La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/02/2022 | CJUE | N°C-499/20

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, DIMCO Dimovasili M.I.K.E. contre Ypourgos Perivallontos kai Energeias., 10/02/2022, C-499/20


 ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

10 février 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Directive 97/23/CE – Équipements sous pression – Marquage CE – Mise sur le marché et mise en service – Restrictions visant à assurer la protection des personnes – Articles 34 et 36 TFUE – Réglementation nationale imposant des restrictions relatives au mode d’installation des tuyauteries de gaz »

Dans l’affaire C‑499/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’

article 267 TFUE, introduite par le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État, Grèce), par décision du 27 août 2020, parvenu...

 ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

10 février 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Directive 97/23/CE – Équipements sous pression – Marquage CE – Mise sur le marché et mise en service – Restrictions visant à assurer la protection des personnes – Articles 34 et 36 TFUE – Réglementation nationale imposant des restrictions relatives au mode d’installation des tuyauteries de gaz »

Dans l’affaire C‑499/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État, Grèce), par décision du 27 août 2020, parvenue à la Cour le 1er octobre 2020, dans la procédure

DIMCO Dimovasili M.I.K.E.

contre

Ypourgos Perivallontos kai Energeias,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe, présidente de la troisième chambre, faisant fonction de président de la neuvième chambre, MM. S. Rodin et N. Piçarra (rapporteur), juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour DIMCO Dimovasili M.I.K.E., par Mes S. Papageorgiou, D. Tsarapatsanis et P. Yatagantzidis, dikigoroi,

– pour le gouvernement hellénique, par Mmes S. Charitaki, A. Magrippi et K. Nasopoulou ainsi que M. K. Boskovits, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement espagnol, par M. J. Rodríguez de la Rúa Puig, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mmes A. Katsimerou et M. Jáuregui Gómez, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, de l’article 4, paragraphe 1, point 1.1, de l’article 7, paragraphe 4, de l’article 8 ainsi que de l’annexe I de la directive 97/23/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 mai 1997, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les équipements sous pression (JO 1997, L 181, p. 1), telle que modifiée par le règlement (CE) no 1882/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 29 septembre
2003 (JO 2003, L 284, p. 1) (ci-après la « directive 97/23 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant DIMCO Dimovasili M.I.K.E. (ci-après « Dimco ») au Ypourgos Perivallontos kai Energeias (ministre de l’Environnement et de l’Énergie, Grèce) au sujet de la légalité d’un arrêté ministériel, du 20 mars 2012, portant approbation du règlement technique sur les installations intérieures de gaz naturel soumises à une pression maximale de 500 mbar.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Aux termes des considérants 3 et 6 de la directive 97/23 :

« (3) considérant que l’harmonisation des législations nationales est la seule manière de supprimer ces entraves au libre-échange ; que cet objectif ne peut être atteint de manière satisfaisante par les États membres individuels ; que la présente directive n’établit que les exigences indispensables à la libre circulation des équipements auxquels elle s’applique ;

[...]

(6) [...] la présente directive harmonise les dispositions nationales en ce qui concerne le risque dû à la pression ; [...] par conséquent, les autres risques que peuvent présenter ces équipements relèvent, le cas échéant, d’autres directives traitant de ces risques ; [...] toutefois, des équipements sous pression peuvent être inclus dans des produits faisant l’objet d’autres directives adoptées sur la base de l’article 100 A du traité [CE] ; [...] les dispositions prévues par certaines de ces
directives traitent du risque dû à la pression [et] sont considérées suffisantes pour prévenir de manière appropriée les risques dus à la pression présentés par ces équipements lorsque le niveau de risque de ces équipements reste faible ; [...] il y a lieu par conséquent d’exclure de tels équipements du champ d’application de la présente directive ».

4 L’article 1er de cette directive, intitulé « Champ d’application et définitions », dispose :

« 1.   La présente directive s’applique à la conception, à la fabrication et à l’évaluation de la conformité des équipements sous pression et des ensembles dont la pression maximale admissible PS est supérieure à 0,5 bar.

2.   Aux fins de la présente directive, on entend par :

2.1. “équipements sous pression”, les récipients, tuyauteries, accessoires de sécurité et accessoires sous pression. Sont, le cas échéant, considérés comme faisant partie des équipements sous pression les éléments attachés aux parties sous pression, tels que les brides, piquages, raccords, supports, pattes de levage, etc. ;

[...]

2.1.2. “tuyauteries”, des composants de canalisation, destinés au transport des fluides, lorsqu’ils sont raccordés en vue d’être intégrés dans un système sous pression. [...]

[...] »

5 L’article 2 de ladite directive, intitulé « Surveillance du marché », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Les États membres prennent toutes mesures utiles pour que les équipements sous pression et les ensembles visés à l’article 1er ne puissent être mis sur le marché et en service que s’ils ne compromettent pas la santé et la sécurité des personnes et, le cas échéant, des animaux domestiques ou des biens, lorsqu’ils sont installés et entretenus convenablement et utilisés conformément à leur destination.

2.   Les dispositions de la présente directive n’affectent pas la faculté des États membres de prescrire, dans le respect des dispositions du traité, les exigences qu’ils estiment nécessaires pour assurer la protection des personnes et, en particulier, des travailleurs lors de l’utilisation des équipements sous pression ou ensembles en cause, pour autant que cela n’implique pas des modifications de ces équipements ou ensembles par rapport à la présente directive. »

6 L’article 3 de la directive 97/23, intitulé « Exigences techniques », énonce, à son paragraphe 1 :

« Les équipements sous pression énumérés aux points 1.1, 1.2, 1.3 et 1.4 doivent satisfaire aux exigences essentielles énoncées à l’annexe I. [...] »

7 L’article 4 de cette directive, intitulé « Libre circulation », indique, à son paragraphe 1, point 1.1 :

« Les États membres ne peuvent, pour des risques dus à la pression, interdire, restreindre ou entraver la mise sur le marché ou la mise en service, dans les conditions fixées par le fabricant, d’équipements sous pression ou d’ensembles visés à l’article 1er, qui satisfont aux dispositions de la présente directive et portent le marquage “CE”, indiquant qu’ils ont été soumis à une évaluation de la conformité conformément à l’article 10 ».

8 En vertu de l’article 7 de ladite directive, intitulé « Comité “Équipements sous pression” », lorsqu’un État membre considère, pour de très graves raisons de sécurité, qu’un équipement sous pression, un ensemble ou une famille d’ensembles de ces équipements doivent être soumis aux dispositions de l’article 3 ou de l’annexe II de la directive 97/23, il demande à la Commission européenne, assistée par un comité permanent, de prendre les mesures nécessaires. Conformément au paragraphe 4 de cet
article 7, ce comité peut en outre examiner toute question que posent la mise en œuvre et l’application pratique de la présente directive et qui est évoquée par son président, soit à l’initiative de celui-ci, soit à la demande d’un État membre.

9 L’article 8 de la même directive, intitulé « Clause de sauvegarde », prévoit, à son paragraphe 1, que lorsqu’un État membre constate que des équipements sous pression ou ensembles visés à l’article 1er, munis du marquage “CE” et utilisés conformément à leur destination, risquent de compromettre la sécurité des personnes et, le cas échéant, des animaux domestiques ou des biens, il prend toutes les mesures utiles pour retirer ces équipements du marché, interdire leur mise sur le marché, leur mise en
service ou restreindre leur libre circulation. Il informe immédiatement la Commission de ces mesures et indique les raisons de sa décision.

10 L’annexe Ι de la directive 97/23, intitulée « Exigences essentielles de sécurité », dispose, à sa partie 1, intitulée « Généralités » :

« 1.1. Les équipements sous pression sont conçus, fabriqués, contrôlés et, le cas échéant, équipés et installés de façon à garantir leur sécurité s’ils sont mis en service conformément aux instructions du fabricant ou dans des conditions raisonnablement prévisibles.

[...] »

Le droit grec

11 Par l’arrêté D3/A’/oik.6598, du 20 mars 2012, le secrétaire d’État à l’environnement, à l’énergie et au changement climatique a approuvé le règlement relatif aux installations intérieures de gaz naturel soumises à une pression de fonctionnement jusqu’à 500 mbar et fixé les directives relatives à l’étude, au matériel, à l’installation, à l’inspection, aux essais, à la sécurité et au fonctionnement de réseaux et d’installations intérieures des consommateurs de gaz naturel (FEK B’ 976/28.3.2012)
(ci-après le « règlement du 20 mars 2012 »).

12 Le paragraphe 1.2.4 de ce règlement dispose :

« Les modalités d’installation des tuyauteries de gaz ne relèvent pas [de la directive 97/23 ou d’autres] directives et sont régies par le présent règlement en tenant compte des particularités du pays (par exemple, les séismes). »

13 L’annexe 9 dudit règlement, intitulée « Spécifications du réseau de tuyauteries », dispose, à son point P.9.5.6.9 :

« Acheminement à travers les espaces libres d’une construction

Lorsque des conduites sont installées dans les espaces libres d’une construction, tels que, par exemple, les faux plafonds, l’espace vide doit être ventilé, par exemple au moyen

– d’ouvertures latérales dans le mur,

– de deux ouvertures d’aération disposées en diagonale d’une surface de 20 cm2 chacune.

Il est recommandé que le réseau soit soudé et, si cela est possible, protégé par des gaines. »

14 Le point P.9.5.8.2 de l’annexe 9 du même règlement prévoit :

« Les conduites de gaz ne peuvent être installées ni à l’intérieur de plaques de béton, ni dans les sols. Elles peuvent être installées dans des gaines, dans des espaces vides à l’intérieur d’un faux plafond ou dans une couche d’insonorisation (ou similaire) sur un faux plafond, en prenant les mesures de protection contre la corrosion prévues pour les tuyauteries dans le sol. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

15 Dimco a pour activité le commerce, l’importation et la distribution de produits de haute technologie utilisés dans la mise en œuvre d’installations de gaz naturel dans les bâtiments. Elle importe, depuis le Royaume-Uni, et commercialise, en Grèce, des tuyaux flexibles en acier inoxydable.

16 Le 16 mai 2012, Dimco a introduit un recours devant le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État, Grèce) tendant à l’annulation de diverses dispositions du règlement du 20 mars 2012, en faisant valoir, notamment, que ces dispositions visent à promouvoir l’utilisation de tuyauteries de gaz en acier et en cuivre conventionnels, au détriment de celles qu’elle commercialise, et rendent pratiquement impossibles l’utilisation et, partant, la commercialisation des tuyauteries qu’elle importe. Elle
estime ainsi que le paragraphe 1.2.4 de ce règlement ainsi que les points P.9.5.6.9 et P.9.5.8.2 de l’annexe 9 de celui-ci violent l’article 4, paragraphe 1, point 1.1, de la directive 97/23.

17 Dimco souligne, à cet égard, que les tuyauteries qu’elle commercialise portent un marquage CE. Il résulterait de l’annexe I et de l’article 4, paragraphe 1, point 1.1, de la directive 97/23 que les conditions et contraintes supplémentaires imposées pour des motifs tenant à la protection contre les séismes ne sauraient s’appliquer aux tuyauteries de gaz munies du marquage CE et dont le fabricant atteste, dans ses notices d’instructions, que leur installation et leur utilisation sont sûres.

18 La juridiction de renvoi considère que les dispositions du règlement du 20 mars 2012, qui prescrivent des conditions et des contraintes quant aux modalités d’installation des tuyauteries de gaz, compte tenu des particularités du pays et, en particulier, des phénomènes sismiques, trouvent leur fondement dans l’article 2 de la directive 97/23 et sont conformes aux dispositions de cet article. Selon cette juridiction, ces conditions et contraintes sont conformes à l’article 36 TFUE, dans la mesure
où elles s’appliquent sans distinction à tous les types de tuyauteries, quel que soit le matériau dont elles sont faites ou leur pays d’origine, ont été jugées nécessaires par l’autorité nationale compétente pour assurer la santé et la sécurité des personnes, respectent le principe de proportionnalité et n’impliquent aucune modification du matériel commercialisé par la requérante au principal. La juridiction de renvoi considère ainsi que le moyen d’annulation, soulevé par la requérante au
principal et dirigé contre ces dispositions, pourrait être rejeté comme étant non fondé. Néanmoins, elle éprouve des doutes relatifs à la conformité de certaines dispositions du règlement du 20 mars 2012 aux dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 1, point 1.1, de l’article 7, paragraphe 4, de l’article 8 et de l’annexe I de la directive 97/23.

19 Dans ces conditions, le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les dispositions combinées de l’article 4, [paragraphe 1, point 1.1], de l’article 7, paragraphe 4, de l’article 8 et de l’annexe I de la directive 97/23 [...] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à des dispositions réglementaires nationales, telles que celles du paragraphe 1.2.4 et des points P.9.5.6.9 et P.9.5.8.2 de l’annexe 9 du règlement [du 20 mars 2012] relatif aux installations intérieures de gaz naturel soumises à une pression de fonctionnement jusqu’à
500 mbar, qui prescrivent, pour des motifs de protection des personnes, en particulier contre les séismes, des conditions et des contraintes (obligation d’aération, interdiction d’acheminer les conduites dans le sol) quant aux modalités d’installation d’équipements sous pression (tuyauteries de gaz), compte tenu du fait que ces conditions et contraintes s’appliquent également sans distinction à des tuyauteries qui, comme en l’espèce, sont munies [du marquage] CE et dont le fabricant garantit
que leur utilisation et leur installation sont sûres sans que lesdites conditions et contraintes soient respectées ?

2) Les dispositions susmentionnées de la directive 97/23, lues en combinaison avec l’article 2 de celle–ci, doivent-elles, au contraire, être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à des conditions et à des contraintes, telles que celles en cause en l’espèce, concernant les modalités d’installation d’équipements sous pression (tuyauteries de gaz) ? »

Sur les questions préjudicielles

20 Par ses deux questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 1, point 1.1, et l’annexe I de la directive 97/23, lus en combinaison avec l’article 2 de celle-ci, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui, afin de garantir la sécurité des personnes, en particulier contre les séismes, impose certaines modalités d’installation aux équipements sous pression, y compris à ceux
disposant du marquage CE.

21 En premier lieu, il importe de rappeler, d’une part, que l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 97/23 prévoit que celle-ci s’applique à la conception, à la fabrication et à l’évaluation de la conformité des équipements sous pression et, d’autre part, que l’article 3 de cette directive dispose que ces équipements doivent satisfaire à certaines exigences techniques essentielles énumérées à l’annexe I de ladite directive.

22 Il ressort ainsi de ces dispositions, lues à la lumière du considérant 6 de la directive 97/23, que cette directive vise à harmoniser les exigences essentielles de conception et de fabrication des équipements sous pression, en ce qui concerne le risque dû à la pression, afin que ces équipements puissent disposer du marquage CE (voir, par analogie, arrêt du 17 décembre 2020, Allemagne/Commission, C‑475/19 P et C‑688/19 P, EU:C:2020:1036, point 70) et non pas les conditions d’installation desdits
équipements.

23 Certes, l’annexe I de la directive 97/23, qui énumère les exigences techniques essentielles auxquelles les équipements sous pression doivent satisfaire conformément à l’article 3 de cette directive, dans sa partie intitulée « Généralités », énonce, à son point 1.1, que « [l]es équipements sous pression sont conçus, fabriqués, contrôlés et, le cas échéant, équipés et installés de façon à garantir leur sécurité ». Cependant, la mention, dans cette disposition, des conditions d’installation de ces
équipements n’est opérée qu’à titre de renvoi à d’autres textes applicables dans ce domaine. Cette annexe n’établit donc aucune condition spécifique en matière d’installation desdits équipements.

24 Il en va de même s’agissant de la référence aux conditions normales d’installation et d’utilisation faite à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 97/23, lequel impose aux États membres de prendre toutes mesures utiles pour que les équipements sous pression ne puissent être mis sur le marché et en service que s’ils ne compromettent pas la santé et la sécurité des personnes « lorsqu’ils sont installés et entretenus convenablement et utilisés conformément à leur destination ». Cette disposition
n’établit aucune condition concernant l’installation de ces équipements.

25 S’agissant, en deuxième lieu, de l’article 4, paragraphe 1, point 1.1, de la directive 97/23, il ressort de cette disposition que les États membres ne peuvent, pour des risques dus à la pression, interdire, restreindre ou entraver la mise sur le marché ou la mise en service, dans les conditions fixées par le fabricant, d’équipements sous pression qui satisfont aux dispositions de cette directive et portent le marquage CE, afin de ne pas porter atteinte à l’objectif d’harmonisation des
dispositions nationales que poursuit cette directive, en ce qui concerne ces risques. En revanche, ladite disposition n’interdit pas aux États membres de prendre des mesures, pour prévenir des risques autres que ceux dus à la pression, afin que ces équipements soient mis sur le marché et en service sans compromettre la santé et la sécurité des personnes.

26 En troisième lieu, l’article 2, paragraphe 2, de la directive 97/23 prévoit expressément que les dispositions de cette dernière n’affectent pas la faculté des États membres de prescrire, dans le respect des dispositions du traité, les exigences qu’ils estiment nécessaires pour assurer la protection des personnes, en particulier lors de l’utilisation de ces équipements, pour autant que cela n’implique pas des modifications desdits équipements ou ensembles lorsqu’ils sont conformes à ladite
directive.

27 Parmi les dispositions spécifiques du traité que les États membres sont tenus de respecter dans l’exercice de la faculté que leur reconnaît l’article 2, paragraphe 2, de la directive 97/23, il y a lieu, au regard de l’objectif poursuivi par cette directive consistant à supprimer les entraves à la libre circulation des équipements sous pression au sein du marché intérieur, de se référer aux articles 34 et 36 TFUE qui régissent la libre circulation des marchandises et interdisent, entre les États
membres, les restrictions quantitatives à l’importation ainsi que toutes mesures d’effet équivalent.

28 À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que doivent être considérées comme des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation, prohibées par l’article 34 TFUE, les mesures prises par un État membre qui ont pour objet ou pour effet de traiter moins favorablement des produits en provenance d’autres États membres, ainsi que toute autre mesure qui entrave l’accès au marché d’un État membre des produits originaires d’autres États, à moins qu’elles ne puissent
être objectivement justifiées par l’une des raisons d’intérêt général énumérées à l’article 36 TFUE, ou par des exigences impératives d’intérêt général. Dans l’un ou l’autre cas, lesdites mesures nationales doivent être propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au–delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint (voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2009, Commission/Italie, C‑110/05, EU:C:2009:66, points 37 et 59 ainsi que jurisprudence citée).

29 En l’occurrence, la juridiction de renvoi indique que les conditions imposées par le règlement du 20 mars 2012, à savoir l’obligation de ventiler les espaces où sont installées les conduites de gaz naturel et l’interdiction d’installer ces dernières à l’intérieur de plaques de béton et dans les sols afin qu’elles demeurent accessibles, n’induisent aucune modification du matériel commercialisé par la requérante au principal, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par les parties au principal, et
visent à garantir la sécurité des personnes au regard de risques dus à des facteurs externes aux équipements sous pression, tels que les séismes.

30 Par ailleurs, la juridiction de renvoi considère que les dispositions du règlement du 20 mars 2012 sont conformes à l’article 36 TFUE dès lors qu’elles sont applicables à tous les types de tuyauteries indépendamment du matériau utilisé ou du pays d’origine, ont été jugées nécessaires par l’autorité nationale compétente pour garantir la santé et la sécurité des personnes et respectent le principe de proportionnalité.

31 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi que l’article 4, paragraphe 1, point 1.1, et l’annexe I de la directive 97/23, lus en combinaison avec l’article 2, paragraphe 2, de celle-ci, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui, afin de garantir la sécurité des personnes, en particulier contre les séismes, impose certaines modalités d’installation pour des
équipements sous pression, tels que des tuyauteries destinées au transport de gaz, y compris celles disposant du marquage CE, pour autant que cette réglementation n’induise aucune modification de ces équipements et ne constitue pas une entrave prohibée par les articles 34 et 36 TFUE.

Sur les dépens

32 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle–ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

  L’article 4, paragraphe 1, point 1.1, et l’annexe I de la directive 97/23/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 mai 1997, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les équipements sous pression, telle que modifiée par le règlement (CE) no 1882/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 29 septembre 2003, lus en combinaison avec l’article 2, paragraphe 2, de cette directive, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation
nationale qui, afin de garantir la sécurité des personnes, en particulier contre les séismes, impose certaines modalités d’installation pour des équipements sous pression, tels que des tuyauteries destinées au transport de gaz, y compris celles disposant du marquage CE, pour autant que cette réglementation n’induise aucune modification de ces équipements et ne constitue pas une entrave prohibée par les articles 34 et 36 TFUE.

  Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure : le grec.


Synthèse
Formation : Neuvième chambre
Numéro d'arrêt : C-499/20
Date de la décision : 10/02/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Symvoulio tis Epikrateias.

Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Directive 97/23/CE – Équipements sous pression – Marquage CE – Mise sur le marché et mise en service – Restrictions visant à assurer la protection des personnes – Articles 34 et 36 TFUE – Réglementation nationale imposant des restrictions relatives au mode d’installation des tuyauteries de gaz.

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : DIMCO Dimovasili M.I.K.E.
Défendeurs : Ypourgos Perivallontos kai Energeias.

Composition du Tribunal
Avocat général : Saugmandsgaard Øe
Rapporteur ?: Piçarra

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:93

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award