ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
24 juin 2021 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Transports ferroviaires – Corridors internationaux pour le fret ferroviaire – Règlement (UE) no 913/2010 – Article 13, paragraphe 1 – Établissement d’un guichet unique pour chaque corridor de fret – Article 14 – Nature du cadre pour la répartition des capacités de l’infrastructure sur le corridor de fret établi par le comité exécutif – Article 20 – Organismes de contrôle – Directive 2012/34/UE – Article 27 – Procédure d’introduction des demandes de capacités d’infrastructure –
Rôle des gestionnaires de l’infrastructure – Articles 56 et 57 – Fonctions de l’organisme de contrôle et coopération entre organismes de contrôle »
Dans l’affaire C‑12/20,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen (tribunal administratif supérieur du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne), par décision du 10 décembre 2019, parvenue à la Cour le 13 janvier 2020, dans la procédure
DB Netz AG
contre
Bundesrepublik Deutschland,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. M. Ilešič, E. Juhász, C. Lycourgos (rapporteur) et I. Jarukaitis, juges,
avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour DB Netz AG, par Mes H. R. J. Krüger et M. Kaufmann, Rechtsanwälte,
– pour la Bundesrepublik Deutschland, par MM. C. Mögelin et J. Arnade, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, initialement par M. W. Mölls et Mme C. Vrignon, puis par cette dernière, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 février 2021,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, paragraphe 1, de l’article 14, paragraphes 1 et 9, de l’article 18, sous c), et de l’article 20 du règlement (UE) no 913/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2010, relatif au réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif (JO 2010, L 276, p. 22, et rectificatif JO 2012, L 325, p. 19), ainsi que de l’article 27, paragraphes 1 et 2, de l’article 57, paragraphe 1, premier alinéa, deuxième
phrase, et de l’annexe IV, point 3, sous a), de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, établissant un espace ferroviaire unique européen (JO 2012, L 343, p. 32, et rectificatif JO 2015, L 67, p. 32).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant DB Netz AG à la Bundesrepublik Deutschland (République fédérale d’Allemagne), représentée par la Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation, Post und Eisenbahnen (Agence fédérale des réseaux pour l’électricité, le gaz, les télécommunications, la poste et les chemins de fer, Allemagne) (ci-après l’« Agence fédérale des réseaux »), au sujet de l’opposition de cette dernière à son projet de modification des conditions
pour soumettre au guichet unique les demandes de capacités d’infrastructure pour les sillons internationaux préétablis.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Le règlement no 913/2010
3 Les considérants 4, 7, 25 et 26 du règlement no 913/2010 énoncent :
« (4) Bien que l’ouverture du marché ferroviaire du fret ait permis à de nouveaux opérateurs d’entrer dans le réseau ferroviaire, les mécanismes de marché n’ont pas été et ne sont pas suffisants pour organiser, réguler et sécuriser ce transport de fret ferroviaire. Afin d’optimiser l’utilisation du réseau et d’assurer sa fiabilité, il est utile d’établir de nouvelles procédures pour renforcer la coopération entre les gestionnaires de l’infrastructure en ce qui concerne la répartition des sillons
internationaux pour les trains de marchandises.
[...]
(7) Le présent règlement devrait, sauf disposition contraire, être sans préjudice des droits et obligations des gestionnaires de l’infrastructure prévus par la directive 91/440/CEE [du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au développement de chemins de fer communautaires (JO 1991, L 237, p. 25)], et la directive 2001/14/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, la tarification de l’infrastructure ferroviaire
et la certification en matière de sécurité (JO 2001, L 75, p. 29)], et, le cas échéant, des organismes de répartition visés à l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14[...]. Lesdits actes restent en vigueur, y compris en ce qui concerne les dispositions qui visent les corridors de fret.
[...]
(25) Afin de garantir un accès non discriminatoire aux services ferroviaires internationaux, il est nécessaire de veiller à une bonne coordination entre les organismes de contrôle en ce qui concerne les différents réseaux couverts par le corridor de fret.
(26) Pour faciliter l’accès aux informations relatives à l’utilisation de l’ensemble des principales infrastructures du corridor de fret et garantir un accès non discriminatoire à ce corridor, il convient que le comité de gestion établisse, mette régulièrement à jour et publie un document contenant toutes ces informations. »
4 L’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement dispose :
« Le présent règlement établit les règles de mise en place et d’organisation de corridors ferroviaires internationaux pour un fret compétitif en vue de créer un réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif. Il établit des règles de sélection, d’organisation et de gestion des corridors de fret, ainsi que la planification indicative des investissements liés à ceux-ci. »
5 L’article 2 dudit règlement prévoit :
« 1. Aux fins du présent règlement, les définitions qui figurent à l’article 2 de la directive 2001/14[...] s’appliquent.
2. Outre les définitions visées au paragraphe 1, on entend par :
a) “corridor de fret”, l’ensemble des lignes ferroviaires désignées, notamment les lignes de transbordeurs ferroviaires, sur le territoire des États membres ou entre États membres et, le cas échéant, dans des pays tiers européens, reliant deux terminaux ou plus le long d’un itinéraire principal et, le cas échéant, des itinéraires de contournement et des sections les reliant, y compris les infrastructures ferroviaires et leurs équipements et les services ferroviaires correspondants visés à
l’article 5 de la directive 2001/14[...] ;
[...] »
6 L’article 8 du même règlement est libellé comme suit :
« 1. Pour chaque corridor de fret, les États membres concernés mettent en place un comité exécutif chargé de définir les objectifs généraux du corridor de fret, de superviser et de prendre les mesures prévues expressément au paragraphe 7 du présent article, aux articles 9 et 11, à l’article 14, paragraphe 1, et à l’article 22. Le comité exécutif se compose de représentants des autorités des États membres concernés.
2. Pour chaque corridor de fret, les gestionnaires de l’infrastructure concernés et, le cas échéant, les organismes de répartition visés à l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14[...] mettent en place un comité de gestion chargé de prendre des mesures comme prévu expressément aux paragraphes 5, 7, 8 et 9 du présent article et aux articles 9 à 12, à l’article 13, paragraphe 1, à l’article 14, paragraphes 2, 6 et 9, à l’article 16, paragraphe 1, à l’article 17, paragraphe 1, et aux
articles 18 et 19 du présent règlement. Le comité de gestion se compose de représentants des gestionnaires de l’infrastructure.
3. Les États membres et les gestionnaires de l’infrastructure concernés par un corridor de fret coopèrent au sein des comités visés aux paragraphes 1 et 2 de manière à assurer le développement du corridor de fret selon son plan de mise en œuvre.
4. Le comité exécutif prend ses décisions par consentement mutuel des représentants des autorités des États membres concernés.
[...]
9. Le comité de gestion coordonne, conformément aux plans nationaux et européens de déploiement, l’utilisation des applications informatiques interopérables ou de solutions alternatives qui peuvent devenir disponibles à l’avenir, pour traiter les demandes de sillons internationaux et gérer le trafic international sur le corridor de fret. »
7 Aux termes de l’article 12 du règlement no 913/2010 :
« Le comité de gestion coordonne et assure la publication en un lieu donné, de la manière appropriée et selon un calendrier adapté, de la programmation de tous les travaux à effectuer sur l’infrastructure et ses équipements qui restreindraient la capacité disponible sur le corridor de fret. »
8 L’article 13 de ce règlement prévoit :
« 1. Le comité de gestion d’un corridor de fret désigne ou crée un organe commun donnant aux candidats la possibilité de présenter des demandes, et d’obtenir une réponse à celles-ci, en un seul endroit et une seule opération, concernant les capacités d’infrastructure pour les trains de marchandises traversant au moins une frontière le long du corridor de fret (ci-après dénommé un “guichet unique”).
2. Le guichet unique, en tant qu’outil de coordination, fournit également des informations de base concernant la répartition des capacités d’infrastructures, notamment les informations visées à l’article 18. Il présente les capacités d’infrastructure disponibles au moment de la demande et leurs caractéristiques selon des paramètres prédéfinis, tels que la vitesse, la longueur, le gabarit de chargement ou la charge à l’essieu autorisés pour les trains qui circulent sur le corridor de fret.
[...] »
9 L’article 14 dudit règlement dispose :
« 1. Le comité exécutif définit le cadre pour la répartition des capacités de l’infrastructure sur le corridor de fret, conformément à l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2001/14[...].
2. Le comité de gestion évalue les besoins de capacités à allouer aux trains de marchandises circulant sur le corridor de fret en tenant compte de l’étude de marché en matière de transport visée à l’article 9, paragraphe 3, du présent règlement, des demandes de capacités d’infrastructure liées aux horaires de service passé et actuel et des accords-cadres.
[...]
6. Le comité de gestion promeut la coordination des règles de priorité relatives à la répartition des capacités sur le corridor du fret.
[...]
9. Le comité de gestion du corridor de fret et le groupe consultatif visé à l’article 8, paragraphe 7, mettent en place des procédures pour assurer une coordination optimale entre les gestionnaires de l’infrastructure pour la répartition des capacités, à la fois pour les demandes visées à l’article 13, paragraphe 1, et pour les demandes reçues par les gestionnaires de l’infrastructure concernés. Il y a lieu également de tenir compte de l’accès aux terminaux.
[...] »
10 L’article 16, paragraphe 1, du même règlement précise :
« Le comité de gestion met en place des procédures de coordination de la gestion du trafic le long du corridor de fret. Les comités de gestion des corridors de fret connectés entre eux mettent en place des procédures de coordination du trafic le long desdits corridors de fret. »
11 Aux termes de l’article 18 du règlement no 913/2010 :
« Le comité de gestion établit, met régulièrement à jour et publie un document qui contient :
a) toutes les informations figurant dans les documents de référence des réseaux nationaux qui concernent le corridor de fret, établis conformément à la procédure prévue à l’article 3 de la directive 2001/14[...] ;
[...]
c) les informations relatives aux procédures visées aux articles 13 à 17 du présent règlement ; et
[...] »
12 L’article 20 de ce règlement prévoit :
« 1. Les organismes de contrôle visés à l’article 30 de la directive 2001/14[...] coopèrent pour surveiller la concurrence sur le corridor de fret. En particulier, ils assurent un accès non discriminatoire au corridor et constituent les instances de recours prévues à l’article 30, paragraphe 2, de ladite directive. Ils échangent les informations nécessaires obtenues auprès des gestionnaires de l’infrastructure et des autres parties concernées.
[...]
3. En cas de plainte d’un candidat auprès d’un organisme de contrôle en ce qui concerne des services internationaux de fret ferroviaire, ou dans le cadre d’une enquête menée de sa propre initiative par un organisme de contrôle, celui-ci consulte les organismes de contrôle de tous les autres États membres traversés par le sillon international pour le train de marchandises concerné et leur demande toutes les informations nécessaires avant de prendre sa décision.
[...] »
La directive 2012/34
13 L’article 3, points 2, 19 et 26, de la directive 2012/34 dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
2) “gestionnaire de l’infrastructure”, toute entité ou entreprise chargée notamment de l’établissement, de la gestion et de l’entretien de l’infrastructure ferroviaire, y compris la gestion du trafic, et du système de signalisation et de contrôle-commande ; les fonctions de gestionnaire de l’infrastructure sur tout ou partie d’un réseau peuvent être attribuées à plusieurs entités ou entreprise ;
[...]
19) “candidat”, toute entreprise ferroviaire, tout regroupement international d’entreprises ferroviaires ou d’autres personnes physiques ou morales ou entités, par exemple les autorités compétentes visées dans le règlement (CE) no 1370/2007 [du Parlement européen et de Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) no 1191/69 et (CEE) no 1107/70 du Conseil (JO 2007, L 315, p. 1)] et les
chargeurs, les transitaires et les opérateurs de transports combinés ayant des raisons commerciales ou de service public d’acquérir des capacités de l’infrastructure ;
[...]
26) “document de référence du réseau”, le document précisant, de manière détaillée, les règles générales, les délais, les procédures et les critères relatifs aux systèmes de tarification et de répartition des capacités, y compris toutes les autres informations nécessaires pour permettre l’introduction de demandes de capacités de l’infrastructure ».
14 L’article 27 de cette directive prévoit :
« 1. Le gestionnaire de l’infrastructure établit et publie, après consultation des parties intéressées, un document de référence du réseau pouvant être obtenu contre paiement d’un droit qui ne peut être supérieur au coût de publication de ce document. Le document de référence du réseau est publié dans au moins deux langues officielles de l’Union. Son contenu est mis gratuitement à disposition sous forme électronique sur le portail internet du gestionnaire de l’infrastructure et accessible par
un portail internet commun. Ce portail internet est mis en place par les gestionnaires de l’infrastructure dans le cadre de leur coopération conformément aux articles 37 et 40.
2. Le document de référence du réseau expose les caractéristiques de l’infrastructure mise à la disposition des entreprises ferroviaires et contient des informations précisant les conditions d’accès à l’infrastructure ferroviaire concernée. Le document de référence du réseau contient également des informations précisant les conditions d’accès aux installations de service reliées au réseau du gestionnaire de l’infrastructure et la fourniture de services dans ces installations, ou indique un site
internet où ces informations sont mises gratuitement à disposition sous forme électronique. Le contenu du document de référence du réseau est défini à l’annexe IV.
[...] »
15 Aux termes de l’article 39, paragraphe 1, de ladite directive :
« Les États membres peuvent mettre en place un cadre pour la répartition des capacités de l’infrastructure, sous réserve que soit satisfaite la condition relative à l’indépendance de gestion prévue à l’article 4. Des règles spécifiques de répartition des capacités sont établies. Le gestionnaire de l’infrastructure accomplit les procédures de répartition de ces capacités. Il veille notamment à ce que les capacités de l’infrastructure soient réparties sur une base équitable et de manière non
discriminatoire et dans le respect du droit de l’Union. »
16 L’article 40, paragraphe 1, de la même directive précise :
« Les États membres veillent à ce que les gestionnaires de l’infrastructure coopèrent afin de permettre la création et la répartition efficaces de capacités de l’infrastructure impliquant plusieurs réseaux du système ferroviaire au sein de l’Union, y compris en ce qui concerne les accords-cadres visés à l’article 42. Les gestionnaires de l’infrastructure mettent en place les procédures appropriées, soumises aux règles fixées par la présente directive, et organisent en conséquence les sillons qui
traversent plus d’un réseau.
Les États membres veillent à ce que les représentants des gestionnaires de l’infrastructure dont les décisions en matière de répartition ont des répercussions sur d’autres gestionnaires de l’infrastructure s’associent afin de coordonner la répartition des capacités de l’infrastructure ou de répartir toutes les capacités concernées au niveau international, sans préjudice des règles spécifiques contenues dans le droit de l’Union sur les réseaux de fret ferroviaire. Les principes et critères de
répartition des capacités établis dans le cadre de cette coopération sont publiés par les gestionnaires de l’infrastructure dans leur document de référence du réseau, conformément à l’annexe IV, paragraphe 3. Des représentants appropriés de gestionnaires de l’infrastructure de pays tiers peuvent y être associés. »
17 L’article 55, paragraphe 1, de la directive 2012/34 énonce :
« Chaque État membre institue un organisme de contrôle national unique du secteur ferroviaire. Sans préjudice du paragraphe 2, cet organisme est une autorité autonome juridiquement distincte et indépendante sur les plans organisationnel, fonctionnel, hiérarchique et décisionnel, de toute autre entité publique ou privée. Dans son organisation, ses décisions de financement, sa structure juridique et ses prises de décisions, cet organisme est en outre indépendant de tout gestionnaire de
l’infrastructure, organisme de tarification, organisme de répartition ou candidat. Il est par ailleurs fonctionnellement indépendant de toute autorité compétente intervenant dans l’attribution d’un contrat de service public. »
18 Aux termes de l’article 56, paragraphes 1 et 2, de cette directive :
« 1. Sans préjudice de l’article 46, paragraphe 6, un candidat peut saisir l’organisme de contrôle dès lors qu’il estime être victime d’un traitement inéquitable, d’une discrimination ou de tout autre préjudice, notamment pour introduire un recours contre les décisions prises par le gestionnaire de l’infrastructure ou, le cas échéant, par l’entreprise ferroviaire ou l’exploitant d’une installation de service en ce qui concerne :
a) le document de référence du réseau dans ses versions provisoire et définitive ;
b) les critères exposés dans ce document ;
c) la procédure de répartition et ses résultats ;
d) le système de tarification ;
e) le niveau ou la structure des redevances d’utilisation de l’infrastructure qu’il est ou pourrait être tenu d’acquitter ;
f) les dispositions en matière d’accès conformément aux articles 10 à 13 ;
g) l’accès aux services et leur tarification conformément à l’article 13.
2. Sans préjudice des compétences des autorités nationales de concurrence pour assurer la concurrence sur le marché des services ferroviaires, l’organisme de contrôle est habilité à assurer le suivi de la situation de la concurrence sur les marchés des services ferroviaires et, en particulier, à contrôler le paragraphe 1, points a) à g), de sa propre initiative en vue de prévenir toute discrimination à l’égard des candidats. Il vérifie notamment si le document de référence du réseau contient
des clauses discriminatoires ou octroie au gestionnaire de l’infrastructure des pouvoirs discrétionnaires pouvant être utilisés à des fins de discrimination à l’égard des candidats. »
19 L’article 57, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive est libellé comme suit :
« Les organismes de contrôle échangent des informations sur leur travail et leurs principes et pratiques décisionnels, notamment, sur les principaux aspects de leurs procédures et sur les problèmes d’interprétation de la législation ferroviaire transposée de l’Union. De manière générale, ils coopèrent afin de coordonner leurs processus décisionnels dans l’ensemble de l’Union. À cette fin, ils participent et collaborent au sein d’un réseau qui se réunit régulièrement. La Commission est membre de
ce réseau, elle coordonne et soutient les travaux de ce dernier et, le cas échéant, lui adresse des recommandations. Elle s’assure de la coopération active des organismes de contrôle appropriés. »
20 L’article 65 de la même directive prévoit :
« Les directives 91/440[...], 95/18/CE [du Conseil, du 19 juin 1995, concernant les licences des entreprises ferroviaires (JO 1995, L 143, p. 70)] et 2001/14[...], telles que modifiées par les directives visées à l’annexe IX, partie A, sont abrogées avec effet au 17 juin 2015, sans préjudice des obligations des États membres en ce qui concerne les délais de transposition en droit national des directives indiqués à l’annexe IX, partie B.
Les références faites aux directives abrogées s’entendent comme faites à la présente directive et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe X. »
21 Aux termes de l’annexe IV de la directive 2012/34 :
« Le document de référence du réseau visé à l’article 27 contient les informations suivantes :
[...]
3) un chapitre sur les principes et les critères de répartition des capacités. Ce chapitre expose les grandes caractéristiques des capacités de l’infrastructure mise à la disposition des entreprises ferroviaires [...]. Il précise également les procédures et délais relatifs à la répartition des capacités. Il contient les critères spécifiques applicables à cette répartition, et notamment :
a) les procédures d’introduction des demandes de capacités auprès du gestionnaire de l’infrastructure par les candidats ;
b) les exigences auxquelles les candidats doivent satisfaire ;
[...]
[...] »
Le droit allemand
L’AEG
22 L’article 14, paragraphe 1, de l’Allgemeines Eisenbahngesetz (loi générale sur les chemins de fer), du 27 décembre 1993, dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« AEG »), dispose :
« Les entreprises d’infrastructure ferroviaire assurent une utilisation non discriminatoire des infrastructures qu’elles exploitent ainsi que la prestation sans discrimination des services qu’elles proposent dans la mesure déterminée par le règlement arrêté sur le fondement de l’article 26, paragraphe 1, points 6 et 7, et paragraphe 4, point 1. [...] »
23 Aux termes de l’article 14d de l’AEG :
« Les entreprises publiques d’infrastructure ferroviaire informent l’organisme de contrôle de
[...]
6. la proposition de révision ou de modification du document de référence du réseau et des conditions d’utilisation des installations de service, y compris les principes et les montants de tarification respectifs envisagés.
[...] »
24 L’article 14e de cette loi prévoit :
« (1) Sur réception d’une notification conformément à l’article 14d, l’organisme de contrôle peut s’opposer dans un délai de
[...]
4. quatre semaines, à la révision ou à la modification proposée conformément à l’article 14d, première phrase, point 6,
à condition que les décisions envisagées ne soient pas conformes aux dispositions de la réglementation ferroviaire relative à l’accès à l’infrastructure ferroviaire.
[...]
(3) Si l’organisme de contrôle exerce son droit d’opposition,
[...]
2. le document de référence du réseau ou les conditions d’utilisation des installations de service, y compris les principes et montants de tarification envisagées, n’entrent pas en vigueur dans le cas prévu au paragraphe 1, point 4.
[...] »
L’EIBV
25 L’article 3, paragraphe 1, de l’Eisenbahninfrastruktur-Benutzungsverordnung (règlement sur l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire), du 3 juin 2005 (BGBl. 2005 I, p. 1566, ci-après l’« EIBV »), prévoit :
« Les entreprises d’infrastructures ferroviaires autorisent une utilisation non discriminante des installations de service qu’elles exploitent et fournissent sans discrimination les services associés et les services décrits à l’annexe 1, point 2, s’ils font partie de leurs activités commerciales. Les gestionnaires de voies de chemin de fer sont en outre tenus de mettre à disposition les voies de chemin de fer qu’ils exploitent, les systèmes d’aiguillage et de sécurité ainsi que les installations
afférentes d’approvisionnement par cathéter de certaines sections, d’attribuer des sillons conformément au présent règlement et de fournir les services décrits à l’annexe 1, point 1. »
26 L’article 4 de ce règlement dispose :
« (1) Le gestionnaire de voies de chemin de fer fixe et [...] communique les conditions d’utilisation (document de référence du réseau) applicables à la fourniture des services visés à l’annexe 1, point 1.
À la demande des bénéficiaires de l’accès, le gestionnaire de voies de chemin de fer leur communique, à leur charge, le document de référence du réseau.
(2) Le document de référence du réseau contient au moins les indications visées à l’annexe 2 et dans les autres dispositions de ce règlement, ainsi que les conditions générales d’utilisation des sillons. La liste des tarifs ne fait pas partie du document de référence du réseau.
[...] »
27 Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement :
« Les bénéficiaires de l’accès peuvent à tout moment demander des sillons au gestionnaire de voies de chemin de fer, sauf disposition contraire du présent règlement. [...] »
28 L’annexe 1 du même règlement énonce :
« 1. Les services obligatoires du gestionnaire de voies de chemin de fer comprennent :
a) le traitement des demandes de sillons ;
[...] »
29 L’annexe 2 de l’EIBV précise :
« Le document de référence du réseau visé à l’article 4 contient les informations suivantes :
[...]
3. Les principes et critères d’attribution de la capacité ferroviaire.
Il y a lieu de fournir des informations sur les caractéristiques générales de la capacité des voies ferrées à la disposition des bénéficiaires de l’accès ainsi que sur toute restriction d’utilisation, y compris le besoin de capacité attendue à des fins de maintenance. Des informations sur le déroulement et les délais de procédure de répartition des capacités d’infrastructures ferroviaires doivent également être fournies, notamment
a) la procédure d’introduction des demandes d’attribution de sillons par des bénéficiaires de l’accès auprès de l’exploitant des chemins de fer ;
[...] »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
30 DB Netz, filiale à 100 % du groupe Deutsche Bahn AG, est une entreprise publique d’infrastructure ferroviaire qui exploite le plus grand réseau ferroviaire d’Allemagne.
31 En tant que gestionnaire de l’infrastructure, DB Netz est tenue, en vertu du droit allemand, notamment l’article 4, paragraphes 1 et 2, et l’annexe 2, point 3, troisième phrase, sous a), de l’EIBV, mettant en œuvre l’article 27 de la directive 2012/34, d’établir et de publier un document de référence du réseau, qui comprend des informations sur le déroulement et les délais de la procédure d’introduction des demandes de capacités d’infrastructure ferroviaire, notamment la procédure d’introduction
par les bénéficiaires de l’accès des demandes de sillons auprès du gestionnaire des voies ferrées.
32 DB Netz participe, par ailleurs, à l’exploitation de corridors de fret à l’échelle européenne, au sens de l’article 2 du règlement no 913/2010, six de ces corridors étant concernés par le réseau ferroviaire de DB Netz. En application des dispositions de ce règlement, celle-ci est chargée, avec les autres gestionnaires de l’infrastructure concernée par chacun des corridors de fret en question, de mettre en place un comité de gestion, qui participe à la gestion du corridor de fret en cause et à qui
revient la compétence de désigner et de créer un guichet unique pour chaque corridor de fret, permettant aux utilisateurs de ce dernier de présenter leurs demandes de capacités d’infrastructure en un seul endroit et en une seule opération, pour leurs trains de marchandises transfrontaliers. Le comité de gestion établit les procédures pour assurer une coordination entre les gestionnaires de l’infrastructure pour la répartition des capacités et prépare et publie un document dénommé « Corridor
Information Document (CID) », contenant les informations sur les conditions d’utilisation du corridor de fret concerné. Dans la pratique de tous les corridors de fret dans lesquels DB Netz est présente, la procédure d’introduction des demandes auprès du guichet unique utilise le système de réservation électronique dénommé « Path Coordination System » (système de coordination des sillons) (ci-après le « système de réservation PCS »).
33 Au cours de l’année 2015, les comités de gestion des corridors de fret auxquels participait DB Netz ont décidé que les demandes de capacités d’infrastructure pour les sillons internationaux préétablis ne pourraient être soumises au guichet unique de chaque corridor de fret qu’à l’aide du système de réservation PCS. Ces règles ont été publiées dans le livre 4 du CID.
34 Le 31 août 2015, DB Netz a notifié à l’Agence fédérale des réseaux, compétente en tant qu’organisme national de contrôle, au sens de l’article 55 de la directive 2012/34, un projet de modification de son document de référence du réseau de l’année 2016. Cette modification concernait, notamment, la procédure d’introduction des demandes de capacités d’infrastructure, sur des sillons préétablis dans les corridors de fret conformément au règlement no 913/2010, auprès du guichet unique compétent. La
modification envisagée visait, pour l’introduction des demandes de capacités d’infrastructure, à permettre uniquement l’utilisation du système de réservation PCS, en supprimant la possibilité d’utiliser un formulaire de demande en cas de défaillance technique de ce système. La modification était motivée notamment par le fait que les règles d’introduction des demandes adoptées et publiées par les comités de gestion des corridors de fret ne prévoyaient pas l’utilisation d’un tel formulaire.
35 Par décision du 22 septembre 2015, l’Agence fédérale des réseaux s’est opposée, sur la base de l’article 14e, paragraphe 1, de l’AEG, au projet de modification du document de référence du réseau de l’année 2016 présenté par DB Netz et, par décision du 8 mars 2016, elle a rejeté la réclamation introduite par ce gestionnaire. Elle a motivé son refus par le motif que la modification proposée, tendant à supprimer la possibilité d’utiliser une solution alternative, en cas de défaillance technique du
système de réservation PCS, était contraire à l’obligation de DB Netz, découlant de l’application combinée de l’article 14, paragraphe 1, première phrase, de l’AEG, ainsi que de l’article 3, paragraphe 1, et de l’annexe 1, point 1, de l’EIBV, de garantir l’utilisation non discriminatoire de l’infrastructure ferroviaire qu’elle exploite ainsi que la fourniture non discriminatoire des services obligatoires qu’elle propose, y compris le traitement des demandes d’attribution de sillons.
36 Le 15 mars 2016, DB Netz a formé un recours devant le Verwaltungsgericht Köln (tribunal administratif de Cologne, Allemagne), visant à l’annulation de la décision de refus de l’Agence fédérale des réseaux. Cette juridiction a rejeté ce recours par jugement du 20 avril 2018, en suivant, en substance, les arguments de cette agence.
37 DB Netz a fait appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi qui se demande si l’Agence fédérale des réseaux s’est à juste titre opposée à la modification du document de référence du réseau de l’année 2016 envisagée par DB Netz.
38 La juridiction de renvoi considère que l’Agence fédérale des réseaux avait des raisons suffisantes pour supposer que la procédure de présentation des demandes de capacités d’infrastructure auprès du guichet unique visé à l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 913/2010, régie par le point 4.2.5.1. du document de référence du réseau de l’année 2016, présentait une possible discrimination en l’absence de solution alternative en cas de dysfonctionnement technique du système de réservation PCS.
39 Toutefois, elle s’interroge, en premier lieu, sur le point de savoir si cette procédure peut, conformément à l’article 4, paragraphes 1 et 2, de l’EIBV, combiné à l’annexe 2, point 3, troisième phrase, sous a), de celui-ci, être réglementée par DB Netz dans son document de référence du réseau et être ainsi soumise au contrôle exhaustif de l’Agence fédérale des réseaux, ou si le comité de gestion du corridor de fret concerné est exclusivement compétent en la matière. Dans la mesure où l’article 4,
paragraphes 1 et 2, de l’EIBV, combiné à l’annexe 2, point 3, troisième phrase, sous a), de celui-ci, viserait à mettre en œuvre les dispositions de l’article 27, paragraphes 1 et 2, de la directive 2012/34, combiné à l’annexe IV, point 3, sous a), de celle-ci, il serait déterminant de savoir si la procédure d’introduction des demandes de capacités d’infrastructure en cause au principal relève desdites dispositions de cette directive.
40 En deuxième lieu, dans l’hypothèse où cette procédure devrait, effectivement, être également réglementée par DB Netz dans son document de référence du réseau, la juridiction de renvoi se demande si l’organisme national de contrôle doit, lors de la vérification d’un tel document, au sens de l’article 27 de la directive 2012/34, respecter les dispositions de l’article 20 du règlement no 913/2010, qui prévoit une coopération des organismes nationaux de contrôle et, dans l’affirmative, si cette
obligation de coopération exclut toute action unilatérale ou exige que l’organisme national de contrôle soit au moins tenu de rechercher une approche coordonnée. Dans l’hypothèse où cet article 20 ne serait pas applicable, cette juridiction s’interroge sur le point de savoir si une obligation comparable de coopération découle des dispositions de la directive 2012/34 et, notamment, de celles de l’article 57 de celle-ci. À cet égard, ladite juridiction estime que, en cas d’absence de coordination
dans ce domaine, des exigences contradictoires de la part des organismes nationaux de contrôle pourraient rendre plus difficile, voire impossible, la réalisation de l’objectif visé à l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 913/2010, à savoir la possibilité de présenter des demandes de capacités d’infrastructure en un seul endroit et en une seule opération.
41 En troisième lieu, la juridiction de renvoi considère, dans l’hypothèse où le comité de gestion d’un corridor de fret est habilité à déterminer lui–même la procédure d’introduction des demandes de capacités d’infrastructure auprès du guichet unique, qu’il est douteux que l’Agence fédérale des réseaux puisse procéder à une vérification du document de référence du réseau de l’année 2016 de DB Netz au-delà de la conformité matérielle aux règles adoptées par ce comité.
42 En quatrième lieu, dans l’hypothèse où les organismes nationaux de contrôle seraient compétents pour procéder à une telle vérification, la juridiction de renvoi estime nécessaire de clarifier l’importance du cadre pour la répartition des capacités de l’infrastructure sur le corridor de fret établi, en vertu de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 913/2010, par le comité exécutif d’un corridor de fret. Elle s’interroge sur la manière dont s’articulent, d’une part, le fait que les comités
exécutifs des corridors de fret concernés ont, en l’occurrence, prévu à l’article 8, paragraphe 2, de leur cadre réglementaire que les capacités du corridor de fret concerné doivent être publiées et attribuées à l’aide d’un système international de demandes qui doit être coordonné avec les autres corridors de fret, à savoir le système de réservation PCS, et, d’autre part, l’action unilatérale de l’Agence fédérale des réseaux qui vise à imposer à DB Netz des exigences concernant la conception du
système de demandes de capacités d’infrastructure sans coordination avec les organismes de contrôle des États membres concernés autres que la République fédérale d’Allemagne. La juridiction de renvoi nourrit des doutes, à cet égard, sur la nature juridique et l’effet contraignant du cadre pour la répartition des capacités de l’infrastructure sur le corridor de fret, au sens de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 913/2010, et se demande si ce cadre est soumis à l’interprétation des
juridictions nationales ou de la Cour.
43 Dans ces conditions, l’Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen (tribunal administratif supérieur du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le règlement [...] no 913/2010, notamment au regard des tâches assignées au comité de gestion d’un corridor de fret à l’article 13, paragraphe 1, à l’article 14, paragraphe 9, et à l’article 18, sous c), de ce règlement, doit-il être interprété en ce sens que le comité de gestion d’un corridor de fret est autorisé à déterminer lui–même la procédure d’introduction des demandes de capacités d’infrastructure auprès du guichet unique visé à l’article 13, paragraphe 1, [dudit] règlement, y
compris, comme en l’espèce, à prescrire l’utilisation exclusive d’un outil de réservation électronique, ou bien cette procédure est-elle soumise aux dispositions générales de l’article 27, paragraphes 1 et 2, [de la directive 2012/34], combiné à l’annexe IV, point 3, sous a), de [celle-ci], de sorte que seuls les gestionnaires de l’infrastructure participant à un corridor de fret peuvent la réglementer dans leur propre document de référence du réseau ?
2) Dans l’hypothèse où il convient de répondre à la première question en ce sens que la procédure visée [à cette question] ne peut être réglementée que dans les documents de référence du réseau des gestionnaires de l’infrastructure participant à un corridor de fret, la vérification de ces documents par un organisme national de contrôle est-elle régie à cet égard par l’article 20 du règlement no 913/2010 ou bien est-elle également régie par les seules dispositions de la directive 2012/34[...] et
les dispositions nationales adoptées pour sa mise en œuvre ?
a) Si la vérification est régie par l’article 20 du règlement [...] no 913/2010, est-il compatible avec les dispositions de cet article qu’un organisme national de contrôle s’oppose à des règles prévues par le document de référence du réseau telles que celles visées [à la première question], sans agir de manière conjointe et en substance cohérente avec les organismes de contrôle des [...] États [membres autres que celui concerné] participant au corridor de fret ou du moins sans les consulter
au préalable afin de parvenir à une approche commune ?
b) Dans la mesure où la vérification est régie par les dispositions de la directive 2012/34[...] et les dispositions nationales adoptées pour sa mise en œuvre, est-il compatible avec celles–ci, et notamment avec l’obligation générale de coordination prévue à l’article 57, paragraphe 1, [premier alinéa,] deuxième phrase, de cette directive, qu’un organisme national de contrôle conteste de telles règles, sans agir de manière conjointe et en substance cohérente avec les organismes de contrôle des
[...] États [membres autres que celui concerné] participant à un corridor de fret ou du moins sans les consulter au préalable afin de parvenir à une approche commune ?
3) S’il y a lieu de répondre à la première question que le comité de gestion d’un corridor de fret est habilité à déterminer lui–même la procédure visée [à cette question], un organisme national de contrôle est-il autorisé, conformément à l’article 20 du règlement no 913/2010 ou aux dispositions de la directive 2012/34[...] et aux dispositions nationales adoptées pour la mise en œuvre de celle–ci, à procéder à une vérification du document de référence du réseau d’un gestionnaire de
l’infrastructure allant au-delà de sa conformité matérielle à la procédure établie par le comité de gestion et, le cas échéant, à le contester, lorsque ce document contient des dispositions régissant cette procédure ? Dans l’affirmative, comment convient-il de répondre [à la deuxième question], compte tenu de cette compétence de l’organisme de contrôle ?
4) Dans la mesure où, sur la base des questions précédentes, les organismes nationaux de contrôle disposent de compétences pour vérifier la procédure visée [à la première question], l’article 14, paragraphe 1, du règlement [...] no 913/2010 doit-il être interprété en ce sens que le cadre réglementaire établi par le comité exécutif en vertu de cette disposition relève du droit de l’Union qui lie les organismes nationaux de contrôle et les juridictions nationales, prime le droit national et est
soumis à une interprétation finale contraignante de la Cour [...] ?
5) En cas de réponse affirmative à la quatrième question, la disposition prise conformément à l’article 14, paragraphe 1, du règlement [...] no 913/2010 par les comités exécutifs de l’ensemble des corridors de fret, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du cadre réglementaire considéré, et selon laquelle les capacités de l’infrastructure sur le corridor de fret doivent être publiées et allouées via un système international d’introduction des demandes, qui doit être coordonné autant que possible
avec les autres corridors de fret, s’oppose-t-elle à la décision d’un organisme national de contrôle d’imposer à un gestionnaire de l’infrastructure participant à un corridor de fret, aux fins de son document de référence du réseau, des exigences quant à la conception de ce système d’introduction des demandes qui n’ont pas fait l’objet d’une coordination avec les organismes nationaux de contrôle des États [membres autres que celui concerné] parties aux corridors de fret ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
44 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, paragraphe 1, l’article 14, paragraphe 9, et l’article 18, sous c), du règlement no 913/2010 ainsi que l’article 27, paragraphes 1 et 2, de la directive 2012/34, lu conjointement avec l’annexe IV, point 3, sous a), de cette directive, doivent être interprétés en ce sens que l’autorité compétente pour adopter les règles applicables à la procédure d’introduction des demandes de capacités d’infrastructure, y
compris en ce qui concerne l’utilisation exclusive d’un système de réservation électronique déterminé, auprès du guichet unique prévu à cet article 13, paragraphe 1, est le comité de gestion, institué conformément à l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement, ou le gestionnaire de l’infrastructure, défini à l’article 3, point 2, de ladite directive.
45 Dès lors que cette question vise l’interprétation des dispositions du règlement no 913/2010 et de la directive 2012/34, il convient, à titre liminaire, de souligner qu’il ressort du considérant 7 de ce règlement que, sauf disposition contraire, ledit règlement doit être appliqué sans préjudice des droits et des obligations des gestionnaires de l’infrastructure prévus par les directives 91/440 et 2001/14. Dans la mesure où la directive 2012/34 a abrogé ces deux directives et que, conformément à
son article 65, les références faites auxdites directives abrogées s’entendent comme faites à la directive 2012/34, les dispositions du règlement no 913/2010 doivent, dès lors, être lues à la lumière de cette dernière directive, à moins qu’elles n’en disposent autrement.
46 Afin de répondre à la première question, il y a lieu, par conséquent, d’examiner le rôle que le règlement no 913/2010 attribue au comité de gestion des corridors de fret tout en tenant compte des dispositions de la directive 2012/34 relatives aux tâches dévolues aux gestionnaires de l’infrastructure.
47 À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que les dispositions du droit de l’Union doivent être interprétées en fonction non seulement des termes de celles-ci, mais également de leur contexte ainsi que des objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie (voir, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2021, De Ruiter, C‑361/19, EU:C:2021:71, point 39 et jurisprudence citée).
48 S’agissant, en premier lieu, du libellé des dispositions pertinentes du règlement no 913/2010 et de la directive 2012/34, premièrement, il ressort de l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement que, pour chaque corridor de fret, les gestionnaires de l’infrastructure concernés mettent en place un comité de gestion, qui se compose de représentants de tels gestionnaires, chargé de prendre des mesures comme prévu expressément, notamment, à cet article 8, paragraphe 9, à l’article 12, à l’article 13,
paragraphe 1, à l’article 14, paragraphes 2, 6 et 9, à l’article 16, paragraphe 1, ainsi qu’à l’article 18 dudit règlement.
49 Ainsi, tout d’abord, selon l’article 8, paragraphe 9, et l’article 12 du règlement no 913/2010, le comité de gestion, d’une part, coordonne, conformément aux plans nationaux et européens de déploiement, l’utilisation des applications informatiques interopérables ou de solutions alternatives qui peuvent devenir disponibles à l’avenir, pour traiter les demandes de sillons internationaux et gérer le trafic international sur le corridor de fret, et, d’autre part, coordonne et assure la publication de
la programmation de tous les travaux à effectuer sur l’infrastructure et ses équipements qui restreindraient la capacité disponible sur le corridor de fret.
50 Ensuite, conformément à l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 913/2010, le comité de gestion désigne ou crée le guichet unique, qui consiste en un organe commun donnant aux candidats la possibilité de présenter des demandes, et d’obtenir une réponse à celles-ci, en un seul endroit et en une seule opération, concernant les capacités d’infrastructure pour les trains de marchandises traversant au moins une frontière le long du corridor de fret. À cet égard, aux termes de l’article 14,
paragraphes 2, 6 et 9, ainsi que de l’article 16, paragraphe 1, de ce règlement, le comité de gestion évalue les besoins de capacités à allouer aux trains de marchandises circulant sur le corridor de fret, promeut la coordination des règles de priorité relatives à la répartition des capacités sur un tel corridor, met en place des procédures pour assurer une coordination optimale entre les gestionnaires de l’infrastructure pour la répartition de ces capacités, à la fois pour les demandes visées
audit article 13, paragraphe 1, et pour les demandes reçues par les gestionnaires de l’infrastructure concernés, de même qu’il met en place des procédures de coordination de la gestion du trafic le long desdits corridors.
51 Enfin, il ressort de l’article 18 du règlement no 913/2010 que le comité de gestion établit, met régulièrement à jour et publie un document qui contient, en substance, les informations sur les conditions d’utilisation du corridor de fret y compris, ainsi que cela ressort des points a) et c) de cet article, toutes les informations figurant dans les documents de référence des réseaux nationaux qui concernent le corridor de fret, établis conformément à la procédure prévue à l’article 27 de la
directive 2012/34, ainsi que les informations relatives aux procédures visées aux articles 13 à 17 de ce règlement.
52 Il résulte ainsi du libellé des dispositions du règlement no 913/2010 mentionnées aux points 48 à 51 du présent arrêt, d’une part, que le législateur de l’Union a voulu préciser de manière expresse les mesures que le comité de gestion est chargé de prendre et, d’autre part, que ce comité a, en substance, un rôle de coordination portant, notamment, sur les capacités d’infrastructure, sur les informations disponibles à cet égard ainsi que sur certains aspects des demandes de telles capacités.
53 Cependant, ces dispositions n’indiquent aucunement que le rôle dudit comité pourrait aller jusqu’à permettre à celui-ci de déterminer la procédure d’introduction des demandes de réservation des capacités d’infrastructure auprès du guichet unique.
54 Deuxièmement, quant aux tâches dévolues au gestionnaire de l’infrastructure par la directive 2012/34, d’une part, il résulte de l’article 27, paragraphe 1, de cette directive que chaque gestionnaire de l’infrastructure doit établir et publier le document de référence du réseau national et, d’autre part, aux termes du paragraphe 2 de cet article, lu en combinaison avec l’annexe IV, point 3, sous a), de ladite directive, un tel document contient les procédures d’introduction des demandes de
capacités auprès du gestionnaire de l’infrastructure par les candidats.
55 Il ressort ainsi du libellé de ces dispositions de la directive 2012/34 que l’adoption des règles applicables à la procédure d’introduction des demandes de capacités d’infrastructure, telles que celles qui sont présentées auprès du guichet unique pour les trains de marchandises traversant au moins une frontière le long du corridor de fret, au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 913/2010, relève de la compétence du gestionnaire de l’infrastructure.
56 En deuxième lieu, l’examen du contexte des dispositions pertinentes du règlement no 913/2010 et de la directive 2012/34 confirme les conclusions figurant aux points 52 et 55 du présent arrêt.
57 Premièrement, ainsi que l’indique le considérant 26 dudit règlement, l’exigence selon laquelle le comité de gestion établit, met régulièrement à jour et publie le document visé à l’article 18 du même règlement vise à faciliter l’accès aux informations, contenues notamment dans les documents de référence des réseaux nationaux et relatives à l’utilisation de l’ensemble des principales infrastructures du corridor de fret, ainsi qu’à garantir un accès non discriminatoire à ce corridor.
58 Il s’ensuit, ainsi que M. l’avocat général l’a, en substance, relevé au point 71 de ses conclusions, que ce document a un caractère informatif.
59 Deuxièmement, l’article 56, paragraphe 2, de la directive 2012/34 octroie à l’organisme de contrôle institué conformément à l’article 55, paragraphe 1, de cette directive, qui est une autorité autonome et indépendante, le pouvoir de vérifier, notamment, si le document de référence du réseau, défini à l’article 3, point 26, de ladite directive, contient des clauses discriminatoires ou octroie au gestionnaire de l’infrastructure des pouvoirs discrétionnaires pouvant être utilisés à des fins de
discrimination à l’égard des candidats. Il découle ainsi d’un tel contrôle du respect du principe de non-discrimination dans le cadre du document de référence du réseau que c’est bien au gestionnaire de l’infrastructure, qui doit établir et publier ce document, et non pas au comité de gestion, qu’il revient de déterminer la procédure d’introduction des demandes de capacités d’infrastructure présentées par les candidats.
60 Il importe, à cet égard, de rappeler que, dans le cadre de l’analyse de l’article 27, paragraphes 1 et 2, ainsi que de l’annexe IV de la directive 2012/34, la Cour a déjà jugé que toute demande de capacités d’infrastructure doit, en vertu de cette directive, être introduite auprès du gestionnaire de l’infrastructure par une entreprise ferroviaire conformément au document de référence du réseau élaboré par celui-ci et doit répondre aux principes et aux critères figurant dans ce document. (voir, en
ce sens, arrêt du 28 février 2019, SJ, C‑388/17, EU:C:2019:161, point 38).
61 S’agissant, en troisième lieu, de l’objectif poursuivi par le règlement no 913/2010, lu à la lumière de la directive 2012/34, il résulte de l’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement que ce dernier établit les règles de mise en place et d’organisation de corridors ferroviaires internationaux pour un fret compétitif en vue de créer un réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif ainsi que des règles de sélection, d’organisation et de gestion des corridors de fret.
62 À cet égard, ainsi que l’indique le considérant 4 du règlement no 913/2010, afin d’optimiser l’utilisation du réseau et d’assurer sa fiabilité, ce règlement établit de nouvelles procédures pour renforcer la coopération entre les gestionnaires de l’infrastructure en ce qui concerne la répartition des sillons internationaux pour les trains de marchandises.
63 Or, s’il est vrai qu’une telle coopération entre les gestionnaires de l’infrastructure dans le cadre d’un corridor de fret ne peut être garantie qu’au sein du comité de gestion, chargé, en particulier, d’établir les règles visant à la mise en œuvre du guichet unique pour chaque corridor de fret, il n’en découle pas pour autant qu’un tel comité de gestion soit compétent pour déterminer spécifiquement la procédure d’introduction des demandes de capacités d’infrastructure. En effet, une telle
compétence risquerait de porter atteinte aux tâches des gestionnaires de l’infrastructure, prévues par la directive 2012/34, ce qui irait à l’encontre de la volonté du législateur de l’Union, exprimée au considérant 7 du règlement no 913/2010, de respecter, sauf disposition contraire, les droits et les obligations que cette directive attribue aux gestionnaires de l’infrastructure.
64 À cet égard, il convient de rejeter l’argument de DB Netz selon lequel cet objectif de coopération pourrait être compromis si les gestionnaires de l’infrastructure étaient compétents pour réglementer la procédure d’introduction des demandes de capacités d’infrastructure dans leur document de référence du réseau, car une telle compétence impliquerait un risque de règles incohérentes découlant des différents documents de référence des réseaux nationaux.
65 En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 69 de ses conclusions, la procédure prévue dans le document de référence du réseau, qui comprend, notamment, celle relative à l’introduction des demandes de capacités d’infrastructure auprès du guichet unique, reflète précisément la coopération entre les gestionnaires de l’infrastructure, ainsi que cela ressort des dispositions de l’article 40, paragraphe 1, de la directive 2012/34. D’ailleurs, il convient de relever, à cet égard, que,
afin de garantir l’objectif de coopération des gestionnaires de l’infrastructure, il apparaît nécessaire d’interpréter les dispositions du règlement no 913/2010 relatives au rôle du comité de gestion, examinées aux points 48 à 51 du présent arrêt, en ce sens qu’il revient à celui-ci de s’assurer que les documents de référence des réseaux nationaux ne contiennent pas de règles contradictoires.
66 Il résulte de toutes les considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la première question que l’article 13, paragraphe 1, l’article 14, paragraphe 9, et l’article 18, sous c), du règlement no 913/2010 ainsi que l’article 27, paragraphes 1 et 2, de la directive 2012/34, lu conjointement avec l’annexe IV, point 3, sous a), de cette directive, doivent être interprétés en ce sens que le gestionnaire de l’infrastructure, défini à l’article 3, point 2, de ladite directive, est l’autorité
compétente pour adopter, dans le cadre du document de référence du réseau national, les règles applicables à la procédure d’introduction des demandes de capacités d’infrastructure, y compris en ce qui concerne l’utilisation exclusive d’un système de réservation électronique déterminé, auprès du guichet unique prévu à cet article 13, paragraphe 1.
Sur la deuxième question
67 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la vérification par un organisme national de contrôle des règles relatives à la procédure d’introduction des demandes de capacités d’infrastructure auprès du guichet unique prévues dans le document de référence du réseau est régie par les dispositions de l’article 20 du règlement no 913/2010 ou bien par les dispositions de la directive 2012/34, en particulier celles de l’article 57, paragraphe 1, premier alinéa, de cette
directive, et si ces dispositions doivent être interprétées en ce sens que l’organisme de contrôle d’un État membre est en mesure de s’opposer à ces règles sans coopérer avec les organismes de contrôle des autres États membres participant au corridor de fret ou, du moins, sans les consulter au préalable afin de parvenir à une approche commune.
68 Il ressort, en substance, du libellé de l’article 20, paragraphes 1 et 3, du règlement no 913/2010 que les organismes de contrôle coopèrent et se consultent pour surveiller la concurrence sur le corridor de fret afin d’assurer, en particulier, un accès non discriminatoire à ce corridor.
69 En outre, l’article 56, paragraphe 2, de la directive 2012/34 prévoit un contrôle du document de référence du réseau, assuré par l’organisme de contrôle de sa propre initiative, « en vue de prévenir toute discrimination à l’égard des candidats », spécifiant que cet organisme « vérifie notamment si le document de référence du réseau contient des clauses discriminatoires ». À cet égard, comme à propos de l’ensemble des compétences qui leur sont attribuées et qui comportent un pouvoir de décision,
il découle de l’article 57, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive que les organismes de contrôle coopèrent afin de coordonner leurs processus décisionnels dans l’ensemble de l’Union.
70 Il s’ensuit que le contrôle d’un document de référence du réseau, effectué par un organisme de contrôle afin de prévenir les traitements discriminatoires, d’une part, est susceptible de relever aussi bien des dispositions de l’article 20 du règlement no 913/2010 que de celles de l’article 56, paragraphe 2, de la directive 2012/34. D’autre part, tant l’article 20 du règlement no 913/2010 que l’article 57, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2012/34 imposent, dans un tel cas, une
coopération entre les organismes de contrôle. Toutefois, dans le cas, tel que celui en cause au principal, où ce contrôle porte, en particulier, sur les règles relatives à la procédure d’introduction des demandes de capacités d’infrastructure d’un corridor de fret, les organismes de contrôle doivent se conformer aux obligations de coopération spécifiquement prévues à l’article 20 du règlement no 913/2010.
71 S’agissant du point de savoir si, et dans quels cadre et conditions, cet article 20 exige que l’organisme de contrôle d’un État membre effectue seul, ou en coopération avec les organismes de contrôle des autres États membres concernés par un corridor de fret, la vérification du document de référence du réseau du gestionnaire de l’infrastructure, d’une part, il résulte, tout d’abord, dudit article 20, paragraphe 1, première phrase, que les organismes de contrôle doivent coopérer pour surveiller la
concurrence sur le corridor de fret. Ensuite, selon le paragraphe 3 de ce même article 20, en cas de plainte en ce qui concerne des services internationaux de fret ferroviaire ou dans le cadre d’une enquête menée de sa propre initiative, l’organisme de contrôle de l’État membre concerné consulte les organismes de contrôle de tous les autres États membres traversés par le sillon international pour le train de marchandises concerné et leur demande toutes les informations nécessaires avant de
prendre sa décision.
72 Enfin, aux termes du considérant 25 du règlement no 913/2010, qui fait écho à ce qui est prévu à l’article 20, paragraphe 1, deuxième phrase, de ce règlement, afin de garantir un accès non discriminatoire aux services ferroviaires internationaux, il est nécessaire de veiller à une bonne coordination entre les organismes de contrôle en ce qui concerne les différents réseaux couverts par le corridor de fret.
73 Il résulte ainsi de l’article 20 du règlement no 913/2010, lu à la lumière du considérant 25 de ce règlement, un devoir de coopération entre les organismes de contrôle des États membres qui les oblige à parvenir, dans la mesure du possible, à une approche commune lorsque, dans le cadre de leurs compétences de contrôle, ils adoptent une décision visant à assurer l’accès non discriminatoire aux corridors de fret ferroviaire.
74 D’autre part, il convient de souligner que cette obligation de coopération contribue également à garantir l’objectif poursuivi par ledit règlement de renforcer la coopération entre les gestionnaires de l’infrastructure à travers, notamment, la mise en place de comités de gestion chargés de désigner ou de créer le guichet unique. En effet, l’absence de coopération entre les organismes de contrôle, qui sont chargés, en particulier, d’assurer un accès non discriminatoire aux corridors de fret,
risquerait de permettre l’apparition de règles de sélection et d’organisation différentes, et potentiellement contradictoires, relatives aux services de fret ferroviaire pour un même corridor de fret, ce qui pourrait avoir pour conséquence de remettre en cause le système de coordination instauré par le guichet unique.
75 Par conséquent, en l’occurrence, l’Agence fédérale des réseaux ne saurait prendre une décision, telle que celle en cause au principal, sans se conformer aux obligations de coopération qui découlent de l’article 20 du règlement no 913/2010 et, en particulier, sans consulter, au préalable, les autres organismes de contrôle concernés.
76 Cela étant, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 85 de ses conclusions, il ne ressort d’aucune disposition du règlement no 913/2010 que l’obligation de coopération entre les organismes de contrôle implique qu’un organisme de contrôle d’un État membre soit tenu d’obtenir le consentement des organismes de contrôle des autres États membres concernés avant d’adopter une décision, ou qu’il soit lié par les décisions prises par ces autres organismes de contrôle.
77 Il découle des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la deuxième question que la vérification par un organisme national de contrôle des règles relatives à la procédure d’introduction des demandes de capacités d’infrastructure auprès du guichet unique prévues dans le document de référence du réseau est régie par les dispositions de l’article 20 du règlement no 913/2010, et que ces dispositions doivent être interprétées en ce sens que l’organisme de contrôle d’un État membre ne
saurait s’opposer à ces règles sans se conformer aux obligations de coopération qui découlent de cet article 20 et, en particulier, sans consulter les organismes de contrôle des autres États membres participant au corridor de fret, afin de parvenir, dans la mesure du possible, à une approche commune.
Sur la troisième question
78 Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu d’examiner la troisième question.
Sur la quatrième question
79 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 913/2010 doit être interprété en ce sens que le cadre pour la répartition des capacités de l’infrastructure sur le corridor de fret établi par le comité exécutif en vertu de cette disposition constitue un acte de droit de l’Union.
80 À cet égard, cette juridiction s’interroge, en particulier, sur le point de savoir si ce cadre s’oppose à ce qu’un organisme de contrôle national puisse adopter une décision qui impose un système d’introduction des demandes de capacités de l’infrastructure auprès du guichet unique sans avoir fait l’objet d’une coordination avec les autres organismes de contrôle nationaux concernés par le corridor de fret.
81 Il y a lieu de souligner que, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 913/2010, pour chaque corridor de fret, un comité exécutif est mis en place par les États membres concernés, à savoir par ceux dont le territoire est traversé par le corridor de fret, chargé de définir les objectifs généraux du corridor de fret, de superviser et de prendre, notamment, les mesures prévues expressément à l’article 14, paragraphe 1, de ce règlement. Le comité exécutif se compose de représentants
des autorités des États membres concernés et, selon le paragraphe 4 dudit article 8, prend ses décisions par consentement mutuel de ces représentants.
82 En outre, il ressort du libellé dudit article 14, paragraphe 1, que le comité exécutif définit le cadre pour la répartition des capacités de l’infrastructure sur le corridor de fret concerné, conformément à l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2001/14, qui, eu égard à ce qui a été indiqué au point 45 du présent arrêt, correspond à l’article 39, paragraphe 1, de la directive 2012/34.
83 Or, aux termes de cette dernière disposition, ce sont les États membres qui ont la possibilité de mettre en place le cadre pour la répartition des capacités de l’infrastructure, sous réserve que soit satisfaite la condition relative à l’indépendance de gestion, prévue à l’article 4 de cette directive.
84 Ainsi, il résulte de ces dispositions que, si la création du comité exécutif est prescrite par le droit de l’Union en vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 913/2010, un tel comité exécutif est mis en place par les États membres et ne constitue donc pas une institution, un organe ou un organisme de l’Union.
85 Le fait que le cadre pour la répartition des capacités de l’infrastructure sur le corridor de fret, au sens de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 913/2010, est adopté par le comité exécutif signifie seulement que son adoption est effectuée au moyen d’une action collective des gestionnaires de l’infrastructure et, donc, des États membres concernés, qui vise à mettre en œuvre le droit de l’Union, tel que prévu par le règlement no 913/2010 et la directive 2012/34.
86 Par conséquent, un tel cadre ne constitue pas un acte du droit de l’Union et, donc, ne présente pas les caractéristiques spécifiques de ce dernier.
87 Il s’ensuit que, en l’occurrence, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 96 de ses conclusions, le cadre instauré par le comité exécutif pour la répartition des capacités de l’infrastructure sur le corridor de fret, au sens de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 913/2010, ne s’oppose pas à l’intervention de l’organisme de contrôle national concerné, dans un cas tel que celui de l’affaire au principal, aux fins de remédier à un éventuel problème de discrimination portant sur la
procédure d’introduction des demandes de capacités d’infrastructure auprès du guichet unique, telle qu’elle figure dans le document de référence du réseau du gestionnaire de l’infrastructure.
88 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question que l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 913/2010 doit être interprété en ce sens que le cadre pour la répartition des capacités de l’infrastructure sur le corridor de fret établi par le comité exécutif en vertu de cette disposition ne constitue pas un acte de droit de l’Union.
Sur la cinquième question
89 Compte tenu de la réponse apportée à la quatrième question, il n’y a pas lieu d’examiner la cinquième question.
Sur les dépens
90 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :
1) L’article 13, paragraphe 1, l’article 14, paragraphe 9, et l’article 18, sous c), du règlement (UE) no 913/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2010, relatif au réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif, ainsi que l’article 27, paragraphes 1 et 2, de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, établissant un espace ferroviaire unique européen, lu conjointement avec l’annexe IV, point 3, sous a), de cette directive, doivent
être interprétés en ce sens que le gestionnaire de l’infrastructure, défini à l’article 3, point 2, de ladite directive, est l’autorité compétente pour adopter, dans le cadre du document de référence du réseau national, les règles applicables à la procédure d’introduction des demandes de capacités d’infrastructure, y compris en ce qui concerne l’utilisation exclusive d’un système de réservation électronique déterminé, auprès du guichet unique prévu à cet article 13, paragraphe 1.
2) La vérification par un organisme national de contrôle des règles relatives à la procédure d’introduction des demandes de capacités d’infrastructure auprès du guichet unique prévues dans le document de référence du réseau est régie par les dispositions de l’article 20 du règlement no 913/2010 et ces dispositions doivent être interprétées en ce sens que l’organisme de contrôle d’un État membre ne saurait s’opposer à ces règles sans se conformer aux obligations de coopération qui découlent de cet
article 20 et, en particulier, sans consulter les organismes de contrôle des autres États membres participant au corridor de fret, afin de parvenir, dans la mesure du possible, à une approche commune.
3) L’article 14, paragraphe 1, du règlement no 913/2010 doit être interprété en ce sens que le cadre pour la répartition des capacités de l’infrastructure sur le corridor de fret établi par le comité exécutif en vertu de cette disposition ne constitue pas un acte de droit de l’Union.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.