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30/09/2021 | CJUE | N°C-285/20

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, K contre Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen (Uwv)., 30/09/2021, C-285/20


 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

30 septembre 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Règlement (CE) no 883/2004 – Article 65, paragraphes 2 et 5 – Champ d’application – Travailleur en chômage complet – Prestations de chômage – Travailleur qui réside et exerce une activité salariée dans l’État membre compétent – Transfert de sa résidence dans un autre État membre – Personne n’exerçant pas de manière effective d’activité salariée dans l’État membre compétent avant d’être en chômage complet – Personne en arr

t de travail pour cause de maladie et percevant, à ce
titre, des prestations de maladie versées par l’État membre compétent –...

 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

30 septembre 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Règlement (CE) no 883/2004 – Article 65, paragraphes 2 et 5 – Champ d’application – Travailleur en chômage complet – Prestations de chômage – Travailleur qui réside et exerce une activité salariée dans l’État membre compétent – Transfert de sa résidence dans un autre État membre – Personne n’exerçant pas de manière effective d’activité salariée dans l’État membre compétent avant d’être en chômage complet – Personne en arrêt de travail pour cause de maladie et percevant, à ce
titre, des prestations de maladie versées par l’État membre compétent – Exercice d’une activité salariée – Situations juridiques comparables »

Dans l’affaire C‑285/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays‑Bas), par décision du 25 juin 2020, parvenue à la Cour le 29 juin 2020, dans la procédure

K

contre

Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen (Uwv),

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Wahl, président de chambre, M. F. Biltgen (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen (Uwv), par Mme M. Mollee, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et C. S. Schillemans, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, J. Vláčil et J. Pavliš, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par M. D. Martin et Mme F. van Schaik, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 65, paragraphes 2 et 5, du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 465/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012 (JO 2012, L 149, p. 4) (ci-après le « règlement no 883/2004 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant K au Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen (Uwv) (conseil d’administration de l’Institut de gestion des assurances pour les travailleurs salariés, Pays-Bas) (ci-après l’« Institut de gestion des assurances pour les travailleurs salariés ») au sujet du refus de ce dernier de lui verser des prestations de chômage au terme d’une période d’arrêt de travail dans un État membre autre que le Royaume des
Pays-Bas, pendant laquelle il percevait de cet autre État membre des prestations de maladie.

Le cadre juridique

3 Les considérants 4 et 45 du règlement no 883/2004 énoncent :

« (4) Il convient de respecter les caractéristiques propres aux législations nationales de sécurité sociale et d’élaborer uniquement un système de coordination.

[...]

(45) Étant donné que l’objectif de l’action envisagée, à savoir l’adoption de mesures de coordination visant à garantir l’exercice effectif de la libre circulation des personnes, ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres et peut donc, en raison des dimensions et des effets de cette action, être mieux réalisé au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 du traité. Conformément au principe
de proportionnalité tel qu’énoncé audit article, le présent règlement n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. »

4 L’article 1er du règlement no 883/2004, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins du présent règlement :

a) le terme “activité salariée” désigne une activité, ou une situation assimilée, qui est considérée comme telle pour l’application de la législation de sécurité sociale de l’État membre dans lequel cette activité est exercée ou la situation assimilée se produit ;

[...]

f) le terme “travailleur frontalier” désigne toute personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre et qui réside dans un autre État membre où elle retourne en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine ;

[...]

j) le terme “résidence” désigne le lieu où une personne réside habituellement ;

[...]

q) le terme “institution compétente” désigne :

i) l’institution à laquelle l’intéressé est affilié au moment de la demande de prestations,

ou

ii) l’institution de la part de laquelle l’intéressé a droit ou aurait droit à des prestations s’il résidait ou si le ou les membres de sa famille résidaient dans l’État membre où se trouve cette institution,

ou

iii) l’institution désignée par l’autorité compétente de l’État membre concerné,

[...]

s) le terme “État membre compétent” désigne l’État membre dans lequel se trouve l’institution compétente ;

[...] »

5 L’article 2 de ce règlement, intitulé « Champ d’application personnel », dispose, à son paragraphe 1 :

« Le présent règlement s’applique aux ressortissants de l’un des États membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres, ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants. »

6 Le titre II dudit règlement, intitulé « Détermination de la législation applicable », comprend les articles 11 à 16 de celui-ci.

7 L’article 11 du règlement no 883/2004, intitulé « Règles générales », énonce, à son paragraphe 2 :

« Pour l’application du présent titre, les personnes auxquelles est servie une prestation en espèces du fait ou à la suite de l’exercice de son activité salariée ou non salariée sont considérées comme exerçant cette activité. Cela ne s’applique pas aux pensions d’invalidité, de vieillesse ou de survivant, ni aux rentes pour accident de travail ou maladie professionnelle, ni aux prestations de maladie en espèces couvrant des soins à durée illimitée. »

8 Le titre III de ce règlement, intitulé « Dispositions particulières applicables aux différentes catégories de prestations », prévoit, à son chapitre 6, qui comprend les articles 61 à 65 bis dudit règlement, les règles relatives aux prestations de chômage.

9 L’article 65 du règlement no 883/2004, intitulé « Chômeurs qui résidaient dans un État membre autre que l’État compétent », dispose, à ses paragraphes 2 et 5 :

« 2.   La personne en chômage complet qui, au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée, résidait dans un État membre autre que l’État membre compétent et qui continue à résider dans le même État membre ou qui retourne dans cet État membre se met à la disposition des services de l’emploi de l’État membre de résidence. Sans préjudice de l’article 64, une personne en chômage complet peut, à titre complémentaire, se mettre à la disposition des services de l’emploi de l’État membre où
elle a exercé sa dernière activité salariée ou non salariée.

Une personne en chômage, autre qu’un travailleur frontalier, qui ne retourne pas dans l’État membre de sa résidence se met à la disposition des services de l’emploi de l’État membre à la législation duquel elle a été soumise en dernier lieu.

[...]

5.   

a) Le chômeur visé au paragraphe 2, première et deuxième phrases, bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de l’État membre de résidence, comme s’il avait été soumis à cette législation au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée. Ces prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence.

b) Toutefois, s’il s’agit d’un travailleur, autre qu’un travailleur frontalier, auquel ont été servies des prestations à charge de l’institution compétente de l’État membre à la législation duquel il a été soumis en dernier lieu, il bénéficie, d’abord, à son retour dans l’État membre de résidence, des prestations conformément à l’article 64, le bénéfice des prestations conformément au point a) étant suspendu pendant la durée de perception des prestations en vertu de la législation à laquelle il a
été soumis en dernier lieu. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10 Le requérant au principal a quitté la Turquie pour s’installer aux Pays‑Bas au cours de l’année 1979 et y a travaillé pour différents employeurs jusqu’à l’année 2015.

11 À compter de l’année 2005, le requérant au principal a résidé avec sa famille en Allemagne.

12 Le 1er mai 2015, il a été engagé par un employeur en Allemagne.

13 Le 24 août 2015, le requérant au principal a été mis en arrêt de travail pour cause de maladie et n’a, depuis cette date, plus exercé son activité de manière effective.

14 Il a, dans un premier temps, continué de percevoir son salaire avant de bénéficier, à compter du 14 octobre 2015, d’une prestation de maladie en Allemagne.

15 Le 2 février 2016, le requérant au principal a déménagé chez son frère aux Pays‑Bas et a demandé sa radiation du registre de la population en Allemagne.

16 Le 15 février 2016, son employeur en Allemagne a mis fin à son contrat de travail.

17 Le 16 février 2016, le requérant au principal a été opéré dans un hôpital en Allemagne, où il a séjourné jusqu’au 19 février 2016.

18 Le 4 mars 2016, le requérant au principal s’est inscrit au registre de la population aux Pays-Bas, à l’adresse de son frère.

19 Le 15 mars 2016, la résiliation du contrat de travail entre le requérant au principal et son employeur en Allemagne a pris effet.

20 Le 4 avril 2016, l’institution allemande compétente a estimé que le requérant au principal était de nouveau apte à exercer un travail adapté à son état de santé et a, partant, cessé de lui verser une prestation de maladie.

21 Le 22 avril 2016, le requérant au principal a introduit auprès de l’Institut de gestion des assurances pour les travailleurs salariés une demande de prestation de chômage, avec effet au 4 avril 2016.

22 Par décision du 7 juillet 2016, l’Institut de gestion des assurances pour les travailleurs salariés s’est déclaré incompétent pour se prononcer sur le droit du requérant au principal aux prestations de chômage.

23 Le requérant au principal a introduit une réclamation contre cette décision, qui a été rejetée par décision de l’Institut de gestion des assurances pour les travailleurs salariés du 14 septembre 2016. Ce dernier a réitéré sa position selon laquelle il n’est pas habilité à se prononcer sur la demande de prestation de chômage de l’intéressé. Selon lui, l’État membre compétent à cet égard est la République fédérale d’Allemagne, en tant que dernier État d’emploi, étant donné que, jusqu’au 24 août
2015, le requérant au principal exerçait de manière effective une activité salariée en Allemagne et qu’il n’était pas un travailleur frontalier.

24 Le requérant au principal a introduit un recours contre cette décision devant le rechtbank Overijssel (tribunal d’Overijssel, Pays-Bas), qui l’a écarté comme non fondé. Cette juridiction a considéré que c’est à bon droit que l’Institut de gestion des assurances pour les travailleurs salariés avait déclaré que le requérant au principal n’était pas un travailleur frontalier et n’avait pas droit à une prestation de chômage aux Pays-Bas sur la base de l’article 65 du règlement no 883/2004.

25 La juridiction de renvoi, saisie d’un recours contre le jugement du rechtbank Overijssel (tribunal d’Overijssel), relève que les parties sont en désaccord sur la question de savoir si le requérant au principal peut prétendre à une prestation de chômage aux Pays-Bas en vertu de l’article 65, paragraphes 2 et 5, du règlement no 883/2004.

26 Elle souligne, à cet égard, que le requérant au principal résidait et travaillait en Allemagne et que, à compter du 14 octobre 2015, il était en arrêt de travail et percevait des prestations de maladie en Allemagne, ceci jusqu’au 4 avril 2016, date à partir de laquelle il s’est trouvé en chômage complet. Or, dès lors que le requérant au principal a transféré sa résidence aux Pays‑Bas le 2 février 2016, à compter de cette date, il résidait dans un État membre autre que l’État membre compétent, au
sens de l’article 1er, sous q) et s), du règlement no 883/2004, à savoir en Allemagne.

27 Selon la juridiction de renvoi, le litige au principal soulève la question de savoir si l’article 65, paragraphes 2 et 5, du règlement no 883/2004 s’applique à une situation dans laquelle, avant d’être en chômage complet, l’intéressé n’exerçait pas d’activité salariée de manière effective dans l’État membre compétent, mais était en arrêt de travail pour cause de maladie et percevait, à ce titre, une prestation de maladie versée par cet État membre.

28 La juridiction de renvoi estime qu’une telle situation doit être considérée comme une situation juridique comparable à l’exercice d’une activité salariée et qu’il convient, dès lors, de répondre à cette question par l’affirmative. Elle relève, à cet égard, que l’article 11 du règlement no 883/2004, qui fait partie du titre II de ce règlement, assimile le bénéfice d’une prestation de maladie à l’exercice d’une activité salariée et considère qu’il convient d’appliquer cette assimilation aux fins de
l’article 65, paragraphes 2 et 5, dudit règlement. Elle motive son raisonnement par le fait qu’une interprétation logique et cohérente de la notion d’« exercice d’une activité salariée » impose d’interpréter cette notion de la même façon dans les dispositions des différents titres du même règlement.

29 En outre, la juridiction de renvoi soutient que la jurisprudence établie par la Cour dans le cadre de l’article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996
(JO 1997, L 28, p. 1) (ci-après le « règlement no 1408/71 »), qui a précédé l’article 65 du règlement no 883/2004 (arrêts du 27 janvier 1994, Maitland Toosey, C‑287/92, EU:C:1994:27, point 13, ainsi que du 29 juin 1995, van Gestel, C‑454/93, EU:C:1995:205, points 13, 20 et 24), est pertinente en l’espèce.

30 Elle rappelle que, selon cette jurisprudence, le seul élément pertinent pour l’application de l’article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement no 1408/71 est la circonstance que la personne concernée réside dans un État membre autre que celui à la législation duquel elle était assujettie au cours de son dernier emploi. Par ailleurs, la Cour aurait reconnu que cette disposition s’applique à une personne dont la relation de travail est maintenue en vertu d’un congé et qui n’exerce donc pas
son activité de manière effective (arrêt du 22 septembre 1988, Bergemann, 236/87, EU:C:1988:443). La juridiction de renvoi en déduit que l’article 65 du règlement no 883/2004 vise non seulement l’exercice effectif de la dernière activité salariée, mais aussi une situation dans laquelle l’intéressé n’exerce pas une activité de manière effective. Cette juridiction considère, en outre, que les motifs pour lesquels l’intéressé a transféré sa résidence dans un État membre autre que l’État membre
compétent ne sont pas pertinents.

31 La juridiction de renvoi soutient que cette interprétation ne saurait être remise en cause par le fait que la Cour a jugé que l’article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement no 1408/71 doit être interprété strictement afin, notamment, de prévenir les abus (arrêt du 17 février 1977, Di Paolo, 76/76, EU:C:1977:32, point 13). Elle serait d’ailleurs conforme à l’objectif poursuivi par cette disposition, qui est d’assurer au travailleur migrant le bénéfice des prestations de chômage dans les
conditions les plus favorables (arrêts du 22 septembre 1988, Bergemann, 236/87, EU:C:1988:443, points 18 et 20, ainsi que du 29 juin 1995, van Gestel, C‑454/93, EU:C:1995:205, point 20). En effet, le lien avec l’État membre de résidence offrirait en principe à la personne concernée les meilleures chances de s’y réinsérer professionnellement.

32 Considérant que l’affaire dont il est saisi soulève des questions qui ne sauraient être résolues sans doutes raisonnables, le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays-Bas) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 65, paragraphes 2 et 5, du règlement [...] no 883/2004 doit-il être interprété en ce sens qu’une personne en chômage complet, qui a transféré sa résidence dans un autre État membre pendant qu’elle percevait une prestation au sens de l’article 11, paragraphe 2, [de ce règlement] dans l’État membre compétent ou avant la fin de sa relation de travail, a droit à une prestation de chômage en vertu de la législation de l’État membre dans lequel elle réside ?

2) Les raisons, par exemple d’ordre familial, pour lesquelles ce chômeur a transféré sa résidence dans un État membre autre que l’État membre compétent ont-elles une incidence à cet égard ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

33 D’emblée, il convient de rappeler que l’article 65, paragraphe 2, du règlement no 883/2004 prévoit que la personne en chômage complet qui, au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée, résidait dans un État membre autre que l’État membre compétent et qui continue à résider dans le même État membre ou qui retourne dans cet État membre, se met à la disposition des services de l’emploi de l’État membre de résidence.

34 L’article 65, paragraphe 5, sous a, dudit règlement précise que le chômeur visé au paragraphe 2, première et deuxième phrases, de cet article bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de l’État membre de résidence, comme s’il avait été soumis à cette législation au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée. Ces prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence.

35 En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que la première question doit être comprise comme visant, en substance, à savoir si l’article 65, paragraphes 2 et 5, du règlement no 883/2004 doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à une situation dans laquelle, avant d’être en chômage complet, la personne concernée résidait dans un État membre autre que l’État membre compétent et n’exerçait pas d’activité salariée de manière effective, mais était en arrêt de travail
pour cause de maladie et percevait, à ce titre, des prestations de maladie versées par l’État membre compétent.

36 Il s’ensuit que, pour apporter à la juridiction de renvoi une réponse utile, il importe de déterminer si les termes « au cours de sa dernière activité salariée », figurant à l’article 65, paragraphes 2 et 5, du règlement no 883/2004, visent exclusivement l’exercice effectif, par la personne concernée, d’une activité salariée dans l’État membre compétent ou se rapportent également à une situation dans laquelle cette personne n’exerce pas de manière effective d’activité salariée, mais perçoit des
prestations de maladie versées par cet État membre.

37 À cet égard, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutiennent la juridiction de renvoi ainsi que les gouvernements tchèque et polonais, l’article 65, paragraphes 2 et 5, du règlement no 883/2004, qui figure dans le titre III de ce règlement, ne saurait être interprété au regard de l’article 11, paragraphe 2, dudit règlement, dès lors qu’il ressort expressément du libellé de cette dernière disposition, citée au point 7 du présent arrêt, que celle-ci s’applique aux fins du titre II
du même règlement.

38 Les termes « au cours de sa dernière activité salariée », figurant à l’article 65, paragraphes 2 et 5, du règlement no 883/2004, doivent, en revanche, être interprétés à la lumière de l’article 1er, sous a), de ce règlement. En effet, cette disposition définit, aux fins dudit règlement, la notion d’« activité salariée » comme une « activité, ou une situation assimilée, qui est considérée comme telle pour l’application de la législation de sécurité sociale de l’État membre dans lequel cette
activité ou la situation assimilée se produit ».

39 Il en découle qu’une situation dans laquelle la personne concernée n’exerce pas de manière effective d’activité salariée dans l’État membre compétent, mais est en arrêt de travail pour cause de maladie et perçoit, à ce titre, des prestations de maladie versées par cet État membre, peut être considérée comme une situation juridique comparable à celle dans laquelle se trouve une personne qui exerce une activité salariée et, partant, relever du champ d’application de l’article 65, paragraphes 2
et 5, du règlement no 883/2004, si, conformément au droit national de l’État membre compétent, le bénéfice de telles prestations est assimilé à l’exercice d’une activité salariée.

40 Par conséquent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 65, paragraphes 2 et 5, du règlement no 883/2004 doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à une situation dans laquelle, avant d’être en chômage complet, la personne concernée résidait dans un État membre autre que l’État membre compétent et n’exerçait pas d’activité salariée de manière effective, mais était en arrêt de travail pour cause de maladie et percevait, à ce titre, des prestations de maladie versées par
l’État membre compétent, sous réserve, toutefois, que conformément au droit national de l’État membre compétent, le bénéfice de telles prestations soit assimilé à l’exercice d’une activité salariée.

Sur la seconde question

41 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande si l’article 65, paragraphes 2 et 5, du règlement no 883/2004 doit être interprété en ce sens que les raisons, notamment d’ordre familial, pour lesquelles la personne concernée a transféré sa résidence dans un État membre autre que l’État membre compétent sont pertinentes aux fins de l’application de cette disposition.

42 Il importe de relever qu’il ne ressort pas du libellé de ladite disposition, tel que repris aux points 33 et 34 du présent arrêt, que les motifs du transfert de la résidence de la personne concernée aient une quelconque importance à cet égard. Il convient, en effet, de rappeler que, aux termes des considérants 4 et 45 du règlement no 883/2004, celui-ci a pour objet de coordonner les systèmes de sécurité sociale en place dans les États membres afin de garantir l’exercice effectif de la libre
circulation des personnes. Ce règlement a procédé à la modernisation et à la simplification des règles contenues dans le règlement no 1408/71, tout en conservant le même objectif que ce dernier (arrêt du 21 mars 2018, Klein Schiphorst, C‑551/16, EU:C:2018:200, point 31).

43 Or, il découle d’une jurisprudence constante établie dans le cadre de l’article 71 du règlement no 1408/71, qui est, au regard de ce qui précède, transposable dans le contexte de l’article 65 du règlement no 883/2004 dès lors que cette disposition a remplacé ledit article 71, que celui-ci vise à créer pour les personnes au chômage résidant dans un État membre autre que l’État membre compétent les conditions les plus favorables à la recherche d’un nouvel emploi (arrêts du 22 septembre 1988,
Bergemann, 236/87, EU:C:1988:443, point 18 ; du 8 juillet 1992, Knoch, C‑102/91, EU:C:1992:303, point 14, et du 29 juin 1995, van Gestel, C‑454/93, EU:C:1995:205, point 20).

44 Si, donc, l’article 65, paragraphes 2 et 5, du règlement no 883/2004 devait être interprété en ce sens qu’il ne s’applique qu’aux personnes ayant transféré leur résidence pour certaines raisons, telles que des raisons familiales, cela aurait pour effet de limiter le champ d’application de cette disposition et, ainsi, de rendre plus difficile pour les personnes concernées la recherche d’un emploi dans l’État membre de résidence, où elles sont présumées bénéficier des conditions les plus favorables
à la recherche d’un nouvel emploi, ceci d’autant plus qu’un tel transfert est généralement motivé par plusieurs raisons. Une telle interprétation serait, dès lors, contraire à l’objectif poursuivi par ladite disposition.

45 Par conséquent, il convient de répondre à la seconde question que l’article 65, paragraphes 2 et 5, du règlement no 883/2004 doit être interprété en ce sens que les raisons, notamment d’ordre familial, pour lesquelles la personne concernée a transféré sa résidence dans un État membre autre que l’État membre compétent, n’ont pas à être prises en compte aux fins de l’application de cette disposition.

Sur les dépens

46 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 65, paragraphes 2 et 5, du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (UE) no 465/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à une situation dans laquelle, avant d’être en chômage complet, la personne concernée résidait dans un État membre autre que l’État membre compétent et n’exerçait pas
d’activité salariée de manière effective, mais était en arrêt de travail pour cause de maladie et percevait, à ce titre, des prestations de maladie versées par l’État membre compétent, sous réserve, toutefois, que conformément au droit national de l’État membre compétent, le bénéfice de telles prestations soit assimilé à l’exercice d’une activité salariée.

  2) L’article 65, paragraphes 2 et 5, du règlement no 883/2004, tel que modifié par le règlement no 465/2012, doit être interprété en ce sens que les raisons, notamment d’ordre familial, pour lesquelles la personne concernée a transféré sa résidence dans un État membre autre que l’État membre compétent, n’ont pas à être prises en compte aux fins de l’application de cette disposition.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : C-285/20
Date de la décision : 30/09/2021
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Centrale le Raad van Beroep.

Renvoi préjudiciel – Règlement (CE) n° 883/2004 – Article 65, paragraphes 2 et 5 – Champ d’application – Travailleur en chômage complet – Prestations de chômage – Travailleur qui réside et exerce une activité salariée dans l’État membre compétent – Transfert de sa résidence dans un autre État membre – Personne n’exerçant pas de manière effective d’activité salariée dans l’État membre compétent avant d’être en chômage complet – Personne en arrêt de travail pour cause de maladie et percevant, à ce titre, des prestations de maladie versées par l’État membre compétent – Exercice d’une activité salariée – Situations juridiques comparables.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : K
Défendeurs : Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen (Uwv).

Composition du Tribunal
Avocat général : Saugmandsgaard Øe
Rapporteur ?: Biltgen

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2021:785

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