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06/10/2021 | CJUE | N°C-408/20

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Danilo Poggiolini contre Parlement européen., 06/10/2021, C-408/20


 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

6 octobre 2021 ( *1 )

« Pourvoi – Droit institutionnel – Statut unique du député européen – Députés européens élus dans des circonscriptions italiennes – Modification des droits à pension – Acte faisant grief – Position provisoire – Effets juridiques autonomes »

Dans l’affaire C‑408/20 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 1er septembre 2020,

Danilo Poggiolini, demeurant à Rome (I

talie), représenté par Mes F. Sorrentino, A. Sandulli et B. Cimino, avvocati,

partie requérante,

l’autre partie à...

 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

6 octobre 2021 ( *1 )

« Pourvoi – Droit institutionnel – Statut unique du député européen – Députés européens élus dans des circonscriptions italiennes – Modification des droits à pension – Acte faisant grief – Position provisoire – Effets juridiques autonomes »

Dans l’affaire C‑408/20 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 1er septembre 2020,

Danilo Poggiolini, demeurant à Rome (Italie), représenté par Mes F. Sorrentino, A. Sandulli et B. Cimino, avvocati,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Parlement européen, représenté par Mmes S. Alves et S. Seyr, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, M. L. Bay Larsen (rapporteur), Mme C. Toader, MM. M. Safjan et N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 juillet 2021,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, M. Danilo Poggiolini demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 3 juillet 2020, Falqui et Poggiolini/Parlement (T‑347/19 et T‑348/19, non publiée, ci‑après l’ ordonnance attaquée , EU:T:2020:303), par laquelle celui‑ci a rejeté comme étant manifestement irrecevable son recours tendant à l’annulation de la note du 11 avril 2019 établie par le chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la direction générale des finances du
Parlement européen et concernant l’adaptation du montant des pensions dont il bénéficie à la suite de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2019, de la décision no 14/2018 de l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (office de la présidence de la Chambre des députés, Italie) (ci-après la « note litigieuse »).

Les antécédents du litige

2 M. Poggiolini est un ancien membre du Parlement européen, élu en Italie. Il bénéficie, à ce titre, d’une pension de retraite.

3 Le 12 juillet 2018, l’office de la présidence de la Chambre des députés a décidé de recalculer, selon le système de la contribution, le montant des pensions des anciens membres de cette chambre relatives aux années de mandat accomplies jusqu’au 31 décembre 2011 (ci-après la « décision no 14/2018 »).

4 Par l’ajout d’un commentaire sur le bulletin de pension du requérant du mois de janvier 2019, le Parlement l’a averti du fait que le montant de sa pension pourrait être révisé, en exécution de la décision no 14/2018, et que ce nouveau calcul pourrait éventuellement donner lieu à un recouvrement des sommes indûment versées.

5 Par une note non datée du chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la direction générale des finances du Parlement, annexée au bulletin de pension du requérant du mois de février 2019, le Parlement l’a informé, tout d’abord, que son service juridique avait confirmé l’applicabilité automatique de la décision no 14/2018 à sa situation. Cette note précisait, ensuite, que, dès que le Parlement aurait reçu les informations nécessaires de la Camera dei deputati (Chambre des
députés, Italie), il notifierait au requérant la nouvelle fixation de son droit à pension et procéderait au recouvrement de l’éventuel trop-perçu sur les douze prochains mois. Enfin, cette note informait le requérant que la fixation définitive de son droit à pension serait arrêtée par un acte formel contre lequel il serait possible d’introduire une réclamation ou un recours en annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE.

6 Par la suite, par la note litigieuse, ce chef d’unité a communiqué au requérant que le montant de sa pension serait adapté à concurrence de la réduction du montant des pensions analogues versées en Italie aux anciens députés nationaux en application de la décision no 14/2018. Cette note précisait également que le montant de la pension du requérant serait adapté à partir du mois d’avril 2019 en application du projet de fixation du nouveau droit à pension transmis en annexe de ladite note. Par
ailleurs, la même note accordait au requérant un délai de 30 jours, courant dès la réception de celle-ci, pour faire valoir ses observations. À défaut d’un dépôt de telles observations dans le délai imparti, la note litigieuse serait considérée comme produisant des effets définitifs qui impliqueraient, notamment, la répétition des montants indûment perçus pour les mois de janvier à mars 2019.

7 Par un courrier électronique du 22 mai 2019, le requérant a transmis ses observations au service compétent du Parlement. Par un courrier électronique du même jour, le Parlement a accusé réception de ces observations et a indiqué au requérant qu’une réponse lui serait donnée après examen de ses arguments.

8 Postérieurement à l’introduction du recours devant le Tribunal, par un courrier du 8 juillet 2019, le chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la direction générale des finances du Parlement a répondu aux observations transmises par le requérant en indiquant que celles-ci ne contenaient pas d’éléments de nature à justifier une révision de la position du Parlement, telle qu’exprimée dans la note litigieuse, et que, par conséquent, le droit à pension ainsi que le plan de
recouvrement de l’indu, tels que recalculés et communiqués en annexe de cette note, étaient devenus définitifs à la date de notification de ce courrier.

Le recours devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

9 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 2019, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation de la note litigieuse.

10 Le 29 août 2019, le Parlement a, par acte séparé, excipé de l’irrecevabilité de ce recours.

11 Le 6 septembre 2019, le requérant a déposé un mémoire en adaptation de sa requête.

12 Le 20 janvier 2020, le Tribunal a décidé de joindre l’examen du recours en annulation introduit par M. Poggiolini, enregistré sous le numéro T‑348/19, avec celui du recours, enregistré sous le numéro T-347/19, introduit par un autre requérant, également ancien membre du Parlement.

13 Par l’ordonnance attaquée, adoptée en application de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, celui-ci a rejeté ces deux recours comme étant manifestement irrecevables.

14 Le Tribunal a, tout d’abord, estimé, au point 53 de l’ordonnance attaquée, que la note litigieuse ne constituait pas un acte faisant grief et, partant, n’était pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE. En conséquence, il a, au point 59 de l’ordonnance attaquée, écarté comme étant manifestement irrecevable le premier chef des conclusions du requérant, tendant à l’annulation de cette note.

15 Afin de justifier cette appréciation, il a, en premier lieu, précisé, aux points 47 à 49 de l’ordonnance attaquée, que la circonstance que le nouveau mode de calcul des pensions était applicable depuis le mois d’avril 2019 ne suffisait pas à établir que le Parlement avait pris une position définitive à ce sujet. D’une part, la note litigieuse se présentait explicitement comme un projet. D’autre part, elle précisait qu’elle ne deviendrait définitive qu’en l’absence d’observations formulées par son
destinataire dans un délai de 30 jours à compter de sa réception. Or, le requérant avait présenté de telles observations dans ce délai.

16 Le Tribunal a, en deuxième lieu, considéré, aux points 52 et 56 de l’ordonnance attaquée, que le courrier du Parlement du 8 juillet 2019 constituait la prise de position définitive du Parlement à l’égard du requérant et ne pouvait pas être analysé comme un acte purement confirmatif de la note litigieuse.

17 Il a, en troisième lieu, jugé, au point 57 de l’ordonnance attaquée, que l’irrecevabilité du recours introduit contre la note litigieuse n’était pas de nature à porter atteinte au droit à une protection juridictionnelle effective, dès lors, d’une part, que l’invocation de ce droit ne saurait aboutir à écarter les conditions de recevabilité des recours expressément prévues par le traité FUE et, d’autre part, que le requérant était en droit d’introduire un recours en annulation contre le courrier
du 8 juillet 2019.

18 En quatrième lieu, le Tribunal a écarté, au point 58 de l’ordonnance attaquée, l’argumentation du requérant selon laquelle le Parlement pouvait se soustraire au contrôle du Tribunal en s’abstenant de répondre aux observations présentées sur la note litigieuse, en indiquant que, en l’espèce, le Parlement avait répondu aux observations présentées. En outre, le Tribunal a précisé que, en tout état de cause, même si le Parlement s’était illégalement abstenu d’agir sur ce point, les personnes
concernées disposent toujours de la faculté d’introduire un recours en carence pour contraindre le Parlement à arrêter définitivement sa position.

19 Ensuite, aux points 62 et 63 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a écarté le deuxième chef de conclusions du requérant, tendant à l’annulation de la décision exprimée dans le courrier du 8 juillet 2019. À cet égard, il a considéré que le mémoire en adaptation déposé par le requérant était manifestement irrecevable au motif qu’une partie ne peut adapter les conclusions et les moyens de son recours initial que lorsque ce dernier était lui-même recevable à la date de son introduction.

20 Enfin, au point 67 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté le troisième chef de conclusions du requérant, tendant à faire condamner le Parlement à payer les sommes qu’il a indûment retenues, en tant que ce chef de conclusions était manifestement irrecevable.

Les conclusions des parties

21 Par son pourvoi, le requérant demande à la Cour :

– d’annuler l’ordonnance attaquée ;

– en conséquence, d’annuler la note litigieuse et la note communiquée par le courrier du 8 juillet 2019 ;

– à défaut, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

– de condamner le Parlement aux dépens des deux instances.

22 Le Parlement demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner le requérant aux dépens afférents au pourvoi.

Sur le pourvoi

Argumentation des parties

23 Le requérant invoque trois moyens au soutien de son pourvoi, tirés d’erreurs de droit commises par le Tribunal quant à l’appréciation, respectivement, du caractère tardif de l’exception d’irrecevabilité soulevée devant lui par le Parlement, du caractère attaquable de la note litigieuse et de la recevabilité de la demande d’annulation formulée dans le mémoire en adaptation.

24 Compte tenu de l’argumentation qu’il développe au soutien de ses moyens, le requérant doit être regardé comme demandant l’annulation de l’ordonnance attaquée en tant que, par cette dernière, le Tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation de la note litigieuse ainsi que de la décision exprimée dans le courrier du 8 juillet 2019.

25 Par son deuxième moyen, qu’il convient d’examiner d’emblée, le requérant fait valoir que la note litigieuse constitue un acte attaquable et que le Tribunal a violé l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et le droit à une protection juridictionnelle effective en déclarant irrecevable le recours en annulation formé contre celle-ci.

26 Le requérant soutient, à cet égard, que cette note n’est pas un simple acte préparatoire, dès lors qu’elle a produit des effets juridiques immédiats en entraînant, dès le mois d’avril 2019, la réduction du montant de la pension qui lui est versée.

27 En outre, le requérant avance que la présentation d’observations n’a constitué qu’une simple faculté et, que, à défaut d’usage de cette faculté, une fois écoulé le délai de 30 jours indiqué dans la note litigieuse, la réduction du montant de la pension aurait continué à s’appliquer sans intervention ultérieure de l’administration. Il fait valoir que, en l’espèce, il n’a pas reçu de réponse à ses observations au moment de l’introduction de son recours et qu’il a été contraint d’agir pour éviter
d’être forclos.

28 L’approche retenue par le Tribunal porterait, de surcroît, atteinte au droit à une protection juridictionnelle effective. D’une part, elle priverait le requérant de protection contre une mesure ayant une incidence directe sur sa situation. D’autre part, elle permettrait au Parlement d’éviter tout contrôle juridictionnel en s’abstenant de répondre aux observations présentées par les intéressés.

29 Le Parlement soutient, en premier lieu, que la réduction du montant de la pension du requérant revêtait un caractère provisoire et que cette réduction aurait pu être révisée sur la base des observations présentées par le requérant. Ce caractère provisoire ressortirait clairement du libellé de la note litigieuse et de la faculté dont aurait disposé le requérant de présenter des observations avant qu’elle ne devienne définitive, faculté dont celui-ci aurait justement fait usage. La position
définitive du Parlement n’aurait été arrêtée qu’ultérieurement.

30 En second lieu, la protection juridictionnelle du requérant aurait été assurée par la possibilité d’introduire un recours contre la décision finale, exprimée dans le courrier du 8 juillet 2019, dont l’examen aurait permis, le cas échéant, d’annuler la note litigieuse et, en conséquence, de remédier aux effets de celle-ci. À cet égard, le risque que le Parlement s’abstienne de répondre aux observations pourrait être exclu pour le motif indiqué au point 58 de l’ordonnance attaquée.

Appréciation de la Cour

31 Ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 45 de l’ordonnance attaquée, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que sont considérées comme des « actes attaquables », au sens de l’article 263 TFUE, toutes dispositions adoptées par les institutions, quelle qu’en soit la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires (arrêts du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 31, et du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P,
EU:C:2020:530, point 46 ainsi que jurisprudence citée).

32 Pour déterminer si l’acte attaqué produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à la substance de cet acte et d’apprécier ces effets à l’aune de critères objectifs, tels que le contenu dudit acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier ainsi que des pouvoirs de l’institution qui en est l’auteur (arrêts du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 32, et du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530,
point 47 ainsi que jurisprudence citée).

33 Il y a également lieu de rappeler que, comme l’a souligné en substance le Tribunal au point 46 de l’ordonnance attaquée, des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer, dans le cadre d’une procédure comprenant plusieurs phases, la décision finale ne constituent pas, en principe, des actes qui peuvent faire l’objet d’un recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2021, Hongrie/Parlement, C‑650/18, EU:C:2021:426, point 43 et jurisprudence citée).

34 De tels actes intermédiaires sont d’abord des actes qui expriment une opinion provisoire de l’institution concernée (arrêt du 3 juin 2021, Hongrie/Parlement, C‑650/18, EU:C:2021:426, point 44 et jurisprudence citée).

35 Or, le Tribunal a constaté, aux points 47 à 51 de l’ordonnance attaquée, que la note litigieuse ne fixait pas la position définitive du Parlement, la position adoptée dans cette note pouvant être modifiée pour tenir compte des éléments contenus dans les observations du requérant.

36 À cet égard, l’argument avancé par le requérant, selon lequel la note litigieuse était dépourvue de caractère provisoire au motif que les effets de celle-ci étaient appelés à devenir définitifs dans le cas où il n’aurait pas présenté d’observations dans le délai imparti par cette note, ne saurait prospérer.

37 En effet, comme l’a constaté le Tribunal au point 49 de l’ordonnance attaquée, le requérant a déposé des observations avant l’expiration de ce délai, empêchant par là même que les effets de la note litigieuse n’acquièrent un caractère définitif.

38 Cependant, le constat qu’un acte d’une institution constitue une mesure intermédiaire qui n’exprime pas la position finale d’une institution ne saurait suffire à établir, de manière systématique, que cet acte ne constitue pas un « acte attaquable » au sens de l’article 263 TFUE.

39 Il ressort ainsi de la jurisprudence de la Cour qu’un acte intermédiaire qui produit des effets juridiques autonomes est susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation en ce qu’il ne peut être remédié à l’illégalité attachée à cet acte à l’occasion d’un recours dirigé contre la décision finale dont il constitue une étape d’élaboration (arrêt du 3 juin 2021, Hongrie/Parlement, C‑650/18, EU:C:2021:426, point 46 et jurisprudence citée).

40 Partant, lorsque la contestation de la légalité d’un acte intermédiaire dans le cadre d’un tel recours n’est pas de nature à assurer une protection juridictionnelle effective au requérant contre les effets de cet acte, celui-ci doit pouvoir faire l’objet d’un recours en annulation, sur le fondement de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 9 octobre 2001, Italie/Commission, C‑400/99, EU:C:2001:528, point 63 ; du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission,
C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, point 56, ainsi que du 3 juin 2021, Hongrie/Parlement, C‑650/18, EU:C:2021:426, point 48).

41 En l’espèce, il importe de souligner que, comme l’a constaté le Tribunal au point 47 de l’ordonnance attaquée et comme le fait valoir le requérant dans son pourvoi, la note litigieuse entraînait une réduction immédiate du montant de la pension du requérant, à compter du mois d’avril 2019, l’application de cette réduction n’étant pas suspendue dans l’attente de l’issue de la procédure menée par le Parlement.

42 Il s’ensuit que la note litigieuse produisait, en tant que telle, des effets juridiques autonomes sur la situation patrimoniale du requérant.

43 De tels effets ne sauraient être assimilés aux effets procéduraux des actes exprimant une position provisoire de la Commission européenne ou aux effets de tels actes qui ont été reconnus comme ne portant pas atteinte aux intérêts des personnes concernées, que la Cour a considérés comme étant insusceptibles d’entraîner la recevabilité d’un recours en annulation introduit contre de tels actes (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, points 17 et 18).

44 Le fait, relevé par le Tribunal au point 50 de l’ordonnance attaquée, qu’il ressort de la note litigieuse que le Parlement n’aurait procédé à la récupération de sommes perçues pour les mois de janvier à mars 2019 qu’en l’absence d’observations déposées par le requérant dans un délai de 30 jours suivant la réception de cette note n’est pas de nature à remettre en cause le caractère immédiat des effets juridiques produits par ladite note.

45 En outre, bien que la note litigieuse prévoyait que le Parlement devait adopter une position finale après la réception des observations émises par le requérant, il est constant que l’adoption d’une telle position n’était assortie d’aucun délai.

46 Les effets juridiques autonomes de la note litigieuse pouvaient, par conséquent, perdurer pendant une période potentiellement longue dont le terme n’est pas a priori défini.

47 Dans ces conditions, dès lors que la réduction durable du montant d’une pension est de nature à avoir des conséquences potentiellement irréversibles sur la situation de la personne concernée, le requérant devait disposer de la faculté d’exercer un recours effectif contre la note litigieuse et de faire ainsi obstacle à la réduction de sa pension (voir, par analogie, arrêts du 30 juin 1992, Italie/Commission, C‑47/91, EU:C:1992:284, point 28, et du 9 octobre 2001, Italie/Commission, C‑400/99,
EU:C:2001:528, point 63).

48 Il en découle que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal au point 57 de l’ordonnance attaquée, l’exercice d’un recours en annulation contre la décision finale que le Parlement devait adopter après la réception des observations du requérant n’était pas de nature à lui assurer une protection juridictionnelle effective.

49 La faculté dont disposerait la personne concernée, en l’absence de réponse du Parlement aux observations qu’elle a présentées, d’introduire un recours en carence contre celui-ci, dont a fait état le Tribunal au point 58 de l’ordonnance attaquée, n’est pas non plus de nature à lui garantir une protection juridictionnelle effective.

50 Certes, le Parlement est tenu de répondre à de telles observations dans un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C‑334/12 RX‑II, EU:C:2013:134, point 28) et la personne concernée dispose, par conséquent, du droit d’introduire un recours en carence si cette institution ne se conforme pas à cette obligation.

51 En outre, la Cour a déjà jugé que la possibilité d’introduire un tel recours en carence pouvait suffire à exclure la perpétuation d’un état d’inaction de la Commission à la suite de l’adoption d’une mesure intermédiaire adoptée par cette institution (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 1997, Guérin automobiles/Commission, C‑282/95 P, EU:C:1997:159, point 38).

52 Toutefois, ces considérations ne sauraient être déterminantes en l’espèce dès lors que, d’une part, un recours en carence introduit contre le Parlement ne serait pas de nature à remettre en cause les effets juridiques autonomes de la note litigieuse et, d’autre part, les délais nécessaires pour permettre l’examen d’un tel recours puis, le cas échéant, d’un recours en annulation seraient excessifs dans un contexte où cette note entraîne immédiatement une réduction du montant de la pension versée à
une personne physique.

53 Dans ce contexte, la circonstance, relevée par le Tribunal au point 58 de l’ordonnance attaquée, que le Parlement avait, en l’espèce, répondu aux observations du requérant est, en tout état de cause, sans incidence sur l’appréciation de la recevabilité du recours en annulation formé contre la note litigieuse, dès lors que cette réponse est intervenue après l’introduction de ce recours.

54 Au vu de ces éléments, le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 53 de l’ordonnance attaquée, que la nature provisoire de la note litigieuse permettait de considérer que celle-ci ne constituait pas un acte faisant grief et, partant, qu’elle était insusceptible de faire l’objet d’un recours en annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE.

55 Il y a lieu, par conséquent, d’accueillir le deuxième moyen et d’annuler l’ordonnance attaquée, en tant qu’elle a rejeté le premier chef de conclusions présenté par le requérant dans l’affaire T-348/19, tendant à l’annulation de la note litigieuse.

56 Il s’ensuit également que l’ordonnance attaquée doit être annulée en tant qu’elle a rejeté le deuxième chef de conclusions présenté par le requérant dans l’affaire T‑348/19, tendant à l’annulation de la décision exprimée dans le courrier du 8 juillet 2019, dès lors que le rejet de ce chef de conclusions est exclusivement fondé sur l’irrecevabilité du premier chef de conclusions du requérant, tendant à l’annulation de la note litigieuse.

57 Dans ces conditions, il n’est pas nécessaire d’examiner les premier et troisième moyens, en tant que ceux-ci ne sont, en tout état de cause, pas de nature à entraîner une annulation plus étendue de l’ordonnance attaquée.

Sur le recours devant le Tribunal

58 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque la Cour annule la décision du Tribunal, elle peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

59 En premier lieu, dès lors que le Parlement a uniquement soutenu, par son exception d’irrecevabilité soulevée devant le Tribunal, que le recours en annulation introduit par le requérant était irrecevable au motif que la note litigieuse constituait un acte préparatoire, il convient, pour les motifs énoncés aux points 38 à 54 du présent arrêt, d’écarter cette exception d’irrecevabilité.

60 En second lieu, les appréciations du Tribunal ayant exclusivement porté sur la recevabilité des recours et celui-ci ayant rejeté le recours en annulation introduit par le requérant comme étant manifestement irrecevable sans ouvrir la procédure orale, la Cour ne dispose pas des éléments nécessaires pour statuer définitivement sur ce recours.

61 Par conséquent, il y a lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur les conclusions du requérant tendant à l’annulation de la note litigieuse et de la décision exprimée dans le courrier du 8 juillet 2019.

Sur les dépens

62 L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

  1) L’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 3 juillet 2020, Falqui et Poggiolini/Parlement (T‑347/19 et T‑348/19, non publiée, EU:T:2020:303), est annulée en tant qu’elle a rejeté les conclusions présentées par M. Danilo Poggiolini dans l’affaire T-348/19 tendant à l’annulation de la note du 11 avril 2019 établie par le chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la direction générale des finances du Parlement européen et concernant l’adaptation du montant des
pensions dont il bénéficie à la suite de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2019, de la décision no 14/2018 de l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (office de la présidence de la Chambre des députés, Italie) et de la décision du Parlement européen exprimée dans le courrier du 8 juillet 2019.

  2) L’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement européen devant le Tribunal de l’Union européenne dans l’affaire T-348/19 est rejetée.

  3) L’affaire T-348/19 est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne pour qu’il statue sur les conclusions présentées par M. Danilo Poggiolini dans l’affaire T-348/19 tendant à l’annulation de cette note et de cette décision.

  4) Les dépens sont réservés.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’italien.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-408/20
Date de la décision : 06/10/2021
Type d'affaire : Pourvoi - fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Droit institutionnel – Statut unique du député européen – Députés européens élus dans des circonscriptions italiennes – Modification des droits à pension – Acte faisant grief – Position provisoire – Effets juridiques autonomes.

Dispositions institutionnelles


Parties
Demandeurs : Danilo Poggiolini
Défendeurs : Parlement européen.

Composition du Tribunal
Avocat général : Richard de la Tour
Rapporteur ?: Bay Larsen

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2021:806

Source

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