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11/10/2021 | CJUE | N°C-686/20

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, YE e.a. contre Vueling Airlines SA., 11/10/2021, C-686/20


ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

11 octobre 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Transport aérien – Règlement (CE) no 261/2004 – Règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol – Article 3, paragraphe 3 – Champ d’application – Passagers voyageant gratuitement ou à un tarif réduit non directement ou indirectement accessible au public – Enfant en bas âge voyageant gr

atuitement – Article 2, sous f) – Notion
de “billet” »

Dans l’affaire C‑686/20,

ayant pour objet une dem...

ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

11 octobre 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Transport aérien – Règlement (CE) no 261/2004 – Règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol – Article 3, paragraphe 3 – Champ d’application – Passagers voyageant gratuitement ou à un tarif réduit non directement ou indirectement accessible au public – Enfant en bas âge voyageant gratuitement – Article 2, sous f) – Notion
de “billet” »

Dans l’affaire C‑686/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal de proximité d’Aulnay-sous-Bois (France), par décision du 11 décembre 2020, parvenue à la Cour le 18 décembre 2020, dans la procédure

YE,

LP,

AN, légalement représentée par ses parents YE et LP,

OL, légalement représentée par ses parents YE et LP,

VX, légalement représenté par ses parents YE et LP,

CE, légalement représentée par ses parents YE et LP

contre

Vueling Airlines SA,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M^me K. Jürimäe (rapporteure), présidente de la troisième chambre, faisant fonction de président de la neuvième chambre, MM. S. Rodin et  N. Piçarra, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 3, du règlement (CE) n^o 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n^o 295/91 (JO 2004, L 46, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant YE et LP agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux d’AN, d’OL, de VX et de CE, à Vueling Airlines SA, transporteur aérien, au sujet du refus de ce dernier d’indemniser AN, un enfant en bas âge voyageant gratuitement sur un vol qui a subi un retard important.

 Le cadre juridique

3        Le considérant 1 du règlement n^o 261/2004 énonce :

4        « L’action de [l’Union européenne] dans le domaine des transports aériens devrait notamment viser à garantir un niveau élevé de protection des passagers. Il convient en outre de tenir pleinement compte des exigences de protection des consommateurs en général. »

5        L’article 2 de ce règlement, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

« f)      “billet”, un document en cours de validité établissant le droit au transport, ou quelque chose d’équivalent sous forme immatérielle, y compris électronique, délivré ou autorisé par le transporteur aérien ou son agent agréé ;

g)      “réservation”, le fait pour un passager d’être en possession d’un billet, ou d’une autre preuve, indiquant que la réservation a été acceptée et enregistrée par le transporteur aérien ou l’organisateur de voyages ;

[...] »

6        L’article 3 dudit règlement, intitulé « Champ d’application », prévoit, à son paragraphe 3 :

« Le présent règlement ne s’applique pas aux passagers qui voyagent gratuitement ou à un tarif réduit non directement ou indirectement accessible au public. Toutefois, il s’applique aux passagers en possession d’un billet émis par un transporteur aérien ou un organisateur de voyages dans le cadre d’un programme de fidélisation ou d’autres programmes commerciaux. »

7        Sous l’intitulé « Droit à indemnisation », l’article 7 du même règlement dispose, à son paragraphe 1 :

« Lorsqu’il est fait référence au présent article, les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à :

a)      250 euros pour tous les vols de 1 500 kilomètres ou moins ;

b)      400 euros pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1 500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1 500 à 3 500 kilomètres ;

c)      600 euros pour tous les vols qui ne relèvent pas des points a) ou b).

[...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

8        YE et LP ainsi que leurs quatre enfants mineurs (ci-après les « passagers ») ont pris, le 9 septembre 2017, un vol au départ de Tanger (Maroc) et à destination de Paris (France). Ce vol, opéré par Vueling Airlines, a atteint sa destination finale avec un retard de plus de trois heures.

9        Considérant qu’ils avaient droit à une indemnisation en application de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n^o 261/2004, les passagers ont sollicité Vueling Airlines qui a accepté d’en indemniser cinq d’entre eux, mais a refusé de faire droit à la demande d’indemnisation d’AN, qui, âgée de moins de deux ans à la date du vol, avait voyagé gratuitement.

10      En raison de ce refus, les passagers ont saisi le tribunal de proximité d’Aulnay-sous-Bois (France), qui est la juridiction de renvoi dans la présente affaire.

11      Devant cette juridiction, les passagers soutiennent que le refus de Vueling Airlines d’indemniser le passager ayant voyagé gratuitement en raison de son bas âge est injustifié, dès lors que ce tarif, résultant de l’application du critère objectif lié à l’âge, est « directement accessible au public », au sens de l’article 3, paragraphe 3, du règlement n^o 261/2004, et que, partant, ce passager relève du champ d’application de ce règlement.

12      De surcroît, les passagers estiment que ledit tarif est accordé dans le cadre d’un « programme commercial », au sens de cette disposition. Refuser la garantie de niveau élevé de protection des passagers aux enfants voyageant gratuitement reviendrait, selon eux, à libérer les compagnies aériennes des obligations de réacheminement ainsi que de prise en charge et placerait dès lors un passager voyageant gratuitement dans une situation de particulière vulnérabilité.

13      Selon Vueling Airlines, il ressort clairement du libellé de l’article 3, paragraphe 3, du règlement n^o 261/2004 que ce dernier ne s’applique pas aux passagers voyageant gratuitement et qui ne disposent ni de réservation confirmée ni de billet à leur nom.

14      À cet égard, la juridiction de renvoi relève qu’AN, âgée de moins de deux ans à la date du vol concerné, ne disposait pas de siège attribué, que son nom ne figurait pas sur les réservations effectuées pour les passagers et qu’aucune carte d’embarquement ne lui avait été délivrée.

15      Constatant que l’article 3, paragraphe 3, du règlement n^o 261/2004 a fait l’objet d’interprétations divergentes dans la jurisprudence en France, la juridiction de renvoi estime nécessaire d’interroger la Cour sur l’interprétation de cette disposition.

16      Dans ces conditions, le tribunal de proximité d’Aulnay-sous-Bois a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La première phrase de l’article 3, paragraphe 3, du règlement n^o 261/2004 doit-elle être interprétée en ce sens que la condition d’accessibilité au public concerne tant le tarif préférentiel que le voyage gratuit ?

2)      La deuxième phrase de l’article 3, paragraphe 3, du règlement n^o 261/2004 doit-elle être interprétée en ce sens que les passagers dont la présence dans l’avion est autorisée gratuitement en raison de leur jeune âge sont exclus du champ d’application du règlement lorsqu’ils sont :

a)      dépourvus de billet à leur nom ?

b)      dépourvus de réservation à leur nom ?

c)      dépourvus de billet et de réservation à leur nom ? »

 Sur les questions préjudicielles

17      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut, notamment lorsqu’une réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée ne laisse place à aucun doute raisonnable, décider, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée.

18      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

 Sur la première question

19      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 3, première phrase, du règlement n^o 261/2004 doit être interprété en ce sens que la condition d’accessibilité directe ou indirecte au public, figurant à cette disposition, fait référence aux passagers qui voyagent gratuitement.

20      Conformément à l’article 3, paragraphe 3, première phrase, du règlement n^o 261/2004, ce dernier ne s’applique pas aux passagers qui voyagent gratuitement ou à un tarif réduit non directement ou indirectement accessible au public.

21      L’emploi de la conjonction « ou », dans le libellé de plusieurs versions linguistiques de cette disposition, telles que, notamment, les versions en langues française, anglaise et allemande, marque le caractère distinct des deux situations visées par ladite disposition qui concernent, d’une part, les passagers qui voyagent gratuitement et, d’autre part, les passagers qui voyagent à un tarif réduit non directement ou indirectement accessible au public.

22      En effet, ainsi que la Cour l’a, en substance, jugé, la condition d’accessibilité directe ou indirecte au public fait référence uniquement aux passagers voyageant à un tarif réduit et non pas aux passagers voyageant gratuitement (voir, en ce sens, ordonnance du 26 novembre 2020, SATA International – Azores Airlines, C‑316/20, non publiée, EU:C:2020:966, points 15 et 16).

23      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 3, paragraphe 3, première phrase, du règlement n^o 261/2004 doit être interprété en ce sens que la condition d’accessibilité directe ou indirecte au public, figurant à cette disposition, ne fait pas référence aux passagers qui voyagent gratuitement.

 Sur la seconde question

24      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3 paragraphe 3, seconde phrase, du règlement n^o 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’un passager qui voyage gratuitement en raison de son bas âge, mais qui ne dispose ni de siège attribué ni de carte d’embarquement et dont le nom ne figure pas sur les réservations effectuées par ses parents, relève du champ d’application de ce règlement.

25      À cet égard, il y a lieu de relever, en premier lieu, que l’article 3, paragraphe 3, première phrase, du règlement n^o 261/2004 exclut du champ d’application de ce règlement les passagers voyageant gratuitement ou à un tarif réduit non directement ou indirectement accessible au public, indépendamment de la question de savoir si un billet a été émis à ces passagers. En revanche, selon l’article 3, paragraphe 3, seconde phrase, dudit règlement, ce dernier s’applique aux passagers en possession
d’un billet émis par un transporteur aérien dans le cadre d’un programme de fidélisation ou d’autres programmes commerciaux.

26      Il en découle que les passagers voyageant au moyen de billets émis gratuitement par un transporteur aérien ne relèvent pas du règlement n^o 261/2004, à moins que ces billets aient été émis dans le cadre d’un programme de fidélisation ou d’autres programmes commerciaux (ordonnance du 26 novembre 2020, SATA International – Azores Airlines, C‑316/20, non publiée, EU:C:2020:966, point 15).

27      Il convient de relever, en second lieu, que l’article 2 du règlement n^o 261/2004 définit, à son point f), la notion de « billet » comme étant « un document en cours de validité établissant le droit au transport, ou quelque chose d’équivalent sous forme immatérielle, y compris électronique, délivré ou autorisé par le transporteur aérien ou son agent agréé ». Il ressort par ailleurs de l’article 2, sous g), du règlement n^o 261/2004 que la possession d’un billet par un passager aérien peut
constituer la preuve qu’une réservation a été acceptée et enregistrée par un transporteur aérien.

28      Il en découle que la notion de « billet », qui est une notion autonome de droit de l’Union, est définie de manière large dans le règlement n^o 261/2004 et inclut chaque élément matériel ou immatériel conférant au passager un droit au transport. Il y a lieu d’ajouter qu’une interprétation restrictive de cette notion aurait pour effet de diminuer sensiblement la protection accordée aux passagers en vertu du règlement n^o 261/2004 et serait, partant, contraire à l’objectif de celui‑ci, visé à
son considérant 1, qui est de garantir un niveau élevé de protection des passagers (voir, par analogie, arrêt du 4 octobre 2012, Finnair, C‑22/11, EU:C:2012:604, point 23).

29      En l’occurrence, selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, reprises au point 13 de la présente ordonnance, AN, âgée de moins de deux ans à la date du vol concerné voyageait gratuitement, ne disposait ni de siège attribué ni de carte d’embarquement et son nom ne figurait pas sur les réservations effectuées par ses parents.

30      Dans ces conditions, sous réserve des vérifications qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi d’effectuer, à la lumière des éléments d’interprétation rappelés aux points 26 et 27 de la présente ordonnance, un passager en bas âge qui voyage gratuitement et qui ne dispose ni de siège attribué ni de carte embarquement et dont le nom ne figure pas sur les réservations effectuées par ses parents ne relève pas du champ d’application de ce règlement, même à supposer qu’une telle pratique puisse
être qualifiée de « programme de fidélisation ou d’autres programmes commerciaux ».

31      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 3, paragraphe 3, seconde phrase, du règlement n^o 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’un passager qui voyage gratuitement en raison de son bas âge, mais qui ne dispose ni de siège attribué ni de carte d’embarquement et dont le nom ne figure pas sur les réservations effectuées par ses parents ne relève pas du champ d’application de ce règlement.

 Sur les dépens

32      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 3, paragraphe 3, première phrase, du règlement (CE) n^o 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n^o 295/91, doit être interprété en ce sens que la condition d’accessibilité directe ou indirecte au public, figurant à cette disposition, ne fait pas référence
aux passagers qui voyagent gratuitement. 

2)      L’article 3, paragraphe 3, seconde phrase, du règlement n^o 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’un passager qui voyage gratuitement en raison de son bas âge, mais qui ne dispose ni de siège attribué ni de carte d’embarquement et dont le nom ne figure pas sur les réservations effectuées par ses parents ne relève pas du champ d’application de ce règlement.

Signatures

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*      Langue de procédure : le français.


Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le tribunal de proximité d’Aulnay-sous-Bois.

Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Transport aérien – Règlement (CE) no 261/2004 – Règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol – Article 3, paragraphe 3 – Champ d’application – Passagers voyageant gratuitement ou à un tarif réduit non directement ou indirectement accessible au public – Enfant en bas âge voyageant gratuitement – Article 2, sous f) – Notion de “billet”.

Protection des consommateurs

Transports


Parties
Demandeurs : YE e.a.
Défendeurs : Vueling Airlines SA.

Références :

Composition du Tribunal
Avocat général : Rantos
Rapporteur ?: Jürimäe

Origine de la décision
Formation : Neuvième chambre
Date de la décision : 11/10/2021
Date de l'import : 23/06/2022

Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu


Numérotation
Numéro d'arrêt : C-686/20
Numéro NOR : 62020CO0686 ?

Source

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