.
11 Airhelp a saisi le Bezirksgericht Schwechat (tribunal de district de Schwechat, Autriche) d’une demande visant à obtenir une indemnisation d’un montant de 300 euros, au motif que Austrian Airlines n’a pas proposé à NT un réacheminement lui permettant d’atteindre sa destination finale dans les deux heures suivant l’arrivée prévue du vol avec correspondance initialement réservé, tout en admettant que Austrian Airlines était en droit de faire valoir une réduction de moitié du montant de
l’indemnisation prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 261/2004, en application du paragraphe 2 de ce même article.
12 Le Bezirksgericht Schwechat (tribunal de district de Schwechat) a accueilli la demande de Airhelp au motif qu’il ressortait clairement du libellé du règlement no 261/2004 que, dans le contexte de l’article 5, paragraphe 1, sous c), iii), de celui-ci, il convenait de comparer l’heure d’arrivée prévue du vol initialement réservé et l’heure à laquelle le vol de réacheminement a effectivement atteint la destination finale. Cette juridiction en a déduit qu’un transporteur aérien n’est exempté du
paiement de l’indemnisation prévue à l’article 7 de ce règlement que si, dans les faits, le passager est parvenu à sa destination finale par le vol de réacheminement avec un retard maximal de deux heures par rapport à l’heure d’arrivée prévue du vol initialement réservé. Ladite juridiction n’a toutefois pas abordé la question de savoir si les dispositions du règlement no 261/2004 étaient applicables à l’affaire dont elle avait été saisie.
13 Austrian Airlines a interjeté appel de cette décision devant la juridiction de renvoi, le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneuburg, Autriche) en contestant la pertinence des limites temporelles retenues par la juridiction de première instance. Selon Austrian Airlines, en cas d’annulation d’un vol, aux fins de l’application de l’article 5, paragraphe 1, sous c), iii), du règlement no 261/2004, il convient de prendre en considération non pas l’heure d’arrivée effective du vol de
réacheminement sur le lieu de la destination finale, mais l’heure d’arrivée normalement prévue de ce vol.
14 La juridiction de renvoi se pose toutefois la question de savoir si le règlement no 261/2004 est applicable à l’affaire dont elle est saisie, compte tenu de la jurisprudence de la Cour dont il découlerait que l’escale sur le territoire de l’Union n’a pas pour effet de rendre le règlement no 261/2004 applicable aux vols avec correspondance qui n’ont pas leur lieu de départ ou de destination finale sur le territoire de l’Union. Or, tel serait précisément le cas du vol avec correspondance en cause
dans la présente affaire. Cette juridiction se demande si une telle solution est conforme à l’objectif dudit règlement, visant à garantir un niveau élevé de protection des passagers. À cet égard, la juridiction de renvoi observe que, si les deux segments de vol n’avaient pas fait l’objet d’une réservation unique, chacun de ceux-ci relèverait bien du champ d’application du règlement no 261/2004, conformément au libellé clair de son article 3, paragraphe 1.
15 Par ailleurs, dans l’hypothèse où le règlement no 261/2004 serait applicable, il conviendrait de déterminer si les heures de départ et d’arrivée visées à l’article 5, paragraphe 1, sous c), iii), de ce règlement se rapportent à l’horaire initialement prévu du vol de réacheminement ou aux heures de départ et d’arrivée effectives de ce vol. En effet, ce serait seulement dans cette dernière hypothèse que NT pourrait prétendre à une indemnisation à charge de Austrian Airlines.
16 En se fondant sur une analyse des différentes versions linguistiques du règlement no 261/2004 ainsi que sur la jurisprudence nationale, la juridiction de renvoi estime que ladite disposition doit être interprétée en ce sens qu’il convient de comparer l’heure d’arrivée prévue du vol initialement réservé et l’heure d’arrivée effective du vol de réacheminement. Elle considère qu’une telle interprétation semble être également étayée par l’ordonnance du 27 juin 2018, flightright (C‑130/18, non
publiée, EU:C:2018:496).
17 La juridiction de renvoi estime toutefois que l’argumentation de Austrian Airlines, selon laquelle une telle interprétation est susceptible de produire des résultats contraires à l’objectif d’un niveau élevé de protection des passagers ne manque pas de pertinence, dans la mesure où la prise en compte de l’heure d’arrivée effective du vol de réacheminement pourrait entraîner des conséquences juridiques différentes pour des situations identiques.
18 Enfin, la juridiction de renvoi se demande si l’article 5 du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens que le transporteur aérien est simplement tenu de faire une offre de réacheminement au passager concerné et qu’il n’endosse, par la suite, aucune responsabilité en cas de retard du vol de réacheminement, dans la mesure où ce dernier ne doit pas être effectué par ledit transporteur. À cet égard, il ressortirait de l’arrêt du 12 mars 2020, Finnair (C‑832/18, EU:C:2020:204), que les
désagréments subis par un passager en raison, d’une part, de l’annulation du vol réservé et, d’autre part, d’un retard important du vol de réacheminement, doivent faire l’objet d’une évaluation distincte et peuvent, le cas échéant, donner lieu à deux droits d’indemnisation.
19 Dans ces conditions, le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneuburg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 3, paragraphe 1, du [règlement no 261/2004] doit-il être interprété en ce sens que ce règlement trouve également à s’appliquer à une liaison aérienne qui a fait l’objet d’une réservation unique et qui est composée de deux segments de vol devant être effectués par un (seul) transporteur aérien communautaire, lorsque tant le lieu de départ du premier segment de vol que le lieu d’arrivée du second segment de vol sont situés dans un pays tiers et que seuls le lieu d’arrivée du premier
segment de vol et le lieu de départ du second segment vol sont situés sur le territoire d’un État membre ?
En cas de réponse affirmative à la première question :
2) L’article 5, paragraphe 1, sous c), iii), du [règlement no 261/2004] doit-il être interprété en ce sens qu’un passager a également droit à une indemnisation au titre de l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement, lorsqu’avec le vol de réacheminement qu’il s’est vu offrir, il devait, certes, atteindre sa destination finale moins de deux heures après l’heure d’arrivée prévue pour le vol annulé, mais que, dans les faits, il n’a pas atteint sa destination dans ce délai ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
20 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens que ce règlement trouve à s’appliquer à un vol avec correspondances qui a fait l’objet d’une réservation unique et qui est composé de deux segments de vol devant être effectués par un transporteur aérien communautaire, lorsque tant l’aéroport de départ du premier segment de vol que l’aéroport d’arrivée du second segment de vol sont situés
dans un pays tiers, seul l’aéroport où l’escale a lieu étant situé sur le territoire d’un État membre.
21 Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 261/2004, ce dernier s’applique aux passagers au départ d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre. Conformément à l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, ce dernier est également applicable aux passagers au départ d’un aéroport situé dans un pays tiers et à destination d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité UE, à moins que ces passagers ne bénéficient de
prestations ou d’une indemnisation et d’une assistance dans ce pays tiers, si le transporteur aérien effectif qui réalise le vol est un transporteur communautaire.
22 Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, afin d’interpréter une disposition du droit de l’Union, il convient de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 2 décembre 2021, Vodafone Kabel Deutschland, C‑484/20, EU:C:2021:975, point 19 et jurisprudence citée).
23 À cet égard, en premier lieu, il ressort du libellé de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 que ce dernier trouve à s’appliquer, aux conditions qu’il détermine, aux passagers et non pas aux vols qu’ils empruntent, de sorte que seuls importent le lieu de l’aéroport de départ et le lieu de l’aéroport d’arrivée du passager concerné, et non pas les aéroports utilisés, en tant que les lieux d’escale, par les vols que ce passager a empruntés aux fins d’atteindre sa destination d’arrivée.
Il s’ensuit que, dans le cas de vols avec correspondances faisant l’objet d’une réservation unique, il ne doit pas être tenu compte, aux fins de l’application de cet article, du lieu de l’aéroport d’escale, étant donné que celui-ci ne saurait être considéré comme le lieu de l’aéroport de départ ou d’arrivée du passager concerné.
24 En deuxième lieu, cette interprétation est confirmée par une analyse du contexte dans lequel s’insère l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 261/2004. En effet, la notion de « destination finale » est définie à l’article 2, sous h), du règlement no 261/2004 comme la destination figurant sur le billet présenté au comptoir d’enregistrement ou, dans le cas des vols avec correspondances, la destination du dernier vol emprunté par le passager concerné.
25 Or, la Cour a jugé qu’il découle des termes « dernier vol » que la notion de « vol avec correspondances » doit être comprise comme renvoyant à deux ou à plusieurs vols constituant un ensemble aux fins du droit à indemnisation des passagers prévu par le règlement no 261/2004 (arrêt du 31 mai 2018, Wegener, C‑537/17, EU:C:2018:361, point 18 et jurisprudence citée). Tel est le cas lorsque deux ou plusieurs vols ont fait, à l’instar de la situation en cause au principal, l’objet d’une réservation
unique (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Wegener, C‑537/17, EU:C:2018:361, point 19 et jurisprudence citée).
26 C’est en ce sens que la Cour a jugé, de manière constante, qu’un vol avec une ou plusieurs correspondances ayant fait l’objet d’une réservation unique constitue un ensemble aux fins du droit à indemnisation des passagers prévu par le règlement no 261/2004, impliquant que l’applicabilité du règlement no 261/2004 soit appréciée au regard du lieu de départ initial et de la destination finale de ce vol (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2019, České aerolinie, C‑502/18, EU:C:2019:604, point 16 et
jurisprudence citée, ainsi que ordonnance du 12 novembre 2020, KLM Royal Dutch Airlines, C‑367/20, EU:C:2020:909, point 19 et jurisprudence citée).
27 Cette interprétation se trouve confortée également par la jurisprudence de la Cour, selon laquelle, aux fins de l’indemnisation forfaitaire prévue à l’article 7 du règlement no 261/2004, seuls importent, d’une part, le retard constaté par rapport à l’heure d’arrivée prévue à la destination finale, entendue comme la destination du dernier vol emprunté par le passager concerné et, d’autre part, la distance entre le lieu du premier décollage et la destination finale, abstraction faite d’éventuels
vols de correspondance (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2013, Folkerts, C‑11/11, EU:C:2013:106, point 35, et ordonnance du 22 avril 2021, British Airways, C‑592/20, non publiée, EU:C:2021:312, point 33 et jurisprudence citée).
28 En effet, il ne saurait être considéré qu’un vol avec correspondances doit être compris comme un ensemble aux fins de l’indemnisation au titre de l’article 7 du règlement no 261/2004, tandis qu’un tel vol devrait être artificiellement segmenté aux fins de déterminer le champ d’application dudit règlement.
29 En troisième lieu, l’objectif du règlement no 261/2004 ne s’oppose pas à ce qu’une telle interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement soit écartée. En effet, l’objectif visant à garantir un niveau élevé de protection des passagers aériens exige certes que le règlement no 261/2004 soit interprété conformément audit objectif, mais ne saurait pour autant mener à étendre indûment le champ d’application dudit règlement à des situations qui ne relèvent pas de celui-ci.
30 Il s’ensuit que l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 ne saurait être interprété en ce sens que le passager d’un vol avec correspondances dont le lieu de départ initial et la destination finale sont situés dans des pays tiers peut se prévaloir des dispositions de ce règlement au seul motif qu’une ou plusieurs escales des segments de ce vol sont situées sur le territoire de l’Union.
31 En tout état de cause, une lecture selon laquelle, dans le contexte des vols avec correspondances, une escale dans un aéroport situé sur le territoire de l’Union suffit pour rendre applicable le règlement no 261/2004 irait non seulement à l’encontre de la jurisprudence constante de la Cour, rappelée aux points 25et 26 du présent arrêt, mais contreviendrait également aux exigences de l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement et au principe de sécurité juridique.
32 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 prévoit clairement deux hypothèses distinctes dans lesquelles ce règlement est applicable aux passagers concernés. Ainsi qu’il ressort du point 21 du présent arrêt, la première hypothèse, visée à cette disposition, sous a), et qui concerne tous les passagers au départ d’un aéroport situé sur le territoire de l’Union, n’est soumise à aucune autre condition ou cause d’inapplicabilité, tandis que la seconde
hypothèse, visée à ladite disposition, sous b), qui concerne tous les passagers au départ d’un aéroport situé dans un pays tiers et à destination d’un aéroport situé sur le territoire de l’Union et à condition que leur vol ait été réalisé par un transporteur communautaire, exclut néanmoins l’applicabilité dudit règlement à de tels passagers s’ils ont bénéficié de prestations ou d’une indemnisation et d’une assistance dans le pays tiers.
33 Or, l’interprétation selon laquelle un passager pourrait se prévaloir des dispositions du règlement no 261/2004 au seul motif que l’aéroport d’une escale de son vol avec correspondances se situe sur le territoire de l’Union est incompatible avec la seconde hypothèse, visée à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004.
34 En premier lieu, une telle interprétation aboutirait à ce que les passagers dont ni le lieu de départ initial ni la destination finale ne correspond à un aéroport situé sur le territoire de l’Union relèveraient nécessairement au moins de la première hypothèse, visée à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 261/2004, alors que les passagers relevant de la seconde hypothèse, visée audit article, paragraphe 1, sous b), bien qu’ayant pour destination finale un aéroport situé sur le
territoire de l’Union, ne seraient couverts par ce règlement que si, d’une part, leur vol a été réalisé par un transporteur communautaire et, d’autre part, ils ne sont pas concernés par la cause d’inapplicabilité visée au point 32 du présent arrêt.
35 En deuxième lieu, une telle interprétation viderait l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004 d’une partie de son sens, dans la mesure où son applicabilité, même dans les cas où la destination finale du passager concerné correspond à un aéroport situé sur le territoire de l’Union, serait limitée uniquement aux passagers des vols directs à destination de l’Union.
36 Ainsi, le passager d’un vol en provenance d’un pays tiers et à destination de l’Union avec une correspondance dans un aéroport situé sur le territoire de l’Union relèverait automatiquement de l’article 3, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, alors qu’il n’en irait pas de même du passager d’un vol direct reliant exactement le même aéroport de départ et la même destination finale si, par ailleurs, son vol n’a pas été assuré par un transporteur aérien communautaire ou s’il est concerné par la
cause d’inapplicabilité également visée à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du même règlement.
37 En effet, dans certaines situations, telles que celle en cause dans l’affaire au principal, une telle interprétation aboutirait à ce que les deux hypothèses visées à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 soient simultanément applicables au même cas de figure.
38 D’une part, en l’occurrence, le lieu d’escale du premier segment de vol se situe sur le territoire de l’Union et est identique au lieu de départ du second segment de vol, le trajet est effectué par un transporteur aérien communautaire, et il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour que NT a bénéficié de prestations ou d’une indemnisation et d’une assistance dans le pays tiers où était situé l’aéroport de départ. NT pourrait dès lors a priori se prévaloir des dispositions du règlement
no 261/2004 au titre de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de celui-ci.
39 D’autre part, s’il fallait interpréter l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 en ce sens qu’une escale dans un aéroport situé sur le territoire de l’Union suffit pour rendre ce règlement applicable au passager concerné, NT pourrait également considérer que sa situation relève de l’hypothèse envisagée audit article, paragraphe 1, sous a). Il en résulterait que, dans une situation telle que celle en cause au principal, il ne serait pas possible de déterminer avec certitude de laquelle
des deux hypothèses visées à l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement relève le passager concerné.
40 En troisième et dernier lieu, une telle interprétation aurait pour conséquence que, s’agissant de la notion de « vols avec correspondances », celle-ci devrait être comprise tantôt comme une « unité » constituée de deux ou de plusieurs vols constituant un ensemble et tantôt comme de deux ou de plusieurs vols distincts. Une telle inconstance dans la portée conférée à cette notion violerait le principe de sécurité juridique qui exige, selon une jurisprudence constante, que la législation de l’Union
soit certaine et que son application soit prévisible pour les justiciables (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C‑67/09 P, EU:C:2010:607, point 77 ainsi que jurisprudence citée).
41 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens que ce règlement ne trouve pas à s’appliquer à un vol avec correspondances qui a fait l’objet d’une réservation unique et qui est composé de deux segments de vol devant être effectués par un transporteur aérien communautaire lorsque tant l’aéroport de départ du premier segment de vol que l’aéroport d’arrivée
du second segment de vol sont situés dans un pays tiers, seul l’aéroport où l’escale a lieu étant situé sur le territoire d’un État membre.
Sur la seconde question
42 Compte tenu de la réponse à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.
Sur les dépens
43 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
L’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91, doit être interprété en ce sens que ce règlement ne trouve pas à s’appliquer à un vol avec correspondances qui a fait l’objet d’une réservation unique et qui est composé de
deux segments de vol devant être effectués par un transporteur aérien communautaire lorsque tant l’aéroport de départ du premier segment de vol que l’aéroport d’arrivée du second segment de vol sont situés dans un pays tiers, seul l’aéroport où l’escale a lieu étant situé sur le territoire d’un État membre.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.